i/f^
xi
^ , rAA J'Û^k toi
^4i.
'.y'"-
Digitized by the Internet Archive
in 2010 witii funding from
University of Ottawa
http://www.archive.org/details/revuecomiqueluOOpari
v^
RKvrr. coArioiE
- TYI'0(iRAI'IlIE I.ACRAMTE FILS ET t'^
Rue niiiiiidlo. i.
rÂMEU DE LA KABRlglE d' ESSONNE.
LA
l{i:\llE (OMIOl I
^
A i.'usAdi: in;s (ii:\s skiui:i \.
iiisidiiii; >i(iit\ii;, !■ Il I iiiMii' Il lui i; , roi.iTioiK
eu 1 1 I (.11 1 , III i \.]\ u 11 1, r, r V n i i -^ r i ni n
m. 1, \ s 1. >i A I N I .
A. LiiiEiJx — c. cahaimki. — p. Miiini — i:. m; lA iiiniii.iii m; — litnAun m: nerval — etc., etc.
BERTALL — NAUARÇ) — tAimir/U S — (ITTU — l.dHEN rZ — BElil IN — yUILLENBOlS — ETC.
NOVE.MIîRt; 18'(8 — AVKIL 1849.
1>\R1S
I ) V M I N !■: Il AY , i> 1 B 11 A 1 n !■: - 1': i> 1 1 1: i
IIICHKLIEU.
Li GBENOriIlE ET LE BOEIF.
— Exirait du PlPPET Show.
VISITE AL' LION DK W.UEKl.dO.
Dessiné par Schmit.
Gravé par Wii-U/'-MS.
NF.z Dr pniN*:E mt r rire pendant i..v lecture de l*artici.e (ï8 de la constititio.n,
AVRC CNE VCE DE SOS f ONrlUENT.
De5SttȎ par Otto.
Gravé par Bar\
Ce pelil Kouln^uel, doiil la l"raiice su moque,
A du bonaparlisme arboré le drapiaii.
Des brillanis s-ouvenirs, qi/avec bruit il évoque,
Aux campaf^iiards séduils il présenlc l'appeau.
El pour mieux soutenir son candidat baroque,
Astucieux serpent, il a chaulé de peau.
Du vainqueur d'Auslerlilz il a pris la défroque :
La redingotte grise et le petit chapeau.
La lorgnette à la main, en t;énoral habile,
Il contemple le champ, so'jiLé d'encie cl de bile.
Où combattent Bugeaud, Girardin et Viron.
Ce pygmée, affublé d'un harnais de bataille,
Espère en vain grandir sa misérable taille;
Mais ce n'est que le tiers d'un faux Napoléon
Dentsé pu Fashitzii-s.
GraTé pir BaDLAMT.
p. 6t.
Dïssiné par OTto
Voyez de ce dessin quel est le sens profond ;
Dans ce chapeau fameux, mais qui n"a plus de fond,
Si notre République, hélas! pique une léte,
ta passant au travers comme un irait d'arbalète,
Aux m;iins du parti rougo elle tombe d'un bond!
Oui, bourgeois aveugles, gent débonnaire au fond,
On peut vous le prédire, cl sans ôtre prophète,
Si la Terreur revient, c'esl vous qui l'uurez faite.
Gr»v« par Ballant.
u Kii prùsprice de Dieu el deviiiit le [leuiile IVaiiÇiiis, je jur/ ilé r.'ster li.l^le a la Ukim iu,ic.in; riLMoiUAiiniF,
une el iiiiliriMlile, e( île rvnipllr Iniis les drMiii-s i|iie iiriiiipiise la Ciinsliliilioii. n
Dessiné par OîTu.
Gravé par BiiIsuAtiK.
LE GATEAU DES ni'H DE ISl').
D?s^iné par Fabritzics.
Gravé par BauLant.
UN NOUVEAU 13 MAI,
-.1 Milla It'- pens qii
iii-liinil aiiMivliisles:
Da^iné par Xaiiard.
Gravé par Baulant.
, Blilil KVAHU Ill':s ITAI 11'.^
30 cciiflnici* la livralHoii.
hUP. mCOELIEV, ."là
iditlons de la Souscription. — La Revue comique formera un iniisnifique volume, grand in-8, publié en 30 livraisons à 30 centimes,
ir la poste, -iO centimes. — Pour tout ce qui concerne la direction, écrire [franco] à M. Lireui, au bureau de la Revue, 2, boulevard des
taliens.
i' nilTION. DVMINXHAT. BDITEVR, 53, HUK &ICBEI.IED. [re LivTaiSOn.
P.iri..— TirJ aux preoei mjfaniqne! àt Lickamph Hli «1 Comp., rue Uainielle,
QUKLQUES LIGNES DE PREFACE.
Dr COMIQUE ET DP SEBIEIX. — NOS INTENTIONS.
Ce n'est pas en France, dans le pajs où Haliekis,
Montaigne et Voltaire ont écrit, qu'il est possible de
nier que si le sérieux a son côlc comique, le comique
puisse à son tour avoir son côté sérieux.
Nous n'étonnerons donc personne en disant que
c'est aux esprits réfléchis, bien plus qu'aux esprits fri-
voles de ce tennps-ci, que nous destinons notre recueil,
et que, sous ce titre : Revue comique, nous entendons
faire, sous une forme souvent légère, une œuvre au
fond toujours sérieuse.
Le comique, en France, ce n'est pas Scapin seule-
ment, Scapin est de tous les pays; c'est Akeste lui-
même, c'est Figaro, c'est Timon, c'est ce qui est plai-
sant jusque dans la colère, c'est ce qui est digne jus-
que dans la plaisanterie, c'est ce qui est cruel, au be-
soin, et implacable contre les pervers et les menteurs ;
mais c'est aussi et surtout, hàlons-nous de le dire, la
raison aimable, la gaieté du bon sens.
Dangers, misères, supplices, n'ont jamais fait fuir
la gaieté de France. Pour l'Allemagne sentimentale,
pour la chagrine Angleterre, le rire est un effort, un
masque grimaçant, presque une inQrmité. Chez nous,
le rire est un don de nature; il nous a sauvés bien
souvent, il nous sauvera encore. C'est parce que nous
savons rire que nous savons regarder en face un orage,
et qu'au lieu de nous croiser les bras à l'heure du péril
comme les Orientaux, qui ne rient jamais, nous savons
courir aux pompes et dominer la tempête.
Rh quoi , nous dira-t-on, n'avez-vous pas d'yeux
pour voir ce qui se fait, pas d'oreilles pour entendre ce
qui se dit, pas de cœur pour souffrir avec le pays des
maux qui l'écrasent? Aurez-vous bien le courage de
ru-e à l'heure où nous sommes, ne fut-ce que de ce rire
dont parle la romance, lequel est bien souvent plus
triste que les pleurs? Pleurez, au contraire, pleurez
sans façon et devant tous ; pleurez sur la place publique,
trépîgnez, tempèlez, étalez vos douleurs ; faites connue
nous.
C'est une belle chose, il faut en convenir, que la
violence, puisque, grâce à elle, les vérités, voire les
meilleures, peuvent devenir odieuses, et qui pis est,
ridicules. Aussi, de cette violence dont on nous offre
de si beaux exemples, dont nous voyons de si piteux
effets, aurons-nous soin de nous garder. Forte, sensée,
intelligente, sûre de son passé et sûre de son avenir
comme elle l'est, la France a horreur des colères inu-
tiles ; ce qu'elle déteste par-dessus tout, même à
l'heure où elle semble s'y montrer le plus attentive,
c'est l'exagération dans la forme ; c'est la passion ,
quand cette passion est dans les mots seulement; c'est
enfin le bruit sans la besogne, la fumée sans le feu.
Assurés que nous sommes que, pour un bon et \i-
goureux pays comme le nôtre, il n'est point de mala-
die sans remède, et qu'on peut dire de lui ce que
saint Paul disait du peuple : « Qu'il peut être patient,
parce qu'il est éternel; -o patiens quia œferniis , nous
n'ajouteions pas à ses maux le mal qui est le pire de
tous, celui qu'on a appelé le mal de la peur.
REVUE COMIQUE
Nous traiterons sérieusement, avec un zèle sym-
pathique, ses maladies sérieuses, — ce n'est pas notre
titre qui nous séchera les yeux, — mais nous ferons
justice des maux factices, des misères artificielles, des
plaies simulées ; nous eu débarrasserons la voie pu-
blique, et nous dévoilerons sans merci les manœuvres
effrontées de certains médecins en renom qui inventent
des maladies pour avoir l'occasion de débiter leurs
drogues et de l'aire avaler leurs remèdes à la foule
crédule des malades imaginaires.
Nouveaux venus dans la carrière, nous n'avons d'en-
gagement pris qu'envers la vérité. Ceux qui ont intérêt
à la cacher, celle vérité, le sentiront bientôt. A une
situation nouvelle, il faut des organes nouveaux
comme elle; or, dans noire sphère, nous avons la pré-
tention d'être un organe entièrement nouveau.
Et ce n'est pas, peut-être, un médiocre avantage.
Dans une société aussi facile que la nôtre, où les liens
se forment du moindre prétexte, de la moindre occa-
sion, où l'on en vient à se saluer parce qu'on s'est re-
gardé deux fois en se croisant dans une rue, tout passé,
fùt-il le plus honorable, est une entrave, est un obsta-
cle, est un empêchement, nos confrères le savent bien,
à ce que la vérité puisse se dire.
Cet obstacle n'existe pas pour nous; nous sommes
eu mesure d'être sincères, sans forfanterie comme sans
impolitesse, sans manquer enfin à aucun de ces petits
devoirs dont se compose la vie de riiomme bien élevé.
.Nous allons partout; mais obscurs comme nous le
sommes, on ne nous voit nulle part. — Nous serons
donc des mieux informés. — Nous connaîtrons les
hommes, nous connaîtrons les choses, nous sommes
en mesure de dire toutes les vérités qui sont bonnes à
dire ; nous nous efforcerons de ne dire que celles-là ,
et de taire les autres, si tentés que nous puissions
être de ne rien garder pour nous seuls. — Ou le voit,
nous n'invoquons point notre passé, nous n'avons point
d'aïeux; quand ou a aboli les tilres, ou ne nous a
rien ôlé ; notre seul domaine, comme à vuus, chers
lecleiii's , c'est l'avenir; — l'avenir, c'esl sur hii que
nous détournerons vos yeux quand le présent sera trop
douloureux. — Patience, le sang reviendra dans
nos cœurs languissants; nos épreuves sont grandes :
qu'importe, si notre courage les égale? tant mieux, s'il
doit les surpasser et les vaincre ! il faut déchirer la
terre pour y jeter une semence; la semence faite,
l'hiver arrive ; pour qui n'aurait |)oint vu le laboureur,
qu'y aurait-il à attendre de cette terre couverte en
apparence de fiimas seulement! — et pourtant au
prinlemps l'herbe se montre, les campagnes reverdis-
sent et les épis se lèvent. Eli bien! la main de Dieu,
sa main seule a pu Iroiibler l'Europe, et l'éitranier,
comme il arrive aujourd'hui, sur ses vieux fondements ;
ne croyez pas qu'il ait pu appartenir aux hommes seuls
de décider tous ces grands mouvements; liez-vous-en
à celle main redoutable; ses desseins vous sont cachés,
mais ce n'esl pas en vain, croyez-le bien, qu'elle secoue
les rois et les jieuples; dans ce sol, dans ces empires
bouleversés, une semence mystérieuse est tombée d'en
haut, à coup sûr; patience, l'heure de hi récolte que
Dieu nous prépare sonnera à son tour. La Providence
ne fait point de choses inutiles; si l'homme s'agite,
c'esl, aujourd'hui comme toujours, que Dieu le mène.
(tO.
II.IJ STIIMIO.NS.
Le crayon a des droits, il a des ressources.qui ma'ii-
([uenl à la plume; sans son art notre lâche n'eût été
qu'à moitié remplie ; avec le concours indispensable des
dessinateurs les plus renommés de notre temps, et de
quelques talents encore inconnus , mais qu'on nous
saura gré de mettre en lumière, nous n'avons point à
craindre de rester au-dessous de l'obligation que nous
impose notre litre de lievue comique; et c'est sur cette
coopération principalement que nous nous reposons du
soin de justifier jusque dans son sens le plus étendu
j'épithètc par laquelle n(piis avons caractérisé notre
recueil.
nrùcc à ces deux éléments, la plume el le crayon,
s'enlr'aidanl, se complétant l'une pour l'autre, il nous
sera possible de rendre toute notre pensée , qui se ré-
sume dans celle proposition, laquelle n'est paradoxale
que parce qu'il maïuiiie à notre langue un adjectif qui
permette de séparer le comique noble du comique
vulgaire: «Ecrire une Revue coniiijue à l'usage des
gens sérieux; l'écrire à l'usage du vrai public, eu un
mot, el non dans le but, Irop commun de nos joui's ,
de prôner, de servir i|ueliiue palrnu , quelque acleiir
célèbre ou puissant. »
Disons encore, mais eu deux mots, que notre placi-,
nous la demandons, non-seulement au salon , mais au
coeur même de la maison, dans le foyer domestique,
et que nous n'oublierons jamais , par conséquent, que
notre public est un public de femmes aussi bien que
d'hommes éclairés. '/./..
A I.ISACK DKS <;F.NS SI.IîIKMX.
SMM l'IKIUU;, SVIM VWL KT Lr:S Hll'l HFJCAINS 1)K LA VKILLK.
Il o>t tiii|i tard pour le dire aux ri'|iul)lii'ains de la
veille; — mais eoiiime mieux vaut, dit-oii, tard que
jamais, je le leur ilirai néanmoins : leur grand tort a été
d'être cxelusifs : ils sont lomliés là dans un péclié (jui est
vieux eoninie le monde ; je voudrais le leur faire sentit
par un exemple.
Il y a eu autrefois, dans un coin du monde, une dou-
laine de répnldiiains, c'est bien peu, un peu moins
qu'en France, nous le reconnaissons, qui, sous le souffle
puissant de l'un d'entre eux, se levèrent décidés à prê-
cher la doctrine, alors bien nouvelle, de la liberté, de
l'égalité et de la fraternité. Parmi ces douze hommes,
il V en avait deux remarquables entre les autres: l'un
s'appelait Pierre, l'antre s'appelait Paul; Pierre était,
et je vais le dire pour être compris, pour être actt el ,
Pierre était muge, j'iiilends qu'il aurait siégé par
exemple à l'assemblée nationale de son pays, s'il y eût
eu dans ce pays une assemblée nationale, à côté du ci-
toyi'H l.edru-Rollin de cette assemblée. F.h bien ! Pierre
disait à l'aul : « Nous sommes juifs, soyons fiers de
l'être, ne baptisons que les juifs. »
.\ quoi Paul, qui, tout républicain de la veille qu'il
était, n'était pas 7-ouge du tout, répondit ; « Pierre,
mon ami, vous n'y pensez pas ; que ferons-nous du
pauvre peuple de juifs que nous sommes? C'est sans
doute un peuple do bonnes i-'ons, qui ont bien mérité
du monde entier; maiscniin depuis longtemps ils onl
vécu bien opprimés, et si ce n'est qu'ils ont appris à
souffrir et qu'ils n'ont peur ni de la mort, ni de la mi-
sère, ni des cachots, pires que la mort et la misère, je
ne vois pas qu'ils puissent à eux seuls suflire à tout ce
qu'il nous faut faire ; il ne s'agit pas seulement aujour-
d'hui de conspirer et d'aller en prison bravement, il faut
que nous nous montrions au grand jour pour enseigner
tout haut la doctrine de notre maître, l'organiser sur
toute la terre, et la faire accepter de tous. Si nous ne
sommes que des juifs pour cette divine besogne, nous
n'en viendrons-jamais à bout. Croyez-moi, baptisons
un peu les Gentils. Ces païens, je vous assure, ont du
bon, et quand notre doctrine sera à eux, ils la défen-
dront honnêtement. Ils aiment ce qui leur appartient,
faisons leur une propriété commune avec nous, de notre
sublime Évangile, et ils le défendront, comme de tout
temps on a défendu ce qu'on sait être son bien.
Pierre se fit bien un peu tirer l'oreille; mais enfin
c'était un brave homme ; c'était un grand saint. Il avait
du bon sens comme tous les gens du peuple, quand on
l'aidait à en avoir, et qu'on le mettait sur la route : il
céda, et, au lieu de n'avoir à garder que les clefs de Jé-
rusalem, il eut bientôt à garder les clefs du paradis.
Le conseil de saint Paul était bon.
00.
LES DEUX OMBRES ET LOriS->APOLÉO>'.
IMIIK. HK I. M.I.KMAMi.l
Entendez-vous dansl'air brumeux ce bruit étrange? 1
on dirait des hennissements lointains de chevaux. .Mi-
nuit sonne ; c'est l'heure des ombres. Des cavaliers
s'ariêlent devant la porte de cet hôtel. On ne k-s a
point vus passer; d'où viennent-ils? Demandez-le au
vieux dragon qui les garde. Comme ses yeux flam-
boient sous son casque! Sa moustache est longue et
blanche. 0 ciel ! le vent qui entr" ouvre son manteau ne
me laisse apercevoir qu'un squelette. Minuit sonne ;
c'est l'heure des ombres.
Un homme est assis dans une belle chambre, de-
vant un feu pétillant. Son costume est celui d'un biil-
lant cavalier qui revient d'une fêle. Sans doute, il a
passé sa soirée au bal, ou au milieu d'un festin joyeux.
Il jette un coup d'oeil distrait sur des lettres et des
journaux répandus sur sa cheminée; puis il se dit,
avec un sourire : Je serai donc roi ! Et sa tète s'incline
sous la fatigue du plaisir, sa paupière se ferme; il va
s'endormir.
Tout à coup la porte s'ouvre avec un bruit solennel,
des bottes éperonnées retentissent sur les tapis moel-
leux. Une voix invisible jette successivement ces mots
à l'écho, avec une lenteur majestueuse :
« L'Empereur !
" Le roi de Rome 1 «
Lhomnie du baf et du joyeux festin se lève en tres-
saillant; il veut faire quelques pas en avant, puis il
s'arrête. Ses janibes chancellent. Voyez comme son
teint est pâle ; il tremble devant cette vision.
Cependant 1 Empereur déboulonne sa redingote
lŒVUE COMIQUK
grise ; il s'avance vers le loyer, et approche du feu ses
grosses bottes, comme au bivouac d'Austerlitz. A côté
de lui, un pâle jeune homme, vêtu d'un uniforme
blanc, se tient debout, dans une attitude mélancolique.
L'Empereur se lève, croise ses mains derrière son dos,
et, marchant à grands pas dans l'appartement, il dit ;
« Savez-vous, mon neveu, pourquoi je suis ici?
— Non, sire, répond le maître du palais,
— Pour vous en)pècher de fiiire une sottise, et de
commettre un sacrilège. Ecoutez-moi bien.
« Vous réclamez mon héritage; mon héritage n'est
à personne, pas même à cet enfant que voilà, et qui,
pourtant, dans son berceau, porta le titre de roi de
Rome, héritier de Napoléon ! Où est donc ma suc-
cession ? Peut-on léguer, par-devant notaire, Arcole,
Marengo, les Pyramides. Austerlitz, ^Vagram, Jlont-
niirail? Vous me parlez d'un sénatus-consulte signé
de ma main. Le temps a déchiré celte vaine formule,
et le vent des révolutions en a emporté bien loin les
débris. Savez-vous, mon neveu, quel est mon héritage,
un héritage que nul ne peut revendiquer? ce sont les
résultats de mon génie, les travaux de ma volonté. Des
idées et des souvenirs, voilà tout ce que j'ai laissé
après ma mort. Cet héritage, nul ne doit y prétendre,
ma gloire ne peut plus se continuer ; si l'on y touche,
on la ternit. La seule ambition qui convienne aux des-
cendants des grands hommes est de se faire oublier.
M'entendez-vous, mon neveu? »
Louis-Napoléon courba la tète.
Alors le roi de Rome, s'approclianl de lui, et mettant
sa main dans la sienne, lui dit d'une voix douce : « Mon
cousin, croyez-moi, ne touchez pas non |)lus à mon
héritage, cela vous porteiait malheur. Hélas! de quoi
se composc-t-il? de quelques pleurs, qui ont coulé
d'un œil de mère, en songeant à ma destinée d'orphe-
lin. Cette couronne, que vous voulez placer sur votre
tète, c'est le captif de Sainte-Hélène, c'est le captif de
Vienne qui chacun vous en ont tressé la moitié. Ne
convertissez pas les larmes et les regrets en monnaie
électorale. Vous voulez régner par le droit du souvenir
et de la pitié. Que restera-t-il au général Ronaparte et
au duc de Heisclitadt lorsque vous aurez livré tout cela
au vent de l'intrigue et de l'ambition? Me comprenez-
vous, mon cousin? »
Louis-Napoléon courba la tète de nouveau.
« Vous n'hériterez ni de la gloire du père, ajouta
l'Empereur, ni de la compassion généreuse qu'inspire
le fils ; vous les déroberez. C'est à vous à voir ce que
vous voulez faire. Adieu. »
Pour la troisième fois Louis-Napoléon courba la tête.
Cependant l'aube blanchit les rideaux de soie, le feu
s'éleint dans le vaste foyer. Entendez-vous dans l'air
brumeux ce bruit étrange? on dirait des hennissements
de chevaux. Ils montent, ils montetit; on cesse de les
entendre.
L'homme assis devant la cheminée se réveille, il
jette des regards effarés autour de lui. « Sire, balbutie-
t-il, sire... Puis, se rassurant peu à peu, il murmure
avec im sourire : Ce n'était qu'un cauchemar, je serai
empereur
— Silence, mon lils, dit un sage vieillard qui venait
d'entrer, vous en disiez autant à Strasbourg et à Bou-
logne. — Rappelez-vous toujours Ham et Londres. »
TT.
IL. \,
iiilinn iii infi
- — jpffl
Tiens, mou pclil, en voilà un qui t'ira uiieu\, il esl ukmh- l'um:
Dessiné par Bertall.
Oravé'par MlODERiiiH.
1^ B^k'Ui.aMi ) (LouAÂ-NaAaU'iT».)
REVUE COMIQUE
AUX CHr':FS de partis.
Si le spectacle que présente la France en ce nionieiit
est triste et douloureux, c'est moins à cause de la pro-
fondeur du mal dont elle souflVe, qu'à cause de la ma-
nière dont ce mal se produit.
Si terrible qu'il soit, en clïut, il ne serait rien, car
dans ce monde où tout passe, le mal passe comme le
reste, s'il était le résultat de quelques-unes de ces pas-
sions vigoureuses qui trouvent une excuse et une con-
solation dans leur grandeur; mais celte excuse, cette
consolation nous manquent absolument.
Reconnaissons-le : la Fi-ance s'ennuie encore ; son
plus grand mal c'est son indifférence : et c'est par en-
nui, rien que par ennui, et en quelque sorte par dés-
œuvrement, que, tète baissée, elle peut se jeter dans
un abîme, que le moindre effort de son bon sens et de
sa volonté pourrait éviter.
11 semble que notre pauvre pays ne soit habité que
par des somnambules, et qu'un génie malfaisant mette
à profit cette léthargie pour égarer l'opinion publique
en prolongeant son engourdissement.
Comment expliquer cet inexplicable vertige?
Qui nous fera comprendre que quand tout le monde
se dit : « Nous sommes perdus, si nous allons à cet in-
connu, personne n'élève la voix, et que chacun, à la
façon des musulmans, des sauvages et des idiots, se
croise les bras en courbant la tète, comme si c'était
écrit, comme si c'était fatal, inévitable.
Mais, fût-ce écrit, le fût-ce de la main de Dieu mê-
me, il nous faudrait, pour l'honneur du nom français,
protester. 11 faut que quelqu'un dise la vérité, et non
pas le citoyen obscur que nous sommes; mais il faut
qu'une voix, je ne sais laquelle, vienne sauver le pays,
le secouer, le réveiller, lui dire qu'il se perd, et lui
montrer l'abime des révolutions prêt à se rouvrir sous
ses pas.
Cette voix, qui la fera entendre, puisque les hommes
les mieux placés pour parler restent muets?
Si le peuple se trompe, désabusez-le, vous (|ui avez
sa confiance !
Pourquoi Béranger se tait-il ? IN'a-t-il rien à dire au
neveu de cet empereur jiour l'arrêter dans sa folie ,
pour lui apprendre qu'on n'est bien qu'à sa place, et
que sa place n'est point où s'est assis son oncle? L'im-
mortel chansonnier n'a-t-il rien à dire à ces paysans, à
ces ouvriers, sur qui sa voix serait toute-puissante? Un
mot de lui, une chanson peut-être, qui leur appren-
drait à tous que Napoléon est mort, aussi bien que
Henri IV, et qu'il ne saurait revivre dans aucun de ses
descendants, ce mot suffirait à leur ouvrir les yeux;
pourquoi ne le prononce-t-il pas ?
N'est-ce pas une trahison que ce silence? Une trahi"
son, non pas contre la République seulement, mais
contre la société tout entière, contre le sens commun,
contre la dignité du pays, qui ne peut faire son dieu
du hasard, et (]ui va se livrer au hasard.
Ce hasard, à qui peut-il profiter? A quoi servira-
t-il à M. de Lamartine, par exemple, d'avoir ouvert le
jeu? Le sort en est jeté, a-t-il dit; mais qui donc l'a
jeté, ce sort, à la France, si ce n'est ceux qui auraient
pu la garantir contre ses chances mauvaises qu con-
traires?
Enivré, étourdi à Màcon, M. de Lamartine conipte-
t-il encore pour son compte personnel sur Ifs bénélices
de ce hasard ?
Hélas, non ! M. de Lamartine no sera pas président
de la République; mais que lui importe? la France
sera mal présidée ; elle souffrira, et il se consolera de
son échec comme président, en coni|)tant les douleurs
de celte France, ingrate envers lui, nous le reconnais-
sons. 0 ambition! quelque légitime qqe tu sois, quand
lu l'emportes dans un cœur sur l'amour du bien pu-
blic, tu es un vice et non pas nue vertu !
Ainsi donc, meure le malade, si je ne suis pas son
médecin 1
S'il y a des hommes coupables entre tous, ce sont, à
coup sûi', ceux qui, ayant le droit de parler, ne com-
prennent pas les devoirs que ce droit leur impose.
Mais il y en a d'autres plus coupables encore; car ils
font pis que de se taire, puisqu'ils disent le contraire
de ce qu'ils pensent !
Eh quoi ! M. Tliicrs, il n'est pas un de vos griefs
contre la Républi(|ue, contre le général Cavaignac, que
vous honorez au fond de votre <àmc et qui n'aurait rien
à craindre de vous, historien, j'en suis sûr ; il n'est
pas un de ces griefs que vous n'ayez pu articuler, et
vous n'osez pas dire tout haut ce que vous dites tout
bas du pi'incc Louis-Napoléon...
Dans vos paroles, dans vos confidences, dans vos en-
treliens demi-particuliers, préoccupé sans doute de
l'idée de prolester, pour riionneui-de votre jugement,
contre l'égarement d'une partie du pays, et de f.iire
ainsi les réserves de votre bon sens, vous dites, de ce
prétendant à la présidence, tout ce qu'il en faut dire
|)0ur en détourner les honnêtes gens; vous le dites, et
vous en dites plus môme qu'il ne faudrait, car votre es-
prit gaulois n'a peur d'aucun des mots que chérissait
Rabelais ; et vous ne rediriez pas un jour au pays, em-
porté par la vérité, toutes les vérités dont vos mains
sont pleines ! Si ce n'est pas une lAcheté, c'est bien
pis, c'est un calcul. Ne pouvant être le premier, vous
A L'USAGE DES GENS SIÎRIF.JJX.
voulez que le premier soit aii-tlessotis de sa mission.
— I,a Rt'piil)li(|iie sans vous, vous l'avez dit, vous lu
voulez grotosiiiie. Prenez garde, M. iliicrs; prenez
garde, le grotesque et le terrible se touilieiil dinis des
temps cornnie les nôtres.
Braves bourgeois, qui croyons en M. Thiers, noni-
monsdonc Napoléon ; M.Tliiei-s a besoin que la l'Vaiuc
soit ridicule.
(Iroyez-voiis qu'on eût pu ramener M. Tbiers, et
qu'en neeordant au pays, à son parti, tout ce qu'il
eiU pu lui donner lui-même, il eiU été satisfait ? .^on.
Il n'y a qu'un président au monde qui eût pu conve-
nir à M. Tbiers mieux que Napoléon, et ce président,
c'eût été M. Tbiers lui-même. — Kst-ce notre faute si
M. Thiers est impossible '?
Eh bien ! M. Tbiers, il y a des républicains qui va-
lent mieux que vous. Entre Louis-Napoléon et vous;
je dis plus, entre .M. Bugeaud et Napoléon, entre
M. Mole et Napoléon, entre tons et Napoléon, nous en
connaissons qui n'eussent pas hésité.
L'histoire dira que, placé entre le bien du pays et sa
perte, vous avez sciemment volé pour sa [Hile.
Votre calcul est faux, .M. Thiers : la révolution de
Février vous avait laissé en arrière; mais debout en-
core et possible encore , mais nécessaire, peut-ôlre ,
dans des temps, dans des conditions données. Larévo-
lution nouvelle, celle que vous préparez avec tant d'im-
prudence en appuyant un homme dont vous savez tout
le néant, cette révolution passera par dessus vous en-
core, mais c'est à terre qu'elle vous laissera.
r»a|)pelez-vous que votre conduite d'aujourd'hui
donne aux honnêtes gens de tous les partis le droit de
ne se souvenir que de vos fautes.
S. S.
L'habit ne Lut pas le moine.
10
RF.VIIF, COMIQl'E
CK QUE DIT M. THIF.RS QUAND II. DOUT
INE SKANCE DS MAliNÏTISMI- A I.A l'LACK SAlNT-(iEOECES.
Au iioiiibre des cliosos (jne niu M. l'Iiiers, il tant, il
failiiil du moins placei' le magnétisme.
M. Thiers niait tout, nièmele sonimcil magnétiiiue,
à plus forte raison niait-il qu'on pût faire |)arler de
forée un homme endormi.
In habile et spirituel médecin de ses amis, résolu à
venger le magnétisme, demanda à M. Thiers qu'il vou-
lût bien se soumettre à une épreuve.
M. Thiers accepta.
C'était le soir même du jour oii le Constitutionnel
venait de faire savoir à ses abonnés que M. Thiers ap-
puyait la candidature du prince Louis.
51. Thiers s'assit, une jeune et aimable femme prit
une plume et consentit à dresser le procès-verbal de la
séance; — ce qu'elle lit aussi bien qu'un greliier l'eiU
pu faire.
M. Thiers résista pendant cinq minutes à peine, à la
puissance du fluide. — Après avoir li , plaisanté son
médecin , son regard vert, si net et si brillant d'ordi-
naire, se ternit; ses mains, ses jambes, toujours si
peu calmes, si inquiètes, se fixèrent, sa tète tomba sur
sa poitrine. — M. Thiers dormait.
« Cela ne prouve rien, dit sa femme, M. Thiers dort
toujours. — Il dormait chez le roi ; il dort partout. »
M. Thiers est en effet l'homme le plus actif et le plus
endormi qui se puisse voir ; entre la fièvre et le som-
meil il n'y a pas pour lui de milieu.
(( Faites parler M. Thiers, » dit-on de toute ]iarl
au magnétiseur.
Le savant opérateur prit les mains du malade, ap-
puya solennellement son pouce sur son front, et s'a-
di-essant au patient :
» Parlerez-vous ? lui dit-il.
— Oui, répondit .M. Thiers ; et avec ce oui, un long
soupir s'échappa de ses lèvres. — Ici nous copions le
procès-verbal.
Demande. « Qu'avez-vous fait ce soir ?
RÉPONSE. — J'ai fait une sottise.
D. — laquelle ?
R. — J'ai écrit pour le Constitutionnel vingt-cini]
lignes, au bout desquelles je fais dire à ce journal qu'il
faut appuyer la candidature du prince Louis.
D. — Vous regrettez donc de l'avoir fait?
R. — Oui et non. — J'eusse préféré ne rien faire du
tout. — On m'a trop pressé. — Toute la responsabilité
de cette élection va retomber sur moi pendant ces trois
semaines ; et après qui sait ce qui arrivera ?
D. — Pourquoi avez-vous empêché le parti modéré
d'avoir un candidat?
R. — Ils avaient pensé à Bugeaud au lieu de penser
à moi ; dans la réunion préparatoire Bugeaud avait eu
presque toutes les voix. — Mole et moi presque rien.
D. — Pourquoi ne vous ctes-vous pas décidé à ap-
])iiyer le général (]avaignac ?
II. — Le général Cavuignac, de sa personne, me con-
vient assez ; si j'étais femme je ne lui serais pas cruel.
1'. — Mais enfin pourquoi ne l'avez-vous pas appuyé?
R. — Le général Cavaiguac est un soldat; il est vif,
il est prompt, il trouverait tout naturel (ju'on lui cédât ;
et avec lui la défaite n'aurait ])as plus de mérite que la
résistance.
D. — Que craignez-vous du général Cavaiguac ?
R. — Sa Réjuiblique serait sérieuse; avec le temps
tous les intérêts du pays seraient venus de son côté. Le
général Cavaignac, nommé, eût fait ses quatre ans ,
nous autres nous nous serions trouvés bientôt des chefs
sans armée, sans parti.
D. — .\vez-vous pensé à M. de Lamartine?
R. — Ma foi non ; qu'il préside à .Màcon.
D. — Et à M. Ledru-Rollin?
R. — Si nous ne dirigeons pas bien le prince Louis,
et si nous ne le faisons pas échouer en lieu sur , le tour
de celui-là ou de quelqu'un des siens pourrait bien
arriver.
It. — Kt à Raspail?
R. — Raspail ferait chérir Ledru-Rollin. Voilà bien
ce qui m'in(|uiète ; je suis patriote au fond , et quand
j'ai eu le tort de trop penser à moi, je le regrette. Si
la République rouge arrive , ce sera notre faute. Le
[irince Louis peut y mener.
1). — Pourquoi appuyez-vous le prince Louis ?
Ici M. Thiers lit un mouvement d'impatience, et ne
répondit pas; ses lèvres remuèrent mais aucun son n'en
sortit.
« Pourquoi ! » reprit le magnétiseur.
R. — Parce que son incapacité est notnire, parce
qu'il est impossible, parce que c'est la révolution à re-
faire, et que j'espère refaire cette révolution, qui nous
a échappé une fois, pour notre compte à nous. Mais la
referons-nous? Voyez Barrot, son parti l'abandonne,
et les mienss'éloignent déjàde moi.
— Vous voulez donc renverser la Républiipic ?
— .Non, je veux la gouverner , (ju'on me la donne ,
je saurai la défendre ; j'accepte la République, mais
je n'aime pas les républicains. Avec le prince Louis,
c'est la lutte qui recommence, et avec la lutte tontes
les incertitudes, mais aussi toutes les espérances de
l'avenir. Dans six mois.... dans moins de six mois,
i\i\\s cent jours peut-être... »
00.
Arrivée triomphale. — L'Oiseau conduit par un m-^e Vipill ird.
Roule (le Londres. — L'Oiseau reconduit par un u imiu ,1e Pa
Dessiné par Otto .
Gravé par Leblanc et Bailant.
15
REVUE COMIQUE
LES DKUX BONAPARTISTES.
Il- KiiNAi'MtiisTi': i>r i\ m:ii,i i: (ISÔ2)
«Citoyens! s'i'ci-iii Isiilorc l'imiiclion eu se lovant
sur son siège, vuici le inoiiienl de lions ociuper de
choses sérieuses.
— Oui, oui, répétèrent les antres convives, la pa-
role est au citoyen Fumichon. »
Fumichon, toujours debout, déboutonna son liabif
noir à larges basques, qui laissa voir en s'ouvraut ini
gilet blanc à larges revers, passa la main dans ses longs
cheveux, et continua en ces termes :
« Vous n'ignorez point, citoyens, quels projets cache
ce simple pique-nique au Veau qui tette. L'avenir de
la patrie ne ligure pas sur la carte; mais c'est de cet
avenii' qu'il s'agit. Deux ans se sont écoulés depuis la
révolution de Juillet; les moins clairvoyants ne peuvent
s'y tromper : on veut escamoter cette magnanime ré-
volution. Citoyens, le souirriioiis-nous?
— Non ! mille fois non.
— 11 faut donc renverser le gouvernement ingrat et
perfide qui opprime la France. Nous sommes tons d'ac-
cord sur ce point. Maintenant que mettrons-nous à sa
place ?
— La République ! la République 1 Vive la Répu-
blique !
— Ce cri a devancé ma pensée ; oui, citoyens, la
République. (Test le seul gouvernement qui convienne
désormais à la France.
— Permettez, messieurs, dit une voix qui partait
de l'extrémité de la table , je proteste en faveur des
droits du roi de Rome.
.\ussilôt tous les regards se dirigèrent du coté de
l'interlocuteur. C'était un homme de quarante-cinq
ans à peu près, vêtu d'une redingote bleue, le front
orné d'une balafre transversale, les lèvres recouvertes
d'une épaisse moustache noire entremêlée de quelques
poils gris; l'air bonhomme et naïf au fond, malgré
l'apparente dureté de ses traits. Il paraissait étonné de
l'émotion excitée par ses paroles dans l'assemblée.
« Citoyens ! s'écria d'un ton véhément l'un des con-
vives , il y a parmi nous des agents provocateurs, .le
demande (|ue le citoyen qui vient de parler du roi de
Rome soit tenu d'exhiber ses papiers.
— Rassurez-vous, reprit Isidore Fumichon, ce ci-
toyen est mon oncle. .\mi de Laborie et des quatre
sergents de la Rochelle ; compagnond'armesde Vallée,
conspirateur dans l'âme, ennemi juré des Bourbons, à
quelque branche qu'ils appartiennent, j'ai cru qu'il ne
serait pas déplacé dans notre réunion. On ne saurait
mettre en doute la pureté de ses sentiments et de ses
intentions. (Test à nous maintenant de le convaincre,
et de lui prouver qu'il se trompe. Quoiqu'il ait eu les
pieds gelés en Russie, qu'il ait reçu un coup de sabre
à Luizen, nue balle à Montmirail, et qu'on l'ait laissé
pour mort h Waterloo , il n'est point inaccessible à la
persuasion. Voyons, mon oncle Jollivet, quels sont les
droits du roi de Rome à gouverner la France'!
— Ses droits, il les tient de sa naissance.
— Cela veut dire (|u'il est (ils de son jière. Rel ar-
gument ! Est ce que le génie se transmet par voie de
succession'! D'ailleurs le roi de Rome n'existe plus
depuis longtemps, il a été remplacé par le duc de
Reischtadt. Est-ce que vous obéiriez à un homme qui
vous dirait : En afant, marche ! Rordez, armes ! hre-
zentez, armes ! En chou, feu ! Non, mon oncle , non !
et lors même que le fanatisme pour le petit caporal
vous boucherait les oreilles an point de vous empêcher
d'entendre l'accent ludesqiie de son lils, la France l'en-
tendrait pour vous. La France n'admet plus, du reste,
les privilèges de la naissance ; elle veut être gouvernée
par le plus capable et le plus digne. La France est
républicaine ; nous sommes tous républicains.
— Nous verrions bien ce que dirait la France si le
fils de l'Empereur se présentait à la frontière, le petit
chapeau d'une main la redingote grise de l'autre
— Oncle .Jollivet, vous êtes incorrigible, vous et tous
les vieux bonapartistes avec votre petit chapeau etvolie
redingote grise. Vous vous imaginez toujours que
l'aigle va voler de clocher en clocher jusque sur les
tours de Notre-Dame. Vous pensez faire peiir"à Louis-
Philippe en Vous promenant encore quatre à quatre
avec de longues redingotes bleues boutonnées comme
sous la restauration ; vous vous croyez des conspirateurs
bien dangereux parce que vous avez le buste du roi de
Rome sur votre cheminée; mais Louis-Philippe se
moque de vous et vous laisse conspirer à votre aise.
L'empire n'existe plus qu'au Cirque Olympique; l'Em-
pereur est mort; nous pouvons dire vive Cobert ! car
je dois rendre cette justice à mon oncle , qu'il ne fait
nulle diflicnlté de convenir que l'Empereur est mort;
n'est-ce pas, oncle Jollivet!
— Est-ce que par hasard tu voudrais te moquer de
moi, blanc-bec'/
— Jamais, mon onde, jamais; respect aux braves !
Portez armes ! Présentez armes! Crions tous : Vive Go-
bert !
— Vive Cobert !
Jollivet prend sa canne cl son chapeau et s'en vafu-
A l.ts.\(.i; l)i:s GKNS SÉRIEUX.
rieuxen s'écriimt : A revoir, niussieiirs les rL'pubiicuins
à Irois ('rares par lùte ! yiiaiil ù vini!;, inuiisieiir mkhi
iicvcu, vous 1110 li; pujLTc/..
Les roiivivi's repreiniciil déplus lielle : Vi\t Gobert!
0 Maiiilen.ml (jne re vioiix grognard a repris le ciieiiiin elioc des verre
de son iluunp il'asilt , siliié rue aux Ours, s'éiiie Isi- ' (leei se passait en 1SÔ2
dore rutnichon, un dernier loasl an Irdpos de lous les
Ijraiis! Plus d'empereurs, plus de rois, plus de consuls,
la Ui''pulili(|ue ou la niurt !
— La lU'puhliiine ou la inorll répète l'assemblée au
II
LE I(0\AI'AI11I>1K lu l.KNKF.M.UN (l)SiS].
(I Kli bien 1 lunn novon ruiiiiclion, i'i'S|.i'i-L' ijul' le
voilà euntent, nous sommes eu Ilépnbluiue. (lomniiiit
vont les alFaircs ?
— Mal, mon (inile .lollivel, très-mal.
— La crise ne durera pas, j'ai tout espoir dans le
bon sens du pays. Tel i\ue tu me vois, je nie suis récon-
cilié avec la lîépublique. .Tu avais raison quand tu
me soutenais autrefois que c'était la seule forme de
gouvernement qui convint à la France. Que veux-tu,
nousauti'es vieux soldais auxt]nels le grand honmie a
pincé le bout de l'oreille, nous avo.s eu plus de peine
que d'autres à nous défaire de nos préjugés; il nous
semblait que la France était peidue si elle ne retour-
nait pis à rem]iire. Me voilà bien revenu de ces illu-
sions. Tu disais donc que les affaires n'allaient pas très-
bien.
— La bonneterie est nmrle ! .l'aurais bien mieux l'ait
de Continuer mon droit et de passer avocat; mais au
lieu de Irava lier, je...
— Tu conspirais; je me rappelle encore le banquet
du Venu qui tetle. Vous étiez là une douzaine de fa-
meux lapins républicains. Ktais-je ridicule alors, avec
mon roi de Rome'?
— .le n'étais pas encore dans la bonneterie. C'était
le bon temps.
— Tu es triste comme un bonnet de nuit avec ta
Il lunelerie. Laisse nommer le président, et puis tu ver-
ras le commerce reprendre de plus belle. Causons un
peu politique, cela nous distraira, quoique cette fois
nous risquions fort de nous trouver du même avis. Tu
votes pour Cavaignac'ï
— Non.
— Pour Lamartine?
— Point du tout.
— Pour Ledru-Rollin '?
— Lncore moins.
— Pour qui donc?
— l'our Louis Bona|)arte.
— Toi, un liomine éclairé, un vieux républicain ;
c'est impossible. Quels sont donc les droits de Louis
Ronaparle à la présidence?
— Ses droits : il les tient de sa naissance.
— Cela veut dire qu'il est le neveu de son oncle,
bel argument! Est-ce que le génie se transmet par voie
de succession? D'ailleurs le neveu de l'Empereur
n'existe plus depuis longtemps; il a été remplacé par
lin grand seigneur britannique ou allemand, je ne sais
trop lequel, une espèce de monstre qui commence en
boninie et qui finit en queue de const.ible anglais. Tu
veux nommer Louis Bonaparte, brézldent te la Ripi-
jtlique vi'unçaise !
— Il a pour lui li!s souvenirs.
— Sont ce là des titres au gouvernement?
— Un nom !
— Qu'est-ce qu'un nom? La Fiance n'admet plus
les privilèges de la naissance, elle veut être gouvernée
par le plus capable et le plus digne. Tu vois que je me
souviens de tes paroles. La France est républicaine,
nous sommes tous républicains. Quoi! c'est lorsque
tous les bonapartistes de la veille se rallient à la Répu-
blique qu'il y aurait des bonapartistes du lendemain?
— Mais vous ne savez pas, mon oncle, que si Louis
P)onapartc est nommé, l'empereur de Russie a promis
de faire à la fabrique de Paris une immense commande
de bonnets de coton pour son armée du Caucase.
— Mon neveu, je ne vous dirai point mon opinion
sur votre compte. Sachez seulement que vous me faites
rougir d'avoir été bonapartiste, .\dieu, et ne comptez
plus sur ma succession. »
Ceci se passe en 1848.
li
HEVUE COMIQUE
CHOSES QUELCONQUES.
AtX HONNK.TES GENS DE 1. AM.IKN I'AUTI CONSERVATEIR.
Les ennemis do la Uopubliiiue ne sont pas dans le
parti conservateur. Les ennemis du parti conservateur
ne sont pas dans le parti républicain. I.e parti conser-
vateur est le parti des gens qui craignent les révolu-
tions, non parce qu'ils les croient tout à fait stériles,
mais parce que la mise de fonds nécessaire à leur ac-
complissement leur paraît hors de proportion avec les
résultats. Le parti conservateur a trop bravement ré-
sisté à la révolution de Février pour ne jias savoir Tac-
cepler. Les gens qui se sont bien battus ne se délestent
pas. Que M. Tliiers, qui n'a point eu l'honneur de lu
lutte, défaite ou victoire, se conduise comme il fait,
cela n'a rien qui doive surprendre; ce n'est qu'affli-
geant, ce n'est que fâcheux. Sans parler des nécessités
de son caractère, on comprend qu'il ait la fièvre; cette
fièvre que l'amour du pays seule pourrait guérir, on
comprend qu'il en cherche l'aiiaisement dans l'agita-
tion et le mouvement. Le repos auquel il est con-
damné lui pèse; c'est pour lui l'enfer. Plutôt que
de ne rien faire, voyant qu'après une attente de sept
mortelles années, l'heure d'entrer en scène n'est point
venue encore pour lui, il se jette aujourd'hui dans le
trou du souffleur.
C'est là que nous le trouvons. Son but, en y allant,
est-il d'aider l'acteur qu'il se propose de remjilacer
plus tard, ou de troubler le spectacle? C'est à lui de
répondre.
Mais il a réiioudii : « Je ne serai jamais le ministre
de Louis-Na|)oléon Bonaparte. »
Que sera donc M. Thiers? De quelle catastrophe sor-
tira ce qu'il souhaite?
Le vrai parti conservateur, le pays modéré est toul
entier représenté par le Journal des Débats. — Nous
n'a])pelons pas des modérés ceux des anciens meneurs
do ce parti qui payaient le Globe, et fondaient l'Époque.
I,a candidature du prince Louis perd tous les jours
du terrain. Chacun se demande avec effroi si le moyen
de se guérir d'un mal est de se jeter dans un pire. Le
suicide est sans doute un remède à tous les maux ;
mais un pays sensé comme le nôtre a-t-il le droit de se
conduire comme une grisette?
On s'étonne que la France soit indifférente à la Ré-
publique; maison oublie que cette indifférence, on l'a
prèchée, vantée depuis dix-huit ans, et qu'on avait fait
de l'indifférence en matière [)olitique, c'est-à-dire de
l'oubli de la pairie, une vertu. Vous avez semé l'indiffé-
rence et leculte des intérêts matériels, ne vous étonnez
pas de ce que vous recueillez. Vous avez parlé argent,
actions, jeux de bourse, on vous répond salaire, heures
de travail, etc.
En 1848, nous avions Louis-Philippe ; si Louis Bonaparte nous arrivait
en 1849 1849 .serai' Van pire, lli! hi! Li !
A L'USACK i)i;> i.iNs si;iui:ux.
ir.
i.E Ni':vi:r m-: la colonne.
Quoique jp sois votre cmpcretir
Par le (Iroil ilj iKiiS'aiicc,
Je veux bien, de chaque i^leeteiir,
Tenir la présidence.
Danil ceh linrera
Tant que i;a pouiT.-!.
Si la claire vous lente.
De mon oncle ninriileu !
Je suis le neveu ;
La Colonne est ni:i tuule.
Il fiul, — suspeniliz VOS l)r;ivos,
Savoir ce (pie l'on troque:
Si vous n'avez plus le liéros.
Vous aurez sa iléfroque.
Dans mon porte-manteau.
J'ai son petit chapeau.
Sa culotte collante.
De mon oncle, morlileu.'
Ne suis-je pas le neveu '?
La Colonne est ma tante.
Je n'ai pas s'rti du fourreau
Ma moileste namberjîe.
Je connais trùs-hien Marengo
Par les poulets d'auberge;
Aiist ^rlitz, léna.
J'ai bien mieux que cela
Dans ma vie éclatauto...
De mon oncle, morbleu !
Ne suis-je pas le neveu ?
La Colonne est ma tante.
A StrashourR, portant mon drapieau,
Je singe le «rand homme :
(irandes bottes, petit chapeau,
l.iir^'nette, habit verlprjmme;
A Boulo:ne. plus lard.
Je plonge comme un canard,
.\vec l'aigle expirante;
De mon oncle, morbleu .'
Ne suis-je pas le neveu ?
La Colonne est mi tante.
L'empire étant tombé dans l'eau,
F.l l'aigle hor de scrv'ce,
A Londres je niels le manteau
D'un agent de polife.
Cli.irtistes enlèlcs.
Ah.' je vous ai frottés,
A coups de gourdin, je m'en vante.
De mou oncle, morbleu .'
Ne suis-je pas le neveu ?
La Colonne est ma taule.
Après ces glorieux hauts faits,
France, je conjecture
Que tu vas l'aire le sulCùs
De ma c.anlidature :
Six cent mille francs de plus,
Ç:i n'est pas de refus
Quand la bourse est souiïranle.
De mon oncle, morbleu !
Ji' suis bien le neveu !
La C lonneestma tante.
P.*R n< REPIBLICAIN tir I.ENDFM.AIN
L'ONCLE ET LE NEVEU.
L HOMME DE BRONZE.
- Extrait du PtiPtT Show. —
L HOMME IIE PLATRE.
0<li;t.RVARU DKS ITAI.IKN
:iO «•fiidiiiOM la li%'i-aiHOii.
hiK mr.nr.i.ir.i', '.ii.
tadidous de la ^ioascription. — La Revcb coaiQiiE formera un magniliciue volume, grand in-8, publie en iiO lÎTraisons à 30 centimes,
par la poste, 3o cenlimes. — Pour tout ce qui concerne la rédaction, écrire [franco) à M. LiaEtn, au bureau de la Revue, 2, boulevard des
llaliciis.
DVMXNEBAT. EDITE1TB, S3, B.UE HICHEI.IEU.
2<" Livraison.
l.A CllliNOl'lLl.li liï LE BOliUr.
Le petit et le grand Napoléon.
Extrait du PuiTET Show.
[0TA.t 0^ y<rit cf'u' Hv
Pari.. - Tir4 .ai pr««s méc.niquc. de UciuWI Wi «l Comp., rue BaBi.»., 2-
/r
U SEMAINE.
— Pau ! pan ! pan !
— Qui va là^
— C'est moi; ouvrez tout Je suite.
— Qui, vous?
— La semaine. Je viens vous raconter mes aventu-
res, mes joies, mes douleurs, mes l'êtes, mes ennuis de
huit jours.
— Dicte* donc vite, nous sommes pressés.
— Comme vous me recevez ! Est-ce pour me traiter
ainsi que vous avez intitulé cette revue : Histoire jjfii-
lusophique, littéraire, politique, morale, critique, ar-
tistique de la semairie. Couimençons doue par causer
histoire.
— On en fait tous les jours; à quoi bon en parler.
— Causons alors philosophie.
— Ce n'est guère le monieul.
— Littérature...
— Plus tard.
— IJeaux-arts.
— La semaine prochaine.
— Politique.
— A la bonne heure : nous ne faisons que ça. Mais
vous êtes bien arriérée, ma chère amie, pour parler
politique. De quoi allez-vous nous entretenir? de ce qui
se passait hier, de ce qui se passe aujourd'hui. Pouvez-
vous nous dire ce qui se passera demain ?
— Non.
— C'est cela seulement qu'il importe de savoir. Le
reste nous touche médiocrement. Le public, aujour-
d'hui, va toujours en avant sans daigner regarder der-
rière lui. Que lui importent, ô semaine passée! vos li-
vres, vos vaudevilles, vos comédies, vos drames, vos
fêtes, vus bals, vos concerts? L'heure écoulée, c'est
pour lui le passé ; et vous voulez qu'il se souvienne de
ce qui existait il y a huit jours ? Vous ne vous doutez
pas, ma bonne femme, de ce que c'est que la curiosité
en temps de révolution.
— Alors, pourquoi m'avoir dit : Dictez!
— C'est que, après tout, vous devez savoir mieux
que personne ce qui s'est fait pendant ces huit jours ;
et si vous avez quel(]ue anecdocle entièrement inédite à
nous apprendre. quel(iue mystère à nous révéler, une
belle action, un crime, ou même un simple bon mot...
— Ma foi, non ; je dois convenir que j'ai été une
sage et modeste semaine, aussi calme, aussi rangée
que l'on peut rètre dans ce temps-ci. J'ai vu la fête de
la Constitution, j'ai assisté à la représentation gratuite
de l'Opéra, j'ai dansé la polka chez M. Marrast. En fait
de crime, voulez-vous que je vous raconte l'assassinat
Je Fualdès? J'en ai fait un joli petit mélodrame. Je
n'ai guère à vous offrir maintenant, en fait de belles
actions, que le duel J'un ancien ministre des finances
avec .un général Je Jivision ; et si vous vous contentez
de quelques couplets de vaudeville, en guise de bons
mots, je puis vous chanter...
— Silence ! Laissez-nous en paix ; votre audience est
tinie; allez oii vont toutes les vieilles semaines, je ne
sais où. Nous verrons si la semaine prochaine saura
mieux se faire écouler.
16
REVUE COMIQUE
AV
I-MIRKS ILLLSTHKES
(Si NON U.LrSTRK?)
l 'H IN Ci: roiu uiuK.
CllAPlTHF. I'.
SOS ENFANCE ET SON ÉDl'CATION.
Iclcrie et la Kussîe tiennent sur les fous le prince Pour liii
Œ QUE C'EST QU'UN IMÎÉTENDANT.
Nous somniL's un |)eu|ili' lU' (lliiiT à l;i vie politique.
Idées, mœurs poliliiiuos, clioz nous lout est à faire,
tout est à cioer.
La morale polili(|Me suiloul. C'est un eo.lc [iliiloso-
pliique à révéler, ù tirer des limbes.
Quant aux autres morales connues, nous les avons
poussées aux plus extrêmes limites. Ea casuistique nous
en a trop appris ; le code civil et le code de commerce ,
avec les interprétations des avocats et les arguties des
procureurs, ont tellement bouleversé toutes les notions
lie la morale naturelle, (iii'il faut qu'un fripau soit
bien maladroit pour se [iiivor de l'bonneur d'étiv bon-
nèle liomnie.
La probité s'apprend conimc l'art de laiie des tra-
gédies; elle a ses règles d'.\ristiile.
Mais interrogez le premier venu sur ce qui est per-
mis en politique et sur ce qui ne saurait l'être, il
vous avouera ingénument qu'il n'y a jamais songé. Il
lie juge que les résultats, ou plutôt il les subit ; les
moyens employés ne sont pas son affaire. Aussi voyons-
nous lies bonimes d'Élat, honnêtes gens d'ailleurs,
mettre en œuvre la duplicité, la trabison, la violence,
en un mot, recourir sans scrupule, à des moyens tels
(pie ces mêmes principes, qui dirigent leur vie poli-
tique , appliqués à leur vie privée les feraient consi-
dérer comme des monstres.
Ne les accusons pas trop. Ils peuvent du moins se
donner à eux-mêmes cette excuse qu'ils ne violent au-
cune convention établie. «Vérité en décades Pyrénées,
mensonge au delà, » dit Montesquieu. l)'ailleui-s, l'im-
punité les tente, elle les jnstilie presque. Pour beau-
coup de gens la mai(ine du délit n'est que dans la ré-
iressiou.
Dans cent ans, dans cinquante ans peut-être, il y
aura une morale politique, et les éléments qui entre-
ront dans la composition de ce code nouveau apparais-
sent déjà. La science du droit des gens a consacré un
grand |)rincipe en rendant désormais impossibles les
guerres de conquêtes.
\-t_on assez admiré ce fléau des sociétés ancieniu's
qui s'appelait le Conquérant ! Que n'ont pas écrit les
pédants et les sots sur Alexandre le (Jrand et ses ému-
les! Nos livres classiques sont pleins du plus absurde
riitbousiasme pour ces hommes qui ont fait le malheur
de leur siècle, et l'on ne sait poinqiioi Gengis-kan et
Attila n'ont pas trouvé grâce devant eux. Aujourd'hui
nu Alexandre le Grand ferait horreur; c'est un grand
pas en morale.
Ceci ne nous éloigne pas autant qu'on le |iouriait
croire du titre de cet article : Qu'est ce qu'un pré-
tendant?
Un prétendant, c'est un conquérant en diminutif.
Avant que le principe de la souveraineté du peuple
A I.TSAC.F, DKS (IKNS SKIUKllX.
17
lui rcronmi cl mis en prati(|ii(', c'est-ù-dirc lorsque
les rois n'H-iiaient de droit divin, un prétendaiil l'tail
un [irinee dépossédi' (|ui essuyait de reciini]ui'iir par les
ariuos riu-rita^'e |)oliliiiue de sa famille.
I.e elievalier (lliarles-Kdounrd , par ex(iii|ile , est
resté prétendant toute sa vie. Il est mort prétendant à
Montpellier. C'était, au dire des eonteniporains, un
lidinine eliarmant , plein d'airahilité et de giàcc. (À't
iiomine eli.u'inaiil, pour ne pas réussir dans ses entre-
prises sur le royaume d'Aii(;leterre , a l'ait ujourir en-
viron dix mille iiomines sur le cliamii de liataille, sans
parler de ceux de ses partisans qui lurent roués et dé-
capités, et dont on planta les tètes siu- des piques, les
yeux tournés, comme dit Waller-Seott, vers les lileues
montagnes d'Kcosse qu'ils avaient tant aimées.
Ce chevalier Charles-Edouard se croyait, malgré cela,
un très-honnète homme, et ses contemporains, ainsi
que nous l'avons dit, le considéraient comme un hoiiinn'
charmant.
Si vous aviez un héritage de famille à recouvrer et
qu'il fallût pour cela la mort violente de dix mille
hommes, et que vos meilleurs amis fussent suppliciés,
en votidriez-vous à ce prix? J'en doute.
Pour Charles-Kdouard , le royaume d'.Vngleterre
était un héritage de famille. Un royaume vaut mieux
qu'une terre, soit, mais cette différence de valeur
change-t-elle quelque chose à la moralité du fait?
Dans ces derntèri's années, que de victimes tombées
en Espagne dans les guerres de prétendants ! Nous les
avons vus, ces rois bannis et ces fils de rois, pendant
que le sang coulait en leur nom, dormir d'un somiueil
paisible; ils allaient à lâchasse et à la messe, ils don-
naient alternativement audience à leur maîtresse et à
leur confesseur. Est-ce insensibilité naturelle, égoïsme
féroce? Mon Dieu , non : c'est vice d'éducation , force
de préjugé, lin prétendant croit toujours à son droit
surhumain , et le vulgaire garde encore le respect de
ce droit, auquel pourtant il ne croit plus.
Il viendra cependant un temps où forcés de priiscr
par l'exercice de la liberté politique, les citoyens per-
dront les derniers préjugés de la monarchie. Alors,
j'imagine que les prétendants se trouveront dans tai
grand embarras.
Leurs tentatives seront appréciées à leur juste va-
leur, parce que le jugement public n'étant plus per-
verti par des idées et des sentiments préconçus , le
peuple osera enlin appeler « un chat un thaï », et la
délinition du prétendant sera possible.
Quand par exemple quelque héros de hasard , à la
tête d'une bande de valets et d'intrigants s'en viendra
dire en arborant un drapeau quelconque : « Citoyens,
reconnaissez en moi le fils ou le neveu du grand jirince
un tel. Aux armes! marchons sur les Tuileries! » les
citoyens lui répondront tout simplement :
« Vous êtes, avant tout, notre ennemi ; vous venez
nous voler notre liberté et noire repos ; et votre appel
C'est étonnant, comme il ressemble à son oncle!,..
'our préparer le prince à ses hautes destinées et lui apprendre tout
ce qui concerne son état, ou lui enseigne à apprivoiser un aigle ;
mais l'aig'e, qui n'aime pas ces gens-là, le mord — et crânement !
UEVUE COMIQUE
i on appreud seulement, au prince, à les empdiUec.
)s de M. Verreaui, naluraliste de l'ile Bourbon, professeur
s gens de qualité.
aux armes devant amener reffusion du sang à votre
profit, c'est une tentative d'assassinat que vous faites
sur chacun de nous. Or, on prend les assassins et les
voleurs, et on les traduit en cour d'assises.
B 11 n'y a aucune différence entre vous et Schiibry,
r.inaldo Rinaldiui, Mandrin , Carlouclie, Schinderanes
et les autres héros de grand chemin. »
.\lors, il faut espérer que les prétendants seront plus
rares; mais nous avons encore cinquante ans à attendre
cl notre éducation monarchique à oublier.
— RipipUque! ribihliquel
— Bépublique! donc... Quelle brute que cette petite oie-U
LE PARTI CRETIN.
Il y a un grand nombre d'individus en France qu'un
motif singulier rend partisans décidés de Louis-Napo-
léon. L'autre jour, dans un estaminet, je demandai à
cinq ou six joueurs de dominos :
« Pourquoi votez-vous pour Louis-Napoléon?
Parce que c'est un homme nul.
— Et vous?
— Parce que c'est nn niais.
— Et vous?
— Parce que c'est un imbécile. »
Ces gens-là sont convaincus que le salut de la Ré-
publique exige impérieusement qu'on place un crétin à
sa tète, et que la machine gouvernementale est mue par
une manivelle qu'un homme sans idée peut seul avoir la
patience de faire tourner. Ce préjugé, qui date de l'ère
constitutionnelle, et qui est une des nombreuses théo-
ries politiques du célèbre Odilon Barrot, est plus gé-
néralement répandu en France qu'on ne le suppose,
surtout chez les joueurs de dominos.
Il commence déjà à se répandre parmi les joueurs
de dames, d'où il se répandra chez les joueurs d'é-
checs, qui le communiqueront infailliblement aux
joueurs de tric-trac ; de là une nouvelle série de i)arti-
sans pour Louis Bonaparte.
Le hasard peut vous faire tomber sur un membre
du parti crétin ; n'essayez pas de le convenir, vous y
perdriez votre allemand.
« Savez-vous que votre Louis-Bonaparle s'est habillé
un beau jour comme un iigurant de l'Opéra dans la
Juive, et qu'il s'est fait inscrire parmi les comparses
du tournoi d'Eglinglon sous le titre de chevalier des
miroirs.
— Bravo !
_ lue autre fois, il a parié qu'il volerait du haut
(I.; la tour de Londres jusque sur le dôtne de saint
l'.uil , et l'on a eu toutes les peines du monde à l'em-
pêcher d'exécuter ce pari. Il prétendait, en sa qualité
de capitaine d'artillerie, avoir inventé un appareil in-
faillible pour voler.
— Très-bien !
— Un charlatan lui ayant persuade qu'on pouvait
\ I .'USAGE DKS GKNS si;;!ur';iJX.
10
fairo (le l'or, votre candidat le prince Kotiis n'a-l-il pas
iMi imtnc'diatemont le soin d'installer des foiirne.iiix
chez lui et do se livrer à nne smilHerie eUrénéel
— Parfait!
— Cdinmeiil, pul'iil! en vérité, je ne voii- eniii-
prends pas. Mais tont cela est fort bête.
— Justement ! c'est à cause de cela que je le ( licu-
sis. M. Barrot vous dira hii-mènie que le jeu des iusli-
liilions coiislitntionnelles exige un iioninie parl'aile-
monl nul. Or, de ee coté-là, notre candidat, eonvenez-
en, laîsse bien peu de prise à la criti(]ne.
— J'en conviens. »
El on essayerait en vain de les ennvaincie. Les r;ens
imbus des théories politiques de M. Odilon liarrot ne
se rendent jamais, même à l'évidence.
l.e chef du parti crétin, après JI. Odilon lîarrot, est
M. Adolphe Thiers. C'est lui qui a écrit dans le Cons-
titutionnel ce mémorable premier-Paris qui se termine
par cette phrase : « l.e prince Louis-Napoléon est un
imbécile, mais il a toute notre conliance. »
Cette ])hrase a du moins l'avantage de n'être point
philosophique comme les axiomes de Odilon Barrot sur
la nécessité du crétinisme en matière <rinslitulions
constitutionnelles.
J'ai eu dernièrement une discussion avec nn mem-
bre naïf du parti crétin arrive la veille de sa province.
a A qui, lui ai-je demandé, donnez-vous votre voix
dans le Poitou?
— Parbleu, m'a-t-il répondu, vous le savez bien.
— Ma foi non.
— Eh bien, à Napoléon Bonaparte.
— Pourquoi '?
— Parce que, selon M. Odilon Barrol, il faut placer
un homme nul à la tète de la Bépublique. Nous vo-
lons pour le soliveau.
— Vous vous trompez, c'est pour une autre fable.
— Laquelle, s'il vous plait'.'
— Pour le chat et le singe. Bappelez-vous les mar-
rons du feu. »
CHAPITRE 11.
SON ADULESCEKCE.
^/^—
Télémaque et Mentor.
SOUVENIR d'un DESSIM liÉ GBASTILLE.
Les victoires et conquêtes du prince.
r.KVUE r.o>noiîK
cnAriTur. m.
b'ëlant revêtu pour la première fois du costume hstorique, il ne
reconnaît pas dans son ombre, et il a peur!...
EXPtDITlON DE STRASBOUnC.
— Mon poa ami, che'souis le fils de l'empereur, et chc fous nomme
maréchal de Franco. Pufez celle fer de rhoum : être pien poni
— Oq ti'passe pas!
r.ABABECK ET LES F.VKIRS EN IS'tS.
Lorsque j'étais lians la ville de Bénai-ès, sur le ri-
vage du Gange, je tâchais de in instruire. J'entendais
passablement l'indien, j'écoutais beaucoup et remar-
quais tout. J'étais logé chez mon correspondant Omri :
c'était le plus digne homme que j'aie jamais connu. Il
était de la secte tricolore; j'ai l'honneur d'appartenir
à une secte d'une autre couleur : jamais nous n'a-
vons eu une parole pl«s haute que l'autre au sujet de
nos nuances respectives. Nous faisions nos ablutions
chacun de notre côté , nous buvions de la même limo-
nade , nous mangions du même riz comme deux frères.
Un jour nous allâmes ensemble à la pagode de Ga-
vani. Nous y vîmes plusieurs bandes de Fakirs dont
les uns étaient des Fakirs phalanstéricns, et les autres
des socialistes propremenls dits, qui se divisent en
icariens, en proudhoniens et en disciples de Pierre Le-
rous ; ceux-ci sont des Fakirs contemplatifs. Ils ont ,
comme on sait, une langue savante qui ne permet pas
au vulgaire de les comprendre.
Je passai devant un Fakir phalanstérien qui lisait
le livre sacré de Fourier. « Ah ! malheureux civilisé ,
s'ccria-t-il , lu m'as fait perdre le lit des séries cos-
mogoniques ! et de cette affaire-là le bonheur de l'hu-
manité est retardé de mille ans, au lieu d'arriver dans
cinq ou six siècles, comme j'avais tout lieu de m'en
tlatter ! Je lui donnai une roupie pour le consoler.
A quelques pas de là , ayant eu le malheur d'éternuer ,
le bruit que je fis réveilla un autre Fakir de la secte de
Pierre Leroux , qui était en extase : « Oii suis-je ?
dit-il, quelle horrible chute ! je ne vois pas le bout
de mou nez : la lumière céleste est disparue.» Si je
suis cause, lui dis-je, que vous voyez enlin ])lus loin
que le bout de votre nez , voilà une roupie pour
réparer le mal i[nc j'ai fait : reprenez votre lumière
céleste. »
M'étant ainsi tiré d'affaire discrètement, je passai
aux autres Fakirs. Ceux-ci se tenaient immobiles
en attendant qu'il leur poussât une queue. Ceux-
là dansaient sur les mains , plusieurs voltigeaient
sur la corde roide, d'autres allaient toujours à cloche-
pied; il y en avait qui portaient des chaînes, quel-
ques-uns balayaient le parquet avec leur barbe ; au
demeurant, les meilleures gens du m.jnde. Mon ami
Omri me mena dans la cellule d'un des plus fameux ;
11 s'appelait Bababeck, et portait au cou une cliaiiie de
^()ixante livres. Omri me dit que c'était sa manie de
porter cette chaîne, et que lorsqu'on la lui ôlait il n'a-
vait rien de plus pressé que de la reprendre. Beaucoup
de gens venaient le consulter, il était l'oracle de
sa secte, et l'on peut dire qu'il jouissait d'une grande
réputation. Je fus témoin du long entretien qu'Omri
eut avec lui.
— Cnvrz-vous, lui (lil-il, mon père, qu'après
A !;USAGE DES GENS SÉRIKIX.
avoir passé par les l'prctivcs convcnal)lcs, je puisse
pri'U'ndre an lih c ilc Inm i ilnycn V
— ('/est selon, dit Ir jjkir, c .niiuu'iil vivez-vous?
— Je làilie, (lit Oiiiii, d'elle bon iimri, lion |ièie,
bon ami ; je prête de l'argent sans intérêt aux rielies,
dans l'occasion j'en donne aux pauvres ; je paye l'iin-
pôt de grand cœur; j'entretiens la paix parmi mes
voisins.
— Vous t'aites-voiis imili'o i[iieli|iierois en prison ?
demanda le Fakir.
— Jamais, mon révérend père.
— Mais du moins vous lianlez les clubs, vous pro-
noncez des discours dans les banquets à vingt sons cl
vous parlez pertinemment île rémeiile ".'
— l'as le moins (lu monde.
— J'en suis fâché, répliipia le Fakir; mais vous
n'êtes qu'un mauvais citoyen et un ennemi du peuple.
— Comment ! s'écria Omri, ce n'est donc pas assez
d'être honnête homme et d'obéir aux lois? Je vous
trouve plaisant de ju-élendre être meilleur citoyen
que moi ; et sur quoi d'ailleurs fondez-vous cette pré-
tention ? Sachez que je donne plus en aumônes en un
jour que ne coûtent en un an la chaîne que vous portez
au cou et le pain que vous mangez dans votre cellule,
encore c'est PF-tat qui en fait les frais. Le peuple a bien
alfaire que vous passiez votre vie enfermé avec une
chaîne an cou : vous rendez-là un beau service à la
patrie ! Je fais cent fois plus de cas d'un homme qui
sème des légumes ou qui plante des arbres, que de tous
vos camarades qui regardent lebout de leur nez, on qui
attendent dans un coin qu'il leur pousse une queue.
Ayant ainsi parlé, Omri se radoucit, le caressa, le
persuada, l'engagea enfin à couper sa barbe, à laisser
là sa chaîne et à venir chez lui mener une vie honnête.
On le décrassa, on le IVotta d'essences parfumées , on
l'habilla décemment. Il vécut quinze jours d'une ma-
nière fort sage, et avoua qu'il était cent fois plus heu-
reux qu'auparavant. Mais il perdait son crédit dans le
]ieiiple, personne ne venait plus le consulter, et l'on ne
parlait plus de lui. Il quitta Omri, alla jeter des pierres
au corps de garde voisin et se lit remetlic sa chaîne
pour avoir de la considération. CC
l.F. BONWAI'.TISMF. lUIiAI..
Vous est-il arrivé queliiiiefois de séjourner, je ne
dis pas dans une petite ville, dans un bourg, ou même
dins un village, mais dans un hameau éloigné de tout
centre, perché au sommet de quelque rocher ou perdu
dans la vallée, sans église, sans mairie, sans école,
composé de quelques maisons habitées par quelques
centaines d'habitants. C'est là qu'il est curieux d'étu-
dier la politique. Mais fait-on de la politique dans de
pareils endroits"? 11 faut bien le crou-e, puisqu'on nous
S'EtME
LXrÉDlTION t>E BOULOGNE.
États de service.
îsoiiveau procède de
i'u;aj;e d'un j-'ré'.i-Ti'-iaat.
REVUE COMIQUE
HironUlle chentille
Foltichant à 1
' Tu cachot Dni
. Etc. etc. »
lie
PROJET D'EVASIOS.
Le prince emprunte pour sN'chapper le costume de la présidente
de Folle-Mêche.
affirme que c'est dans la campagne que la candidatnrc
du pi-ince I>ouis Bonaparte compte le plus de parti-
sans. Or, pour une certaine étendue de pays, le ha-
meau est un chef-lieu.
Dans la petite ville, c'est l'ofticier qui fait de la
propagande napoléonienne, l'oflicier retraité, qui ne
sait plus que jouer aux dames et parler de l'empire;
au hourg, c'est le sous-oflicier, qu'on a nommé lieute-
nant de la garde nationale; au village, c'est le soldat
qui a repris la charrue ; au hameau, c'est un person-
nage inobservé jusqu'à ce jour, pro|iagandiste inconnu
et infatigable, plus actif, plus alerte à lui tout seul
que tous les officiers, sous-ofliciers, soldats de la petite
ville, du bourg et du village.
Ce personnage, c'est le domestique impérial, la
basse livrée de l'empire, sons-piqueur, palefrenier,
marmiton, buandier, laveur d'écuelles, tous les gens
remplissant corvée dans les écuries ou les offices des
Tuileries au temps de l'empire.
M. de Balzac, dans son Médecin de Campagne, met
dans la bouche d'un ancien soldat une histoire de
Napoléon racontée à la veillée. Figurez-vous ce que
peut être une histoire de l'Empereur narrée par un
balayeur d'office. Ce qui est poésie dans l'imagination
du soldat prend des proportions matérielles dans la
tète du domestique. L'un raconte les exploits du
grand homme, l'autre met en lumière les qualités du
maître de maison. Pour le premier, Napoléon est un
héros, pour le second un fermier habile.
J'ai entendu, il y a quelques années, la femme d'un
pauvre paysan de la haute Provence me parler de
l'Empereur.
« Ah! monsieur, me disait-elle, quel homme c'était
que Napoléon! Figurez-vous que tous les matins il
sortait déguisé fit allait marchander les légumes à la
halle pour savoir si ses domestiques ne le trompaient
pas. C'est l'argent du peuple qui paye mes provisions,
je ne veux pas qu'un tasde fainéants le gaspillent, ajou-
tait-il ensuite. Chaque semaine, il faisait ses comptes
avec son maître d'hôtel , et il n'y avait pas moyen de
lui fane la queue. Il savait aussi bien que vous et moi
le prix de chaque chose, et il vous aurait dit sans se
tromper d'un liard ce que coûtait un poulet, un pi-
geon ou une livre de lard à la halle.
Mais de qui tenez-vous donc tous ces détails?
De Marins, qui a quitte les Tuileries en 1813,
où il était blanchisseur, et qui s'est retiré chez nous
avec six cents bonnes livres de rente qu'il a ramassées
au service de l'Empereur. »
Un fait digne de remarque, c'est que ces domesti-
ques impériaux s'adressent plus volontiers auX fem-
mes; ils leur parlent des layettes du roi de Home et du
trousseau de l'impératrice Marie-Louise. J'ai entendu
dire également à une fermière de la Bourgogne que
chaque année Joséphine faisait elle-même ses confi-
tures, gelées de groseille on marmelades d'abricots.
A L'USAGE DKS GENS Sl^lHIEUX.
23
Mal m'en cill pris de sourire, elle savait cela de
scitMK-c certaine; c'était M. Piiiiiiicliot, anciiMi niar-
Miilon (lu cuisinier des i>a^'f:i. qui le lui avait dit.
Que de gens, grâces à ces conlidenccs I)our lesqiiels
le vainqueur d'Austerlitz n'a pas d'autre gloire que
celle de bien connaître le prix des volailles, el José-
phine d'autre mérite cpie celui de faire ses conlitures
elle-même !
Blanchis par l'Age, ces invalides de la grande ou de
la petite buanderie sont devenus les oracles des ha-
meaux. Ce sont eux que les paysans viennent consulter
quand il s'agit pour eux d'accomplir un acte ]iulitique.
Il a été domesticpie de l'Euipcrem-! cela suffit pour
leur donner une importance. C'est par eux que se sont
répandus dans les campagnes ces bruits fantastiques
sur les millions du prince Louis, et sur la remise de
tous les impôts pendant quatre anss'il est nommé pré-
sident de la République. Eux-mêmes se persuadent
qu'ils n'auront qu'à se présenter au neveu de TEmpe-
reur, et lui dire qu'ils ont été domestiques de son on-
cle, pour obtenir une pension, attendu, disent-ils,
que Napoléon, en mourant, a laissé un testament dans
lequel il lègue une somme de plusieurs millions à par-
tager entre tous ceux qui l'ont servi. Ce testament
avait été tenu secret jusqu'à ce jour par les ennemis
de l'Empereur, et son neveu vient pour l'exécuter.
On ferait un livre curieux avec l'histoire des petites
influences sur les grands événements. Cinquante ou
soixante buandiers, disséminés sur toute la France,
vaudront peut-être des milliers de votes au préten-
dant. Qu'on me dise, après cela, qu'il y a des bonapar-
tistes en France !
Après tout, pourquoi pas? Je connai.> bien un jan-
séniste !
L.NE niSTOIUE Di: DEMAIN.
Messieurs les voyageurs, nous dit-il, vous auriez
tort de me juger sur l'apparence : je ne suis pas ce que
je parais être, et j'ai joué autrefois un rôle fort impor-
tant. Les malheurs du temps m'ont réduit à me faire
Tyrolien et à chanter les Idées napoléoniennes. Je vais
vous en chanter pour un sou, messieurs; cela vous
portera bonheur pour votre mariage.
Ce Suisse, qui .est Tyrolien, n'est qu'un Savoyard,
pensâmes-nous ; voilà qui est assez bizarre. Interro-
geons-le. Je porterai la parole pour mes compagnons.
« Nous sommes tous mariés ; et vos souhaits nous
sont inutiles; mais contez-nous comment il se fait que
vous soyez Savoyard.
— Je l'ignore, j'ai eu tant de patries dans ma vie,
que je ne sais pas bien ce que je suis. On m'a vu tour
à tour Suisse, Hollandais, Anglais. En dernier lieu,
j'étais Français ; voilà pourquoi je chante les Idées nn-
La seule chose spiritueVe qu*l ait faite dans sa vie.
CHAPITRE IV.
A l'ÉTBANGER.
Renonçant à son ingrate pair.c et ..„ ; .- - —
pas«e ses esamens de Suisse, et devient bourgeois de Xt
21
HE\TîE COMIOrK
Le,'
i pantomime sentimentale, en coippagni<
in i;rus major.
Lt VAIVQLEUR D'ÉCIISGTON.
: pendant au_tablcau de la bataille d'Austerli z.
poléoniennes aux voyageurs qui liavorsent la monta-
gne. Un petit cliou, messieurs; un petit chon.etyoup
la Catarina! Qui sait si un jour vous ne sciez pas riî-
iluits à chanter des harcarolles. L'avenir est imptiné-
trable. l'n petit cliou, messieurs, et je vous chanterai
mon histoire. »
Nous lui donnâmes cliacnn un .-ou, et le Savovard
commença sa tyrolienne.
« J'appartiens à une famille riche, mais honnête ,
qui me lit donner une hiillantc t^'ducation.. Ma nais-
sance m'appelait à régir la monarchie des harengs
saurs, la Providence en ordonna autrement ; et, ne sa-
chant comment utiliser mes loisirs, je m'improvisai
capitaine d'artillerie du canton de Tliurgovie. La la
ouh, la lu ouh, la la ouh oiih !
« Ij'artillerie commençait à iirenimycr, lorsciue je
trouvai, dans des papiers de famille, le testament d'un
oncle, qui, à dtifaut d'ht-rilier mâle, m'instituait son
Itjgataire universel, ('et oncle, connu vulgairementsoiis
le nom de Napoléon, avait été autrefois empereur des
Français. La la ouh, la la mih ouh! Je réclamai sa suc-
cession pour me distraire. Mes efforts aboutirent à me
faire traduire devant les assises. Les jurés m'acquit-
tèrent en raison de mon jeune âge, et comme ayant agi
sans discernement. On me mit poliment à la porte du
beau pays de France, et je me réfugiai en Angleterre.
La la ouh!
«Tel que vous me voyez, messieurs, avec ce costume
de Tyrolien, j'ai été, pendant toute une saison, le lion
de Londres. J'obtins le même succès qu'un livre de
.M. d'israéli, et qu'un gilet du comte d'Orsay. Lord
Brougham vint me voir : mon portrait parut iiiênie
dans V Illustration de Londres; je figurai au tournoi
d'Eglington, sous le nom du chevalier Bliombéiis, que
j'avais trouvé dans une nouvelle de Florian ; et un
cuisinier donna mon nom à un pudding de son inven-
tion. Ces marques desympalhie me décidèrent à récla-
mer une seconde fois mon héi'ilagc. La laouhouhnuh.
In la you, la la ijou t/ou. »
.Sprès ce inagMiliiiuc [loint d'orgue, il reprit en ces
termes :
« Je débarquai donc sur la plage de Boulogne avec
queliiues amis, et un aigle apprivoisé, qui mesuiva;l
comme un caniche et ré|)ondait au nom de John. Je
lui a\ais appris .son rôle, ipii consistait à \()'er de clo-
cher en clocher jus(]ue sur les tours de .Notie-Daiiie.
La la ouh.
B A peine sur la plage, je vis accourir un grand nom*
bre de douaniers, de soldats et de gardes nationaux.
Un tel empressement était de bon augure.
« Citoyens, leur dis-je, c'est moi (jiie vous atten-
diez?
— Nous n'atlendiins personne. Qui ètes-voiis?
— Je suis le neveu de l'Iioiiuiie.
— Quel homme ?
— Napoléon !
A L'USAGE UliS GENS SÉIIIEUX.
— Tiens, liens! s'écrièrenl-ils, c'est encore ce
laiciMir (If Slia>lMiiiit,'. Il l'uil le cniKliiirc clicz
M. le niant'. On le ili>,ul -ncn de >,t manie (l'rlic
t'in|i<'icui-.
Il llss't'nipaii'ii'nt en iMrl ili' ma |um>i o. AIhis,
ji! Ji'iiiaiitlai mon aigle. Mc:^ amis, dis-je à nus
ioni|iagiions, je ne puis vous eiiilirasseï- tous, mais
i'eiiiliiasse John. Comnii' je le serrais dans mes liias,
Jojiii me mordit à la joue. Ji' le posai à lerie en
disant: Kaiis ma reliaiti' , j'écrirai les grandes
elio.<es (]ue nous avons faites ensemlile. — .Mais , j'y
pense; vonle/.-v<His voir Joiin? »
Sans attendre notre réponse, le Tyrolien silll i,
et nous vîmes, de derrière un rocher, aiii\er nn
aigle tout di'peiiailli', i|iii nous leyardail iliiii an-
triste.
« John, lui dit son niaiire, saluez ces messieurs. »
l.'aigle lit un monveineiil.
« Maintenant, John, dites-nous (pud est le plus
napoléonien de la société. »
Même mouvenient de l'aigle.
a Sautez pour l'FMiipereiir. l'oit hieii. Sautez
pour C.avaignac. Vous voyez, il ne saute pas. C'est
une hète si bien élevée ! Des Anglais m'en ont oiïei l
plusieurs fois cinquante giiinées ; mais je ne veii\
pas me séparer de John. Je compte, cet hiver, li.i
apprendre à jouer aux dominos; et, quand je serai
vieux et aveugle, j'achèterai une clarinette, et mon
aigle me conduira. «Mon pauvre chien ne me quitte
jamais.» Mais, revenons à mon histoire. La la ou/i
oiifi oii/i , you you you la ! »
Ce prélude achevé, il continua :
« Le maire de Boulogne me fourra au violon.
De là, on me conduisit au fort de Ilam. iN'e pou-
vant apprivoiser des araignées dans mou cachot, je
me jetai dans le socialisme, et j'inventai des pians de
gouvernement pour la France. Ces plans, que
j'écrivais avec mon sang sur les murs de mon ca-
chot, éveillèrent la susceptibilité du pouvoir. L'or-
dre était donné de me jeter dans un souterrain avec
un masque de fer sur le visage, lorscjue je réussis à
m'écliapper, déguisé en gâcheur de plâtre. Je me
réfugiai de nouveau en Angleterre, une de mes
nombreuses patries. La la you, you la la lu !
« L'histoire dira comment et pourquoi j'en suis
sorti. Je me soumets aux décrets de la Providence,
cjui ne m'a élevé un moment si haut, que pour me
faire retomber plus bas. You you you, la oiih, la In
ouli!
« Oui, messieurs, j'ai été le fivori du Constitn-
/ionnel, l'homme piédestiné de la Presse. Cliaijue
jour, j'étais réveillé par les salves de la prose de
M. Thiers, et je m'endormais au doux murmure
des alinéa de M. de Girardin. La pâle Regnaiilt
s'était donnée à moi corps et boite. J'avais promis à
M. Véron la charge de grand pectoral de France.
- 1 t ^l le prmre qui fasse a\ec ses deux amis, le neveu «Je Wellington et le
liU de sir Hildson-Lowe. Kn voili un Ijrare homme de prince et pas lier !
- Et qui ne nous fera j iinais, à nius autres Anglais, le mal que nous a fait
son gueusard d'oncle !
Le prince concourt peur le bâton de constable. C'est en assommant les char
tistes anglais qu'on apprend à gouverner la France.
REVUE COMIQUE
- Ponchûur , mon
Hélène...
- Farceur, vous m'
: fife l'Enibercur!... che reviuas le Saiiite-
l l'effet de r'ïenir de Pontoise !
— La suite au prochain numéro. —
Mille voix s'élevaient du matin au soir autour diî
moi, pour me jiiomettre l'empire. La layou. Tout
ce brillant éclialauJage s'est écroulé comme un châ-
teau de cartes. La Fiance s'est réveillée un beau
matin; et, d'empereur que j'étais, je me suis
trouvé Gros-Jean comme devant. Que faire, que
devenir? Je ne pouvais plus être capitaine, lion,
Bliombéris, ou prétendant. Tous mes amis m'a-
vaient abandonné. On me conseillait de courir les
campagnes, et de me l'aire Napoléon XVII. Ce métier
avait tro]) d'inconvénients. J'ai préféré me faire
Tyrolien dans ces montagnes. Etijoupla Catarinal»
Je l'arrêtai au inomeiil où il allait faire suivre ce
cri des trois petits sauts de rigueur, en lui disant
qu'en faisant ainsi le Savoyard il s'enlevait de gaieté
de cœur une bonne partie de l'intérêt qu'il était si
digne d'inspirer.
« Merci, mon bon monsieur, de votre conseil,
me répoudit-il , je me bornerai à la tyrolienne.
Youp la la you, ouh la la. Maintenant, voulez-vous
que je vous chante un petit couplet <ï' Idées nupu-
léoniennes? La la ou/i ouh.
— Merci.
— Alors, John, fais tes adieux à la société. »
L'aigle, portant une sébile au bec, lit le tour
du cercle, et rapporta à son maître l'écuelle pleine.
Nous nous mimes en route, songeant à la bizarrerie
de la destinée de ce pauvre prétendant, réduit à se
faire Tyrolien. Pendant cinq minutes encore, l'écho
nous a|)porta le refrain de la cantilène d'adieu, ou/i
ouh, la la you.
CHOSES QUELCONQUES.
Dans le duel de MM. Baraguay-d' Milliers et
r.ondchanx, où tout s'est passé de la façon la plus
honorable, tout le monde s'inquiétait de l'inéga-
lité qu'il y avait entre les deux adversaires, M. Ba-
ragiiay-d'llilliers étant un des hommes les plus
éprouvés de l'armée et M. Goudchaux, en sa qua-
lité de financier , étant tout à fait novice dans le
maniement des armes.
M. Goudchaux, qui montra dans cette affaire que
le courage n'a pas besoin d'être forlilié par l'Iia-
bitude, eut, arrivé à la porte Maillot, un scrupule
d'une bonhomie qui fera sourire tous ceux qui con-
naissent les deux adversaires. « Croyez-vous, de-
iiianda-t-il à l'un de ses témoins, (|u'on puisse me
blâmer de me battre dans des conditions si inégales,
avec un homme ^\n\ n'a qu'un bras pour se dé-
fendre'? »
Notez que le brave général Baragnay d'ililliers
n'a qu'un bras, en effet; mais que le bras cpii lui
reste est le bras droit et qu'il s'agissait d'un dueljiu
pistolet.
A i;USA(.K l)i:s t.L.N.s .slIllKLX.
27
BOUTADK D'UN RÉPUBLICAIN.
Aiii : Alte:-vout-eUf gens de la noce.
Pour trôiuT ;i lu |iic.'.i.k'uce,
Na|iuU-oii ust (le»i^ii(' ;
(Juoiquu ami île riiidéiifiiduiui',
A ce choix je suis résijjui^.
Puisque Torique de liarhaiie
(llunlc sa ^lulru en faux buuiduii,
Noiniiie/.-le doiii'.
Nommez le doue!
Que vous iniporle la (laliie?
lions |ia|saus, uouiiuez-le donc!
J'avilis pensé qu'an plus tial>ile
l.es honneurs seraient adjuges;
Mais vous porlez, indélébile,
La souillure des préjugés.
Bien qu'un César de bas élage
Ne vaille pas un l.aridon.
Nommez-le doue,
Noinin z-le donc!
Qu'il régne par droil d'Iierilage
Bons paysans, nonjniez-le donc
L'empire n'est point à sa taille;
Kt pourtant, rouvrant les tombeaux.
Il va, sur les clianips de bataille
Jeter vos enfants les plus beaux.
Pour lui, de la moindre eiiucelle
Ou saura bien Taire nu brandon.
Nommez-le donc.
Nommez-le donc!
Vive 1j guerre universelle!
Boas paysans, nommcz-le donc!
Sous ses lois arislocraliipies,
Nous allons fêter le retour
D'une cour aux formes gothique
Pages, nienins, dames d'atour;
Des chambellans à large panse
b'étaleronl sur l'édredon.
Nonimez-le donc.
Nommez-le donc!
Le peuple paîra la dépense.
Bons paysans, nonuiiez-le donc !
(iloritiant les algarades
Dont autrefois uous avons ri,
Il va, de titres et de grades
ABubler plus d'un favori.
A la cabale qui le pione
Il répartira maint cordon.
Nommez-le donc.
Nommez- le donc!
Et vous saurez ce qu'en vaut l'aune
Uon:> paysans, nommez-le donc !
Dans quels splendides équipages
Nous verrons ces messieurs briller!
Pial sera gouverneur des pages,
Et Larabit grand ecuyer
Eu dame d'honneur on aflJrnie
Qu'on transformera la Gordon.
Nomraez-le donc.
Nommez-le donc!
Il a beau n'être qu'un iulirnie,
Bous paysans, nommez-le donc!
Mais, qu'ai -je dit'/' Dit l'cspérincc
.\ mes yeux les durtes ont lui;
l-a raison n'est pas morte eu Franc
Et les pi'iiices n'ont plus d'appui.
Pour une oulraj^eanle pen>ec.
J'implore, amis, votre pardon.
Cliassez-Ie donc,
C!ussez-le donc!
Des prétendants l'heure e^t pa-sée.
Bons citoyens, chassez-le dont !
Que l'hérédité soil bannie!
Car les héros que nous vantons
Rarement laissent leur génie
A leurs inûnies rejetons.
On voit l'aigle aux élans sublimes
Couver dans son aire un dindon.
Chassez-le donc.
Chassez-le donc!
Vous êtes seuls rois Ugilinies,
Bons citoyens, chassez-le donc!
Compagnons, pussiez-vous m'en tendre!
Et sur vous, pour calmer vos maux,
La République va s'étendre
Comme un arbre aux féconds rameaux.
Sa verdure serait flétrie
Par un président mirmidon !
Chassez-le donc.
Chassez le donc!
Pour le salut de la patrie,
Bons citoyens, chassez -le donc!
PKOMF.SSES DE DEVOIEMEM, DEMANDES
— Extrait du Chat. —
u'kmplois. — « Dans iiiicliiiies sùmajies, loul cela ^era pa\r. »
I, DOOLEVAttD DES ITALIENS.
30 oeiiliiiics la llYraiNOii.
RIIK RICHELIkU, Ht
-pXT
lltions de la Soaseription. — La Revue comique formera un iiKignifuiiie volume, grand in-8, publié en 50 livraisons à 30 centimes,
la poste, 40 centimes, — Pour tout ce qui coucerne la direction, écrire [franco) à M. Lireuï, au bureau de la Revue, 2, boulevard des
iens.
DUMUVX&AT, B9XTSUB, SS, B.US BX^ULISU. 3e H^aison.
'Z' EDITION.
GLORIEUX EPISODE DE LA VIE DU PRINCE POUR RIRE.
VISITE A WELLINGTON.
Attitude (lu neveu de la colonne devant le lion de Waterloo.
Ptri«,— Tiré aui presse* méctniqnes de Lichampb fils •! Comj>.j ru0 DamielUi 2.
LA SEMAINE.
Cette fois la Semaine entra chez moi sans se faire
annoncer, s'assit dans mon meilleur fauteuil, et m'an-
nonça son arrivée en me lançant une bouffée de ciga-
rette à la figure.
C'était une assez jolie petite Semaine, les yeux ani-
més, les cheveux noirs, la casquette sur l'oreille, une
cravache à la main.
« C'est vous, lui dis-je, mademoiselle; qu'avez-vous
à me raconter?
— De fort jolies choses ma foi ; par où faut-il que
je commence ?
— Par où vous voudrez.
— Je vous dirai donc que je suis allée au Théâtre-
Français, où je me suis fort ennuyée.
— On donnait une tragédie.
— Pas du tout, un drame, un vrai drame, André
del Sarto. Il est vrai de dire que ce drame ne s'atten-
dait pas à monter sur les planches, et que c'est un
honneur que les comédiens lui ont fait malgré lui.
J'espérais me dédommager en entendant Desdemone à
l'Opéra, mais Othello est sérieusement indisposé. On
assure qu'il a fallu le saigner.
— Il fallait aller aux Italiens.
— J'avais fart retenir une loge pour voir les deux
débutantes, mademoiselle de Méric et madame Ron-
coni; mais ici une autre indisposition
— La grippe?
— Non, quelque chose de plus grave.
— Quoi donc?
— La faillite m'a fermé la porte au nez. Le malade
est dans un état grave.
— Il guérira peut-être ; les médecins espèrent-ils
le sauver?
— Oui, si on lui applique la subvention à temps.
— Il vous restait l'Opéra-Comique.
— Je n'aurais trouvé de place qu'à la quinzième
représentation du Val d'Andorre, et je n'avais pas le
temps d'attendre. J'ai préféré d'autres distractions. J'ai
inventé le banquet mâle et femelle, le toast androgyne;
j'ai fait communier l'homme et la femme sous les es-
pèces du veau et de la salade; et, grâce à moi, des en-
fants au-dessous de sept ans ont récité des discours po-
litiques.
— J'aimerais mieux des fables.
— Cela dépend des goûts ; d'ailleurs les enfants ne
veulent plus entendre parler de l'apologue. J'aurais
voulu refaire pour eux Peau d'Ane et le Petit Poucet
au point de vue des idées modernes ; malheureusement
mes huit jours d'existence n'y auraient pas suffi.
— D'autres Semaines s'en chargeront.
— J'aime à le croire; d'ailleurs des affaires plus
graves m'occupaient.
— Lesquelles?
— Des duels parbleu ! Est-ce qu'il y a aujourd'hui
de bonnes semaines sans un petit duel.
— L'Assemblée nationale a donné l'exemple.
30
REVUE COMIQUE
— Et elle le suit.
— Cette fois, c'est le socialisme qui s'est battu.
_ Vous ne dites rien du manifeste du prince Louisï
— C'est une chute poui- M. Tliiers.
— Ce grand homme, vous le savez, s'est posé en
protecteur, non du prince Louis dont il dit pis que
pendre, mais de sa candidature qui sert ses desseins
secrets. Il avait daigné faire lui-même un manifeste
superbe pour cet infortuné prince ; or, ce manifeste,
le citoyen iirince a eu l'impertinence de le refuser, de
le refuser tout net. Le Constitutionnel en a tressailli,
et la moitié de la rue de Poitiers, qui s'était livrée un
peu étourdiment à l'ex-prétendant, a fait comme le
Constitutionnel. M. Thiers est de ceux à qui le mal
qu'il fait n'a jamais profité: cela devrait le corriger d'en
faire ; mais à son âge on ne se corrige plus.
— Autre guitare :1e grand poète, l'homme profond,
il est dans les 34 ; il a voté contre le général (lavai-
gnac.
— Vous vous trompez ; M. de Lamartine...
— Qui vous parle de M. de Lamartine".' il n'y a (lu'un
poète et qu'un homme profond au inonde; deiuaiHhz
plutôt -Ci l'Événement. M. Victor Hugo...
— Allons donc ! en politique, M. Victor Hugo est
de la force d'Alcidc Tousez.
— Avez-vous lu les vers de madame de Girardin'?
l'auteur aussi illustre que malheureux de Cléopâtre.
— Oui. La haine fait des miracles que ne fait pas
l'amour. Quand l'ex-inuse de la patrie mourra, je
propose qu'on grave ces paroles sur sa tombe ;
Ci-g!lle nioiUMe des épouses;
Elle fut fidèle à son mari en vers comme en prose.
— Ajoutera-t-on que son époux inconsolable...
— Vous m'en demandez liop long, répondit la Se-
maine.
— Est-ce là tout ce que vous aviez à nie dire?
— Tout. Est-ce que par hasard vous ne seriez pas
content? En ce cas »
La Semaine allait me provoquer en duel pour finir
comme elle avait commencé. Heureusement l'heure
fatalesonna, et elle s'évanouit comme une légère fumée.
« Je te parlerai du pape à ma |)rochaine visite, »
dit-elle.
Ti-nlative de coiiibiiiciison nmiisUTielle du prince poMrnVe;
A i;USAGE DES GENS SfillIEUX.
^
Je me connais ! citoyens ; c'est pourquoi je m'engage à faire réussir toute candidature de n'importe qui à
n'importe quoi, pourvu toutefois que ce ne soit pas la mienne !...
A MADAME DELPHINE GAY DE GIRARDIN,
A PROPOS DU FKLILLETOM DE Li. PRESSE DU Î8 NOVEMBRE 1S48.
Air des Rossigncls.
Vous qui chantiez l'indépendance,
Qui de Foy pleuriez le trépas,
A la commune décadence,
Delphine, vous n'échappez pas. .
Le temps, dans son essor rapide.
Épargne encore vos beautés ;
Mais c'est votre esprit qui se ride.
Hélas ! hélas ! tous m'attristez.
Contre un général que la Presse
Poursuit de sarcasmes amers,
Vous lancez avec maladresse
l'n lourd pavé de deux cents vers.
Suspendez, je vous en conjure,
Des coups aveuglément portés.
A votre époux laissez l'injure.
Hélas ! hélas! vous m'attristez.
Vous aviez les ailes d'un ange.
Et voilà leur éclat 0étri ;
Et vous les trempez dans la fange
Pour le bon plaisir d'un mari.
En suivant sa funeste voie.
Pauvre bas-bleu, vous vous croltez :
Trop de tendresse vous fourvoie.
Helas ! hélas ! vous m'attristez.
Mais non : la haine seule altère
Votre esprit jadis si brillant.
Quelle tournure militaire
Vous affichez en rimaillant !
D'un casque afl'ublant votre verve,
La lance au poing, vous combattez.
On va vous prendre pour Minerve.
Hélas .' hélas .' vous m'attristez.
Ou bien vous serez confondue
Avec ces dames dont Vadé
Prôna la langue bien pendue,
La verdeur et l'air décidé.
A leur brutal vocabulaire
Vos gros mots semblent empruntés.
Voyez où conduit la colère :
Hélas! hélas! vous radotez.
REVUE COMIQUE
SlITF. OES .VVKMlllES I>1' l'HI.NC.K POIK UIRE.
■ Ayant toujours aimé la sociélé des gens bieo mis et des hommes spirituels,
le prince Pour Rire se tait présenter au jockey-club, à son arrivée à Paris.
— Ce petit chape
1 est beaucoup trop grand pour vous; celui de monsieur
Toui irait mieux.
UN CLUB NAPOLÉONIEN.
LE PRÉSIDENT. « Citoycns, la si-ancc est ou-
verte ; la candidature du prince Louis-Napoltjon
est à l'ordre du jour.
IN CITOYEN. — Je demande la parole.
LE PRÉSIDENT. — Parlez !
LK CITOYEN. — Je uionte à cette tribune pour
appuyer la candidature du prince.
Voix nombiTuses. — Bravo !
LE CITOYEN. — L'Empire fut une époque glo-
rieuse poui nos armes, et je suis lier d'avoir con-
tribué, pour ma faible part, à couvrir la France
de lauriers. Ah ! citoyens, je ne puis retenir des
larmes d'admiration, en songeant au grand hom-
me que nous avons perdu ; pardonnez cette émo-
tion au vieux soldat; elle est d'autant plus na-
turelle que le héros, je puis le dire, m'honora
d'une affection particulière. Ah! laissez-moi vous
rappeler les principaux faits de son immortelle
histoire, pour réchauiler nos cœurs dans un
commun enthousiasme.
L'Empereur naquit en Corse ; moi, je vis le
jour dans un humble village, ile parents agri-
culteurs; vous savez que l'agricultureexci ta tou-
jours la sollicitude du héros. A vingt ans, étant
tombé à la conscription, et ayant été juge bon
pour le service, quoique j'eusse avalé vingt-
quatre gousses d'ail pour me donner la fièvre,
je me cachai afin de ne point partir. Mon pro-
jet était de rester au pays pour le défendre
contre une invasion. Les événements de 1814
et 1813 ne m'ont donné que trop raison. L'Em-
pereur me le dit lui-même à Fontainebleau, le
jour où il signa son alidication : » Mon brave,
dit-il, en me pinçant l'oreille, tu avais bien jugé
la situation. Je n'ai qu'un regret aujourd'hui,
c'est de n'avoir pas tiré de tes lumières tout le
parti possible. Tu aurais pu me servir dans la
diplomatie. »
Découvert par les gendarmes et conduit au ré-
giment, je conquis rapidement le grade de capo-
ral. Après six années de service, l'Empereur
m'uffrit lui-même les galons de sergent sur le
champ de bataille. Je les refusai respectueuse-
ment pour des motifs qui furent mal jugés :
« Ah ! ah ! monsieur l'orgueilleux, médit l'Eni-
])crcur en me donnant une légère tape sur la
joue, vous voulez rester toute votre vie le pre-
mier caporal de France pour faire concurrence
au petit caporal ! Eh bien ! soyez le premier capo-
ral de France, j'y consens... » Citoyens, après
bien des années, je ne puis me rappeler ces
simples paroles sans verser des larmes. Nom
d'un petit bonhomme ! Je n'ai pleuré que trois
\ r;rs.\<;K uks gkns skuikux
fois dans ma vie: lorsque je perdis mon eoloiiel,
— le jour où l'oii iiimoii(;a la luort de l'Kmpe-
reur, — ciifm, loi>;ijue je reçus le dernier sou-
pir de ma vieille lionne femme... Mille liombes !
pardonnez à l'émotion du vieux soldat! (// s'es-
suie un œil avec le revers de la main.)
Ayant refusé les j^'alons de sergent nlTerls par
l'Empereur lui-même, je jurai de eonserver
éternellement le litre glorieux de premier ca-
poral de France. On voulut en vain me nommer
lieutenant, capitaine, colonel, général de bri-
gade ; je n'acceptai rien, pas même la croix, (l'est
que j'avais l'àme ulcérée de voir les anticham-
bres du grand lionmie remplies de grands cor-
dons, de grosses épaulettes, d'uniformes chamar-
rés d'or, qui le trahissaient! Ah! nom d'une
pipe! quand je pense qu'efîeclivement il a été
trahi !... Mille millions de cartouches !... mil-
liards de bombes ! Moi, me mêler à ces traîtres !
Moi, faire voir le tour à l'homme du destin ! Ah !
sacrebleu !... Mille milliards de millionsde pipes
du bon Dieu ! ! !
Voix nombreuses. — Bravo! bravo!
l'orateur. — Et maintenant que je vous ai
retracé dans une rapide esquisse les principaux
traits de la grande ligure de l'Empereur ; main-
tenant que nous avons ensemble jeté de nou-
velles fleurs sur sa tombe, permettez au vétéran
qui fut son ami de descendre de cette tribune ;
les forces me manquent; je succombe à mon
émotion ; j'ai besoin de me rafraîchir avec quatre
gouttes de quelque chose. »
{L'orateur descend de la tribune au milieu
des plus bi'uyants témoignages de sympathie.)
LE pRÉsiDERT. B Citoyens, je crois me faire ici
l'interprète du sentiment unanime de l'assem-
blée, en votant des félicitations à l'orateur.
Cris nombreux. — Oui ! oui !
LE PRÉSIDENT. — Quclqu'uu dcmande-t-il en-
core la parole ?
UN MEMBRE DU CLUB. — Jo la demande.
LE PRESIDENT. — Parlcz!
l'orateur. — L'Empire fut une époque glo-
rieuse, et je suis fier, etc., etc., etc. L'Empereur
naquit en Corse; moi, je vis le jour dans un
humble village, de parents agriculteurs... A
vingt ans, étant tombé à la conscription, et ayant
été ti'ouvé bon pour le service , quoique j'eusse
avalé vingt-quatre gousses d'ail pour me donner
la lièvre, je me cachai afin de ne point partir.
Mon projet, etc., etc. » (La suite comme au dis-
cours précéde/it .)
Quand l'orateur a fini, un autre monte à la
tribune.
« Citoyens, laissez-moi vous rappeler les princi-
paux traits de l'immortelle histoire de l'homme
De même que son oncle consultait ma-l' tr.o.;t-!Io Lcrtormand, de même il se
fait tirer les cartes pat une sorcière de la rue Slontorgueil; elle lui promet
tout ce qu'il veut : la Présidence, l'Empire, Austerlitz. Mais ce qu'il
demande et ce qu'il cherche en vain, c'est l'iToiLEl!! — sans compter la
manière de s'en servir.
REVUE COMIQUE.
— Prince, nous aTons pensé qu'il fallait vous populariser. J'ai
l'honneur de présenter à Votre Altesse monsieur, — un de mes
amis, dont je réponds comme de moi-même, — et qui va vous
céder à des prix doux un petit Traité skt le Paupérisme.
us AMI DU PRINCE COURTIER ELECTORAL-
— Nous sommes immenEément riches. Pendant cinq ans, le prince
paie les impits pour la France entière, et il retire tous les habits
du Mont de Piété.
— Vous devriez bien lui dire alors qu'il commence par votre
redingote.
qui, etc., etc., etc. L'Empereur naquit en Corse; moi,
je vis le jour, etc., etc., etc. L'agriculture excita tou-
jours la sollicitude du héros, etc., etc., etc. A vingt
ans, étant tombé à la conscription, etc., etc., etc.
(Tf orateur quitte la tribune au milieu d'un tonnerre
d'applaudissements.)
IN ouATRiÈ'\iK oRATErn. — L'Empcrcur naquit en
Corse; moi, etc., etc., etc. » [L'orateur descend en
triomphe de la tribune, et le président lui vote des féli-
citations.)
LE pRÉsinENT. a Quclqu'un dcmande-t-il encore la
parole'?
VK CITOYEN. — Je la demande. Est-il permis d'expri-
mer franchement son opinion?
LE PRÉSIDENT. — Cc doutc cst uuc injurc.
LE ciTOTEN. — Citoyens...
LE PRÉSIDENT. — Nous somnics tous des amis de la
liberté.
LE CITOYEN. — .le monte à cette tribune...
LE PRÉSIDENT. — Parlcz sans Crainte : Napoléon aima
a liberté ; il voulait que chaque citoyen pùtmetli-eson
opinion au pot tous les jours. Parlez avec assurance,
vous en avez le droit.
LE CITOYEN. — Jc viens donc ici pour...
LE PRÉSIDENT. — Daus Ics idécs napoléoniennes, la
liberté de la tribune est sacrée comme la liberté de la
presse.
LE CITOYEN. — Jc viens donc ici pour combattre...
LE PRÉSIDENT. — Hein ! Plaît-il?
LE CITOYEN. — Pour combattre la candidature du
prince Louis.
LE PRÉSIDENT. — Jc VOUS rappelle à l'ordre !
Plusieurs rneiubres du club. — Qu'est-ce à dire? A
la porte, l'impertinent!
Voix nombreuses. — A la porte ! A la porte !
LE PRÉSIDENT. — Flanqucz-moi ce drôle à la porte.
A bas le jiékin!
[Cris, tumulte : une douzaine des plus vigoureux
membres du club escaladent la tribune, enlèvent l'ora-
teur et le jettent dehors.)
I,ES COMITÉS BONAPARTISTES.
Il y a dans Paris une demi-douzaine de comités bo-
napartistes qui fonctionnent nuit et jour dans l'intérêt
de la candidature du prince Louis.
On a le droit de s'y présenter en amateur et comme
un homme encore indécis, qui désire s'éclairer sur les
mérites respectifs des candidats avant d'écrire son bul-
letin. Le directeur vous reçoit avec la plus grande po-
litesse, afin de dissiper le préjugé trop répandu sur les
façons violentes des vieux braves de l'Empire à l'égard
des pékins.
Les bureaux sont généralement au premier , pour
A L'USAGE DES (TENS SERIEI X.
35
ménager les jambes des visiteurs. Sur la porte,
on lit : Ne prenez pus la peine de tourner
le bouton, s. v. p. Le paillasson vous essuie les
pieds du lui-même; c'est un paillasson auto-
mate, rt5vé autrefois par Yaucanson. II y a une
patte d'aigle au cordon de la sonnette ; mais on
n'a pas même besoin de sonner : un garçon de
bureau, déguise en invalide, avec une fausse
jambe de bois, vous guette par un œil-de-bœnf,
et la porte s'ouvre avant que vous l'ayez tonclii'f.
Il y a des gens à qui le prodige du paillasson
automate et de la porte qui s'ouvre d'clle-mi"nie
inspire une subite méfiance : au lieu d'entrer ils
prennent la rampe et redescendent précipitam-
ment. Mais vous êtes plus aventureux : vous
mettez le pied dans l'antichambre. Deux domes-
tiques vous retirent votre paletot; s'il y a de la
poussière, on vous donne un coup de brosse ;
s'il d plu, on vous éponge ; on vous ^iropose de
vous cirer les bottes; au besoin, on vous rase-
rait et on vous donnerait un coup de fer. Si
vous faites mine de regarder par la fenêtre, on
vous apporte une longue-vue. Il y a des visiteurs
qui abusent de ces prévenances au point de de-
mander un bouillon, qu'on ne leur refuse pas.
Ces divers offices d'antichambre sont remplis
par des amis du prince, qui se sont déguisés en
domestiques pour épargner à la bonne cause des
frais de bureau, il y en a un qui est déguisé en
nègre, et qui répond au nom de Cocambo. C'est
lui qui cire les bottes. — Voici ce qui s> passe
dans les bureaux du comité :
Le directeur est assis dans un vaste fauteuil ;
il est décoré de plusieurs ordres étrangers. Sa
phrase favorite avec les visiteurs encore indécis
dans leur vote, est celle-ci : « Fils de soldat, sol-
dat moi-même, je suis convaincu que la poli-
tesse doit être, après' le courage, la première
vertu de quiconque porte une épée. Dites-le à
vos amis ; qu'ils sachent bien que l'on nous ca-
lomnie en nous représentant comme des traî-
neurs de sabre systématiquement incivils envers
les pékins. Monsieur est sans doute militaire?
cela se voit à son air martial.
— Je suis simple pékin.
— Le mot est charmant. Simple pékin, comme
on dirait simple soldat ; le rapprochement est
ingénieux! Ah ! monsieur, que l'on a de l'esprit
aujourd'hui dans le bourgeois ! Le prince est
bien loin de partager les préjugés de son oncle
contre les idéologues ; son projet est de s'en-
tourer de gens d'esprit et de faire régner la
politesse partout. Oserai-je vous offrir son por-
trait?
— Offrez !
— Une courte biographie l'accompagne ;
- Prince, je tous amène ces messieurs, tous vieux de la vieille, pour composer
votre cabinet et votre cour.
Le prince, ne les trouvant pas asseï bien mis, choisit son cabinet et sa cour
parmi quelques journalistes de ses amis et plusieurs personnages très-consi-
dérés dans toutes les tables d'hôte des Bâti gnoUes.
36
KEVLIE COMIQIE.
GRi;«D cOiNCOlJns Foin le foilthut dd pbin
L'exposition aura iieu dans le prochain numéro.
Physionomie des artistes^ après qu'ils ODt pris connaissance du
programme.
LES OHGUES ELECTORALES EN PROVINCE.
Rendez-lui son petit chapeau.
Sa redingote grise
Et sa noble dcTise;
Rendez-lui son petit chapeau
Et son épée et son drapeau.
— Connu, connu ! c't' air-U I noua en avons plein l' do>,
parûtes aussi!
— La suite au prochain numéro.
quelques lignes seulement sur ses malheurs... ce récit
vous arrachera des larmes. »
Un garçon de hureau se présente d'un air effaré :
« Commandant, il y a là six colporteurs qui deman-
dent des portraits du prince. "^
— Qu'on leur en donne un ballot à chacun.
— Mais, commandant, il n'y en a plus; le tirage est
épuisé ; ces drôles donnent les exemplaires pour rien.
— Eh bien! servez-leur l'image du Juif errant;
c'est assez bon pour les campagnes. »
Le garçon de bureau sort et rentre presque aussitôt,
a Commandant, il n'y a même plus de Juif errant :
il ne reste que du Crédit est mort.
— Donnez-leur du Crédit est mort, et laissez-moi
tranquille. »
Un commis entre, une note à la main :
« Commandant, voilà encore Turlurobert qui fait
ses farces.
— Qu'est-ce que c'est que Turlurobert?
— Notre agent dans le centre ; il se laisse enfoncer
par les paysans en leur payant bouteille. Voici sa note,
qui s'élève à 1,537 francs 50 centimes.
— Turlurobert est un ivrogne : c'est lui qui a soif
et non pas les électeurs. Ecrivez-lui que s'il continue à
griser les départements nous le mettrons à pied. Allez ! »
D'autres commis se précipitent dans le bureau :
« Commandant, de mauvaises nouvelles !
— Commandant, nous sommes fumés !
— L'agent Fumichon a voulu prendre la parole
dans un comité électoral, et le peuple l'a attendu à la
porte pour le lapider.
— Corbleu !
— L'agent Saucissard est en plan dans une auberge,
d'où on ne veut pas le laisser sortir jusqu'à ce qu'il ait
payé sa note.
— Fichtre !
— Mais ce ipii nous fait le plus de tort, c'est que
Saucissard a promis que les impôts seraient sujiprimés
pendant cinq ans, et que le prince Louis distribuerait
des millions aux paysans; avec ça, il ne paye pas son
aubergiste.
— Eh bien ! que Saucissard aille se faire...
— Et Fumichon?
— Qu'on l'assomme !
— Mais si Saucissard crève de faim dans la rue en
parlant des richesses du prince Louis, quel effet ça va-
t-il faire?
— L'effet que ça pourra. Allez tous vous promener,
vous me rompez la tète. Nous n'avons plus le sou;
l'emprunt de 500,000 francs payables après le vote de
la présidence n'a pas réussi, et le propriétaire va nous
donner congé. Cocambo, donnez-moi ma canne et mon
chapeau, et allons-nous-en duier. Fils de soldat, soldat
inoi-mèine, je continue de vous recommander la plus
grande politesse avec nos visiteurs; on ne sait pas ce
qui peut arriver;
.\ I.LSAGE DKS GKNS SKUIIXX.
37
TYRANNIES OCCULTES.
DU DESPOTISME DES LUNETTES.
LE HEGABD, C'eST l'bOMME.
[Varianlt détagréabU'pour M. le cotnle de Buffon.)
hose étrange ! Tandis qu'à rheurc présen-
te tous les peuples se ruent à rencontre
des pouvons portant sceptre et couron-
ne, ces mêmes peuples laissent Iran
Uement fleurir à l'om
bre de l'hyopcrisie une foule de tyran
nies inédites bien autrement redou-
tables que celles qui se pré'
sent sur un trône entre
deux griffons dore's. ^=%
L'une des plus
dangereusesdeces
puissances caute-
leuses et terri-
bles, celle à l'en-
droit de laquelle
le moment de l'in-
surrection est en-
fin arrivé , c'est ^
évidemment le
despotisme formi-
dable qui se dissimu-
le sous le nom ano-
din de lunettes.
Ceci n'est pas unebou- _
tade à prétentions paradoxa-
le,; — la pire espèce de plaisan- —
teries, — c'est un cri d'indignation
sincère, c'est un appel au courage
de tous les hommes loyaux qui marclient dans rni
la vie le front haut et l'œil nu.
C'est, dit-on, au milieu du quatorzième siècle que le
Pisan Alexandre Spina médita et accomplit les besicles '^ ' ■
dans son fatal génie. L'Italie du moyen âge, qui fournissait
l'Europe de poi
sons et d'astrolo-
gues, d'inquisi-
teurs et de bravi,
et qui la fournit
aujourd'hui, en
concurrence a-
vec l'Allemagne,
d'insurrections ,
hélas! avortées,
devait en effet la doter du plus terrible
^ ' auxiliaire, de l'astuce et de l'hypocrisie.
Voici donc cinq cents ans que l'humanité se courbe,
ans le savoir, sous le despotisme persévérant et caute-
leux des lunettes.
Depuis ce temps, bien des races augustes, qui se promet-
= taient l'éternité, ont disparu devant le souffle des nations.
Depuis ce temps, bien des multitudes se sont émues contre
toutes les tyrannies, et les lunettes se sont accrues sans
cesse en nombre et en audace, et pas une vois ne s'est
élevife contre
*V
W
leur oppression,
la plus sournoi-
se, et partant,
la plus dange-
reuse de toutes.
Mais les puis-
sances d'iniqui-
tés s'écroulent
toujours dans
leur triomphe.
Il est bien
entendu que ce-
ci ne s'adresse
58
REVUE COMIQUE.
pas aux braves gens qui pensent, dans leur simplicité,
que les lunettes sont faites pour y mieux voir. —
Loin d'édaircir la vue, elles la brouillent, au con-
traire, connue chacun peut s'en convaincre. Or,
puisque cet instrument trouhle les meilleurs yeux, à
plus forte raison doit-il évidemment empirer les mau-
vais.
Il est vrai que certains hommes poussent l'effronte-
rie jusqu'à noircir leurs verres, toujours pour y voir
plus clair. A ceux-là, nous demanderons ce qu'ils pen-
seraient d'un sourd qui se boucherait les oreilles afin
d'y mieux entendre.
Du reste, la nécessité très-visible où se trouvent tous
ceux qui portent lunettes, de regarder par-dessus ou
par-dessous, quand ils ont réellement intérêt à y voir,
est une preuve sans réplique de leur duplicité.
Non, le but de ces hommes, perfidement habiles,
n'est pas d'y voir plus, mais d'être vus moins. — Dissi-
muler leur regard en brisant celui des autres, lire dans
la pensée de leur adversaire en cachant la leur, voilà
leur seule, leur vraie raison. — Un duelliste qui se
cuirasserait de fer sous prétexte d'avoir la poitrine fai-
ble, ne serait donc ni plus fourbe, ni plus lâche que
ceux qui se masquent ainsi les yeux sous semblant de
mauvaise vue.
Mais les vieillards?
Eh! mon Dieu, les vieillards y voient si net qu'ils
lisent presque tous leur journal à trois pieds de dis-
tance ! Mais en avançant dans la vie, tout homme s'a-
perçoit que ses amis à lunettes le trompent plus encore
que ses autres amis, et, pour lutter contre eux à ami~
tié égale, il s'emprisonne aussi les yeux.
D'ailleurs, jeune ou vieux, tout porteur de lunettes
cache derrière elles la ruse, la défiance, la sécheresse
de cœur et de tous les autres vices égoïstes qui consti-
tuent ce qu'on appelle la sagesse des vieillards.
C'est, qu'en effet, ce n'est pas au front que Dieu a
marqué les bons et les mauvais, comme l'ont traduit
quelques hébraïstes ignares; c'est dans l'œil et dans
l'œil seulement. — La bouche de l'homme sourit au
mensonge, sa voix chante, pleure et joue ce qu'il veut,
mais son regard ne ment jamais, parce qu'il ne lui
appartient pas.
L'œil est donc la révélation sincère de l'homme. —
A i.isAci: iti;s CKNS si^iURUX.
39
A regard droit, cœur loyal; — à œil faux, cœur
faux.
I>ii<" i|ii'iiii ri'^'iird csl faiixesldii reste une siiUise ;
il est Irès-t'nuic ati eniilraiii; iMiis(ju'il dil liiiiiièiiie :
je suis fiiux.
Or, avant la déplurahle invoutiou de Spiiia , Ions
les lioiniiies étaient égaux devant leurs (iropres jeux.
Alors, en politique, en diplomatie, en afraircs, le
viirilalde génie, le calme naturel et l'Iialtileté a(((uise,
l'enipiirlaient toujours de liant dans des luttes où cha-
cun se montrait à visage découvert.
Alors, pour domineret tromper les autres, il (allait
avoir une snpérioiité réelle ijni juslili.U le iles|)otisme et
enudldit la tromperie.
L'antiquité connaissait le verre : Moïse, Job et Aris-
tote en parlent. — Mais jamais l'idée de l'employer en
lunettes ne pouvait venir à des hommes qui respec-
taient trop la ruse pour la matérialiser.
La célèbre controverse sur les nez amiqces, qui a
lieu en ce moment à l'université de Gœttingue, met
en doute, il est vrai, le mérite des Grecs dans cette
question de loyauté.
Se fondant sur ce que, depuis l'Apollon jusqu'à la
Vénus de Milo, jamais une slatue gricqu! ne nous est
parvenue avec son nez {ce qui est parfaitement liistu-
rique) , la majorité des docteurs allemands pensent que
le nez est d'invention romaine, et que jamais Grec n'en
a porté. — Cette assertion parait très-sensée quand on
songe aux effroyables nez que se mettaient les Césars.
Tout inventeur aimanta voir exagérer sa découverte,
on comprend alors combien cette inscription devait
flatter le sénat et le peuple romain. S. P. Q. R.
40
REVUE COMIQUE
Mais que ce soit faute de nez, ou par un noble mé-
pris , toujours est-il que les Hellènes ignoraient les
besicles, et que les nations modernes ont seules gémi
sous ce iléau.
Dans les trahisons intimes de Tamitié, comme dans
l'exploitation des idées généreuses qui mènent le peu-
ple, les hommes francs, à l'œil libre, sont donc cons-
tamment victimes des hommes à l'œil Titré.
Ainsi, les médecins, les savants, les usuriers, les
hommes d'État sans état, tous ceux enfin qui ont be-
soin d'imposer et d'en imposer, portent presque tous
des lunettes.
Si bien, chose honteuse, que pour s'opposer à ce
despotisme des médiocrités, les hommes forts d'eux-
mêmes sont contraints de s'abaisser, quand leurs yeux
le permettent, jusqu'à se servir de ce triste expédient.
Un diplomate, qui gouverna longtemps l'Allemagne,
ne pouvait s'habituer aux lunettes. En ce péril, de-
vant des adversaires qui en portaient , il s'est fait
borgne ; oui, borgne ! Et cela, pour cacher du moins la
moitié de sa pensée.
Feu , de glorieuse mémoire, Napoléon essaya aussi
inutilement, à Brienne d'abord , puis en Egypte , de
porter lunettes. Mais pour y suppléer , il inventa
bientôt son fameux coup d'œil d'aigle, qu'on ne pou-
vait subir, sous peine de pulvérisation, ou tout au
moins d'éternuement.
Ou plus souvent encore de démission.
A défaut de son génie, de sa gloire et de ses traités ,
si certain oiseau collatéral croyait avoir hérité du moins
de ce regard avunculaire , nous lui conseillerions de
n'accepter encore cette dernière vanité que sous l)éné-
lice de lunettes.
Enfin, le plus souple, le plus adroit et le plus mé-
ridional de tous nos hommes d'État depuis 1830; le
seul qui ait su pendant dix-sept ans se ménager le pou-
voir dans la popularité et la popularité dans le pouvoir,
cet homme qui essaye encore aujourd'hui de remonter
à flot, ne doit sa supériorité de bonheur et d'adresse
qu'aux lunettes historiques qu'il porte depuis son am-
bition, c'est-à-dire depuis son enfance.
Faute de descendre ainsi dans les ruses privées des
grands dominateurs du monde, l'histoire désorientée
entasse souvent théories sur théories pour tâcher d'ex-
pliquer ces immenses supériorités. Un seul mot suffi-
rait presque toujours pour illuminer ces questions
comme un phare. Demandez , par exemple , aux his-
toriens, la raison du génie de Louis XI ? Que de causes
majeures ne donneront-ils pas aux succès du despotisme
de ce chat-tigre ! Et pourtant cette puissance féline no
prenait naissance que dans un simple fait complète-
ment oublié : — Louis XI était le seul roi de son temps
qui portât des besicles.
Notez que nous n'avons pas cité l'Amour, qui fait
semblant de n'y pas voir pour mieux atteindre sa vic-
time.
A cette dégradante tyrannie, quelques yeux coura-
geux , mais imprudents, ont essayé d'opposer le lor-
gnon. Cette tentative eut le sort des demi-révoltés,
elle échoua. — Se servir de lorgnon I Mais autant vau-
drait se jeter dans une mêlée avec son épée dans le
fourreau !
La noble France qui a toujours guidé le monde dans
A L'USAC.L DES GENS SERIEUX.
41
le chemin do la liberté, doit aussi secouer la iirciuière
le joug liuniiliaDt des lunettes.
Pour cela, deux simples petites lois sulïisont; cl par
la fécondité de nos législateurs, deux lois ne sont pas
une alTaire d'Etat.
I.a première supprimerait les ojiticiens, et assimile-
rait leurs marchandises à l'acétate de nioii)liine, aux
couteaux-poignards, aux cannes plombées et aux fusils
i\ vent.
Par la seconde, on inscrirait au seuil des chambres
législatives, des tribunaux, des études de notaires, etc.,
partout où se traitent et se débattent des intérêts : Ici
O.N NK rOUTK PAS DE LINETTES.
A moins ce|)cndaiit que, comme pour la vaccination,
l'État ne préfère imposer aux parents l'obligation de
luneter leurs enfants au berceau.
Tous les hommes n'ayant pas la môme vue, le pre-
mier projet nous parait encore préférable. — Porter
lunettes est certainement d'un grand secours pour
tromper, mais il faut pour cela avoir d'excellents yeux.
VOTONS POUR BONAPARTE.
Air : Gai, gai, marioHS-nous
Gai, gai, c'est convenu,
Nous porterons Bonaparte ;
Gai, gai, c'est convenu.
Nous voulons qu'il soit élu.
On dit qu' sa bourse est creuse.
Tant mieux, j'en suis content;
La France est généreuse.
Donnons-lui notre argent.
Gai, gai, c'est convenu, etc.
Chaque socialiste
Dit qu'il va l'appuyer,
La France communiste
Est bonne à partager.
Gai, gai, c'est convenu, etc.
Vous, paysans utiles.
Vile plantez vos choux;
Les fainéans des villes
Les mangeront sans vous.
Gai, gai, c'est convenu, etc.
A la France on peut dire
Quel sera son bonheur,
Car elle aura l'empire
Complet... moins l'empereur.
Gai, gai, c'est convenu, etc.
La guerre sans victoire,
Le nom sans le héros ;
Nous n'aurons pas la gloire.
Nous aurons les impôts.
Gai, gai, c'est convenu.
Tous nos principicules,
Gras de dotations,
Nous donn'ront des férules
Et prendront nos millions.
Gai, gai, c'est convenu, etc.
Tous les chapeaux à claques
Prendront position,
Puis viendront les Cosaques
Avec l'invasion.
Gai, gai, c'est convenu, etc.
Ob ! la reconnaissance
Déborde de mou cœur ;
Français, à bas la France
Et vive l'empereur.
Gai, gai, c'est convenu, etc.
Icare impérial.
— Extrait du journal LE Bossu, journal français publié à Londaes. —
11(111 rVAiin iii>, iiAi.ii..'
:E0 rciiiiitKs la livraison.
ii{ i: Miiiviin-, f(2
aditions de la Soascripiion. — La Kevue comique formera im masailique volume, grand in-8, publié en SO livraisons à 50 cenlinies.
mr la poste, 33 ceuliinos. — Pour tout ce ([ui coiicerue la direction, écrire [franco) à M. LiuECX, au bureau de la Revue, 2, boulevard d.^s
Italiens. , „ . , ■
DUMINERAY, EDITEUH, 52, aUE HICHELIEU 4e inraiSOn,
12 DÉCEMBRE 1848.
So7. (lu prince pour rire, — avec une vue de son confident.
Pari.. — Tir.' mu prc<i.'i m,Vaiiiqn.>! rie T-acrampr (il( ol Comp., rue Damielle,
LA SEMAINE.
Et comme la scmainp dernière ?p pn'senlait pour
être entendue à ?on tour, je me levai et lui dis brus-
quement :
— Pour aujourd'hui, madame, je me priverai du
plaisir de vous écouter, car je sais d'avance que vous
n'avez rien à me dire.
— Comment rien ?
— Absolument. Croyez-vous que l'on puisse entre-
tenir en ce moment le public des vaudevilles plus ou
moins aristophanesques de M. Clairville, et des traduc-
tions deM. Bulwer,qne l'on joueauThéàtre-Historique?
— Mais l'Opéra ?
— Les débuts de mademoiselle Lagrange dans
Othello, voilà bien de quoi occuper les Parisiens. D'ail-
leurs mademoiselle Lagrange n'a rien d'assez extraordi-
naire pour...
— Laissons donc de côté les théâtres.
— De quoi me parlerez-vous donc?
— De miss Burdett-Conts.
— Qu'est-ce que cette miss '?
— La plus riche et la plus laide héritière de Londres.
Autant de millions que de printemps : quarante-cinq
peut-être ; le teint légèrement couperosé comme toutes
les riches héritières anglaises ; les cheveux blonds : c'est
la future Marie-Louise du futur empereur. Le prince
Louis a cherché une archiduchesse dans la haute ban-
que. Miss Cents est à Paris, elle a mis ses millions à
la disposition de la candidature du prétendant, e'est
la France qui payerait les intérêts; miss Cents a promis
de se faire catholique afin de rendre possible un nou-
veau sacre.
— A Reims ?
— Non, à Notre-Dame. Le prince Louis compte sur
le pape pour verser sur son front l'huile sainte. Vous
savez qu'on répand le bruit, dans les campagnes, que
Pie IX , chassé de Rome par un Bonaparte , n'a quitté
Rome que pour venir en France sacrer le cousin de
son persécuteur. C'est madame Delphine Gay de Gi-
rardin qui doit être nommée première dame d'hon-
neur de l'impératrice, ou, si vous aimez mieux, de
miss (]onts!
— La muse prendre la livrée, vons n'y songez pas;Né-
mésisdame d'honneur, c'est impossible. Mais j'ai une
autre nouvelle à vous annoncer.
— Laquelle?
— La résurrection du poète Barthélémy.
— C'est la troisième au moins.
— Il chante Louis-Napoléon.
— Après avoir chanté la République et Louis-Phi-
lippe, que ne chanterait-il pas? Maintenant, avez-
vous fini de défiler votre chapelet de cancans hebdoma-
daires?
— Il me reste encore à vous parler des bals.
— Mais voilà deux semaines que ^L Marrast ne re-
çoit pas.
— Nous avons les bals publics.
— [Is sent occupés par des clubs.
— Les bals d'actrices. Figurez-vous que mademoi-
selle Scrivaneck, du Palais-Royal, adonné samedi der-
nier une soirée dansante des plus animées, et que...
Comme je vis que mon interlocutrice allait entrer dans
toutes sortes de digressions indignes de la gravité du pu-
blic, je pris poliment la semaine dernière par la main,
et la conduisant sur le seuil , je lui fermai la porte au nez .
Il
l'.i'AHK co.Miuir;
SLlTt DtS AVKMlliFS lU l'IJNr.t l'(H II lUlU.
CllAl'irUE \l.
APOTllEOS!;.
ur 11 colonne.
IMlllTl'.MT DU.N CONTEMl'OUAlN.
11 L'.-l un lioiniiio iloul riiitelliyoïu'C , iliosc r;u'0 ,
n'est uoiilesU'e par porsoiine; cet liuiiiino, un des es-
prits les plus actifs, les plus pei-sêvérants, les plus opi-
niâtres, les plus lahoiieux de ce lenips-ci , est parvenu,
à lurce de patience et de talent , à travers mille dé-
boires et mille diflicultés, contre vents et marées, à
créer un des journaux les plus considéraliles de France;
il est le roi de ce journal, il en est le maître absolu ;
l'éloge , le blâme, l'attaque y sont tour ù tour dispen-
sés par lui d'une main toujours prodigue; cet homme
pourtant n'a pas un ami, que dis-je, il n'a pus même
un envieux, ce cpii revient à due, et c'est monstrueux
h penser, qu'il n'est peut-être personne à Paris , à
l'Iicure qu'il est, qui consente à éclianger son nom
contre le sien.
Objet tour à tenir de la haine, du mépris , de la co-
lère d'un grauil nombre, cet homme , disons-le, ne
uousa jamais inspiré ([u'une profonde et douloureuse
pitié.
A le voir tous les soirs, nouveau Sisy[ihe, rouler in-
raligablement en haut de la montagne le roclier que
chaque matin il retrouve à sa hase, nous nous sommes
demandé plus d'une fois quand Dieu ^pardonnerait à
ce malheureux, et si tant de courage n'aurait pas enfin
pour récompense l'oubli possible de son passé. — Et
voyant qu'au contraire la main qui le punit s'appe-
santit tous les jiuirs davantage sur sa tète, nous
avons recherché qui donc avait pu lui attirer cet épou-
vantable châtiment.
Dieu eût pardonné à Sodome s'il s'y lut trouvé sept
justes; nous disions, nous : N'y a-t il pas sept bonnes
actions dans la vie de ce coupable, qui puissent plaider
pour lui devant la justice divine , ou tout au moins
l'absoudre devant les hommes?
Nous primes donc sa vie jour à jour, feuille à feuille,
ligne par ligue ; d'abord l'espoir nous vint ; car au
lieu de sept, nous y rencontrâmes cent , deiiv cents
bonnes actions évidentes et à côté d'un grand nombre
de paroles mauvaises, haineuses, perfides, d'idées dan-
gereuses et inap[)licables, un grand nombre aussi d'i-
dées bonnes, justes et sensées, généreuses peut-être.
Kt nous allions blasphémer, nous allions accusera
la lois et Dieu et les hommes, nous attendrir sur le sort
de cet infortuné, aller à lui, l'enconiMger, lui dire de
ne point désespérer, de revenir au bien tout à fait, et
de chasser de son cœur l'amertume qui chaque jour
eu déborde, quand tout à coup nous fûmes arrêtés par
nu dernier scrupule ; et reprenant alors une à une les
bonnes actions, les bonnes paroles, les idées généreuses
([ui nous avaient frappés dans sa vie et qui nous avaient
paru devoir plaider en sa faveur, nous les soumîmes
pour plus d'impartialité, à une dernière expérience.
Nous recherchâmes leurs causes, puis leurs effets;
A i;us.\r.K i)i:s r.KNS sfiniKnx.
.M:ii< liiciilot, dpouvanlés Au ri-siilliit de ce dernier
f\iinicn, iioiisl'aliandonnAmes n\oc liorrour, cm- sous
t.ïiil ce liicn iiu-ntciir, il nous l'nt ini|)nssil)l(î de dccini-
viir uiu' seule l'oiine iiilention, un seul acte désinlé-
lessé, un seul l'I m uni n'eût son ealcul ; — les nuil-
leures elioses smis nlle main liinesle n'i'taieiit eni-
ployécs ([ne ennnne un innycn de faiie le mal on de
détruire le liien.
Centristes, dégoùl.'s, le euMir serré, il nous falliU
aliandonner cette déploralilo nalin'eàson stérile labeur;
assurés désormais que le mal seul lui est possible, nous
nous éloi-nàmes d'elle avec effroi. I.a voix du peuple
est bien la voix de Dieu. — Condamné à n'être jamais
qu'un de CCS agents dangereux qu'on utilise pendant
la lutte, qu'on renie après la victoire, cet bommeaura
donc fait le mal sans profit pour lui-même et le dernier
de ses ennemis vaincus restera toujours pour lui un
objet de jalousie et d'éternelle envie. — 5a 'punition
est dans ce seul fait, elle est terrible; qui donc lui
refuserait ce que nous lui accordons, — de la pitié! —
On s'éloiene des monstres, on ne les liait pas.
A MM. RUCKAin, TllII'r.S Kl MOM..
La lettre du maréclial Hugcaud prenant parti pour
Louis-^apoléon, est un des plus tristes témoignages
de ce que la vanité blessée, de ce que la rivalité mé-
contente peut faire faire de sottises en ce monde à ceux
que n'éclaire pas l'amour du bien public.
Pour n'avoir pas pour chef, pour supérieur, un de
ses anciens lieutenants , un homme pour leciuel d'ail-
leurs il avait professé publiquement la pins grande es-
time, et qu'il avait signalé dès son début comme devant
atteindre à de hautes destinées, le maréchal accepte de
se subordonner à l'étourdi politique, à l'ambitieux sans
portée, qui par deux fois a eu la prétention de ren-
verser dans la personne de Louis-Philippe, le prin-
cipe et l'homme auquel le maréchal Bugeand s'était
aveuglément dévoué.
J'ai hésité d'abord , écrit-il lui-même ; et on eût
hésité à moins, M. le maréchal ! Le geôlier de la
duchesse de Berry aurait pu être le geôlier de Louis-
Napoléon ; cela n'a pas été, parce (ju'on ne vous l'a pas
ordonné. — Quand vous avez passe outre , avez-voiis
cru que la France l'oublierait?
Ce sera l'éternelle honte de M. Thiers, de M. Bu-
"caud, et de M. Mole, dont nous voyons à regret la
carrière finir dans cette honteuse coalition , d'avoir pu
se réimir pour tromper tout haut le pays sur la valeur
d'un homme, dont chacun d'eux tout bas proclame
rinsufiisance et la nullité, dans des termes que nous
n'oserions pas répéter
Si Louis-Napoléon vaut mieux que ne le disent ses
perfides conseillers, il le prouvera en s'éloignant d'eux
avec mépris, au cas oii par impossible, grâce à leur
Y)
<^-A"
y/f"!\^f^
Si nous devons avoir cette éclips", je parie qu'elle ne dure pas.
cmicoiirs inoincnUinL' , suii nom sortirait de
l'urne olectonile ; car, il faut bien qu'il le sa-
che, il ne peut attendre d'eux que trahison.
M. Vl.iiON lIOMMi: l'OLITlQUE!!
S'il y a eu quelque chose de bouffon dans ce
monde, cela a été l'incroyable prétention qu'a eue
le pharmacien Vérou de se donner comme un
homme politique.
M. Véron, industriel habile, n'avaiteu jusque-
là d'autre prétention que celle de savoir, comme
on dit, tirer de l'huile d'un mur. — Quand il a
pris le Constitutionnel, il a voulu... faire une
affaire. — Pour faire réussir, je ne dis pas ce
journal, mais cette affaire, que n'a-t-il pas ima-
giné'? Les romans de M. Sue, ses romans les plus
rouges, les plus socialistes, qui les a publiés?
Réponse : M. Véron, chef, avec M. Thiers (pau-
vre M. Thiers !), du parti prétendu modéré, des
MOIIÉRÉS lUH CES, si VOUS VOUlcZ.
Il faut qu'on sache que le traité qui lie M. Vé-
ron et M. Thiers est un traité comme il pourrait
s'en faire entre un marchand de pommade et
un marchand d'orviétan, et que, dans ce traité,
la politicjue, celle du moins de M. Véron, n'a pas
le plus petit mot à dire.
« Vous avez une boutique'? a dit M. Thiers à
M. Véron.
— J'ai une boutique, a répondu M. Véron,
et une fameuse, et je m'en vante.
— Votre boutique a deux compartunents, a
dit M. Thiers.
— Ma boutique, a dit M. Véron, a autant de
compartiments qu'il peut me plairequ'elleen ail.
— Supposons, dit M. Thiers, qu'elle n'aitque
deux compartiments, le premier étage, le rez-
de-chaussée.
— Après, dit M. Véron en faisant sonner ses
pièces de 3 francs dans sa poche, et en étalant sa
chaîne d'or sur son gilet.
— Après, a dit M. Thiers en tiianlde la poche
de six de ses amis un portefeuille d'où sortirent
une centaine de billets de banque.
Ici il y eut un moment de silence, dont la vi-
gnette seule pourrait reproduire l'éloquence.
— Après, dit M. Thiers, je vous achète, avec
l'argent de ces messieurs, votre premier étsge
pour les cent billets de mille francs que voici,
moyennant quoi je débiterai au premier étage
de votre journal la politique qu'il me plaira d y
débiter, sans que vous ayez à vous en mêler le
moins du monde.
— Du reste , de votre boutique , mon brave
homme, vous ferez tout ce que vous voudrez :
IqS arts, la littérature, l'industrie, les chemins
A L'USAGE DES GKNS SÉRIEUX.
47
(le liT, Il ]ili,irmaii(' , l,i lillL-ratiii-c facile, le
fcuilletuii, y reslomnl sniimis à vos lois; vous
pourrez en garder ou on livrer la direclion en tout
ou en |)arlie i (|ui vous voudrez : nous n'avons
neii à y vdii-, ces messieurs mes associés politi-
«lues et moi.
— C'est l'ait, dit M. Ynon.
M. Tlners ouvrit le |.ortorouille, les lullels lu-
rent comptés, nii, (l('ii\, tiois, etc.. etc., jus(iu"à
cent; total I0(», ()()(» IV.
— ("/est l'ait, ajouta .M. Véron en tendant la
main ; c'est fait, sous cette réserve pourtant, que
>i le caprice me prend de rentrer dans mon pre-
mier étage, si je trouve une surenchère, j'en
serai quitte pour vous rendre vos 100,000 fr.
Ces 100,000 fr. rendus, je pourrai relouer ledit
premier étage à un autre locataire ; et ce fut ac-
cepté.
« Comment diable M. Véron veut-il qu'on
voie en lui un homme politique? — Y a-t-il trace
d'une intention politique dans la situation qu'il
s'est faite dans son journal? Si l'honorahlc mais
changeant M. Thiers devenait carliste demain,
s'il devenait Cavaignacquiste, si.... qu'aurait à
dire M. Véron?
Morale. — Le chef du [)ouvoir exécutif est
un bien honnête homme. Beaucoup, à sa place,
n'en eussent pas tant dit au pharmacien Véron.
Si nous sommes le peuple le plus spirituel
de la terre, on ne contestera pas (]ue nous en
soyons aussi le plus ignorant des qu'il s'agit d'un
foi t qui s'est passé au-delà de nos frontières.
l/.\ssemblée nationale a discuté pendant tout un
long jour à propos du Pape et du secours que
nous avions bien fait de lui envoyer.
1,'Opposilion surtout s'est récriée: Vous allez
au secours des princes, vous n'allez pas au se-
cours des peuples. S'il y a quelque part une ten-
tative républicaine, vous êtes contre elle, et là-
dessus M. Ledru-Uollin, M. Favre de parler.
Or, ces messieurs n'ignorent qu'une chose, cl
il est vrai que c'est la principale. C'est qu'en par-
lant, à propos de l'insurrection romaine, de
M. Mamiani, par exemple, et de ses collègues du
ministère imposé au papd, ils parlaient pour un
ami, ami intime, ami non douteux et politique
de M. Guizot et de M. Libri, pour le roi Char-
les-Albert et pour le parti qui veut faire de l'I-
talie, non une confédération républicaine, niai>
un vaste royaume avec le roi de l'iéraont pour
chef. M. Mamiani rira bien quand il verra tout le
mouvement que se sont donné pourlui, adver-
saire des idées républicaines, nos braves étour-
dis de la Montagne.
Les Tillageois, s'aperccvant qu'on n'a pas du tout paye pour eux les impôts,
ainsi qu'on le leur avait promis, se lirrent à une grande chasse à t'oie.
La farce est jo
EXPOSITION
DU GRAND CONCOURS OUVERT POUR l.K rORTUMT DU PRINCE TOUR RlUE
Avec les notes du jury.
N» 1.
REFUSÉ. — Les jambes vont bien, mais la rosscinblance de tèlc csl insuffisante.
N" '2.
MEMUIN llONOliVCLE. — Celle conipojilion est lionne: les accessoires ont do I.i gaieté; le
costume, les allures anglaises, et le bras en trompe d'éléphant , sont bien saisis; le pantalon
drapa avec sràee; seulement, le masque annonce une énergie qui manque absolument a 1 or.gmal.
N" 5.
IL U;VtK DU SCI.LIL. 10 DLCKMIIRE. PREPARATIFS.
Bonnes iiUcntions, cxucution satisfaisante ; une médaille d'argent pour la chemise et les papillottes.
N" i.
N» 5.
Ce portrait sera ressemblant plus tard, lorsque \o prince pour
rire, de retour à Lonires, et réduit à vivre de ses talents^ ira
faire lasala'ie en ville.
Vérité dans la pose; ir-ais le deasiu manque. Néanmoins, l'ap-
proche du jour dcTao permet d'offrir au peintre 25Bolsde s-jn
tableau.
REFUSÉ, mais avec mention lionorali'.e. — Le corps est bien, mais la tête est flattée.
No 7.
iTRENNES rOUR 1f<f9.
C .-s es luisses incunvcniintes ont été mises
hor-î de
Nouveau modèle de pipe.
Tabatière à attrappe.
N» 10.
1. |:nS1lI<;\KM1 M SILTL'EL.
MÉDAILLE D'On. — M.illicurenseinenl c'est aussi le prolil de Gra^snt.
N" H. N" d2.
l'IF.K.I^E DhLIDKvrE.
Renvoyé au Jardin d*-s plantes.
Bou'iULl uir.it udî la Presse à ses abonnés.
N" 15.
GliANUt; MlLu.WLI-E DOR. - Ce i orlniil aurait en le (-t
SI l'urliale, se ccuiforniant au programme, avait dessiné 1"(
semble.
LIS l'ItllllOT liLl VtUT lililTEU L'AI .LE.
I Ct tableau a été retiré du concours et acheté par un monsieur
riche tt am:>nt de l'allégorie.
N" 'ir;.
.\" ;c.
L'aute.ir est assez récom|.ee.sé : .1 .1 obt.nu de nomb-euscs com-
maiides p"ur la Frai.ce et l'étrangtr.
GlUM) PRIX!!!
La ressemblance est saisissante. La lournuie Une et les manières gracieuses .lu moil.le sont liicn rendues.
L'exécution est peut-être un peu trop lùdicc : le prince semble avoir un paratonnerre dans le dos.
— Acheté par la reine de Portugal, —
REVUE COMIQUE A L'USAf-E DES GENS SÉRIEUX.
LE CHEVALIER »K LA TRISTE FIGDRB.
PROBLÉHE MATUEMATIQUE.
Du succt^s (le celui (ju'il avait conilamné,
D'un zéro que l'on encense,
Emile Girardin se montre consterné.
Les discours feraient pitié,
On (lirait un fanlùme errant sur les ruines,
Si de sa rare éloquence.
Et son bit'me visage accuse un noir cliaurin.
Un tiers n'était la moitié.
Le fait n'est pas nouveau: l":imi de Sainl-Bcrain,
A toujours eu du tristes mines.
VOTfZ Nl-IIEBO 8.
Lorsipron nous représente, en un certain local.
DENEGAKON.
Un préti.'ndant connu par m^iiule peccadille.
On assure, depuis longtemps.
Nous nous rappelons tous ce refrain musical ?
Que l'autocrate paye à beau'i deniers comptants
Où peut-on être mieux qu'au sciu de sa f.iiiiille.
Emile Girardin. Le propos est niable.
Le Czar, nous le pensons, sait mieux placer son or.
Amis, lisez la Presse, et vous serez il'l(M;ord,
Que Girardin est impayable.
(:O.MPL.\INTE
LES LOl'ANXES DK LA PRESSE.
BN FAVF.IR d'kMILE DE GIRARDIN.
Depuis que Louis Bonaparte,
Est appuje par vous, Emile Girardin,
— PREMIÈRE P.^RTIE —
Du pauvre candidat chaqui! jour on s'écarte.
L'éloge de la Presse engendre le dédain.
Air de FualJts.
Cependant le pouvoir que vous vouliez détruire,
Sur ses rivaux confus est prêt à l'emporter;
Ecoulez, peuples de France,
A notre président si vous clicrcliiez à nuire,
Des Baligoolles aussi.
Le moyen le plus sûr était de le vanter.
Le si surprenant récit
D'une histoire où la décence
N'a rien à faire Dieu merci !
En raccourci la voici.
DU PEC d'aide fait GRAND BIEX.
D'un manifeste vain pourquoi faire tapage'?
Autrefois dans les afl'jires
Grognards impériaux, cessez d'en être tiers.
Il y avait un certain
Le prioce n'a pas seul rédige cette page;
Monsieur Emile Girardin,
On sait que, pour écrire, il a besoin d'un tiers.
Journaliste doctrinaire.
Inventeur du bon marché
Pour le papier imprimé.
SDR UNE HL'SE ATRABILAIRE.
En l'an dix huit cent vingt-huile,
Ce jeune homme eut la candeur.
'Delpbine Gay, jadis poêle de bon (on.
De publier le f^oleur,
L'autre jour, dans un leuilletou,
Journal assez mal écrite,
Outragea Cavaigoac, et le traita d'infime.
Oiis qu'il n'y eut d'attrappé
Qu' l'actionnaire et l'abonné.
Cette amére satire esl-elle d'une femme"?
En voyant tant de fiel tristement prodigué.
Cbacun se dit: ce n'est pas gai.
— La suite au numéro prochain. —
^^^^0
^■^ft
'■^^^m'^V \.-^
^i^^^^^^^^^^B
WSK^^^j^
BsÊ
^^^^HB
ml^Ê
^^
TAliLEAU UllISlUIUK.
Les deux Scsie.
Extrait du Litehaky-Pionier journal anglais. —
lori.i-VAiin nr- itki uns.
ao ceiitlincM lu lUi-aiHoii.
mr. RiciiFLiEt', rii
indldons <
par la poste, 33 ceii
lt;ilit>iis.
de la SoascripUon. -LaREVCE coïiQDE formera un maRnifique volume, grand in-8, publié en 50 liTraisons à 30 centimes,
. 33 ceiilimos. — Pour tout ce qui concerne la direction, écrire [franco) à M. Lireci, au bureau de h Revte, 2, boulevard des
: qui
DUMIMX&AT. ÉI>ITE1T&, 5», B.VT miCHELIZU-
a« Livraison,
Ce petit citoyen, dont la France se mo(|ue,
A du bonapartisme arboré le drapean.
Des brillants souvenirs, qu'avec bruit il évoque,
Aux campagnards séduits il présente l'appeau.
El pour mieux soutenir son candidat baroque,
Astucieux serpent, il a cliangé de peau.
Du vainqueur d'Austerlilz il a pris la défro |U0 :
La redingote grise el le p élit chapeau.
La lorgnette à la main, en général hjbile.
Il contemp'e le champ, souillé d'encre et de bile,
Où comb ittent Bugeaud, Girardin et Véron.
Ce pygmée, affublé d'un harnais de bataille,
Espère en vain grandir sa misérable taille;
Mais ce n'est que le tiers d'im faux Napoléon.
Dessiné par Faeritziis.
Gravé par Baulant.
P«ri<. — Tire OUI pros.
LA SEMAINE.
La Semaine se précipita tout éplorce à mes genoux.
— Relevez-vous , lui dis-je avec bonté ; qu'y a-t-il
pour votre service?
— Sauvez-moi du déshonneur, me répondit-elle en
versant des larmes. Je suis une Semaine perdue.
— Comment cela?
— Il est question de rétablir la censure dramatique.
Quel désespoir pour moi, si cela arrivait pendant ma
vie ! Je n'ai pas eu le moindre banquet à présider; que
répondrai-je donc lorsque mon juge souverain me de-
mandera : Qu'as-tu fait de tes huit jours d'existence?
Faudra-t-il que je lui réponde : J'ai rétabli la cen-
sure
— Rassurez-vous, ma chère, les choses n'en sont pas
encore là. La commission des théâtres a ses inconvé-
nients, sans doute; mais elle a aussi ses avantages.
Avec elle la tyrannie d'un ministre, celle d'un direc-
teur des beaux-arts est impossible. Mais, à propos, puis-
que nous parlons de théâtres, dites-moi donc de quoi se
plaignent messieurs les directeurs ; tous lessoirs les théâ-
tres regorgent; d'un bout du boulevard à l'autre depuis
le poulailler de la Poule aux œufs d'or, jusqu'au Val
d'Andorre, il n'est pas un théâtre qui ne ferme sa
porte au nez du public désappointé. Est-ce que la Ré-
publique ne serait pas aussi ennemie qu'on le dit des
arts et des plaisirs?
La Semaine essuya en souriant ses larmes hypocri-
tes, et s'assit à mes côtés; causons politique, lui
dis-je.
— Autant dire : Causons élections, reprit-elle. Les
chances continuent d'être pour le général Cavaignac ;
la marée monte de ce côté ; tout le commerce, la ban-
que, la vraie banque, M. de Rothschild, M.Odier, etc.,
voient en lui la seule digue à opposer aux révolutions.
— Les adresses pleuvent de toutes parts ; et si l'on en
croit des gens qui se prétendent bien informés, les
campagnes, si affolées, disait-on, du nom du prince
Louis, seraient bien loin de lui être acquises. — En
voulez-vous juger? Lisez la Presse; sa rage redouble ;
elle s'use les dents ; elle devient idiote, imbécile de
fureur. Quand on sent sa force, on est plus modéré,
fût-on la Presse.
H Emile manque décidément de tact et de générosité,
disait hier un de ses amis. Non content d'attaquer
chaque matin le général, il s'en prend aussi à son père.
Comment voulez-vous que le général lui réponde? Les
armes ne sont pas égales. »
Que dites-vous des efforts tentés par les Baziles du
parti bonapartiste pour faire une montagne de l'af-
faire des récompenses nationales? Et quelle souris a
enfanté cette montagne! Le triomphe du général
Cavaignac ne leur a donc pas appris que chaque ba-
taille était pour eux un échec? Il manque un nom à la
liste, disait un bonapartiste rouge; c'est <celui du
prince. Sa place y était marquée à côté de celui de
Barbes. Tous deux n'ont-ils pas conspiré? Tous deux
n'ont ils pas tué un soldat français, en haine de Louis-
Philippe?
f.O
REVUE COMIQUE
— Ayez donc des amis !
Parlons de l'alliance de la Montagne et de
M. Thiors. M. Lediu-Roliin et M. Tliiers s'entendent
pour s'abstenir en matière de République: lequel des
deux doit avoir plus de honte de servir aux desseins de
l'autre? Quelle est la dupe, si tous les deux ne sont pas
dupeurs?
— Et les pamphlets, ma chère Semaine; on dit que
la province et Paris en sont inondés. — Et cette fois
le Gouvernement
— Le Gouvernement! ne m'en parlez pas; un gou-
vernement de journalistes qui n'a pas un journal à lui:
qui est défendu d'oflice par deux ou trois amis ; qui a
pris M. Yéron pour un homme politique; qui ne ré-
pond pas à la Presxe jour par jour, dans In Presse
même, et qui se contente de démentir dans un coin du
Moniteur du soir les innombrables attaques dont il est
l'objet; vous faites trop d'honneur à un gouvernemcnl
comme celui-là , quand vous le supposez capable de
combattre ses ennemis sur leur propre terrain. — Hélas!
détrompez-vous. Les cordonniers sont toujours mal
chaussés.
— Et le Pape ; oubliez-vous le Pape'?
— Le Pape"? eh bien ! le Pape, chassé de Rome par
un Bonaparte , n'a jias voulu rentrer en France tant
que la question de la Présidence ne sera pas vidée.
Fuir l'un, pour trouver l'autre, il n'y avait pas de
quoi rassurer le Saint-Père.
Ail ! j'oubliais: on a lu dans la Presse du 8 :
On dit qu'une comniaude considérable de bottes à double
fond vient d'ôlre faite dans un très-grand atelier de menui-
serie.
Nous laissons à la saga>:ité des électeurs de deviner à ([uel
usage sont destinées ces boites.
Est-ce plus bète qu'ignoble? est-ce plus ignoble que
béte? Qui pourrait le décider? Des boîtes à double
fond — et ce double fond; double Girardin que
vous êtes, ce double fond, ce serait donc un double
fond qui saurait lire, qui choisirait les votes, tout seul,
à mesure qu'ils tomberaient dans l'urne. La belle in-
vention que ce dcuible fond ! M. de Girardin devrait
bien avoir un double fond de ce genre à la boite où i
laisse, pendant le jour, cuver ses calomnies; entre
toutes, il choisirait au moins les vraisemblables.
— Que tu es candide à ton tour, chère Semaine !
Les électeurs du prince, demande-le au prince lui-
même, ses électeurs peuvent tout croire : ils croient
en lui.
La République éUnt justement dans son ncu\iéme mois, monsieur Vipérin, journaliste venimeux,
que nous connaissons trop, lui présente à l'improvistc un monstre
pour la faire avorter.
Mais ciinn. dilcs-moi un pou |iouri]uoi vous uomniei Louis-Najioîéou".
DamI ma feinrao aime beaucoup les oiïCiuT.
Ce qu'il y a dans le sac, on n'en sait rien ; mais voyez
l'étiquette.
— Une idée l si je nommais Napoléon-Landais î . . .
Ma foi, non!... ce Napoléon-là sait un peu le français ; il
n'aurait qu'à nous faire des calembours î. . ,
Dessiné par BERT.iii.
Gravé par Leblanc.
62
REVUE COMIQUE
LES PARVENUS.
« Voulez-vous parler raison ?
— Volontiers; je suis un homme de poids.
Je n'en doute pas. Vous votez pour Louis Boua-
paite ?
— Certes.
— Peut-on vous demander pourquoi"?
— Je vous le permets.
— En votant pour le prince, prétendez-vous protes-
ter contre la République?
— Dieu m'en garde !
— Alors, vous avez pour lui une sympathie person-
nelle?
— Pas la moindre.
— Vous le tenez au moins pour un homme de ta-
lent ?
— Je sais que c'est un bien pauvre sire.
— Alors, pourquoi diable lui donnez-vous votre
voix ?
— Parce que c'est un nom.
— Qu'est-ce que vous entendez par là?
— J'entends que Louis Bonaparte n'est pas le pre-
mier venu; que c'est un homme comme il faut, un
prince!
— Il faudrait peut-être parler beaucoup pour vous
prouver que cette idée n'est rien moins que républi-
caine; mais passons. Quel besoin avez-vous que le
président de la République soit un prince ?
— Quel besoin?
— Oui, répondez.
— Je veux pour président un prince par égard pour
moi-même ; ma propre considération y est engagée.
Voulez-vous donc que je reconnaisse pour chef su-
prême de l'État M. Pierre ou M. Paul tout court?
— Pourquoi pas, si M. Pierre ou M. Paul tout court
a fait ses preuves.
— Preuves ou non, c'est toujours M. Paul ou
M. Pierre ; et comment voulez-vous qu'un homme
comme moi...
— Qu'est-ce que vous appelez un homme comme
vous?
— Monsieur !...
— Vous avez dit que nous allions parler raison.
— Soit. L'n homme comme moi ! mais sachez que
j'ai gagné un million dans mes opérations commercia-
les; j'ai une voiture et un valet de chambre; je dine
bien, j'ai du ventre ; je porte une grosse épingle eu dia-
mant et des breloques. Voilà ce que c'est qu'un homme
comme moi !
— Et monsieur votre père était sans doute un duc
ou tout au moins un marquis?
— Mon père était un simple ouvrier, monsieur! Il
ne m'a pas laissé un sou, monsieur! J'ai fait ma for-
tune peu à peu, jour par jour, à force de travail , et,
j'ose le dire, grâce à quelque pou d'intelligence. Je
suis le fils de mes œuvres, monsieur!
— Kt cela fait votre éloge.
— Je le crois bien. Je m'appelle Funiichou tout
court, moi! Mais parlez de Fumiclion à qui vous vou-
drez dans le commerce, et l'on vous dira si ma signa-
turc ne vaut pas mieux que bien d'au très plus brillantes.
— Eh bien, M. Fumiclion tout court, soyez un peu
conséquent avec vous-même.
— Comment?
— Trouvez-vous raisonnable, vous Fumichon, lils
de vos œuvres, de vouloir pour président, tin nom,
c'est-à-dire un homme qui soit (ils des œuvres d'autrui?
— Permettez....
— Ne protestez-vous point par là contre votre pro-
pre fortune ?
— Cependant il me semble que la politique....
— Qu'est-ce que vous direz sur la politiciue? Pen-
sez-vous par hasard qu'il soit plus facile de gouverner
un État comme la France que de gérer la maison de
commerce Fumichon et compagnie?
— Je suis loin de le penser.
— S'il vous eijt fallu confier la gérance de votre
maison à quelqu'un, auriez-vons pris un nom ou
un homme capable?
— Dans le commerce, la capacité avant tout; c'est
ainsi qu'on fait les bonnes maisons.
— Les bons gouvernements se font de la même ma-
nière ; est-il besoin de vous le prouver?
— C'est clair comme le jour.
— En serez-vous plus avancé , quand le président
de la République s'appellera le prince Louis ou le prince
de Saint-Amaranthe , si ce président est un niais et
que le pays soit sens dessus dessous ?
— Il est certain que non.
— Eu serez-vous plus lier quand vous pourrez vous
Jire : — Mes correspondants ont fait faillite, c'est vrai ;
je suis ruiné , c'est encore vrai ; mais du moins ce n'est
pas M. Pierre ou M. Paul qui habite l'hôtel de la pré-
sidence, c'est le prince de Saint-Amaranthe.
— Hélas non !
— Vous êtes un bon homme au fond, mais en de-
mandant un prince, vous avez cédé à un sentiment
d'orgueil irréfléchi, mais ordinaire aux parvenus. Je
prends le mot dans sa bonne acception. Vous êtes un
parvenu, M. Fumichon , c'est-à-dire un homme qui
doit tout ce qu'il est à sa propre capacité, et la juste
estime que vous en avez conçue pour vous-même doit
vous faire estimer les autres parvenus comme vous.
Parvenus dans le commerce , parvenus dans la poli-
tique , dans la littérature , dans les arts , dans l'armée,
la République est le règne des parvenus. Injuste pour
eux , vous n'avez pas le droit d'être juste pour vous.
A i;US\r.E DES GENS SIÎRIEUX.
f)3
— Vous pourriez bien avoir raison.
— Cette vrritéotaitdéjà vieille ilu temps ilcl" Encyclo-
pédie; mais les mœurs sont toujours en relard d'un
siècle sur les idées , voilà poiu(iuoi il faut tant répéter
lesclioses. Uappeicz-vous .seulement (pie vous , l'"umi-
chon, fils d'ouvrier, enrichi par votre travail , et au-
jourd'liui un homme considérable, vous ôtes la glori-
fication vivante de la démocratie et la condamnation
des princes. .Ne l'oubliez pas rpiand vous écrirez votre
bulletin ! C. C.
h\ POLITIQUE DK DETAIL.
I.e Spee/iilnr, un dos jouniaux: les plus sérieux et
les plus iniluents de r.\iiglelerro, publie sous le litre,
lu /'oli/if/iie (la Détail, de très-curieuses et très origi-
nales réilexions dont riuimeur n'exclut ni la justesse,
ni la raison, (let article est évidemment de Carlyle,
écrivain et philosophe, justement renommé chez nos
voisins; nous la traduisons littéralement. M. ïliiers.
M. Lamartine et le général Cavaignac pourront trouver
leur profit, sinon leur compte, dans la lecture de celte
appréciation de chacun d'eux, faite par un des esprits
les plus éminents de rAngleteire.
Les liommcs d'État de ce temps-ci manquent, généralement,
d'idées larges et bitn définies, et sont surtout incapables d'un
dévouement absolu. Ils font palriolcs, jusqu'à une certaine
limite, suivant l'enjeu qu'il faut risquer. Lamarline, tout
poétique qu'il est, ne s'aventurera pas dans la bataille élec-
torale pour la présidence de la République, sans prendre ses
garanties contre le ridicule. Tliiers, son aiUipode, ne peut s'é-
lever au-dessus des questious purement nialériellis; sa plus
haute philosophie n'est que de l'crononiie politiciue d'occa-
sion. 11 y a peu d'hommes de celle classe qui brûleraient leurs
vaisseau.i derrière eux. Lepoëte patriote lui-même a toujours
ro'il sur son domaine. Il en rcnille ([ue dans la confusion où
l'Europe est jetée, il ne se présente pas un h omme qui puisse
j^uider le peuple et le rallier autour de ses drapeaux, an nom
d'un grand sentiment qui leur soit commun ; il n'y en a pas
un qui soit prêt à périr à la tSche , qui fasse même les sacri-
fices qu'exige le succès. Il n'y a pas de Curtius prêt à se dé-
vouer pour le triomphe de tous. Et ce n'est pas seulement à lu
France <iue s'appliquent ces" observations: il en est de môme
en Allemagne. Les chtfs du pays ne pensent qu'à eux et à
leurs idées plus ou moins bizarres; chaque prince n'est oc-
cu pé que de ce qu'il peut sauver pour lui et sa famille. Tout
a été détruit, mais personne n'a un plan d'action bien étudié,
et ce plan exislàl-t-il, son auteur ne risquerait pas tout ce
qu'il possède pour l'exécuter.
li n'en était pas ainsi autrcf^'is. 11 ne faut pas remonter
bien loin pour trouver des exemples de ces fermes résolutions,
de ces volontés de fer, de celte persévérance indomptable il i
immortalisent les héros et entraînent les peuples aux plus
grandes actions. Napoléon savait mettre des trônes pour en-
jeu afin de gagner des empires. Avant lui , Robespierre mar-
chiiit à son bul, à travers le sang et les haines. Nelson, quand
il avait arrêté son plan de bataille, ri^qu3it une flotte four
une victoiie. Consultez l'histiire, et vous verrez tous les
grands hommes non-seulement risquer leur vie (c'est ce que
font tous les jours les agents de police, au milieu des disputes
d'hommes ivres), mais accept r toutes les conséquences de
leurs actes. Cromwell, la Bible d'une main, l'épée de l'antre,
n'aurait point été arrèlé par un lion. Pour lui, il n'y avait qcc
la victoire ou la défaite, le iricir.phe ou la dcslinciitn. Bruns
m arcbait a Philippes.César passait le Rubicon avec cette résolu-
tion qui fait les héros, de vair.cre, et csrs icus Us cas dt n : i
cher en avant. C'est l'audace qui a sanvé Tbémistocle ; Venise-
aurait pi-ri à Chio/,za sans des sacrifices dése.'prrés de sang et
d'argent; et, de nos joitr'.s, Washington, abandonné par pres-
que toutes ses irorrpes, dont 11 ne lui restait plus qu'un faible
noyau , est parvenu à maintenir le blocus de Boston avec
l'ombre f;'une arn ée , et à battre le général Gage avec les
seules fjrces d'une volonté inflexible. Washington était un
colonel diins l'armée anglaise, il avait une certaine fortune, et
une grande dose de prudence; eh bien! il a tout risqué, sa
vie, son rang, sa fortune; rien ne l'a arrêté; il a toujours été
en av.inl, et c'est ainsi que souvent, sans argent, sans armée,
même sans espoir, il est parvenu à faire passer tant bien que
mal, à ses concitoyens, les jours de tribulations, et à fonder
une républiciue en dépit de la Grande-Bretagne.
Mais de telles vertus ne conviennent pas à notre système de
détail. Nous ne les trouverons que parmi Jes gens qui ne sont
guère err renom aujourd'hui: les barbares Croates, les Ita-
liens, si dégénérés, qu'ils se ressentent encore de l'ancienne
domination militaire du moyen âge, les Arabes algériens, qui
ont coûté tant de sang à la France.
Cavaignac, avec ses rudes façons de soldat, nous parait
marqué de ce cachet héroïque, ([ui a presque entièrement
disparu de nos jours. Dans les grandes occasions, et dans les
questions de sa compétence, il s'est montré, indépendamment
des règles de la politique technique, doué d'une résolution
inébranlable. Il va droit au but, sans s'inquiéter du bruit qui
se fait autour de lui. Chargé de défendre Paris, il le défend
suivant les règles, sans égard aux reproches et aux objections
des hommes de robe. Calomnié, il .défie ses adversaires et
mar-cbe à la tribune comme il marcherait au canon. Il ne re-
doute pas, lui, les conséquences. Orateur des plus médiocres,
il étonne tout d'un coup Paris par l'éloquence de sa défense,
le vulgaire confondant l'éloquence des faits, de la détermina-
tion, des réalités, avec l'adresse du langage. Cavaignac ne
connaît que les faits, et les enfonce jusqu'à la gorge dans la
bouche béante de ses adversaires. Là où il prend sa position,
il demeure sans que rien puisse l'en arracher; vous pouvez
le couper en pièces', mais non le faire reculer. Sa force ne re-
pose pas sur des subtilités, c'est contre le fait brutal que
ceux qui luttent contre lui doivent absolument se heurter. Ses
idées ne s'étendent ni ne s'égarent contre son gré; elles sont
positives; toute sa puissance est toujours au service de sa
résolution ; s'il est déterminé à s'abstenir, rien au monde ne
le fera mouvoir; s'il veut frapper, il frappe de toutes ses
forces et le sabre arrive jusqu'aux os. Il ne s'atlache pas aux
petits avantages, aux profils de détail, il lui faut toutou rien.
Toutes les fois que son ministère s'est jeté dans des combi-
naisons de détail, soyez sur que Cavaignac ne l'a pas suivi.
C'est un soldat, ce n'est pas un boutiquier. C'est lui qui le
premier a jeté l'ordre au milieu de l'anarchie; de la lame de
son sabre a lui le premier éclair de paix dans cette tempête
sanglante; son canon a dominé le chaos et a annoncé le réta-
blissement du pouvoir dans l'Ét;.t. En marchant droit au but
sans que rien l'ait arrêté, le soldat est arrivé à un résultat
que le rci-détaillant n'avait pu atteindre en cherchant à sub-
stituer les ressources de l'intrigue à la puissance de la force.
Louis-Plrilippe a pu être un excellent instrument poirr des
temps tranquilles et heureux , mais il ne pouvait plus servrr
au moment d'une grande crise nationale.
Audaces foi-tuna juviit.
Dc»iiié par Otto.
Cruvé par DliEVlliKli.
REVUK COMIQIIK A I/l'SAGE DES GENS S|::UIKlix.
65
SAINT CimiSTOPlIli ET LA Ri:i'LTiLlQLI-:
En tc loiiips-li il y avait un liiMiiiiii' ipii s'appelait
(',luiï.ti)plie, cl voici |)our([iioi :
O'iitail un géant qui faisait métier do passer les voya-
geurs qui voulaient traverser un lleuve à un endroit où
il y avait un gué.
l'n jour qu'il était assis, attendant les prati(|ues, il
vit venir vers lui un tout petit enfant qui lui demanda
s'il croyait pouvoir le porter sur ses épaules jusciu'à
l'autre rive. Le géant sourit à cette question, lui dit
qu'il avait porté de bien plus lourds fardeaux que lui;
et il le prit et le mit sur ses épaules.
Mais à mesure qu'il avançait dans le gué, le poids
devenait de plus en plus lourd; et enfin, succombant
sous le fardeau, il n'arriva qu'avec une peine et une
fatigue extrêmes à la fin de sa tiîche.
Cet enfant était Notre-Seigneur Jésus-Christ, et c'é-
tait l'intelligence qui écrasait la matière. C'est pourquoi
cet homme l'ut saint.
Dans ce temps-ci, un autre tout petit enfant d'un an à
peine eut un instant la fantaisie de se faire porter à un
passage très-périlleux, sur les épaules d'un iiomniequi
ne s'appelait pas Christophe, mais qui était le neveu
d'un géant. Celui-ci était présomptueux, il accepta.
Il croyait la chose d'autant plus facile que son oncle
le géant avait pendant quelque temps porté la sœur
aînée de la petite fille, et que, fatigué de la porter, il
avait fini par la manger. Mais il était si grand et si fort
(ju'on jiouvait bien lui passer ce caprice.
Le neveu du géant espérait trouver une occasion
pour en faire autant. Mais le téméraire n'avait pas les
forces de son oncle ; il ne lit que quelques pas, trébu-
cha, et s'engloutit au fond de l'eau pour ne plus repa-
raître jamais.
Pour ce (juiestdu petit enfant, après avoir fait un geste
d'adieu moqueur à ce pauvre homme, il passa lestement
tout seul de l'autre côté, et, arrivé sur la rive, il gran-
dit, grandit, que c'était U[i plaisir pour tout le monde
de le voir.
Personne ne se soucia plus du pauvie homme, qui
depuis resta toujours au fond de l'eau.
'l'^^ll
G6
REVUE COMIQUE
- La Jievue comique l'appelle une oie, — mais ce tt'est pas une
oie, car le beau d'une oie est de sauver le Capitole, et celui-là
en est incapable.
— Tout cela n'empêchera pas Mosieu de voter pour lui.
LES CLUCS EN PLEIX YENT.
^ i te lieux Ikiiicï.-, qiinlrc plantlies, un Iréleau, un
échafaudage quelconque, l'aris ne saurait se passer
plus longtemps de huslings.
A tous les coins de rues , sur les places publiques,
dans tous les carrefoui's, sur les boulevarls, nous
avons des clubs en plein air où l'on discute les candi-
dats à la présidence, mais ce sont des clubs de conver-
sation, la tribune y manque, que voulez-vous que
fasse un orateur ?
11 s'épuise au milieu des groupes, il argumente à
droite, il argumente à gauche, il discute des pieds, des
mains, des coudes, mais sa voix meuit étouffée dans
la foule ; il n'a pas le libre jeu de son argumentation,
son éloquence reste inutile comme une épée qu'on a
à son côté, mais qu'on ne peut tirer du fourreau. Si
au moins auprès de l'orateur il y avait une borne !
mais la borne a été supprimée depuis longtemps par
les progrés de l'édilité, ce n'est plus qu'une illusion,
nne métaphore, un trope, un souvenir!
Je ne comprends pas le suffrage universel sans les
hustings.
Vous voulez donc naturaliser en France les orgies
électorales de l'Angleterre et de l'Amérique ? Quoi !
nous verrions au milieu de notre Paris civilisé, se re-
nouveler sur un cirque de quatre pieds carrés les
cruautés du paganisme ? Ici c'est un orateur qu'on la-
pide, là deux orateurs se prcnnentau.t cheveux, et font
de l'escrime à poing formé. Ilurrah [)our le gladiateur
rouge! bravo pour le gladiateur tricolore. Celui-ci a
le nez écrasé, le front de l'autre est ouvert, ^"y aura-
t-il pas dans la foule quelque âme sensible pour lever
le pouce et mettre un terme à ce combat ? Laissez donc,
le peuple souverain s'amuse, il est venu ici pour voir
tirer la savate électorale, il ne s'en ira pas avant d'avoir
vu cinq ou six orateurs sur le carreau; le peuple ne
demande que punem et circenses, plaies et bosses.
L'origine des hustings se perd dansia nuit des temps ;
le jour où Diogèue dressa sur son toimeau deux plan-
clies transversales et se servit decette tribune pour par-
ler aux citoyens, il inventa les hustings. Ne soyons pas
plus fiers que les Athéniens, et ne faisons pas fi de cotte
éloquence qui ne déguise rien, et qui ne craint rien.
Les Anglais et les Américains dont vous parliez tout
à l'heure, nous valent bien sans doute, et ils trouvent
tout naturel que des candidats qui après tout se font
les solliciteui-s du peuple, lui adressent leur requête
avec les formes qui peuvent lui plaire, et dans la langue
qu'il connaît.
Nous n'eu sommes pas encore là. Les candidats ne
descendront pas cette fois sur la place publique, mais
ils y viendront tôt ou tard ; il serait absurde d'en dou-
ter, et puéril de le craindre. Il y a vingt ans que les
hustings préservent l'Angleterre des barricades.
Et d'ailleurs ces clubs en plein vent, ces réunions
A i;ilSACF, DIvS f;ENS SI^IUIKIIX.
07
ipii' nous voyons se former le soir, ù l'iunire de lu ces-
siilion (les Inivaiix , smil-ils nu fond plus |mciri([iies,
plus digues ([iif les iiustiiif;s? Non, mille l'ois non. l.à
les trois quarts des audileurs n'aperçoivent pas l'orn-
teur en face; là les l)rij;ues et les menées ont beau
jeu ; ce que Diogène lui-nic^mc n'eiU pas osé dire du
iiaut de sa tribune en plein soleil, on le murmure tout
l)as, on ne clierclio pas à émouvoir le peuple, mais à
le séduire. I/intrigue circule dans les groupes; l'élo-
quence seule agit sur les hustings. Quelle éloquence,
bon Dieu ! Qu'importe , nous ne sommes pas des pro-
fesseurs de rbétoriiiue, et j'aime bien mieux entendre
un mauvais discours , que de ne pas entendre ce que
certaines bouches peuvent glisser à l'oreille des gens
ignorants au milieu d'un rassemblement.
Mais d'où vous vient, mon pauvre ami, cette joue
enllée-?
— J'ai perdu deux dents à la porte Saint- Denis, à
vouloirdire quelques niotsen favenrde Louis-Napoléon.
— Et vous, mon brave, pourquoi ce tatouage au-
dessous de l'a'il '?
— Parce que j'ai essayé sur la place de la Bourse de
convertir quelques ouvriers aux idées napoléoniennes.
Des dents brisées, des yeux pochés, des nez écrasés
par la politique, on n'entend plus parler que de cela
depuis que les clubs on plein veut existent. De ce côté-
là , ils n'ont déjà rien à reprocher aux hustings. Si
après l'élection du président, on faisait un relové des
blessés des diverses candidatures , je suis sur qu'on en
trouverait pour le moins autant h Paris qu'à Londres
ouàNew-Yorck. Seulement, bien plus philanthropique
que l'Angleterre ou l'Amériiiue, la France trouverait
alors dans son sein un citoyen pour proposer de con-
vertir les Tuileries en hôtel des invalides électoraux.
Les clubs les plus noiid)reiix sont ceux qui se réu-
nissent sur les boulevarts et sur la place de la Bourse.
Celui de la place Vendôme est entièrement composé de
domestiques. La haute cl i)asse livrée, l'office et l'an-
tichambre, les marmitons et les suisses s'y réunissent
non point pour discuter, leur vole est acquis quand
même au prince Louis, mais pour le saluer à son pas-
sage. C'est escorté de ces acclamations touchantes qu'il
se rend à l'Assemblée nationale lorsqu'il s'y rend , ce
qui lui est bien ariivc trois fois depuis sa rentrée.
Le badaud abonde dans les clubs en plein vent, le
badaud nuit essentiellement à l'orateur. 11 demande
sans cesse : Qu'y a-t-il'? Qu'est-ce? Qu'enlendez-vous
par là ? N'est-ce pas que l'Empereur n'est pas
mort? etc., etc., etc.
Je sais bien qu'on leur répond on général par des
renfoncements, mais à la longue les renfoncements
même fmissent par paraître médiocrement comiques.
Aussi jusqu'à présent les clubs en plein vent n'ont-ils
pas tout le succès qu'on pouvait en attendre. Le cu-
rieux commence à les dédaigner; l'hcmme timide les
évite, vous verrez que bienlôt ils dégénéreront en forum
do gobo-nionchos et de nouvellistes. Ils remplacent
l'ancien arbre do C.racovie.
LE PARTI DES DOMESTIQUES.
C'est un parti nombreux ot important, et qu'il n'est
point facile, quoi qu'on on dise, do faire voler contre
ses opinions.
Mais quelles sont ses opinions?
Pour cola, je l'ignore, tout ce que je puis vous dire,
c'est que la livrée pense, la livrée agit, la livrée est un
parti, demandez-le plutôt à l'ancien régime. Les deux
plus grands ennemis de l'aristocratie ont été les philo-
sophes elles valets. La révolution se fit le jouroù Figaro
emporta d'assaut la bastille du Théâtre-Français.
La livrée cependant n'était point unanime; mais où
est l'unanimité? Crispin, Frontiii, Jasmin, Lafleur
endossèrent la carmagnole révolutionnaire, tandis que
Bourguignon, Dubois, Laverdure, Bemy, la Jeunesse
passèrent le Rhin avec l'émigration, se cachèrent dans
les caves de leurs anciens maîtres, ou portèrent leur
tète sur l'échafaud. Ils tenaient à leurs privilèges et
ne voulaient pas déposer leurs galons sur l'autel de la
patrie.
Crispin, Frontin, Lafleur, Jasmin, Pasquin,ont de-
puis longtemps quitté le service. La révolution leur
ouvrait une carrière brillante, ils l'ont suivie, et c'est
poiit-ètre un des plus utiles bionfails de cette révolu-
lion d'avoir aboli celle domesticité effrontée, intri-
gante, mendiante, cynique, s'essayant à l'égalité par
l'égalité des vices, faisant descendre l'aristocratie à son
niveau, tyrannisant les familles dont elle possédait tous
les secrets, remplaçinl enfin le confesseur par le valet.
Tartufe par Pasquin.
Mais ne nous laissons point emporter au vol de la
philosophie; pmdo majora cancamis, prenons-le sur un
ton plus modeste.
Vous fignroz-vous le jour où ce pauvre la Jeunesse
sortit enfin de ce souterrain où il avait passé les cruel-
les années de la terreur, ce trou sombre où la petite
laitière du château venait chaque matin , au péril de
sa vie, lui apporter sa nourriture? Et Dubois, l'in-
tendant Dubois, et Bourguignon, le valet de pied gras
et fleuri? on vient leur dire tout d'un coup qu'ils sont
libres, qu'ils peuvent se montrer au grand jour, que
personne ne demande plus leur tète ! Les voilà qui sor-
tent de leur cachette , et leur premier soin est de se
REVUE COMIQUE
La Grenouille et le Bauf.
LE PRINCE POUR RIRE, parle a haute voix en arpentant son salon
à grands pas.
De Itclat de mon nom le peuple est ébloui.
l'écuo Oui.
Âussî<«es buUelins porteront tous mon noiu,
L'ÉCHO Non.
rendre au château ou à l'hôtel. Bien souvent le châ-
teau est hnilé, l'iiôtel en ruine ; les maîtres sont ah-
sents ou morts. La Jeunesse, Duhois et Bourguignon
ne sont plus les domestiques de personne, c'est tjgal,
leur premier soin est d'endosser leur livrtje, de se
promener dans cet équipage, d'affronter le muni-
cipal et l'ancien président du cluh. Qui l'eût dit"?
cette livrée est poureu\ le signe de l'affranchissement
et de la liberté !
Qui leur a fait ces doux loisirs? Bonaparte. Qui est-
ce qui a ramené les lourdes perruques, les gros co-
chers à triple collet, les bas de soie, les culottes cour-
tes, le feutre galonné, l'habit à la française? L'empe-
reur Napoléon. Ceci peut vous donner l'explication de
kl ptilitique du parti des domestiques.
Hériter à ce point d'un oncle, qu'on lui doive tout,
même la sympathie des laquais. C'est honteux!
Lisette et Marton travaillent dans l'ombre la matière
électorale. On avait de si bons prolits sous l'Empire;
l'amour était de courte durée, mais il était généreux,
c'est ce qu'il faut aux confidents de l'alcôve ou <le
l'antichambre. C'était alors le beau temps des femmes
de chambre; pour elles c'était bien mieux que l'ancien
régime. Loin d'ici Frontin et Crispin ! Marton et Li-
sette sont devenues riches, elles peuvent épouser un
colonel, et même un général, manchot à la vérité,
mais on n'y regarde pas de si près pour être madame
la générale. Quant à Nanon la cuisinière, qui a eu son
premier tué à Waterloo, pour qui voulez-vous qu'elle
fasse voter son quatrième ou son cinquième? car Ma-
non a plus de quarante ans, mais elle est encore fraîche
et a])pélissante pour un tourlourou de vingt ans?
Et puis elle a des économies, et le fruitier du coin,
qui est veuf, est trop habile pour ne pas se laisser iii-
lluencer par mademoiselle Nanon.
La République a donc de rudes eimemis à com-
battre. Les souvenirs de la grande livrée, les profits
de Marton et de Lisette , le bouillon de mademoiselle
Nanon et son livret à la caisse d'épargne , le plumet
de coq des chasseurs , et mille autres choses sembla-
bles; mais la République triomphera de tout cela, la
France ne s'affublera pas tout entière de la livrée; la-
(juais qui attendent un siège derrière une voiture,
poètes, généraux, journalistes, administrateurs aux-
quels on a promis des places , le parti des domesti-
ques ne ti'iomphera point.
SOLDATS, VOILA CATI.N !
La halte est bonne après une longue marche. En-
trons dans cette auberge, le vent fait crier l'enseigne
de fer à la Vieille vivandière; on dirait qu'elle nous
appelle. L'âtre flambe joyeusement. Arrêtons- nous ici;
bientôt nous continuerons notre roule. Encore une
étape, et nous serons au régiment.
A i/usALK DKs c.KNS si::»ii:i;x.
0«.»
Kl les jouiios suMats l'iilirrenl.
Ijx lille (riuilifrpe les salue de son plus gracioux
sourire; on leur fait place au foyer, place à la lalile ;
les enfants de l'In^te traînent les lourds havre-sacs dans
la,sallc voisine ; le plus A^'é transporte un à un rlia(|ne
fusil dont le puids l'ait ployer ses épaules, ("est l'accueil
que reçoit partout le soldat eu France, mais avec un
grain de liienveillance et d'atnitié de plus, ("."est (|ue la
mère de l'hôte a l'ait toutes les guerres de la révolulicui;
elle a été vivandière, elle a >u ri';|.'ypte, l'Italie, l'Ks-
pague, rAlleniagne. Aussi voyez connue son lils en est
lier.
o On est-elle'î se deniauileiit alors les jeuiies soldais,
nous voulons boire à sa santé.
— Kt rin tin tin, lép.md une voi\ chevrotante, sol-
dais, voilà Catin I »
I,a vieille se luonlre en uu-nie temps, le chef un ])eu
tremhiant, la taille un peu voûtée, mais Td-il hrillaiil
encore, et l'air robuste malgré les rides. C'est elle ipii
va verser le coup de l'étrier à ses hôtes.
a A votre santé , la mère, et à celle de l'Knipereur 1
— De quel empereur voulez-vous parler?
— Parbleu, de celui que nous allons faire.»
La vieille poussa un petit éclat de rire.
« Mais, mes enfants, reprit-elle, savez-vous com-
ment case fait un empereur"?
— Ou écrit le nom de I.ouis-.N'apoléon Bonaparte
sur un petit morceau de papier, et l'affaire est faite.
— Oui-dà, ils disent tous la même chose, le sulfragc
universel ! Nous savons bien que le suffrage universel
n'est pour rien dans tout cela, nous autres qui en avons
fait un d'empereur.
— Vous?
— Cela vous étonne, mes enfants, c'est pourtant
comme cela. Moi qrù vous parle, je suis partie comme
vivandière lors de la levée en masse, aux cris de vive
la République 1 Plus de vingt gars du village sont par-
lis en même temps que moi. Nous comptions être de
retour après avoir chassé l'étranger, et reprendi-e qui
l'aiguille, qui la bêche et la charrue, mais ça n'a pas
été fait en un tour de main ; nous nous sommes tant
battus qu'il nous a semblé que nous ne pouvions plus
faire autre chose. Le drapeau du régiment nous avait
fait perdre de vue le clocher du village; nous ne con-
naissions plus que notre général , si bien qu'un beau
jour nous avons voulu qu'il devint le général des bour-
geois conmie le général des soldats, et nous l'avons fait ^
empereur. Nous lui avons donné une couronne eu re-
tour de vingt victoires. Voilà, mes enfants, comment
se font les empereurs. »
La vieille reprit après un moment de silence :
« 11 ne faut pas croire que plus d'une fois nous ne
l'ayons regretté. Un empereur, voyez-vous, ça finit par
devenir gênant. Il donne des croix, des épauletles , des
titres, mais il faut le suivre aujourd'hui, demain, tou-
jours; on se bat pour lui , on se fait tuer [lour lui , o
Le Renard et les Uaîï
Oa prétend que Caligula
Fit son cheval consul de Rome.
Quoi d'éloanant.â crlu î
Eo France, on va bien au delà;
Puisque d'aucuns veulent qu'on nomme,
Se basant sur ce précédent,
D'une autorité fort antique.
Un âne comme président
De notre jeune République.
70
REVUE COMIQUE
n'est plus un lionmic , on n'a plus de patrie. Les an-
ciens sentaient cela, quoi qu'on en ait pu dire; Lien
souvent pendant les nuits de bivouac, je les voyais tris-
tement rangés eu cercle, silencieux et rêveurs. Alors,
j'arrivais avec mon rel'raiu : Uin tin tin, soldats, voilà
Câlin !
a Les tètes balafrées des grenadiers se levaient vers
moi, leurs yeux pensifs s'illuminaient, ils me faisaient
une place devant le foyer. C'est que ce n'était pas seu-
lement de la liqueur que je leur versais, mais des sou-
venirs. Je leur parlais de Marceau, de lioclie, de Kléher,
je leur chaulais la Marseillaise, le Chant du ilépart,
et tout bas ils répétaient les refrains républicains. Alors
on eût vu plus d'un de ces vieux grognards essuyer
furtivement sa paupière. Souvenez-vous, jeunes sol-
dats, de ces larmes de vos pères. »
l.a voix de l'aïeule sembla s'attendrir.
« Et moi aussi je pleurais, car je me souvenais de
celui que j'avais voulu suivre, et qui chantait la Mar-
seillaise lorsqu'il tomba frappé dans mes bras sur les
rives du Rhin, en criant . Vive la liberté !
« Enfants, croyez-moi , si la grande-armée aimait
Catin, c'est ([ue Câlin, c'élail pour elle In P>épul)li(|ue,
c'est-à-dire la jeunesse, l'élan, l'enthousiasme de la
patrie et de la liberté, que le fanatisme de la gloire ne
remplace jamais. C'est ce que j'aurais voulu dire au
chansonnier qui a écrit mon histoire. Pauvre Répu-
blique! ils ne l'ont pas revue, les braves qui sont
morts ! ils l'auraient saluée et bénie. Ce n'est point de
leurs mains mutilées qu'on eût pu attendre un bulletin
pour ressusciter le fantôme de l'Empire.
« Soldats, rappelez-vous les paroles de la vivandière :
On ne meurt bien que pour la patrie. Je le sais, moi,
qui ai recueilli les dernières paroles de tant de vieux
combaltanls. Rnvez à leur mémoire et à la jeune Ré-
publique ! »
El comme rajeunie par ses souvenirs, la vieille ver-
sait d'une main moins tremblante la liqueur aux jeu-
nes gens, en répétant d'une voix plus claire et plus
ferme : Riu lin tin , soldais , voilà Catin !
Les hôtes lui répondaient en criant : Vive la Répu-
blique ! Ce cri lunglemps répélc par l'écho, se perdit
enfin avec les pas mesurés des soldats qui disparurent
sur la route dans l'ombre du soir.
Réranger, Béranger, ajoutez donc ce dernier couplet
à la chanson de (!alin.
LA TOUR DE B.\BEL.
l'n Picard qui était venu d'Amiens pour être socia-
liste , prit un cabriolet à l'heure et dit au cocher de
le conduire chez M. Lcdru-Rollin.
Il se trouva que le cocher était un citoyen des plus
avancés , homme de bon conseil et en état de prendre
la parole dans un club, de sorte qu'il recoimut bien
vite l'ingénuité du Picard, et tous deux se mirent à
disserter chemin faisant, sur l'avenir humanitaire.
— Vous le voyez , dit le Picard , je suis un patriote
de bonne volonté qui ne demande qu'à prendre ses
grades dans le socialisme ; c'est pourquoi je vais me
présenter au citoyen Ledru-Rollm pour qu'il m'impose
les mains.
A ces mots le cocher ricanant avec amertume :
— On voit bien, dit-il, que vous arrivez d'Amiens.
ne|)uis vingt-quatre heures, il a été reconnu que Lcdi-n-
Rollin était un faux frère. Le club Montesquieu l'a
signalé hier comme traître à la République ; dans une
lettre publiée ce matin par les journaux, le saint
Blanqui assure que Ledru-Rollin est un ennemi achar-
né du peuple. Aussi vous pensez bien que je ne vous
conduirai pas jusqu'à sa porte, mes opinions me le
défendent. Descendez ici, vous n'avez guère que deux
cents pas à faire dans la rue, et il ne pleut ])resque
])as.
— Je ne descends |)as, s'écria le Picard; je tiens à
avoir ce qu'il y a de mieux porté en socialisme. Puis-
que Ledru est un ennemi acharné du peuple, menez-
moi chez Proudhon.
En route, le cocher dit au Picard que Proudhon
n'aurait peut-être pas le temps de le recevoir, parce
qu'il se battait le matin même avec un autre socialiste ;
— Je tombe de mon haut, dit le Picard ; les socialistes se
battent donc entre eux? Et la fraternité! — Tu raisonnes
comme un mouchard , dit le cocher. Le Picard liumi-
hé, se rejeta dans le fond du cabriolet et ne souffla
mot.
Arrivé chez Proudhon, il le trouva effectivement qui
descendait l'escalier avec une boite de pistolets sous le
bras.
— Lisez mes livres et mon journal, lui dit le socia-
liste en le regardant par dessus l'épaule; au surplus
vous avez bien fait de vous adresser à moi ; tout le reste
est un amas de crétins. Et il passa sans lui en dire
davantage.
Le l'icard se fil alors conduire chez Pierre Leroux.
— Monsieur, lui dit-il, j'arrive d'Amiens pour sa-
voir... Pierre Leroux l'interrompit en lui demandant
s'il connaissait la triade. Le Picard pensa qu'il s'agis-
sait de quelque monument d'Amiens; mais Pierre Le-
roux, sans lui laisser le temps de répondre; — Voyez-
vous, reprit-il, un cordonnier est un empereur et un
A L'USAGE DES GENS SÉRIEUX.
71
l'tiiptM'i'Ui' csl lin cordonnier, c'i'sl la vérilé puro ; (|uaiit
.'( l'i'oiitlIiOM on 110 saurait voir vn Ini qii'ini Vandale;
mais je vous (|ui(le; on m'attend à un linni|uet oi'i je
dois portiM- un toast à saint Crépin.
Le l'ieard avait envie de retourner à Amiens, tepen-
ilantil voulut voir M. C.ahet. — l'icard, lui dit M. Ca-
liel, je suis sur que Pioudlion, Leroux et (Considérant
vous ont dit (pie j'étais un radoteur ; le fait est qu'ils
nnt tous les trois perdu la tête; mais je vois bien que
votre intention est de vous cnihanjucr pour riearic.
Partons, il y a un liacre en bas (]ui nous attend. Le
l'icard s'échappa à grande |)eine et arriva dans les bu-
reaux de /« Itcfurme, où l'on était en fureur contre la
Réjiulilique. Il courut à la IW-imblique où l'on se plai-
iinait ainèrenient de la Itoforme.
— Où donc trouvcrai-je la fralernilé? s'écria dou-
loureusement le Picard.
— A Vincennes , dit le cocher ; c'est là qu'un trouve
lus vrais amis du peuple. En parlant ainsi il regarda
le Picard de travers, paice qu'il le prenait de plus en
pins pour un mouchard.
Le Picard courut à Vincennes. Il ne put voir, à la
vérilé, Blaïupii, Barbés et llas|)ail , mais on lui apprit
que ces trois martyrs habitaient des chambres séparées
et qu'ils n'avaient aucun rapport entre eux |)arce qu'ils
avaient juré de s'élianjjler réciproquement a la ])remière
occasion.
Alors le Picard se fit conduire au chemin de fer du
Nord; il paya ÔO francs de cabriolet, et, sans le poste, le
cocher qui n'aimait pas les mouchards, l'aurait battu :
— 0 socialisme ! s'écria-til, o Proudhon , ô Cabet , ô
Pierre Lero\ix, ô Raspail , ô vous tous qui vous déchi-
rez à belles dents au nom de la fraternité, je serai des
vôtres quand vous aurez échangé un baiser sincère. Il
monta dans le wagon qui partait, revint à Amiens el
reprit sa profession de fabricant de pâtés.
C. C.
jn — ^
Le retour des cendres de celui-là.
IinVAIlD IlF< ITAI.irNS.
ao ceiiilinrN la livralHon.
Niiiii .mil mil III I II 111,1!,, ,,|JJJII|IIIIII||II|IIII|iII|IIhI.MI'i|Ii ,:! f.'ij')- liU,,!,,; , ,';'*
IIIR nlCIlKMEl', .'>2
M l)l>A.L£,
•ndUlons de la Sonscrîpdon. _ La Rewe com.qoe formera un magnifique volume grand in-8, publié ^n SO livrabons à ^^J^^^^'^
p°f" p°Us 40 ceulimes. -Pour tout ce qui conoerue la direction, écrire (franco) à M. L.becï, au bureau de la Revue, 2, boulevard de.
Italiens
DUMINKHA-r, ijUTSVU, 5», RUB BICHEIIXU.
6« Livraison.
Desâiné pai Otto.
Vovrz de ce dessin (|iiel est le sens prolund :
Dansée chapeau fameux, mais qui n'a plus de fond,
Si noire République, hélas ! pique nue lèle ,
Eu passant au travers comine un trait d'arbalète ,
Aux mains du parti rouge elle tombe d'uji bond !
Oui, bourgeois aveuglés, gent débonnaire au l'ond.
On peut vous le prédire, et sans être prophète,
Si la Terreur revient, c'est vous qui l'aurez l'aile.
Gravé par Eal'LANt
liqtie' 'le Lacrampb fiU el rom|i..
LA SEMAINE.
— Quoi ! c'est vous?
— Sans doute. N'est-ce point mon tour de vous
raconter mes aventures.
— Vos aventures ?
— Certainement.
— Eh bien ! repris-je d'un ton goguenard, voyons
vos aventures, ma chère Semaine.
— Eh!... j'ai nommé un président de la Républi-
que.
— Et vous appelez cela une aventure?
— Évidemment , puisque c'est une affaire h laquelle
le hasard a eu la plus grande part.
I — Je vous passe donc votre aventure présidentielle.
Alix autres maintenant.
La Semaine, embarrassée, garda le silence.
— Vous n'avez absolument, ma belle, lui dis-je,
que des chiffres à me donner : je connais le résultat
général du scrutin, cela me suffit. Allez faire vos ad-
ditions ailleurs; j'attendrai la Semaine prochaine pour
raconter quelque chose d'amusant à nos lecteurs. 11
faut espérer que d'ici là les événements ne nous man-
queront pas.
Ayant dit cela, je poussai la Semaine dernière par
les épaules et lui fermai ma porte au nez.
COUP D'OEIL SIR Li; NOIVEAI MINISTÈRE.
Quelle sera la couleur du nouveau ministère? Ques-
tion difficile à résoudre, tant l'iiabilelé de ses parrains
s'est exercée à fondre en une douteuse combinaison
toutes les nuances du prisme parlementaire. Les lis-
tes, d'ailleurs, ne sont point closes encore. Chaque jour
y apporte quelque modification. Nous avons tant de
dévouements à pourvoir ! Toutefois, à en juger par cer-
tains choix qu'il est permis de considérer comme défi-
nitifs, c'est la teinte ci-devant centre gauche qui do-
minera, augmentée d'une nuance de gauche dans la
personne du président, adoucie par une addition de lé-
gitimisme, corrigée parla présence d'un élément con-
servateur. Quant à la République, on en mettra sur
l'éliquetle.
Après cela, si le pays se trouve plus mal, la faculté
s'en lave les mains. Elle l'aura traité suivant toutes les
règles du codex. C'est l'honorable conducteur d; l'an-
cienne opposition conslitulionnclles qui est appelé à
couvrir de son nom les actes de l'administration na-
poléonienne. 11 y a longtemps que la probité de
M. Oïlilon Barrot est affectée au service de chaperon.
M. Odiion Barrot sera le chef nominal .sinon réel du
cabinet. C'est donc à lui de prendre le pas. Ab j'ove
principium.
Hélas ! nous le voyions hier encore, et il nous a sem-
blé plus sombre, plus fatidique que jamais. Moins que
jamais son front ne se déride ; les noirs pensers et les
soins pesants alourdissent ses sourcils contractés. Quel-
les préoccupations assiègent son âme inquiète ? Songe-
t-il à l'intervalle qui le sépare encore de ce pouvoir
convoité pendant dix-huit ans, et qu'il n'atteignit un
jour, Tantale politique, que pour le voir emporté loin
82
r.EVLE COMIQIE
de ses lèvres par la vague populaire. Son expérience
lui ferait-elle redouter une nouvelle déception, quel-
que saut de vent semblable ù celui de Février? Ou
bien gémirait-il sur le rôle ingrat auquel l'a soumis
de tout temps et le soumet encore l'égoïste amitié de
son allié, M. Tliiers?
Comme contraste à cette figure désolée, le nouveau
ministre de l'intérieur étale sa face épanouie. Pendant
longtemps, les électeurs de Montauban (extra-muros)
nommèrent à l'unanimité M. de Maleville pour sa
taille héroïque, sa physionomie empourprée et sa voix
retentissante. Quand M. de Maleville montait sur leslius-
tings du Tarn-et-Garonne, il dépassait 'de plusieurs cou-
dées le plus haut de ses compétiteurs, et le meeting,
enthousiasmé d'une aussi incontestable supériorité,
élisait d'acclamation ce magnifique candidat. « C'est le
plus bel homme de la Chambre ! » disaient avec or-
gueil les électeurs montalbanais admis par la protection
de leur député dans les tribunes du palais Bourbon ; et
ils emportaient à Caussade la satisfaction d'avoir doté
l'ordre de choses d'un de ses plus solides piliers.
M. Thiers s'appuyait avec confiance sur le bras de
M. de Maleville ; et il s'y appuie probablement au-
jourd'hui plus que jamais.
Plus frêle d'aspect, M. Léon Faucher possède, à l'en-
droit de l'ancien président du !'=■■ mars, un de ces dé-
vouements de longue date, dont la solidité est à l'é-
preuve. M. I.éon Faucher, entré dans la politique par
la porte du libre échange, ne dissimule nullement son
dédain pour les opinions stationnaires de son ancien
patron en matière de finances et d'économie. Mais une
conformité d'humeur et de vieux liens de subordination
en font un de ses séïdes les plus ardents. M. Faucher
est de plus un des chicaneurs les plus aigres de la rue
de Poitiers. Devant sa dialectique acariâtre, l'enfant
prodige de la rue de Poitiers, M. Fresneau, c'est tout
dire, est contraint de baisser pavillon. Et depuis le ">
mai, il a partagé à l'Assemblée, avec M. de Maleville,
le monopole des interruptions passionnées et des ré-
criminations amères.
Qui tempérera, dans le cabinet, la fougue juvénile
de ces deux ministres introduits, ce nous semble, tout
exprès par M. Thiers pour embourber la voiture,
comme il le dit patriotiquement? Sera-ce l'honnètc et
conciliant M. Drouyn de Lhuys ou le nébuleux M. de
Tracy, placé probablement à la marine pour glisser un
grain de philosophie dans la discipline de nos esca-
dres, où l'on éprouve le besoin de remplacer les coups
de garcette par des démonstrations in balordo ?
M. Passy, le financier, apporte ici la panacée à nos
finances. Cet ex-conservateur de la monarchie saura-
l-il mieux conserver la République?
Devant une nouvelle bataille de Juin, est-ce la ra-
pière de M. le général Rulhières qui sauvera la société
menacée?
Quant à M. de Falloux, qui représente la liberté de
l'enseignement, n'esl-il pas surprenant de voir son nom
accolé aux champions de l'Université, aux hommes
de cette école soi-disant libérale, qui, dans la dernière
Chambre, se montrait moins libérale que M. Guizot?
Certes, si nous étions à la place de M. de Falloux ,
de M. Drouyn de Lhuys, de SE de Tracy, nous goûte-
rions médiocrement de servir ainsi de paravent aux
tours de passe-passe de la rue de Poitiers. Nous aimons
à croire que M. Odilon Barrot, qui a l'expérience de ces
choses, est, au fond, peu flatté de hasarder encore une
fois sa main dans les charbons. Les oreilles ne lui tin-
tent-elles pas du classique refrain : Sic vos non vo-
his?..
Le nouveau cabinet est placé là, dit-on ironique-
ment, pour ressuyer les plâtres. C'est un jeu malsain.
On y gagne des rhumatismes. Quelque soit le dévoue-
ment des hommes qui se sotrt consacrés à cette tâche,
nous ne pouvons supposer qu'il aille jusqu'à jouer
ainsi leur santé. Qui sait, lorsque la maison sera as-
sainie et devenue habitable, s'ils ne se sentiront pas
quelque envie d'y rester définitivement? Le tour se-
rait charmant et de bonne guerre ! et nous ne serions
pas les derniers à en rire aux dépens des chefs ù'em-
plois dépossédés de leurs, rôles par leurs doublin-es
LES HOMMES DU LENDEMAIN.
Dans les changements politiques, il y a quelquefois
des hommes de la veille ; il y a toujours des hommes
du lendemain. Les uns sont exposés à s'entendre re-
procher la constance de leurs opinions; les autres ne
sont jamais convaincus d'erreur, parce qu'ils se laissent
aller au cours des événements. Ceux-là devancent l'ave-
nir; ceux-ci attendent le présent.
IjCS circonstances produisent les hommes du lende-
main, comme la pluie fait éclorc les grenouilles.
Avant le 10 décembre, ils étaient pleins d'hésita-
tion et d'in lilférence ; aujourd'hui, ils chantent vic-
loire, et lèvent les mains au ciel. L'élection est leur
ouvrage ; le nouveau Président est selon le vœu de
leur cœur ; ils n'ont jamais songé qu'à lui, et bros-
sent leurs fracs râpés pour aller réclamer la rétribu-
tion de leur zèle. Jls ont tous des titres; ils ont tous
lies droits ; ils demandent tous des places, n'en fût-il
plus au monde ! Si l'on n'écoute pas leurs conseils; si
on ne suit pas leur impulsion; si l'on ne leur confie pas
la direction des affaires, nous tombons dans l'abomi-
natinn de la désolation. Pauvres gens, qui uni oublié
la fable du Coche et de In Mnuehel
« Je ue suis iju'uue femme, une folle, nue buse. »
— Extrait d'un grand journal.
SUR CERTAINE El'lTKU
Enlre tous les journaux qui, chaque jour, énielknl
Ces récils mensongers dont le peuple est repu,
La Presse est le plus corrompu.
Vous le voyez : les vers s'y metleut !
AVÈNEMENT.
Desigué par le choix d'une foule égarée,
Sur un char triomphal, en costume éclatant;
L'héritier d'un grand nom va faire son eulrée.
Vous le verrez : le char l'attend !
84
REVUE COMIQUE
AU GÉNÉRAL CAVAIGNAC
LA FEMME D l'N DE SES ELE(.TEUI\S.
Mon cher Général,
Vons avez dit le lemleinain des journées de Juin, au
moment même où l'AssemJjlée nationale, unanime ce
jour-là, avait déclare que vous aviez bien mérité de la
patrie, vous avez dit que les républiques étaient ja-
louses, vous pouvez ajouter aujourd'hui qu'elles sont
ingrates.
En effet, la première ville de France semble avoir
oublié qu'ily acinqmoisà peineellcvousavait proclamé
son sauveur. Qu'avez-vousdoncfait pour ètrcabandonné
parcette ville sans mémoire et trabi par elle aujourd'hui.
Quels sont vos crimes?
Permettez, Général, à une femme, à une Parisienne
de vous les dire.
Paris, mon cher Général, nos poêles, nos artistes
l'ont toujours représentée sous la figure d'une belle et
séduisante femme, pleine de grâce encore plus que
de majesté. Vous n'en avez pas jugé ainsi, Général,
vous lui avez fait plus d'honneur qu'elle n'en méritait,
vous l'avez traitée comme une ville antique, vous l'a-
vez forcée au respect, à l'admiration, elle vous a res-
pecté, elle vous a honoré; mais, il faut vous le dire,
Général, on n'aime pas tout ce qu'on admire, et Paris
vous a craint et admiré plus qu'elle n'a pu vous aimer.
Paris n'a pas que des vertus, Général, et si bour-
geoise qu'on la suppose, elle n'a pas, non plus, que
des intérêts. Ses maisons, ses foyers, son honneur, ses
biens vous les avez sauvegardés, c'était beaucoup;
une autre ville que Paris, une ville sage et sensée eût
trouvé que c'était assez, et dans ce jour, jour solennel
où elle a dû se donner, se choisir un protecteur, entre
vous et tout autre, aucune capitale d'Europe n'eût
hésité.
Ce n'est pas Londres , cette fille bien élevée et
toujours convenable de l'aristocratique Angleterre;
ce n'est pas Vienne, cette Vienne battue et pourtant
fidèle, qui, abandonnée de son vieil et imbécile empe-
reur, se livre docilement et sur son ordre à un enfant,
son neveu; ce n'est pas Berlin, qui garde son roi
fantasque, malgré ses représentants eux-mêmes; ce
n'est pas Saint-Pétersbourg enfin, qui baise les pieds
de son redoutable maître, ce n'est aucune de ces villes
qui vous eût préféré votre douteux rival.
Mais Paris est une ville unique, elle ne ressemble à
aucune autre: grande et petite tout ensemble, assem-
blage bizarre de défauts monstrueux et de magnifiques
qualités, quand on a pris toute sa raison, quand on a
toute son estime, on ne la possède point encore tout
entière, on n'est encore que son frère ou son ami. —
Or, Général, Paris est une Parisienne, c'est-à-dire une
de ces Françaises qui ne vieillissent pas, et qui, dans un
époux, cherchant surtout un amant, prennent plus vo-
lontiers l'amant à part de l'époux que l'époux à part
de l'amant, si un miracle ne leur montre pas l'un et
l'autre réunis dans un seul.
A qui la ville de Paris vous a-t-elle préféré, mon
cher Général. Ne le lui demandez pas. Elle n'en sait
rien encore! Ce qu'elle sait, c'est que vous avez eu un
tort envers elle ; ce tort, tort léger mais énorme, a été
de l'enfermer, sans la consulter, dans le cercle de Po-
pilius du mariage quelques jours plus tôt que la chose
ne pouvait lui convenir. — Je te donne six semaines,
lui avez-vous dit un jour, jour fatal, six semaines pour
faire un choix! De ce jour-là, Paris a été perdue pour
vous, hélas! et vous avez été perdu pour elle.
Ce qu'il y a de plus féroce au monde, ce n'est ni un
tigre, ni une hyène, ni un peuple en furie, ni des sol-
dats ivres de poudre et de sang, ni un bourgeois dé-
fendant sa propriété, ni un communiste se ruant sur
celle des autres, c'est une femme aimable, à qui l'on
semble vouloir prendre aujourd'hui ce qu'elle avait
résolu de ne livrer que demain. — Vous avez f;iit de Pa-
ris, en une journée, cet être implacable. — Dût-elle en
mourir, elle devait se venger, — elle s'est vengée!
Que pouvait faire, en effet, cette fille très-fière et un
peu folle en présence de deux soupirants, l'un, grand,
noble, victorieux sans doute, mais pressé, mais impé-
rieux, mais au geste hautain; l'autre, timide, embar-
rassé, soumis, prêt à tout, promettant tout, acceptant
tous les délais; si ce n'est une sottise?
Cette sottise, Paris l'a faite. — Votre tort a été de
ne pas la prévoir, votre faute de ne pas l'éviter. Crai-
gnant d'avoir en vous un maître, elle vous a préféré
votre rival. —Après tout, s'est-elle dit, c'est un fils de
famille, c'est l'héritier d'un grand nom. Je serai nièce
d'empereur, et mon nom sera sonore, c'est une aven-
ture à courir. Et le oui fatal a été dit.
Plaignez Paris, Général, mais ne vous ne plaignez
pas. — Vous auriez été le mari, vous serez... l'amant.
Paris était à peine dans la voiture qui la ramenait
de l'hôtel de ville avec son nouvel époux, — j'y étais
avec elle et j'en parle savamment, — que se prenant
pour la première fois peut-être aie considérer sérieuse-
ment, un long et significatif soupir sortit de sa poitrine,
l'atience donc, Général, le dernier mot d'une femme
n'est jamais dit, le divorce est de tradition dans cer-
taines familles, un jour viendra oi'i vous aurez à par-
donner, pardonnez alors, mais n'oubliez pas. N'ou-
bliez pas qu'une fennne, une ville et une nation, se
prennent et se prendront toujours par leurs défauts,
aussi bien que par leurs qualités.
Vous êtes bien coupable, Général : vous nous avez
crus parfaits. Mahie "■.
A L'USAGK DIÎS GENS SIÎRIliUX.
LE (KUOM'I. Vr.lto.X.
Le liiiiil sV'st ri'();in<lii ijuc .M. Vi'iiin tilait un colo-
nel en rotiaili', et (lue c'éliiil à lui qu'il fiiliail s'adres-
ser |)our obtenir ([iieliiue laveur ili; M. I.ouis IJoria-
|)arle.
» M. Véion, nous disait iiier un provincial, est un
ancien colonel de cuirassiers misa la demi-solde par
les Bourlions en I8iri.
— Vous vous trompez; M. Véron est, au contraire,
un ancien pluuinacien qui a inventé la pàte-Ke-
gnauld.
— Vous voulez dire la cuirasse-Hegiiauld.
— Qu'est-ce (jue vous ajipelez la cuirasse-Ite-
gnauld?
— Une cuirasse d'un nouveau genre, essayée pour
la première fois à Wagram, et inventée par Véron,
alors simple chef d'escadron. L'Empereuren fut si con-
tent, qu'il nomma Véron colonel sur le champ de ba-
taille.
— Qui diable a pu vous donner ces renseigne-
ments?
— l'arbleu ! tout le monde. Lisez les bulletins de la
grande armée, vous y verrez le colonel Véron et ses
cuirassiers mis à l'ordre du jour pour s'être couverts
de gloire. On dit que sa Mlle va se marier avec M. Louis
Bonaparte.
— La fille de qui ?
— Du colonel Véron.
— Mais le colonel Véron, puisque vous y tenez,
n'est pas marié.
— Vous voulez dire qu'il est veuf?
— J'entends qu'il n'a jamais eu femme ni enfants.
— La plaisanterie est bonne. Alors, vous prétendez
que le colonel n'a pas une fille, la charmante Alina?
— Je soutiens que non.
— Et cette fille n'a peut-être pas été élevée par un
ancien maréchal des logis de cuirassiers nommé Brant,
qui sauva autrefois la vie à son colonel dans une ba-
taille?
— Je n'ai jamais entendu parler de Brant, je ne
connais que .Mcrruau.
— l'ossible iiue Brant ne soit qu'un nom de guerre.
Merruau, puisque c'est le véritable nom de Brant,
après avoir été longtemps le brosseur du colonel et lui
avoir sauvé la vie dans une bataille, l'a suivi dans sa re-
traite ; et lecolonel, qui le considère comme son ami, lui a
confié l'éducation de sa fille, la charmante Mina.
— Et Mina doit épouser Louis Bonaparte, qui de-
viendrait ainsi le gendre du colonel Néion?
— On ledit. Fidèle Brant, que tu vas être heu-
reux!
— Vous voulez dire Merruau?
— Soit. On m'a montré hier le fidèle Merruau sur
le boulevard : quelle belle tète de grognard! Deux ba-
VII' l'OLITIori'. l'T LITTi:il Allli:
m:
VIPÉIUIN
JOiniNALISTE ET IM)L>Tri|(-;L.
Vipérin vint au monde tout seul.
Recuei li par des perîODnes chaniable?, il voit en rêve son
ange gardien.
8ti
REVUE COMIQUE
hitVes sur h joue et une moustache on broussailles : un
vrai dessin de Cliarlet ! Je nie suis laissé dire que Mer-
ruau n'avait versé que deux pleurs dans sa vie : ce fut
d'abord le jour où il reçut la croix des mains de l'Em-
pereur, et, plus lard, lorsque son colonel, qu'il venait
de sauver, le serra dans ses bras.
Il versera un troisième pleur, le jour où il si-
o-nera au contrat de mariage de Mina, son élève, avec
Louis Bonaparte.
— Je le crois volontiers. Ce mariage est un acte de
haute politique, qui fera tomber tous tes bruits qui
courent au sujet d'une protendue alliance entre Louis-
îsapoléon et l'empereur de Russie. A vrai dire, le pays
n'aurait pas vu cette alliance avec plaisir, les Russes
ayant toujours été nos ennemis. La campagne de Mos-
cou ne nous a point laissé d'agréables souvenirs. « Ils
sont là-bas qui dorment sous h neige... »
— Je sais le reste ; mais la dot?
— Quelle dot ?
— Celle que l'empereur Nicolas devait donner à sa
nièce.
— Est-ce que vous croyez que le colonel n'a pas de
quoi doter richement sa fille? C'est un colonel à la de-
mi-solde, il est vrai ; mais quand il vit sa carrière mi-
litaire brisée par la Restauration, il se lança dans l'in-
dustrie.
— C'est alors qu'il inventa la pàte-Regnauld?
— Où diable avez-vous pris ce conte? Je vous ai dit
que c'était la cuirasse-Regnauld qu'il avait inventée
sous l'Empire. Rentré dans la vie privée, il fonda une
usine pour la fabrication des cuirasses ; et cette entre-
prise réussit. Des dépôts de cuirasses-Regnauld furent
établis chez tous les pharmaciens, et ces cuirasses sou-
veraines contre les rhumes et les maladies de poitrine
eurent un succès prodigieux. Le ciel bénit les efforts
du vieux soldat, secondé par le lidèle Merruau, contre-
maître de l'usine ; sa iille Mina elle-même tenait les
livres de compte. Celte charmante enfant était la pro-
vidence des ouvriers ; aussi fallait-il les voir se cotiser
tous pour lui acheter un superbe bouquet le jour de
sa fête! Aujourd'hui, le colonel Vcron est le plus ri-
che industriel de France ; et, certainement, il donnera
une dot impériale à sa fille.
— Le fidèle Merruau lui-même n'est pas sans quel-
([iies petites économies, et je suis bien sûr qu'on aura
Ibrt à faire pour l'empêcher de les donner à la char-
mante Mina. Mais il se fait tard, et je vous quitte pour
aller assister à la reprise du Soldat laboureur. »
Comment Vipérin se fit journaliste,
Et passa tonjours pour un homme de mauvaise mine.
A I.ISAf.E DES r.KNS SIIUIKIIX.
«7
UU.NMiZ-.NUlS IMiNC DES NOUVELI.LS Dl. M.
|»l. (.II'.AI'.IMN.
_ Oii »ont iM «iffleti, «a «orpcnti. !
Qu'est dcvcniiM. (leCiiaidin? QtiedevienlM. de Ci- I
raidin? En vain nousle deniandoiisii tous les écliosde ta \
Presse ; le échos sont muets ; la J'ressc ne répond nen .
— Il se fait celer, dit l'un, pour échapper à la cohue
des solliciteurs.
— Un autre : il court sur la loule de Saint-Péters-
bourg où on l'envoie négocier un grand mariage.
— Bouderait-il par hasard, répliiiue un troisième?
— Quoi, déjà!
Au fait, tandis que les plus obscurs d'entre lesvam-
queurssont convoques pour le partage'du butin, seul
le rédacteur en chef de lu Presse manque au gala des
[uirtefeuilles et des places. C'est à peine, infortuné
convive, si la rumeur publique lui a un jour attribue
l'héritage de M. Caussidiére; vingt-quatre heures après
il n'en était déjà plus question.
Avec le quart d'heure de Rabelais, l'heure des désil-
lusions aurait-elle déjà sonné'?
11 est de tels services qu'il devient souvent diflicile
de reconnaître. On se sauve alors par l'ingratitude.
C'est l'expédient des souverains, peuple ou prince. U
uous plait de von- qu'en l'an de grâce 18iH les bonnes
traditions du pouvoir se conservent.
En ce qui touche M. de Girardin, nous ne pensons
pas cependant que l'opinion réclame bien fort contre
ces réminiscences monarchiques. Si /« Presse n'a pas
satisfaction, disait ces jours-ci, avec quelque effroi, un
ami de M. L. Bonaparte, elle est capable de recom-
mencer contre nous la même cami)agne qu'elle a faite
successivement contre M. Guizot, contre le Couverne-
ment provisoire, la Commission executive et le géné-
ral Cavaignac. — Qu'elle recommence, répondit .me
interlocutrice, dont les mâles conseils ne sont point,
dit-on, sans quelque influence dans les conciliabules de
l'hôtel du Uhin.
Si le futur président, au premier coup de plume, fait
jeter le rédacteur de la Presse à Viucennes et, moins
clément que son prédécesseur, l'y laisse pendant quatre
ans écrire les mémoires d'iin journaliste au secret,
croyez-vous qu'il y ait à Paris soixante voix pour pro-
tester? Croyez-vous qu'il y en ait vingt? Croyez-vous
qu'il y en ait dix?
REVUE COMIQUE
El fit sa tétc avec les anciens ami?.
CONFIANCE! CONFIANCE!
Sur le coup de deux heures, Gobseak, N'ucingea ,
Chaudnreille, i'etitrenard , Leiiipoignas et Hapinaud ,
les princes de la (inance, firent leur entrée à la Bourse
au milieu d'un cortège de courtiers marrons, de prè-
teuzs sur gage, d'escompteurs de primes, d'avaleurs
de différences et do coulissiers pattus de la grande et de
la petite espèce.
Aussitôt il y eut un mouvement extraordinaire au
parquet, et les fonds commencèrent à monter.
Grandputois, l'agent de change, échangea un signe
avec lioursicot; son collègue, et un effroyable tumulte
plongea dans le ravissement la foule grouilianle à l'en-
tour de la corbeille. On aurait pu croire que le monu-
ment croulait , et que les sculptures détachées de la
voùle fendue allaient tomber du haut en bas sur le
cinq pour cent. Heureusement le cas a été prévu ;
les sculptures sont peintes à la détrempe, et les murs
sont à l'épreuve de la hausse. Le bruit de la cave
montait jusqu'au grenier , où siège la justice consu-
laire, et l'on vit des magistrats quitter leur fauteuil
et leur toge pour reprendre leur costume civil de
marchands d'huile en gros, d'escompteurs patentés, ou
de négociants en peaux de lapin, et aller faire quelque
coup de commerce dans les fonds publics avec la dot de
leur femme en couverture. — C'était un beau désor-
dre, un véritable effet de l'art !
Les fonds montaient.... montaient toujours.
Gobseak et Nucingen faisaient cercle au milieu du
temple. (Le vieux style revient avec la hausse )
Quanta Chaudoreille et Petitrenai-d, ils circulaient
comme deux fouines dans les bas côtés, entraînant
sur leur piste des meutes de gobe-mouches la langue
pendante.
Lempoignas et Rapinaud , en leur qualité de grands
pvopriétaires de primes et de banquiers fonciers,
s'étaient mis en lapport direct avec la haute pe^re de
l'endroit, comme disent plaisamment les hnanciers du
perron de Tortoni, lorsqu'ils sont assez riches pour
avoir un peu d'argot.
Ce fut alors que l'on put assister à un spectacle
bien fait pour mettre du baume dans l'âme de nos
concitoyens, et pour assurer la reprise soudaine du
véritable commerce. On a vu dans cette journée favo-
rable, reparaître le crédit qui s'était retiré du monde
depuis quelque temps. Crédit a mis un habit neuf;
— bleu barhot à boutons de métal , basques en queue
de morue ; breloques battant sur le devant <i^, la culotte
à petit pont, — et deux montres en sautoir comme au
jours de suprême élégance du consulat.
Confiance ! confiance! voilà Gobseak et Nucingen
qui rassurent les pontes I Allons, messieurs et dames,
faites votre argent.
i
J
A L'IISAGF I)KS Cr.NS SKHir.lX.
«9
— Mon pon ami Cobseiik, dit Nuciiigen ù liaiilc
voix, fuitos-fous les bedilcs iiiïaircs?
— Baron, répond C.olisoak d'un air cap.ii)li', j'acliètu
LiMil nulle cens de renies! — Puis se i)en(hanl niyslé-
rieiiseinenl à l'oreilie de NucingiMi, — Je sais de
sdiiiie ceitaine (pie l'on vient de l'aiie une eominande
iuipoi-laule de manteaux de cour aux tadieurs de la
iiie Neuve Vivieiuie.
— Oli! mon pon ami, s'écrie Nuciuyeu transpoité,
i|ue me liles-lbus là!... J'aciiète tout.
Confiance! conliance! — On éloulVe C.obscak cl Nu-
cmgen. — Les imbéciles, les aigrelins, aclictcurs, ven-
deurs, dupes eldupeurs, joueurs, llàneurs, le paniuel
et la coulisse ne sont plus qu'une même coliue.
— Que dit-on? Quoi! Gobseak et Nucingen acbè-
Icnl?
— Six mille manteaux de cour chez les tailleurs de
la rue Vivienne !
— En vérité ! Boursicot, prenez-moi du cinq!...
— Pu cinq? Qui est-ce qui vend du cinq? au comp-
tant? — Le cinq demandé ! — Vendeurs à "otr. — J a-
cbète !
I.e cinq monte de ô francs.
A ce moment, un personnage perce la foule. C'est
Crocanti, ex-colonel des Cent-Jours si connu à Tor-
loni, par sa redingote à poil. Crocanti est l'iiomme des
nouvelles, ses relations avec les puissances étrangères
et trois danseuses de l'Opéra, en font un oracle : « Eh
bien! colonel, quelles nouvelles? — Messieurs, vtve la
Colonne! répond le colonel Crocanti en se découvrant
avec solennité. »
Ces simples mots produisent un effet d'émotion.
Les plus farouches crocodiles se sentent une larme au
coin de l'œil. — Confiance! confiance ! le cinq monte
à 76. — 1 fr. de hausse-!
Chaudoreille el Petit-Renard ne sont pas gens à ar-
rêter le cours du crédit public. — Je tiens de M. de
Nucingen, s'écrie Chaudoreille avec son adorable naï-
veté, que la garde nationale va être entièrement sup-
primée et remplacée par des constables spéciaux qui
conduiront le soir avec des lanternes les bourgeois dans
les maisons dont ils ne sauraient pas l'adresse. Genre
anglais !
Confiance ! confiance ! le cinq monte comme la ri-
vière. 1 fr. 50 G. de hausse!
— Je ne sais pas trop, continue Petit-Renard, si je
puis sans indiscrétion vous faire part d'une confidence
que je tiens de quelques-uns de ces messieurs de la rue
de Poitiers qui font des affaires ici. Il parait qu'il n'y
aura plus de journaux: on est décidé à s'en passer.
Plus de journaux! confiance! confiance! — On se
précipite sur les coupons. — Encore t fr. de hausse.
Vous savez, ditRapinaud dans un autre groupe,
que nous nous débarrassons de l'Algérie. Mon Dieu oui,
on va la donner aux Anglais, c'est bon pour eux !
Plus d'Algérie! confiance ! et 50 c. de hausse.
liant el le plu»
Fout d'idées ! — Mais c'est toujours de
farine.
Confiance I confiance
90
REVUE COMIQUE
— C'est incontcstableinentaux curés, insinue Lein pei-
gnas à plusieurs financiers dévots, que nous devons Télec-
tion : quand ils le voudront, ils feront nommer Henri V.
Confiance! confiance! notre belle France n'a point
cessé d'èlre catholique ! — 5 fr. de hausse! — Si rheure
de la clôture n'avait pas sonné, on ne sait où la hausse
se serait arrêtée.
Gobseak, iNuciiigen et leurs amis, très-satisfaits de la
journée, s'en allaient en assurant avec autorité que le
futur président était résolu à ne plus jamais laisser
baisser les fonds. — Sur la dernière marche, le baron
heurta le petit jière Lavcrtu, cet imbécile qui escompte
à 4 p. 100 , qui ne prend qu'un demi de commission,
et ne joue jamais. — Et pien, mon prave homme, lui
dit-il, vous n'affre bas fait de bedites affaires.
— Eh ! eh! répondit le père Lavertu, je me réserve
pour le jour oii vos bonnes nouvelles seront vraies; la
rente vaudra cent sous, j'achèterai au comptant.
LA DISCORDE AU CAMP D'AGRAMANï
Nous serions-nous trompés avec tant d'autres? Celui
qu'on traitait d'àne chargé de reiiquesaurait-il l'heu-
reuse opiniâtreté d'un mulet? Tiré à droite par les lé-
gitimistes, moins à droite par les Orléanistes, refuse-t-il
de monter tout à fait sur la Colonne à la place de son
oncle? Aurait-il la raison, ou l'entèlenient, comme
quelques-uns de ses faux amis le disent, de comprendre
que le seul parti en France qui puisse n'être ni jaloux
de lui, ni dangereux pour lui ; qui ne puisse être l'en-
nemi dans sa personne que de l'empereur, c'est préci-
sément ce parti qu'il est supposé avoir vaincu?
Tels sont pourtant les bruits qui courent.
On assure que la guerre est dans le camp d'Agra-
mant: M. ïhiers boude : le Constitutionnel lui est
enlevé; les légitimistes sont furieux ; le prétendant s'a-
vise de prendre son rôle de président au sérieux. —
KEB ACTION.
Résolu de se contenter du certain, il recule devant l'in-
certain, c'est-à-dire devant le piège qui lui était
tendu.
M. Louis-Napoléon Bonaparte est encore un peu
républicain : il parle de la Constitution sans mépris;
— les ministres qu'il choisit sont décidés à n'en point
sortir, à la défendre. On parle de conciliation ; des
propositions sont faites à des républicains de la veille ;
François Arago serait vice-président. —On ne rom-
prait pas avec cet odieux parti.
Le prince, placé en face du quart d'heure de Rabe-
lais, se sentant chanceler sur sa montagne de votes, et
sur le point d'avoir à rendre à chacun ce que chacun
lui a prêté, jette un regard d'envie sur les votes acquis,
bien acquis, au général Cavaignac.
Patience ! patience ! la République vit encore!
LE bERFEST ET LA LIME.
Drtsi-i qui peut se passer de leg nde.
Il se choisit alors un ami bien
iDnocent pour lui donner la ré-
plique.
Et poursuivit son édition quotidienne de
l'An de s'eng en société el de t'en
/aire plusieurs mille francs de revenus.
A l.lISAf.E DES GENS Si::i\IEL'X.
!t|
NOIIVKLI.ES DES DÉPARTKMENTS.
Onassiiri' que neuf mille cinq cenls Corsos vieiineiil il'arri-
ver à Mar>eille. Cliacini lii-nl à la main droite une pelilioii i
l'adresse lin futur Président.
On a classé ainsi ci'S [leliliims :
4.120
80
2,00«
1,200 .
9.500
. deniaiidi'nt un consulat en Italie;
. demandent la prifeelnrc' d'Ajaecio;
. exit;ent lu vice-iiresidenee;
veulent l'Ire colonels de };endarmerie ;
viennent représenter au neveu de IKiuperenr
que le siejje de l'Assemblée nationale doit
élre transfeié à Ajaecio ;
nombre épal, d'iiabilanls de Baslia réclament
cet honneur pour leur ville.
( On assure que le futur Président, pour les
mettre d'aeeiird , inclinerait à laisser le
siège du gouvernement à Paris. )
Trois mille veuves d'anciens compagnons de l'Empereur se
Minl jointes à ce convoi et vont arriver à Paris; elles sont
loHiesparcntfS à un degré trés-rapproclié du prince Louis.
l'Insieurs autres convois de Corses sont egalemet en route,
pir divers chemins, pour P.iris.
Af Conslittilionnel venant n n joiif on aille à In Presse,
M. Véfon .ioiinant la main à M. de Giiardin, s'est
élevé contre rénormité commise, disait-il, par le gé-
nérai Cavaignac, à Tégard de M. de f.irardin. Uien ne
instillait cette airestation aux yeux du journal de M.
Tliieis. Elle n'avait pas de précédent. — C'était un
forfait inouil — Comment se fait-il qu'aucun joiii'-
ual n'ait relevé cetle incroyable assertion?
Qui donc avait emprisonné, mis au secret Armand
Cartel.
Qni donc, après l'avoir accusé sans preuve de com-
plicité dans un odieux assassinat, — celui deFiesclii, —
qui donc fui obligé de le lelâclier? Si ce n'est M.
Thieis, — le patron du Constilulionnell
Et qui oserait, d'autre part, comparer ce qu'il y
avait de révoltant dans la mesure par laquelle M. Tliiers
accusait le noMe Armand Carrel de complicité avec un
infâme scélérat, avec ce qti'avait d'explicable l'arresta-
lioii do M. de Cirardin attisant le feu de la guerre ci-
vile à la veille des journées de juin'?
Nous croyons devoir avertir nos lecteurs que si nous
avons cru pouvoir, dans la personne de M. Louis-Na-
poléon Bonaparte, combattre énergiqucment le candi-
dat à la présidence, c'est-à-dire le simple citoyen am-
bitieux d'un titre et d'un pouvoir dont, selon nous, un
antre s'élait montré plus digne, nous nous trouverions
coupables d'user de la même liberté envers celui dont
le suffrage universel aura fait le premier magistral de
la République.
Contrairement à l'usage où l'on est en France d'at-
taquer le pouvoir dans l'bomme qui en est investi,
nous pensons que ce qu'il faut avant tout respecter et
se garder d'affaiblir, c'est le principe de l'autorité,
quelles que soient les mains dans lesquelles il repose.
A défaut de l'bomme, c'est la fonction, qui, selon
nous, doit être honorée. Nous aurons donc grand som,
.lès que la nomination officielle du président de la Ré-
publique sera définitivement arrêtée, de séparer la
personne du président de la personne de M. Louis-Na-
poléon Bonaparte. L'une nous sera sacrée ; et quand
notre critique touchera l'autre, nous prendrons garde
encore d'atteindre le président.
Mais, comme il tournai! à l'hydro-
phobie, OB le musela pour cause
de sécurité publique.
Entrée de Vipérin en prison. — Effet proluit par sa
présence sur les autres animaux malfaisants et
venimeux.
Pour se tirer de là, il file doux et
offre ses services, dont on ne veut
pas.
REVUE COMIQUE
PKTITE EXPLICATION D INE GRANDE MAJORITE.
AlK : Ai/icu, chiiiismts.
ClIOEUll DES BLANCS.
Pour Henri Cinq on sait noire faiijlesse;
Oui, nous coin liions, sous l'empire des lis.
Ressusciter les titres de noblesse,
En février vainement abolis.
Puisque aujourd'hui le peuple nous écarte.
Pauvres débris des barons féodaux!
A notre élu, monseigneur de Bordeaux,
Pour marche-pied donnons un Bonaparte.
Nos jours viendront, il faut qu'en attendant
Nai)oléon soit nommé président. (bis.)
CHOEIB DES BLEUS.
Sous un vieux roi, qui nous donnait l'exemple,
Chacun de nous cherchait à s'arrondir;
Pour le veau d'or nous avions fait un temple
Qu'une débâcle empêcha de grandir.
Seuls détenteurs de l'urne électorale.
Nous avions droit d'y déposer nos noms.
Ayons un prince, et sans bruit retournon ;,
Par la traverse, à la roule royale.
Nos jours viendront, il faut qu'en attendant,
Napoléon soit nommé président, (bit.)
CHOEl'R DES ROUGES.
Nous avions dit : «La lutte est nécessaire:
Frères, marchons, fermes et convaincus »
Mais Cavaignac, implacable adversaire,
A décimé nos bataillons vaincus.
Inaugurons un pouvoir plus fragile;
Et quand de tous il sera détesté,
Au nom du peuple et de l'Égalité,
Nous briserons cette idole d'argile.
Nos jours viendront; il faut qu'en attendant,
Napoléon soit nommé président, (bis.)
f leine demorali'.- .
Et sur combien uc cliosts avyii.
voile de la pudeur !1!
A L'USAGE DES GENS SÉRIEUX.
RÉCLAMATION D'UN CUL'UTIER ÉLECTORAL.
Air : Marchong ! n'écriait Mayeux.
93
Vous V(]ilii iioniini', je pense.
Mon prince, et j'en suis ravi;
Mais j' veux une rcconipeuse.
Car je vous ai bien servi.
Pour attirer dans la nasse
Le rictie et le plébt'ien.
J'ai {'.lit (les coules eu niasse:
A vot" tour, faites le luien.
Payez-moi !
Donnez-moi
Un emploi.
Ou n'importe quoi! {bis.)
Pour votre eauiliilaluie,
lui toui lieux j'ai r('|iauiln
Mainte superbe brochure.
Dont le fruit u'e.-t pas perdu.
Couini' sauveur de la patrie,
A tous j' vous ai révélé;
Dans la Fiance et l'Alfiérie
Que nus canards ont volé !
Pajez-nioi !
Duiinez-nii'i
lin eiiipini.
Ou n'importe quoi.
I'iii<, auprès de la Colonne,
IJans les groupes ameutés,
De votre auguste personne
J'ai vanté les qualités.
Maltraité par des sauvages,
Qui de vous ne voulaient point.
Je n'ai ro<;u, pour mes gage.",
Hélas 1 que des coups de poing.
Payez- moi!
Donnez-moi
Un emploi.
Ou n'importe quoi!
On m'a promis des espèces
Payables dans l'avenir;
J'avais rêvé des richesses,
El je ne vois rien venir.
Je suis accablé de notes
Pour c' que j'ai dit dépenser;
Car c'est en usant mes bottes,
Que j' vous ai fait avancer.
Payez-moi !
Donnez-moi
Un emploi,
Ou n'importe quoi!
J'ai parcouru la province.
En disant aux campagnards
Que vous étiez un grand prince,
Riche de plusieurs milliards.
De piquette détestable
Obligé de m'abrcuver.
Je suis tombé sous la table,
Alin de vous relever.
Payez-moi !
Donnez-moi
Uu emploi,
Ou n'importe quoi!
Montrez d' la reconnaissance.
Président, si vous avez
Les honneurs et la puissance,
A mes soins vous le devez.
Avoir en décnnliture
Mis r général Cavaignac,
Ça vaut bien un' préfecture.
Et môme un bureau d' tabac.
Payez-moi !
Donnez-moi
Un emploi,
Ou n'importe quoi! [Ins.)
LES VARIATIONS D l N PARISIEN.
Air : Saluf, petit covsin (jfrmttin.
28 FÉVniEB.
Louis-Philippe est expulsé ;
La nation s'est aflVanchie;
Sa grande voix a prononcé
La chute de la monarchie.
Pour notre France, l'avenir
l-M plein de bonheur et de gloire ;
Il ni-sons-nous pour soutenir (lis.
Le gouvernement provisoire!!!
10 DÉCEMBRE.
Ah! gardons-nous bien de porter
Oavaignac à la présidence.
Pour Bonap irte on doit voter:
RenJons-noiis tous à l'évidence.
Dans la ville et dans le faubourg,
.\vec transport chacun le nomme.
Oublions Boulogne et Strasbourg :
VfVe le neveu du grand homme!!!
1'
Unis'on5-nous pour renverser
Le gouvernement provisoire,
Et ne nous laissons plus bercer
Par mainte pronie.ssc illusoire.
Un seul homme habile et (irudent,
Nous a sauvés de la ruine.
Ah! mes ami-;, pour président
Choisissons le grand Lamartiue!!!
\" JUILLET.
Ah! mes smi-, pour président
Ne choisissons pas Lam irline.
Cavaignac en nous défendant
Briie la discorde intestine.
Sous un chef énergique et loit.
Que l'autorité se condense;
Elevons d'un commun accord,
Cavaignac a la présidence!!!
Mais ce choix peut-il des Français
Changer l'inconstant caractère'?
J'ai vu les dieux que j'encensais
Tour à tour re:iversés à terre.
Si Ton m'invite à remplacer
Celui qui tient le rang suprême,
Ne sachant sur qui me fixer,
Je prétends me nommer moi-même.
Dessiné pir Fabritzius.
Cet homme à l'œil rairon, i\\ù, ccrl.'s, n'est pas beau.
Est connu dans la prisse et dans la pliarmacie,
Par la pite-Regnault, le biberon-Darbo,
Et les premiers-Paris auxquels Tliiers s'associe.
Son image est lidéle, et nous avons pris soin
D'y placer les produits qu'on doit à sa science ;
Môme le biberon dont il aura besoin,
Car son journal tombe en enfance.
Gravé par MoNTIgneul-
nol 1 8VA«D ORS ITALIENS.
3<l rciidiiies Ih livraison.
MUE mCBELIEU, S2
\¥^
.ndlUoosde la Sonscriprton. - L:i Revue comique formera un m,isn.lu[,io volume, gran.l in-8, publié en 50 livraisons à 30 centimes,
^ ce qui concerne la direction, écrire [franco] à M. Lirecï, au bureau de la Revue, 2, boulevard de»
lar la poste, 40 centimes. — Pour tout
italiens.
DUMUVKHAT, ÉDITEVB, S9, AUS BICHSLXZV.
7* Livraison.
LK M.\U1U.E IMPREVU.
En prùscnce de Dieu cl devrint le peuple fiMnetiis, je juic île rcslcr fidèle à lu UiaTiiuorE di;mocratioue,
" une el indivisiljle, el de reiiiplii' lous les de\oirs ijuc m'ini])Ose la Goiislilution. »
— Article 48 de la Coiislilulioii. —
P.iiii.— Tire- MU prajsoj m.-cml.|iic» d.' LiCluMPU lil' ol fomi.., rut lliiiiiiillf, ï.
LA SEMAINE.
— Ah çà ! ma chère , dis-je à la Semaine, il n'est
pas permis Je négliger nos intérêts et nos distractions
comme vous venez de le faire.
— Que voulez-vous dire'.' nie répondit-elle; ne
vous ai-je pas donné une revue au théâtre Montansier,
un vaudeville de M. Bayard au Gymnase, et la conti-
nuation des débuts de mademoiselle Lagrange à l'O-
péra?
— 11 s'agit bien de vaudevilles, en vérité ! Comment,
vous avez une chose des plus nouvelles , des plus rares,
des plus choisies, l'inslallalion d'un président de la
République , et vous vous la laissez escamoter.
— Vous avez raison, mais que voulez-vous"? il faut
bien faire quelques sacrifices à la raison d'Ktat.
— Belle raison ! Eh quoi ! la politique s'opposait-elle
à ce que vous nous donniez une fête quelconque , des
ifs, un cortège, un serment en plein air sur la place
de la Concorde; un orchestre monstre, les chœurs de
rOpéra, des lampions, tout cela fait bien. En fait
d'illumination, j'ai été obligé de me contenter du gaz
municipal. Mon portier était navré. C'est, à peine si
on a entendu tonner le canon des Invalides, et encore
n'a-t-on su que le lendemain pourquoi il avait tonné.
— J'ai agi d'après les ordres du président du conseil,
ainsi ma responsabilité est à couvert. Le citoyen Bar-
rot craignait...
— Quoi donc ?
— Demandez-le au citoyen Changarnior qui crai-
gnait aussi...
— Mais quoi donc '?
— Interrogez le citoyen Malloville, ministre de l'in-
térieur, qui redoutait de son cùté...
— Me direz-vous quoi ?
— Informez-vous auprès du citoyen r.ébillot , iiré-
fet de police, qui n'était pas, de son côlé, sans conce-
voir de sérieuses appréhensions.
— Encore un coup, que craignaient-ils?
— Ma foi , je n'en sais rien; mais tout ceci ne me
regarde pas. C'est de la haute politique. D'ailleurs de
quoi vous plaignez-vous, n'avez-vouspas eu une revue?
— Voir cent mille nez rouges, le beau plaisir ! Et
puis, cette revue manquait de gaieté.
— Comment, le colonel Dumoulin à cheval à côté du
président 1 vous ne trouvez pas cela drôle? Et puis, mal-
gré le froid, on a beaucoup crié : Vive la liêpublique !
— Oui , c'est une compensation. A propos, pouvez-
vous me dire de quel ordre le président de la Répu-
blique française portait le grand cordon ?
— De la Légion d'honneur.
— Et où l'a-t-il gagné?
— Le prince l'a dit devant le jury de Strasbourg :
Je l'ai trouvé dans mon berceau.
Je croyais que ce n'était point là que se trouvait
oïdiiiairenient la crois d'honneur, et ni Lannes, ni La-
place, ni...
— Mais tous ces gens-là n'étaient pas princes.
Louis-Napoléon est grand-cordon de naissance. Igno-
rez-vous donc que Louis XIV lui-même venait confé-
rer l'ordre du Saint-Esprit à ses petits-lils le lende-
main du jour où ils étaient nés ?
100
REVUE COMIQUE
— Mais il me semblait que la nouvelle Constitution
avait aboli tous les privilèges de naissance, et qu'il ne
pouvait y avoir des légionnaires de droit divin.
— Oui, mais ici il y a un sénatus-consulte. Le ci-
toyen Odilon Garrot range les sénatus-consulte au nom.
bre des faits accomplis. Acceptons donc sans murmurer
îe grand cordon du président de la République.
— Va pour le grand cordon ; mais les épaulettes de
lieutenant général, qui ont brillé sur les deux épaules
du président, que vous en semble? Feu le système de
Louis-Philippe ne donnait aux princes leurs grades que
l'un après l'autre. Que doit penser de ces épaulettes
le vieux général Lebreton? J'espère bien qu'après avoir
attaqué les promotions illégales du général Lamori-
cière, il va, en honnête homme, monter à la tribune
et dire leur fait à ces malencontreuses épaulettes...
— Vous êtes fou, mon cher; le général Lebreton,
comme pas mal d'autres vieux grognards, est fort ai-
mable quand il n'a pas devant lui les jeunes officiers
autrefois ses inférieurs, aujourd'hui ses supérieurs; il
pardonnera tout, sinon au président, au moins au
prince.
— Vous croyez'? Alors, passons à d'autres tableaux.
Voyons un peu, chère Semaine, ce que vous avez fuit
à l'Académie?
— J'ai ressuscité feu Monlhyon.
— Quoi ! ce vertueux philanthrope existerait encore?
— Oui, sous le pseudonyme de M. Delestre-Poirson.
Cet estimable directeur vient de fonder des prix de
vertu, de bon sens et de géographie. Mille francs à la
vertu, mille francs au bon sens, ])ourvu qu'il n'outrage
pas la langue française, et mille francs à la géographie,
à condition qu'elle sera domiciliée dans le douzième
arrondissement. Deux mille francs seront ensuite ac-
cordés à l'éloge du général Cavaignac, soit eu vers, soit
en prose. Ici une petite difliculté se présente.
— Laquelle?
— C'est que r.\cadémie ne peut vanter (jiie les
morts, il lui est intcidlt par le règlement de faire l'é-
loge des vivants.
— Comment fairu?
— On a nonuné une commission qui se chargera
d'aplanir les obstacles.
— Très-bien. En attendant, s'occupe-t-on de rem-
placer les trois académiciens défunts?
— L'Académie attend que l'Assemblée nationale ait
voté les lois organiques.
— Je ne vois pas grand intérêt dans tout ce que vous
me racontez, ma pauvre Semaine, et vous êtes d'un
vide, d'une insignifiance '.
— Ingrat, me répondit-elle, ne t'ai-jc pas apporté
le réveillon de famille, et peux-lu traiter ainsi ta pau-
vre semaine de .Noël? Attends ma sœur; d'ailleurs elle
t'apportera dès demain mille et uue interpellations.
Quelques nez commencent à s'allonger.
Nouvelle représeutalion d'une vieille comédie.
NOËL.
— Pan ! pan !
— Qui est là?
— Le vieux père Noël de 18-48.
— Farceur !
— Il n'y a pas de farceur ; je suis réellement le
père Noël qui vient vous rendre visite. Ouvrez, je
meurs de froid.
— Entrez, alors ; mais, à vrai dire, je ne vous at-
tendais guère. Pourquoi n'èles-vous pas tombé chez
moi par la cheminée, selon l'usage?
— H y avait du feu, et j'ai craint de griller mes
vieilles jambes.
— Asseyez-vous dans ce fauteuil et réchaulTez-vous.
Voici un verre de i-atafia pour vous remettre le
cœur.
— Merci, jeune homme. S'il entrait dans vos pro-
A I.IISACK DKS GlvNS SKlUiaJX.
101
jets (le faire réveillon, iiy vmis gi'iu'/. pas ; ji' iiiaii(,'orai
un morcL'au, pour vous tenir coni|)agnio.
— Je vois ([ue vous n'avez pas soupe depuis l'année
dernière.
— Ma foi, non, puisqu'il faut vous l'avouer.
— Voici une moitié de boudin, mangez. Queiionle
ne vous fasse pas dommage, comme dit Sanelio. Mais
à quoi dois-je riionnourde votre visite'?
— Je viens vous apporter mon cadeau annuel.
— Vous êtes donc toujours dans l'usage de faire des
cadeaux?
— Certainement. On met un soulier dans la chemi-
née, et j'y dépose ce que je veux. Or, comme vous
n'aviez pas mis votre soulier dans la cheminée, et que,
du reste, il y avait grand feu, j'ai frappé à la porto.
— Je comprends. Et que m'apportez-vous?
— A un homme sérieux connue vous, à un électeur,
on ne peut pas donner des dragées, des sucreries, des
brimborions; je vous apporte un cadeau politique.
— Un nouveau ministère, peut-être?
— Justement. Un nouveau ministère sous la prési-
dence du citoyen Odilon Barrot.
— Nous l'avions avant que vous eussiez |)ensé à le
mettre dans mon soulier.
— Je comptais vous faire une surprise.
— La surprise n'en existe pas moins. Un ministère
Barrot-Falloux sera toujours quelque chose de bien
surprenant. Mais dites-moi, père Noël , pcnsez-vnus
que ce ministère dure ?
— Il durera toujours autant que moi.
— Autrement dit, vingt-quatre heures : les enfants
prodiges vivent peu. Je vous trouve bien sarcastique,
père Noël ?
— C'est votre moitié iFc boudin qui me met en belle
humeur ; je me sens tout gaillard. Que pensez-vous de
votre nouveau président?
— Heu ! heu !
— Je comprends.
— Vous ne comprenez |ias du lonl. .i'i'iili'nds que le
nouveau président pourrait jouer un bien joh loiir à
M. Thiers et aux légitimistes qui lui ont donné leur
voix ; ce serait de se faire franchement républicain. F'^t
voici ce qui arriverait : le jour où les dynastiques qui
ont fait son élection voudraient le renverser, — et ce
jour n'est pas bien éloigné, — Louis Bonaparte serait
défendu, par qui? Justement par les véritables républi-
cains, par ceux qui ont eoiiiliiitlu sa candidature avec
le plus d'acharnement.
— VA pensez-vous que la chose arrive?
— Pourquoi pas? Ce serait alors la gloire du parti
républicain, d'avoir su reconnaître et défendre, dans
un chef de l'État qui n'a pas ses sympathies, le droit
sacré de l'élection ; ce serait sa justification aux yeux
de l'Euiope et la démonstration irrécusable de sa vi-
talité. Après une telle épreuve, la forme républicaine
deviendrait, pour tous les esprits sensés, une nécessité
politique prouvée mathématiquement.
— Vous pourriez hien avoir raison. Mais Bonaparte
sera-t-il républicain?
— Peut-être, si son entourage le lui permet. Voilà
déjà M. de Girardin qui commence son opposition.
— Ce nom m'agace les nerfs, il me met en fuite ;
aussi bien le boudin est fini, et je vais continuer mes
excursions <lans les cheminées voisines. Si je passe par
l'Elysée national, et que le nouveau président ait mis sa
botte dans la cheminée, j'y laisserai tomber les quel-
ques mots de conversation que nous avons eu à son
sujet.
— Vous ferez bien, père Noël ; mettez aussi dans
la botte de Bonaparte que ce sont les conseils d'un en-
nemi de la veille, et que ces ennemis-là valent mieux
pour lui que ses amis de la veille et du lendemain.
Bon voyage, père Noël, et à l'an prochain, si nous
sommes encore de ce monde.
LE GENERAL CAVA1GX.4C.
AU OÈNEBAL C&V&IONAC.
Nous recevons, avec prière de l'insérer, celte adresse au
Général Cavaignac.
Nous adhérons complètement aux sentiments si péuéreu-
semeut exprimés dans cette adresse.
« Général,
« La France vient de donner au monde un douloureux spec-
tacle, celui de son ingratitude pour l'homme qu'elle avait par
deux fois proclamé son sauveur.
<( Mais vous donnerez au monde le spectacle consolant d'un
honnèle homme suhissant, sans étonnement, sans amertume
et sans emphase, une monstrueuse injustice ; el ce dernier
spectacle, aussi glorieux pour vous que rassurant pour la di-
gnité humaine, contiendra une leçon qui sera comprise par la
France, un instant égarée.
a Pour nous, Général, plus Termes que jamais dans la voie
où vous marchez à noire lélc, vaincus aujourd'hui, mais non
découragés, confiants d'ailleurs dans les destinées impérissal)lcs
de la Répuhlique, nous serons calmes el recueillis comme vous.
0 Sentinelles vigilantes, maisnonmalvcillanlesde notre Con-
stitution républicaine, résolus que nous sommes à rester justes
en dépit de nos plus vives sympalhies, préoccupés uniquement
du salul de la République et de son bien-être, nous savons que
nous sommes d'accord avec vous quand nous prenons l'enga-
gement solennel de voir le bien partout où il sera, et de res-
pecter le principe d'autorité dans la personne du citoyen que
le suffrage universel en a fait le représentant.
« Nous ne rendrons donc pas à nos adversaires coalisés la
guerre déloyale qu'ils nous ont faite; nous n'oublierons pas
que c'est toujours aux dépens de la patrie que de pareilles luî-
tes peuvent se soutenir ; et, décidés à n'avoir d'ennemis que
les ennemis de la République, nous nous inclinerons devant
toul acte émanant d'un pouvoir régulier, quand cet acte aura
pour bul rafrermisscmcnt et la défense de la Conslilulion.
<( Que si un jour, — désintéressés pour vous comme pour
nous-mème, nous souhaitons que Dieu veuille éloigner ce jour;
— que si un jour, la France malheureuse el divisée devait
tourner ses regards vers vous, Général, comme vers une ancre
de salut, il faut que les plus pervers puissent vous rendre
récbilant témoignage qu'innocent de ses maux votre mission
ne peul être que de les guérir.
« Des Electeurs du (jcncral Cavairjnac. »
LOUIS-NAPOLEON DONAPARTE.
— D'après un dagaeiréoty,-'(
AU CITOYEN LOUIS BONAPARTE, PRESIDENT DE LA REinBLIQITE FRANÇAISE.
Citoyen présiilcnl,
Hier encore, vous n'étiez, pour les gens de bon sens et de
bonne foi qui ont voté contre vous pour le général Cavaignac,
qu'un bomme dont le passé turbulent devait faire redouter
1 'avenir, qu'un joueur léméraireet opiiiiàlrc, résolu à pousser
jusqu'au bout, sans pilié pour la France, les cbances de cetle
martingale politique, votre rêve incessant, dont deux fois déjà
vous aviez en vain tenté le succès à Sirasbourg et à Boulogne.
Pour beaucoup d'autres, amoureux du passé, impatients du
présent, vous étiez un prince, un prétendant à l'empire, un
ennemi de la République pouvant servir d'arme contre elle et
frayer le passage à d'autres prétendants, vos rivaux, tout préis
à confisquer à leur profit votre victoire.
Quant au peuple, — celui des campagnes voyail en vous
l'héritier d'un grand nom et le destructeur fanlaslique de tout
irapiil, pendant que celui des villes, personnifianl dans votre
candidature la baine qu'il portait à son vainqueur de juin, vous
faisait le symbole de sa première vengeance.
Aujourd'hui vous êtes pour tous le président de la Républi-
que française.
Devant ce grand fait, oublions le passé, le votre surtout ;
oubliez la Suisse, oubliez Londres ; laissez-y le jeune homme,
dont mieux qu'un autre, si la lumière s'est faite dans voire es-
pril, vous savez ce qu'il fallait penser; el, obligé de compter
avec ce redoutable succès et de le justifier, pensez, non aux
grandeurs de votre situation nouvelle, mais aux devoirs qu'elle
vous impose, aux dangers qui l'environnent, — et reconnaissez
que par un sort bizarre, mais fatal, la plupart de vos amis
d'hier, si vous êtes sage, doivent être cuusidérés par vous
comme vos ennemis d'aujourd'hui.
Diles-vous que, prétendant, vous éles isolé entre tous;
qu'orléanistes, légitimistes et républicains se tourneront contre
vous et que vous succomberez.
Dites-vous qu'empereur, vous ne serez jamais que l'ombre
afl'aiblie de votre oncle, tandis que, président de la Républi-
que, vous aurez dans l'histoire un rôle, rôle unique, magnifi-
que, dont la gloire sera bien à vous, dont le mérite vous ap-
partiendra et qu'aucuiî autre ne saurait effacer.
Dites-vous cela, et vous aurez fondé une république là oii
le plus grand homme des temps modernes n'a pas suffi à fonder
un empire, — el vous aurez donné aux partis une de ces le-
çons de probité contre laquelle aucune voix n'osera s'élever, et
qui vous assurera, non-seulement l'eslime, mais le concours
même des honnêtes gens que vous aurez vaincus.
Des Électeurs du Général Cavaignac.
iOt
REVUE COMIQUE
UNE RAISON PAUMI IVAllUKS rOlT. F.XrMQUF.R L'KCHEC DE M. DE LAMARTINE.
S'il était besoin de donner à quelquo âme candide
les raisons de l'incroyable échec de M. de Lamartine
dans la question de la présidence de la République, un
les trouverait résumées en un seul petit fait qui, pour
être minime en apparence, n'en est pas moins au fond
très-sisniticatif pour tous les physiologistes de bonne
foi.
Le Bien public , journal créé par M. de Lamartine,
et qui soutenait avec quelque talent sa candidature,
vient de mourir avec cette candidature. A quelle porte
croyez- vous que la rédaction du Bien public ait été
frapper, à qui pensez-vous que l'écrivain de confiance
de M. de Lamartine, et M. de Lamartine lui-même
aient été demander asile. Hélas! à la Presse, et à
M. de Girardin. Cet incroyable manque de tact, de
conduite politique n'explique que trop lachute immense,
chute imméritée d'ailleurs sous beaucoup de rapports,
de l'homme qui, ayant tenu dans ses mains le pays tout
entier pendant trois mois, en est arrivé à y trouver
moins de suffrages que iL Raspail !
Un des grands défauts de M. de Lamartine, c'est de
se croire au-dessus du proverbe : Dis-moi qui tu han-
tes, je te dirai qui tu es, et de ne pas connaître les
hommes. Comme nos anciens rois de France, il nie la
contagion de certaines maladies morales, et semble
croire au contraire qu'ainsi qu'eux, il a le don de les
guérir : Aussi le voit-on s'entourer sans discernement
d'esprits faux, de natures imparfaites, et parfois de
gens peu considérés à qui il prodigue en public les mar-
ques les moins équivoques des jjIus singulières préfé-
rences. Semblable en cela à ces amants ou naïfs ou ef-
frontés qui donnent le bras en plein soleil à des fem-
mes dont les relations, si pleines de charmes qu'elles
puissent être dans l'intimité, reculent d'ordinaire de-
vant le grand jour et la publicité.
Il n'y a peut-être qu'un homme d'état au monde
qui soit capable de se sentir, à tort ou à raison, assez
fort de son aveuglement pour s'associer tout le monde
dans un gouvernement ; cet homme, c'est M. de La-
martine. — Dans sa loyauté, disait hier un de ses amis,
il eût à coup sûr ou refusé les services de M. de Girar-
din, ou, les ayant acceptés, il les eût récompensés d'un
portefeuille. — Le président actuel de la République
ne l'a point osé.
Nous répondrons à l'ami de 5L de Lamartine par
une seule question : Est-il une voix, une seule qui se
soit élevée contre la réserve du nouveau président, et
qui l'ait taxé d'ingratitude.
Charles-Quint disait : «11 faut que la France soit un
pays bien particulièrement aimé de Dieu ; car elle ne
cesse de faire de grandes fautes, de commettre les plus
graves erreurs, de courir d'elle-même à sa perte; et
toujours elle sort de toutes ses épreuves plus grande,
plus belle et plus puissante. » Dieu veuille que le mot
de Charles-Quint soit vrai aujourd'hui comme au temps
de François I".
— Ce n'était pas assez de l'aigle de Boulogne. Un ami
du président, ami à la façon de l'ours de la fable, ne
UN TERRIBLE LOGICIEN.
Un de plus, ils étaient trois. Le plus chauve releva
ses lunettes sur son front dévasté par le syllogisme, et
se sourit agréablement dans un miroir qu'il avait volé
vingt-cinq sous.
Si la Société avait vu ce sourire, elle aurait tremblé
comme dans une caverne de propriétaires.
Car, chez le grand socialiste, celte douce gaieté est
le prélude des plus impitoyables parado.xes.
L'unique témoin de cette révélation sublime se
prosterna devant le buisson ardent des favoris roux de
son dieu.
s'est- il pas avisé de lancer au moment de la revue un
aigle en papier peint, sous forme d'un cerf-volant, dans
les alentours des Champs-Élisées ! — Il épuisa alors
toute son adresse à diriger cet aigle d'un nouveau
genre et à le faire planer au dessus de la lète de
M. Louis Bonaparte. On assure que l'auteur de cette
innocente bêtise a été arrêté et mis en prison, lui et son
aigle. — C'est bien cruel.
— On offre de parier (lue le maréchal Bugeaud et que
le général Cluuiganiier se brouilleront avant un mois.
Et, pour se faire un nom dans Israël, des hommes vous débiteront les
plus impies extravagances. (Jérémie. Lamentalions.)
Le dieu releva son Moïse, et l'invita à partager une
proposition dont la majeure était une tasse de lait, la
mineure un petit pain, et la conséquence un déjeuner
social.
11 est juste de dire que cette cène avait lieu un de ces
derniers dimanches. Un beau jour de printemps encadi;é
dans l'hiver! Le ciel était bleu, l'air était tiède. Les
oiseaux égrenaient leurs éclatantes ritournelles qui se
mêlaient aux cris joyeux des enfants dans la rue. C'é-
tait enfin un vrai temps du bon... diable, selon l'expres-
sion chérie de riiôle de céans.
A l/ISACK l»i;S C.I'.NS SKIlll.rX.
105
Pour conilile de mallii'iii', l'ii I ne ilc son Siiiai , ili'
braves ouvriers se disposaienl ;j;ui'iiieiil à |ic>i'l('r leur
vœu dans l'urne uléalcire. Après (|ii()i iino iironienadc'
en famille terniiiieiall, pniir eux, eelte siileiiiiilé.
Kt pas un Idasplièine n'(iiitra;;eail Dicii! pas une
colère ne maudissait la Sdcic'ti' I
C't'tait viaiinent iiilnli'iaide.
Celte (jniétude anti-siu-ialiste cxasinMait doiu; élian-
gciuent la verve ardenlc du célèlire réloriiialeiir.
Aussi, après iivnir résolu sa pioposilimi an lai(, il
s'écria tu IV.ippaiit trois eoiips de >in\ jonc l'oniiiilaijic ;
KuuÉKk !
A celle exclamation qu'il |uit pour un éternunient,
le disciple peu rassasié répondit par un respectueux :
Dieu vous bénisse !
Mais, tout entier à son ins])iration , le niailie n'en-
tendit pas cette odieuse parole qui l'eût l'ait bonJir de
colère.
— Oui, j'ai trouvé, répéta-t-il en français cette
fois. Aussi bien , il nie fallait un dernier axiome ponr
former ma triade. I^eroux a raison. Toute théorie doit
être une et triple comme l'Humanité. Ce n'est pour-
tant pas que Leroux soit bien fort. Sa tète est une vraie
cave sans soupirail. 11 dit qu'il y a quelque chose de-
dans parce qu'on n'y voit goutte. Demandez- lui , par
exemple, comment l'Homme est toujours un et triple
à la fois; s'il comprend, plus que moi, un mot à ce
charabia philosophique, je veux bien que Dieu m'em-
porte. Ah! s'il s'agissait de prouver que l'Homme est
souvent triplement ennuyeux, ce serait une autre paire
de vérités!
Quelle différence entre les nuages de ses rêve-
ries et le soleil de ma logique! Quand j'ai dit p(Mir
mon début: Dieu, c'est le Diable, qui donc n'aurait
pas compris'! A vrai dire, cette idée manquait un peu
de fraîcheur. Vers le troisième siècle , un certain Cu-
bricus fut légèrement écorché vif pour avoir prêché
pareille drôlerie. Mais combien ne l'ai-je pas rajeunie
à force d'audace dans l'absurde, et de mépris pour le
bon sens des hommes!
Et vraiment , ami , continua le socialiste , après
avoir laissé souffler un moment son orgueil, c'est là
tout le secret de ma célébrité. »
Le disciple profita de cette pause pour essuyer ses
yeux ccarquillés qui pleuraient d'admiration.
— Oui, reprit le maître, la sottise humaine est
ainsi faite. Jetez une pensée honnête et juste dans le
monde, et elle tombera à terre sans bruit. I^ancez au
contraire un sophisme odieux ou ridicule, et l'indi-
gnation des uns et la bêtise des autres vous serviront
aussitôt de hérauts. Vois, ami, mon axiome sur la
propriété. C'est un barbarisme plus vieux que le l'ar-
thcncn. Du temps d'Aristophane, Athènes en riaitdéjà
à gorge chaude. C'est enfin une invention rancie de-
puis deux mille ans. Et pourtant quel triomphe! Tu
l'as vu : rien ne lui a manqué, pas même la parodie !
— C'est vrai, balbutia le conliibnl, dont le cerveau
s'eiii humait d'enthousiasme.
— l',h bien ! je vais augmenter cette gloire par une
maxime plus audacieuse encore. Ma tiare se complé-
tera par celle dernière couronne. El, sur cette triade
de mon génie, la Société pourra s'asseoir enfin solide-
ment comme une marmite sur un trépied.
— Et celle maxime, ô grand penseur"?
— .Mouche-toi d'abord, dit avec bonté le socialiste,
en voyant le dé[)lorable étal du nez de son ami.
— C'est l'ait, inaitre.
— Eh bien ! mon nouvel axiome, c'est :
lE PARRICIDE EST UNE VERTD.
« Qu'en dis-tu? s'exclama le moraliste, en dessi-
nant avec sa canne un délicieux moulinet socialiste.
Vois-tu quel effet produira cette sentence imprimée en
grosses lettres ? Entends-tu d'ici les vociférations des
bourgeois qui prendront celte fantaisie au sérieux?
Si je ne passe pas du coup à l'état de Croquemilaine-
Olympien, je reconnais une idée h Raspail , et je jette
ma dialectique aux Icariens.
— 0 sublime révélateur ! celte découverte est un
chef d'œuvre. Mais, vu la pruderie de nos jours, ne
la trouvez-vous pas un peu gaillarde?
— Enfant, plus on frappe fort et plus on fait de bruit.
— C'est d'autant plus beau, maître , que je vous
sais, comme Figaro, le meilleur fils du monde.
— C'est vrai, et je bourre les enfants de pain d'é-
piee. Mais qu'importe ce que je pense, ami, pourvu
que je prouve ?
— Et vous prouverez qu'un bon lils doit tuer papa
de temps à autre ?
— Rien de plus simple. Écoute et comprends.
— J'aime mieux vous admirer, loussa le disciple.
— A ton choix. D'abord lu m'accorderas bien, n'est-
ce pas, qu'Adam et Eve n'ont eu ni père ni mère ?
— Avec le plus grand plaisir.
— Eh bien ! privés d'ascendants qu'ils étaient,
Adam et Eve n'ont pas pu connaître l'amour filial. —
Ceci est limpide comme eau de roche. — Car, en les
créant, pourquoi la nature leur aurait-elle donné un
sentiment dont ils n'auraient pas eu l'emploi?
-^ En effet, c'eût été un gaspillage.
— Tu as raison, ami, un pur gaspillage. Donc, suis
bien mon raisonnement. — .Si Adam et Eve n'ont pas
connu l'amour filial; si la nature n'a pu les doter de
ce sentiment ; ledit sentiment est alors purement d'in-
vention humaine ; c'est-à-dire une violation flagrante
des lois naturelles et primordiales. Ce que je nommerai
en termes de philosophie socialiste, — une usure pré-
levée par le capital de l'égoïsme paternel sur l'ignorance
exploitée des enfants. En un mot, une superfétation
anti-naturelle dont le contraire, par conséquent, doit
être la vcrilc et la vertu. Or, ceci reconnu, je pose
ainsi mon syllogisme :
106
REVUE COMIQUE
MAJKIRE.
Le contraire de tout sentiment naturel est un crime.
MlNEl'HF.
Or, l'amour filial n'est pas un sentiment naturel.
CONSÉOCENCE.
Donc, le, contraire de l'amour filial est une vertu.
Et maintenant, ami, — acheva le sophiste triom-
phant, — dis-moi un peu ce qu'il y a de plus opposé à
l'amour filial que le petit expédient en question?
— Bénissez votre esclave, — hurla l'apôtre au comble
de son coriza. — Bénissez-le, maître, car si vos raison-
nements sont un peu tirés par les cheveux , vous n'en
demeurez pas moins le plus grand logicien du monde.
— Heureux ceux qu'on peut tirer par les cheveux ,
— soupira le maître en jetant un regard mélancolique
sur le miroir qui reflétait sa calvitie.
Sur quoi le disciple se retira sufllsamment héni et
complètement enchifrené.
— Ah ! stupide espèce humaine, — murmura le
sophiste en saisissant sa plume. — Ah ! société, ma
mie, le scandale seul attire ton attention. Eh bien !
je vais t'en flanquer.
Et en effet, quand paraîtra ce nouvel évangile de
l'immoralité, on entendra le troupeau des niais bêler
en chœur :
— Voilà un terrible logicien !
Puis, au lieu d'ensevelir ces déplorables perversités
dans le silence de leur dédain , les esprits honnêtes
augmenteront encore cette clameur par la maladresse
de leur indignation.
Alors le bruit sera fait et le tour aussi.
Lorsque vous conlemple/. cel lionnôle visage.
Ce menton entouré d'un cordon de poils ronx,
Ce front patriarcal, et ces jeux sans courroux,
Vous croyez, d'un bourgeois voir la lidùle image.
Cest un propriétaire, un ancien conimerrant.
Dont les tonds sont placés en rentes cinq pour cent.
Erreur! ces trait-benins sont ceux d'un pamplilélaiio,
Que redoute à bon droit la gent propriétaire,
Car des antiques lois adversaire fatal,
11 lutte sans relâche avec le capital,
Ses sopliismes hardis, parés de grandes phrases.
De la société démolissent les bases,
Comment refera-t-il l'édiDce écroulé ?
On l'ignore, et les gens qu'il charge d'anathèmes
Veulent en vain saisir le fil de ses systèmes.
C'est un dédale obscur dont lui seul a la clé.
A I.TSACi; liKS CKNS Shil'.l i;ii\.
107
I.KS I,.\1\11M0NS.
!,(' i't il.rcniliro, (|iirli|ii(w li;ililt:inl< de Pdiilni-^i'
lurent il,in-> 1rs jiiiiriiau\ d mIIii . k II y mira rc soir
il Paris une illuiuiniiliou yi'ucraK'. n
« Ma foi! sfi (liront-ils, si nous nous passions lu liu-
taisic (l'aller la voir? » V.l ils montèrent en wa;,'iiu.
[.e soir venu, après avoir (lin(; à la liAte, ils s'eni-
pressèrenl de s'aventurer dans les rues, pour jouir de
l'i'hlouissant speetacle ([ni leur était promis.
Tout était sombre. Le lictzar des Vui/tu/es vWd seul
éclairé de (luehjues verres de couleur; mais c'était
moins une manirestation politi(iue, ((u'une ivclaiiic
commerciale.
«Peut-être, pensèrent les IVmtoisiens, est-il d'usage
(rallumer un peu [iliis (lud. Mlendnns. » VA ils atten-
<lirciil. Mais les façades des maisons reslèicnt noires
et mornes comme des lonibeaux.
Alors les l'oiiloisieus cluuilèieiit le cliniii de la
/>iiiiw IHuiicIk: :
Je n'y puis lieii ciiinpreiulrel
Ktraii^e mystère ! vuil.'i un lioinme ipie Imil le lucpude
a nommé, et dont personne ne fête l'avéueinent.
L'élu de six millions de suffrages ne voit pas six
lampions fumer pour lui !
On aura beau dire, ça n'est pas clair.
POllTlliMT l'LMTE.
4. Or, il il arriva que, comme je marchais et que j'approchais de l'Assemblée
nationale, tout a coup une grande lumière venant du ciel resplendit comme un
éclair à l'eniour de moi.
5. Et je tombai sur la place et, levant les yeux en l'air, je vis le petit chapeau
qui rayonnait, et je rayonnais aussi de l'espoir d'un petit ministère ou autre
chose. l^"*' -^«'«s ''c» Aj'Olres, cap. xjcu.)
Cet avocat retors, l'on •luiii l'url ur.iloire,
D'argumenls spécieux possède un réperloire.
Il siégeait à la Chambre, assez obscurément,
Quanti Fc^vrier brisa le trône héréditaire;
Et, bien qu'il n'eiUjamai?, avant révénemenl.
D'un cœur républicain montri^ le dévouement,
Il se douiia Uii-mènie un petit ministère.
Et se glissa sans bruit dans le gouvernement.
Depuis, il a prouvé son humour ineoiislaiile,
De partis en partis incessamment llottame.
D'abord, de Cavaignac partisan déclaré,
A tous les candidats il l'avait préféré ;
Mais, voyint l'autre étoile à l'horizon grandie,
11 emplit les journaux de sa palinodie.
De ces revirements ne vous étonnez pas.
L'i raison en est simple... Il descend de Judas.
108
REVUE COMIQUE
LES JOURNAUX DEVANT LE NOUVEAU GOUVERNEMENT.
On a changé le nom sur Taffiche et rafraîchi les dé-
cors. Voici les acteurs déjà en scène. Nous les avons
passés en revue déjà. Les uns débutent dans remploi :
Eub! Si fata aspera rumpas!
Les autres font leur rentrée, et nous sommes forcés de
dire qu'à l'exception des Romains du parterre, le pu-
blic a fait une assez froide réception à leur mérite su-
ranné.
Nousn'en sommes encore qu'au prologue. Orozmane-
Barrot se fait attendre; l'intérêt languit quelque peu
sur les planches. Regardons au parterre de la presse où
les uns s'impatientent déjà, les autres crient et gesti-
culent, ou chacun prépare ses esprits et son visage pour
la circonstance.
Semblable au chœur de la tragédie grecque, le Jour-
nal des Débats se renferme dans le rôle de conseiller
mélancolique et débonnaire qu'il a adopté depuis le 24
février vis-à-vis du pouvoir : «L'Expérience, mère de la
Sagesse, m'a appris, dit-il, que l'implacable Justice
châtie les peuples qui foulent aux pieds les lois, filles
du grand Jupiter. Puisse-tu, ô mon fils, préserver ta
maison des maux qui accablèrent les Atrides, les frères
de Paris et la race incestueuse d'CEdipe. Puissé-je,
avant de descendre dans la sombre nuit, ne pas voir
l'industrieuse patrie des Gaulois bien bottés, dévastée
par les barbares de la Colchide, leur capitale opulente
rasée et complantée de peupliers par le Scythe Pierre
Leroux; les femmes et les enfants à la mamelle trans-
portés aux rivages d'Icarie d'où nul n'est jamais re-
venu ! »
Mais ses confrères traitent le journal de la rue des
Prêtres de vieillard poltron et rêveur. Le Constitu-
tionnel surtout ne partage pas ses craintes, fruit d'un
cerveau affaibli. Le voyez-vous depuis quelques jours,
ce ci-devant beau de IS'î"? Il a repris son aplomb, et
le voilà très-ragaillardi. La gaieté lui revient, tempérée
par cet air digne qui convient à une position semi-of-
ficielle. Foin des appréhensions et des alarmes! Du
haut du ciel, sa demeure dernière, l'ombre du grand
homme ne nous protége-t-elle pas? et du haut de la
colonne aussi? Après tant de vœux et de déceptions, le
Constitutionnel est enfin au pouvoir ; il entend que
tout le monde soit en liesse avec lui. Ceux qui ne s'a-
museront pas, on leur coupera la tête.
Il ne parait pas que cette jubilation soit partagée
entièrement par cet autre combattant de la veille, qui,
mieux que le Constitutionnel pourtant, semblerait
avoir droit aux dépouilles opimes. La Presse, il est
vrai, déclare qu'elle ne veut rien du pouvoir. Ambas-
sades, ministères, rien ne lui sourit. Vit-on jamais dé-
sintéressement plus inattendu? Mais voici bien une au-
tre affaire : M. de Cirardin, qui ne veut pas avoir à
conduire un ministère ni une administration, M. de
Cirardin prétend conduire la République tout entière.
La réformer, la refaire à sa façon, tailler en plein drap
dans la Constitution et l'administration. Avec un petit
bout de projet qu'il présente, on aura bientôt organisé
la France par doit et avoir, comme une caisse de négo-
ciant. Recettes, dépenses, voilà tout ce dont se com-
pose le mécanisme d'un gouvernement. C'est simple
comme bonjour. M. Proudhon n'a pas inventé autre
chose avec sa banque d'échange. Maintenant, si le
nouveau président refuse d'appliquer le plan que lui
apporte le rédacteur de la Presse, M. de Cirardin le
désintéressé, M. de Cirardin, le Spartiate, lui retirera
son concours. On sait ce que ce mot-là signifie. Qui-
conque n'a pas le concours de M. de Cirardin, est
traîné par lui sur la claie.
De leur côlé, les légitimistes ne dissimulent plus les
espérances que leur apporte le vote du 10 décembre.
« Ce n'est plus qu'une alfaire de temps, » disent-ils à
mots plus ou moins couverts. Ils sont trois d'humeur
et de langage différents en raison de leur nature et de
leur âge, mais au fond ejusdem fnrinœ : l'Cnion ex-
quotidienne, vieille douairière prudente, qui a vu les
mauvais jours et s'en souvient ; l'Opinion publique,
blanche, fougueuse, héritière en droite ligne des reve-
nants de 1816, et la Gazette enfin, celte fantasque
étoile qui vécut pendant dix-huit ans sur ce thème du
suffrage universel si heureusement appliqué aujour-
d'hui, lien perdrait la tète, si ce n'était déjà fait, ce
cher abbé ! il se permet même à cet endroit des excen-
tricités que son état peut seul faire excuser. Sa mé-
moire, trop nourrie de Montesquieu et de Tacite, lui
donne le change sur la réalité d'aujourd'hui. Ignorant
que nous sommes en République, M. l'abbé se pros-
terne devant la royauté appuyée sur le double suffrage
qu'il prôna pendant si longtemps, et n'entend rien des
voix furibondes qui crient à ses oreilles que le jour des
funérailles de la République sera un jour de deuil
pour un grand nombre, et ipi'il pleuvra des balles sur
sa tombe.
C'est la Iléfortne qui gronde ces menaces, et elle
n'est pas la seule. Avec elle la Démocratie pacifique,
(pacifique! que vous en semble?) et la Révolution dé-
niocratique et sociale, et le Peuple, exhalent leur fu-
reur sur un ton à peu jirès unanime. Peut-être, an
fond, n'ont-ils pas tout à fait tort. — Mais, messieurs,
au lieu de gronder et de menacer, que n'avez-vous su
faire un peu mieux nos affaires, quand vous les aviez
en main, alors que vous étiez les maîtres? Avez-vous
A LUSAGE DES GENS SÉRIEUX.
<09
bonne gnlcc aujourd'hui à crier contre la réaction qui
est votre ouvragi-?
Exagération lic [i.ut it il'aiilii' ot ou sons tonlrairos.
Toi est riHornel bilan do i'o|iinioti ot do la prosso. Uuo
si, au milieu, se trouve quelque bonuole fouille vou-
lant se maintenir dans les borne* de la justice et de
l'impartialité, chacun de lui rire au nez insolemment,
(i'esl ce que la réaction fait au Siècle , c'est ce que la
IU'|)ubli(|ue fait au iSuliounl.
Soyez donc modéré. !
TKSTAMENT IMU.lTKjl K 1)1 SIKI lî i:\III. i: I)i: (illiAl'.DiN
COK:>i:ilS A M. LUITS BON.ll'AIlTK, l'Ol II KAUIE SlITE Ai: LIVllE DE MACIIUVEL
IVinio,
Kn partant pour IaKussioavec lo titre de votre am-
bassadeur extraordinaire, j'é|)rouve le besoin de vous
communiquer mes dernières rolloxions.
Ce petit écrit que vous avez en ce moment sous les
yeux est un véritable talisman ijui doit vous tirer de
tous les embarras dont un gouvonionient peut être en-
touré. Mettez- le soiis votre oreiller la nuit, et portez-le
dans votre poche le jour; il est nécessaire que vous
puissiez à tout moment le consulter.
1°— Entourez-vous d'hommes forts, éprouvés dans les
luttes |>oliliques. Je vous roconimando particulièrement
le colonel Bonnelier : mettez- le où vous voudrez, il ne
sera déplacé nulle part ; (juant au générai Odilon Bar-
rot, mon opinion est qu'il faudrait le mettre à la demi-
solde. Pour ce qui est des choux et navets qu'on a de-
puis longtemps l'habitude de semer en octobre, quoi-
que à mon avis lo mois de novembre soit plus favorable
pour cette opération, il serait peut-être imprudent de
contrarier sur ce point le préjugé populaire; n'y tou-
chez pas avant d'être bieivsùrde votre force.
■2° — J'en dirai autant des radis roses, que je crois de.
voir se semer en tout temps, contrairement à l'opinion
reçue; mais ceci se rattache à un système complot sur
l'agriculture, que j'exposerai en temps ot lieu.
Biiire frais, avoir confiance en Dieu et éviter l'outrée de
M.Crémieux au ministère.
3° — Il serait d'une politiquehabile do pereuaderaux
Français que tous ceux qui naîtront sous votre gouver-
nement seront doux, chastes, tempérants, pleins de
grandeur d'àme et de bravoure. Parla il se ferait beau-
coup plus de mariages, et le mariage, c'est la force des
Etats. — Quand les tragédies vont deux à deux, l'a'^ri-
culture en va mieux. Semer du froment en janvier,
c'est vouloir récolter des cailloux en juillet. Respecter
ses père et mère.
-4° — Il serait d'une politique habile de persuader
aux Français que tous ceux qui naîtront sous un
autre gouvernement que le vôtre seront violents,
injustes, de mauvaise foi et amis de l'arbitraire.
>ous parviendiioz peut-être par ce moyen à vous
faire nommer président perpétuel. — Mettre des
éperons pour monter à cheval et se tenir les pieds
chauds on tout temps. No jamais jurer lo imm ,k' l)icu
en vain.
o»— Qui donne ce qu'il a, donne autant qu'un autre,
et l'on ne peut tirer d'un sac que ce que l'on y a mis.
I.e moineau à la main vaut mieux que la grue qui vole;
un bon tiens vaut mieux que deux tu l'auras; et, com-
me dit cet autre, toujours pèolie qui en prend un. Qui
a fait lundi a fait mardi ; si tu éternues n'attends pas
qu'un autre te dise: Dieu vous bénisse ! Et quand la
sauce est finie, lèche le plat. Ces maximes, résultat
des méditations de toute ma vio, sont la quintessence
de la sagesse.
C"— En fait d'industrie, ce qu'il y a de plus pressant,
c'est de faire remplir de charbon les mines de Saint-
Bérain ; cent mille ouvriers y trouveraient de l'occupa-
tion ; cent mille autres seraient employés à extraire le
charbon apporté par les premiers; il y aurait donc là
du travail assuré à deux cent mille ouvriers. Souve-
nez-vous de ce conseil. Le gouvernement provisoire
aurait bien mérité de la patrie si, au lieu de s'aban-
donner à la ruineuse folie des ateliers nationaux, il eût
adopté ce projet que je lui recommandais cliaque ma-
lin dans la Presse. — Quand les fonds baissent à la
Bourse, c'est signe que la confiance se perd. Alexandre
le Grand disait à son précepteur : — Vous êtes plus
que mon père, car celui-ci ne m'avait donné que la
vie, et c'est vous qui m'avez fait homme. — Chômer
les fêtes et dimanches.
7" — Faites des motsleplus possible, sans toutefoisen
abuser. Votre oncle Napoléon en a fait de sublimes.
Si vous avez besoin de quelqu'un qui vous les prépare,
prenez Bonnelier. — A la Saint-Remy, tous les per-
dreaux sont perdrix; à la Saint-Barnabe, le printemps
a commencé. — Honorer les saints!
Telles sont, prince, les principales recommandations
que ma fidélité me fait un devoir de vous adresser au
moment de monter en chaise de poste. Je les ai rédi-
gées rapidement; je n'ai pu y glisser qu'une anecdote,
le temps pressait, et c'est ce qui m'a empêché égale-
ment d'y faire entrer quebjues prédictions météorolo-
giques, des centuries nouvelles et plusieurs recettes
utiles. Au surplus, je n'ai fait que résumer l'almanach
de Liège et la collection de la Presse, à quoi je vous
conseille de recourir dans les moments difficiles.
ilO
REVUE COMIQUE
— Ce qu'on redoute le plus pourle nouveau ministère,
c'est qu'il se trouve dans son sein deux ou trois uicni-
bres dont le caractère est si difficile, qu'il y a beaucoup
de chances pour qu'ils ne puissent rester d'accord. —
Tant mieux, aurait répondu le président de la Répu-
blique à l'observation qu'on lui en faisait; je n'y serai
pour rien, et leurs querelles m'aideront à donner au
cabinet l'unité qui lui manque.
— On raconte que l'ambassade d'Espagne aurait été
offerte à M. Mole.— Je ne puis accepter, aurait répondu
M. Mole, avec cette politesse qui le distingue ; j'ai re-
fusé cette même ambassade il y a ^29 ans, — et c'était
un ami qui me l'offrait.
_ La Presse, qui a tant fait pour rélection du prési-
dent, commence actuellement à le dénigrer. Après l'a-
voir représenté comme un sauveur, elle essaye déjà de
le perdre dans l'opinion publique. « Ha, dit-elle, les
mêmes sentiments que nous; nous avons les mêmes
sentiments que lui. »
Voilà donc le président rangé, par une seule phrase,
dans la catégorie des Cleemann, des Boutmy, etc.
Le voilà d'abord complice de toutes les fangeuses
calomnies dont on a essayé de salir le dernier chef du
pouvoir exécutif. Louis Bonaparte et Girardin sont, s'il
faut s'en rapporter à /a Pmse, en parfaite communion
d'idées. Ils sont faits pour se comprendre et s'estimer.
Agréable compliment !
= de la pr
RESTAURATION DE CLICUY.
L'Assemblée nationale vient de rétablir la contrainte
par corps. L'honorable corporation des gardes du com-
merce va renaître de ses cendres. Place au phénix de
la signilicalion et du protêt !
La révolution de Février avait fait un atelier de la
maison de détention de Clichy : la voilà rendue à son
ancienne destination. Réparez les serrures, grillez les
fenêtres, forgez de nouvelles clefs, renforcez le nombre
des gardiens, les nôtres seront nombreux , car la mi-
sère est grande. Le citoyen Schylock ne pouvait plus
continuer son honorable industrie : la société lui de-
vait des garanties, la société lui restitue le droit d'in-
carcération. Criez donc vive la République ! citoyen
Schylock.
Les vaudevillistes ont f.iit de Clichy une espèce de
paradis terrestre, un séjour enchanteur où la vie s'é-
coule dans de longs festins, au milieu des éclats de rire
de vingt femmes charmantes, aux détonations de l'Aï
pétillant. Hélas! la race des dissipateurs joyeux s'est
éteinte; les fils de famille se ruinent au lansquenet et
ne font plus de lettres de change.
Et puis, la pruderie philanthropique de nos jours
s'est effarouchée des joyeux ébats des détenus de l'an-
cienne Sainte-Pélagie. 11 y a longtemps que Clichy
était une prison tempérée par une charte constitution-
nelle, mais enlin une prison. Les philanthropes ont
voulu moraliser la dette ; et, au moment où la révolu-
tion de Février a éclaté, on allait proposer d'imposer
le travail aux détenus. Vous figurez-vous l'enfant pro-
digue travaillant à des chaussons de lisière?
La philauthropieavait exiléde Clichy le vin de Cham-
pagne; le punch était mis à l'index. (Plus de Champa-
gne ni de punch !) Aussi les riches banquiers, les in-
dustriels fameux, lesOuvrard de nos jours préféraient-
ils, à l'heure des revers, le séjour de liruxclles à celui
de Clichy.
A L'USAGE DES GENS SÉRIEUX.
111
De petits commerçants, Ans éditeurs ruinés, de pau-
vres gens de li'llres, (im-Kiiios urlisles, l'oriiient le per-
sonnel ordinaire de l'élaliiisseinent. On y trouve des
fruitiers, des commissionnaires, des porteurs d'ean. Ils
ont deux seaux et un tonneau: ne sont-ils pas négo-
ciants?
Allez visiter (llicliy, disions-nous à ceux ijiii nous
chantaient sur ce séjour dos cou|)lels de vaudeville.
La misère, l'ahallenient, l'eniini régnent à Clicliy
comme dans toutes les antres prisons, ("est à peine si
quelques ligures essayent de grimacer la gaieté. Pau-
vres prisonniers! Les uns sont les uniques soutiens
d'une famille nombreuse, les autres ont été arrachés
à leui-s affaires qu'ils commençaient à relever; tous re-
grettent quelque chose ; l'ennui, l'oisiveté, les soucis
du dehors et du dedans les consument. Ils souffrent
par tous les colés à la fois.
L'été, du moins, les prisonniers ont la jouissance
d'un jardin cultivé et entretenu par leurs soins. Si l'a-
milié est souvent oublieuse, si l'amour a encore moins
de mémoire que l'amitié, la famille reste au détenu.
Le père peut entendre les cris joyeux de ses enfants
jouant sous la charmille. La femme apporte sa brode-
rie, et travaille à l'ombre des acacias. Ceux qui n'ont
pas de famille se consolent avec les fleurs. Mais l'hiver
arrive, adieu tous ces plaisirs ! Par la pluie, par la
neige, les courses deviennent difficiles; on n'a pas les
moyens de prendre une voiture ; les petits enfants tom-
bent malades, la femme n'a pas de robe : les visites de-
viennent plus rares. On s'écrit, triste consolation! 11
faut se renfermer dans sa cellule, ou arpenter de long
en large une étroite galerie, au milieu d'une atmos-
phère épaisse d'haleines humaines, de calorifère et de
tabac.
Cela n'empêchera pas les vaudevillistes et les ro-
manciers de continuer la tradition. Clichy-Paphos,
Clicliy-Cytlière, (îlichy de Cocagne ! Puissent-ils eux-
mêmes ne jamais voir le vrai <!licliy!
Le vrai Clicliy est un séjour lugubre, im purgatoire
anticipé, une antichambre de l'enfer.
Et pourtant, sa résurrection a causé des transports
de joie : les reenrs, que le Gouvernement provisoire
avait admis à faire valoir leurs droits à la retraite, en-
tonnent un hymne de reconnaissance en rhonneur de
la Législature.
Ils rêvent de nouvelles captures; ils brûlent de se
signaler par des exploits ; ils reconstituent leur troupe
dispersée, et cherchent de tontes parts les individus
il'assez mauvaise mine pour ne pas déparer leur con-
frérie.
Des physionomies, que la police elle-même repous-
sait comme trop coniprumettaïUes, vont liouver à s"u-
liliser.
Malheur aux débiteurs! Leurs ennemis sont dt-bout,
pleins d'crdeur, restaurés par le repos, allâmes par un
long jeûne. La bande des eiiipuigneurs, prête à entrer
en campagne, répète des chants pareils à ceux que les
sauvages psalmodient autour de leurs victimes.
Vive Clichy! s'écrient-ils; Clichy for ever! comme
(lisent les .\nglais. Il n'est pas hors de propos de citer
les Anglais en celle circonstance.
L'n banquet, peu démocratique et encore moins so-
cial, se prépare pour fêler la réouverture An la dette.
Il réunira, dans une manifestation solennelle, tous les
juifs, usuriers, huissiers, gardes du commerce de Paris
et de la banlieue.
Les frais seront j)rélevés sur le prix des futures ex-
péditions.
D'ici à lin mois, Clichy sera repeuplé ; ses cellules,
qui sentaient le renferme, se rouvriront; la contre-ré-
volution y sera complètement opérée.
Puisse-t-il n'en être pas de même partout ailleurs!
-^
112.
Du nouveau prosiJenl dévoué feudalaire,
Girardin aux lionneurs espérait parvenir.
Vous le voyez ici dans le seul minùlere
Qu'il puisse jamais obU'uir.
Dessiné pjt Fabriizius
Giavé par Ball*nt.
Bill'LEVARD DES ITAl.ICNS.
AL.MiWArii DK 1.1 nr.viF. coulait:.
iiirsrui p.\a nauah»
RIE mcnriiEii, '.j'i
ff ■'!35^ISuÎ^K55^^
Ions de la Soascripdon. — La Revue comiqce formera un ning.nfiiiue volume, grand in-8, publié en 30 livraisons à 30 centime
poste, 40 ce:ilime~ — Pour tout ce qui concerne la direction, écrire [franco] à M. Libeui, au bureau de la Retoe, 2, boulevard d
DumiNxaAT, cDiTKim, SI, atr» aioBsixxv. ge Utraison.
me*,
lies
LE CALENDRIER.
■ leiu-
riUble
„„,„._r.nu,l,c.l.narier.n'..pl;q..cpo,. d l«q^ ^^^ ^^^^.^^^ ^,,
moîl wr clvilVres, I» mot alcndncr u'« pas de sons, — il r«iidrait ^"f ,°"'"'°''"
Zr Z^ >™o .w.n..ian ex.c.e.- C'est d'ailleurs U lo ...ot <,„» eho.sU la Con-
«, ioro.,u'enrr.™p,».a le ealendner .«.orie. par l'a..ua,re ,,;, da u
« septembre 179Î et ,ee„t jus,,,'.,. 1" janvier 1806, ,o«r où Qmt 1 v.e r, pu
blicaine et où l'on reprit l'ancien stylo.
„i.,. ,„.» ee mot d'annuaire républicain, le, «^^-^^ -^ ^ '':l;:;:^tT:,
rire. De «inellc bouffonnerie nous parlerons, d sent ils. ucau
l'on ne ponvail rencontrer son patron qi^ 1. condition de s'appe er Rave _ N vo
-Charrue, ou de quelque prénom semblable! V.l l'apparence dn ■■"';"''» ,^'""'
le change sur cet annuaire de la Conv.nlion, qui fut tout ,imp emen le m Ueui,
t plus vrai, le pins utile et en même temps le plu, poétique des caleudrie ,.
L Î2 septembre 179Î, »n décret de la Convention nationa e proclanja la é-
cbéanee du calendrier .ré=orien et le commencement ^1""'^ "Tll\u-m.
de ce Sî septembre même, jour précis où le soleil arrivait A '1'""™
,„.„e eu entrant dans le si,ne de la Balance ^ 9 Heures 18 minutes M seconde
-la veille avait été le dernier jour de la monarchie. Les représentant, du peuple
avaient nrononcé, le H s,-ptembre, l'abolition de la royauté.
ilut d'abord cette llxati'on du commencement de l'année, a,ec le commence-
m.„, d'une s.aison, est pln< rationnelle que le cboi, sans raison du 1 janvier
pour premier jour de la nMre. - C'est Charles IX qui eut la tolaisie de fuer au
î" janvier le premier jour de l'année, qui jusqu'en KM avait commence i P -
m,e.. - Maintenant que la longueur de l'année a été doteimiuée par la connai -
;,„ce e«cte du mouvement do la terre autour du soleil, et que son commence-
ment n'est plus cTposéà parcourir successivement toutes les saisons, il y a presque
de la barbarie à n'en point fixer le premier jour soit aux solstices, soil aux cqui-
„oxos, l'accordant ainsi avec les saisons el les signes. C'est là ce que la Con.enl,
avait compris. . , , ,.
- • -s plus lucide, de plus exact el de plus simple que cel «unuairc reniiuina
L'appellation des jours de la semaine grésori.nne est ridicule;. I'«";:"''"'3"';
i„„„er des noms auxjours do ladécade.lescherche dans l'économie mémo de on sjs-
""" -, -, . ■ ■ 1 i„„ „„ r,;ir.>^sorlir avec un rare bonheur, el
émede division si lucide el si simple, les en railri-ssouir avei
es compose do façon A établir une coi-rolation numéralive entre eux cl I s qmin
tiémes dumois. Chacun des dixjouvs de la décade prend un nom H"' 1""= 'J^^'
ure, et qui, pourtant, conserve dan, sa compos.lion la signilication des nombre,
A;ZL \\ bien 01 e ce nom «cul du jour de la décade indique le quantième
„rdmaiies.SibienqueiOu^om^.^^ul^a^J^^^^.^^^^^^^^^_^^^,^^ ,„al6riel.Eneirol, le,
romrdliaràireT's'onl": primidi.duodi.tridi, etcetc; il est facile :>« -"'F-'i™
que iridi, par exemple, esl le 5, le 13 ou le Î3 d'un mois - el "'"»■/"''"'';"
iôir. Or comme l'o, sait toujours si le mois e,t !i ,on commeneeinen ,i,on
m-lieù «; à sa fin. chaque jour de la décade porte bien réellement avec lu, la date
■""voTircependanl queUsl cet annuaire républicain, qu'il est de mode i' ^'««J
si méprisable et tout h fait digne des désordre, et de 1 isnoranco '>-™l""°
ros, comme veulcut bien dire le, sens trop instruils qui no savent pas encore que
la Convention a autant fait pour la science que pour la libcrlc. Si nou, avons
montré qu
lifiques de
i soit iV la hautei
il calend
noire temps, nous
France le ridicule esl ■
>. Qui le croirait? — di
pourtant rien de bien risible, — (
l'ordonnance technique : on l'a tro
facile de Iravcelir que de comprendre. Le calend
festival du catholicisme que la règle de l'année
connaissance, scien-
réellemcnl utile.
■tel ; c'est par le ridicule qu'on s'est attaqué
celle division scieulifique du temps, il n'y a
; .-.-«n cherché le ridicule ailleurs que dan,
une admirable pensée qu'il était plus
grcçorien est plnlOl le cercle
: sur le mouvement céleste; —
qu
id.ant 13
Le calendrier grégoriei
sont plus qu'un non-!
mœurs, notre religioi
la lune; — et de raSm
lancbe. qui était i\ Ro
s la place du calcndr
r gro;
! fait du latin Don
-elBjo_
1 a gardé pour ses mois et se, jours des i
lens qui sont un contre-sens grossier ave
,. - Ainsi : janvier (le moi, de Janusl; lundi (le jour
e de tous les .lulres mois et jours, sauf un seul jo
™.^ le jour du soleil, et qui, dans le calendrier grégo-
rs, que l'annuaire
s appellations. I-es
mouvoments de la
3)jo
(le jour du Selg
Dans l'annuaire au contraire, le, appellations ridicules disparaissent ; chaqu
mois prend un nom pittoresque, poétique, auquel son harmonie imitati.e et une ingé-
nieuse etmologie donnent une incroyable propriété. - Septembre devien^vei
mi»ire(leraoi3desïcndanges^; —octobre-brumaire (lemois dosbl-umes); no'
bre-frimaire (le mois des froids) ; - puis les mois d'hiver: décembre, jau
février, font nivôse, pluviése, ventôse : — neige, pluie, yent. — (Juin oc piu ^
pressifque les trois noms des mois du piintemps: germinal, floréal, piaina
(sève, fleur, prairie, au lieu de mars, avril et mai. - Enfin, les noms des ti
mois de l'été sont encore plus heureusement sonore, et indicatifs peut-être:
Juin, juillet et août - se ch,ingent en messidor, ll.ermidor, fructidor (les mt
son,, le soleil, les fruits).
Mais c'est dan, la division de l'année, des mois et des j<
l'emporte sur le calendrier, bien aulreiucnl encore que dans
mois grégoriens sont inégaux enlre eux, discordants avec le
lune. On^se fatigue à chercher si un mois est de 23, S9, 30
Cette inégalité est un reste de l'ignorance de, peuples, qui, faisant leur a...„„
trop courte, corrigèrent grossièrement leur calendrier en ajoutant plusieurs jours
i quelques-uns de leurs mois. Au .caudale d'un siècle éclairé, eettefau.se di-
yision de Pannée est conservée dans l'almanach grégorien. La sous-division du
mois lui-même est pire encore.
Pour l'assimiler sans doute aux quatre phases de la lune, on a voulu partager le
mois en quatre parties. Mais, faute de pouvoir diviser 29, 30 ou 31 jour, sans
traction, ou a établi la division sur 28 et fait la semaine de 7 jours; si bien que
le, quatre parties on semaine, ne co-incidenl plus avec la durée réelle au luoi.
Celle sous-di.ision particuliore ne mesure exaclemenl m le mois, m 1 année, m
les saisons, ni les lunaisons. ,
Ces erreurs matérielles, ces incohérentes division, du temps, ce, yestige, de,
époque, de barbarie ou de superstition, l'annuaire républicain les rejette.
C'est avec une haute raison, les certitudcj de la science, la propriété ingénieuse
des mol!, que la Convention a fait son œuvre.
AdopUnl la .ayante division de l'antique Kgypte, qui coupait 1 année en l.
mois e-iux el 1. complétait avec 5 jour, épagomène,, l'annuaire républicain
donne °30 jours à chacun de. 12 mois, et leur surajoute S jours qu, n appart.cn-
n<>nt i aucun moi, et qui achèvenl de remplir le cycle annuel.
Ces cinq jours, qui terminaient chaque année, étaient consacré, â de. félo. pa-
iriolian... On les appelait le, san.-euloll.d... Pour maintenir une coïncidence
eiicle avec le. moo.emenl. célc.le,, l'année ordinaire prenait "" -ixiémo lour
ipai/omiat ou .aM-euloI((d« .eloi, que le comportait la poiilioi
La inbdivi.ion du moi. républicain est rationnelle et eiacle con
née. A l'impo.sible parUge du moi. en quatre partie,, Pannuairo
Ui«e en décade., appliquant ain.i k la divi.ion mensuelle l'admi
numération décimale qni «enail d'être adopté en France.
Le nom de .emaine donné à l'inexacte diyi.ion grégorienne n a point de .en,.
Ce .impie mol de dcc.dc défmil et explique la rigoureuse diyi.ion de l'annuaire,
qui .eut que, du premier an dernier, le» jour, de la décade el le. jour, de I année
préci.eol dan» leur paralléli.mc lonlc» le. phase, du cycle.
\ chacun de ses jours un nom patronymique de saint est attaché. Li
■inuua re d'un peuple qui venait de reconnaître la liberté de, cultes
:h„i,„er un calendrier purement civil au calendrier religieux; dégager
.1 spirituel,- les saints du calendrier grégorien foreu répudiés.
, :éli;cl!it Ôe le calendrier étant une chose é laquelle tout le monde a
foreémcnt recours, on pouvait profiter delà fréquence de cet usage V"' f''"
ûpèuple d'uliles'nolions; que la place ealholiquemenl "«"P- P- '; ^ ' [
il ra ioiiellement remplie par l'admirable abrège d'un "«l" .'''™^ |"" l "; °,
ie rurale. - Sous le coup de celle inspiration, la Convention q, on a pem,
oire aussi «roee qu'on dit, à voir comment elle se préoccupa de I agnculluu
faire aimer les champs, et de couseiUer ces ulilcs travaux du l»'>"u'-=;'' V
.ont la fortune réelle des Liions, la Convention, disons-nous inronisada
eolonne jadis dédiée aux saint Mathias, aux sainte Cunégonde, »' «'» "' O"'" ■""
Rigoberl, Palerue, Runn, Blandiui. Loyola, et autres «'■■"• rrllie 1
sent peut-être en réalité l'Évangile cl la religion moins que la saeiislie,
., richesse, agricole, que la terre fécondée donne au labeur hnniain.
La (01 niion voulue que son .uinuaire en,eign« 4 ton, le, Franc»,, la eon-
ii,,ance des objets de la oilture, des utiles productions de la terre, de, instru-
m;™ aratoire,, 'de. animaux domes.iques, la richesse du fermier. - K comine
livr.riil,\ cotte fantaisie de ramener par le calendrier, livre usuel "J" '
iple français i> l'agriculture, la Convention ne croyait pas faire une cl ose
oimêm bigarre, elle prit la peine de disposer, avec un ordre admirable et
2 pratique qui lui foui honneur, le. nom. des 6™""';»';"'°'' "^: '
.,, fleurs, fruits, piaules, etc., de façon que chaque prodoc Uon « ™- '-
:, il sa place el au quantième où l'homme doitraltendre de la na-
nléres-
luri
jnsi que les légume, et le, bSloi furent
8 la Convention, qui joignirent, comme i
lis eu place de, saints par ces
1 le dit avec complaisance, le
1 de l'équinoxe.
ime celle de l'an-
suliatitue le par-
rable syslème de
Et C'est
barbares ,
^'f l:;nul1i::lnce, la.„b,titution vous .emble-l-elle '""i"""»-'^^
,„e, et l'idée prële-t-elle i rire 1 Croyez-vous qu'il .o,l encore '• «" »P "'" "l
coûter le. bous plaisant, qui aff,rn,ent que la Convention ,i poiis, la ' """'« j,
,,,1'J vouloir .affubler le, Français de prénom. »'"P'''«' :' T.. "'" '"' ,:"' ,f '
jardin de l'annuaire ont été simplemeul introduits dan, le but naît ,1e '""-"'^'"
miler l'homme ,^ la bêle et . la nalure inerte ,^ l'aide d'une P.»'-"?"-; ''^f^-, ;. "J^
La calomnie a fait son chemin cependant; le cierge qui, en 1806, soll.c, la et
obUnlTe rZlisseuien. de l'ancien style, ne ,e fll pa, faute de la propager y
réellement, » l'heure qu'il e.t, trés-peu de gensqu, n'aient I "P " »" '« P "' f"';^'
de cel annuaire républicain, q,ie nou. yeuon. de reliab, . 1er, =''"«;;• '';^;;
Na.,, et Pioeli. .ont toujour. le texte do la méuie gaieté 1 - On b ■■«'«;; ^'^
avec celte bonne plai.anlerie; - nou. cpéron, cependant que no, Ufeue. p.
ront faire changer quelqui
e cèle.
La Contention pensait que l'on ne fait
daud, de, prénoms ii choisir; elle n'avait
raonclalure instructive do l'annuaire pour
Mai, admetton, que certain, patriote,
prénoms comme on eu trouvait dan, l'ar
TMmyU. Sylvie P.n.M, ou mémo Itaii
bien.
p.,o .... .-- -- pour donner aux b;,-
!Crte, pas prévu qu'on prendrait la no-
me série de patron! de son invention,
je .oient avisés d'aller chercher lii de,
^icu calendrier, est-ce que les .Sabine,
et Pioolie de l'annuaire ne valaient pas
du ca-
i do. ge
■pire aux prc.sc. mécanique de La
iphoniect poésie, le» Cloud, Caiilou, Panerao. ol aul
, , ■ . ■ s. p„;= r.l-ce il l'annuaire qu'il faut .'en prendre
lendrier grégorien? — Pui., c.l-ce a aum, ,..c 4
de lilu, ou moin, de goût lui ont emprunte des nom.r
rt enliu ,i l'on regrellail l'ancienne palronymie catholique, ne pouvail-on pas
l'ac;ommoderauxd..e,de l'annuaire, ^ ^ ^^ Z^^:^':^^'!^
"""'•fr'trZltu ^u'hlnLu ; r^Ila^: ,«'.1 esl..aei:î .OUI »
cependant ne saurait (lupiaiic ail uu» wiu" \
"C'r;r:::rd— :;::.:'r::::r;;ur faire quoique piai.ir peu,
.:T:e:xdLo. co„ci.,e„. qui datent d^l'è.r,.ib^.ne^^3^^^
avoir leur, patron, dan, l'annuaire, nou» aveu, mil, lu cg
IS'iO, l'annuaire républicain. — One
rcllcment, la différence de. deux style,
R&MVB rtCu^ip. >ue DamiellOf 2.
tout à fait ainsi, el prc.que uotii. ■
Aon. LIREUX.
n^
ALIANACH RÉPUBLICAm POUR 1849, CONFORME AD DÉCRET DE LA CONVENTION
JAN
Ce mois est d'onlioaire insignifiant. Son nom vient du latin
janua, porte, et januarius oujanilor, portier. Janvier ouvre
eu effet l'année, il ouvre la porte aux mois qui le suivent. Ce
mois est insignifiant, en ce sens qu'il n'a jamais vu et qu'il ne
verra jamais s'accomplir de grands événements; les cœurs,
touchés par les élrennes remues, restent trente et un jours
dans l'attendrissement, état bleu doux, mais qui enlève à
l'homme son énergie et le rend impropre aux grandes choses.
On peut dire qu'en général un mois ne se doute guère de
ce que fera te mois suivant; ainsi. Janvier de 1848 était loin
de compter sur le Février qui l'a suivi, ce qui prouve combien
l'homme est insensé de vouloir pénétrer les mystères de l'avenir.
Le mois de janvier est propice aux mariages, à cause des
relations de société qui s'établissent au sujet des étrennes et
du gâteau des rois. — On verra un mauvais plaisant à qui la
fè?e sera échue, l'avaler adroitement pour s'éviter les frais de
trois bouteilles de cidre qu'eu qualité de roi il aurait dû offrir
à la compagnie : vil exemple de gloutonnerie et en même temps
d'avarice! C'est aussi durant le mois de janvier qu'il se donne
le plus de coups de canifs aux contrats de mariage. — Fem-
VIER.
mes, soyez fidèles à vos époux; époux, ne trompez pas vos fem-
mes! Une loi fort sage condamnait autrefois les époux adultè-
res à avoir le nez coupé. — Si cette loi était encore en vigueur,
disait un railleur, que de gens on rencontrerait sans nez !
Evitez la médisance en vos propos.
Le président de la République donnera des fêtes brillantes.
Un vieux général, admis à ces réunions , avalera de joie sa
culotte de peau, et paraîtra dans un état peu décent aux veux
des dames. Grande rumeur à ce sujet.
Plusieurs promotions auront lieu. Le général Cbann-arnier,
déjà investi du commandement de la garde nationale, de la
garde mobile et de la 1'° division militaire, aura encore
sous ses ordres les troupes des départements, tous nos bâtiments
de guerre et les garnisons des colonies. Le soleil ne se couchera
plus sur ses ordres du jour.
Foire aux places établie chez M. Odilon Barrot.
Guerre des paysans et des percepteurs.
Le nez des légitimistes s'allongera.
M. de Girardin fera plusieurs voyages en Angleterre, ainsi
que l'ami Gilles.
Mois consacré à la fièvre. Trop souvenl les fièvres amènent
les révolutions. , ,
Les cœuis qu'avaient touchés les élrennes ilu mois iirece-
dent ont eu le temps d'oublier toute reconnaissance ; ils se
sont endurcis de nouveau, et se montrent capables des plus
noirs forfails. On voit l'ami trahir l'ami, le fils méconna.lre
l'autorité paternelle, et l'oncle déshériter le neveu.
Des fêtes de plus eu pins brillantes attireront beaucoup de
monde à Ibôtel de la présidence. — Plaintes des voisins que
le bruit empêche de dormir. — Le vieuv général qui avait, le
mois dernier, avalé par mégarde sa culotle de peau au mdieu
du bal, commettra derechef la même inadvorlauce ; mais un
juste e\il en sera la punition.
L'invalide à la lête de bois sera nommé ministre de la guerre
.\ la pLice du général Rulhiêre, beaucoup trop jeune et trop
ingambe pour cet emploi.
Un retour vers les modes et les usages de 1810 se fera re-
marquer aux fêles de la présidence, et passera de la cour i la
ville. Le général Changaniier remettra la gavotte en faveur.
La Gazelle de France publiera un feuillelon hebdomadaire
Irès-piquaut sur les mœurs el les usages parisiens en 1849.
i;e feuillelon aura pour titre : Le/(res d'un Ermite de la
Chaussée-d'Anlin, et on l'attribuera à un malin vieillard,
M. Sarrans (jeune
On verra des .^ens bien portants, et nés sous la Restaura-
tion, traîner la jambe en marchant et afiecler une démarche
d'anciens mililaires. Quelques-uns se mettront des jambes de
bois. Fortune rapide d'un ébéniste qui excellera dans la labri-
calion des jambes postiches.
Un mauvais plaisant saura persuader à la populatuui pari-
sienne que le mois de février est, celle année, de Irenle el un
jours Mais quand les Parisiens verront le 1'^ mars succéder
immédiatement au 28 février, ils donneront la chasse au mys-
lillcateur, qui s'enfuira à l'étranger. — Rapport fait a 1 Aca-
démie à ce sujet. — La mvstificalion étant une des traditions
impériales, un prix de 10,000 francs sera fondé pour l'aiileur
de la meilleure mvslification faite dans l'année.
Conlinuation dJ la foire aux places che^ M. Odilon Barrot.
M Léon Faucher, bien connu par son mauvais caractère,
après s'être brouillé avec tous ses collègues, se fâchera avec
le président de la République, Il perdra son portefeuille vers
le quinze de ce mois ; ses collègues, ivres de joie, s'embrasse-
ront en public à celte occasion. M. de Falloux donnera huit
jours à tous les collégiens de Paris pour célébrer un si beau
jour — Apparition dugrand serpent de mer surlescôtesdeNor-
mandie. — Le théâtre de la Moubnsier obtient un grand succès
avec une pièce intitulée les dernières Avenlures du duc Avod
de Richelieu.
A L'USAGE DES GENS SÉRIEUX.
117
[.KNDHIKR POUR 1819.
(Scjlo G..lo..rl»ii.)
S^lU U-^ U^ b£io
w
a.
LITI.>l>OI..
s' 5
B i
'
l".'
J-a.
••
'"'"••
•fl^
fil)
1
!•■:
ill
IT r-.:
"1
1
s"
.I1..II
0.1
4
Ml
go <2 M
5
l,«
i.ll
;s| :j
Mi
r.-rf'U
ti8
9
Vc.
.Irit.ll
ïlioaB
ni)
lu
S.)
lOlll
sjî;??
u
13
Il>
Lu
1.11'
7 "3
1.1
.Ml
nii
f:8»H
»l.
1'!'—
75
lU
(lr,.,ll
77
78
19
D...>,„.
L.i
79
SU
Ma
Tlli
S'-îat^
80
SI
,>l.
rcrt-Ji
B=-;î„...
53
Ji-i
.11
-;SÎ- ?=•
93
V,.
.Ireili
|-ï| =£
83
91
25
ni
n.!ili
■ ij. s?
85
3li
Lu
ili
80
37
Ml
nli
s ^ ^
87
38
lit
nredi
^' sa
88
99
Je
ai
.- r
89
90
30
31
S,!
nlredl
leill
m.fi
ttrr
1. Ca.liglr.
Ail
ii'ii
■ ,
Tlii^opbilo
n
Joii
).i*
n il
> Kr
Ito
Iro
t.
«H
«1!
M.
l'ol
l'.l'r
"
ilnilllen.
1. Viclorlo
>. Gabriel
La Pa>,io.
I. LtiilsKr.
é.llq,
fl.
1. Ruptirt.
s. Gomran
1.
• . Euiliiiis.
1. nicul. ë
dqa.
B. Ro.loloh
"1
riicz les p-iysans s'éjri
Puni J'mii impôt arliilrait
Co sorall lui qui le pain
CALENDRIER REI'UIII.ICAIN.
AH B7 DU LA H t P U B 1. 1 Q D E.
(Wrloilo c<>rr»il«ii.l«nl k Mari.)
10
n«...i>i
11
l'rliiii.ll
13
lluiiilj
13
Trl.ll
M
gii.fiidi
Quinllill
Ili
S'ilidl
"
S.'inl.ll
III
K.iiiidl
20
Dit.:.i.i
23
Dun.li
33
Tridl
21
OiiarlMi
3:.
tfiiinlldl
3i.
S.,xli,li
27
S,.|.li.ll
38
Dcli.ll
39
.\onidl
30
lit, > Kl
GEU«IML(7"
rlinifr le* tiiet
= J?
.1» n.Nfsi Moer
rai[<«rBe QroaM et
prrile, Pl pUsWr
î"
*en<I«D( ao &rot ;
fi')>Brer<;lrv|>Untt!r
n'
le« pAquereit». In
Jaltonnct , let oril-
leu d'EipBfjiie; re-
planier U bmime .
1. Inran-le. le ro-
ut
marin. On fait rn
V
le» que l'on nomme
loi mur». L«i» fleor»
lD°nl3plMd'uo
Î4
MARS.
On verra tous les jours de vieux soldats, crus morts depuis
iSI'i, reparaître du fond de la Sibérie, et obtenir des pensions
de retraite. Le nombre des gens qui embrasseront cette
profession nouvelle sera si considérable , que, pour éviter
l'encombrement, le ministre de la guerre mettra les places
au concours.
Un programme des conditions imposées aux concurrents sera
public dans le Moniteur.
Les candidats devront particulièrement fournir leur acte de
naissance, constatant qu'ils ont au moins seize ans accomplis,
un certificat de vaccine, et, s'ils sont mineurs, une pièce dû-
ment légalisée par laquelle leur parent ou tuteur les autorise
à concourir pour le retour de Sibérie.
Les traditions impériales reprenant faveur de jour en jour,
M. V. Hugo fera jouer au Tliéàtre-Frani;ais une tragédie inti-
tulée le Faux Smerdis. — Talma acceptera le principal rôle.
Voici ce qu'on lira dans les faits-Paris des journaux :
« On remarque depuis quelque temps, dans les g.aleries du
Palais-Uojal, un original avec des babits délabrés et une lon-
gue barbe, qui gesticule et déclame tout seul contre l'injus-
tice et l'ingratitude des hommes. Les curieux font cercle au-
tour de ce misanthrope qui possède, à ce ([u'on assure, une
assez grande fortune, et n'afl'ecte un extérieur misérable que
pour faire de l'opposition au gouvernement. Ce moderne Gho-
druc-Duclos est, dit-on, un nommé Emile de Girardin, qui
fit assez, de bruit dans son temps.
«M. Odilon Barrot ayant donné sa démission de ministre, se
verra, en récompense de ses vertus, métamorphosé en canard
et placé dans le grand bassin des Tuileries. — Grande partie
de pèche qui aura lieu à cette occasion dans ce même bassin.
Grandes nouvelles d'Autriche, à la suite desquelles M. de
Rotbscbild regrettera la république rouge. — Les vieux de la
vieille ; le colonel Dumoulin, les généraux Piat et Moiitho-
lon, etc., liis d'être méconnus, lèveront une armée de vingt-
cinq hommes et s'empareront de la Colonne. — On les y ren-
fermera avec leur armée, et on les condamnera à la garder à
perpétuité.
L'exposition de tableaux sera plus brillante qu'on ne l'avait
prévu... On y remarquera des chefs-d'œuvre dignes du pin-
ceau des Cancrcnen, des Guérin et des Girodet-Trioson. —
Conversion de M. Delacroix, qui exposera une Danaé visitée
par Jupiter. M. J. Dupré se signalera par un grand paysage
historique, représentant Hippolyte dévoré par un monstrema-
rin. Couture, chargé du portrait du président, le peindra en
Neptune conjurant les Ilots. — Le nommé Jean Borgne, manou-
vrier, se verra condamné par la cour d'Amiens (Somme), pour
avoir tué sa mère, octogénaire, à écrire dix fois : J'admire E.de
Girardin. Jean Borgne s'étranglera pendant la iiuit.
OMBRES CHINOISES DE 1848. MARS.
Partie.
Premières fleurs, premiers bouriieons. Ou eu verra jusque
sur le nez d'un muuilionnaire célèbre.
La France, prospère et florissante, s'occupera beaucoup de
beau\-arls et de llltérature. L'annonce suivante fixera tous
les yeuî ;
« En vente cbez l'éditeur Pagnerre, rue de Seine, \i bis,
le cinquantième volume de I'Almasach des Mi ses. Cet ou-
vrage annuel, véritable Parnasse français, dont il avait fallu
suspendre la publication à cause du mauvais goût littéraire
des dernières années, a pu reparaître enfin, grâce à la réac-
tion salutaire qui s'est opérée daus les esprits. Le numéro eu
vente contient des épigrammes, madrigaux, acrosliclics, bouts-
rimés, bouquets à Cliloris, et autres poésies légères de nos plus
aimables poètes, MM. Hippolyle Bonnelier, Vacquerie, Pouger-
ville,Tissot, Baour-Lormian, Sarrans (jeune), et mesdames Del-
phine de Girardin, Ancelot, Eugénie Niboyet, elc, etc., etc.
« En vente à la même librairie :
(i Le Temple de Terpsychure, ou l'Art de la Danse, poème
didactique eu quatre chants, par M. Vacquerie. [Ouvrage
couronné par l'Académie française.)
€ Le Spectacle de la Salure, poème descriptif en douze
chauts, par M. Th. Gautier, a\cc une préface par M. de Pou-
gervilte. (Deuxième édition.)
« Le Faux Smerdis, tragédie nouvelle, par M. V. Hugo. »
Un chanteur fera la fortune de l'Opéra avec la romance du
Point du jour.
M. X. Durrieu, avant renoncé à la carrière politique, dé-
butera, comme danseur-mime, par le rôle de Télémaque,
daus un nouveau ballet de M. Garnier-Pagès, intitulé l'Ile de
Calypso ; son succès sera colossal dans le pas appelé : « Pas de
mouchoirs. »
Grande fête, dite de la Fraternité, à la suite de quelques
mésintelligences dans la population.— Confiance! confiance'.
— La plus grande franchise régnera pendant quelque temps
dans les rapports des citoyens entre eux, el jusque d-.-i les
opérations de Bourse. Ce sera au point que, laissant de co'.é
les ruses et les sublerfuges ordinaires, on volera ouvertement
des coupons de rentes et même des foulards. — Retour de la
dissimulation.
Un agronome distingué, par un nouveau procédé de cul-
ture, découvrira l'art de faire pousser dans son parc des fau-
vettes et des rossignols artificiels. — Réveil de la Belle au
bois dormant, qui s'était endormie au mois de février 1T49.
Fondation d'un phalanstère aérien sans pivot.
Grande discussion des critiques sur le mérite respectif de
deux tragédiennes. — Le préfet de police fait afficher une or-
donnance sur le musèlement, appliqué à tous les citoyen', pour
les empêcher de parler politique.
U.UBHliS CHINOISES DE 1848,
î .: -■ i
Revanche.
A L'USAGE DES GENS SÉRIEUX.
119
CALENDRIER POUR 1849.
(filvie Or^B«rl«ii.)
l?tî
^
o.
u e
" ^
o ?
" f
ni
IJi
1
1
1 ■>:.
llii
l'iT
5
us
H
lia
u
l:lO
10
131
11
131
13,1
1>
13
131
133
15
l.lli
■ (>
137
17
13»
l«
13'J
l'I
IW
iO
m
91
141
91
113
11
lU
15
ne
2,i
117
ir
lit
18
119
29
150
30
131
31
.. n,iiiiM'..
i. Ailiimi».
Inv.'iil. lin la
■ 10
Croit.
ilv Moiilqur.
. A
IQHIlIll
• . Jmin P.-L.
«>
1. Sinnlilui.
1. Mûiri,
• . Gr/Q» r*.
1. i:»rdl>n, 1.
Al
1. Maillon.
I. l.ilo«. ■ G
nii
«
1. AllMllI
L«i Huiat .«
Kl
inlirri
/..i /l W»., 1
II
lum
/V. «..J-l.. .
An
1 vlii rt
ASi:i:t\sio.\.
1.
nul
10 Sl»rlis<loS..>i
. Diilior.
. DoDiillen.
l'EiVTti.OTE.
m» Tliéoflo^o. .
'.iimenl, avec peine
l'un avocal audacieux
1 pris lo plu3 beau niiin des ci
r il est luiu d'être angélique
pliqu
CALENDRIER RÉPUni.ICAIN.
An S7 DD LA BllPUBLIQUIl.
|l>/Tiixl« cr.rmric'laol k Mil )
° 3
11
l'rliiildl
Ituoili
13
Trlill
II
^uarliili
15
Vuiiiilill
m
S.-iil<ll
»r|,ii.ll
m
OcIMli
.Soniill
Si
l)Rr.Ai>i
11
IVIiiiUII
11
l>..o.li
13
Triill
14
guiirtidl
15
^uinlidi
IG
Sollidl
n
^et>tidl
m
Oclidi
19
NonidI
311
niom
Oa coolinae ^ Mf
mer le» plonl»» po*
Xa^ètm. Od <b<>ur-
f,-unt\9 loi irbre»
l'a«(.t(ld|>blDCU)
{ Mlle d'ffiilkt , i
Hiroflée. On plm
m
PDAIRIAI. f9*
Pclinldi
1
Diindl
3
Tridi
4
guiirlldi
5
giiiutidi
11
7
Sopildi
»
Oclidi
»
N..oidi
lu
11
UéCAOI
ITimi.ll
alroB»
lo. Br<
\ doi Ii){ai
MAI.
Un vieux brave qui avilit l'ait partie de rexpéJiliou de
Breiiiius à Rome, et qui avail passé pour mort depuis ce temps,
revient dil fond de l'Italie, où il était resté prisonniM-. On le
nomme ministre de la guerre à la place de l'invalide à la tète
de bois. — Le temps vole, emportant dans sa course nos cha-
grins et nos plaisirs.
Grand banquet de femmes libres, où il est décidé que le
mois de mai sera consacré doréiiavanl à madame Eugénie Ni-
boyel. — Le citoyen Sarrans (jeune) meurt de vieillesse; on
lui ouvre les portes du Panthéon. — Un dessinateur, qui êlait
allé en Afrique, le crayon à la main, pour croquer la nature,
se voit lui-même croqué par un lion.
Lu mode des myslifiealions l'ail fureur. Un mauvais ]il.Ti-
sant va trouver M. Alexandre Dumas, el lui persuade qu'il vieiil
d'être nommé président du conseil des niinislres. Sur celte assu-
rance, l'auteur à'Anlony se hàle d'aller prendre possession de
l'hôtel de la présidence. Arrivé là, on lui apprend en riant
qu'il a été victime d'une plaisanterie, et il s'en retourne de
fort mauvaise humeur. Celte mystification, racontée le soir
dans les foyers de lliéâlres, dans les salons et à l'Assemblée
nationale, fait rire tout le monde. Son auteur obtient le prix
de 10,000 francs fondé par l'Académie. — Grand combat de
M. Proudhon et d'un épicier à coups de parapluie.
Un électeur de province, qui a beaucoup contribué à l'élec-
tion de M. Louis Bonaparte, arrive à Paris pour solliciter une
récompense, et ce dialogue s'engage entre lui et un passant;
« Monsieur, où faut-il s'adresser? — Pourquoi faire? —
Pour être récompensé. » Le passant facétieux lui donne l'a-
dresse d'un bureau d'omnibus.
Le cz.ir Nicolas meurt, laissant par testament sa couronne
à son perruquier, et 500 francs de renie viagère à cha-
cun des rois ou reines de l'Europe. — Courbettes des grands
de l'empire devant le perruquier, qu'ils essayent de faire pas-
ser pour le fils naturel de l'empereur défunt. — Le perruquier,
trouvant ces bruits injurieux pour la vertu de sa mère, intente
aux grands un procès en police correclionnelle. — 11 perd
son procès. — Apothéose du perruquier. — 11 publie une or-
donnance relative à son ancienne profession : désormais on
rasera à l'heure, à raison de 1 fr. 2o c., et 1 fr. 50 c. passé
minuit. — Tous ces événements agitent l'Europe.
Ouverture de l'exposition des produits de l'industrie fran-
çaise. On y distingue un télégraphe sélénien, avec lequel
on peut entrer facilement en communication avec les habi-
tants de la lune. Plusieurs banquiers, agents de change et
négociants , en profitent pour aller faire des trous à cet
astre.
Changement de ulilli^lère. M. Emile de Girardin y entre avec
M. Charles Marchai.
O.VIBKES r.lIlNOISES DE 18-48. MAI.
Un nouveau 18 brumaire.
120
CALENDRIER POUR 1849.
(Sivlo Grcgorien.)
^
£.
LC^ilSOX»
H ;
5 =
delà
* s*
■
153
l
V»dr«dl
c "«r
i:>3
loi
3
3
Samedi
l^c-ô
4
Lundi
B ^-r*"
|S6
S
Sardi
S
g= — 5
158
7
Jeudi
— — 1 —a-
159
I^Sgë
160
9
10
Same.li
Diaascas
i5cS3
|6i
li
Lundi
• ■ «o- c
H
Mardi
13
Mercredi
~ 5"E.c E.
U
Jendi
ê"a ' ^ •
166
15
Vendredi
167
16
Samedi
a §•=-:=?
168
17
Dia>:<caa
s = 5 -5"
18
Lundi
170
19
Hardi
SO
Mercredi
31
" "_ = 5 _
173
33
Tend.eli
23
" 5--k"
175
3t
Diai5CaE
176
35
36
Mardi
Êls-r
27
Mercredi
ë" II.
179
38
Jendi
39
Vendredi
181
30
Samedi
JULN.
Le général N'arvacz, cliassé d'Espagne, vient à Paris, où il
fonde un bureau d'achat de reconnaissances et de dégagements
des effets du mont de piélé. — Souscription nationale pour
offrir un bouquet à madame Eugénie Niboyet. — Cette dame
est enlevée par M. l'abbé de G , rédacteur d'un journal
bien connu.
Réception de M. Vacquerie à l'Académie française, en ré-
compense de son poème intitulé le Temple de Terpsychore. ou
l'Art de la Danse. M. de PongerviUe le félicite de son retour
aux saines doctrines littéraires. — Une tragédie enragée court
les rues, et cause pendant deux jours de grands malheurs.
Elle est abattue par un gardien de Paris, qui reçoit ses entrées
perpétuelles à l'Odéon, en récompense de son courage.
Nouveaux scandales suscités par le perruquier autocrate de
toutes les Russies. — Il veut contraindre les boyards à porter
leurs bottes fourrées sur la tète. — Plusieurs boyards sont
exilés à cette occasion. — Ukases incendiaires. — Le peri-u-
quier ose demander la main de la reine d'Espagne, qui est
pourvue , et nomme M. Cabet sou premier ministre. —
Plaintes générales. — On découvre que le czar sort tous les
soirs, déguisé, du palais, et va dans une petite boutique des
faubourgs exercer en secret son ancienne profession. Il
donne la princesse, sa lille, en mariage à M. de Balzac, qui
réalise ainsi le rcve de toute sa vie. — Congrès des di-
verses puissances de l'Europe, tenu à ce sujet à Aix-la-Cha-
pelle.
Un monsieur, se disant arrière-petit-neveu et héritier de
Molière, se présente au Théâtre-Français pour toucher les
droits d'auteur du répertoire de son grand-oncle, échus de-
puis 1675, année de sa mort, jusqu'à nos jours, avec tous iii-
téiêts et arrérages. — Élonnement du Théâtre-Français. —
L'affaire est portée au conseil d'État. — Plusieurs poètes tra-
giques imaginent de s'emparer des principales pièces de l'an-
cien répertoire, et de les faire jouer sous leur nom.
Mort d'un grand citoyen. — L'Assemblée nationale, dont
il faisait partie, décide qu'il sera empaillé aux frais de l'État
et suspendu au plafond de la salle des séances. — Nouvelles
élections. M. V. Hugo n'est pas réélu.
La reine de Saba, ayant beaucoup entendu parler de M. Vc-
ron, vient lui rendre visite du fond de l'Orient. Cette grande
reine avoue que tout ce que la renommée lui avait appris sur
cet homme célèbre est bien au-dessous de la réalité. — Elle
s'extasie sur son admirable laideur, et lui brode une paire de
bretelles avant son départ, et lui fait promettre de l'aller voir
à son tour dans sa capitale.
Un décret de l'Assemblée nationale, reconnaissant que le
jeu de billard a été complètement dénaturé depuis l'Empire,
proclame l'abolition des queues à procédés.
A L'USAGE DES GENS SI^IIÎMIX.
121
CALENDRIER POUK 1849.
(8l,l. Ct*n,„l.n.|
<ÎJ KSf iJ liLi lia ■ rTH tS"a
a 2. ••'O f
S:rS3
_ fc.
a.
: 3
Rï
* f
r
I8i
,
IHt
,,
186
«
IHX
«
1!W
l'JI
10
lui
II
IU3
13
l:a
u
l'17
16
19»
1'
soo
19
SOI
Jol
SI
sol
3S
SOI
SI
Suô
SI
SUO
Si
Sut
su
Sos
S7
Sua
S8
910
S9
ill
S{S
30
31
• . I^l'onorr. t. Mntllol.
Vl.luilon Je la Vl.rnf.
.. TlMt-r,,.
• Il- BlTlIlO.
I ai.i;ndi<ikk HKPrHr.icAiN.
AN 97 DB LA RKrnBI.IQDBi
Iravailleiir et son 8|)ôtru
Pour deux jumeaux nous sonl connus.
L'un par l'aulre ils suiit parvenus;
Us sont tombés, l'un porUuil l'aulrc.
JUILLET.
Grande exposition Je produits d'Iiorliculture dans l'oran-
gerie du Luxembourg. — On y remarque des fruits magnifi-
ques, et particulièrement un melon dont l'odeur se répand
dans tout le quartier. — Un habitant de la rue de Vaugirard,
excédé de celle odeur, déménage sans payer son terme. —
Procès célèbre à ce sujet. — Le locataire prétend avoir le
droit de rompre le bail d'un appartement qui sent le melon.
— Le propriétaire soutient, le Code eu main, qu'il n'y a ijue
le voisinage d'un établissement où s'exerce une profession dite
à marteaux qui puisse valider une rupture do bail; or, l'odeur
du melon ne saurait être considérée comme une profession à
marleaui. — Embarras des juges. — Le melon est apporté h
l'audience. — La cour mangt le melon, et décide, à l'instar de
Saloinon, que le melon a bien son cbarme.
Reprise du ballet des Sabines à l'Opéra.
M. Voron se mel en devoir de rendre sa visite à la reine
Saba. — Son entrée, dans la capitale de cet empire, sur un
éléphant blanc splendidement caparaçonné. — La reine de
Saba lui offre sa main. — De retour en France, M. Véron se
fait construire un palais en bois de cèdre et en or. — Cent
mille ouvriers y travaillent nuit et jour pendant vingt ans. —
M. Véron écrit un livre de maximes et de proverbes. — Il in-
vente pour la pâte Regnauld de nouvelles boites ornées de ver-
set du Cantique des Cantiques.
Grandes chaleurs qui servent de prétcxie à des gens mal in-
tenlionnés pour jeter les passants à l'eau. — Apparition d'un
évéquedc mer sous le |)ont des Arts.
Un journaliste bien connu se livre à des excès tels, qu"il est
condaniiic à recevoir le fouet en plate publique. — La sen-
tence est exécutée par la garde nationale. — Le prix Mon-
thyon est décerné à Scipion l'Africain pour un trait de conti-
nence relaté dans tous les journaux.
La reine d'Espagne abdique et ouvre un atelier de modiste.
Extirpation radicale et définitive des préjugés au moyen
d'une pommade inventée par M. Emile de Çirardin. Sur de
son succès, M. de Girardin publie celle annonce.
« Cent mille francs à quiconque pourra prouver qu'un pré-
jugé politique ou autre a résisté à la pommade dont je suis
l'inventeur. Qu'on se le dise 1 Une pommade nouvelle par
jour! »
Guerre d'épigrammes entre M. Bariol et M. de Falloux.
Celui-ci en décoche une ainsi conçue :
Barrol, de gloire se nourrit :
Aussi, voyez comme il maigrit I
Alais le grand politique répond immédiatement :
Sottise entretient la santé :
Falloux s'est toujours bien porté.
OMBKES CHINOISES DE 18-18. JUILLET.
État de
Paris le suir à iieiil Ijcin-rs.
]44
ALMANACH DE LA REVUE COMIQUE
AOUT
Continuation des grandes chaleurs. — Un philanthrope pro-
fite de la circonstance pour naturaliser, sur le sol de France,
le lion le tigre, l'hyène, le boa-constrictor et plusieurs autres
espccel de serpents"venimeus, originaires des pays chauds —
A l'aide des chaleurs, M. Isamhert parvient à se métamorpho-
ser en nè^re. — U est réduit en esclavage par un colon.
Le Co^tifvlionnel, exaspéré par les progrès du desabonne-
ment, publie l'arrèlé suivant :
\ partir du 1" août, tout individu aspirant à se desabon-
ner au Constitutionnel devra fournir les pièces suivantes :
io _ Un extrait de naissance qui établisse son identité ;
2» _ Un certificat de bonnes vie et mœurs ;
30 _ Son acte de libération du service militaire, constatant
qu'il a satisfait à la loi sur le recrutement ;
40 _ L'autorisation de ses parents ou tuteur, en cas Me
minorité; ... .
S» _ Les quittances de son propriétaire, depuis un an au
moins, constatant cju-il paye son terme.
Nota — 11 ne sera tenu aucun compte des inlirmites pu;-
sinue^ ou morales; le cas de cécité même ne sera pas consi-
déré comme une raison suffisante de désabonnement.
abdication du roi de Naples. - Ce prince vient ouvrir a
Paris un restaurant italien pour la spécialité du macaroni. --
Entrepôt de mortadelles el de saucissons de Bologne. — Il
prend le marquis del Carrclo pour cuisinier. — FiiUire à
Lc'^président de la République prononce un superbe dis-
cours qui élonne bien des gens. - On ne veut pas croire
qu'il l'ait composé lui-même. — Plaisanteries à ce sujet, a la
suite desquelles on va prendre des glaces.
Un chien, que l'on surprend à se mordre la queue, passe
pour le svmbole de l'éternité. — Grand bal masqué dans la
plaine Sa'mt-Denis. — Résurrection du caveau moderne. —
M Clairville, qui en fait partie, s'étrangle, comme Anacreon,
en avalant ui. grain de raisin. — Plus on est de fous, plus ou
rit. „ , , •
M. de Girardin propose à M. Proudhon de s associer avec
li.i ■ (I Pas si béte ! » lui repond M. Proudhon.
Le Tand serpent de mer fait une seconde apparition sur les
côtes de Normandie. Des corsaires s'arment peur aller le com-
baltre , et l'attaquent avec de l'artillerie ; mais sa peau est im-
pénétrable aux boulets. Ne pouvant le vaincre par la force, on
a recours à la ruse : on l'endort en lui lisant un numéro de Ja
Patrie (Journal du soir), et on parvient à s en rendre
maître.
Une jeune couturière, contrariée dans ses inclinations,
s'empoisonne en avalant un numéro de la Presse.
Mort étrange d'un facteur de la poste.
A L'USAGE DES GENS SÉRIEUX.
123
CALENDHIER POUR 1S19.
|8>,lc (ir<|p„l.».)
•lit.) t£S Lœ :j-> -(Jf -iia aSiu '.u ia^ .juo
c.u,i:Nnnii;it Bi^:i'riii,if;AiN.
AN 117 DB LA KAPDBI.2QDI;.
(Wric^l. cotrniMd^iil . S. |.l.inl.«,|
Siniorll
• Lcu. •. liilliu.
lloi.CKI
• . L.iaro.
Uii.li
• . Ur^'iir*.
Mardi
■ le nnuli..
M.rcr..ll
1. Ilrrlln. m\3\.i.
V,n,lrc<ll
i. (.loud. pr«ira.
Saiiioili
.\.ili>ii.t d. la Vlrrga.
ni»<i:il«
Luii.li
•lo Pulcli.<ri<>.
Hardi
1 Uvacinlbe.
>l«rcrod(
.. Ripbiàl.
JoM.li
■. Kulae».
Viiitlredi
ïuliaiioii do la Craii.
Sinimli
U Saer<il<car do Mirii:.
|l|»>SCttl
Lun.li
1. Uoiberl,!'..^!..^.
Murdi
p. T.. t. Jean c;lit...i
Mercredi
ilunlr, /■..„,.. iie La, .
Jeudi
i. tuttache.
V;,ll(lr«Hi
1. Mailiie..
Samedi
.. Maur.ce, martyr.
niii<scB«
lie Tliiel».
Lundi
t Corneille, martyr.
M.rdi
1. Firmin, è\é^ae.
SEPTEMBRE
Le Conslilutionnel s'n\icrcev3nt que son arrêté du mois dei'-
nier n'a pas rtiprimé la l'ui-etir ilii dtisabonnement, annonce
qu'il sera désoi-mais rédigé iii latin.
Le peuple juif est enfin délivré de la captivité de Babylone.
— M. de Gaspariu reparait à la Chambre et demande la ré-
vocalion de l'édil de Nantes.
Renibrunisseraent de l'horizon politique. — Le Journal des
Debals public à cette occasion des articles sur l'état des éludes
philosophiques chez les Esquimaux. — Sages conseils qu'il
donne à ses lecteurs.
Ouverture de la chasse. M. Louis Bonaparte, entouré d'un
brillant état-major, tire un lapin et le manque. — Contesla-
lion à ce sujet. — Un r.ipport inséré au Moniteur décide que
M. Bonaparte a tué le lapin. — Protestation d'un gaide-
chasse. — Ce brave homme, père de famille, est destitué,
pour sa franchise, par un ministre trop courtisan. — M. Louis
Bonaparte, apprenant cette injustice, fait venir le garde-
chasse et le rétablit dans son emploi. — La discussion le-
prend de plus belle au sujet du lapin ; les courtisans décident
encore une fois que le lapin est moi-t. — Nouvelle protesta-
tion du garde- chasse, qui est destitué de nouveau par le mi-
Qistre. — Mandé derechef auprès du prince, il obtient de l'a-
Tancemenl, une gratilicalion et la croix d'honneur. — Ce
grand caraclcre se laisse corrompre à moitié; il consent à
avouer que le lapin a été blessé. — Les honneurs changent les
hommes.
Sur la proposition philanthropique de M. V. Hugo, qui ne
veut punir Icscoup.ibles ipie parle repentir, on ouvre les por-
tes de toutes les prisons, et les détenus sont rendus à la liberté.
— HaiMngue de M. Hugo. — Un ex-délenu lui répond : —
Du llaii 1 — De grands vols se commettent dans Paris, à celle
occasion, en signe de réjouissance. — Les citoyens ne sortent
plus qu'en armes, et l'on met toutes les maisons en état de
soutenir un .Mégc. — On décide que les voleurs seront dei-e-
chef empi-isonnés. — Lamentations de M. V. Hugo. —11 pro-
nonce un niagnilique discours pour demander que l'on accorde
<i cliai|ue voleur une pension de mille écus, ,ilin de le vaincre
par la générosité. — Trois cent mille voleurs vont immédia-
tement se faire inscrire à la préfecture de police.
Le perruquier qui a succédé au czar iNicolas, sur le trône de
Russie, fait louetter la mer.
Le procédé d'épuration des marrons d'Inde, appliqué on
graiid, donne les plus magnifiques résultats. Afin de le pro-
pager, le président de la République donne un grand repas,
où l'on ne sci-t que des marrons d'iniledivinement accommodés.
Les discussions au sujet du lapin tiré par .M. Louis Bona-
parte, qui semblaient terminées, reprennent de plus belle et
continuent pendant une partie du mois suivant.
OMBRES CHINOISES IIE ISJh SEPTEMBRE.
La visite d'outre-MdULUu.
ALMANACII DE LA REVUE COMIQUE
OCTOBRE
C'est à l'occasion d'une maladie grave du garde-chasse, que
les discussions reprennent. — Cet honnête homme, près d'ex-
pirer, se reproche sa faihlesse et déclare, en présence de
quatre témoins, qu'il a fait uue fausse déposition au sujet du
lapin, et que cet animal a été réellement manqué et non pas
tué, ni même blessé par le prince. — Cette déclaration, pu-
bliée par les journaux de l'opposition, cause un grand scan-
dale. Le garde-chasse est destitué par le ministre une troi-
sième fois. — Rumeurs dans le pays à ce sujet. — Le prince
Louis Bonaparte perd son prestige. — Souscription nationale
en faveur du garde-chasse et de sa famille. — Les étrangers
profitent de nos troubles civils pour envahir la France. -- Une
armée, envoyée contre eux, perd son temps en folles di.'.cus-
sions au sujet du lapin, et se laisse battre. — Une seconde ar-
mée repousse les ennemis.
Elections générales. — Le pays est divisé en deux factions:
les lapins morts et les lapins vivants. — Les candidats qui se
présentent dans les clubs électoraux sont sommés d'expliquer
d'abord leur opinion sur le lapin tiré par le piincc. — Le
parti des lapins vivants l'emporle. — Juste sujet d'alarmes
pour les amis de la liberté.
Les vendanges s'annoucent sous le plus bel aspect. — Plu-
sieurs hommes des champs reconnaissent leur bonheur. —
Des grives, en état d'ivresse pour avoir mangé Irop de raiMii,
se livrent à des écarts qui blessent la pudeur de 1 autorité. —
OuadriUes aériens et chocnosophiques de ces oiseaux ; cancan
et chaloupanes grivois, qui lont rire même les gendarmes, re-
duil* à les contempler, le nez en l'air, sans pouvoir y mettre
obstacle ; mais la mère n'en permet pas le spectacle à sa
*''''■• .. j 1
Le vin est si fihondant, cette année, que 1 on prend le parti
de supprimer l'eau.
On s'occupe beaucoup de l'expédition d'Alexandre le Grand
dans les Indes. — Protocoles à ce sujet. — L'Angleterre en
prend ombrage et envoie lord Hardinge en Macédoine deman-
der des explications à Alexandre. — Après de longs pourpar-
lers, on consent à lui concéder le royaume de Caliore, à con-
dition ([u il embrassera le mahométisme.
Continuation des chasses de M. Louis Bonaparte. —Un
cerf, lancé dans la foret de Saint-Germain, part en ligne
droite, traverse plusieurs déparlements, sort de France, par-
court l'Europe; et, toujours poussé par les chiens, il passe à
Astrakan, à Calcutta, eu Egypte, traverse à la nage le détroit
de Magellan, remonte les deux Amériques, rentre en Europe
par le'nord de la Russie, el revient se faire forcer à son point
de départ. — Grande renommée acquise pour ce haut fait par
la meute du prince. Nos plus illuslres poètes se disputent
l'hnnneiir de la chanter.
OMBRF? CHINOISES DE 1848. OCTOBRE
Salons d'une foule de couveris et cabinets particuliers.
Arrèlé du garde des sceaux qui enjoint au bâtonnier de
l'ordre des avocats, de remplacer ce titre par celui de baloii-
oiste.
Plusieurs Savoyards arrivent à Paris pour ramoner les clie-
minées et trouvent une société de poeies tragiques en possession
de cet emploi. — Disputes et conil):its à ce sujet. — L'Acadé-
mie prend parti pour les tragiques qui restent maîtres des
cheminées de Paris.
Vente des meubles de M. de Genoude à la requête du gou-
vernement qui ne peut parvenir depuis di\-liuil ans, à olitenir
de ce citoyen, sa cote d'imposition. — Tentative de dcménii-
gemenl nocturne par M. de Genoude. — Cette lenlalivc est
déjouée par la vigilance de l'autorité. — Vente pul)li(|ne. —
L'enchère est poussée lr>''S-haut par deux riches Anglais. —
Le gouvernement se paye de la cote de* impositions et em-
barque M. de Genondc pour l'Anuricine, après lui a\(or
acheté uue pacotille avec le surplus du produit de la vente.
Rétablissement des titres de noblesse. — M. Véron est nom-
mé comte de quelque chose et se fait composer des armoiries
d'après le codex.
Le goût littéraire se purifiant de plus en plus, M. Ancelot
est chargé de retoucher l'.l «droma</we de Racine. — Il est
nommé, en récompense de ce travail , officier de la Légion
d'honneur.
EMBRE.
Plaintes générales contre les poètes tragiques. — Il sont
accusés de réciter des tirades dans les tuyaux de cheminées,
tout en les ramonant. — On rappelle les Savoyards. — Al-
houpements de tragiques à la porte Saint Denis. — Des pa-
trouilles les dissipent.
Symptômes d'un hiver rigoureux. — On voit des bandes
d'oiseaux sauvages traverser les airs, allant du Nord au Midi.
Abond.ince de bécasses. — Quelques-unes se montreiit à
un l)an(iuetde femmes socialesetcommnuautaires.— Naissance
d'un enfant à une tète. — Ce phénomène n'étonne personne.
.\pparition de plusieurs almanarhs qui chantent à l'envi les
louanges du président de la République. — Le Constitution-
nel, quoique rédigé en latin, continue de perdre des abonnés.
Sa raison s'égare, il poursuit les gens dans les rues i coups de
lùlon.
Revues nombreuses au Champ de Mars et dans les théâtres.
Un vaudevilliste connu paraît lui-même sur la scène, et
réalise un vœu formé depuis longtemps, qui consistait à se
montrer au public dans une position renouvelée du souper de
Grandvaux. — Le public trouve la plaisanterie excellente et
ne siflle pas.
On s'aperçoit enfin que le peuple français est le peuple le
plus spirituel de la terre.
Assassinat d'un marchand d'allumetles.
OMBRES CHINOISES DE l84S. NOVEMBRE.
Le I aptême Je la LousUtuliou.
126
ALMANACH DE lA REVUE COMIQUE
GALENDRIEH POUR 1849.
(Sljle Gt*(;<iri.-i..)
(is-ooi..) sE3ifecïa:^aaiC5s.îJî-ii.iî£3i.
""'"»•■
i :
9 1
do la
rfris DU MOIS.
1
s. Eloi.
■ ■
S
Lni.di
s. François Xavier.
?Err
4
Mardi
53_ =
Mercredi
s. Saban.
e
Jeudi
1. Nicolas.
* a a *^~*
Vendredi
s. Aiubrnitu.
*-ï 1 ^r
34i
s
Samedi
ta CoIiCf|»/ion
_" = • te
9
Ill«»»CH«
SIC Liiocadie.
^Sg 5s
34*
10
sie Eululie.
II
Mardi
.HtS
19
Mercredi
-:r^5
3 H
13
Jeudi
-eSs-
3t!l
14
Vendredi
8. Nicaiso.
Samedi
s. Me»niiu.
iil"
16
nm.SCBB
g. T.. SIC Adilndo.
X'.l
17
Lundi
8i« Olyuiiiiade.
li-=^'?
359
353
18
19
Mardi
Mercredi
SIe Zo&yme.
Q. r., s. Tinioléuu.
n. — =-â"5'
90
Jeu.li
s. Pliilofione.
nm
355
91
Veudredi
s. Thomas.
99
Snnifdi
s. Honorât.
91
IllU.NCgE
sie Vicloire.
9t
Lundi
35'.1
95
Mardi
NUEL.
■ s °-3 ?
3(Ja
ir.
Mercredi
3lil
97
Jeudi
U- 3 ?-C
98
Vendredi
^ 5 5
99
Samedi
s. Trophinie.
30
Di.AScm
su Colombe.
3r>5
31
Lundi 1 .. SyKe<lr«
Ce guerrier que l'on déoigra
Kst rentre iniict dans sa tente.
Pour une revanche éclatante.
Quelque jour il en sortira.
CALENDRIER REPUBLICAIN.
AN 58 nx: LA RÉPUBLIQUE.
-
Pinode
orrcpondnii
a
!?•
S-
;:
diSt
ode
rurnu.
10
DlLADl
II
Primidl
19
llaodl
Tndi
21
\..nid.
II>.r»DI
l'ilniidl
9J
9.1
Dundi
1il.li
J»
ynnrlld,
9i
Qninlidi
9|,
S.sudi
97
Siplidi
2H
Octidi
21
Nimldi
311
ll.c.ni
1
l'nmidi
Duodl
Tudi
1
Ouncildi
5
gu.ulidl
11
Seilidi
7
Seplidl
S
Ociidi
»
Nnoidi
10
nKCADI
Terrw v#î;^I«I
DECEMBRE.
A roceasioii Ju joiii- ilc l'an, nui s'a|i|)ro<lio, la |iliipart des
grands hommes contemporains sont sculplés en sucre et en
chocolat. — Exposition, chez Marquis, d'un superbe Odilon
Barrot en pain d'épices. — Un Léon de Malleville en frangi-
pane, à la vanille, attire tous les regards.— Félix met en vente
des petits gâleauv contenant, au lieu de crème, des Avond,
des Grémieux et des Léon Faucher en sucre, ainsi que beau-
coup d'autres représentants.
M. Viicquerie, allant on ne sait où, se laisse choir dans un
jiuits. — M. V. Hugo, appelé à son secours, lui fait un dis-
cours avant de le tirer de l'eau. — Rupture de rengagement
de M. X. Durrieu avec l'Opéra ; le théâtre des Funambules
paye un dédit de 50.000 fr. pour se l'attacher.
Un candidat à l'Académie française traverse la Seine à la
na"e pour arriver à l'Institut. — Il fait fausse route et aborde
dans un bateau de blanchisseuses, où on le reçoit.— Réveillon
à l'hôtel de la présidence. — L'année 1849 meurt, par écono-
mie, pour ne pas donner d'étrennes.
Après cela, si vous consultiez d'autres caries que les nôtres,
d'autres étoiles que celles qui sont au bout de notre lorgnette,
les entrailles d'autres victimes que celles qui fument au bout
de notre fourchette, vous auriez, il faut en convenir, des pré-
dictions bien différentes de celles-ci. 11 y a devin et devin,
somnambule et somnambule, vérité et vérité, les bonnes et les
mauvaises, les vraies et les fausses, nous vous en dirions plus
si nous en savions davantage, s'il s'agissait du passé nous se-
rions plus clairvoyants. — Aussi. nous permellons-vous le doute,
mais le doute seulement, sur quelques-unes de nos hypothèses.
D'autres vous affirmeront peut-être qu'au mois de décembre
1849, Henri V sera sur le trône, que le maréchal lîugeaud
épousera la duchesse de Berry après avoir tué en duel le duc
de Lucchesi-Palli, et après avoir fait oublier à la princesse la
petite affaire de Blaye; que M. de Falloux se fera alors voltai-
rien, que M. Thiers se fera socialiste, et que Proiidliou entrera
au séminaire Saint-Sulpice. On vous soutiendra que la du-
chesse d'Orléans, éprise du beau caractère du général Cavai-
guac, lui aura offert sa main par correspondance; le général
aura accepté; il aura adopté le comte de Paris. Louis-Philippe,
heureux enfin comme un roi, aura béni la République en mou-
rant. La clef de la Ibéorie du Circulus aura été trouvée à l'aide
du chiffre 100 par le bon Pierre Leroux. On vous dira que le
pape sera noipmé président d'une République universelle;
que les races rcychcs passeront à l'état fossile; que l'on résou-
dra le problème de la félicité du genre humain. — Que ne
vousdira-t-ou pas? — La République sera renversée, rétablie,
reconstituée, etc., etc. Croyez tout, ne croyez rien, prenez pa-
tience. Dieu est grand, nous sommes petits, et il peut bien
se passer de prophètes.
OMBRES CHINOISES IiE 1S4«.
lil.lKMBllF..
A L'USAGE DES GENS SÉRIEUX.
127
liKYUii u1':trosi»i:(;tivk di-: is'«h
TAI1I.ETTES D UN TOI RISTK ANGLAIS
JANVIER. — l.'Aiinli'Icnv n'o^l |ii> lri\ii.|iillli'; lis cli.iilistcs
se reimu'iil; ou vciil me coiiliaiiidre i iii'cHrolcr ilaiis les
cunstalles spéciaux. Je piciuls le paili de (itiiller Loiidi-es pour
clierclicr uu séjour plus paisible.
FtVRiEn. — Je loue uu apparlciiieiit à Taris, cl jr le imuMe
svec soiu. Tout est calme; le carnaval pioinel dèlre gai; les
Imls masi|ués commeuccnt. — Révolution. — Je suis reveille
par la fusillade ; mon portier a pris les armes ; un i lui) de-
mof ritique s'élaldil uu premier éta-e de ma maison ; nu-des-
sus de ma tète s'iuslalleul les Imreaux d'un nouveau journal....
Mes pauvres nerfs sont bien malades !
MARS. — Forcé d'illuminer, j'allrape un gros rlmiiic en
allumanl des lampions. On m'invile, en qualilé de représen-
t.inl de la Gran.l.-Brelagne, à honorer de ma présence la
plantation d'un arbre de liberté. — Grand accompagnemeni
de coups de fusil. — Je resie à moitié sourd. — Impossible
de dormir après quatre heures du malin, à cause du vacarme
que font les crieurs publics. Mes nerfs soiil dans uu élal dé-
sespéré. Vente de mon mobilier avec cinquante pour cent
de perle. — Je prends la résolution d'aller vivre sous un
gouvernement despotique.
AVRIL. — ^n-iree à Milan.— ic me meuble une jnlie
chambre sur la Piazza del Duomo.— Révolution. —Les Au-
trichiens bombardenl ma maison. — On me jette un piano sur
la léle. — Vente de mon mobilier, avec soixante pour ceiil de
perte. — Décidément j'irai vivre sous un régime constitution-
nel.
MAI. — Je nie fixe à Berlin. — Révolution. — Ma maison
est occupée iiiililairement , et plusieurs balles sifllent à mes
oreilles. — Venle démon mobilier, avec quatre-vingts pour
cent de perle. — Je me logerai à l'hôlel , et dans un pays
absolutiste.
jiiN. — Me voici à Vienne, hôlel de l'Aigle. — Révolution.
Le gouvernemenl est renversé le jour de mon arrivée. —
Je me jelte dans un cabriolet , dont on s'empare pour faire
une barricade. — On me laisse dedans. — Les deux parti» «c
tiraillent par- dessus ma tête. — En essayant de quitter la
ville, je suis arrêté comme prupagaiidiile , et avant perdu
mon passeport , je suis retenu quinze jours en prison. —Mes
nerfs vont plus mal (|ue jamais.
jiiLLET. — En desespoir de cause, je veux retourner ii Paris,
lorsqu'on m'apprend les .»naire» de Juin. -Je me rejette sur
la confédération germanique. — Arrivée à Hesse-Darmstadt,
au moment où les étmliants déposent l'électeur et cassent les
carreaux.— Obligé de boire avec eux une énorme quantité
de biere.
AOUT.- Visite ii Francfort , capitale de la confédération. —
J'assiste à lieux jours de combat dans les rues , mais je com-
mence à ni'j habituer.
sEi'TEMiiui: ET ocTomiE. — Sijour i Bruxelles, ville Iriste
et monotone. — Pus la moindre émeute en expectative. — Les
émotions me sont devenues nécessaires. Malheureusement l'Eii-
ropes'apaise. —Où pourrais-je me procurer une révolution'?
Mon alïeclion nerveuse m'a repris. — Une Révolution, ou la
mort ! — Rome m'est recommandée.
NovEMBiiE. — Arrivée à Rome à propos , pour assister à
l'assaut du (^uirinal. — Je suis affilié à un club populaire. Je
fraternise avec Brulus, Gergos et Cicerovacchio. Donné au
pape des lettres de recommandation pour un ami que j'ai a
Civita-Vecchia.
DECEMBRE. — Excursiou intéressante dans le nord de l'Ita-
lie ; visite à Maîzini et campagne d'une semaine, avec les in-
surgeants, sur le lac di Guarda. Je lis dans le Times un avis
de °mes parents désolés, qui me supplient de revenir en An-
gleterre ; mais non ! J'ai pris goût aux révolutions, ^lxe la
République ! Vive la Liberté ! Je vais aller faire de la propa-
gande en Ru.-sic ou à Constantinople.
Jusqu'à présent, nous avions fait ii M. de G'irardln l'bon-
neur de le compter parmi les gens qui ont le courage de
leurs défauts et l'orgueil même de leurs mauvaises passions.
Nous le croyions, en un mot, brave dans le mal, et, en qnebpie
sorte, droit dans le travers; nous nous étions trompé : M. de
Girardin est encore plus complet que nous ne le pensions; il
est hypocrite : une petite note publiée dans la Presse, il
y a quelques jours, nous le révèle sous ce dernier aspect. Dans
cet entremet honteux, M. de Girardin se plaint de la publica-
tion de certaines caricatures dirigées contre Devinez con-
tre qui? Contre le général Cavaignac!! 0 tartuffe! M. de
Girardin demandant aide et protection pour le général Cavai-
gnac'.Cela ne rappelle- t-il pas M. de Girardin visitant la
tombe de Carrel"?
Allons, monsieur de Girardin, un peud'audace donc. Dites-
nous tout droit que vous n'avez pense aux caricatures qui se font
contre le général Cavaignac, que quand vous avez vu que, s'il
y avait des crayons disposés à attaquer ce noble vaincu, il y en
avait aussi qui ne craignaient pas de le venger.
Eh quoi ! vous avez outrageusement calomnié pendant trois
mois uu homme de bien, et vous espérez en être quitte pour
dire : « Oublions tout, c'est-à-dire oubliez le mal que je vous
ai fait! » Et il ne se trouverait nulle part un homme de cœur,
sinon d'esprit, pour vous inlliger de sa plume ou de son crayou
le châtiment que vous méritez !
Allons, monsieur le défenseur de la liberté, de la licence, du
cynisme de la presse, élevez-vous, si vous l'osez, contre la
liberté du crayon ! —Vous ne trouverez pas un procureur de
la République, vous ne trouveriez pas un procureur de l'Em-
pire, si Empire il y avait, pour vous défendre, pas un juryjiui
n'absolve, qui ne loue peut-être l'artiste ou l'écrivain coura-
geux qui aurait fait claquer à ïos oreilles le fouet d'une juste
satire !
IS
Lamennais fut le pivciirseiir
Du régime démocratique :
A la fois poëte et penseur,
Des couleurs de la bible antique
11 habilla la poliliiiue
Et tonna contre l'uppresseur.
Sa parole retentissante,
A la guerre nous excitait ;
Maintenant, qu'il nous représente,
(1 reste dans l'ombie et se lait.
C'est qu'au sein de l'aréopage
On fait pour lui trop de tapage ;
Les bruits du monde, trop souvent,
Iroiblenlsa pacilique étude
Il faut, au prophète rêvant,
Le silence et la solitude.
Dessiné pir Faehitzius.
Gravé par lîAUUNT.
Udlll.RVARD DUS ITAI.IKM.
30 <*<'ii<iiii('N la livruiNoii.
niiK niciir.i.iEi', '.i'i
Idltions de la Sonscriptlon. — La Revue comique foimcra un magnifique volume, grand in-8, publié en SO livraisons à 30 centime*,
Ir la poste, 40 centimes — Pour tout ce qui concerne la direction, écrire [franco) à M. Lireuï, au bureau de la Revue, 2, boulevard des
liens.
DUMIN£B.A-r. XSITKUB, 58, RU« RICHELIEU Q- fJi,raison.
Le GiU'au (li-s Ilois île Islfl.
D«»iné par FaeritziiS.
Gravi' paj Baiilant.
rii.— Tir.; lui prei»e< nlécanic|UC» de LicniMPS fil' «1 Coinp., rue Damielle, 2.
LA SEMAINE.
La Semaiiii? se laissa tomber plulùt qu'elle ne s'assit
sur le fauteuil que je lui présentais.
« Qu'avez-vûus, madame, au nom du ciel ! et pour-
quoi TOUS évanouissez-vous comme une héroïne de co-
médie? Ilolà, quelqu'un 1 vite un flacon, des sels, du
vinaigre, de l'eau !
— Mauvais plaisant! vous riez de ma fatigue, com-
me si elle pouvait avoir i[uelque chose d'extraordinaire
après tant de visites. •
— Vous faites encore des visites?
— C'est mon devoir de Semaine bien apprise. Ne
devais-jo pas offrir mes félicitations au président de la
République française?
— Vous l'avez vu ?
— Comme je vous toîs.
— Décidément, comment es-til?
— Il est blond foncé; il aies yeux petits, le teint
gris, le nez gros, les jambes un peu courtes, le buste
un peu long, et un maintien embarrassé qui ne déplaît
pas dans un débutant. Il ressemble prodigieusement à
Louis Huard. 11 portait l'uniforme d'officier général de
la garde nationale. C'était le cas oùjamais de se montrer
dans tout le lustre civil d'une fonction qui n'a rien de
militaire ; c'est-à-dire en frac noir ; mais le président
tient à porter l'épée : laissons-le jouer au soldat,
— Que vous a-t-il dit ?
— Rien.
— Et aux personnes réunies autour de lui ?
— La même chose,
— En sortant de l'Elysée-National, où êtes- vous
allée?
— A l'hôtel de ville, complimenter M. Berger, cet
heureux Aiivi>ignal qui rem|)]ace M. de Rambuteau
par la grâce de M. Louis-Napoléon Bonaparte. J'ai
trouvé tout le monde dans la désolation ; quand je dis
tout le monde, il s'agit tout simplement des conseillers
municipaux.
— 0 ciel ! ce gros Berger serait-il indisposé?
— Lui, non, mais le conseil municipal; nos édiles
étaient malades d'un déjeuner rentré. M. Berger a cru
devoir supprimer le repas traditionnel du premier
jour de l'an. Dans ces temps de révolution, il faut
bien se montrer, par quelque côté, partisan des ré-
formes.
— Où ètes-vous allée après Ibùtel de ville?
— Ma foi, le monde officiel me paraissait si froid, si
triste, si monotone, que je lai quitté, et je me suis rnise
à parcourir les magasins, les boulevards, les rues, me
mêlant à la foule, regardant, marchandant, bavardant
avec le premier venu. Les bons dialogues que l'on en-
tend ! Si les cadeaux du jour de l'an pouvaient parler
à l'oreille de ceux qui les reçoivent, que d'agréa-
bles surprises ils leur causeraient. — Il y a un an, jour
pour jour, M. le duc d'.\umale a donné à son précep-
teur, M. Trognon, un ours jouant de la guitare, l'ours
et la guitare en bronze. Si l'ours avait pu parler, il au-
rait pu apprendre au précepteur pourquoi le choix de
son élève était tombé sur lui. J'étais dans le magasin
de bronze de la rue de Choiseul où se fit cette empiète.
« Dieu qu'il est laid! s'écria le duc d'Auraale à son
frère Joinville, en apercevant l'ours en question ; de-
vine à qui je vais donner cette abominable bête ? — A
Trognon, dit Joinville. — A Trognon, répondit d'Au-
male.
REVUE COMIQUE
— Et vou^ , madame , savez-vous pourquoi vous
n'avez pas reçu ce bracelet de médailles antiques que
TOUS avait d'abord desliné votre amant : « C est trop
beau pour elle, elle ne comprendrait pas. »
_ Cette broche, à qui la devez-vous , à madame —,
votre rivale, qui Ta refusée...
— Dis-donc, ma femme, si son mari allait être des-
titué, sais-tu que je regretterais diablement les 100
écus que me coûte ce cotTre de Taban.
— Quel dommage! un si bel album à une si sotte
créature.
— Et ces beaux livres, j'aimerais bien mieux les
garder. Que le diable emporte le jour de l'an !
— Que penses-tu de ce cachemire, pour la petite
p..._'ru es fou, moncher, il est trop cher de moitié;
tu vas nous la gâter. Elle sera hors de prix.
Pour qui ce beau Christ d'ivoire sur fond de ve-
lours violet. Pour l'archevêque de Paris ; pour le
curé de la paroisse? — Non, c'est pour la grande J...
Elle est si dévole.
Bon! mais tu oublies quelque chose ; il a quatre
enfants! — Quatre enfants ! — Si tu ne donnes rien
au quatrième, la mère sera furieuse, et l'cifet des
trois premiers cadeaux manqué.— Mais c'est ignoble !
on n'a pas quatre enfants (etc., etc., etc.)
C'est, au fond, une chose assez amusante que le jour
de l'an; et la semaine qui me succédera 'en 1850 aurait
tort de le supprimer.
— L'avenir ne nous regarde pas ; mais, voyons, n'a-
vez-vous donc rien de plus intéressant à me raconter?
— En politique, par exemple, il a été question d'une
foule de nominations bizarres.
— On parlait de certains préfets?
— Amis trop exigeants, dont il f.uuha, au lieu de
préfets, se décider à faire...
— Quoi donc?
— Des ingrats!
— Et les dossiers des affaires de Strasbourg et de
Boulogne : que pensez- vous de cette affaire-là?
— Je pense qu'il y a dans ces dossiers bien des let-
tres curieuses. Ou écrit souvent des choses bizarres,
on fait des demandes excentriques quand on est en pri-
son, llendu à la liberté, on est bien aise de comparer
les impressions d'aujourd'hui à celles d'autrefois ; en
somme, quoi de plus naturel?
Vous auriez donc remis les dossiers ?
— Je ne dis pas cela ; mais enfin, il faut du courage
pour résister au neveu de lEmpereur ; et j'estime
qu'on ferait bien de proposer une souscription pour
décerner une couronne civique à MM. de Malcville et
Bixio.
— Ils l'ont, parbleu, bien méritée! Maintenant,
parlons un peu littérature.
Est-ce que jamais dernière semaine d'une année
s'est occupée de littérature?
— Théâtres.
— Encore moins. Les pièces nouvelles attendent.
Ce qui commence n'aime point ce qui linit, comme di-
rait M. Victor Hugo.
— Est-ce là tout ce que vous avez à me dire?
— Tout.
— Adieu donc. Maintenant que vous voilà reposée,
reprenez votre voyage vers l'éternité. »
Et je vis partir sans regret ce dernier échantillon
maussade et rabougri d'une année qui aura pourtant
vu et fait de grandes choses. Mais que penser d'une
Semaine qui vous débite des bourdes comme le vol des
diamants de la couronne (maintenant de la prési-
denci). Ah! 1848, tu avais commencé par une
révolution, il était indigne de loi de Unir par un ca-
nard !
Invocation à la triade.
Pour Idirc pendant à rinvocation du r acte de (a Juive.
A L'IJSACK DKS CKNS Sl^lilIXX.
,i;S KTUENNKS.
^\... va Ions les juins vnic son ami lî .., i|iii est iria-
v'iv. M... est un t'xtx'llfiit lioiiime ciitii! doux àycs, un
pou bizarre dans sos allures. I.o jour de l'an arrive :
«Que vais-jo dunuor, se dit-il, à la fotutno de mon
ami? Il Taudrait un cadeau <léiiiat, ingénieux, (]iiol(|Me
chose d'agréable et eu iiu'ine temps d'utile, comme il
Convient de la part d'un homme de mon âge.
Je ne puis pas donner un écrin ni un cacliemire; ce
serait une folie inconvenante, eu égard à ma forluiie
et au prix de l'olijet. J'aurais l'air d'être amoureux de
madame B
Des dragées et des sucreries, ce serait bèto. De telles
étrennes ne sont acceptables que de la part d'un mu-
guet de vingt ans.
Une montre ! qu'est ce que cela signifie, une montre?
On nie prendrait pour un horloger. D'ailleurs, ma-
dame B... on a deux.
Un bracelet, des boucles d'oreilles, une broche! tout
cela manque de gravité. Pourquoi pas des breloques
ou des joujoux? Madame B..., quoique jeune encore,
est une femme d'un esprit sérieux.»
M... est en proie, pendant quelques jours, aux plus
cruelles perplexités. Il est célibataire, sans parents
d'aucune sorte. Son unique préoccupation est de sa-
voir ce qu'il donnera en étrennes à la femme de son
ami. Plus il y songe, moins il se décide. Il en perd
l'appétit et le sommeil.
Tout à coup une idée le frappe. Madame B... est
dans une position intéressante, position dont elle sortira
dans un avenir qui n'est pas très-éloigné. Je vais lui
envoyer une layette somptueuse. Ce n'est pas à la
femme que je fais le cadeau, c'est en quelque sorte à
l'enfant qui va venir au monde, et la mère en sera
bien plus flattée que si le cadeau s'adressait à elle-
même. Le cœur d'une femme doit comprendre la dé-
licatesse de ce procédé.
Heureux de cette idée. M... court commander une
layette, et l'envoie, le matin du grand jour, par un
commissionnaire : « Je ne puis pas, se dit-il, courir
les rues à la suite du commissionnaire et me présenter
avec lui, j'aurais l'air d'attacher trop d'importance à
la chose. D'ailleurs un peu de mystère ne gâtera rien,
et je veux savoir si l'on devinera que le cadeau vient
de moi. »
B... est seul chez lui quand le commissionnaire ar-
rive. 11 défait le paquet et voit la layette, qui n'est
accompagnée d'aucun mot d'explication : « Qui dia-
ble, pense-t-il, a pu faire ce cadeau à ma femme?»
Cette idée le rend tout pensif. Il se promène quelques
minutes dans le salon en réfléchissant à l'aventure :
« Parbleu ! se dit-il, la layette ne peut venir que de la
mère de ma femme ou de son oncle. 11 sei're la layette
dans son cabinet, descend, monte en cabriolet et se
l'ail conduire chez sa belle-mère.
B.i. attend que sa iielle-nièrc lui parle île la layelte,
mais il n'en est jias question. Klle lui montre même
deux bracelets qu'elle veut donner en étrennes à sa
lille.
Décidément, se dit B...., la layette vient do l'oncle
de ma femme. Il remonte eu cabriolet; en route il a
des sueurs froides. Arrivé chez l'oncle qu'il trouve en
train de déjeuner, il a la figure si bouleversée que l'on-
cle lui demande s'il est malade. — Ce n'est rien, ré-
pond B..., c'est le grand air qui m'a saisi : — Bois
un verre de rhum, lui dit l'oncle ; à propos, viens donc
voir le chàle que j'ai acheté pour ma nièce. — L'n
chàlo! balbutie B.... L'oncle se fait apporter l'objet
et le montre à son neveu, qui le regarde sans le voir,
fait quebjues observations au hasard, et trouve un pré-
texte pour s'en aller.
Il rentre chez lui furieux, se demandant qui a pu
envoyer la layette : « Ma femme aurait-elle donné à
quelqu'un le droit de commettre une telle imperti-
nence? Est-ce une insulte directe, une provocation?»
11 se rappelle que l'hiver précédent, dans le monde,
un officier de dragons avait montré quelque assiduité
auprès de sa femme. Un jeune homme blond et
exactement frisé s'était trouvé deux fois à son côté, au
spectacle, comme par hasard. «J'aurai le mot de cette
énigme et l'on ne rira pas à mes dépens. »
Sa femme rentre. B..., résolu à dissimuler, ne lui
dit pas un mot du cadeau mystérieux ; mais sa figure
a, malgré lui, une expression sombre et soucieuse.
Survient l'ami M..., joyeux et triomphant. Il attend
qu'on lui parle de la layette ; l'air lugubre de B... lui
fait supposer qu'il tombe au milieu d'une querelle de
ménage. Après une courte visile, il sort en se félicitant
d'être resté célibataire.
La layette est cachée soigneusement dans le cabinet.
B... épie les moindres actions de sa femme; il a l'œil
ai.v»/enètres pour voir si quelque attentif ne fait pas le
pied de grue au dehors. Sa femme sort pour faire des
visites, il la suit de loin; et, dans sa préoccupation, il
manque d'être écrasé par un cabriolet ; il parvient se-
crètement à s'emparer de la clef d'une cassette où sa
femme serre ses lettres ; mais cette correspondance est
aussi innocente que possible.
Quelques jours se passent. M... est venu deux fois;
mais l'air de B... s'assombrit de plus en plus, ce
qui lui ôte l'envie de parler de la layette, a Ils sont
donc en querelle tons les jours? se dit M... Quelle
mouche les piijue? Trois fois heureux les célibatai-
res ! »
Un matin, B..., qui ne dormait plus, se dit : a 11
REVUE COMIQUE
faut que je confie mon chagrin à M... A quoi servi-
raient les amis si ou ne les consultait pas dans les cir-
constances difficiles',"? Depuis que je suis marié, M... -vient
tous les jours chez moi ; il aura peut-être remarqué,
dans la conduite de ma femme, des choses que je n'ai
pas su voir. En tout cas, il m'aidera dans mes recher-
ches ; d'ailleurs, il est beaucoup plus âgé que moi, il
me donnera des conseils. »
B... s'hahilie à la hâte, court chez son ami et lui de-
mande un moment d'entretien secret. Surpris de la so-
lennité de ce préambule, M... renvoie la bonne qui
lui apportait son déjeuner.
« Parle, lui dit-il ; je suis tout à ta disposition, si
tu as besoin de moi.
— Peut-être en aurai-je besoin, répond B.... Je
viens m'épanchcr dans le sein d'un ami. »
M... prend la main de B... et la serre dans les sien-
nes. B..., vivement ému, porte son mouchoir à ses
yeux ; les deux amis s'embrassent par un mouvement
spontané.
a Voici ce que c'est, reprend B... après un moment
de silence. Le jour de l'an, j'ai reçu une layette...
— Je le sais, répond M... tianquillement, je le sais ;
après ■;
— Tu le sais?
— Parbleu ! puisque c'est moi qui l'ai envoyée.
Toi ! s'écrie B... en se laissant aller dans un fau-
teuil. Le diable t'emporte, imbécile !
Imbécile ! répète M... indigné ; imbécile, un ami
de vingt ans ! »
Les deux amis sont à peu près brouillés depuis ce
jour ; on espère pourtant qu'ils se réconcilieront à l'oc-
casion du baptême.
A i;USAGE DES GENS SÉUIEUX.
llî.-J
RÉFORME POSTALE.
Voici la rclorine postale en pleine aclivilé, et lun en
ressent déjà les eiïels. I,cs correspondances prennent
un développenienl inusité ; des parents, des amis, sé-
parés par de longues distances, cl devenus presque
étrangers les uns aux autres, rompent le silence prési-
dentiel qu'ils avaient gardé si longtemps. I,es écrivains
publics sont accaldés de besogne ; les Manuels du style
épistolaire se vendent à des millions d'exemplaires;
les malles plient sous le fardeau des épitres de toute
espèce, qui se croisent dans tous les sens. Les estam-
pilles gommées que l'en plaque sur les lettres pour les
affranchir, ont été d'abord un sujet d'embarras pour
beaucoup de gens; ils les employaient en guise de
pains à cacheter, et ne pouvaient s'expliquer pourquoi
elles ne collaient que d'un côté. Ils sont enfin parve-
nus à en comprendre l'usage , et les ont trouvées si
commodes, qu'ils écriraient maintenant, rien que pour
avoir le plaisir de s'en servir.
Chacun, profitant des avantages delà nouvelle taxe,
s'empresse de solder son arriére. On écrit à ceux que
l'on connaît, et même à ceux que l'on ne connaît pas;
on écrit aux vivants et aux morts. Des individus
qui végétaient isolés au fond de provinces lointaines,
se mettent de nouveau en rapport avec les centres de
civilisation. Ce n'est pas seulement aux ouvriers, aux
paysans, aux conscrits, que la réforme postale est utile.
Des individus aisés, mais enclins à l'avarice, reculaieiil
devant le sacrifice d'un port de lettre, et s'abstenaient
de toute relation épistolaire. Aujourd'hui, ils réparent
avec usure le temps perdu. Le décret postal a mis la
I.ES CRASDES fAtES DE I.A I.IBEHTÉ.
156
REVUE COMIQUE
plume à la main d'une multitude de campagnards,
qui semblaient avoir renoncé à Vart ingénieux dépein-
dre la parole et de parler aux yeux; et il en résulte de
curieuses lettres, dont la Revue Comique offre à nos
lecteurs quelques échantillons.
Saint-Jcan-Pied-de-Vort, r.janvicr 1849.
Il a fallu, mon très-clier, la réloime postale pour vous ilù-
cider à lu'écrire. Je n'ai pas le temps de vous répondre aujour-
d'hui ; mais je vous adresse, ci-jointe, une lettre (juc je ne vous
avais pas envoyée, pour ne pas vous faire payer inutilement un
port exorbitant. Elle vous mettra au fait de mes opinions,
qui sont restées invariables.
Tout à vous,
RolUCIIARU.
Dr MÊME AU MÊME.
5 janvier 1848-
Vous me faites l'honneur, mon très-cher, de me consulter
sur l'esprit des conservateurs do nos départements. Si le Gou-
vernement agissait d'après leur impulsion, il ne serait pasaussi
empêtré qu'il l'est actuellement. 11 ne s'agit pas de contre-
carrer ouvertement l'opinion publique; ce serait tout compro-
mettre. Faites-lui donc une concession insignifuinte, en admet-
tant dans le ministère quobiucs bavards du centre gauche.
Prenez Thiers ou Odilon Barrot, qui n'en est que la doublure,
et dont les déclamations sonores ne feront jamais de mal à per-
sonne. Ajoutez-y quelques nullités, que vous qualifierez har-
diment d'hommes spéciaux. Economistes, financiers, agrono-
mes, fous vous serviront à souhait, pourvu qu'ils soient bien
routiniers, bien bourrés de vieilles idées, bien contraires à
toute réforme efficace. Le public, qui les aura vus dans les
rangs de l'opposition, aura la bonhomie de croire à leurs ca-
pacités et à leur dévouement.
N'oubliez pas de donner satisfaction aux légitimistes en ca-
sant l'un des leurs dans le ministère nouveau. Vous vous ral-
lieriez tout le parti, si vous doimiez l'instruction publique à
quelque genlillàli-e rétrograde, à quelque jésuite de robe
courte, connu par ses préjugés féodaux et sa haine pour le ré-
gime universitaire.
Vous étoufferez bien des criailleries, en confiant les affaires
à des hommes tels que ceux que je vous désigne. Une fois
qu'ils seront installés, laissez-leur le soin de se rendre impos-
sibles, et vous reviendrez, par une voie naturelle, au bon mi-
nistère Guizot.
Agréez, etc.
RoBICUAIlD.
A M. DETERVILLE, LIBRAIRE A rARIS.
Ctiâtiilon-en-Bazoid, 5 janvier 18-19.
Mon cher monsieur,
La réduction des frais de poste me permettra de vous écrire
désormais fréquemment, et je compte sur votre complaisance
pour me répondre et me tenir au courant du mouvement litté-
raire.
Veuillez au préalable m'expédier quelques nouveautés, dont
j'ai ouï parler, et que je désire vivement connaître : la Dot de
Suzette, par M. Fiévée ; Cinq-Mars, roman, par M. le comte
Alfred de Vigny ; la Chronique de Charles IX, par M. Mérimée ;
JJernani, drame en cinq actes, |iar M. Victor Hugo ; la Jéru-
salem délivrée, traduite en vers français, par M. Baour-Lor-
mian, et le Voltaire de M. Touquet. Dites-moi le pri\ du Livre
des Cent-et-Un, qui se vend chez Ladvocat, au Palais-Royal,
Galerie de bois.
Choisissez-moi aussi quelques nouvelles pièces de comédie
dans le catalogue de Barba. Je vous signale Frontin, mari-
garçon, pu- M. Scribe ; une Fête de Né-on, tragédie en cinq
actes, par M. Alexandre Soumet; les Vêpres siciliennes, de
M. Casimir Dclavigne, jeune écrivain qui, dit-on, promet
d'être la gloire du Parnasse français.
Agréez, monsieur, etc..
Cerisier, ancien fournisseur des armées.
A M. RADIOrX, A SAIKT-nÉVERlEN (nIÈVRE).
Paris, 6 janvier 1819.
Cher ami,
La cherté des frais de poste m'a empoché jusqu'à ce jour de
te donner de mes nouvelles. Je puis me permettre aujourd'hui,
sans grever ton modique budget, de t'annoncer que je me jiorte
bien, et que je prospère dans mon commerce d'épicerie. Ma
santé a toujours été satisfaisante depuis longtemps ; seulement
j'ai eu une attaque de choléra, qui a failli m'cniporter. Je me
suis cru un moment perdu, d'autant plus qu'il mourait dix-
huit cents personnes par jour.
Quand viendras-tu nous voir à Paris ? Il faut que lu te dé-
cides il faire ce voyage. Tu trouveras bien des changements,
auxquels tu ne t'attends guère. Figure-toi que l'on a abattu
les rotondes des Panoramas cl la maison de Frascati ! L'Opéia
n'est plus place Louvois : on l'a transféré rue Lepelletier. Ou
a ouvert de nouveaux passages, qui sont très-commodes pen-
dant la mauvaise saison, entre autres les galeries Vivienne et
Colbert. La Madeleine est achevée, et la rue Castiglione est
définitivement livrée à la circulation.
Dans Tattenle de ta visite, je suis avec affection ton vieux
camarade,
MocTET, épicier-droguiste, rue Xeuve-Saint-Merry.
A M. FILOCUARD, A PARIS.
Sjiiu-Gilles-sur-Vie (Vendét).
Mon cher neveu,
Puisque les lettres ne coûtent plus que quatre sous, je serai
charme de correspondre régulièrement avec vous. Vous m'aviez
écrit deux lettres, il y a quelques années; mais je n'ai pas jugé
à propos d'y répondre, pour ne pas nous mettre en dépense.
Tout va bien chez nous. Nous avons été un moment inquiété
par les chouans; mais ils n'ont plus reparu depuis qu'on a ar-
rêté la duchesse de Berry. Mon entreprise de parcs aux huîtres
réussit à merveille. Mes enfants sont tous établis. Si vous avez
conservé des vues sur votre cousine Yvonne, je crois devoir
vous engager à y renoncer, attendu qu'elle est mariée, et
qu'elle a cinq garçons. Dites-moi un peu ce que vous devenez,
et si vous obtenez de l'avancement dans la garde municipale '!
Votre oncle affectionné,
Fii.ocuAKD aîné, propriétaire.
A a. GOB.SECX ET C'^.
Monsieur,
Je sais que vous ne recevez que des lettres affranchies : c'est
pourquoi ma fortune ne m'a pas permis jusqu'à présent de
vods écrire. Mais aujourd'hui, il faudrait que je n'eusse pas
i sous dans ma poche pour me priver du plaisir de vous écrire
que vous êtes un grigou.
Recevez, monsieur, l'assurance de mon respect.
A L'USAGE DES GENS SÉRIEUX.
137
KlUMITATiU.N D'UNE CALUM.ME.
l'Iusicur.s jiiiiiiiaiix ont .-iyiialc Iti iiiutisinu cumplel
(lu présiJt'iit, en pi-ésence des uiilorilûs civiles el iiiili-
laires qui ont dclilé devant lui, le I"' janvier; ces jour-
naux sont mal informés, car le président a pris (jua-
Ire fois la parole en cette niémora!)le circonstance.
I! a daigné dire au re|)résont;int (iuinard, comman-
dant l'artillerie de la garde nationale parisieime: «Ali!
colonel, j"ai été content de votre musique, dimanche
dernier. » l'uis, après quelques instants de réllexion, il
a ajouté : « Kt puis, j"ai été content de vos hommes
aussi, »
Ijn oflicier de la garde nationale de Saint-Denis,
présenté au président, a cru devoir lui adresser un
speech. Louis Bonaparte l'a écoulé avec bienveillance,
et a répliqué gracieusement : « Je voudrais vous ré-
pondre; mais je ne le puis »
On présentait au président le conseil d'état. — L'n
des plus grands corps du pays, disait le présentateur.
a Ail ! oui, répond avec la plus extrême aiïahilité le
président, j'en ai entendu parler. »
M. de Chasselonp, membre du conseil d'état, ayant
eu les honneurs d'une présentation personnelle. « Vo-
tre père était général de mon oncle, » lui fut-il dit
avec heaucoup de bonhomie.
Ces allocations ne sont peut-être pas très-éloquentes,
mais il faut faire la part de l'émotion inséparable d'un
premier début.
UNE UNION LËGIThMÉE.
Personne n'ignore que M. de Noaiilcs se présente à
l'Académie française pour remplacer M. de Chateau-
briand.
M. de Noailles est un vieux tragique que ses rela-
tions d'homme du monde et un certain respect des
convenances ont empêché de faire des tragédies , du
moins ostensiblement.
a Je suis bien malheureux, disait-il un jour, j'adore
la Tragédie, j'en raffole, elle me mène par le bout du
nez, et il m'est impossible, par respect pour.le nom que
je porte, de l'épouser; je ne puis pas même lui donner
le bras en public. Je lui ai loué un appartement, je
l'ai mise dans ses meubles, et je n'en suis pas moins
contraint de dissimuler l'amour qu'elle m'inspire. Cette
.-célérale de Tragédie me joue toute sorte de tours ; elle
m'a trompé avec Latour de Saint-Ybars. Il y a des
moments où je lui flanquerais des volées , si je ne crai-
gnais d'attirer sur moi le courroux d'Apollon.
Funeste grandeur qui me retient ainsi au rivage!
Ainsi parlait M. de ?yoailles à son confident.
— Seigneur, lui répondit le confident, vous avez
tort de vous gêner. Je vois d'aussi grands seigneurs
que vous, si j'ose m'exprimer ainsi, qui ne craignent
pas de courtiser la Tragédie au vu de tous. M. la
Uochefoucauld-Liancourt, par exemple, a-t-il hésité à
montrer sa faiblesse pour Agrippine?
— Il ne l'a point épousée.
— Non, mais il l'a adoptée en présence des autorités
constitués de l'Odéon qui est le treizième arrondisse-
ment littéraire.
— Tu as raison, Arcas. Mais, moi même, ai-je tout
à fait manqué de courage"? Mon histoire de madame de
Maintenon n'est-elle pas, à proprement parler, une tra-
gédie'?
— Je ne dis pas précisément le contraire, seigneur ;
cette histoire est une tragédie et même une tragédie
sacrée ; mais...
— Achève, Arcas.
— Vous n'avez fait là qu'un mariage de la main
gauche.
— Kt n'est-ce point assez pour un homme de ma
sorte?
— C'est trop ou trop peu, seigneur; excusez ma
franchise. La Tragédie ressemble à ces vieilles gouver-
nantes qui ont beau avoir tout pouvoir chez leur mai'.re,
elles ne sont jamais contentes avant d'avoir été épousées
pour tout de bon. Jusque-là ce sont des plaintes conti-
nuelles, des grognements, de mauvais procédés. 2Se
soyez pasétonné si la Tragédie vient quelque jour vous
faire une scène de jalousie en pleine rue.
— Grands dieux ! comment faire, chei' Arcas'?
— Je ne vois qu'un moyen.
— Parle.
— Vous vous faites recevoir de l'Académie.
— Après?
— Une fois reçu, vous faites courir le bruit que
l'Académie vous a imposé la condition de légitimer
votre mariage avec la Tragédie. Vos bans sont publiés
à l'Odéon, vous envoyez des lettres de faire part, et
grâce à ce stratagème qui satisfait aux justes exigences
du monde, il vous est permis dorénavant de donner en
public le bras à la Tragédie et de la conduire dans les
salons. Vous n'aurez plus besoin de la déguiser en
histoire.
— Excellente idée ! Les dieux t'ont donné, Arcas, un
génie souple et fertile. Reste maintenant la question
des visites. Prends ma voiture et un paquet de mes
cartes. Tu en déposeras une chez chacun des quarante
138
REVUE COMIQUE
académiciens. Aie soin que ma voiture stationno un j annoncer mes intentions à la Tragédie, et sécher les
quart d'heure devant la porte, ils ne résisteront pas à pleurs de celle noble amante.
cet honneur que je leur ferai. Moi, je vais de ce pas
LA CALOMNIE A PROPOS DU RÉGEM.
La liberté de la presse serait un fléau si tout le monde
l'entendait comme certains journaux. On imprimera
demain que M. X. est un voleur, et on se croira un hon-
nête homme en imprimant le lendemain, non pas qu'on
s'est trompé la veille, ce serait trop beau, mais que
M. X. prétend qu'on s'est trompé. «Notre impartialité
bien connue, ajoute-t-on, nous fait un devoir d'ac-
cueillir la réclamation de M. X. C'est au public à juger
entre l'attaque etla défense.» Or, l'attaque, c'était vous
qui vous la permettiez; la défense, c'est naturellement
la victime de votre calomnie qui l'essaye, et comment?
par un simple non contre un oui; de façon que M. X.,
pour tous ceux qui ne lisent pas deux jours de suite
votre journal, sera, quoi qu'il fasse, plus ou moins
victime de l'étourderie de quelque petit imbécile de
faiseur de nouvelles, si ce n'est de la lâcheté de quel-
que ennemi embusqué au coin de votre feuille.
I^s journaux qui n'ont pas conscience de la portée
de l'arme qu'ils ont entre les mains mériteraient, plus
souvent qu'ils ne la reçoivent, une sévère leçon. Mentir
d'abord, se démentirensuite, n'est pas un jeu innocent,
ce n'est pas davantage un jeu d'honnête homme.
M. X. a volé le régent, dit un journal, et sept jour-
naux répètent cet ignoble et grossier mensonge. M. X.,
ancien journaliste, et sachant par conséquent ce que
vaut une rectification, fait un procès aux calomnia-
teurs. Ceux-ci se récrient.
C'est en vérité par trop d'ingénuité dans le mal.
La police de la presse ne sera bien faite que quand
elle se fera par la presse elle-même. Les faits du genre
de celui auquel nous faisons allusion, devraient être
signalés à l'indignation publique par les journaux qui
se respectent. Ce serait là de la dignité bien entendue.
Leur silence est plus qu'une faiblesse, c'est une quasi-
complicité.
Du reste, si vous voulez distinguer un journal mal
fait d'un journal bien fait, c'est à ce signe que vous
le reconnaîtrez. Un journal qui a pour patron un in-
dustriel, qui n'est qu'une boutique , accueillera tou-
jours ces sortes de canards. Le vrai journal politique
s'y laissera prendre très-rarement.
Il parait que c'est M. Nettement, qui est rédacteur
en chef de l'Opinion publique, qui, le premier, a ac-
cueilli la calomnie dont nous parlons. M. Nette-
ment passait autrefois pour un journaliste sérieux.
Un journaliste sérieux lit tous les soirs son journal ;
évidemment M. Nettement se garde bien de lire le
sien. Nous comprendrions cette négligence s'il ne s'a-
o-issait que de son plaisir : lire tous les soirs depuis a
jusqu'à z l'Opinion publique, peut n'avoir en soi rien
de bien réjouissant; mais quand on est payé pour cela,
qu'on le fasse.
Vous direz après cela, comme lu Patrie, qu'on est
bien bon de s'occuper de ce que vous dites. — Pauvres
journaux! où en êtes-vous réduits, que vous ayez re-
cours à une pareille défense!
Le ré.ér«d citoyen G.noude pr*«nt. à son jeune mailre sa Odcle noblesse ,u> v.ent de lui donner une nouvelle
preuve de son inaltérable dévouement en votant pour le prince Louis-Napoléon.
A L'USAGE DES GENS SÉRIEUX.
139
I!AI'1'(»i;ts iti. \ \ iMii.iTiui i; wr.c i.\ pipe.
Tons les fuincuis s.ivfiil i]uc le cigare appartient à
raristoiiatie, mais nue la jupe est essenticlleiiieiit dé-
mocratique.
L'usage de la pipe s'est propagé pendant les troubles
révolutionnaires ; elle a dii ses succès aux clubistes de
1703; l'art de la culotter a été imaginé par des «a«s-
cu/otfes. Longtemps proscrite et dédaignée, elle a pro-
lité du 2i lévrier pour s'émanciper de nouveau et ver-
ser des torrents de fumée sur ses obscurs l)lasphéma-
leurs.
Avant cette époque, le cigare régnait sans partage
sur la voie publique ; la pipe en était bannie ; à peine
si elle osait se montrer dans les rues |)opuleuses des
faubourgs. Maintenant, vous la rencontrez partout :
on la voit dans la bouche du capitaliste comme dans
celle du prolétaire ; les meml)res du Jorkeij-club la pré-
fèrent aux panatellos : et, des quartiers lointains où
elle était reléguée, elle est venue prendre possession
du boulevard des Italiens.
Aussi l'industrie des pipes a-t-elle pris un dévelop-
pement considérable. On en a fait en terre émailiée, en
zinc, en noix de coco; on leur a donné les formes les
plus bizarres et les plus variées.
Si quelque cataclysme anéantissait les documents
historiques, nous retrouverions dans une collection de
pipes les annales contemporaines.
Il y a des pipes sur lesquelles on lit, au ccntrc-d'iiiie
couronne de lauriers : 24 février, République fruti-
çaise.
Sur d'autres est figuré l'arbre de la liberté ; d'autres
encore i-c[)rés('nlent la Liberté en personne, tenant
une urne funéraire , avec ces mots: Morts jjour In
jjiitrie !
Les républicains exaltés ont a<lopté des pipes enjo-
livées de trophées d'ormes, de bonnets rouges, et de
barricades. Les modérés culottent des Cavairjnac , des
Lamartine, des Gardes Mobiles, des Vivandiî>res
décorées après les affaires de juin. Les indifférents se
contentent d'.\bd-el-Kader, auquel les sucs du tabac
communiquent une teinte de bistre éminemment
africaine.
I^a pipe a joué un rôle dans les élections ; on a débité,
pour les fumeurs, des briquets à l'effigie des gufl^reeo«-
sins; la tète de Louis Bonaparte transformée en tète
de pipe, a obtenu un succès immense auprès des inva-
lides et des grognards de l'empire; toutefois les con-
naisseurs la refusent, en alléguant qu'elle est trop
creuse.
Si cela continue , il devient nécessaire de créer un
musée spécial, où l'on étudiera l'histoire dans les pipes
a[)rès l'avoir étudiée dans les livres. Le classement
chronologique des modèles de pipes, mettra le public
à même de passer en revue les hommes tt les événe-
ments.
Et puis, que de méditations profondes inspirera la
nature même des objets exposés; que de réflexions sur
l'instabilité des choses humaines, et sur tant de gloires
qui s'en vont en fumée !
JNous recommandons ce projet au futur ministre
de l'intérieur.
Le petit Thiers ptcscnte à son jeune maicre sa jeune épicerie française qui vient de lui téiEoigoer son
attachement invincible en votaat pour Louis-Napoléon.
140
KEVUE COMIQUE
LE COMMANDEMENT DU GÉNÉRAL CHANGARNIEU.
Nous serions depuis cent ans en république, que
les habitudes parlementaires n'auraient pas perdu un
pouce de leur terrain. A propos du commandement
exorbitant du général Chaugarnier, on a encore tout
dit, excepté la vérité.
Tous les orateurs, y compris M. Lcdru-Roilin, qui
devrait bien quelquefois, puisqu'il en a les charges,
user des bénélices que lui donne sa situation de chef
du parti roM(/e, c'est-à-dire oser beaucoup, tous les ora-
teurs se sont cfTorcés de prouver, ce que personne ne
contestait, c'est que le gouvernement avait violé un ar-
ticle de la Constitution en réunissant un pareil com-
mandement dans une seule main.
Mais tous ont déclaré qu'ils mettaient en dehors du
débat la personne du général Changarnier; que ce
n'était point là une affaire de personne, etc., etc.
Or, c'était précisément sur la personne du général
Changarnier, sur le choix qui avait été fait du général,
que devait, si l'on eût été sincèie, rouler tout le débat.
Et en effet, si son commandement eût clé donné à
M. Guinard, par exemple, croiton que M. Ledru-Rol-
lin eût réclamé? — S'il eût été donné à M. Clément
Thomas, croit-on que le Nutiona! eût protesté bien
vivement? — Et enfui s'il eût été donné au général La-
moricière, croit-on que \c Siècle t'en fut alarmé? Non
sans doute.
La question de personne n'était donc pas si indiffé-
rente.
Pourquoi ne pas le dire: la violation de l'article de
la Constitution, qui a eu pour résultat la nomination
du général Changarnier à cet incroyable commande-
ment, n'a pas été un tort, mais une faute, ce qui est
bien pis! La faute a consisté dans ce que le ministère
ayant fait choix, dans la personne du général Changar-
nier, d'un de ses adversaires plutôt que d'un de ses dé-
fenseurs, celte nomination est un danger pour lui et
non une force : la question était là.
Tout le monde le savait, personne ne l'a dit. Mais, en
revanche, on a respecté un vieux préjugé parlementaire
et on a perdu une journée.
CHOSES QUELCONQUES.
On retrouve partout l'iiistoire de Joseph vendu par
ses frères. Les frères de Joseph étaient les politiques de
leur temps.
— La liberté n'est pas si morte qu'on veut bien le
dire; écoutez nos grands orateurs, toute leur po-
litique consiste à lui chanter des dodo pour qu'elle
s'endorme au plus vite. Patience! le /^we«7 de la liberté,
le Jiéceil du peuple sont des chansons dont la mode
reviendra.
— Le présidentactuel de la République, a heureuse-
mciit pour lui, si peu de mémoire, qu'il n'a pu ap-
prendre un mot des petits discours qu'on lui avait pré-
parés pour la réception du jour de l'an. C'est riiistuire
des épinards. « Je n'aime pas les épinards et j'en suis
bien aise, etc. »
C'est Henri Monnier qui a inventé cette bêtise de
génie, et cette autre encoie de M. Prudhomme, qui
est prodigieuse : olez l'homme de la société, tous
l'isolez.
Cette jolie phrase a été gâtée avec quelque esprit
par un de nos hommes politiques. — 11 parlait du duc
d'Angoulême, qui avait coutume de rester court toutes
les fois qu'il avait un mot à dire en public.
Mettez le duc d'Angoulême au milieu d'une société
de gens d'esprit, disait-il, vous l'isolez.
— M. de Malleville a du mérite à se taire : il est clair
qu'il ne veut pas se brouiller avec le président de la
République, ce qui est un sentiment fort louable, ou
que la crainte de quelques récriminations l'a arrête.
Toujours est il que puisque M. de Malleville ne devait
pas tout dire, il eût mieux fait de se taire tout à fait.
Ce qu'il y a de pis dans les affaires de ce genre, c'est
un sous-entendu. Si M. de Malleville eût parlé tout à
fait, il eût peut-cire réussi à prouver qu'il avait agi
en Spartiate. — Il se tait après avoir annoncé un dis-
cours; il s'ensuit que ses adversaires interprètent con-
tre lui son silence. Et pourtant, si les journaux y per-
dent, la morale publique y gagne. Un scandale man-
qué, c'est un beau bénéfice, c'est celui (ju'a retiré
M. de Malleville de sa démission.
— On mettait autrefois autour des pièces de cinq
francs, on met encore au bas des discours ce protocole :
(( Que Dieu protège la France ! » Pauvre France, n'esl-
ce pas comme si on lui disait : Aide-toi, le ciel t'ai-
dera!
— On parle beaucoup des mines d'or de la Califor-
nie, et on s'étonne de l'avidité que mettent tous ceux
qui débarquent dans ces parages à tout quitter pour
aller à la recherche de quelque veine bienheureuse, —
sommes-nous beaucoup moins avides, nous qui, dans
A L'USAGE DES GENS SÉRIEUX.
Ul
iinp rc'vdliilion, ne voyons i|ii'imt! occasion de nous
niiM- sur les iilacos? — l.fs Californiens quittant leur
tliaiiiii' pcinr alii'c rlieiclior do l'or dans le sable do
leur rivai;.'. — Nous connaissons d'IioinuHes coiuiner-
(.-ants, faisant liien leurs alVaires, qui les ont abandon-
nées pour briguer une place de sous-préfet. Les anti-
clmnibres des ministères en regorgent.
— .\ quoi sert l'expérience en toute cliose et sur-
tout en politique? l>cs T.acédéinonicns faisaient autre-
fois exposer sur la place publique un esclave ivre.
I.'lusloire ne dit pas ([u'il s'en bût ces jonrs-là une
bouteille de \in de moins dans toute la Grèce.
— Il n'y a pas de |\aysoii l'on iirenne plus facilement
qu'en l'rance un caprice pour de l'amour, de l'engoue-
ment pour de i'entbousiasme. C'est pour cela qu'on
dit les Français inconstants; ils ne sont qu'étourdis. —
I.eur tort n'est pas de se reprendre, mais de s'être
donnés.
— Quand on rencontre dans une forêt un arbre mort
en apparence, on lui fait une entaille pour savoir si la
sève vivante ne se caclie pas sous l'écorce desséchée.
Nous venons de faire une entaille à la vieille société;
elle est morte, bien morte, mais cette entaille n'est
pas assez profonde, et des galvaniseurs veulent nous
faire croire qu'elle a encore dos siècles à vivre, et
que cette mort n'est qu'apparente?
— Ce qui l'ait la fmloiie des idées nouvelles, c'est
(pi'elles sont nouvelles. — On rirait depuis longtemps
au nez ou à la barbe de .MM. Considérant et Proudbon,
si ou savait que leurs idées sont grecques, égyptien-
nes, etc.
— M. Marrast a osé menacer la tribune des journa-
listes, d'oii partent incessamment les plus inconvenan-
tes interruptions , de la faire évacuer. I.à-dessus ,
grandes clameurs dans la plupart des journaux, et cha-
cun de rappeler à M. .Marrast qu'il n'est lui-même
fjiùin journaliste.
Si la même menace eût été adressée à toute autre
tribune, celle des anciens députés on des gardes natio-
naux, croyez- vous que ces messieurs eussent montré
cette belle indignation?
Chers confrères, vous qui attaquez tout, qui ne res-
pectez rien, soyez donc moins chatouilleux, ce sera de
bon gont.
— l.a r.é lubliqiii' e>t le (iiilliver de notre temps.
Voilii des Lilliputiens cpii essayent de lui mettre des
lils aux pieds et aux mains, et Gulliver se laisse enchaî-
ner. La patience est la veilu des forts.
— Dans l'ordre du jour du général Changarnicr re-
latif à la réce|)tion des ofliciers de la garde nationale
par le président de la République, on avait remarqué
cette phrase : o Le général Changarnier se réserve de
voir messieurs les ofliciers de la garde nationale avant
la réception. »
Un grand nombre d'ofliciers, à qui il ne convenait
pas de passer ainsi à cette vinte préparatoire, se sont
rendus directement à l'Klysée.
Le plus grand nombre, une fois ce devoir accompli,
se sont arrêtés rue Basse-du-Rempart, n° T^O — Huit
mille cinq cents noms se sont l'ait inscrire ce joui-là
chez le général Cavaignac.
— Un des amis du maréchal Bugcaud faisant allii-
sien an manque d'ordre que tous ceux qui ont connu
le brave maréchal ont pu observer dans ses idées, di-
sait : « Le maréchal a beaucoup d'idées; mallicureu-
sement elles dansent le cancan dans sa tête. »
— A l'occasion du jour de l'an et de la nominalion
du nouveau président de la Républi(iue, beaucouj) de
nos honnnes politiques ont essayé de se faire faire des
habits neufs avec leurs vieux habits. Quelques-uns
avaient beau faire, la marque du galon de l'ancienne
livrée était toujours visible.
— Les principes sont beaux, excellents, magniliqnes.
— Si les hommes valaient les principes, tout irait
bien.
— Les troubles, a dit Montesquieu, ont toujours
affermi les empires. — La France peut donc espérer
être un jour ferme et solide.
— Tous les jongleurs n'avalent pas des épées nues.
— Les plus habiles sont ceux qui les font avaler à leurs
admirateurs.
Jean-Paul Richters avait raison de dire que
présent n'est que le singe du passé. «
Rien n'est plus vrai de notre temps. La science de
la politique est, dit-on, l'art de prévoir; c'est la mar
LE PRÉSENT ET L'AVENIR
1
voici que la politique que nous faisons en ce moment
est l'art de faire revivre le passé, et de nous ramener
d'où nous venons. Ce mot magique en avant, en avant,
que la France a dit naguère, et que toutes les nations
che de l'esprit humain vers un meilleur avenir; mais de l'Europe ont répété après elle, semble maintenauf
m
REVUE COMIQUE
un cri de réprobation. Il s'agit d'ctoufler toutes les
idées grandes et généreuses et de recommencer à vivre
comme on a vécu; et parce qu'on a vécu ainsi, le peu-
ple s'est fait lui-même, il y a un an, l'opération de la
cataracte; mais, trop presse de voir la lumière, il a levé
trop tôt le bandeau posé sur ses yeux malades, et il est
redevenu aveugle. Ne croyez pas qu'il regrette cette
lumière entrevue et qui n'a brillé qu'un jour pour lui.
Il est retombé avec joie dans son obscurité ; n'y voit-
on pas toujours assez pour suivre cette route connue
et ce chemin battu où il marche depuis si longtemps
sans s'arrêter? Pourquoi en prendre un autre?
Le peuple est fataliste; il nie le mouvement. Il s'as-
seoit et regarde du côté de son passé en disant : Re-
commençons. Il n'est préoccupé que de son bien-être
matériel; il sacrifie tout au présent; l'avenir, cette
part du temps, qui est d'essence divine, puisqu'elle
n'existe pas encore, n'est rien pour lui, il n'y croit
pas; comme les aveugles, il ne croit qu'à ce qu'il
touche.
Ce qui fait pour un moment la fortune des idées
nouvelles qu'on veut lui donner, c'est sa misère; mais
il ne pardonne pas à ces idées de ne pas porter des fruits
aussitôt. Il est comme les enfants qui sèment le grain
et qui reviennent dans le champ, une minute après,
pour voir s'il a germé. Dans son impatience, il blas-
phème, il dit qu'on l'a trompé. Il ne tient compte des
efforts qui se font de toutes parts pour lui que s'ils ont
un plein succès. Ne rappelle-t-il pas à ceux qui l'ob-
servent un antique usage consacré dans une ville de
Syrie? Il était permis à tous les innovateurs de pré-
senter au peuple, chargé de les juger et de les appré-
cier, les idées et les innovations qu'ils voulaient intro-
duire dans la société. Ils étaient tenus d'arriver devant
leurs juges, la corde au cou; si, au bout d'un temps
donné, leurs idées étaient déclarées par le peuple mau-
vaises et irréalisables, ils étaient étranglés et mis à
mort pour les punir d'avoir voulu porter atteinte à son
repos et à sa tranquillité.
Cela ne se passe-t-il pas un peu comme cela en
France et de nos jours? N'importe, que les cœurs gé-
néreux, les âmes sympathiques ne se lassent pas; la
société, c'est l'homme avec ses erreurs, ses aberrations,
ses fautes, son ingratitude. Ceux qui se dévouent pour
elle n'en doivent espérer d'autre récompense que celle
que donne le dévouement. Il n'est pas vrai que le
bienfait désintéressé soit plus rare que la reconnais-
sance ; les grands cœurs n'en demandent et n'en at-
tendent point; le peuple le reconnaîtra plus tard. En
attendant sa justice, laissons-le suivre la voie qu'il a
choisie et où il marche, conduit par le hasard. Un jour
viendra où il verra qu'il s'est trompé de chemin ; ten-
dons-lui la main alors pour le ramener, le guider, alin
qu'il ne s'égare pas de nouveau. Ne prenons pas trop
de souci de ce qu'il fait en ce moment. Ceux qui veu-
lent étouffer les idées ne savent pas qu'elles ne peuvent
pas mourir en France. L'heure de les réaliser sonne
tôt ou tard; jusque-là elles marchent dans le monde,
elles pénètrent partout, elles exercent insensiblement
une domination occulte, et finissent par régner au mo*
ment où les esprits rétrogrades croient les avoir com-
battues victorieusement.
LE 1er JANVIER 1849 CHEZ US BEPf BUCOPHÙBE.
« En République, on ne donne pas d"étrennes. n
(C« croquis nous est commuDiqué par l'alné de la famille, jeune homme qui donnait les plus belles espérances ; mais le laisissemenl
qu'il a ressenti de la déclaration paternelle a paralysé, nous espérons pour peu de temps, ses heureuses dispositions )
A I/USAGK DKS (JK.NS SKiUKUX.
HZ
niT.sTioN A i/onDiu-: ni' joii;.
On propose ilc tous fôlés
D'amiiislicr les dcpoilcs.
On Vfiit baser sur lu iliinence
Le nouveniciiieiil qui louimcnce,
Mais ses euueiiiis les pluscliamls
Ne som pas au l'ond des eachols.
De leurs projets la Fraïue est avertie :
Faut il à ces ^eus appliquer l'aninistiCf
Leur laut-il appliquer l'auiuist e ?
Cerlain patriarche édeiité.
De la Kégence est entùté.
Dans sa niarclie retardataire ,
Contre nos lois il déblatère :
Se rapprochant chaque matin,
Du bon système guizotin.
Sou éloquence est par l'ùge amortie,
Faut-il au vieillard appliquer l'amnistie?
Lui faut-il appliquer l'amnislie ?
Un ministre du temps passé
Rêve qu'il sera replacé.
Expert en matière d'intrigues,
Il forme de petites ligues.
Trompe ceux qu'il feint d'appuyer.
Et s'efforce de tout brouiller.
Il triche au jeu pour gagner la partie :
Faut-ilà cet homme appliquer l'amnistie ?
Lui faut il appliquer l'amnistie ?
Un journaliste Iro;) connu,
Par le scandale est pirvonn ;
Déshonorant la politique.
De mensonges il tient boutique,
El sur des hommes estimés
Lance ses traits envenimés.
Par ses écrits la foule est pervertie :
Lui faut-il pourtant appliquer l'amnistie ?
Lui faut-il appliquer l'amnistie ?
Des royalistes peu lenséj,
Hardiment se sont prononcés ;
Ils disent en style biblique :
<< i>ieu eonilamue la Itepulilii|ue !
l'renez les gens di; notre bord ,
Avec le comte de Cliaiiibord. »
Soutiens du trône et de la sacristie,
\oe.s l'aul-il encore appliquer l'amnistie?
Vous faut-il apjiiiquer l'amnistie?
D'un vieil uniforme habillés,
Des grognards aux sabres rouilles,
Pour le neveu qui les patronne.
De l'oncle refont la couronne,
lit pensent traiter en pékins
Les plus fermes républicains.
O champions d'une autre dynastie ,
Vous faut-il encore appliquer l'amnistie?
Nous faut-il appliquer l'amuistip?
r,royez-lc bien, ces songes creux
Pour nous ne sont point dangereux.
Laissons leurs chetives cervelles
(Combiner des trames nouvelles.
Pour l'Empire ou le droit divin ,
Leur ligue se démène en vain.
Son impuissance est notre garantie;
On peut sansdangerleur donner l'amnistie :
Oui, l'on peut leur douner l'amuialie !
Un spéculateur dit tout bas :
« C'est avec l'or que je combats.
Tenons ma caisse bien fermée ;
Et la nation affamée,
Démon courroux craignant l'effet,
Démolira ce qu'elle a fait.
Qu'à la Régence elle soit convertie. »
Faut-il, à cet homme, applic|uer l'amnistie?
Lui faut-il appliquer l'amnistie?
Napoléon Chaviru, dit .Bot^5((j(i'-.S(j!/, Tire-à l'Ai^u, qui a eu l'avantage d'être condamné
27 fois en police correctionnelle, pour avoir, étant ivre, rossé les municipaux en criant :
Vive l'empereur / demande la sous-préfecture de Cognac.
O "T-and ciloven Barrot-Girardiné, ce n'est pas encore le soleil de votre République Polconne
(jui fera changer les tas d'ordures en gigots rôtis et en pommes de terre frites.
Dessiné par Otto. *
Gravé par Rouget.
:, UOl'LI VAIlll DKi ITAI.lKNg,
'30 cculluicH la livruitiuii.
«ir IICIIEtlFt . '■•î.
,l.,l.,;„,.l|!„,.|;
T
r'.'
- -^»^J^::
"■^rt
''^^'■^ùwàmm k:jmmii^ÊÊb ^^m/Jmttx^
ondUions de la Sonsrripiion. — La Revce comioi'e formera un magnifique Tolume, ojrand in-8, publié en 50 livraisons à 30 cent. ;
far la posle, 40 cenl. — Pour tout ce qui concerne la rédaction, écrire [franco) à M. LiRKn, au bureau de la Revie, 2, boulevard des
laliens.
SUMINKBAY. ÉDiTETTB., RUE xucHEioEU, 52. 10^ Livraison.
UN NOUVEAU 15 MAI.
Ij Miil.i lf> jiiii* qui iiuus apiiclaieiil anarcliisU's! ! !...
De-sioé par Nadard.
Gravé par Ballant.
Tire ani preiie) miuDiqae de LiompB et Coup, rue namietle, i.
LA SEMAINE.
Je vis entrer chez moi une femme en domino noir,
le visage recouvert d'un masque rose.
M Qui ètes-vous? lui demandai je tout étonné.
— Vous ne me reconnaissez pas ?
— Nullement.
— r,h bien ! je suis la Semaine, et j'arrive du bal
masqné.
— Nous sommes donc déjà en carnaval?
— Je l'ignore au point de vue du calendrier; totit
ce que je sais, c'est que le carnaval a commencé samedi
dernier à l'Opéra. Musard, l'éternel Musard, adonné
le signal des mascarades, et je me suis masquée.
— Ensuite?
— J'ai fait un académicien.
— Qui s'appelle?
^ M. de Noailles, grand seigneur et auteur d'une
histoire de madame de Maintenon.
— Mascarade.
— J'ai fait aussi nommer ambassadeur un membre
du Jockey-Club.
— Encore mascarade.
— J'ai écrit des réclames pour le livre sur la Démo-
cratie, composition touchante dans laquelle M. (aiizot
se console des douleurs de l'exil.
— Toujours mascarade.
— J'ai assisté à une des réceptions officielles du pré-
sident.
— Nous ne sortirons donc pas des mascarades ! Tâ-
chez de me raconter quelque chose de plus intéressant.
Avez-vous tiré les rois?
— .\h ! diable, vous m'y faites penser.
— Vous l'aviez donc oublié?
— Hélas ! on a tant de choses à faire, et la vie d'une
pauvre Semaine est si courte! Mais que faisais-je donc
ce jour-là?
— Cherchez.
— Ah ! j'y suis. J'étais à l'Opéra-Comique, tran-
quillement occupée à entendre le Caïd, et la musique
de -M. Ambroise Thomas m'a fait oublier le gâteau.
— Étes-vous allée au Théâtre-Français?
— ■ Pourquoi faire?
— Pour entendre la comédie de M. Amédée Le-
fèvre.
— Une comédie d'avoué? Allons donc! J'aimerais
autant entendre les chansons de M. Jovial. A propos
de Théâtre-Français, vous savez ce qu'a fait le co-
mité?
— Quoi donc?
— 11 a reçu à corrections une comédie de M. de
Balzac.
— C'est donc comme s'il l'avait refusée?
— .\bsolumcnt; et je conçois parfaitement que
M. de Lamartine passe sans tourner la tète devant la
porte du Théâtre-Français et conduise Toussaint-Lou-
verture à la porte Saint-Martin. Qui sait si le comité
n'aurait pas trouvé qu'il y avait des corrections à faire
dans cette tragédie. J'aurai donc été témoin, dans la
courte durée de mon existence, d'un événement consi-
dérable, imprévu, et que, peut-être, les siècles futurs
ne voudront pas croire.
lis
UEVUE COMIQUE
— Lequel?
— L'achat d'une tragédie moyennant -40,000 francs
de prime. C'est le prix auquel le poêle a cédé Tous-
saint-Louverture. Que diraient Corneille, Racine et
Voltaire, s'ils revenaient au monde? Je trouve que
c'est humiliant pour le drame moderne. Qui est-ce qui
veut donner 40,000 francs pour un drame à M. Victor
Hugo?
— Vous savez bien que M. Victor llugo ne fait |)lus
de drames.
— Que fait-il alors?
— Des romans.
— Pourquoi ne les pnhiie-l-il pas?
— Parce qu'il ne trouve pas de libraires pour les
acheter. «
Après ces quelques nouvelles, assez insignifiantes,
la Sei\irtine, ayant vidé son sac, remit son masque et son
capuchon, et partit dans cet équipage pour le pays
mystérieux où vont les vieilles semaines.
LA POLITIQUE MLSE A LA PORTÉE DES ENFANTS.
(1" JANVlEll.)
l'enfam. — Père, je te souhaite une bonne année.
(// récite un compliment.)
Ce matin, avant l'aurore
Un dieu vint me réveiller;
Il me dit, etc., etc. , etc., etc.
LE PÈRE. — Fort bien, mon ami, viens m'embrasser.
J'ai bien du regret de ne pouvoir te donner d'étrennes.
l'enfaxt. — Tu ne me donnes pas d'étrennes ! A
cause ?
LE PÈRE. — A cause de la République.
l'enfam. — La République ne veut pas qu'on donne
des élrennes aux enfants?
LE PÈRE. — Elle l'a défendu; et ceux à qui on en donne
malgré sa défense, elle les emporte.
l'enfam. — C'est donc bien méchant la Répu-
blique?
LE PÈRE. — Parbleu! c'est une vieille fée, cousine
de l'ogre. Elle a une grande bouche comme l'ogre,, de
grandes dents comme l'ogre, et des cornes sur la tête.
l'enfant. — Alors donne-moi les étrennes en ca-
chette et nous n'en dirons rien à personne.
LE PÈRE. — La République le saurait tout de même ;
elle sait tout, elle entend tout, elle voit tout. Tu veux
donc que la République t'emporte?
l'enfant. — Et où m'emporterait-elle?
LE PÈRE. — Dans le château de l'ogr ^
l'enfant. — Tu m'avais pourtant dit qu'il n'y avait
pas d'ogres et que c'était bête d'y croire.
LE PÈRE. — Je ne vous ai jamais dit cela, monsieur.
l'enfant. — Si fait, père ; et même qu'il n'y avait
pas de fées, ni des jeunes, ni des vieilles.
LE PÈRE. — Je suis sûr que c'est la bonne qui t'a fait
ce sot conte qu'il n'y avait pas des fées, ni des ogres. Je
la renverrai, la bonne.
l'enfant. — Ce n'est pas la bonne, père; c'est toi.
LE PÈRE. — Taisez-vous, monsieur! [Moment de
silence.)
l'enfant. — C'est pour rire, pas vrai, père, et tu vas
me donner au moins un polichinelle?
LE PÈRE. — La République les a tous emportés pour
qu'on n'en donne pas aux petits garç'ons.
l'enfant. — .\lors un tambour ; plan ran plan, plan
ran plan !
LE PÈRE. — La République les a tous crevés. (Une
larme mule dans les yeu.c deVenfant) Vois-tu, petit, la
République est l'ennemie de tout le monde, et tous les
malheurs qui arrivent, c'est elle qui en est cause ; un
enfant bien sage doit apprendre de bonne heure à dé-
tester cette méchante République.
l'enfant, jo/euranif. — Oui, père.
LE PÈRE. — Tu vois que c'est elle aujourd'hui qui
t'empêche d'avoir des étreimes.
l'enfant. — Oui, père.
LE PÈRE. — Tu te le rappelleras bien?
l'enfant pleurant. — Hi, lii, hi. C'est pas la Ré-
publique, c'est toi, père, qui ne veux pas donner un
polichinelle.
le père. — Puisqu'elle les a emportés.
L'E^FANT. — J'cu sais clicz le marchand et des tam-
bours, aussi, hi, hi, hi. C'est pas vrai, la Républi(pie
n'est pas une vilaine fée avec des cornes.
le père. — Avec des cornes et de grandes dents ; et
ton petit chat qui est mort l'autre semaine, c'est la
République qui l'a étranglé.
l'enfant. — l*as vrai.
LE PÈRE. — Et ton petit chien, qui t'a mordu hier,
c'est la République qui lui avait dit de te mordre.
l'enfant. — Pas vrai, le chien m'a mordu à cause
que je lui avais tiré la queue.
LE PÈRE. — Et ton cerceau, que tu as perdu, c'est la
République qui te l'a pris.
l'enfant, frappant du pied. — Pas vrai, pas vrai ! à
preuve que je l'ai retrouvé ce matin sous le lit.
le PÈRE. — Taisez-vous, petit drôle, ou je vous liche
le fouet.
l'knfant. — Tant pis ! c'est pas la République.
LE PÈRE. — Silence, monsieur !
l'enfant. — Hi, hi, hi; c'est pas la République qui
a étranglé le petit chat. Tant pis!
A L'USAGK DES GENS SERIEUX.
liO
LB PKRE. — Ah! tu ne veux pas le taire; attends.
( // lui donne le fouet. )
l'bnpant. — Oli ! Ii\ là!
LR PÈRR. — Ça t"n|i|iren(lia à raisonner, polisson.
l'enfant. — (th ! Ii\ là; oh! là là !
LK pi.:iiK. — C'est la Képul>lic]m' c|iii le fiche le fouet.
l'knpant. — Pas vrai , hi, hi, hi; pas vrai, c'est
toi!
LE rfetiK. — C'est la Itépuhlique, monsieur!
l'k.sfant, exa.ipér^. — Pas vrai ; oh ! là là ; pa.^ vrai ;
c'est toi, c'est tm, c'est toi ! C'est pas la R.!pul)lif|nc qui
nie (ichele fouet... Vive la Ilépuhliquc !
O WASiILNGTOM 0 lUANKMM
Il ne s'agit que de s'entendre, dit .M. de Girardin ;
le mal de la situation vient de ce qu'on n'a (jus encore
assimilé la politique à l'administration d'un journal.
Prenez la Presse pour e.vemple.
Quoi de plus admirable que /« Presse'! C'est carré
par la base, c'est solidement assis, cela jouit d'un tirage
de soixante mille exemplaires. D'où je conclus que l'on
doit me nommer ministre dirigeant.
Suivez en eflfet mon raisonnement.
La Presse csl le seul journal qm soit au-dessus de
ses affaires. Pourquoi? Parce que j'ai su l'asseoir carré-
ment. Comparons maintenant la direction d'un pays à
la direction de la Presse. Si vous parvenez à asseoir le
pays carrément, vous obtiendrez l'équilibre tant cher-
ché. Toute la question est là. Or, comme je suis le seul
homme de France qui ait su asseoir un journal, je suis
naturellement le seul en état d'asseoir un pays, car :
un pays n'est pas plus difficile à faire vivre qu'un
journal. De là la nécessité de me nommer premier mi-
nistre. Que dis-je : premier ministre.... seul ministre !
Eh ! pourquoi pas président, grand nabab! ou mieux
potentat nnivei'sel !
Ainsi parle M. de Girardin avec cet aplomb qui lui
sert de talent. .M. de Girardin ne voit que lui sur la
terre. Il dit chaque malin à ses lecteui-s : Voyez comme
je mets mes bottes ! Voyez comme j'établis mes bre-
telles carrément ! Et il n'a pas l'air de se douter qu'il
y a en France huit à dix millions d'individus qui met-
tent tous les jours des bretelles et des bottes.
Ainsi du reste. La Presse est le seul journal qui
existe. Et le Siècle, monsieur? et le Constitutionnel?
cl le National? et le Journal des Débats? \ppai-em-
ment que ces journaux ont aussi des directeurs.
M. de Girardin .se compare ensuite à Washington
et à Franklin, comme si ces deux grands hommes
avaient inventé les mines de Saint-Bérain et le phy-
sionotype.
« 0 Franklin ! o Washington ! Si vous pouviez revi-
vre parmi nous, on vous traiterait de faiseurs d'alma-
nachs et de rêveurs, et l'on vous laisserait à la porte de
l'Assemblée nationale pour y laisser entrer de beaux
discoureurs! »
.M. de Girardin se trompe. Les électeurs enverraient
à la Chambre Washington et Franklin. Les élccd'urs
ne laissent à la porte que les charlatans et les queues
rouges. C'est leur place.
M. DE NOAILLES A L'ACADÉ.MIE!
L'Académie française vient de nommer M. le duc
de Noailles en remplacement de M. de Chateaubriand.
Que doivent penser de nous les étrangers devant dos
nominations pareilles? — Evidemment, ils doivent
croire : ou que les académiciens ont la berlue, ou que
Béranger, Lamennais, Alfred de Musset, Balzac, et cent
autres, dont le moindre est un écrivain illustre à côté
de M. de ^oailles, sont morts dans la nuit.
Mais, dit-on, M. de Noailles était l'ami intime de
M. de Chateaubriand. — A ce titre, que ne nommait-
on de préférence madame Recamier, qui était aussi
son amie, et non moins intime.
Il va falloir remplacer bientôt M. Vatout. — Que
celui qui était l'ami intime de cet aimable homme se
mette sur les rangs ; quel qu'il soit, ses droits vaudront
ceux de M. de Noailles!
Tt^!egraph,
étalon pur-sang des haras de la poste aux commiss'ons.
150
REVUE COMIQUE
LES FUREURS DU CONSTITUTIONNEL
Le Peuple, de M. Proiidhon, la Réforme, de M. Le-
dru-Rollin, sont écrits par des anges àe. douceur, si on
compare le ton de ces deux journaux à celui du Consti-
tutionnel. Le Père Duchène n'est pas mort, ou, s'il est
mort, son ànie infortunée a passé dans le corps du blond
M. Merruault. M. Yéron aura fait avaler à ce saint
homme, sous forme de pâte Rcgnault, quelque prépa-
ration abominable; il aura mêlé, en sa qualité d'ex-
pharmacien, de la poudre de mouche cantharide aux
verres d'eau tiède dont s'abreuvait d'ordinaire l'ex-sé-
minariste que nous venons, sans pudeur, de nommer
par son nom.
Hélas! mon brave monsieur Merruault, tous les
rou'^es ne sont pas socialistes : M. Proudhon est blême
si on le compare à vous; vous êtes cramoisi. A quelle
extrémité vous portez-vous, mon pauvre monsieur?
Prenez garde aux apoplexies, prenez garde aux cul-
butes, la bile vous étouffe, vous êtes affreux à voir,
déplorable à entendre ; le .\ational vous Irouble-t-il à
ce point? Le lorgnon de son rédacteur en chef, M. Du-
ras, fait sur vous l'effet de l'œil d'un serpent. — Si
vous continuez d'avoir en vue ce lorgnon opiniâtre,
c'en est fait de vous, vous deviendrez enragé.
Mais ne voyez-vous pas, malheureux, que vous per-
dez votre cause, que vous compromettez ce bon
M. Thiers, que vous retardez, par vos fureurs, l'avé-
nement de la dynastie du Constitutionnel ; que vous
faites regretter par anticipation celle du National;
que vous allez fixer le pays sur le Siècle, que c'est à
MM. Barrot et Chambolle que profitent vos violences ;
quec'esttrop de zèle, et qu'on vous flanquera de côte, si
vous n'y prenez garde, comme un serviteur trop zélé'?
Écoutez la voix d'un ami, mon brave homme, cal-
mez-vous. — 11 n'est pas temps encore de montrer le
joli caractère que vous avez ; mentez encore, dissimu-
lez toujours, mettez vos petits couteaux dans vos
poches, cachez vos instruments de supplice, faites-
nous-en accroire encore ; vous qui avez combattu les
jésuites, pensez à ces divins modèles, imitez-les, sinon
vous allez éclairer la France sur ce qu'elle peut at-
tendre de vos patrons. Songez, pieux Merruault,
qu'on n'attrape pas les mouches avec du vinaigre,
et dites-vous d'ailleurs, imprudent, que vos voisins de
la rue Lepelletier ont des poings au bout des bras,
dont vous seriez fâché d'avoir à mesurer la pesan-
teur. Si M. Thomas se fâchait! Diable, mon cher,
je vous plaindrais.
Si petit bonhomme vit encore, la République n'est
pas morte non plus. — Soyez sage, la prudence est
la mère de la sûreté, et d'ailleurs elle n'exclut pas la
bravoure. M. Véron sera toujours à temps de bien
faire, — il a eu pour amis tant de gentilshommes, ce
bon M. Purgon! — Ne l'exposez pas avant l'heure, sa
modestie naturelle en souffrirait; — et tenez, entre
nous, il est homme à vous savoir gré de reculer dans
la voie où vous êtes. Depuis qu'il s'est déclaré homme
politique, il est devenu responsable ; il a les honneurs,
il lui manquerait les profits, si, quand vous avez dit
uue sottise en son nom, le voisin n'allait droit à lui lui
en demander bon compte. Quand on n'est pas Mars
en personne, quand on ne s'appelle que Véron ou même
Merruault, il faut être poli, faut-il vous le rappeler?
lux cns d'hydrophobic
i.i;s luuri'.s ionciiiins dicf.stivf.s i;t I'omiioiks w. ixi«-ixi!i.
Le pUt le plus gcnéralcmeot apprécié dc'^ notre cuisine sociale.
Double vue phalanstérienne appliquée à la chimie
des banquets et banquistes.
SOCIETE ŒNOPHILE.
Excellent vin. —Vin delà comète-1811.
Dessiné par Eertal.
Gravé par Midderigh et Leblanc.
152
REVUE COMIQUE
UN NOUVEAU J3 MAI.
Depuis sa fondation la République a été menacée
par deux sortes d'anarchistes.
Jusqu'aux journées de Juin elle a eu à combattre
l'anarchie armée, l'émeute. .Maintenant elle est atta-
quée par ceux-là même qui criaient le plus haut
contre l'émeute, par ceux qui ne trouvaient pas de
blâme assez fort contre l'insurrection de juin et la
tentative du 15 mai.
Les premiers voulaient pousser la Républiiiue dans
les voies aventureuses du socialisme, pour étendre jus-
qu'à l'utopie l'application du principe d'égaiité et de
justice. Les seconds veulent, en rétrogradant vers la
monarchie, étouffer à leur profit la justice et l'égalité.
Ceux-là avaient le courage de leur opinion, ils ne
l'ont, hélas! que trop montré. Ils ont nettement dé-
claré leur but et signé cette déclaration de leur sang.
Ceux-ci n'osent pas dire où ils tendent ; ils élèvent
des barricades de pétitions, et, au lieu de sang, ils
versent de l'encre.
Ils protestent de leur amour pour la République, et
ils la détestent. Usent de l'effronterie, les autres avaient
du courage.
Vaut-il mieux avoir à combattre la haine déclarée
ou la perfidie? Lequel estimez-vous davantage de l'en-
nemi loyal qui vient sur vous la poitrine découverte,
ou du tartufe qui baisse les yeux et rampe sur ses
genoux ?
Ces pétitions contre l'Assemblée, dont on fait grand
bruit, n'ont rien qui doive nous surprendre après les
attaques infâmes dont le général Cavaignac a été l'ob-
jet. Deux fois, en mai et en juin, l'Assemblée natio-
nale, par son énergie et la dignité de son attitude, a
sauvé le pays. C'est un crime qu'on ne devait pas lui
pardonner, pas plus qu'on ne l'a pardonné au général
Cavaignac. Coupables d'avoir les mêmes titres à la re-
connaissance de tous, le général et l'Assemblée de-
vaient recueillir la même ingratitude.
Le parti monarchique, ou plutôt les partis monar-
chiques, car on ne sait trop auquel s'arrêter de tous
les drapeaux de la réaction, les partis monarchiques ont
compris que, pour renverser la Républicjue, il fallait
d'abord renverser ses défenseurs.
M. Louis Bonaparte s'est trouvé là par hasard ; on
lui a emprunte le nom de son onde [iour battre en
brèche le général Cavaignac.
Mais ce n'est pas tout que d'avoir écarte du gouver-
nement le noble soldat dont la loyauté et le courage
étaient à l'épreuve de tous les périls et de toutes les
séductions. L'Assemblée nationale, qui ne se montre-
rait pas plus traitable dans l'occasion, est un dernier,
mais un grand embarras pour les réactionnaires, et il
s'agit de la renverser à son tour, ce qui sera peut-être
plus difficile qu'on ne croit.
Avec le nom de Napoléon et l'évocation des grands
souvenirs, poussée jusqu'au charlatanisme, on a bien pu
avoir raisoi. du chef du pouvoir exécutif ; mais cette
arme est brisée dans les mains qui s'en sont servies.
Quel rapport, en effet, trouver entre la bataille de
Marengoet la dissolution de l'Assemblée nationale? On
ne peut pas dire aux représentants : « Retirez-vous à
cause de la bataille d'Ejlau ; résignez votre maiulat au
nom d'.\usterlitz et des Pyramides!
Ce n'est pas que les émissaires de la réaction soient
gens à reculer devant un tel rapprochement; mais c'est
que la simplicité du peu[)le n'irait pas jusqu'à les suivre
aussi loin. Et puis, il y a la bataille gagnée en Juin qui
est bien quelque chose pour des gens qui n'en font pas
leur état, et qui a bien son prix, quoique, à vrai dire,
on ne puisse la comparer à la campagne de Russie ou
à Waterloo. Il faut donc trouver autre chose que les
souvenirs de l'Empire pour décider les électeurs à si-
gner des pétitions contre l'Assemblée.
Les journaux qui rapportent pompeusement ces pé-
titions s'abstiennent prudemment de donner le chiffre
exact des signatures. C'est un petit détail, il est vrai;
mais de ce petit détail pourrait bien dépendre la
question. Sans doute nous respectons l'opinion des si-
gnataires, mais apparemment que ces messieurs n'en-
tendent pas méconnaître les droits des électeurs qui
ne signent pas.
Si les premiers demandent la dissolution de l'As-
semblée, les seconds, par le simple fait de leur absten-
tion, se prononcent dans le sens contraire : or, comme
c'est ici une question de suffrage universel, il doit suf-
fire à la Chambre de relever le chiffre des signatures,
et de comparer ce chiffre à celui des électeurs inscrits
dansle déparlement. Deuxmille signatures au bas d'une
pétition demandant la dissolution de la Chambre, c'est
beaucoup pour les badauds politiques, c'est un obus
qui éclate au milieu de l'Assemblée ; mais si le dépar-
tement qui a fourni ces deux mille signatures compte,
par exemple, cent mille électeurs, ce chiffre menaçant
se trouve ne plus représenter l'opinion du départe-
ment que pour un cinquantième. L'obus est réduit aux
proportions d'une fusée inoffensive.
Il serait puéril d'insister sur ce point et de vouloir
démontrer qu'une Chambre issue du suffrage univer-
sel manquerait à son devoir en se retirant devant l'in-
jonction de la minorité, parce que cette minorité
réunit ses signatures au bas d'une feuille de papier.
Vole ou pétition, c'est toujours une question électo-
rale sous deux formes différentes ; c'est une nouvelle
bataille électorale qu'engage la réaction. Nous avons
respecté l'expression du suffrage universel dans l'élec-
tion du 10 décembre ; nous attendons aujourd'hui de
nos adversaires le même respect pour les volonicsdu pays.
A l/IISAGE DES GENS SERIEUX.
iiiZ
LES PI^TITIONS CONÏliE I/ASSEMRM'E >Allo.\M.i:.
On avait d'abord rcfusi! d'y croire ; mais aiijoiir-
d'iiiii II' doute n'e>t plus permis. Ces pi'lilions exislcnl ;
elles se signent. 1,'Assemlili'e se meurt, l'AsseiiiMi,' est
morte !
Il serait bon de savoir au juste comliieii de sij^natii-
rcs réunissent ces pétitions, l'eut-èlre les journaux qui
les publient daij,'neront-ils quelque jour nous l'appren-
dre. En attendant, n'oublions pas que la Fiance
comi)te sept millions d'électeurs ; ainsi, jus(iu',i ce que
les pétitions contre la (Itiambre aient réuni trois mil-
lions cinq cent mille et une signatures, on pourra ne
pas s'en occuper outre mesure.
Parmi ces pétitions, il y en a de rcs[)ectucuscs, il y
en a d'impudentes; les unes portent crânement leur
bonnet sur l'oreille, les autres révèlent le grand style
des maîtres d'écriture de village secrètement adonnés à
la tragédie.
Les pétitions respectueuses sont en général les plus
enliélées, Basile gagnerait beaucoup d'argent à rédi-
ger des pétitions respectueuses.
Canevas de re f/eiwe de jjotitions.
« Citoyens représentanls,
0 Votre conduite, pétulant la pénible session que
vous venez de traverser, est au-dessus de tout éloge.
« Vous avez été admirables de courage, de zèle et de
dévouement; vous avez rendu de grands services an
pays.
« C'est pourquoi le pays, n'ayant plus la moindre
conliance en vous, vous s.omme de quitter la place.
Vous comprenez combien le pays regrette d'avoir à
vous dire une aussi dure vérité. C'est le cœur plein
d'admiration pour vous que le pays désire se priver de
vos services ; le pays vous vénère, mais il vous donne
congé. Or, il faut se soumettre aux volontés du pays.
« Dans cet espoir, nous avons l'bonneur d'être,
avec estime, considération, reconnaissance, respect,
amour, etc., etc., etc. » [Suivent les signatures.)
Modèle de pétition crâne.
H Sacrebleu !
« Est-ce que vous vous ficliez de nous, citoyens re-
présentanls?
« Comment! vous n'êtes pas encore partis? Qu'est-
ce que cela veut dire? Faudra-t-il donc aller vous pren-
dre par les oreilles?
« L»issez-moi seulement terminer ma partie de bil-
lard, et nous verrons. J'ai quinze points, et la partie
est en vingt; ce sera bientôt fait. Sitôt la partie finie,
si la dissolution de la Chambre n'est pas prononcée, je
bois un petit verre, je m'arme de ma queue d'honneur,
et je viens chercher des nouvelles de ma pétition. Ce
scia iiii 1.) mai paiiriijiu', car ji; respecte la Constitu-
tion.
" Allons,
d'au lies*.
lioupi il est temps de céder la place à
« Lae'inciieix, candidat à la députalion,
miilheiireuxaux dernières élections.»
[Suivent d'autres signatures.)
/'. 'S'. — Au moment d'envoyer la pétition, je la
décachette secrètement pour ajouter un mot à l'insu
de mes co-signataires. .Mon seul but est de remplacer
le nommé Landormy, élu député à mon préjudice,
grâce à l'intrigue. J'offre au nommé Landormy de
jouer loyalement sa place avec moi au billard, en vingt
points, partie liée; si ma proposition lui plaît, je re-
nonce à demander la dissolution de l'.Xssemblée, et je
supprime ma pétition. Fichez-la au feu, je vous y au-
Modèle de pétition facétieuse et conforme au caractère
français.
« Citoyens représentants,
(( Hé, hé, auriez-vous l'intention de vous éterniser,
par hasard? La charge serait bonne.
« Il n'y a rien d'éternel sur la terre; les académiciens
eux-mêmes décèdent après un certain temps d'exer-
cice, quoiqu'ils s'intitulent immortels.
« Prétendricz-vous être plus immortels que des aca-
démiciens? Hi, hi, hi! Le pays s'en lient les côtes.
Il est temps de décamper. Vos banquettes ont besoin
d'être rembourrées, vos lois ont de la barbe et nous
avons ici le petit Cabassol, qui ne cesse de faire des épi-
grammes sur votre compte, .\llons, vieux, il faut par-
tir; hi, hi, hi, allons-nous rire!
" Etdrln,drin, drin, millecompliments. Olié, là-bas,
vous autres, venez signer la pétition. » (Suivent les
signatures.)
Pétition grand style, rédigée par un tragique de sous-
préfecture.
« Citoyens représentants,
M Lorsque les Titans, fils de Titan et neveux de Sa-
turne, croyant avoir des droits à faire valoir, entas-
sèrent plusieurs montagnes les unes sur les autres pour
escalader le ciel et en chasser Jupiter, ce dieu, armé du
tonnerre, les foudroya et les écrasa sous ces mêmes
montagnes.
(I Lorsque les Gaulois, nos ancêtres, sous la conduite
de Brennus, envahirent le sénat romain, la noble atti-
tude des sénateurs assis sur leurs chaises curules im-
posa un moment de respect à ces barbares.
« Ainsi l'Assemblée nationale brave ses ennemis par
sa majesté et son courage.
I5.i
REVUE COMIQUE
«Loin de nous la pi-aentiond'iniiler les Gaulois sau-
vages cl les Titans orgueilleux ! Cependant, il^ est des
bornes à tout, nièuic à la suprême puissance d'une as-
semblée qui... d'une assemblée que... etc., etc., etc. «
(Suivent les signatures.)
rsous voudrions pouvoir multiplier les modèles de
pétitions ; on ne les variera jamais trop, pour satisfaire
à tous les goûts, car il s'agit de réunir trois millions
cinq cent mille et une signatures, ne l'oublions pas.
Trois millions cinq cent mille et une ! Qu'on se le dise !
Allons, messieurs et mesdames, avancez, suivez la
foule; trois millions, ce n'est pas assez; prenez vos
billets, du courage à l'écriloirc!
LES DÉNÉGATIONS.
l/autre jour, un philosopbe sceptique, qui tient à
éclaircir à fond toutes les situations, entreprit une pe-
tite tournée inqnisitoriale.
11 entra d'abord cbcz son voisin le droguiste, qui
s'était signalé avant le 10 décembre par un bonapar-
tisme exagéré.
a Eh bien, voisin, comment vont les affaires? »
Le droguiste ne répondit que par un grognement
inarticulé.
« Vous devez être au comble de vos vœux ; vous
avez enfin un gouvernement de votre choix, car vous
avez voté pour Louis-Napoléon.
— Moi! s'écria le droguiste, j'ai voté pour Louis-
Napoléon? Allons donc; tout le monde sait que j'étais
pour Cavaignac.
_ Je ne savais pas ça, » dit le philosophe, et il
s'éloigna tout rêveur.
11 alla voir un ancien oflicier retraité dont les sym-
pathies impériales lui étaient depuis longtemps con-
nues.
a Eh bien, capitaine, lui dit-il, que pensez-vous de
votre élu?
Qu'appclez-vous mon élu? dit l'officier.
— Mais... Louis-Napoléon.
— Je n'ai point voté pour lui ; j'ai autant d'indiffé-
rente pour le neveu que de vénération pour l'oncle.
Ou ni'avait pourtant assuré...
— On vous a trompé. Tout le monde sait que je me
suis abstenu. »
Le philosophe sortit en réfléchissant profondément.
11 continua son enquête et découvrit, à sa grande sur-
prise, que personne n'avait voté pour Louis-Napoléon.
Ceux qu'il interrogeait prétendaient avoir donné leur
voix à Cavaignac, à Lamartine, à Ledru-Rollin, à Ras-
pail, à Battur, au docteur Watbled, à Abd-el-Kader;
mais quand on leur parlait de Bonaparte, les uns
Le» ral-Thier», ou les amis complaisants.
A i/iîSACK i)i:s <;i:ns sr.iui:i!X.
155
niaient l'avoir apiuiyû, les autres garduioiil le silence;
d'autres réiniiidiiient par des circonlocutions tWasivcs.
I.e |)hilosoplie s'ent'on(;a de plus en plus dans la mé-
ditation; en niarcliant t(5te baissée, il se heurta contre
un de ses amis ([u'il n'avait pas vu depuis plusieurs
mois, le célèbre avocat Bretaudier. Des projets de ma-
riage avaient enlevé ce jeune homme à sa société ac-
coutumée. Il avait assidûment courtisé une demoi-
selle, qui lui était signalée comme imissant à ses qua-
lités personnelles les avantages de la fortune. Désabusé,
après un plus ample examen, Rrelaudier venait de
reprendre le cours de ses hubiludes, et il promit au
l)hilusoplii' de le voir régulièrement.
« Tu ne songes donc plus à é|)ouser mademoiselle
J'*'? dit le |)hilusophe.
— Moi! s'écria Bretaudier avec indignation ; mais
je n'y ai jamais songé ! Qui donc a pu faire courir ce
bruit calomnieux ? »
F,t il entama une longue dissertation |)oiii- ilémon-
trer ipi'il était loin d'avoir eu les pidjels (pi'on lui
supposait.
Mais le philosoplie l'interrompit, et dit en se frap-
pant le front : « Merci! je tiens le mot de mon
éiULMue.
LES RETOURS DE SIBÉRIE.
Seigneur, vous voyez en moi un homme qui arrive
du fond de la Sibérie. Transpercé par la lance d'un
Cosaque, je fus laissé pour mort sur les bords glacés
de la Bérésina; plus tard, le froid me rappela à la vie.
Vous conterai-je ma lamentable histoire? Conduit
dans les déserts les plus allVeux par ces hordes barba-
res, j'ai passé trente ans de ma vie dans les entrailles
de la terre. Moi, un colonel de la grande arméi ! En-
fin j'échappe aux sicaires ; je traversai rAllemaguc
nus-pieds, — oui, seigneur, nus-pieds, — moi, un
ancien colonel! Il ne me restait plus que mes épaulettes
que je portais sur mon cœur. J'arrive à Paris, je cours
au palais, a Oii est mon empereur? criai-jc; c'est
moi qui suis son colonel Chabert. Hélas ! excusez ma
douleur ; je sens les larmes couler de mes yeux à
ce triste souvenir. Le petit caporal ! ah ! qu'avaient-ils
fait de mon petit caporal'? Suffit. L'heure de la ven-
geance va bientôt sonner, ,1e reprends le cours de mon
récit. Privé de la vue du grand homme, je songe à ma
femme. Oh! Evelina, me disais-je, tu panseias les
blessures que la captivité a faites à ton époux. Je n'é-
tais seulement pas rasé, seigneur. Je me présente
comme un pauvre au domicile conjugal. Evelina avait
vieilli. Qu'importe? Je suis Chabert! m'écriai-je. —
Qu'on donne 50 centimes à cet liomme. répond mon
épouse. 50 centimes à moi, Chabert ! Elle était rema-
riée. Vous connaissez cette histoire tragique ; on a fait
un vaudeville avec. Je ne vous en dirai pas davantage.
LECTURE DE t.K PATRIE. EDITION TOPULAIRE A IN SOU.
1. Nous sommes informés que les dîner?, Ktes et réceptions à l'Elysée national commenceront la semaine prochaine.
D'après les renseignements que noua venons de nous procurer, les réceptions du soir auront lieu les mardi et jeudi de
chaque semaine. Les jeudis seront plus spécialement consacrés aux ministres, aux membres du corps diplomatique et
aux représentants, qui tous seront reçus sans invitation. Mais, vu l'exigmté des salons de TElysée, les autres per-
sonnes ne pourront être reçues qu'avec une invitation » (Patrie du 8 avril.)
IS6
REVUE COMIQUE.
Mais permettez-moi de vous faire connaître le secret
de ma vie privée. Obligé de changer de nom par suite
de persécutions nombreuses, je me suis fait apprécier
dans l'industrie, sous le pseudonyme de Lamadou ; j'ai
obtenu quelques succès dans les primes ; j'ai beaucoup
souffert ; l'expérience des hommes et des affaires de
bourse m'est acquise. Le courtier marron renferme
toujours un cœur de vieux soldat. Rien ne m'arrête ;
je renonce à ma profession, puisque le neveu de mon
empereur remonte sur le trône de ses pères ! me voilà ;
je ne suis plus Lamadou, seigneur; voyez en moi le vé-
ritable Cliabert ! Propre à tout, je ne redemande pas
mon grade; il me suffira d'obtenir une place de con-
cierge ou un bureau de tabac, à moins que vous ne
préfériez ni'accordcr un modeste secours en argent ; je
l'accepterais pour la mémoire de mon empereur.
— Monsieur, répondit le secrétaire des commande-
ments, votre histoire est fort attendrissante, et nous
honorons en vous les restes d'un brave ; mais nous n'a-
vons pas cessé un instant depuis ce matin de recevoir
des Chabert ; le prince commence à en èlre importuné.
— Si c'est ainsi qu'on accueille les vieux de la vieille,
riposta Lamadou, je préfère retourner dans les entrail-
les de la Sibérie.
Et Lamadou découragé dirigea imédiatement ses pas
vers un endroit éloigné du boulevard, où il console sa
douleur et cache son ancien grade en exerçant le com-
merce modeste de marchand de contre-marques.
A peine Lamadou élait-il parti, que deux autres
braves se présentèrent. L'un d'eux est connu sous le
nom de Bonnelier, et l'autre sous celui de Dumoulin.
Le nommé Bonnelier élait revêtu d'un uniforme de
garde national, sous lequel il vit depuis le 26 février,
afin de payer demi-place partout, en qualité de mili-
taire. Quant au nommé Dumoulin, il était habillé
principalement avec un gourdin, sous lequel il por-
tait une polonaise à brandebourgs.
— Messieurs, qu'y a-t-il pour votre service? deman-
da le secrétaire des commandements.
— Cré mille millions de tonnerres, mon petit chou,
répondit le Dumoulin, est-ce que vous ne reconnaissez
pas les anciens? Assez d'autres se sont emparés de nos
titres; vous voyez en nous les véritables Chabert ! les
seuls! des Cliabert avant la lettre, mon petit monsieur.
Quant à moi, mon histoire est connue. Dirai-jc que je
m'appelais Lindor? Non, j'étais marchand de bonnets
de coton. Je déposai mon fonds aux pieds du petit ca-
poral ; il en prit une mèche, et me la posant à la bou-
tonnière, me dispensa des autres grades. C'est ainsi que
je devins colonel. On n'a jamais voulu me rendre le
brevet. Qu'importe? Ne suis-je pas autorisé à dire que
je l'ai perdu sur le champ de bataille. .\ujourd'hui,
seigneur, je viens déposer à vos pieds mes justes récla-
mations avec toute la fougue de mon caractère. J'ai
apporté avec moi un autre colonel pour me servir de
jémoin. Saluez, colonel Bonnelier, saluez humble-
ment. Vous voyez , jeune homme , que mon frère
d'armes est dans une tenue respectable et propre à être
admise dans toutes les sociétés; saluez, colonel Bon-
nelier (Bonnelier salue). J'achève mon récit. Ma seule
ambition est de servir le neveu de mon petit caporal
et d'obtenir la permission de reprendre mes épaulettes
dans les cérémonies. Croiriez-vous bien, jeune homme,
que le préfet de police m'a fait signifier de ne pomt
porter en public les épaulettes de mon grade. Voilà ce
que c'est que d'avoir choisi un ancien gendarme. Ces
hommes-là ne respectent rien. Car enfin, suis-je un
Chabert, oui ou non? Je vous le demande, est-ce que
les Chabert n'étaient pas tous colonels? S'ils étaient
colonels, pourquoi serais-je un marchand de bonnets de
colon de Grenoble. Mon dévouement est assez connu
pour qu'on n'exige pas de brevet; d'ailleurs je l'ai
laissé en Sibérie. Parole d'honneur! demandez-le plu-
tôt au colonel Bonnelier. N'est-il pas vrai, colonel,
qu'il est là-bas qui dort sous la neige?
— Ils dorment fous: ne les réveillons pas ! répondit
avec mélancolie le colonel Bonnelier. Vous venez d'en-
tendre, ajouta- t-il, la parole un peu crâne de mon
ami. Nous nous sommes connus à l'incendie de Mos-
cou ; il est resté fort échauffé depuis ce temps-là.
Quant à moi, monsieur le sccréfaire, je suis devenu
professeur de déclamation, sous-préfet de Joigny, où
j'eus l'honneur de célébrer la messe ; puis acteur dra-
matique, honoré des faveurs de M. Guizot et de quel-
ques autres ministres avec lesquels j'avais combattu à
Waterloo. — La garde meurt et ne se rend pas. —
J'enfendis ce mot sublime de derrière une haie, et je
me rendis immédiatement.... dans tous les endroits où
l'on pouvait obtenir quelques encouragements, se-
cours, ou pièces de cent sous attribuées aux beaux-arts
et aux colonels littéraires, réduits à la mendicité. Voilà
mes titres! De plus, monsieur, j'ai la parole facile, la
transpiration abondante ; et les gens qui ne me con-
naissent pas, peuvent croire, à mon tremblement ner-
veux, que j'ai de l'émotion et quelque sensibilité. —
De plus, ami du poète Lamartine. — C'est en Sibérie
que nous nous rencontrâmes. Dans l'un de ses voya-
ges, il apprit que j'étais au fond d'une mine, et il vint
m'y rendre visite. Que vous dirais-je encore? La ma-
nière dont j'ai joué le rôle d'Orosinane me rend propre
à toutes les fonctions qui exigent de la noblesse. Ma
fermeté de caractère est clairement démontrée par
l'habit de garde national que je ne quitte pas depuis
dix mois. Mais cet uniforme commence à èlre un peu
usé : il est impossible que le neveu de mou empereur
laisse un de ses Chabert exposé à l'intempérie des sai-
sons. — Je suis un homme d'esprit et de cœur ; marié,
père de famille; oui, monsieur. Aussi n'est-ce pas en
mon nom que je réclame, c'est en faveur de mesdemoi-
selles Chabert. Quant à moi, mon éloquence me suffi-
rait pour me tenir au-dessus du besoin ; je déclame en
ville, en public et à domicile; et mon uniforme me
A LUSAGR DES GKNS SfiRIKUX.
i57
donne accès partout. Allons, monsieur le wcrdtaire, la
main à la poilio : fuites (|uel(]ue chose pour un pnuvre
aveugle; j'olFie do céder mes épaulettes et mnii bre-
vet de (.'(iltmel au bravo Dniiiouliu ; je ne demande
qu'un enipliii honorable et lucratif, secret, si l'on veut,
mais avec beaucoup de praliticatinns.
— Messieurs les colonels, répcindil le secrclaire des
comniandetuents, vous me seniblez elTecliveinent re-
venir de Sibérie; et il serait diflicile de ne point faire
quelque chose pour vous. Je vous autorise donc à re-
vêtir des costumes de fantaisie, et à vous môler au cor-
tëge les jours de grande revue. Si M. le préfet Rebil-
lot, homme fort rigide sur les questions d'unifurme,
vous demandait à quel corps vous appartenez, répon-
dez-lui que vous êtes des colonels de carnaval et que
vous sortez de l'élat-majordu Cirque-Olympicpie. Etes-
vous contents et satisfaits, messieurs les Cbaberis?
— Pardon, excuse, monsieur, répliqua Bonnelier;
oserais-je vous prier de mettre le comble à vos bien-
faits en m'accordant une avance de cin(| francs; caries
Cosaques m'ont tout enlevé, il ne me reste plus que mes
talents, et Babin exige qu'on paye lu location d'avance.
— Acce|)lez ces deux francs cimpiante lit le secré-
taire des conmiandemenls, il nous est impossible de
faire davantage ; quant i vous, Dumoulin. ...
— Quant ù moi, s'écria fièrement Dumoulin, tan-
dis que Bonnelier tendait la main, quanti moi j'ai le
costume, il ne me manque qu e le brevet !
Extrait du compte-rendu officiel de la grande revue,
publié par l'Événement, la Liberté, et autres Journaux
officieux.
« On remarquait dans le cortège, le colonel Dumou-
lin, et M. Bonnelier, tous les deux achevai, et parmi
les personnes les plusraïqMocliées du président. »
GIRAHDI.NADE TARTUFÉE.
0 Ce n'est [las nous, dit M. de (jirardlii, qui iiuns
« opposerons à la retraite d'une Assemblée élue sous le
« coup de Vintimidation, de la fraude et d^a violence.
« Quand nous abordons la question de la retraite de
« l'Assemblée nationale, nous l'abordons, on le voit,
« sans illusion comme sans ^;«Sô'/o(i.
0 En effet, jusqu'à ce jour, nous nous sommes étroi-
« tement bornés à recueillir dans les journaux des dé-
« parlements la pensée des électeurs (c'est-à-dire toutes
les injures à son adresse.)
« Nous entendons formeHement nous abstenir de toute
« msistance qui pourrait dégénérer en une sorte d'agita-
« tion politique aboutissant à une contrainte morale.
« Ce que d'autres ont essayé le 15 mai par la pres-
« sion de la force , nous ne voulons pas le tenter
« par la pression de la presse. Nous ne voulons pus
« imiter ce que nous avons blâmé.
Un petit conseil en terminant. « Le pouvoir exé-
« cutif n'aurait qu'à s'abstenir strictement de présenter
« à l'Assemblée aucun projet de loi et de prendre au-
(( cune part à ses travaux. »
(Presse (lu 10 janvier 48-19.)
CHOSES QUELCONQUES.
LE KOl DIT A LA REINE, LA REINE IIIT AU KOl.
Le dialogue de la Presse avec la Liberté |)eut rem-
placer le défunt dialogue que nous venons de citer. 11
faut à la Presse un interlocuteur comme il faut à cer-
tains marchands de chaînes de sûreté un compèie ; les
innocents de l'Evénement avaient accepté ce rôle avec
enthousiasme, comment se fait-il que les vieux pour-
voyeurs de la Liberté aient disputé à ces aimables no-
vices ce beau rôle ?
Infortuné Emile ! il ne manquait rien à ta gloire
qu'un donneur de réplique, tu l'as trouvé dans le vé-
nérable Lepoitevin Saint-.\lme. Que penses-tu de ton
bonheur?
— Parmi les idées saugrenues qu'un bourgeois peut
avoir, il faut compter celle qu'a eue M. Véron de vou-
loir être non pas directeur, fi donc! mais ministre des
beaux-arts. — Oui M. Ingres, oui M. Delacroix, oui
M. .Meissonnier, et vous tous Decamp, Johannot, Pra-
dier, etc., vous l'avez échappé belle; — si on avait
consenti à créer un ministère nouveau, tout exprès
pour lui, vous auriez relevé de M. Véron.
— Grand papa, disait hier un enfant terrible à un
vieux général de l'Empire, en voyant servir un superbe
gâteau des rois, il ne faut plus dire : le roi boit, à pré-
sent, mais le président boit; maman l'a dit;.... il boit
donc, M. le président?
— n Le président de la République sort tous les jours à
cheval une heure, et même une heure et demie, quel-
que temps qu'il fasse. » Le Constitutionnel le dit,
le Constitutionnel en est tout lier, et il a bien raison.
Cela signifie , en effet, que M. Louis Bonaparte n'a
pas peur de la pluie ; qu'il ne distingue pas le beau
REVUE COMIQUE.
1d8
"temps du niauva.s; que c'est enfin un dur à cuire,
un vieux de la vieille, sans doute, etc.
Ah ' si M. Bonaparte avait une bonne nispnation,
quelle leçon il donnerait à ces amis adroits à qui il ne
manque que deux pattes pour être les égaux de 1 ours de
La Fonlame. Ne peut-on louer moins - sottement - le
chef d'un pays comme la France? Veut-on nous faire
croire qu'il n'y a à louer en lu. que son courage contre
la pluie, et que son amour pour réquilatiou?
_ Que pensez-vous de la République? avez-vcus
confiance dans sa durée? disaient à un républicain un
légitimiste, un orléaniste et un impérialiste.
"— Je crois, répondit le républicain, que la Républi-
que est indestructible ; — et ma raison, la voici :
Elle a trois ennemis qui ne s'entendront jamais ;
Vous en savez quelque chose. Son salut est dans ce
fait qu'il n'est aucun de vous qui consente à travailler
de bonne fci pour les deux autres. D'accord la veille,
vous vous combattrez toujours le lendemain, et tou-
jours à son profit. — La nation ne tardera pas à faire
cette remarque, qui est bien simple, et alors elle vous
mettra d'accord en vous renvoyant tous dos à dos.
_ Le président de la République a donné à diner,
il y a quelques jours, à M. de Girardin et à madame
de Girardin. Les convives étaient naturellement peu
nombreux ; le jeune M. Hugo, fils du poète de ce nom,
était, dit-on, du petit nombre des invités. — On as-
sure' qu'après le diner, M. le président de la Républi-
que daigna s'entretenir fort longuement avec ce jeune
homme, et qu'il lui aurait dit, en parlant de M. Odi-
lon, président du conseil de son ministère : — M. Bar-
rot' est un fort honorable homme , d'un grand talent,
mais je commence à craindre que ce ne soit pas un
homme pratique.
Quelques amis du président de la République pen-
saient que cette confidence était bien grave et bien peu
pratique elle-même pour être confiée à une si jeune
oreille.
M. Louis Bonaparte a écrit à M. de Malleville une
lettre dont le fond et la forme sont également re-
■rretlables. La publication de cette lettre a été tout à
fait fâcheuse pour le président de la République.
Vous croyez peut-être que les journaux amis de
M. Bonaparte se sont fait un devoir de ne point citer
une pièce aussi défavorable à sa personne. Point. —
Ils s'en sont tous les premiers emparés.
M. Bonaparte a pu apprendre ce jour-là, s'il l'igno-
rait, qu'il y a des journalistes qui sacrifient tout au
besoin de faire un journal amusant, et qu'il en est qui
publieraient le déshonneur de leur père ou de leur
mère, pour n'être pas en retard de scandale et de cu-
riosité avec leurs confrères.
— Il y a des journaux innocents. De ce nombre sont
l'Événement, le Pays, etc., etc. ;
Des journaux spéciaux qu'on ne lit pas, l'Ere nou-
velle, l'Opinion publique, ela-ulres
Puis des journaux qu'on Ut, qu'on achète, et qui
cependant^'existent pas même pour ceux qui les li-
sent, parce qu'ils n'ont aucune autorité morale ; de ce
nombre sont l'Assemblée nationale, la Liberté, etc.
Par le fait, l'opinion tout entière appartient en-
core aux cinq ou six journaux qui existaient avant Fé-
vrier. De tous ceux qui ont été créés depuis, aucun n'a
pris une place définitive et ne s'est classé de façon à
avoir une infiuence appréciable.
Et pourtant, le besoin de journaux nouveaux ré-
pondant à ce que la situation a de véritablement nou-
veau, est évident.
A 1. 1 SACM Di.s (;i:.\s si:i>,ii I x.
ILQ
MIOCCTION iriN COIimiF.U r.l'lArnONNAlHK.
(INTBII l'uOl l.A.)
Air : I/ommes noirs, d'où torteS'Vn
Ciim.iraile?, conimençoiis
Une grave conlt'renc« !
Je sais qu'au vin, aux chansons,
Vous donnez la préférence;
Mais vous i^les en ce inornenl,
Tous les élecleurs du tlepai lemenl.
Pour réffler le son de la France,
TAcliez, s'il se poul, de n'iHre pas gris. '
Signez, mes amis! {Bis)
Nous dirons que c'est le vœu du pays.
Pour obtenir le congé
D'une assemblée insolente.
Avec art j'ai rédit,'é
Une requête excellente.
Aux journaux elle parviendra.
Monsieur Girardin la commentera.
Sous le numéro mil cinquante
Dans les faits divers nous serons inscrits.
Signez, mes amis.' {Bis)
Nous dirons que c'est le vœu du pays.
Chassons des représenlanls
l'n peu trop démocratiques;
Que la Ch^imbre, à deux ballants,
S'ouvre à d'autres politiques.
Qu'on y place de vieux barbons
Revenus jadis avec les Bourbons.
Partisans des lois despotiques,
Les jésuites môme y seront admis.
Signez, mes amis ! [bis)
Nous dirons que c'est le vcea du pays.
Vous voyez vos député»
Incliner vers la Montagne.
Aux dé-crels qu'ils oui volés
Nous perdons ; le pauvre gagne.
Déjà le i-el est dégrevé.
L'impôt sur le luxe est par eux rêvé.
Pour plaire anx gens de la campagne,
Ils aboliraient les Droits-Kéuuis.
Sit;nez, mes amis ! { Bis)
Nous dirons que c'est le vœu du pays.
Vraiment, ces premiers sujets
Trop longlemps gardent leurs rôles ;
Hostiles à nos projets,
Ils pèsent sur nos épaules.
Dés qu'ils auront tourné le do>.
Mêlions en avant le duc de Bordeaux;
Enterrons le vieux coq des Gaules,
El sur son tombeau replantons les lis.
Signez, mes amis.' (Bis)
Nous dirons que c'est le vueu du pays.
On assure qu'avant peu,
Parn tre conduite oblique,
Nous allons lout mettre en feu.
Kl troubler la paix publique.
Pourvu que nous réussissions.
Que nous font à nous les dissensions?
Il faut tuer la République !
Après la bataille à nous les débris!
Signez, mes amis! (Bi'sl
Nous dirons que c'est le vœu du pays.
Un des petits moyens employés .. __ ^..,
département de soixante mille âmes.
ilever cent cinquante signatures dans i
Falloux, disciple de Basile,
Menace l'Universilé.
Aux jésuites il donne asile,
Sous prétexte de liberté.
Il compte les servir, peut-éire ;
Mais les destins sont !ncon>lanls.
Comme le temps, c'est un [îtand maître;
Il doit passer avec le temps.
Dftsiué par Fabbitzils.
Gravé par Uaulant.
Ulil'LtVAnii IIE4 trALlKNS.
30 ecutliiicH la ll%i'HiHoii.
-^ , ■; ,,i,i|,ii||ii;|iii.|i|ii|ii|||!L|,|iiJiiiii
hLE RltlIKI.IEL', 'J2.
idltions de la Sonscripiion. — La Revde comiqie formera un ina<:nifique volume, grand in-8, publié en 50 livraisons à 50 cent. ;
irk poste, -40 cent. On sousi-rit pour 10 livraisons. Pour les déparlements, envoyer un mandat sur la poste à l'ordre du directeur de la
4viB. — Pour tout ce qui concerne la rédaction, écrire {franco) à M. Lirecï, au bureau de la Revue, 2, boulevard des Italiens.
DUMINERAT. £DITE17B, RUE RICHEIiIEU, 52.
1 1'^ Liviaiion.
AVIS
AUX SOUSCRIPTEURS DE lA REVUE COMIQUE.
Pour .vponare au désir exprimé par un grand nombre de souscripteurs, qu, rouvaien
Aul.eux que, pour ne pas dé.-ompléter la collection des dessins parus jusqu'à ce jour ils pussent
être dans l'obligation de faire broeber ou relier les couvertures qui se reproduisent d une façon
uniforme toutes k^s seize pages, nous reporterons dans l'intérieur de la livraison le dessm que
nous donnions ordinairement sur le verso de nos couvertures. De celle façon, ce dessin ne se
trouvera plus perdu pour le volume complet, qui pourra être brocbé sans ce premier feuillet.
La pagination a été disposée pour que celte suppression puisse se faire sans inconvénient.
Toutefois, pour que cette nouvelle disposition n'enlève pas au volume complet les dix
grandes gravures publiées jusqu'à ce jour sur le verso des couvertures, nous donnerons, avec
îa dernière livraison, ces dix gravures en supplément.
U dernier feuillet de la couverture, formant la dernière et l'avant-dcrn.ère pages de chaque
livraison, devra être relié avec l'ouvrage complet dont il ne peut être détacbé sans intervertir
l'ordre de la pagination.
SOMMAIRE DE IA ONZIEME LIVRAISON.
La Semaine. - Un Ministre éternel. - Les Mystères .la Parti honnOto. - Icarie (correspondance part, cuhere). - Réclama-
tions contre lesquelles on pourra bien réclamer. - Le Conservatoire; premier Concert. - Deux Utop.es : une Rue de
Paris • un Disert entre la Californie et le Texas ; un Quai .lu H.vro. - Choses quelconques.
Dessinateurs,
Canifomie Nadard.
Califourchon Xadard.
Cliangarnier Fabritziu
Proposition Raleiu Nadard.
Un nouvel Académicien Nada.d.
Les départements se lèvent comme un seul
homme N.-idard.
Ferm«ntaiion des pétrins Bertall.
Louis.
Baulant.
Baulant.
Baulant.
Midderigh.
libnllilion dfs b-o-s
Vue de Californie
IcirieetCaliforniP
Californie et Icarie
Premier raout chei le sul'sc de l'h'tel de la
présidenre Fabritztus. GaucliarJ.
gi.j„jf Fabrilîins. Leblanc.
Ii'flfiinttleurs.
r.ra«e
iirs.
B.Tla:l.
Midd.
igl.
l'unrh.
Baula
ni.
Derlall.
.laliot
Bertall.
Ja'iot
POUR PARAITRE DANS LES PROCHAINES LIVRAISONS :
AVENTURES ET MÉSAVENTUlUiS
projets — iléccptions — espérances — Icntalinns — travestiss.Miicnts
hjpocrysies — passe- passe— pirfidics — granile culbute ilr-
MOSIEU RÉAC
silTP. DE cahicatctf.s par NAIlMin.
Para.— Tiré tin prewM ^l*««ni^m•J île I.»r»»apic 1,1- «1 r,.„|.., nu
LA SEMAINE.
« Décidément, dit la Semaine, nous avons une fa-
mille présidente.
— Qu'entenJez-vous par là?
— Ce qu'un entendait autrefois par famille royale.
— Et où voit-on la famille présidente?
— Partout. Au théâtre d'abord, oii elle occupe gé-
néralement les anciennes . loges de la cour ; dans le
inonde, et, pas plus tard que samedi dernier, je l'ai
admirée dans tout son éclat au bal du préfet de la
Seine.
M. Murât (on dit le prince Murât) se présente le
premier, suivi de sa feinme et de sa fille.
Entre ensuite madame Demidotî(on dit la princesse
Matbilde), suivie de ses nombreux diamants.
Puis viennent le général Jérôme Bonaparte, gou-
verneur des Invalides (on dit le roi de Westphalic),
accompagné de son Gis, M. Napoléon Bonaparte.
Le colonel Dumoulin et le commandant Max Bon-
nelier, ofiiciers d'ordonnance, ferment le cortège.
Les membres delà famille présidente traversent le
salon, vont se grouper dans un endroit réservé où ils
reçoivent les hommages de tous ceux qui se présentent.
Ce n'est pas tout à fait le défilé de l'ancienne cour,
mais ça y ressemble chaque jour davantage.
Le quadrille dans lequel doit figurer l'un des mem-
bres de la famille présidente est composé depuis long-
temps. Tous les danseurs sont désignés d'avance. Tout
cela se fait encore mystérieusement et sous len anteau,
mais le cérémonial officiel ne tardera pas à être promul-
gué Eu attendant, pour justifier celle demi étiquette.
on se rejelfe sur le prétexte des solliciteurs. Danser
avec le premier venu ! mais vous n'y songez pas, et les
solliciteurs qui profiteraient d'une contredanse pour
glisser leurs placets ! Vous ne savez donc pas ce qui est
arrivé à la princesse Malhilde (prononcez madame De-
midoff)?
— Quoi donc?
— Un monsieur, au dernier bal, s'est présenté à elle
en lui disant : «Madame n'a-t-elle plus de recette à
m'accorder?
— Comment?...
— Oh! pardon, madame, c'était une polka que je
voulais dire. »
Un autre l'a invitée à valser la prochaine sous-
préfecture.
Voici les renseignements que la Semaine m'a four-
nis sur le bai de M. Berger. Cohue. — Peu de toi-
lettes élégantes. — Des diamants eu quantité. — Un
buffet trop vite dévalisé et trop peu renouvelé. — Des
habitants d'Issoire en grand nombre. — Issoire est la
patrie de M. Berger. — Trois mille invités dans des sa-
lons qui en contiennent à peine deux mille. — Trop
de Bonapartes et d'Auvergnats.
Il y aura, dit-on, six bals semblables à celui-ci dans
l'hiver.
Le président n'assistait point à celte fête. Lui-même
recevait ce soir-là après un grand dîner où figuraient
plusieurs maréchaux, les ministres, le commandant
Max Bonnelier et l'ambassadeur d'Angleterre.
Le premier magistrat de la République (magistrat,
162
REVUE COMIQUE
entendez-vous bien?) portait à sa réception son éternel
habit de général de la garde nationale. Celte ténacité
à se déguiser en militaire a quelque chose de vraiment
puéril. Je conçois bien qu'on regrette de n'être pas
général, de n'avoir pas combattu quinze ans en Afri-
que comme Cavaignac et Lamoricière ; mais enlin il
faut se résigner à être ce qu'on est, c'est-à-dire un
penseur de l'école de M. Hugo, un socialiste de la
veille. M. Bonaparte met des épaulettes pour avoir
l'air militaire; c'est comme si Cavaignac publiait de-
main un livre sur le paupérisme, afin de passer pour
un écrivain.
Puisque notre président lient tant à l'iiabil mili-
taire, pourquoi ne porle-l-il pas celui de l'armée de
Thurgovie dans les rangs de laquelle il a servi avec le
grade de capitaine d'arlillerie?
J'ai demandé à la Semaine ce qu'elle m'apprendrait
de nouveau sur les Ihéàlres.
a D'abord, m'a-t-cUe répondu, la rentrée de ma-
demoiselle Rachel.
— Elle ne fait que rentrer depuis deux ou trois ans.
Passons.
— La première représentation de Madame Mur-
neffe au Gymnase. Grand succès, tiré d'un roman de
M. de Balzac, et le Caïd, à l'Opéra-Comique.
— Ensuite?
— La célébration du deux cent vingt-septième an-
niversaire de la naissance de Molière au Théâtre Fran-
çais et à l'Odéon.
— Après?
— La réception d'une comédie en deux actes, d'Al-
fred de Jlusset, intitulée la dernière Soubrette.
— C'est quelque chose. La pièce est-elle en prose?
— Non, en vers.
— C'est beaucoup.
— Les Italiens ont recommencé leurs représenta-
lions sous la direction de llonconi. Ils ont chanté Ce-
ntrentola avec mademoiselb Alboni. La nouvelle
troupe a un chanteur monumental et un banquier ex-
cellent. Le chanteur s'appelle Lablache, et le ban-
quier excellent Delamarre. La nouvelle administration
est donc solide. »
Voilà, en somme, une semaine cjui ne laisse pas que
d'avoir été bien employée, surtout si l'on se souvient
que l'Assemblée nationale l'a terminée en coupant court
aux espérances du grand parti modéré, composé des
citoyens Thiers, Véron et Genoude, lequel grand parti
se flattait du doux espoir de faire sortir un nouveau
13 mai d'une émeute de premiers-Paris.
J'oubliais un roman de XL de Lamartine, — Ra-
phaël, paru aujourd'hui.
A huitaine 1
- lu m'ont dit qae »as la République oq ne faisait plus repasser
le* couteaux ; alors je m'en vas en Canitornie, le pi>y* aux
mines de canifs.
Cliangarnier, revenu de la rive afric>iiio,
A de plus diuix exploits exerce son talent ;
]| voudrait voir finir l'ère républicaine,
Pour briller à la cour en costume galant.
Mais les eaux de senteur, poudres et bergamolles.
Ne rendent pdint la vie à ses cliarmes défunts;
Et le guerrier coquet, malgré tous ses |)arruni',
N'eît pas en bonne odeur auprès des patriotes
Dessillé par Fabritzius
Gravé par Louis.
i64
REVUE COMIQUE
UN MINISTRE ÉTERNEL
n
La Chambre aura beau faire, elle ne parviendra pas
à renverser le ministère.
M. Barrol Ta dit formellement: «Je ne m\'n irai
pas, je ne veux pas m'en aller; ce serait monstrueux.
M'en aller ! ô ciel !
Et pourquoi ne vous en iriez-vous pas"? D'autres
ministres sont bien partis avant vous.
— D'autres ministres , à la bonne heure ; mais
moi ! c'est une idée qui ne peut trouver place dans
ma tète, une idée qui me confond, qui me bouleverse.
C'est la seconde fois que je suis ministre : la première,
je ne l'ai été que vingt-cinq minutes; c'était le 2i fé-
vrier; je n'ai pas eu seulement le temps de mettre une
cravate blanche et de prendre possession. M'en aller!
jamais !
Mais vous n'avez que des échecs à la Chambre !
— Des échecs! je ne sais pas ce que vous voulez
dire ; je ne veux pas vous comprendre. Si l'on vient
pour me renvoyer, je m'accrocherai aux meubles, j'en-
traînerai les fauteuils après moi, je pousserai des cris.
— Rappelez-vous le fiasco ministériel sur la ques-
tion du sel.
— 11 ne s'agit pas de sel ; il s'agit que je nuî jeterai
par la fenêtre si l'on me pousse à bout.
— Songez aux nominations des bureaux pour la
proposition-Râteau.
— Je songe qu'il n'est pas humainement possible
que je m'en aille : la Chambre le comprendra, à moins
qu'elle n'ait un cœur de tigre. Je ne quitterai le mi-
nistère que pour me retirer à la Trappe.
— Un peu de courage, mon brave homme; élevez
votre âme au niveau de votre sublime infortune. Je
vous ai parlé tout à l'heure des ministres tombés ; je
vais vous parler de rois qui ont abdiqué volontaire-
ment. Voyez Charles-Quint renonçant au trône d'Es-
pagne ; Abdalonyme cultivant son jardin, sans souci
de ses droits au trône; Dioclétien retiré à Salone.
Imitez ces grands exemples, Barrot, et quittez de vous-
même un pouvoir qui vous fuit.
Si l'on continue de me tourmenter à ce sujet, je
m'asphyxie avec un boisseau de charbon. »
11 devient fort JifliLile,con)nie on voit, d'avoir raison
d'une telle résistance, et la Chambre ne sait plus com-
ment faire, puisque ses votes ne servent de rien ; c'est
comme si l'on voulait, avec des bulletins blancs ou
bleus, faire sortir une tortue de sa carapace, un lapin
de son trou.
On est allé chercher Samson ; ou lui a dit : «Vous
qui avez enlevé les portes de Gaza, vous sentez-vous
capable d'emporter Odilon Barrot sur vos épaules? »
Samson, qui avait d'abord ôlé sa veste et retroussé
ses manches, a répondu après réflexion : — Décidé-
ment, je ne me charge pas d'une pareille entreprise.
Et il a remis sa veste.
Adressons-nous à Hercule, a dit la Chambre.
Hercule, vous qui êtes un demi-dieu, qui avez tué
le sanglier d'Érynianthe, vaincu Gérion, nettoyé les
étables d'Augias; vous qui portez une peau de lion sur
vos épaules et une redoutable massue à la main, ô
!.M-and Hercule, qui avez accompli douze travaux répu-
tés impossibles, il s'agit d'en accomplir un treizième.
Vous chargez-vous de terrasser et d'enlever Odilon
Barrot? On vous construira un tjmple, on vous offrira
une hécatombe, et votre gloire sera célébrée d'âge en
;ige. Rendez-nous ce service, ô demi-dieu !
— Voyons un peu, répond le demi-dieu.
Il s'approche couvert de la peau de lion, et brandis-
sant sa massue ; mais à la vue de Barrot, qui s'est ac-
croché à un meuble : « Par Jupiter, dit-il, comment
voulez- vous que je vienne à bout de ce gaillard? J'ai-
merais autant forcer de nouveau la biche aux pieds
d'airain, ou dompter une seconde fois le taureau de
Crète. Il m'est impossible de vous rendre le service
que vous me demandez. Avez -vous par là quelque
monstre marin qui désoie la contrée? J'en fais mon af-
faire; quant à cette espèce de Jupiter, il n'y a pas
moyen. Bonsoir, mon ami.
Ainsi parle le demi-dieu, et il s'en va comme s'en
était allé Samson.
Que faire? les repré,sentanls sont consternés. Après
Samson et Hercule, il serait puéril d'envoyer quatre
hommes et un caporal.
LES MYSTÈRES DU
Il s'est égaré dernièrement une adresse des élec-
teurs duVaucluse à leurs représentants; la personne
qui l'aurait trouvée est priée de la rapporter au
bureau central d'où s'expédient, dans le département,
les adresses et pétitions spontanées contre l'Assemblée
nationale
Ce bureau, dont plusieurs personnes niaient l'exis-
tence, a été fondé sous le patronage du Constitutionnel
et de la Gazette. H fournit le modèle de pétitions
contre l'Assemblée, qui doivent se ccuvrir de milliers
PARTI HONNÊTE.
de signatures dans les départements, ainsi qu'il est
arrivé dans le Gers , où la pétition a réuni quatre si-
gnatures (officiel) , et qui rappelle le mot célèbre
d'Odry dans Genwih'e (le Brabant. Eu un instant, il
y eut dix mille lioinmcs au moins rassemblés sur le
carré.
« Dix mille hommes! lui dit quelqu'un ; c'est beau-
coup.
— Le chiffre est peut-être exagéré, mais nous étions
bien trois ou quatre. »
A i;i'SA(;i', his (ii;,\s ski!Ii;i x.
16tt
Il l'st iKiiK- univi' iiii iimIIiciii' à te Imicaii central,
sans pailiT des (|iiatie .sigiialuies de la iiétilioii du Ceis,
qui |)0UV0iil iiieti coinpler aussi [iniii- un désa^ji-t'inenl.
I.C hiireau avait expédié aux électours du Vauelusc
une lellre làiie à l'adresse de leuis représentants.
« Que vonlez-vons i|ue nous lassions de eclte lellie?
avaient répondu les électeurs.
— Parbleu! failes-en ce qu'on l'ait des lettres de ce
genre ; couvrez-la de signatures.
— Fort l)ien : lums allons la eiiu\rir de signatures.
El après?
— A|)rès, vous l'enverrez aux représentants. Sont-
ils donc bêles, ces électeurs!
— Merci ; c'est dit, allons, couvrons la lettre de si-
gnatures! ))
Les électeurs prirent la lettre et en allumèrent leurs
cigares.
Cependant le bureau central faisait le calcul suivant.
« Combien de signatures les liabitants du Vauelusc
peuvent-ils apposer par jour au bas de la lettre à leurs
leprésentants? Ça n'est guère expcditif, un habitant du
Vauelusc; (,i ne doit pas avoir le paraphe facile; ça
sait-il signer seulement?
«Je le crois bien! Le département du Vaucluse
fournit au moins un quart des gens de lettres néces-
saires à la consommation annuelle de Paris. Depuis
Pétrarque, qui composa la plupart de ses poésies à
Avignon, le département n'a cessé de marcher à la tète
de la littérature. Tous les Vauclusiens sont poêles et
journalistes.
« Vous croyez! En ce cas, mettons deux mille si-
gnatures par jour ; en huit jours, nous en aurons seize
mille environ, et dans quinze jours les représentants
du Vaucluse auront reçu la lettre crâne dont nous leur
avons fourni le modèle, n
Le bureau prit patience, et l'on croit que c'est dans
cet intervalle qu'il eut l'idée de la pétition du Gers,
qui devait se couvrir de quatre signatures.
Les (|uinze jours écoulés, le bureau supposa que les
députés avaient reçu la lettre.
— En èles-vous bien sur, Ijureau central? lui dit-on.
— Parbleu ! J'ai fait mon calcul.
— Mais les représentants du Vaucluse n'en ont pas
s(iurilé mol.
— Ils s'en garderont bien : on ne se vante pas de
ces chosts-là ; c'est pourquoi je vais publier le texte de
la lettre dans les journaux ilu parti hnniif'tc.
— Prenez garde, bureau ; celle polissonnerie peut
vous compromettre.
— .\llons donc !
Les journaux in partUioniwte publièrent celle |iièce
qui n'existait pas, et dont ils connaissaient la source
fort peu loyale. Mais voilà qu'aujoui-d'hui les dé|)utés
du Vauelusc écrivent à leur tour qu'ils n'ont jamais vu
ni reçu cette prétendue lettre couverte de signatures.
Qu'est-elle devenue?
Nous n'avons ])ourtant pas entendu dire que la mal-
le-poste ail été volée en route!
Voilà le rideau levé sur les mystères du jiarti hon-
nête. Leparti honnête invente des pétitions et des let-
tres impertinentes; il envoie l'agitation à domicile à
Paris et en province ; il paye des émissaires pour aller
recueillir des signatures contre l'Assemblée, et il ac-
cepte comme électeurs-signataires des enfants dedix ans
(voir les correspondances des départements) ; cl avec
tous ces moyens, le parti honnête parvient à obtenir
quatre signatures dans le Gers, et six mille trente-deux
dans toute la France, ainsi qu'il résulte du relevé fait
dans les bureaux de la Chambre.
C'est ce que les journaux appellent l'immense ma-
jorité des électeurs.
IN'est-ce pas encore le parti honnête qui a invente la
ridicule histoire du vol des diamants de l'Étal et qui
en a accusé un ministre?
Si ce sont là les honnêtes gens, amenez-moi, je vous
prie, quelques coquins ; j'en ferai mes amis intimes.
M. KATiAi', ainsi nommé, parce que sa ptoposilion voudrait faire place nette.
-Vos litres!.. — Voilà mon petit livre. — Non... vos parchemin:
— Voilà. — A la bonne heure ; entrez!
Tous les âéparlemenis se lèvenl comme un seul kimme •
fez : Un seul homme se lève comme tous les déparlements.
ICARIE.
(CORRESFOMI.V^CE r.VRTICL'LIF.RE.
Le 2 de la lune du mal de dents.
Hou ! hou ! liou ! Frappons-nous trois fois les cuisses
et hurlons trois fois. C'est la manière de saluer chez
nos voisins les Nacogdoches. Parlez-moi tie cette poli-
tesse aussi naïve qu'économique ! Dans notre barbare
civilisation, qui de nous, en contemplant l'humiliation
de sa coiffure, n'a pas souvent murraurij sur l'air des
coucous :
Les cliapeaux font gras,
Parce qu'on n'en a guère;
Les cliapeaux sont graf,
Parce qu'on n'en a pas?
Mais ici, sur ces bords aime's du Grand-Castor, sous
ce ciel btini par le grand Cabet, plus de ces douleurs
fili-es de .«oie, plus de ces tristesses bourrées de feutre.
A bas le bonsoir, et bonsoir au bonjour ! On s'aborde
naturellement, à la bonne franquette ; comme les ours
fredonnent et comme les Auvergnats dansent! El youp,
la Catarinetta !
Seulement Catarinetta se prononce Hohkoyhoholmhh.
Quel mot charmant ! Son seul défaut est de con-
sommer beaucoup d'H. Mais vous savez que c'est ainsi
qu'on est convenu d'écrire toujours le sauvage. Plus on
peut y fourrer d'il, et plus on a l'air savant. C'est de
rigueur, comme les K et les V quand il est question de
chinois.
Si V0U9 m'en demandez la raison, vous m'obligerez
fort do me la faire connaître.
Après cela, pourtant, si vous trouviez vraiment trop
d'H dans ce salut, parole d'icarien, je n'y tiens pas.
Dans un caractère si irascible naguère, cette con-
descendance vous surprendra agréablement. Telle est
la moralité du bonheur!
Mon Dieu, oui ! car, en bonne conscience, au sein
de vos cités corrompues, dites-moi quelle âme géné-
reuse ne se révolterait pas? quel cœur indépendant et
sensible ne saignerait pas sans cesse au heurt blessant
de vos lois ridicules?
Veut-on rester tranquillement chez soi , crac, tous
les trois mois, voilà un monsieur qui vient vous de-
mander de l'argent, sous préte.xte que s.\ maison lui ap-
partient. Cette conséquence m'a toujours paru du der-
nier bouffon. Comment ! parce que je suis trop pauvre
pour avoir une maison, c'est à moi de payer celui qui
est assez riche pour en posséder souvent plusieurs?
Est ce assez cocasse ! assez turpide ! assez propriétaire ,
enriir?Ouand j'ai raconté cette plaisanterie au sachemdes
Pieds en sueur, le respectable magistral en a ri comme
un bossu.
Il est juste de dire qu'il l'est à faire honte au clia-
meaii de la plus belle venue.
A l'égard des Pieds en sueur, ayez-en beaucoup
pour eux. Nulle tribu n'est plus justement renom-
mco pour l'aménité de ses mœurs. Longtemps ac-
cusée de manger ses prisonniers de guerre trop
saignants, je dois la relever de cette calomnie. Elle
A i;i!SA(iK |)i;s (,KNS SI'MIIKIIX,
167
les fait rôtir, au contraire, parfaitement à point.
Mais, pour en revenir aux véritables sauvages, à
vous autres, que d'innombrables amertumes viennent
se joindre à cette déplorable répartition des iiiuneu-
bles dans vos Babylones de perversités!
Se promcne-t-on dans les rues , deux rangs de bou-
tiques vous narguent, à chaque pas, de toutes les
choses dont vous êtes veuf pour le quart-d'heure , et
vous agacent de toutes les splendeurs dont souvent,
hélas ! on est orphelin de naissance. — On dirait même
que la Providence prend un malin plaisir à vous con-
duire, précisément, devant ce qui doit le plus irriter
votre douloureuse convoitise.
Vous m'objecterez peut-être que ce serait là un
amusement bien mesquin pour une providence. Je ne
dis pas non; mais, enfin, c'est comme ça.
Ainsi, a-t-on peu ou point diné, vlan! à coup sûr,
un embarras quelconque vous fera subir la torture vi-
suelle de monstrueux homards caressant des pâtés de
foies gras cyclopéens sur une couche de poissons gigan-
tesques aux ventres argentés.
Est-ce une montre en plan dont vous pleurez l'ab-
sence, alors vous ne voyez que des montres; des
montres par centaines, des montres par milliers. II
semblerait que toutes les vitres se peuplent de mon-
ti'cs dans le seul but de railler votre douleur.
Et même sort pour tout et toujours! Pour les ha-
bits éplorés qui boutonnent leurs misères; pour le
linge qui tourne à la guipure ; pour les affiches do
spectacles qui paraissent flamboyer quand on n'a
pas le sou; sans exception ni pitié, cette impla-
cable ironie ne respecte rien et ne se lasse jamais.
Voyons, je ne veux pas jurer, mais, sacredieu,
est-ce donc une existence que ce perpétuel tantalisme?
Par un jour de pluie, prenez un homme dont la
chaussure aspire avidement la boue dans les affres de
l'agonie; et, dans celte humide affliction, conlraignez-
le de s'arrêter devant la sombre insolence d'une bou-
tique de bottier. Cela n'a l'air de rien, tant la chose est
commune. Eh bien! feuilletez les poètes les plus ter-
ribles, et trouvez-moi un supplice plus effroyablement
atroce ! Horreur ! horreur! horreur!
Si Dante allait nu-pieds je lui pardonne cette omis-
sion, .autrement, j'en suis fâché pour lui, mais je le
déclare un médiocre génie.
Icarie! Icarie ! sous tes lois favorables, tout homme
est à l'abri de semblables martyres. Cette douce con-
trée ne rapporte, il est vrai, ni homards, ni culottes, ni
bottes, ni montres, ni pâtés de foies gras, ni pâtés de
maisons; mais si nous n'avons absolument rien, nous
partageons du moins fraternellement tout.
Et c'est là le bonheur!
Quand je dis rien, c'est une erreur. Nous possédons
du hareng saur. De vous à moi, je conviendrai même
que nous en avons un peu trop. — Hareng saur le ma-
tin. — Hareng saur à midi. — Hareng saur le soir. —
Tel est le régime sous lequel nous vivons depuis mou
arrivée, et qui menace d'altérer longtemps encore
l'harmonie de notre constitution.
Sans être personnellement hostile au hareng saur,
je commence à trouver que ce poisson a la vie diable-
ment dure.
168
liKVLF. (.OMIQIK
Pour apaiser (luelquos cmcules qui onl éclaté à ce
sujet irritant, le pouvoir avait annoncé ofliciellement
la |)rochaine arrivée dune cargaison de pois secs, de
pruneaux et de haricots rouges. Désarmée par celte
promesse, l'opposition se remit alors à ronger patiem-
ment son hareng. Mais, ô douleur! voici les tristes
nouvelles publiées ce malin dans notre Moniteur :
En dépit des négociations les plus habiles, les pois
s'étaient montrés assez chiches pour ne vouloir se li-
vrer que contre argent comptant !
Tourmentés par une horrible tempête, les pruneaux
avaient été contraints de relâcher en Angleterre!!
Enfin, pour comble de malheur, des vents contraires
avaient retardé les haricots!!!
En présence de cette désastreuse complication, le
ministère tombera probablement en d'autres mains.
Si les choses se passent comme chez vous, il est à
craindre que ce changement n'en amène pas dans noire
cuisine
Trois soleils ru s iard.
l.a lutte prévue a été terrible. Non-seulement le
ministère des harengs a été renversé, mais Icarie vient
de proclamer un nouveau menu qui accorde à chaque
citoyen trois plats au choix à sou diner. Tous les ha-
rengs saure onl été jetés à l'eau. Force est restée au
peuple. Vox populi, vox Dei. — Nous n'avons plus
rien à manger.
UioiHS Uaton.
P. S. Me trouvant dans la position d'L'golin quand
il a croqué son dernier enfant, je vous serai obligé de
me faire passer quelques pru\isions à l'adresse sui-
vante :
IcARiE. — Sixième désert à droite, Iroisièmc soli-
tude à gauche, qualiième fossé, — au premier au-
dessous de l'enlrc-sol.
Mon ami le sacliem se bleuit respectueusement les
I cuisses à votre attention.
RÉ(:LâM.\TIONS CONTRE LESQUELLES ON POURIW BIEN RÉCLAMER.
On a lu dans la Patrie:
« M. Duchàtel sera à Paris, à ce qu'on assure, au
mois de février, l'n de ses premiers soins sera, dit-on,
de demander aux tribunaux les moyens de rentrer dans
la possession d'une somme de cent mille francs, valeur
approximative d'un nombre considérable de pièces de
vin qui se trouvaient dans les caves du ministère de
l'intérieur avant le 2i Février, et qui ne s'y trouvent
plus. Or, ces cent mille francs de vin étaient, à ce qu'il
paraît, la propriété personnelle de M. Duchàtel. »
La Patrie, par cet article, compromet ses droits au
litre àe journal ordinairement bien informé. Comment
a-l-elle pu s'imaginer que l'ex-minislre de Louis-
Philippe se conlenlerait de réclamer une bagatelle de
cent raille francs? Allons donc!
La note de M. Duchàtel est beaucoup plus compli-
quée. L'honorable membre du dernier cabinet royal
a trop souBerl de la Révolution pour ne pas demander
une réparation solide. Son compte nous a été commu-
niqué, et nous nous empressons de faire connaître à nos
lecteurs cette pièce importante; elle s'élève au chiffre
total de 471,650 francs 55 centimes, ainsi répartis:
500
120
500
48
Avoir été indisposé le 24 février ; pour
frais de médecin et de médecine
Avoir loué uu faux nez el un habit de
laquais pour sortir (le P;iris.
Avoir déchiré un pantalon tout neuf,
en francbissant les barricades ; pour rac-
commodage
Avoir été arrêté à la Itarriérc el forcé
de boire à la santé de la République;
pour une tournée de vin à six
Pour chaise de poste, chevaux el frais
de roule
106 fr. 75 c.
42
5 50
jOO »
Pour un vélcnienl complet : chemise,
caleçon, bis, elc, entièremenl mis hors
de service par suite de l'émotion éprouvée
pendant ccUo journée et aboutie pcudant
le voyage
Pour neltovage de bijoux qui oui été
oxidés
Passage de la !\lanclie : avoir eu le mal
de mer el compromis ma dignité par des
contorsions incompatibles a\ec le carac-
tère d'un homme d'Étal
Séjour à Londres 40,255
Indemnité pour suspension de traite-
ment, pj'ivation d'honneurs, discours
rentrés 100,000 »
Dommages-intérêts pour diilamations,
calomnies, injures graves, mise en juge-
ment 100,000
Pour frais d'altai|ues de nerfs el autres
conirariétés éprouvées par ma femme dans
ces circonstances, el pour imlemnilés de
promesses d'ambassade à mon frère Na-
poléon Duchàtel 100,000 ..
Pour le vin bu par les combattants de
Février 400,000 »
Pour mon linge lacéré et mis en char-
pie pour le service des blessés 50.000 »
471,6o0 55
Les autres ministres se préparent à imiter la conduite
de M. Duchàtel: M. Hébert veut qu'on lui rende sa
simarre déchirée; M. Jayr, qu'on avait oublié, ressus-
cite comme la fille de son homonyme pour présenter
ses réclamations. M. Guizot glissera les siennes dans la
seconde édition de sa nouvelle brochure. M. Salvandy
va publier, à l'usage des ministres, un ouvrage inti-
tulé : L'Art d'être mis à la porte, et de s'en faire dix
mille francs de revenu.
A i;usA(.i; nr.s (.i.ns si.I'.ikiix.
iGO
La position de lllitli^ll^• expulse' \\i devenir désui -
mais liès-avarilagense : on n'anibilionnera |i|ms les
liaiilcs fonctions que pour se faire congédier violenfi-
inenl ; on s'uttadiera ù se rendre impopulaire, ù ne
premlre aucunes niestu'es utiles, à suivre une poli-
tique bien contraire aux vœux du |)ay. Nous soupçon-
nons niOuie qu'on couiuieucc déjà.
Si réuK'ute en fureur gronde autour des ministres,
ils diront, eu se frottant les mains : « Ça va bien! ça
va bien! nous pourrons douiander dix mille francs de
dumninges intérêts ! »
La foule envahira les rues et brisera les vitres. Les
ministres, menacés, multiplieront par mille les indem-
nités à encaisser : chaque pierre lancée leur semblera
une roclie aurifère de la Californie.
I.'holel sera dévasté : on en jetera les meubles par les
fcnèlres. Les minières, en décampant , g' écrieront :
«De mieux eu mieux! notre fortune est faite, u Ils
seront au comble de la joie, si dans leur fuite ils se
cassent quelques membres.
Car c'est toujours le peuple qui paye les pois cassés.
N. B. — Nous ne coimaissons de comparable à la
réclamation de M. le comte Tanneguy-Ducbàlel, pos-
sesseur du clos de Cliàteau-Laflitte, que la réclamation
du roi l.ouis-l'liih|)|)e, possesseur à cette époque du
trône de France, demandant 00,000 francs d'indemnité
pour les lapins tués, pendant la révolution de juillet
1850, dans la forêt de Ratnbouillot.
Il y a pourtant cette différence, que M. Uucliàtel a
perdu à la révolution de l'evricr, tandis que Sa Ma-
jesté l.ouis-l'hilijjpe avait gagné quelque chose à celle
de i8:)0.
VIE DE L\ CALIFORNIE,
D'après un daguerréotype communiqué au Punch d-j Lo:dr<
170
REVUE COMIQUE
LE CONSERVATOIRE. — PREMIER CONCERT.
Dimanche s'est donné le premier concert du Con-
servatoire. Dans le triste temps où nous sommes,
quelle fête ! La musique a ceci de particulier et d'ex-
cellent, je parle de la vraie musique, et de celle de
Beethowen principalement, qu'elle isole celle ou celui
qui l'entend non pas seulement avec ses oreilles, mais
dans son âme, comme dit Pétrarque, qu'elle l'isole,
qu'elle le sépare du monde entier, qu'elle l'arraclie à
tout bruit extérieur — la musique est un bruit inté-
rieur — pour le laisser seul avec lui-même, pour faire
de lui, en quelque sorte, un mort qui écoute, un mort
heureux. C'est à la fois un retour sur le passé, un re-
gard sur l'avenir, et l'oubli du présent, trois biens pré-
cieux. On jouait la symphonie avec chœurs de Beetho-
wen. — C'est de toutes la moins connue en France. La
première partie est un peu confuse, mais la seconde,
mais la troisième, mais l'admirable commencement de
la quatrième? Cela vous rend toutes vos douleurs, tant
c'est poignant et profond; et cela les apaise toutes, les
guérit toutes, tant c'est sublime et salutaire.
« Que pensez-vous de M. Barrot? Son discours de
l'autre jour, si peu gouvernemental, si inutilement
blessant pour l'Assemblée, ne le rend-il pas impossible
désormais?» — Comment dire, sans mourir de honte
pour lui, qu'un des hommes les plus intelligents de ce
temps-ci, mon voisin, m'adressa cette question, mon
Dieu, fort sensée, j'en conviens, — juste au moment
où commençait ce sublime amiante. .le répondis, il
fallait bien répondre, la politesse le voulait, par un
haussement d'épaules. Heureusement, M. Barrot a bon
dos ; et mon voisin mit spirituellement ma réponse
à l'adresse de cet infortuné ministre! Mon cher voisin,
elle était bien pour vous.
Le général Cavaignac était dans une loge, dans une
simple baignoire, avec M. Marie. — Je suis bien sûre
qu'il eût fait la même réponse à la même question. —
M. Barrot, — eh bien ! oui ; c'est un ministre, c'est
un président du conseil. — Mais qu'est-ce que cela est
devant Beethowen? — Du bout de son bâton de chef
d'orchestre, retombant par hasard sur n'importe quelle
grosse caisse, le divin maître n'eût-il pas écrasé les plus
sonores paroles de cet honnête M. Barrot ! — En vé-
rité, comment penser à M. Barrot en un pareil mo-
ment '. 11 y a plus de sourds qu'on ne croit, mon voi-
sin!
Brave général, son bon et énergique visage, si calme,
si impassible dans les plus difficiles moments, je l'ai
bien vu, cette musique l'avait détendu, reposé, pa-
cifié. Ceux que touche le beau ne perdent pas tout
avec le pouvoir.
La loge des princes était vide. Je suis une républi-
caine de la veille (je le dis, parce que eela ne me vieil-
lit guère) ; ce vide m'a pourtant attristée ; j'ai pensé,
non aux princes qui l'emplissaient d'ordinaire, et en-
core moins aux professeurs et aux aides de camp qui
les entouraient naguère, et qui se gardent bien de les
entourer aujourd'hui où ils sont, mais à ces pauvres
princesses que la sévère Marie-Amélie cousait à ses ju-
pons, et dont le Conservatoire était la plus délicate
récréation.
J'ai su bon gré au président de la République de
n'aimer point la musique et de n'avoir mis personne,
pas même lui à cette place, dans laquelle je voudrais
qu'on ne mît plus rien d'officiel désormais.
C'était tout plein ; et quel silence, cependant! Nous
écoutions tous ensemble, amis et ennemis, d'une
même, d'une seule oreille ; quel meilleur moyen pour
être ensemble séparément. Je vous dirais bien que
M. Marrast, président de l'Assemblée nationale, était
dans une loge de première galerie. — Et pourquoi
non? — Je ne l'aimais guère, M. Marrast, il y a un
an ; je l'aime mieux aujourd'hui. — On l'a tant atta-
qué. — Et puis enfin, ce marquis, ce n'est, après
tout, que des sottises d'homme d'esprit, qu'il a pu
faire. — Otez-lui tout ce que vous voudrez ; mettez-
lui plus de paillettes qu'il n'en saurait porter, il res-
tera toujours de lui, 1° que la plupart de ceux qui
l'attaquent ne le valent pas ; 2" que si jamais il retombe
sur sa plume, il saura leur répondre.
M. Duvergier de Hauranne y était aussi. — Si cela
nous valait de lui une brochure de moins; si cela le
corrigeait, cette belle musique, d'être violent comme
s'il était fort!
J'ai aperçu dans un coin, adroite, au rez-de-chaus-
sée, M. Schœffer, un vrai artiste; peinture et musi-
que, ces deux passions s'enchaînent, M. Schœffer est
un si hardi traducteur ; que ne traduit-il une sym-
phonie de Beethowen, lui qui a osé essayer de traduire
Mignon, — de peindre une pensée ! — et qui y s.erait
parvenu, si la tentative n'eût été folle?
Pour parler des femmes, je nommerai la blonde
madame d'Haussonville, connue pour avoir été peinte
par M. Ingres, et l'éclatante et blanche madame Ca-
lergi, une jolie femme sur une trop grande échelle.
« J'en voudrais une réduction, » disait un de ses ad-
mirateurs. Elle était tout en face du général Cavai-
gnac. Pour ne pas donner tort aux absentes, j'ajoute-
rai que la belle madame Delessert et sa fille charmante
étaient remplacées dans leur loge par des dames de la
gendarmerie.
Et enfin, pour en revenir à la musique, je dis que
si quelque chose pouvait augmenter mon goût pour le
paradis et mon désir d'y avoir une place, fût-ce une
place de baignoire, c'est la certitude où l'on paraît être
qu'il s'y donne de perpétuels concerts, et que ces con-
certs sont exécutés par des séraphins, qui surpassent
les artistes même du Conservatoire.
Marir '".
A I/IISAGR DES GENS SKIIIKI A,
DT.rX r TOI' II. S.
LNF. RIE DE PAHI3.
— Je pars pour la Californie.
— Et moi pour l'icarie.
— Je vais chercher de l'or.
— L'or est une chimère ; je n'aspire qu'au hoii-
lieur. Cabet m'a donné l'adresse du bonheur ; il de-
meure sous les ombrages de l'icarie.
— .Moi, je vais pêcher de l'or dans le Sacramento. L'or
est une chimère, et il faut toujours caresser quelque chi-
mère ; sachons en remplir plusieurs sacs : j'en emporte
une douzaine , et je reviendrai chargé comme un mulet.
— Vous comprenez que, pour moi, je méprise com-
plètement votre or ; il vous, faudra fouiller la terre de
Californie, et entrer au moins jusqu'aux genoux dans
le fleuve aurifère du Sacramento. Il est clair que tous
ces efforts doivent paraître bien ridicules à un homme
qui va passer le reste de sa vie à fumer nonchalamment
la pipe sous les arbres du Texas, qui sont les plus
beaux arbres du monde, de même que le Texas est le
plus beau pays qui existe. Je ne vous cache point que
j'emporte plusieurs douzaines de pipes avec moi.
— Quand je serai de retour avec mes sacs pleins
d'or, rien ne me sera plus facile que de ne rien faire
le reste de mes jours ; je pourrai même fumer autant
de pipes que vous, si cela me fait plaisir. Est-ce que
vous prétendez, par hasard, m'humilier avec vos pipes?
— Et vous, avec vos sacs?
— Va-l'en en Icarie, imbécile!
— Et toi en Californie, grigou !
— Fainéant !
— Fesse-Mathieu !
— Si je n'étais pas si pressé, je te corrigerais gratis
de ta paresse.
— Et moi je te couperais les oreilles, quoique ce
soit un travail , et que le travail soit contraire au
bonheur. (Ils partent.)
^jr':~3îc*
11.
UN Dl'sERT ENTRE LA CALIFOKMÈ ET LE TEXAi.
— Tiens! c'est vous?
— Grands dieux ! quelle rencontre !
— Comme vous voilà fait ! Je vous prenais d'abord
pour un singe.
— Et moi, pour un ours. Si vous rencontrez en
route des Icariens qui me poursuivent, dites-leur que
vous ne m'avez point vu.
— Je vous fais, pour ma part, la même recomman-
dation. Je crains d'être poursuivi par un traiteur de
la Californie, à qui je dois une note de cinq cent
nulle francf.
— Moi, on me poursuit pour bien moins que cela,
pour une cuillerée de soupe qu'on m'accuse d'avoir
prise de plus que mes frères communistes, dans la ga-
melle commune et icarienne ; car il faut vous dire que,
depuis mon arrivée en Icarie, nous n'avons fait, mes
frères et moi, que nous battre pour des questions de
gamelle. Quand la gamelle était vide, nous nous bat-
tions parce qu'il n'y avait rien dedans ; et quand elle
était pleine, ce qui n'arrivait guère, nous nous bat-
tions pour ce qu'elle contenait, si bien que c'était
notre unique occupation, et que cet exercice, en nous
donnant de l'appétit, augmentait encore notre fureur.
Enfin, un jour qu'il y avait on ne sait quoi au fond de
la gamelle, il parait que j'y ai plongé la cuillère une fois
de plus qu'à mon tour, de sorte que toute la bande
s'est mise en hurlant après moi, et que vous me voyez
fuyant dans le désert. Mais cela doit vous toucher bien
peu, vous qui avez mangé au point de faire une note
de cinq cent mille francs cliez le traiteur.
— C'est-à-dire que je n'ai fait que mourir de faim.
Imaginez-vous qu'il y a la famine en Californie . et
qu'un poulet s'y vend quinze mille francs, et même il
n'y a plus de poulets; on en est à manger du chien.
J'ai quatre chiens sur ma note, à dix mille francs cha-
172
eun ■ encore m'a-t-il fallu les faire cuire moi-même, le
traiteur n'avant pas voulu s'en charger, à moins de dix
mille francsde plus. Les mines m'ont rappor'.é trois cent
mille francs d'or, et j'en dois près d'un million : les Ca-
liforniens ont voulu me faire mettre à Chcliy; voila
ma position.
— Et où allez-vous do ce i as ?
_ En Icarie. J'ai bon poiL,net : je m'emparerai de
la çaraelle.
— Moi, je vais en Californie. Vous n'auriez point
par hasard quelques restes de provisions sur vous : une
tranche de chien, la moindre des choses?
— Depuis quinze jours, je vis d'un mulot que j'ai
attrapé dans les champs.
Moi, j'ai mangé des sauterelles.
— Matin ! vous n'êtes pas à plaindre.
III
L-N QlAl 111' HWIVR.
— Salut, ô ma patrie !
— Belle France, je te revois !
Tiens ! c'est encore vous ?
— Moi-même. Mais qu'avez-vous fait de vos deux
oreilles ?
—Je les ai laissées en Californie. Il n'y avait plus rien
à manger : le dernier chien avait été mis à la bro-
REVUE COMIQUE
chc par le gouverneur, M. Mason ; alors, me trouvant
sans ressources pour quitter le pays, j'ai vendu mes
oreilles iO.OOO francs à un Espagnol, qui aurait fini
par me les couper pour rien si je n'avais pas voulu les
lui vendre. 11 les a trouvées excellentes. Mais je vois
avec plaisir que vous avez conservé les vôtres.
— Hélas ! elles n'ont pas tenu à grand'chose. Quand
j'arrivai en Icarie, après vous avoir rencontré dans le
désert, on me prit d'abord pour le père Cabet, et je fus
rossé avant tonte explication. Ensuite, comme il n'y
avait rien à manger, nous jouâmes au bouchon à qui
fournirait une grillade à la communauté. Je perdis, et
fus contraint de me laisser couper une tranche d'une
partie charnue située au bas du rable, et que je n'ap-
pellerai pas autrement. Je suis guéri, à la venté, et il
n'y paraît pas, sauf quand je suis assis, parce qu'alors
je boîte sur mon siège du côté droit. Mais, puisque
vous avez vendu vos oreilles .iO,000 fr., vous ne refu-
serez pas de me prèler une pièce de iO sous?
— Quarante Californies qui vous étouffent ! Il ne
me reste pas un liard, et j'ai obtenu du capitaine qui
m'a transporté en France !e passage gratuit, à condi-
tion que je lui cirerais ses bottes.
— .\lors, je vais essayer de vendre mes sacs.
— De quels Sacs parlez-vous ?
— De ceux que j'avais pris à mon départ pour les
rapporter pleins d'or.
CHOSES QUELCONQUES.
— On assure que M. Odilon Barrot aurait dit à un
représentant, que si la chambre résistait, elle serait
brisée comme verre.
« Qui casse les verres les paye, » aurait répondu le re-
présentant.
Ce court dialogue est une preuve de plus que le
président de la République avait bien raison de dire
que le président de son conseil n'est pasun homme pra-
tique.
— L'opinion publique est tout en France. « Cédez
à l'opinion publique, » s'écrient, en s'adressant à l'As-
.semblée nationale, messieurs les chefs de la future mo-
narchie rouge, qui, par parenthèse, nous mèneront,
si on les laisse faire, à une république, laquelle ne sera
rouge que sur l'exemple qu'ils lui auront donné; « cé-
dez à l'opinion publique: vous essayeriez en vain de
lutter contre elle! » Bravo! messieurs; vous qui l'in-
voquez aujourd'hui, vous refusiez de la saluer hier, et
vous essayerez d'y résister demain ! — Prenez garde
qu'il ne vous soit répété alors, une fois encore, qu'il
est trop tard !
— Ce qui gêne la coalition, c'est qu'on ne peut pas
dire des coalises ce qu'on dit des gueux, qu'ils s'aiment
entre eux. — Que les troupeaux qui suivent ces ber-
gers sachent bien une chose, c'est que leurs guides
pourront bien s'entendre pour les tondre, mais non
après les avoir tondus.
— La sagesse n'est elle donc pas toujours une vertu !
Si la République n'avait pas été si sage, si modérée,
qui penserait aujourd'hui à l'attaquer?
— Il y a des gens qui ont cent mille livres de rentes
et d'autres qui meurent de faim. — Toute la question
est là. Tant qu'on n'aura pas résolu cette question, on
n'aura rien fait. — Or, je la crois fermement insolu-
ble, — et j'en conclus que l'impossible étant devenu
nécessaire, c'est à Dieu de nous tirer d'affaire et non
aux hommes. Henri V, Napoléon, M. Pioudhon, el si
vous voulez, l'intéressant M. de Cirardin liii-nièine, y
perdront, chacun à leur tour, leur latin, laleçon leur
fût-elle faite par MM. de Broglie,Tliiers, Giiizot, Mole
et autres, qui n'inventeront jamais rien de plus neuf
que le passé.
Savez-vous pourquoi il faut craindre la misère?
c'est parce qu'un homme qui n'a pas dîné sera tou-
jours de force à manger dix hommes bien repus.
A I/IISACK DRS r.KNS SKUIKIIX.
173
— DiU! aiitonsiilKiri de |)iMirsiiili'S a clé (li'miiiidr'u
contre ili's rP[ii'i'si'iilaiils cDiipalilcs de s'iMim' lialliis
cinliu'I. — M. I)ii|iiii, aiuicii prcu'iiiciii' |,'('iu'ial, a es-
saye avant IHi" de tuer le duel en l'ranee ; le diud a
résisté— fort lienronsenienl.
Où en serions-nous vraiment si l'injure personnelle
pouvait se produire sans danger et rester impunie? —
(Ihateanbriand disait : Si l'on vous donne nn sonftiet,
rendez-en (piatre. Celte maxime du gentilhomme bre-
ton est peu eatlioliquc, mais, grAec à Dieu, elle esl
encore française !
— On voit toujours passer le l)Out de l'oreille :
M. Josse était orfèvre, iM. Hugo est auteui'dramatiqne.
Dans la discussion relative ù la proposition Ratean,
nous lisons : « L'Assemblée a bien fait son cnlroe, il
faut maintenant qu'elle fasse bien sa sortie »
Hélas! monsieur llngo, il ne suffit pas d'enlrer, ni
même de sortir, mais de bien jouer son rôle tant qu'un
est en scène : le vôtre, comment Tavez-vous compris?
«Tous tant que nous sommes, » dites-vous, « nous
nous enivrons bien vite de nous-mêmes? n Qui peut
le savoir mieux que vous, Olympio ! Relisez votre pe-
tit discours revu et corrigé par vons h. l'usage du Con-
stitutionnel ; com[)tez-y les je. Je sais, jk ne sais pas,
JK fais, JE ne fais pas. — Toujours vous ! «J'ai la con-
fiance, ajoutez-vous encore, que dans toutes mes pa-
roles vous sentez l'honnête homme; que vous voyez
bien que c'est une conscience qui vous parle.»
Conscience politique de M. Hugo, puisque vous exis-
tez, puisque vous parlez, dites-lui donc qu'il a un en-
nemi mortel, et que cet ennemi c'est lui-même avec son
incroyable personnalité.
— M. Vivien sera déiiili'iricut vice-priisidenl de la
lîépnliliqiie. Il sera |)résenlé avec M.M. Roulay (de la
Mc'inllicl et llaragiiay-irililliers , dont l'office, tout de
di''vnM('jMeiil, sans doute, sera ainsi de servir de re-
poussiiirs [Miiir assurer l'électirin de M. Vivien.
1 A inilK IILHE IlE M. Ori/.OT.
ï'Mil je niniiilc .1 hi, f.int le iriunde a du lire la
biiiclinre de .M. (iiiizul, dv lu D/hiiocrulii' en l''riince.
La première page écrite depuis février par cet homme
éniinent ne pouvait manquer d'evciter nn vif intérêt,
('e livre répond-il à ce qu'on devait en attendre ?Oui,
au point de vue de l'art ; non, au point de vue politique.
L'œuvre de M. Guizot est ce qu'elle devait être, ce
qu'elle pouvait être, calme, élevée, honorable, — mais
inutile; — c'est une négation; c'est — un exposé
sans conclusion d'idées, dont le défaut n'est pas seule-
ment d'être connues, mais d'être usées. M. Guizot
l'eut écrit dans les mêmes termes, moins la préface,
en janvier 1S48. SL Guizot n'a rien appris : son livre
ne peut donc rien nous apprendre.
Le tort de M. Guizot, comme le tort de M. Thiers,
c'est qu'à un mal nouveau ils cherchent des remèdes
connus. — Ce n'est pas en regardant en arrière, mais
en avant, qu'on pourra sauver la France. Le. passé ne
saurait conjurer un mal qu'il a produit. La rouille de
la lance d'Achille a seule eu le don de guérir les bles-
sures qu'elle faisait. — A[. Guizot, M. Thiers, ne sont
pas des Achilles ; leur plume, aujourd'hui fatiguée, ne
guérira pas ce ([ue, dans ses jours de sève et de vi-
gueur, elle n'a su ni prévenir ni empêcher.
Le premier raout chez lesuî.'se de ru^ tel de la pré-idence.
Leciloyen Berger, qui porte un nom champêlro,
Esl-il de l'Arcadieun tranquille pasteur,
Que dans les prés fleuris il faut envoyer pailre?
Non : le hasard en lit un administrateur.
Admis à l'Elysée, ainsi qu'aux Tuilerie?,
Avec tous les pouvoirs il a su s'arranger.
Si, dans ses grands repas, on veut des sucreries,
Elles ne viendront pas du fidèle Bercer.
Denise pu Fàëritzils.
Gravé p»r Lebunc.
I, nnillEVARD l)KS ITAI.IKN9.
30 <*cii<iiii<'N la livraison.
niT mrnFurt ,
'!if!!lf!!|!f!lii'ffi*|iiif!ii''
i:^uiiiiiiiiiiiiilil]l'uiji|
TSUnrs
didons de la Sonscrlptioii. — La RsvuK comique formera im magnil'ujue volume, grand ia-8, publié en 30 liTraisons à 30 centime?,
• la poste, 40 ceiilimes. — Pour tout ce (jui concerne la rédaction, écrire (franco) à M. Likbdx, au bureau de la Revue, 2, boulevard dej
liens.
DiTMnvsaAT. xDiTSim, ss, au« RicHxx.ixir. jo» Livraison.
AVIS
AUX SOUSCRIPTEURS DE lA REVUE COMIQUE.
Pour ropoiulrc au désir exprimé par un grand nombre de souscripteurs, (jui Irouvaieut
laolieux i\ue, pour ne pas déooni|)léter la collection des dessins parus jusqu'à ce jour, ils pussent
être dans l'obligation de faire brodier ou relier les couvertures (jui se reproduisent d'une (;içou
uniforme toutes les seize pages, nous reporterons dans l'intérieur de la livraison le dessin que
nous donnions ordinairement sur le verso de nos couvertures.. De celte façon, ce dessin ne se
trouvera plus perdu pour le volume complet, qui pourra être broché sans ce premier feuillet.
La pagination a été disposée pour que cette suppression puisse se faire sans inconvénient.
Toutefois, pour que cette nouvelle disposition n'enlève pas au volume complet les dix
grandes gravures publiées jusqu'à ce jour sur le verso des couvertures, nous donnerons, avec
la deinière livraison, ces dix gravures en supplément.
Le dernier feuillet de la couverture, formant la dernière et l'avant-dernière pages de cbaque
livraison, devra être relié avec l'ouvrage complet dont il ne peut être détacbé sans intervertir
l'ordre de la pagination.
SOMMAIRE DE l.A DOUZIÈME LIVRAISON.
La Semaine. — Le duc de Bordeaux et sa familleà Fiauensdorrf, près Vienne; détails curieux et aullienliques recueillis sur
place. — Une restauration en peinture. — Réapparition du père Bugeaud à la tribune. — M. Lliermiuier. — Les Répuljli-
coptiûbes. — Les Journaux qui ne paraissent pas. — Choses quelconques — Le Journal^ des Débats. — Au Bal de l'Opéra.
— Le retour de M. Guizot (chanson).
DtssiiMleiir,. Graten.s.
nndeefTetsdelapropssitioncleU. Antoine.. .. Fabritzius. Baillant.
I.» Californie en Cliine , , . Fabrltzius. Baulant.
Périrait du duc et de la duchesse de Bordeaux. Nadard. Bauland.
Quatre ans de 6ou<ay .' .' ,, Berlall. Midderijjh.
Festin de M. de Falloux Nadard. Baulant.
I>ci>ii.al«ii
Le fauteuil du Président Berlall.
Les Votes du 10 DêcemUro Erniaon.
Quelque Énergie Otol.
Le Pûtlefeuile Bertall.
Boulay de U Meuithe Fabritziu
Baulanl.
Nuddingh.
. Leblanc.
POUR PARAITRE DANS LES PROCHAINES LIVRAISONS :
AVENTURES ET MÈSAVLNTUlîES
projets — déceptions — espérances — tentalions — travestissements
liypocrysies — passe- passe — peifidies — grande culbute de
MOSIEU RÉAG
SI ItE I)E CAIilCAIL'IlES PAU .>ADAniJ.
.init|ll.'l lie LlcOàSPR lil- el Comp.,
rue Datnielle, î.
LA SEMAINE.
Amis ut ennemis, républicains de toutes les cou-
leurs et royalistes de toutes les Inanches, semblent
faire assaut de scepticisme et s'entendre pour donnera
croire qu'il n'y a rien de sérieux dans notre état so-
cial, et que la Constitution elle-même n'est qu'im jeu.
Certes, s'il était une circonstance qui dût tirer le pu-
blic de sa torpeur, c'était la nomination du vice-pré-
sident de la Hépublique. Mais il semble que chacun
ait usé ses forces et ses espérances dans la lutte qui r.
fini par rélection du 10 décembre; et la liste des can-
didats, accueillie daus l'Assemblée par des éclats de
rire peu constitutionnels, a été reçue dans le public
avec une profonde indifférence. Il est vrai que ces can-
didats avaient été choisis de façon à ce que l'attention
publique n'en éprouvât pas d'evcilation dangereuse;
aussi la comédie a-t-elle fini par l'élection de M. Bou-
lay (de la Meurthe). On s'est beaucoup évertué pour
deviner la raison de ce choix ; il est cependant très-
simple, et n'a surpris que les gens qui ne comprennent
pas la République du 10 décembre. Un homme de gé-
nie, un homme illustre par ses talents et ses services,
un nom aimé et connu de la France, aurait gâté la
perfection idéaledugouvernementquedirigo M. Barrot:
pour qu'il gardât son caractère, poui' qu'il restât homo-
gène, l'Assemblée a fait au président la galanterie de
lui donner son ami. Et voilà, dirait Odry, comme la
France se trouve condamnée à quatre ans de Boulay!
— La campagne des royalistes contre l'Asseinblée
continue avec renfort de calomnies et d'injures ; ils
ont enrégimenté jusqu'aux vaudevillistes et aux cou-
pletiers , gens de conscience et de bon goût, qui
ont mis sur leurs tréteaux les représentants de la
France en les couvrant d'ordures toutes girardines.
Malgré cela, les membres de la nouvelle sainte-
alliance ont de la peine à s'entendre : ils se connaissent
■de longue main ; ils se détestent; ils se sont mutuelle-
ment conspués et trahis si souvent, que les uns et les
autres veulent des sûretés et demandent que les condi-
tions soient nettement établies.
Cependant l'Égérie de la présidcMice, M. Thiers, se
fait dévot; il serre la main à M. Uaurenlie, l'apologiste
de la Saint -Barthélémy, devenu son collègue par la
grâce de la révolution de février; il veut que l'instruc-
tion primaire soit donnée aux curés : il fera, dit-il, en
tirant son sabre napoléonien, dix révolutions jusqu'à ce
que l'Université soit rendue aux jésuites. Vainement
on lui objecte ses articles voltairiens du Constitutionnel,
ses discours peu orthodoxes de ministre, son dernier
rapport sur l'instruction secondaire ; il hausse les
épaules : est-ce que les hommes d'Etat de l'école de
Talleyrand n'ont pas été inventés pour combattre le
lendemain ce qu'ils avaient défendu la veille?
M. Guizot fait chorus avec son ancien ami. Son livre
demande nettement que la réaction recherche le con-
cours du clergé, qu'elle laisse son influence se déployer
grandement, puissamment, qu'elle ne lui marchande
pas son prix. Le disciple de Genève, plein des souvenirs
de sa jeunesse, des beaux jours de l'abbé de Montes-
quieu, avec un désintéressement parfait, prêche l'ac-
cord le plus touchant entre tous les ennemis de la Ré-
publique contre le chaos né du temps et du développe-
ment de l'esprit humain, qu'on appelle la démocratie.
Le livre de \a Démocratie, hypocrite manifeste de guerre
civile, restera comme la condamnation flagrante de ce
176
UEVUE COMIQUE
rhéleur plein de rancune, qui, après avoir plongé la
France dans les embarras où elle se trouve, a l'audace
ou la naïveté de venir lui faire la leçon ; il restera comme
le témoignage le plus complet de la suftisance et de l'in-
suffisance de ce puritain aussi vide que pompeux dont
tous les actes ont été en désaccord avecles écrits, et qui
couronne aujourd'hui sa vie par la plus incroyable de
toutes ses contradictions :
Eli! mon ami, lire-raoi de danger;
Tu feras après la liaiangue.
L'Académie française s'est décidément transformée en
hôtel des luvalidesde l'aristocratie; et pour entrer dans
son sein il ne faut plus ni prose, ni vers, ni philosophie,
ni histoire; mais de bons titres de famille, de bons
parchemins, de bons quartiers de noblesse. Ah! le
peuple fait une République démocratique ; il abolit les
litres nobiliaires; il crie contre les ai^islos : nous allons
lui montrer que nous sommes bien les successeurs des
immortels qui ont refusé de s'encanailler avec Pascal,
Molière, Rojisscan et tant d'autres anarchistes.
Vils roturiers.
Respectez les quartiers
De la marquise ne Prelintaille !
Après donc M. le duc Je Noaiiies, diymis intrare
pour avoir copié les Mémoires de la Beaumelle sur ma-
dame de Maintenon, voici venir M. le comte de Saint-
Priest, qui a fait, prétendent lesérudits, quelque chose
sur, contre ou pour les jésuites. Après ces deux actes
de courage, disent les quarante, si la république dé-
mocratique et la république des lettres ne sont pas sa-
tisfaites, un de nous, nouveau Curlius, crèvera pour
laisser un fauteuil vide, et nous y placerons un prince,
oui, un prince, et dont le bagage littéraire vaut cer-
tainement les œuvres de MM. de Noaiiies et de Saint-
Priest. D'ailleursl'oncleétaitderAcadémiedes Sciences,
pourquoi le neveu ne serait-il pas de l'Académie fran-
çaise?
On assure que depuis l'élection de MM. de Noaiiies
et de Saint-Priest, l'aulenr de Monte-Cristo songe sé-
rieusement à être de l'Académie, et s'en croit très-digne.
A cet effet, il rassemble, dit-on, non les cent cinc|uanle
romans ou drames que sa prodigieuse imagination a en-
fantés, mais les titres de son marquisat de la Paille-
terie; on assure qu'il en a trouvé J'aulhentiques dans
rile de Baraturia.
En vérité, qui aurait pu croire que l'Académie fran-
çaise, après la révolution de février, en pleine répu-
blique, justifiât de gaieté de cœur le décret de la Con-
vention qui supprimait les Académies comme étant des
institulions démocraliques, qui n'ont jamais servi au
déveluppement de l'esprit humain?
A force de creuser, la Californi
faire une visite en Cliii
A I/USAClù DKS GKNS SKIUKIJX.
177
Nous avons eu cette semaine un ballet nouveau ù
l'OpiTa, liiillot compliqiiû de concert, dans lequel
M. Saint I.iiiri, le niaii de mademoiselle Ccnilo, joue
du violon en niailie fort habile et danse d'une fa-
çon remarquable. Si j'étais en train de faire des ré-
clames, je dirais : C'est Veshis et Paganini réunis.
Mon appréciation serait peut-èlre un peu exagérée,
mais cnlin il y a toujours quelque chose d'étonnant et
qui cotniuanilf la curiosité à voir le même honmie
briller ainsi dans deux arts qui exigent de longues
études et une vocation spéciale. Ou assure que M. Saint-
Léon est peintre ; nous sommes forcés de convenir éga-
lement qu'il est poète, puisqu'il compose des ballets.
Musicien, danseur, peintre, poète, que lui manque-t-il
pour représenter dignement l'ancien dieu des arts, le
vieil Apollo'?
Le Violon du Dialde rentre dans la calégoiie des
ballets fantastiques; Satan y joue le rôle ])rincipal. Il
donne à un artiste pauvre et inconnu un violon qui le
fait aimer d'une grande dame, en échange de son âme,
bien entendu. Heureusement, quand le quart d'heure
de Rabelais arrive, le bon génie se mêle de l'afTaire,
et, grâce à lui, l'artiste garde son âme et épouse la
grande dame. Pour célébrer cet heureux événement,
on danse au château de la princesse un ballet intitulé:
les Fleurs animées, épisode gracieux dont l'idée a été
puisée dans les dessins de ce pauvre Grandville, dont la
mort, quelques mois avant la République, a laissé un
SI grand vide dans la satire au crayon.
Mademoiselle Cerrito no joue d'aucune espèce d'in-
strument dans ce ballet. Ses jambes lui suffisent, et
elle en tire de merveilleux effets. Pizzicati sur la pointe
des i)ieds, staccati de pirouettes; elle se joue de toutes
les diflicultés de son art difficile. Applaudissements,
trépignements, rappels redoublés, rien n'a manqué à
son triomphe, que la présence du président de la Ré-
publique.
11 paraît que M. Louis-Napoléon Bonaparte tient à
donner des gages aux classiques, et à ne point se
brouiller avec le grand parti de la tragédie. Il est allé
déjà plusieurs fois au Théâtre-Français, et nous n'a-
vons point appris qu'il eût honoré l'Opéra de sa pré-
sence. La salle était pourtant fort belle à la premièie
représentation du Violon du Diable, et il faut dire que
tout le monde attendait le président; la claque aussi
semblait s'attendre à quelque chose, cir une figure
s'étant montrée dans la loge présidentielle, les Romains
ont fait mine de chauffer son entrée, aux grands éclats
de rire des spectateurs. Il ne s'agissait, malheureuse-
ment, que du cousin du président, M. Napoléon Bo-
naparte. Le chef de claque mériterait d'être destitué.
Puisque nous en sommes sur les théâtres, parlons
de la grande question qui occupe en ce moment les di-
recteurs. La commission des théâtres est sur le point
de prendre une grave décision. L'industrie dramatique
doit-elle ôlre libre? Voilà l'affaire. M. Charles Blanc,
directeur des beaux-arts, et M. l'idouard .Monnais,
commissaire de la Républi(|ue |Mès Irs théâtres natio-
naux, se prononcent pour l'ariirniative. Il est à suppo-
ser que leur avis prévaudra.
Le Prop/iète sera positivement joué dans les pre-
miers jours d'avril. Les répétitions se succèdent avec
activité. En attendant, et comme pour faire prendre
patience au public, l'éditeur Grandus donne en-|)rirne
aux abonnés de sa savante et spirituelle Gazette musi-
cale, tout un recueil do mélodies composées parl'illustre
auteur de liobevt-le- Diable.
Le Théâtre-Français étudie VAmitié des Femmes et
la Dernière Soubrette. M. Mazcres et M. Alfred de
Musset seront représentés presque en même temps. La
vieille et la jeune comédie se donneront ainsi la main.
11 est également question d'une pièce en trois actes, in-
titulée le Pamphlet, par M. Ernest Legouvé.
Les Italiens continuent leurs représentations sous la
direction de Ronconi. Ce n'est plus la même troupe,
disent quelques amateurs d'un ton chagrin.
— On ne s'en aperçoit guères en entendant Cene-
rentola.
— Ce n'est pas non plus le même public.
— C'est toujours du moins un public satisfait et en-
thousiaste. Regardez-le applaudir quand mademoiselle
Alboni a chanté.
Les déjeuners reviennent de mode comme sous
l'Empire. Le vice-président de la République a réuni
dimanche matin une cinquantaine de ses amis et leur a
servi des truffes. Il n'y avait qu'un seul ministre à ce
déjeuner.
Il j)araif que la truffe, aux yeux des gouvernants, a
conservé toute sa valeur politique. On donne à dîner
quelquefois. Mais les femmes se plaignent en général
que les ministres et les grands fonctionnaires donnent
peu à danser. Le président de la République devrait
donner l'exemple. Il attend sans doute l'arrivée de la
grande duchesse Stéphanie, son Égérie badoise.
M. Berger soutient en attendant tout seul le poids de
la chorégraphie administrative. On annonce un nou-
veau bal lundi prochain à l'Hôtel de Ville.
Parlons, en finissant, d'un scandale auquel nous nous
associons de tout notre cœur; nous voulons parler de
l'impossibilité où, par suite de l'attitude des étudiants,
M. Lherminier s'est trouvé d'ouvrir son cours au col-
lège de France.
Ce n'est point la liberté de la chaire qu'on attaque
dans M. Lherminier , c'est le cynisme des apostasies.
C'est le démagogue passé du jour au lendemain dans le
camp de l'absolutisme, c'est le professeur faisant acheter
son silence au prix d'une place au conseil d'État, c'est
l'immoralité politique, que la jeunesse ne veut pas
écouter. Les consciences se révoltent, tant mieux ! nous
serons toujours mêlés à ces émeutes-là.
478
REVUE COMIQUE
LE DUC DE BORHEAl X ET SA lAMII.LE
A FHU ENr^nnUlK, PRÈS VIENNE.
IK1A1L5 ClRIEllX ET AlTHKNTIQl ES BËtUEILlIS SMl PLACE.
Nous croyons qu'au luoimnit où les espérances du
parti iégitiniiste semblent renaître, on lira avec intérêt
les curieux détails que contient la note suivante, qui
nous est comnniniquce par une personne que nous sa-
vons bien informée.
Ces détails, recueillis sur place par Tauteur même de
cette note, portent avec eux un caractère de vérité qui leur
donne une valeur réelle. C'est poiu- ne point leur ôter
ce caractère, que nous laissons à cette note, qui n'avait
point été destinée à la publicité, ses redites et ses in-
corrections, en nous contentant d'eu retrancher quel-
ques passages tro]) intimes. Que les gens de bonne foi
qui pensent qu'une nouvelle révolution nieltrait un
terme à nos maux se demandent si ce remède souve-
rain peut nous venir de l'homme et des gens que nous
montre ce qui suit.
L'auteur de celte note, étranger à la France, tou-
riste et non homme politique, est d'ailleurs dans des
conditions complètes d'imparlialité.
NOTE CONFIDENTIELLE.
<c Le duc de Bordeaux habite le château de Fronshorff, à
deux lieux de Vienne-Neustadt, 6 raille allemands de Vienne.
— Ce château est situé dans un pays boisé et accidenté, et le
prince s'y livre aux plaisirs de la chasse qui abonde dans la
contrée.
Le duc de Bordeaux, à 28 ans, étant né le 2!1 novembre
4820. — Il boîte légèrement par suite de l'accident qu'il a
éprouvé à Kirchleng. — Sa taille 5 pieds 1 pouce. — Figure
bourbonienne, gros et ventiu. — Petites moustaches blondes,
barbe légère. — Teint coloré.
« Le prince est traité de majesté par les gens qui l'entourent.
Chaque matin il entend la messe dans la chapelle du château.
Le service divin est dit par l'abbé Trabnquel. Après la
messe, (quand il fait beau) il oliasse jusqu'à midi heure du
déjeuner, après lequel on lui apporte les journaux français et
les lettres de Paris. — Celte lecture faile en comité le conduit
jusqu'au dîner. Le soir on joue le whist dans les apparte-
ments.
ÉnUCATION.
« Le duc de Bordeaux a été confié dans sa première en-
fance et au sortir des mains des femmes, à M. de B.irante; ce
dernier a suivi son éducation jus(|u'eH 1850. — Il fut alors
confié à M. de Blaras, puis à M. de Lcvi, vieux gentilhomme
encroûté et iuilm de préjugés...
o .... Mais M. l'abbé Trebwiuet, vendéen et comjiromis dans
les affaires de 1832, créature de la ihirhesse de Derry, fut
placé près du prince pour diriger sa conscience et son éduca-
tion. — PHTsiONOMiE DE CE PRÊTRE. — Jésuite renforcé, ayant
iuculqué à son élève toutes ses antlilpalbies contre les idées
nouvelles. — En somme, le prince a reçu une direction poli-
tique, morale cl religieuse, qui serait mieux en harmonie avec
les cloîtres du 15' siècle qu'avec les principes de la société mo-
,lpi.|,o. — Tout, du reste, dans la petite cour de Fionshor/f,
prirlc l'empreinte des usages du passé. — Malgré la médiocrité
de la siUiation, on y voit revivre dans ses plus ridicules détails
l'étiipictle minulicuse de la cour de Charles dix. »
RELATIONS DE FAMILLE.
« La duchesse de Berry, devenue énorme, ayant 4 enfantsdu
comté de Lucbczv. — Elle vil aU château de Brunvie, à (>
lieux de Gralz. — Les relations du prince avec sa mère sont
purement poliliques. — Il ne peut lui pardoruicr le frère
qu'elle lui a donné en Vendée...
« .... La duchesse â'Anf/onléine, éniiucniment religieuse,
entretient cette animosité. — La femme du prince â 2 ans de
plus que lui (50 ans). Grande, tnaigre, laide, — ligure dure,
annouç.int un caractère ac.iriatre, et, d'après ce que j'ai pu
voir, dominant son mari. — Assez instruite, du reste, et de
hautes manières. — Dans cette cour en minialure, la cama-
rilla se groupe autour d'elle cl non autour du dite, donl on
apprécie la profonde nullité.»
FORTUNE Dr PRINCE.
. oflO mille francs de renies léguées par ChùHes dix; à la
mort de la duchesse d'Angoulème, sa tante, il hérilero de 500
mille francs de rente de plus. »
ENTOURAGE.
<( Le duc de Levi, viellard, 400,000 livres de rentes, pré-
fère l'exil et une sorte de domesticité de cour à l'indépen-
dance dans sa pairie , pour dominer, surveiller, entourer ce
prince sans valeur morale ni intellectuelle, espèce de Charles
quatre d'Espagne, M. de Levi a accepté celte situation. — -Sa
femme, dit-on, a donné au prince ses premières leçons. Per-
sonne n'est admis près du duc sans s'être adressé à M. de Levi.
« M. de Montbel, ancien ministre de Charles dix^ signataire
des ordonnances, homme d'esprit; il avait eu l'inlcntion de
diri'nr l'éducation du prince dans des voies plus libérales,
mais, homme faible sans fortune, n'ayant aucun ascendant, il
a dû faire le sacrifice de sa manière de voir aux exsigeances
de M. de Levi. — Il vient de se marier en 5""= noces il y a
deux ans. Il a une nombreuse famille.
« M. de Nicolaï, gendre de M. de Levi , M. de Blacas et sa
femme, M. de Menti, M. d'Oguerly, rCprésenlénl à la petite
cour de FrolishorlV le parti des exagérés qui voulaient, avec la
duchesse de Berri, une restauralion à main armée. — Le duc
de Lcvi, par une manie singulière de dominer son élève, mo-
dère ses impatiences et le retient toiijiurs en tiitolle. — t'oMc
Trebuquet, déjà cité, personnage dangereix, l'âme damnée de
la duchesse d'Angoulème, exerçant un empire absolu sur le
prince. — Le duc de Bordeaux est glouton comme était son
père... — Le personnel du château, 23 domestiques.
(c La petite cour de Fronshaff, qui .nail perdu tout espoir
naguère, renaît sous l'influence des ciiconslances, et se dis-
tribue déjà en espérance les ministères et les places de ta fu-
ture restauration. »
A L'USA(;i; i>i;s (;i;.ns skuikux.
no
Les légitimistes ont de tout temps pratiqué la politique sentimentale,
faute d'autre; ils ont toujours la larme à l'œil et des anniversaires tou-
chants ou lugubres à célébrer : c'est le parti par excellence des couplets
de noce, baptêmes et enterrements.
Tantôt c'est un prince qui naît et tantôt une princesse qui se marie;
les douairières du faubourg Saint-Germain brodent de leurs mains le
voile nuptial et le trempent de larmes; il est déjà question de la layette :
tiempons-la aussi de larmes fidèles; puis revient l'anniversaire de la
naissance et du mariage : on pleure de nouveau , et
avant que les mouchoirs soient rentrés dans la poche,
il faut encore payer un humide tribut à un anniversaire
de mort : — Fils de saint Louis, montez au ciel! On
célèbre encore dans quelques hôtels bien pensants l'an-
niversaire du mariage d'Henri IV.
Ce parti de nourrices larmoyantes a eu enfin le bon-
heur de voir une Restauration en effigie : le comte de
Chambord est rentre dans sa bonne ville de Paris, avec
la comtesse sa femme, roulés tous les deux dans une
Dessiné par Nadard.
Gravé par Bavlant.
180
REVUE COMIQUE.
toile de quatre pieds carrés. Les originaux sont restés,
il est vrai, à Corilz ou à Vienne, mais les porlrails ont
franclii la frontière; ils sont en France, à Paris; on
leur a trouvé un Louvre dans l'atelier d'un peintre
quelconque. Ah ! c'est là jouer un bon tour à la Ré-
publique !
Kntrez, nobles seigneurs et no])les dames! le voilà,
c'est bien lui, l'enfant du miracle, un peu grassouillet,
il est vrai, la lèvre autrichienne, c'est-à-dire pendante,
l'œil éteint et digne de la lèvre, le nez classique de sa
race, un nez comme on n'en a vu qu'à Louis XVI II et
àPohcliiuelle. Quant à madame de Chamburd, taisons-
nous; elle est brune, dit-on; mais qu'importe? Nous
ne vous connaissons point, belle étrangère; et vrai-
ment, si c'était une raison pour être reine que d'être
femme et brune, où en serions-nous? Il y a, rien
qu'en Italie, six millions de brunes au moins.
Entrez donc! on fait queue à l'atelier, depuis dix
heures du matin jusqu'à quatre heures du soir. C'est
un Louvre un peu triste qu'un atelier au quatrième
étage ; mais on a les Louvres que l'on peut, dans ce
temps de République. Espérons mieux pour l'avenir ;
à force d'attendrissement, de larmes et d'anniversaires,
il faudra bien, à moins que le diable s'en mêle, qu'une
bonne Restauration en chair et en os succède à cette
Restauration en peinture. Déjà des confréries s'orga-
nisent en l'honneur du trône et de l'autel ; un mor-
ceau de la vraie culotte de M. de Genoude court la pro-
vince, et recueille partout les hommages des fidèles.
On dit même que cette relique fait des miracles ; es-
pérons tout de la confrérie religieuse et politique de la
vraie culotte.
En attendant, le roi et la reine légitimes trônent sur
un chevalet, en faced'un poëleoùbrùle un feu de charbon
de terre, et entourés de bustes, de torses, de pipes tur-
ques et de moulures. Et ce qu'il y a de vraiment beau,
de vraiment grand, c'est que cette royauté de bric à
brac a nue cour et des grands dignitaires. Autour du
portrait de M. de Chambord se tiennent debout les
écuyers, les grands-veneurs, les chambellans et même
aussi, dit-on, un aumônier. Madame de Chambord a,
comme il convient, ses dames d'honneur. Tout cela lé-
gitime, archi-légitime et d'un chevaleresque à faire
pâlir Rayard.
Mais voici le délilé qui commence. Vous entendez de
l'atelier les sanglots des douairières fidèles qui mon-
tent l'escalier, suivies de grands laquais portant les pe-
tits chiens sur le bras. — Par ici, madame, par ici ! —
Grand Dieu! le voilà, c'est lui, je le reconnais! Ma-
dame se jette à genoux devant un buste-charge de Mu-
sard, qu'elle appelle fils de saint Louis , enfant du
miracle, Henri IV -|- I.. C'est un des tours de force du
parti d'avoir trouvé Henri IV -f- 1 pour dire Henri V.
Madame ose baiser an front Musard lils de saint Louis;
mais un des chambellans la prend par la main et la pré-
sente au portrait. 0 vue, ô moment! ô bonheur! C'en
est fait, madame de Folle-Mèche tombe évanouie, mais
le cas est prévu, il y a des sels dans l'atelier.
Puis viennent de petits vieillards ratatinés avec des
queues en salsifis.
Mais qu'est-ce que cela peut faire à laRépublique, ces
queues en salsilis, ces évanouissements de madame de
Folle-Mèche, et cette légitimité à l'huile? La République
se moque môme du morceau delà vraie culotte de M. de
Genoude; elle tient les Tuileries, elle tient le Louvre,
elle peut bien laisser s'établir une cour de garçon dans
un atelier au quatrième. Il y a pourtant des gens qui
s'en inquiètent; c'est -comme si l'on avait peur du
culte des archéologues pour la statue de Sésostris du
Musée égyptien. M. de Chambord descend en droite
ligne d'Aménophis IV -f- I qui avait succédé à Amé-
nophis IV. Je propose à la République de fonder à la
Ribliothèque nationale un cours d'archéologie légi-
timiste.
Qualfe ans de Boula;/!!! (Bon mot dj M. U.ipMi.j
A l/USACK DES (lENS SEIIIKUX.
IKI
Festin donné par M. de Palloux au ministère de ITnstruction publique.
RÉAPPARITION DU PÈRE BUGEAUD
A LA TRIBU.NE DE l'aSSEMBLÉE NATIONALE, LE 24 JANVIER.
— C'est moi, me voici ; reconnaissez-vous le vieux
guerrier?
J'étais donc là-bas, à Excideuil, à passer la revue
(le nos bêtes à laine, sauf votre respect, quand voilà
Mail' Pierre qui s'avance : — Bonjour, mon empéreu,
qu'y m'dit. — Bonjour, Maît' Pierre, que je lui ré-
ponds. Qu'y a-t-il pour vot' service? — Il y a, mon
empéreu, que je n'étions pas content de r.\ssemblée
nationale. — Ni moi, que je lui dis. — Comme ça se
rencontre tout d' même ! Alors faut la renvoyer. —
Tope-là, Mait' Pierre. — Justement j'avions là un
petit morceau de papier que j'avons fait signer par
not' femme et par not' petit gardeus de dindons et
quequ's amis; sans vous commander, une pétition,
quoi ! — Une pétition ! bien, jarni ! Je me chargeons
de la remettre moi-même.
Celte pétition, la voilà. C'est l'expression fidèle des
vœnx de Mait' Pierre.
En vous rapportant littéralement ma conversation
avec lui, j'ai voulu vous donner une idée des mœurs
de cet homme des champs.
Homme des champs moi-même, vétéran de la lu-
zerne et du colza, j'étais plus que tout autre en état
d'exprimer à celte tribune les vœux que les naïfs habi-
tants des campagnes ne cessent d'adresser au ciel pour
votre dissolution. Si la Chambre voulait bien le per-
mettre, je lirais leur pétition; mais il faudrait que
cette lecture se fit au son de la musette et du tam-
bourin, sous le vieil ormeau.
Parmi les signataires, outre Mait' Pierre et son gar-
deux de dindons, il se trouve quelques Faunes et même
des Egypans en chapeaux de paille.
182
REVUE COMIQUE
Vous me rendrez cette justice, que j'apparais ici en
véritable Alcinoiis, la houlette à la main, et seulement
armé de nos pipeaux rusliques. Stapendant, si l'As-
semblée montrait quelque récalcitrance à satisfaire au
vœu de Maît' Pierre et de son gardeux de dindons, on
retrouverait tout à coup en moi le guerrier célèbre,
le torrent, l'ouragan, la trombe de feu. [Applaudisse-
ments à droite.)
Voilà donc le père Bugeaud de retour.
On Ta trouvé fort peu cbangé depuis février. Il nous
est seulement revenu avec un accent périgourdin en-
core plus prononcé qu'autrefois, ce qui tient sans
doute à ses entretiens journaliers avec maît' Pierre.
Outre l'accent, il a rapporté du Périgord quelques lo-
cutions qu'on ne lui connaissait pas jadis. Ainsi, sous
la monarchie, il disait cependant au lieu de stapen-
dant, mais il faut liien faire des concessions à la Répu-
blique.
Heureuse République! Elle a eu pourtant le bonheur
de compter pendant quelques jours M. Bugeaud au
nombre de ses meilleurs amis. On se souvient encore de
sa lettre au Gouvernement provisoire, lellrc écrite pro-
bablement à l'insu de maîf Pierre qui ne l'aurait pas
tolérée, non plus que son petit gardeur de dindons,
élevés tous deux dans les bons principes et partisans de
M. Thiers.
Une lidélité de quelques mois à la République, c'est
])eaucoup, morgue 1 pour un homme comme le père
Bugeaud qui la déteste; mais alors il n'était pas néces-
saire qu'il lui offrît son bras, son cœur et sa Durandal.
Le père Bugeaud, qui n'a pas su combattre la Répu-
blique le 2.1 février, trouve plus commode de venir l'at-
taquer aujourd'hui à la tribune avec la pétition de
niait' Pierre, et l'appui chaleureux de M. Béchard le
légitimiste qui applaudit sans doute, dans la personne
de M. Bugeaud, l'ancien sage-homme de Blaye.
Enfin, p\iisque le voilà revenu , puis?e-t-il monter
souvent pour y donner de ces représentations bouffonnes
auxquelles il nous avait habitués sous la monarchie.
Nous verrons reparaître le discours en équerre et les
discussions carrées ; car si le père Bugeaud a renié son
ancien maître le lendemain de la révolution, et s'il
renie aujourd'hui la République, il faut espérer du
moins qu'il sera resté fidèle au groteKjue.
J
Ma foi, tant pis! ils diront ce qu'ils voudront, je vais toujours examiner le dossier .. de
mon fauteuil... Ça n'a pas l'air bien solide, mais ça pourra le devenir.
A L'USAC.E nr.S r.KNS SftUIKUX.
185
M. i.iii;itMiMi:i!.
M. I.lii'riiiinu'i', i|{ii iiMiit j'i'iKiMcr' à l'aiio suti ciiiiis
sous la Miuiuiicliit', u l'ii la siiigdlic'ic iilcc do tciilcr (l(:
lo ii'|)ic'iiilrc sous la lU'puliliqiio.
M. l.iuM'iiiinioi', nous le (Usons |iiiiii' cimix (|iii l'au-
niioiit oulilii', a t'li5 un Iribuii di' la plus daiigoii'use
ospùoe. — Nous l'avons oiiUmuIu, inlindii de nos pi'o-
pii's oreilles, cvaltei- Aliliaud en pleine chaire à la Soi'-
lionne, et dire à des enfants (nous étions de ces en-
fants), qu'il comprenait tout ce qu'avait de grand un
pareil forfait. — l'n gouvernement fort, ou seulement
lionnèlo, eût fermé la cliaire de M. Mierrninier ; le
gonvernemcnt de Louis-rliili(i|)e crut faire mieux:
— il aclieta M. I.lierniinicL'.
ICst-ceà dire que M. I.liermuiier conscnlit à se taire?
— Non ; il lit |)lns : il entreprit de se donner à lui-
même le plus outrageant do tous les démentis, et, avec
une impudeur que la Bébuls, organe principal de ses
nouveaux amis, ne purent s"cm[)èclier de lléirir , il
prêchait le lendemain le contraire do ce qu'il a\ail piê-
clié la veille.
La jeunesse des écoles, indignée, fit justice de cctle
palinodie. — M. Lherminier, chassé à plnsieui's repri-
ses de son cours, dut subir cette tcirihie leçon.
Aujourd'hui, M. Lherminier, fort d'un arrêt de l'As-
semblée nationale, qui certes ne ^lensail pas à lui en
rouvrant les chaires du collège de France, M. Lhermi-
nier reparait, M. Barthélémy Saint-llilaire l'assiste
dans celle douteuse entreprise; tons deux ccliouent;
iM. liiirtliclcmj Saiiit-llilaiic y comproriud son patro-
nage, la jeunesse des écoles lésiste, comme par le
passé, et qMel(|nes journaux s'écrient : « Lsl-tc ainsi
ipi'on entend la liberté de renseignement'.' »
(Jne ne demandent-ils plutôt à M. de rallouv m
c'est ainsi qu'il entend, non pas la liberté, mais l'Iioii-
nenr de l'enseigneinenl, riionnenr, plus précieux en-
core sans doute (pie la libeit(;'.'
Que i\L Lherminier ouvre un cours à se^ frais cl
non à ceux de l'IUat ; que là, dans une salle où il par-
lera en son nom, rien (ju'en son nom, il se fasse le public
(pii lui convient et auquel il [lent convenir, si un jiareil
public est possible, nous le voulons bien. Voilà ce que
M. Lherminier est libre d'essayer, si bon lui semble.
Mais qu'un gouvernement ait songé à forcer une
jeunesse républicaine ou non, une jeunesse loyale et
lionnèle à aller entendre des préceptes de philosopiiie
et d'histoire sorlifde la bouche de riiomme qui a ef-
frontément renié dans un vil intérêt tout son passé en
un instant, voilà ce qui n'est pas soutenable ; voilà cequi
est absurde; voilà ce qui n'aurait jamais dû être essayé.
Où M. Guizol a eu la pudeur de céder, M. de Fal-
loux comprendra que son devoir est de ne pas insister;
il sentira que la leçon donnée à M. Lherminier cette
semaine est de colles qu'un gouvernement honnête peut
tolérer, et que cet enseignement, pour tout dire, en
vaut un autre, si ce n'est par son droit, au moins par
sa moral itp.
LES VOTES DU 10 DÉCEMBRE. «
Prentz garde, ir.es bons messieurs, si la corde cassait!
iSï
REVUK COMIQUK.
LES JOURNAUX QUI NE PARAISSENT PAS.
Il y a, comme on sait, les journaux qui paraissent
peu, les journaux qui ne paraissent guère, et les jour-
naux qui ne paraissent pas.
Il n'est pas aisé de comprendre la spéculation de
ces derniers.
Le journal qui ne parait pas n'existe souvent que
par un titre déposé à la direction de la lil)rairie pour
déconcerter d'avance les contrefacteurs. Il en est de
célèbres. Le Soleil, par exemple, qui n'a jamais lin
pour personne, le Pi-ogrcs, VOpinion et tant d'au-
tres... On en connaît qui ont changé plusieurs fois de
couleur sans avoir jamais paru.
Et parmi les petits journaux, qui n'a conservé le
souvenir de la Casquette de Loutre? C'était même, ou
du moins cela aurait pu être, un journal quotidien
orné de lithographies à l'instar du Charivari. Cette
feuille fut au moment de paraître à l'époque du ma-
riage de la reine d'Angleterre. Un de ses rédacteurs
avait été invité aux fêtes et cérémonies de la cour. Il
ne put y assister faute de chapeau.
Le Pays a été longtemps au nombre des journaux
susdits. Il fut tour à tour libéral, conservateur, répu-
blicain, bonapartiste, selon les exigences probables
d'un cautionnement fugitif. Il vient enfin d'échapper
aux limbes de la publicité. Le voilà digne de figurer
dans le catalogue de Deschiens, ne dût-il durer que
cinq jours, comme feu le Monde, qui ne put même ac-
complir la durée de la Genèse. Son créateur s'élait re-
posé le sixième jour.
Le sort de la Lanteiiie fut encore j)lus éphémère.
Sa lumière fut, mais ne brilla qu'un soir; le Lampion
l'absorba dans sa vive clarté. La Lanterne était d'un
autre siècle. Le Lampion lui-même s'éteignit aux fa-
tales journées de juin. Mais tout cela n'est pas encore
le journal qui ne paraît pas.
Car un journal qui n'a point encore paru n'est pas,
à proprement parler, un journal.
Celui qui n'a paru qu'une fois serait même à peine
digne de ce titre : journal.
A ce propos, ne poiirrait-ou pas citer cet illustre
numéro du Conslitiilinnnel, sosie du journal de ce nom,
(Hii paiiit un matin seulement, il y a une quinzaine
d'années. La rédaction s'était divisée; il y avait doute
alors sur la question de propriété. Deux Constilittion-
?ie/« pareils d'aspect, mais différents d'idées , se pro-
duisirent à la fois dans les cafés. Paris ge réveilla avec
la stui)éfaclion qu'il aurait à voir se lever deux soleils.
Il existe aussi dans les collections un certain nombre
de faux Débats, voici pourquoi. Un grand seigneur de
l'ancien régime, vivant au fond d'une province, ne
pouvait se figurer que les Bourbons eussent été chas-
sés du trône. Pour flatter sa manie et lui conserver
une illusion d'où dépendait sa sauté, sa femme eut
ridée de faire imprimer... un Journal des Débats de
fantaisie, que rédigeait le précepteur de la famille.
Quelle belle histoire de France on pourrait rédiger
d'après ce curieux journal !
Arrivons à la spéculation la plus hardie dont les
lettres aient conservé le souvenir.
Il faut savoir qu'il existe de braves collectionneurs
hollandais qui récoltent aujourd'hui des journaux à
défaut de tulipes. Une bibliothèque de journaux de
l'ancienne république est, pour les curieux, d'un prix
inestimable. On espère autant de la nouvelle. Mais,
comme on sait, un seul journal qui manque dans une
collection lui ôte beaucoup de sa valeur. On a donc
imaginé défaire tirer un exemplaire unique d'un jour-
nal portant un titre quelconque, qui non seulement
n'aura pas de lendemain, mais qui même ne sera pas
mis en vente. Il se trouve des curieux qui offrent 2 ou
5,000 francs de ce numéro introuvable, dont le titre
ne se révèle au public que par le bulletin de la li-
brairie.
Nous croyons devoir trahir celte industrie nouvelle,
qui serait fort innocente sans doute, si le numéro uni-
que ne se multipliait selon le nombre ou la bonhomie
des collectionneurs.
Il importe que la presse soit enfin moralisée !
La démocratie a eu ses sociétés secrètes, la réaction
veut à son tour avoir les siennes. Si nous sommes bien
informés, une association clandestine s'est constituée,
à la fin de 1848, sous le titre significatif de Club des
répuhlicophnbes. L'une de ses premières décisions a été
celle-ci :
0 Considérant que notre but est de nuire à la Ré-
publique, et de l'attaquer par tous les moyens imagi-
nables; — Considérant que l'un des meilleurs est de
mettre obstacle à l'activité du commerce et à la circu-
lation des capitaux; — Considérant qu'il importe
d'inculquer à nos enfants des opinions anti-répuhli-
LES RÉPUBLICOPHOBES.
caines, et de leur présenter le nouveau régime comme
la source de toutes sortes de calamités;
« Avons décrété et décrétons ce qui suit :
« Les" membres du club s'abstiendront de toutes dé-
penses qui ne seront pas purement jiersonnelles. »
« Ainsi: Plus de cadeaux à nos maîtresses, encore
moins à nos femmes; plus de bonbons à nos enfants,
plus de spectacles, plus de fêtes, plus de concerts, plus
de grands dîners, plus de pourboires aux cochers, plus
de pourboires aux garçons, plus de cigarres, plus d'au-
mônes, plus de payements à nos fournisseurs, etc., etc.»
f^''
. - •*' "^
^Ê
^^'-
^ "^^ à
^mP^
#^
•'-aV I
^,. ■
'';i. . m
--.
I^
i L'enseigoement que je lire de cette nomination, c'est l'invitation de contribuer de toutes
mes forces à raffermissement de la République; je le ferai avec probité, a»ec loyauté,
avec constance, et, s'il le faut, avec quelque énergie. «
De&siné par Otto.
Gravé par Bai LANT.
186
REVUE COMIQUE.
CHOSES QUELCONQUES.
Le National ajinl son iiiari|iii?, le Journal des Dé-
bats devait avoir le sien. — M. le marquis Marrast
vient de donner naissance à M. le marquis Saint-Marc
Girardin. — Lequel de ces deux marquis est le plus
spirituel, lequel est le plus impertinent, lequel est le
plus marquis, pour tout dire? Est-ce le président de
l'Assemblée nationale ou l'auteur de la théorie déve-
loppée par les Débats, sur les gens de peu et les gens
de qiietf/iie chose? — Ombre du président Séguier, ré-
pondez-nous; racontez-nous ce que vous savez sur la
noblesse de celui que vous appeliez Marc Girardin;
et si M. Marc Girardin le désire, nous établirons ses
droits à la geutiUionnncrie.
— « Cela ne nous regarde pas, » dit le Journal
des Débats. Cela veut-il dire que vous n'avez aucun
souci à avoir de ce qui se passe du moment où vous
n'êtes plus le journal du gouvernement, et que la
patrie peut périr sans que vous ayez à vous en émou-
voir? — Si c'est cela, allez-vous-en, émigrez, — M. le
marquis, — ou tout au moins taisez-vous.
— Le journal des Débats avait été parfait de ton,
de mesure et de bon goût, depuis bientôt un an, dans
une position difficile et délicate. Il a renoncé tout à
coup à ce beau rôle. A qui la faute? N'est-il pas tou-
jours trop tôt pour cesser d'être sensé, honorable, et
d'avoir raison à force de raison ?
LE JOURNAL DES DEBATS.
Je n'ai pas fait la République, dit en se frottant les
mains d'un air un peu plus dégagé que sa situation
personnelle, que la situation du pays ne le comporte,
le Journal des Débats. Pardon. Qui .donc l'a faite, non
pas après, mais avant les républicains, si ce n'est vous,
cette république dont vous vous séparez si lestement ù
cette heure, et dont les conséquences pèseraient encore
justement sur vous, alors même que vous viendriez à
bout de la vaincre. De quoi se composent les éléments
d'une révolution, si ce n'est des fautes qui l'ont ame-
née? Ces fautes, qui les a faites? Est-ce/e Nationalou
le Journal des Débats? —M. Guizot, homme de quel-
que chose, ou M. de Lamartine, homme de peu, le
glorieux M. Duchàtcl ou le pauvre M. Dufaurc, l'il-
lustre M. Trezel ou l'inconnu qu'on nomme le général
Cavaignac, les hommes de Louis-l'hilippe, enfin, ces
hommes de quelque chose, ou les hommes de la Répu-
blique, ces gens de rien, comme vous dites?
Vous en parlez trop à votre aise , à dix mois
de distance. Vous vous sentiez la conscience moins
libre; vous vous sentiez plus coupables, peul-èlre,
moins innocents, si vous le préférez, le 25 février!
Vous frulliez-vous les mains, ce jour-là? Auriez-
vous osé vous les laver, vos mains, de ce sang ré-
pandu? Non. Vous vous conduisiez décemment, je di-
rais humblement, s'il ne valait mieux vous reprendre
que vous blesser ; vous reconnaissiez vos torts ; et, de-
vant tous ces désastres amenés par vous, vous sembliez
comprendre que les coupables ce n'étaient pas les vain-
queurs, que vous aviez forcés, réduits à vaincre.
Vos fautes, celte république pouvait vous en de-
mander compte ; l'a-t-elle fait? Non. Elle a été clé-
mente, et vous ne le seriez pas pour elle ; et là où elle
a été magnanime avec vous, vous ne seriez ni indul-
gents, ni même polis ! Hélas ! vous êtes incorrigibles!
Heureusement que la République le sera aussi, et
qu'en dépit de vos efforts pour la pousser à des violen-
ces, elle gardera ce défaut politique, la clémence, dont
vous essayeriez en vain de la faire repentir.
— Jamais temps n'a été plus fécond en phénomènes.
Quelques braves gens croient que le nombre des répu-
blicains diminue : erreur ! Le nombre au contraire en
augmente tous les jours. La République s'enrichit in-
cessamment non-seulement d'individus nouveaux ,
mais d'espèces tout entières, jusque-là inconnues.
Nous avions les républicains rouges, les républicains
modérés, les républicains encore plus modérés qu'on
pourrait appeler les républicains gris-perle, les réjui-
blicains socialistes, soit de la veille soit du lendemain,
puis enfin les républicains bonapartistes.
Nous avons aujourd'hui les républicains impéria-
listes, les républicains régentisles, les républicains lé-
gitimistes et les républicains monarchistes rouges, c'est-
à-dire CCS joueurs intrépides qui prendraient un roi
quelconque dans un jeu de cartes plutôt que de s'en
|)asser.
La République n'est pas si malade, si elle ne doit
mourir que quand ses ennemis seront d'accord.
— Dans la discussion relative à la fixation des ap-
pointements du vice-président de la Rébublique, cha-
cun donnait son chiffre et ses raisons à l'appui. Le
chillVe 18 l'emporta. — C'est un bon chiffre pour
un lioulay, dit M. le procureur-général Dupin,—
expert en calembours comme on sait.
AU «AL DE l'opÉHA.
J'étais samedi passé au bal de l'Opéra, j'eus l'hon-
neur d'y être pris pour un représentant du peuple. Je
A l/USAHR DES CENS SERIEUX.
187
dirai, pour expliinn'i' une inriiiise pour moi si glo-
rieuso, (]u'oii |)uuviiit cotiiptor environ trois cents de ces
lionoraliles dans le foyer, sans préjudice Lien entendu
de cenx(jui pouvaient se trouver dans des loges avec des
t'aux-noz, on dans la salle sous des costumes de pierrot,
d'aricipiiii, de Tujc et autres. « Sacrédié, nie dit un
des |)lus agaçants dominos de l'endroit, à qui je venais
d'offrir, sur sa demande, un bâton de sucre de ponime
de Rouen gros comme un biloii de maréchal, sacrédié,
ça serait pourtant dommage qu'on renvoie a leurs
femmes de province des amours de représentants
comme vous tous. Veux-tu que je monte sur une ban-
quette et que je le fasse signer par toutes les citoyen-
nes ici présentes une pétition, une fameuse, qui té-
moigne de vos vertus et fasse connaître au président
que vous êtes nécessaires à Parif. Parle, dis un mot, et
dans trois quarts d'heure tu as quinîo cents signaturos,
et des crânes, à rhettre sous le nez du petit |)ére Mar-
rasl. Ça va-l-il"? — Je promis à l'aimable masque qui
tint ce discours d'en parlera mes collègues à la première
réunion, et de lui porter au prochain bal leur réponse.
— Les voleurs punissent les transfuges. 1^ société
les récompense. — C'est un des grands malheurs des
rtWolulions d'offrir une prime aux apostasies.
— .Madame Sand, à qui un grand nombre de ses
admirateui's les plus passionnés avaient grand'p'eine
à ()ardoniu'r qu'elle eût oublié qu'elle était avant tout
un admirable poète pour se faire écrivain politique,
publie, dans le journal le Crédit, un roman qui lui
obtiendra sa gnke des réactionnaires les plus endurcis.
La petite Fadette renferme des trésors de poésie, de
simplicité et de candeur, et pas un mol de politique.
LE RETOUR DE -M. (.UIZOT.
Français, me voici parmi vous;
J"ai, pour cjimer voire courroux,
De l'exil subi le supplice.
Montrons-nous généreux et grands,
Eq oubliant nos diOérend-',
Que le passé
Soit un rêve elTacé;
Embrassons-nous, el que ça finisse.
Je puis sans danger, maintenant,
Paraître sur le continent.
Môme demander .du service.
Depuis que je fus exilé.
Un siècle entier s'est écoulé.
Que le passé
Soit un rêve effacé ;
Embrassoni-nous, et (pie ça finisse.
Mes bons électeurs de Lisieux,
Je reviens; essuyez vos yeux.
Qu'à la Chambre on me rétablisse.
Depuis longtemps votre cité
M'a promis sa docilité.
Que le passé
Soit un rêve efTacé;
Embrassons-nous, et que ça finisse.
kiK de ta ilarquin de Prelinlaille.
Les suppôts de la royauté
Reconquièrent l'autorité.
Au pouvoir chacun d'eux se glisse.
Dans un assez proche avenir.
Je crois que mon tour va venir.
Que le passé
Soit un rêve effacé;
Embrassons-ncus, et que ça finisse.
Barrot, que j'avais méconnu,
Au ministère est parvenu ;
11 s'y comporte en vrai novice.
De lui pourtant je suis ravi,
Car pas à pas il m'a suivi.
Que le passé
Soit un rêve effacé;
Embrassons-nous, et que ça finisse.'
Il restaure de bonnes lois;
Il réljblit dans leurs emplois
Les vitiux soldats de ma milice.
Il en a même réélu
Dont le r<ji n'aurait pas voulu.
Que le passé
Soit un rêve effacé;
Embrassons-nous, el que ça finisse.
Vraiment, à le voir diriger
L'intérieur et l'étranger,
On dirait qu'il est mon complice.
En cet homme qui m'insulta.
Je trouve mon duplicata.
Que le passé
Soit en rêve effacé;
Embrassons-nous, el que ça finisse.
Puisqu'il n'e t point de changement,
A rentrer au gi uvernement,
Il se peut que je réus-isse.
Barro!, Guizot, au cabinet,'
C'est bonnet blanc et blanc bonnet.
Que le passé
Soit en rêve effacé;
Embrassons-nous, el que ça finisse.
— Il le gardera..* — 11 ce le gardera pas! —
Celle adorable boule esl celle de Boulay,
Qui ne se moiicliepas dii pied.'conime on le pense.
Quand, [lour lui conférer la vice-yirésidence,
Dans la botle an ftru.ln chaque boule aboulail,
Boulay dil bravenienl (quoiqu'il ne soil pas nvge ) :
« Képublicain, nioibleu ! loul de bon l'esl Boula) 1
« Et si quel lue j"nr, le royalisle bouge,
« Il sera bel el bien par Boulay sîboulé! »
Desiiné par FaBritzius.,
Gravé par LEBLANC.
nmarvAnn ni!ii itai.ibni.
80 c'oiiHiiioii) la lIvrnlHon.
»ri! mcnp.i.iFc, K2.
iirions de la Conscription. — La Revue comioi'E formera un ma<rnifu]ue Tolumo, grand in-8, publié en 50 llvraifons à 30 centimes,
la poste, 40 cent. On souscrit pour 10 livraisons. Pour les départements, envoyer un mandat sur la poste à l'ordie du directeur de la
fUK. — Pour tout ce qui concerne la rédaction, écrire (franco) à M. Lirecï, au bureau de la Revue, % boulevard des Italiens.
OUMIirEHAT. ÉSITEVB, HUE nZCHEX.2EU, 52.
43» Livraison.
AVIS
AUX SOUSCRIPTEURS DE I.A REVUE COMIQUE.
Pour réi.o.ulre au désir exprimé par uu gran.l nombre de souscripteurs, qui trouvaient
fâcheux que. pour ne pas décomplétcr la collection des dessins parus jus.iu'à ce jour, ils pussent
être dans ^obli^ation de faire brocher ou relier les couvertures qui se reproduisent d'une laçon
uniforme loutes\>s seize pages, nous reporterons dans l'intérieur de la livraison le dessin que
nous donnions ordinairement sur le verso de nos couvertures. De celte façon, ce dessin ne se
trouvera plus perdu pour le volume complet, qui pourra être broché sans ce premier leudlet.
La pagination a été disposée pour que cette suppression puisse se faire sans inconvénient.
Toutefois, pour que cette nouvelle disposition n'enlève pas au volume complet les dix
grandes gravures publiées jusqu'à ce jour sur le verso des couvertures, nous donnerons, avec
la dernière livraison, ces dix gravures en supplément.
I e dernier feuillet de la couverture, formant la dernière et l'avant-ilernière pages de cliaque
livraison, devra être relié avec l'ouvrage complet dont il ne peut être détaché sans intervertir
l'ordre de la pagination.
Dessinateurs. Graveurs.
Nouvelle Tenue Didier. Baulant.
Joujoux d'uD Enfant terrible. Bertall. Midderigh.
Un sabre » Fabritzius. Baulant.
Le Satnmeil de M. Ma.rast Bertall. Midderigh.
lioute de Bourges Didit r.
Eaulant.
Les Araignées
Fresneau • • ■
Conclus on de la Semaine
Fau.her
Dessinateurs. Graveurs.
Nadard. Leblanc.
Fabritzius. Louis.
Ot. Bara.
Fabritzius. Baulant.
POOR PARAITBE DANS LES PROCHAINES LIVRAISONS :
AVENTURES ET MÉSAVENTURES
projets — déceptions — espérances — tciilalions — travestissements
liypocrysics — passe- passe — perfidies — gianilc ciilbule de
MOSIEU RÉAG
SlITE DE CARICATLUES PAIi NADAnO.
SOMMÂlUE DE LA TREIZIÈ.ME LIVRAISON.
La Semaine. - Un Sabre. - Le Sommeil de M. Marrast. - Les Arrestations. - Bndgel d'un Représentant. - Voyage en
Europe. — Choses Quelconques.
1>aril.-Tirrc au» presses mécaniques Je Lic«A»Pi. fils el r<..np., me Daroielle, î.
i>)'j
LA SEMAINE.
L'histoire de celte semaine se résume dans celle
d'une journée. Supprimez les grands événements de
lundi, que nous restera-t-il? un vaudeville de M. Ro-
zier aux Variétés, la reprise de la Fêle du village voisin
à rOpéra-comique, un bal chez le fameux colonel
Thom, qui reparait à l'horizon, il n'y aurait pas là de
quoi remplir deux colonnes.
Heureusement MM. Odilon Barrot et Léon Faucher
sont venus à notre secours. Les deux vaudevillistes po-
litiques ont rédigé, en collaboration avec le général
Changarnier, une petite conspiration qui décèle de
grandes facultés dramatiques, une entente des planches
et une science des ficelles qu'on ne se serait peut-être
pas attendu à trouver dans de si jeunes auteurs.
Voici en quelques mots l'analyse de cet ouvrage.
L'amour n'est pour rien dans la pièce de M. Odilon
Barrot, Léon Faucher, Changarnier et Clairville ; car,
pour ne rien cacher, nous devons dire que cet illustre
vaudevilliste a travaillé à la journée de lundi; c'est lui
qui a rédigé la fameuse proclamation finale où on dé-
clare au public qu'il faut en finir avec l'anarchie d'une
façon complète et irrévocable. Or, la donnée de la
pièce a cela de vraiment comique, que les principaux
personnages passent tout leur temps à chercher l'anar-
chie qu'ils ne peuvent trouver nulle part.
En renonçant à ce puissant moyen d'émouvoir les
cœurs, qui s'appelle l'amour , il faut convenir que
MM. Odilon Barrot, Léon Faucher, Changarnier et
Clairville ont fait preuve de beaucoup d'audace. Peut-
on dire que cette audace a été justifiée par le succès?
C'est au lecteur de répondre.
La scène s'ouvre par un roulement de tambours. Ou
bat jusqu'à dix-sept fois le rappel dans ma rue. A cha-
que fois un garde national se rend à ]'a|,pel. Cela fait
juste dix-sept gardes nationaux.
— Qu'ya-t-il, caporal?
— Demandez-le au sergent.
— Que se passe-t-il, sergent?
— Demandez-le au lieutenant.
— Qu'arrive-t-il, lieutenant?
— Demandez-le au capitaine.
— Que va-t-on faire, capitaine?
— bemandez-lc au commandant.
— De quoi s'agit-il, commandant?
— Allons le demander au colonel.
Les dix-sept hommes se mettent en marche pour la
mairie, et nous prenons le chemin de l'Assemblée na-
tionale où se discute la fameuse proposition Grévy.
L'enceinte de la représentation nationale est envi-
ronnée de troupes et de canons. En entrant, il nous
seiiible voir le fantôme du pompier du 1 5 mai traverser
la salle des Pas-Perdus. Ce n'est qu'un aide de camp
du général Changarnier.
Les représentants sont en émoi. Pourquoi ces troupes?
A quoi servent ces canons? M. Odilon Barrot monte à
la tribune, et il se met à réciter un de ces amphigouris
qui étaient autrefois le triomphe du vénérable Odry.
11 parle des éternels ennemis de l'ordre, de la garde
mobile, des Guelfes et des Gibelins, de la pureté de ses
intentions, des Capulets et des Montaigus, de la conspi-
ration des poudres, de la tyrannie des Seize, de la ma-
chine infernale, et enfin de l'irt d'élever des conspira-
tions et de s'en faire trois mille francs de revenu. Après
quoi Odry-Barrot se rend majestueusement à sa place.
11 faut maintenant que le président Marrast s'ex-
plique au sujet de l'appareil militaire qui entoure l'as-
190
REVUE COMIQUE
semblée. M. Marraslse lève de son fauteuil, et déclare
qu'en se réveillant et en se voyant ceint de baionnetles,
il a envoyé demander des explications au général C.lian-
çaruier, en le priant poliment de passer dans son ca-
liinet (style d'avoué).
Le général Cliaugai-nier a répondu non moins po-
liment (M. Cliaugarnier, après M. de Coaslin, est
l'homme le plus poli de France) qu'il avait autre chose
à faire, et qu'il ne pouvait se rendre à l'appel du pré-
sident Marrast, le(|uel a demandé pourquoi on avait
envoyé tous ces soldats sans le prévenir.
— Ah! monsieur, a répliqué M. Changarnier, pour
qui me prenez-vous? Troubler votre sommeil, le som-
meil d'un président; je suis incapalile d'une telle m-
convenance.
L'Assemblée ari de dédain en entendent M. Marrast
annoncer qu'on n'avait point voulu troubler son som-
meil. Les amis du président prétendent qu'en pronon-
çant ces paroles, il avait eu l'intention de faire de
l'ironie. 11 ne s'agissait que de dignité.
Il est résulté de toutes ces explications que le pré-
sident de r.\sseml)lée nationale n'avait point demandé
à être entouré d'un camp; mais que les troupes étant
là, il fallait ies placer sous le commandement du gé-
néral Lebreton, questeur de l'Assemblée. C'est ce qui
a été fait. Peut-être eùl-il mieux valu renvoyer ces
troupes et déclarer qu'on n'avait rien à redouter du
peuple de Paris : ce qui était vrai.
^ous avons remarqué que toutes ces explications ont
été prononcées par M. Marrast avec un accent légère-
ment gascon, qui réparait toujours chez lui au mo-
ment des grandes crises.
La proposition Grévy a été rejetée. Il faut convenir
que personne ne s'attendait à ce dénoùment. L'admi-
rable discours de M. Jules Favre avait réduit à want
les arguments de ses adversaires et pulvérisé le minis-
tère. Nous nous servons à dessein de ces expressions
qui ont le malheur d'être consacrées. L'orateur, et ce
n'est point ici un mot de courtoisie, a obtenu un des
plus beaux triomphes dont la tribune républicaine ait
été le témoin, et, après l'émotion universelle produite
par ce discours, nous en sommes encore à comprendre
le résultat qui l'a suivi. Les uns l'attribuent à nu mal-
entendu, d'autres à la lassitude de beaucoup de repré-
sentants, d'autres à la pression des moyens dramati-
ques employés par MM. Odilon lîarrot, Léon Faucher,
Changarnier et Clairville.
Onze voix de majorité, voilà tout ce que le minis-
tère a obtenu dans une question pareille et après de
lels efforts. Les indécis, les républicains de nuance ont
de bien graves reproches à se faire. C'est le parti Pa-
gnerre qui a décidé le vote en faveurde la réaction. Nous
avons décidément un parti Pagnerre. O mon pays!...
Pour célébrer une victoire que l'éloquente indigna-
lion de Cuinard devait lui faire expiei' le lendemain,
M. Léon Faucher s'est donné le plaisir de faire arrê-
ter le brave colonel de la sixième légion. Forestier, les
membres de la Solidarité républicaine, M. D'Alton-
Sbée, sans compter tous ceux dont nous ne savons pas
les noms. M. Léon Faucher tient à épuiser toutes les
|ouissances du pouvoir.
Une demande d'enquête sur ces événements sombres
et formiilables, comme dirait M. Hugo, est déposée à
l'Assemblée nationale et suit la iilière des bureaux.
Nous saurons enhii peut-être de quel danger la société
était menacée, et pourquoi, dans ce péril pressant, on
n'a convoqué que deux ou trois légions de la garde
nationale, laissant les autres se livrer à leurs affaires
respectives, y compris l'artillerie, qui a cru devoir se
réunir poyr voler au secours de M. Léon Faucher.
Cette journée nous a du moins valu l'avantage d'a-
percevoir notre président à cheval dans la rue de la
Paix, et de le saluer comme tous les citoyens présents
sur son passage aux cris de Vive la République! à bas
le ministère! .M. Louis Bonaparte portait son costume
de Jeune officier de l'ancien opéra-comique.
Lundi matin, MM. Clément Thomas et de Coétlogon,
la Uépublique et lalégitimité, échangeaient nu loyal coup
d'épéeau bois de Boulogne; lesoir, M. Thiers .serrait sur
son sein le jeune Faucher, et lui disait jnrWe cmimo, gene-
rose puer, persévère dans la grande tradition polilupie,
le sac de Scapin estje vrai manteau du pouvoir. On ne fait
quelque chose que par l'intrigue et la haute comédie.
Que signitie ce quelque chose de M. Thiers. Nous le
saurons peut-être plus tard. En attendant, nous en
sommes encore à répéter ce mot qui était hindi der-
nier dans toutes les bouches. Qui trompe-ton ici?
On pourrait bien dire : Qui se trompe? car nous
croyons que MM. Odilon Barrot , Léon Faucher,
Changarnier et Clairville sont dans l'erreur s'ils comp-
tent sur le succès de leur ouvrage. L'intrigue est per-
cée à jour, ils tomberont sous les sifllets.
Une nouvelle tenue.
LES JOUJULX D LN ENFAXT TERRIBLE.
Dessiné par Bertall.
Gravé par Midderigh.
REVUE COMIQUE
UN SABRE.
« Avez - vous
vu, lundi, le gé-
néral Cliangar-
nii'i' sur son che-
val blanc?
— Oui, le che-
val était eruUé
plus qu'il ne con-
venait à sa cou-
leur.
— C'est vrai,
mais M. Chan-
garuier était su-
perbe; il avait un
(aux air du uia-
réciial Hadetski.
— Du maré-
chal Radct.ki et
de Franconi.
— Il rappelait, il est vrai, Franconi pour son ta-
lent d'équitation et par la mise en scène de la journée ;
mais sa véritable ressemblance était empruntée à Ra-
de tbki.
— Moi, je tiens pour Franconi, d'abord à cause du
cheval blanc, quoiqu'il fût crotté jusqu'au cou.
— Le cheval blanc aurait plutôt rappelé Lafayette.
— Préjugé! lafayette avait des cheveux blancs, et
non pas un cheval blanc. M. Changarnier est le seul
général qui ait jamais monté un cheval blanc : cette
couleur voyante ne convient qu'aux exercices du Cu--
que ; les chevaux de cette couleur ont été inventés par
Franconi et ses écuyers.
Soit, mais les moulinets du sabre de M. Chan-
garnier sont du Radetïki tout pur.
C'est encore du Franconi. Dans les pièces mili-
taires du Cirque, les généraux ont toujours le sabre à
la main pour faire des moulinets.
— 11 me semble (jue Radelski ne l'ait guèi'e autre
chose à Milan.
— Je l'avoue, mais Radetski est un guerrier de la
haute école qui possède les traditions. Ces traditions
seinblaieht devoir se perdre : M. Changarnier les remet
en vigueur. Il essaie eu ce moment, dans l'art mili-
taire, une réaction classiijue semblable à celle qu'on
a tentée pour la tragédie, et qui n'a pas eu de succès.
— Voulez-vous dire par-là que W. Changarnier ne
doit pas réussir?
— C'est selon. M. Changarnier réussirait beaucoup
en Russie ou en Autriche. Ce n'est pas un général
français, c'est un feld-maréchul austro-I\usse, un
lionmie de première force pour sabrer des populations
vouées au knout ou à la schlague. 11 n'y a, pour s'en
convaincre, qu'à l'entendre conjuguer le verbe sabrer.
Je sabre, j'ai sabré, je sabrerai, sabrons ! Eh quoi ! la
garde mobile se mutine ! on la sabrera. La garde na-
tionale murmure ! On saura la sabrer. Qui est-ce qui
bouge? Apportez- moi mon sabre ! En Autriche et en
Russie, on se fait des milliers de roubles de rentes avec
l'art d'élever des sabres. En France, cet art est encore
moins productif et moins sûr que l'art d'élever des la-
[,ius.
— Rah ! l'art d'élever des lapins, qu'est-ce que cela
rapporte? 5,000 francs de rentes au plus ; il n'y a pas
seulement de quoi avoir un cheval blanc.
— On s'en passe. Mais pour en revenir à M. Chan-
o-arnier, savcz-vous ([u'il est un peu bien ridicule en
ce moment?
— Ridicule ! ce brillant militaire tout imprégné
d'eaux de senteur !
— Les eaux de senteur ne prouvent rien; c'est
même ce que l'on considère à l'étranger comme une
marque de la légèreté française. Un sabre a beau être
parfumé à l'eau de Portugal, c'est toujours un sabre.
Quand M. Barrot monte à la tribune pour y débiter ses
pompeuses niaiseries, il me semble toujours voir
M. Changarnier debout près de l'orateur, le sabre à la
nuiin, pour forcer les applaudissements. Grâces à lui,
nous avons vu une chose assez rare dans les annales
d'une république : cent mille hommes sous les armes,
et l'artillerie stationnant mèche allumée pour appuyer
les vessies gonflées de vent que devait lâcher M. Bar-
rot. Si M. Barrot avait un lils de dix ans qui s'amusât
à lancer des cerfs-volants, M. Barrot ferait escorter le
cerf-volant de son lils par un régiment de cavalerie,
une division de ligne et deux légions de la garde na-
tionale, pour lesquelles on battrait le rappel à sept
heures du matin ; et M. Changarnier viendrait en per-
sonne, sur son cheval blanc, se mettre à la tète de ces
forces imposantes.
Voilà où l'on arrive en voulant j(uier nu rôle poli-
tiqueàtout i)ri\, — àservirde CosaqueàM. lîarrot lors-
qu'il a besoin d'imposer au pays la re^tauratlon de sa
vieille éloquence. Au moins Radetski prononce lui-
même les discours et rédige les proclamations qu'il es-
corte ensuite avec ses baïonnettes dans les rues de
Milan. Il est vrai que M. Changarnier a déjà prouvé,
notamment dans son entretien avec les chefs de la garde
mobile, que l'éloquence d'un feld-maréchal lui serait
facile au besoin ; quel malheur (lue M. Changarnier ne
soit pas Autrichien 1
J
A i;iISACE DKS GENS SEIUKUX.
193
1,K SOMMF.II, I)i: M. MAUliAST.
S'il y a iiiio iliose sacn'c au iiuhuIi', c'est, à coup sûr,
le :>oiiiiiicil de M. iManast.
Quand M. Mariasl dml, les vonls s'apaisciil, les
(louves sus|ieudciit leur euurs, les passants luarclieiilsur
la pointe tlu jiied, la nature entière craint de le ré-
veiller.
Son valet de clianilire nous a assuré qu'il avait vu
plus d'une l'ois des l'ées entrer par la fenêtre, avec leur
cortège d'esprits aériens, dans laeliainlirede son niailrc.
Titania eilc-inènie serait venue dans sa coquille de noix,
traînée par des papillons. Quand ces visites arrivent,
ajoutait le valet de chambre, je les annonce à haute
voix, car la moindre infiaction aux règles de l'éliquetle
serait punie sévèrement par M. Marrast.
— Et après'/
— Après, je me hâte de soi tir delà chambre ; un soir
que la curiosité m'avait porté à rester, Titania changea
ma tète en une tête d'âne qui resta sur mes épaules
jusqu'au lendemain. N'osant pas rentrer chez moi et
me montrer à ma femme avec cette tète, et me voyant
condamné à passer la nuit derrière la porte, je me per-
mis de regarder par le trou de la serrure,
— Et vous vîtes'?
— Je vis les fées entourer la couche de M. Mar-
rast. Les unes le berçaient, les autres agitaient sur son
visage des éventails |)arfumés et semaient des feuilles
de rose sur son lit. Titania lui disait d'une voix douce
comme le murmure d'une nuit d'été : « Dors, bel ami,
fais des rêves charmants, je t'en conjure. »
Et un sourire divin venait épanouir les traits de
M. Marrast.
— Il rêve! s'écriaient en chœur les autres fées; il
rêve ! ne l'éveillons pas et dansons sans bruit.
Ebloui de ce spectacle, je finis peu à peu par m'en-
dormir.
— Et (juaiid les fées ne viennent pas?
— Alors on vu chercher l'uullier qui chante l'air du
sommeil.
Ainsi parlait ce bon valet de chambre, et l'on com-
prend après cela pourquoi le sommeil de .M. Marrast
est entouré de tant de resi)ects à l'hôtel de la Pré-
sidence.
M. Marrast lui-même l'a dit l'autrejour à l'As-
semblée, quand on lui demandait s'il n'avait pas été
prévenu de la prise d'armes du général Changnrnier.
— J'ai été prévenu, en effet, mais très-lard, parce
qu'on n'avait pas voulu troubler mon sommeil.
— Et pourquoi n'avait-on pas voulu troubler votre
sommeil'?
— Parce que c'était le moment où Titania venait
d'entrer dans ma chambre avec son cortège; elle com-
mençait justement l'air : <x Dors, bel ami, etc. a
— 11 nous semble pourtant qu'un domestique aurait
pu...
— Erreur; d'abord Titania aurait donné à ce ma-
raud une tète d'âne, et puis je l'aurais fait mourir sous
le bâton.
— En ce cas, mettons que nous n'ayons rien dit. Nos
compliments, s'il vous plaît, à Titania, à sa prochaine
visite.
— Je n'y manquerai pas. Maintenant la séance est
ouverte ; je donne la parole au jeune Fresneau.
^^%^\f.l,^^'?^^^
Dormez votre Eommeil, grauds de ia terre. » (Bosst.et.)
\n
REVUE COMIQUE
LES AUUESTATIOISS.
Au lion li'inps des leltres de cadiol, lorsqu'un homme
était coiuluit il la Bastille, et qu'uu parent ou un ami
allait demander la cause de son arrestation, le ministre
répondait avec une grâce charmante : — Raison d'Etat,
mon cher monsieur ; au reste, la justice suit son cours.
C'est à peu près ce qu'en l'an 1"^ de la Uépuhlique
répond M. Léon Faucher à propos des arrestations qui
étonnent Paris depuis lundi dernier. 11 n'y manque que
la grâce charmante.
La justice suit son cours, assure JL Faucher ; nous
n'avons pourtant pas entendu dire que la proposition,
de mise en accusation du ministère ait été adoptée par
la Ciiambre.
Il parait, du reste, probable que les ministres seuls
n'auront point leur part des mandats d'arrêt qui se
sont signés et qui se signent actuellement. On arrête
tout le monde, hors les ministres.
Pourquoi? C'est un mystère d'Etat. Au reste, la
justice suit son cours, comme disait M. Léon Faucher.
Si, pendant qu'ils sont en train, les ministres avaient
l'énergie de s'arrêter eux-mêmes, la majorité de la po-
pulation \errait là une victoire remportée sur l'anar-
chie, et ce serait peut-être un moyen de consolider le
ministère. Nous soumettons humblement cet avis à
M. OJilon Barrot.
On se perd en conjectures sur les crimes commis
par les malheureux que l'on entraîne tous les jours à
la Conciergerie ou dans les forts. Il paraît seulement
qu'il s'agissait d'un vaste complot organisé sous main
puur la défense et le maintien de la République. Les
coquins qui en faisaient partie avaient, dit on, juré sur
un fusil de Février, de défendre l'Assemblée natio-
nale jusqu'à la mort.
Plusieurs faits viennent à l'appui de cette opinion.
Nous avons vu arrêter dans le faubourg Montmartre un
garde mobile qui, sur le passage d'une patrouille de la
2° légion, avait crié : Vive la République ! — Messieurs,
disait le garde mobile aux gardes nationaux qui lui
serraient le collet : Arrêtez-moi, mais ne m'étranglez
pas. Vive la République 1
Nous ne savons pas s'il a été tout à fait étranglé.
Le colonel de la sixième légion, M. Forestier, a été
conduit à la Conciergerie et mis au dépôt avec des vo-
leurs. Il est vrai que M. Forestier a des charges acca-
blantes contre lui , paiticulièrenient la lettre qu'il a
écrite au président de l'Assemblée nationale pour l'as-
surer de son dévouement.
Où en serions-nous si la justice ne suivait pas son
couis?
Avouons-le cependant, le grand complot trouve quel-
ques incrédules pour lesiiuels nous demandons des
mandats d'arrêt. Que deviendra, en effet, la société si
l'on se permet de douter des afiirmations du ministère?
Mais, disent ces incrédules, M. Barrot et JL Faucher
prétendent qu'il y a un complot, tandis que M. Chan-
garnier laisse entendre le contraire. Connnent rnettrez-
vous d'accord ces trois autorités?
D'abord il ne s'agit pas de les mettre d'accord ; il
s'agit de soumettre sa propre raison aux décisions de
M. Barrot. Voyez plutôt ce qui se passe dans les pays
d'ordre et de dis ipline, en Russie, par exemple. Quel-
qu'un s'y est-il jamais avisé de révoquer en doute tes
affirmations de l'autorité? Cependant si l'on y tient, il
ne serait pas impossible d'expliquer les prétendues
contradictions de M. Barrot.
Personne n'ignore, en effet, que M. Barrot, par
suite de ses anciens discours d'opposition dynastique,
est sujet à des hallucinations pendant lesquelles il est
fermement convaincu que Louis -Philippe règne tou-
jours aux Tuileries. De là l'erreur bien excusable qui
lui fait prendre le cri de vive la République! pour un
cri séditieux. 11 y a donc eu complot, sans complot, si
l'on peut s'exprimer ainsi. 11 y a eu complot répu-
blicain contre la monarchie, et ce bon M. Darrot ,
qui, ordinairement, n'est pas très-fort, mais qui l'est
encore moins quand il se trouve plongé dans ses hallu-
cinations, ne s'est pas rappelé que la révolution de Fé-
v,ner avait eu lieu, et il a songé naturellement à répii-
mer un attentat contre la royauté.
Un roi de Macédoine, sujet, lui aussi, à deshallucina-
fions, avait auprès de lui un secrétaire qui ne le quit-
tait jamais et qui lui répétait d'heure en heure : « 0
roi, souviens-toi que tu es homme!» Nous deman-
dons que la Chambre délègue un de ses membres pour
résider auprès de M. Barrot, et lui crier à chaque mi-
nute : « 0 Barrot, souviens-toi que tu es républicain ! »
LE BUDGP:! D'UN REPRÉSENTANT.
Nous avions, il y a un an, des députés qui ne nous
coûtaient rien.
Nous avons à présent des représentants qui nous
coûtent fort cher, — et qu'on a baptisés récemment du
nom de vingt-cinq-francs-jowiens, adjectif un peu
long, mais signilicatif.
Les députés nous coûtaient sim|)leinent des ministè-
res, des places de toutes sortes, des bureau v de tabac, des
recettes, des bourses, des brevets de gardes champêtres,
des missions, des inspections et une foule dépositions.
Les représentants nous coûtent chacun vingt-cinq
francs, c'est-à-dire la valeur d'un souverain d'Angle-
terre, attendu que chacun d'eux est le diminutif d'un
suuverain.
A L'USAGE DES GENS SÉRIEUX.
^95
Viiigl-cinij fruiics par jour, c'cvt un sm l.
Il n'y a pus sans doiile do (iiiui aclicliT lui r(|uipa;;i',
pas (nome une maison do campagne, — oommo disent
les lialelouis on parlant de la i'aiblo somme de ciiiq
cenliincs. Cependant, il ne faut pas non |)lus oracher
sur ce capital. — Vingt-cinq francs, c'est tout si l'on
veut, et si l'on ne veut pas, ce n'est rien.
Vingt-cinq francs, c'est un louis plus onze suis (vieux
siyli;).
Vingt-cinq francs, c'est un Tiapi)l('iin:uif:iru'iito de ce
que le vulgaire appelle un ti(j}-e àciiu/ yriffcs.
Cela représente vingt-cinq bulles, au point de vue
populaire. Il y a même quelques-unes de ces dernières à
recevoir en |)lus, par les représentants, dans les émoules
ou ailleurs, — cola s'est vu.
Et pourtant vingt-ciiui '''ancs, ce n'osl ]ias wuw plus
le Pérou, ce n'est même qu'une légère IVactiun des ri-
chesses minières de la Californie.
Su|)posez seulement que vous vous réveillez nanti
d'un semblable capital ; — qu'en ferez-vousV
Il y en a qui disent : Je n'en serais pas embarrassé ;
j'irais d'abord déjeuner à Torloni.
— MnMiilu'.'
— Ijisuile je prendrais un cabriolet cl j'irais faire
deux ou trois visites.
— Après?
— A|nès, c'est-à-dire avant, je sentirai» le besoin de
qMel(|iicscigarrcs à vingt-cinq centimes (vraie régie).
— VX puis?
— Je m'accorderais un tciii|is m(jral jiour me faire
coiiïi'i' et pour faii'e ma cour aux damejj.
— l'inlin ï
— Je me rendrais à l'Assemblée vers une heure,
dans le cas où la séance présenterait de l'inlérot; si
non j'iiais lire les journaux et prendre un grog au café
d'Orsay.
— Je vous permets encore une partie de billard, et
vous allez voir que vous venez de dépenser au moins
dix francs,
— A peu ]irès.
— I'.emar(iue7, que nous ne comptons ici ni le loge-
mont, ni le costume, ni les menues dépenses qui s'y
rapportent, et qu'il n'est pas injuste d'évaluer à envi-
ron cinq francs, — surtout pour un provincial qui gé-
Route de Bjurges
196
REVUE COMIQUE
néralement luibito un hùtol et prend un tailleur à
douze mois de crédit.
11 reste dix francs encore à employer pour la
soirée.
Vous ne comptez pas la buvette?
On pourrait à la rigueur se contenter du verre
d'eau sucrée de la tribune, — dontl'atlrait pousse quel-
quefois des représentants économes à demander la pa-
role;— mais un consommé, un verre de bordeaux ne
nuisent pas à Téloquence; consacrons-y deux francs en
moyenne ; il nous reste encore huit francs.
— Nous n'avons compté jusqu'ici ni les ports de
lettres, ni les quêtes'?
— Ajoutons un franc cinquante.
— Où dinez-vous?
— Je m'abstiendrai prudemment de Yéry, j'irai dîner
chez Lucas, ou chez la mère Morel.
Vous commencez à vous modérer ; mais il est dif-
licile d'y dépenser moins de trois francs.
— Vous prendrez bien votre demi-tasse.
— Soixante-cinq centimes.
— Je ne songe plus à compter les voitures ou omni-
bus, qui dans les mauvais temps vous seraient néces-
saires pour regagner, en sortant de l'Assemblée, des
quartiers plus civilisés. Mais que ferez-vous le soir?
Irez-vous dans le monde?
— Selon les circonstances. J'v regarderais à deux
fois, sans doute, pour prendre une voiture et acheter
une paire de gants.
— Nous n'avons point parlé du chapitre des pas-
sions.
— N'en parlons jamais !
— Et que vous reste-t-il pour aller au spectacle,
pour jouer au lansquenet ou même au wlnst, pour
acheter des livres, pour encourager les arts?...
— Kien ! rien ! rien !
— 11 ne vous reste pas même de quoi donner cin-
quante centimes à votre concierge si vous rentrez
après minuit. Surtout n'ayez pas de famille ; ceux qui
sont dans ce cas ne se livrent pas, certes, aux dépenses
bourgeoises que nous venons d'énnmérer. — Ils dî-
nent chez Katcombe ou chez les rôtisseurs de ia rue
du Route ; ils fument des bouts-coupés et vont prendre
leur demi-tasse au café Momus. Ils ne portent ni drops
fins ni bottes vernies; on en connaît même qui portent
des sabots. Comptez maintenant les séances, les com-
missions, les réunions, les rapports... Croyez-vous que
chacun d'eux ne gagnerait pas plus à faire un autre
état ou à continuer celui qu'il a quitté?
— Allons! je renonce à la perspective des vingt-
cinq francs représentatifs ; — je pars pour la Califor-
nie, oii chaque travailleur gagne par jour quatre-vingts
dollars.
— Allez , et ne revenez plus !
VOYAGE EN EUROPE.
En ce moment on vote en Prusse, on vote en Pié-
mont, on voteàRome. Depuis Février.chaque peuple,
à son tour, dresse des hustings, et se donne le diver-
tissement du poU et du ballot. Après l'un vient l'autre ;
il en est même qui répètent le morceau. Voilà le scru-
tin installé en permanence en Europe. Ce serait le cas
d'appliquer en grand l'invention de l'urne roulante
que chacun voulait promener en poste à travers les
trente-six mille communes de France.
Devant les chances aléatoires de ces dés jetés à la fois
d'un coin à l'autre du tapis, on comprend que la poli-
tique devient plus que jamais un calcul de probabili-
tés. Autrefois on pouvait, jusqu'à un certain point,
conjecturer et dire • La reine Anne est jalouse de la
duchesse de Marlborough, nous aurons la paix ; le roi
de Prusse a fait une épigraïunie sur madame de Poni-
padour, nous aurons la guerre. Mais à présent il faut
vivre au jour le jour, attendre, en se croisant les bras,
ce qui sortira de l'urne aux mystères. La solution des
affaires est une question de loto.
La plus grave en ce moment, la paix et l'avenir du
monde, est entre les mains de M.M. les électeurs de la
Savoie et du Piémont : M . Gioberti aura-t-il une chambre
démocratique, ou bien les codini (perruques, ganaches,
marquisde Carabas), seront-ils en majorité? Tliast in tlw
question. Dans le premier cas, S. M. Charles-Albert en-
fourche son cheval et s'en va-t'en guerre, et alors
gare à Radetzki ! Dans la seconde hypothèse, chacun
reste tranquillement chez soi, sauf le belliqueux abbé,
qui déménagerait en secouant la poussière de ses squ-
liers et prophétisant contre Israël.
On prétend néanmoins, mais ce sont certainement
des jésuites, des codini qui répandent ce bruit, que
depuis qu'il est entré aux affaires, à grand bruit de fan-
fares et de trompettes guerrières, M. Gioberti s'est
aperçu bien vite qu'on ne fait pas, à beaucoup près, la
guerre aussi facilemtnt qu'on le dit à la tribune ou
qu'on l'écrit dans des livres ; il se serait même con-
vaincu de l'impossibilité absolue oii se trouve le Pié-
mont de luttera lui tout seul contre la bonne armée
de Radetzki. Grand embarras pour le nouveau mi-
nistre. Comment se dédire, lui qui était venu tout ex-
piés pour sonner le boule-selle? Un seul moyen res-
tait: il a dissous la chambre et travaillé de toutes ses
forces les élections pour faire arriver une majorité
de libéraux, allez-vous dire? Non . de rétrogrades
(|ui, en refusant au cabinet de s'associer à sa politique
belliqueuse, lui fourniraient le moyen de sortir de l'im-
passe où il s'est fourvoyé, de sauver sa popularité et de
tonner de nouveau dans l'opposition contre les codini.
Pour un ennemi des jésuites, que vous en semble?
Cette invention-là sent un peu son casuiste.
A L'USAGE DES CENS SÉRIEUX.
197
A Koiiic, rcdiicalioii oiicore arriérde des électeurs se
fait par les grands moyi'iis. Mst-il une situation plus
ciili(iue que celle do ces niulheureux ciccroni, ténor,
et marchands de nuisaï(|nes, qui, avec les Iransleverius,
ci>ni[)usent la |)(i[)iiIalion(le la ville éliMuelle? D'un coté,
le |)a[ie leur dclend de voler, sous peine d'exconimuni-
calion ; de Taulre, M. Sterhini, une manière de Rienzi,
puële, journaliste, dictateur, qui ne sort jamais qu'équipé
en Fm Diavulo, M. Sterhini, disent les amis du pa|)e,
leur met le pistolet sur la gorge et les menace de la
mort s'ils ne vont déposer leur houle. Entre la vie de
l'âme et la vie du coi'ps, pas de milieu, il faut choisir.
Alternative emharrassante ! Plus d'un de ces électeurss
malgré lui, et en cela je l'approuve, voudrait hien s'en
aller. \\ est à Laricia, et sur les liords paisihies du lim-
piiie lac du Nemi, tant de recoins silencieux où il se-
rait doux de humer les lièdes rayons de février à l'abri
de l'âpre hise de l'Apennin et des proclamations désa-
gréables de messieurs du Cercle populaire ! La politique
a-t-elle été inventée pour ces pays du soleil et du far
nientel Que ne la laissent-ils à nous autres infortu-
nés, qui pour nous dédonmiager de l'affreux gâchis
auquel le ciel nouscondamne pendant six mois, avonsdû
inventer les omnibus, les socs articulés, les calorifères,
les revues, les prises d'armes, les factions, les'patrouil-
les, les arrestations, les proclamations et antres récréa-
tions protilabies , dit-on, au gouvcrnemcnt-Barrol.
En Allemagne, on a compliqué la chose. L'esprit alle-
mand n'aime pas les voies droites et les procédés sim-
ples. S. M. Frdddric Guillaume a octroyé à ses ornés
sujets le vote à deux degrés. Grand triomphe pour l'abbé
de Genoude. O'est un roi quelque peu bizarre, que ce
roi Guillaume. Ne voilà-t-il pas qu'il l'emercie de tou-
tes ses forces l'assenitilée de Francfort, et s'excuse de ne
point accepter la couronne impériale que celle-ci était
disposée à lui offrir ? Après cela, il a peut-être des rai-
sons particulières. Et M. de Gagern, qui avait brûlé
ses vaisseaux pour le monarque inconstant? et l'unité
allemande? L'unité allemande, ma foi, nous en voici
hien loin aujourd'hui. Elle est allée où sont les neiges
d'Autan, où sont allées tant de choses depuis dix mois,
en Allemagne et ailleurs.
Aujourd'hui, l'Autriche est maîtresse de la Hongrie,
maîtresse de la Lombardie ; comment parlera-t-elle à
ce fameux congrès de Bruxelles? Derrière elle, l'em-
pereur de Russie se donnerait les airs de ne demander
que horions à donner et à recevoir ; c'est son métier
d'autocrate et de Scythe. D'autre part, la politique
des whigs court grand risque d'être culbutée dès les
premiers jours de la session du parlement. Nous ver-
rons peut-être avant peu arriver les torys ; combien
espèrent voir, à la première fonte des neiges, pour
l'anniversaire de la République, torys. Moujiks et Kai-
scrliks se donnant la main, organiser une ronde de mai
fâcheuse autour de l'arbre de la liberté.
Qui eût dit cela il y a dix mois, quand nous l'avons
planté? Heureusement qu'il en a vu bien d'autres
sans succomber.
Deux insectes hideux oubliant leur proie pour s'entiedévorer.
198
REVUE COMIQUE
AVIS Al'X JOURNAUX liSDÉ PENDANTS.
On proie au gaiivenieinont, et, mallieiirou-eiiunit, c'est par (-luehiues-uus Je ses uiius et de ses délonseurs
iiièine que le bniit se serait éventé, un projet lelleineiit monstrueux, que nous le répétons pour mettre le gou-
vernement en étal de le désavouer.
La démonstration de lundi n'aurait été qu'une ré|iétition : Paris verrait la pièce même se jouer au premier
jour. La ville tout entière serait occupée militairement et silencieusement pendant la nuit. Los départements,
avertis la veille, et sous le prétexte qu'une révolution aurait éclaté à Paris, seraient appelés dans cette ville.
Deux mille arrestations, comprenant en tète les noms des chefs les plus honorables du parti républicain modéré,
les anciens membres du gouvernement et Je l'adminislralion du général Cavaignac, les écrivains les plus dé-
voués au principe républicain, etc. , etc. , auraient lieu à la faveur des ténèbres.
Si nous ne tenions cet avertissement de personnes honorables et convaincues, s'il n'était plus utile au
pouvoir actuel qu'au pouvoir passé, à l'ordre, à la société, plus encore qu'à la République elle-même, qu'un
pareil bruit soit promptement, nettement et énergiquemeut démenti, nous nous serions abstenus de nous en
faire l'écho.— Nous devons à la vérité de déclarer qu'on nous a assuré que quelques membres du gouvernement,
et notamment M. Rarrot, n'étaient pas dans le secret de ce plan insensé.
CHOSES QUELCONQUES.
Nous ne sommes pas légitimistes, il s'en faut de tout.
Nous n'avons jamais cru qu'il pût s'ensuivre, de ce
qu'Henri IV est achevai sur le pont Neuf, que Henri V
fût indispensable à la France ; mais nous croyons pour-
tant qu'il y a de braves gens dans ce parti comme dans
tout autre. — Or, comment les braves gens de ce parti
s'expliquent-ils l'alliance de MM. Rerryer, Tliiers et
Rugeaud'?
Celte alliance monstrueuse ne les révolte-l-elle pas'.'
Quoi! le duc de Rordeaiix accepterait le concours de
l'homme d'État qui a déshonoré sa mère, et du général
qui s'est fait son geôlier! — Mais si cela était, ce serait
tout bonnement ignoble. — 11 n'est pas de simple ci-
toyen, il n'est pas de bourgeois, il n'est pas de famille de
domestiques où un pareil fait puisse s'acccomplir sans
soulever le mépris des voisins, du quartier, de la ville
ou du village ; et ce seraient des gens qui se piquent
d'être des chevaliers qui donneraient de pareils exem-
ples ; nous n'y voulons pas croire, nous aimons mieux
penser, ou que M. Rerryer et M. Thiers se trompent
l'un l'autre, ou qu'ils seront, à la première occasion,
désavoués par leur parti.
Que ceux qui croient possible l'union de ces riv aux
y pensent donc; d'accord la veille, ils ne peuvent être
qu'ennemis et ennemis acharnés le lendemain. — De-
fiez-vous de ces trompeuses transactions.— Chacune des
parties a dans sa poche une contre-lettre frauduleuse,
qui les annulera dès que leur but, qui es! de vous
tromper d'abord, sera rempli.
— Il y a plus d'une manière de faire parler de soi.
H y en a au moins deux : la bonne et la mauvaise.
Pour l'une, il faut faire une belle action devant lé-
moins, pour l'autre, une sottise éclatante.
Érostrate est aussi célèbre qu'Alexandre le Crand. H
dépend de M. Râteau de se croire un aussi grand por-
soiinuge que cet illustre incendiaire, et pourtant il n'est
à la proposition qui porte son nom que ce qu'est un
simple artilleur à la poudre contenue dans un canon,
un porle-mèclie.
— On assure que M. Denjoy est pour quelque chose
dans la rédaction du fameux Courrier de la Gironde.
M. Denjoy serait resté toute sa vie à l'élal de violette
parlementaire s'il ne lui fût arrivé de monter un jour à
la tribune et d'y demeurer crânement envers et contre
tous. Depuis cette époque, M. Denjoy ne se fait pas
faute d'interruptions ; il est clair qu'il brûle de donner
une seconde représentation d'une scène qui lui a réussi,
et de déployer de nouveau son invincible courage.
Ce courage est fort louable, assurément, mais il ne
saurait tenir lieu de tout, et si M. Denjoy est vraiment
l'auteur de certains articles du Courrier de la Gi-
ronde, où il maltraite un peu plus que le bon goût
ne le permet ses collègues de l'Asseniblée, il ferait bien
de les signer.
— S. M. la reine d'Angleterre mit, il y a peu de jours,
avant-hier, si nous sommes bien renseignés, le nez, son
nez royal et retroussé, dans un journal français.
— Qu'est-ce que c'esl que ce M. Râteau, dont le nom
est partout, dit-elle aux personnes qui l'entouraient.
— C'esl un représentant du peuple, lui répondit-on.
— Ils sont neuf cents ; vou s ne m'apprenez rien, le-
prit Sa Majesté ; dites-moi ce que ce Français a lait pour
que tout le inonde parle de lui; c'est sans doule un
homme important dans son [lays, le Robert Peel ou le
Rqssel de son [larti?
Et comme chacun se regai'dait sans répondre, bien
empêché de dire ce que pouvait être un inconnu si
Voici Fresneaii le rojallste;
( Que sainl Falloiix toujours l'assijte! )
Dd l'église légitimiste
C'est le premier enfant de chœur.
Aux succès de tribune il \i>e;
Mais il prouve, quoi qu'on en dise,
Par les discours qu'il improvise,
Plus de mémoire que de caur.
Dessiné par Faeritzics
Gravé par Lovts.
200
REVUE COMIQUE
illustre, une Française un peu étourdie, qui avait eu
l'honneur dï'tre présentée à la reine, étant interpellée
à son tour : « M. Râteau n'est rien du tout, dit-elle;
il est le mari de sa proposition. »
On assure que le prince Albert cul l'espiit d'ac-
cueillir en souriant cette véridique e\plicalion.
Je veux vous dire ma pensée tout entière, s'é-
criait le lu-ave petit M. Fresneau l'autre jour à la tri-
bune de l'Assemblée nationale : « Si l'élection du
m décembreeùt tourné diiréremment, nousaurions eu
d'autres difficultés, mais ce ne seraient pas les mêmes.»
M. de La Palisse a déjà dit ça, lui répondit-on de
tous côtés.
Le petit Fresneau, disait un représentant, est le
troisième ténor de la réaction ; le jeune M. Bérard en
est la quatrième basse.
— Un représentant du peuple faisant allusion à la
roideur, au sec, au croquant de la tenue de l'ex-enfant
prodige de la réaction, M. Fresneau déjà nommé,
a Notre petit collègue, disait-il, a toujours l'air d'être
tombé dans une poêle à frire. »
— M. Chambùllc, rédacteur en chef du Siècle et
membre de l'Assemblée nationale, est à coup sûr l'un
des écrivains dont la presse peut le plus justement s'ho-
norer. Il n'a qu'un défaut, défaut d'honnête homme
d'ailleurs : il est crédule.
Où a-t-il vu SU7- quelques points, dans la rue, les
partis tout frémissants? Où a-t-il vu l'ènotion ex-
traordinaire de Paris, le jour de la discussion de la
proposition Râteau, ou plutôt, comment n'd-t-il pas
vu que cette émotion, si elle a existé, n'avait qu'une
cause, le déploiement imprudent, téméraire, coupable
peut-être, des forces, qui ont été jetées dans Paris
sans raisons suffisantes?
Nous soumettons à la bonne foi de M. Chauibolle
cette proposition : — « Si le gouvernement envoyait
demain matin cinquante mille hommes dans la ville de
Pontoise ; s'il y ajoutait soixante canons, croit-il que les
paisibles habitants de cette ville ne se rassembleraient
pas sur les places et dans les rues pour se demander
de quoi il s'agit? » — Ces rassemblements, si légiti-
mes, pourraient-ils justifier un fait dont ils ne seraient
que les conséquences; l'honnête ville de Pontoise serait-
elle pour cela un foyer d'anarchie? M. Chambolle a
pris l'effet pour la cause.
— Si M. Barrot est un honnête honune, s'il a cédé
à une panique quand il a couvert de troupes Paris tout
entier, et retardé ainsi toutes les transactions commer-
ciales, qu'il ait la probité d'en convenir. — Mais qu'il
recule devant l'idée de chercher des coupables et d'en
inventer au besoin, pour expliquer ce qui n'est qu'une
faute encore, ce qui serait un crime, si des innocents
devaient en i>orter la peine.
Ce ipii prouve que le gouvernement était de
bunuc foi quand il a cru à un complot, c'est, disait
une dame amie de madame Léon Faucher, que ma-
dame Faucher a passé la nuit tout entière au ministère
à travailler avec son mari. — Madame Faucher serait-
elle le chef de cabinet de M. le ministre de l'intérieur?
— M. Favreest un ambitieux, disait lundi, dans un
groupe à la salle des Pas-Perdus, un de ses collègues
qu'irritaient les éloges qu'on donnait à l'excellent dis-
cours qu'il venait de prononcer.
« Ambitieux ! lui répondit un autre représentant ;
ce n'est guère croyable : M. Favre a été sous-secrétaire
d'État de l'intérieur ; il a donné sa démission. 11 a été
sous-secrétaire d'État aux affaires étrangères ; il a
donné sa démission au bout de quinze jours. 11 a pu
être ministre, il a refusé; il a pu obtenir dans la ma-
gistrature des positions éminentes, il a voulu rester
simple représentant.
— C'est égal, repartit M. B... , c'est un ambitieux.
— Je savais bien, dit M. T... , qu'il y a beaucoup
de mulets en France ; mais j'ignorais qu'ils eussent
parmi nous un représentant aussi semblable à eux-
mêmes. B
— MM. les représentants ne se sont jamais fait faute
d ,iM r galamment des cartes d'entrée qui sont mises à
leur disposition par la questure. Toutes ces '.cartes ne
sont pas distribuées à des mères de famille; quelques-
unes vont s'égarer avec une certaine régularité entre
les mains de quelques actrices, qui pourraient bien
avvir des droits sur l'Assemblée nationale.
« Pour que M. Marrast se contente de l'excuse que
lui donne M. Changarnier, qu'il n'a pas voulu trou-
bler son sommeil, disait mademoiselle N..., placée
devant nous le jour où cette fameuse explication fut
donnée par le marquis-président, il faut que M. Mar-
rast... n'ait pas couché chez lui ! »
Avis aux représentants : «M. Marrast n'étant
qu'un président de jour, nous leur conseillons de pro-
céder à l'élection d'un président de nuit. »
Nous engageons M. le ministre de l'intérieur à
prendre un rédacteur moins candide pour les faits
communiqués dont il inonde le Moniteur et la Pairie.
Un gouvernement ne parle pas comme le premier
venu; il ne doit pas répondre à tout, comme un en-
fant vaniteux et indocile ; son langage doit être digne,
et surtout laconique. Qui croira, avec l'article com-
muniqué de la Patrie, du 30 de ce mois, que la foule
criait au président de la République : «Vous pouvez
compter sur nous ; courage! nous vous soutiendrons.»
A L'USACR DKS C.mS SIÎFIIKHX.
201
Que le seiiliiiiciit coiiIlmiii dans celle ]iliruse ait été
dans le eœiir de la foule, nous le souhaitons; mais
l'st-ie ainsi, est-ie par des phrases tcut entières que se
traduit l'adliésiiin du peu[)ie dans la rue? Ce qui nous
porterait à croire que l'auteur ingénu de cette note a
été mal informé, c'est iju'il nie(]iron ait crié : Abasle
ministère '.Or, ce cri a été proféré, non accidentellement,
mais sur tous les |)oinls. L'anleur de ces quelques li-
gnes en sait queli|ue chose; il l'a crié pour sa part
avec un grand nombre de gardes nationaux de sa lé-
gion, ainsi que celui de vive le président I vive la Ré-
publique ! "
lùicoie un peu, et la l'atrii; de M. Delainarie et de
M. Faucher nous racontera que la foule a crié vive
Faucher! vive le ministère!
— Vive le ministère! Kntre nous, c'est un cri qui
n'a encore enroué personne en France.
— Nous signalons à l'iiidignalion dts honnêtes gens
de tous les partis un article de la Gazette des Tribu-
naux, reproduit imprudemment par plusieurs jour-
naux. Quel est l'auteur de cet article? Est-ce M. Baro-
che? est-ce M. Faucher? est-ce un juge d'instruction
inliJc'le, ou tout au moins indiscret?
Si cet article émane du gouvernement, pourquoi cette
forme dubitative? C'est trop|ou trop peu : ces pièces
que vous citez, et qui ne prouvent rien, si ce n'est ce
([ue chacun sait, c'est qu'il y a des partis en France qui
rêvent des folies : elles existent ou n'existent pas. Ce
n'est pas sur des on dit que les textes que vous donnez
vous sont venus; c'est une main qui veus les a livrés.
Quelle est cette main? Quelle qu'elle soit, elle est cou-
pable si ce n'est pas la vôtre ; si c'est la votre, pour-
quoi se cache-t-elle?
Le gouvernement est engngé , dites-vous; il ne
peut pas reculer : il faut à M. Léon Faucher des cou-
pables, sinon il est déshonoré.
C'est précisément cette alternative qui nous effraie ;
elle nous effraie et pour le |)rincipe d'autorité que nous
voudrions respecter, et pour les malheureux qui |)ayenl
cher imc démonstration absurde qu'on voudra justifier
à tout prix. — Ainsi on assure que M. Forestier est
rclikhé. Si cela est, comment appelez-vous l'acte de
folie qui l'a fait arrêter?
La prévention, vous .l'admirez! Si on vous l'avait
appliquée, si on l'appliquait à tout ce qui rêve des révo-
lutions, où seriez-vons, MM.Thiers, Herryer et autres?
— On lit dans tous les journaux :
« Hier, à trois heures, les portraits du duc et de la
duchesse de Bordeaux ont été saisis et enlevés du do-
j micile de M. Pérignon, peintre d'histoire.»
11 est heureux que la lievue comique, en copiant
j avec fidélité les deux portraits incriminés, ait laissé
I nue ressource àla dévotion de messieurs les légitimistes.
1 Les hureaux de la lievue comique sont ouverts. La
procession commencera quand on voudra. 11 faudrait
; n'avoir pas six sous dans ses poches pour se refuser lasa-
lisrartion de voir et d'emporter l'image de nos proscrits.
— Si le général Chaiigarnier est un militaire sé-
rieuï, et nous n'avons aucune raison d'en douter
quelle ne doit pas être sa confusion devant les éloges
qui sont donnés par MM. Véron et Mcrruault à ce qu'ils
appellent son admirable stratégie préventive. — Des
lauriers préventifs! Voilà ce qu'invente le Constitu-
tionnel pour le général de son choix. — C'est sans
doute dans le laboratoire du pharmacien Véron que
M. Merruault, son premier commis, a découvert cette
plante nouvelle.
Conclusion de la
Ce ministre du lendemain,
Des préfets réfornianl les lisle?,
Srme des af;enls royalistes
Sur notre sol répul)li('ain.
Mais, n'importe! point de murmure
Jusqu'au bout laissons-le marclier.
Lorsque la moisson sera mûre
Nous recollerons sans/anWicr.
Desainé par Fabritzii;».
Gravé par Baulant.
■', iwiur.i VAnn nns itaiikns.
ilO «•ciiniiicH la livriiiNon.
R\ r. niciiF.iiP.i', 'li.
PÏJjlîiJ}^^
nditions «le la Sonscrlplion. — Lfi Revde comique formera un magnifique volume, gr^ind in-8, publié en SO livraisons à 50 centimes,
parla poste, -40 cent. On souscrit pour 10 livraisons. Pour les départements, envoyer un mandat sur la poste à l'ordre du directeur de la
Hevi E. — Pour tout ce qui concerne la rédaction, écrire {franco) à M. LinEux, au bureau de la Revue, 2, boulevard des Italiens.
DUMINEnAT. EDITEUR, KDE RICHELIEU, 52.
i l"" Livraison.
AVIS AIX JOrit^AlX »K PAIIIS ET UC« DËPARTEnEÎV'l'S.
Nous aiilorisons la reproduction des articles contenus dans la /tevue comique, à la coiuliliuii :
I" De citer la fievue en lui empruntant ses articles;
2" De limiter, par chaque semaine, la rcprodiiclion au tiers des matières contenues diuis clia(|ut' numéro.
AVIS
AUX SOUSCRIPTEURS DE XiA REVUE COMIQUE
Pour répondre au désir exprimé par un grand nombre de souscripteurs, qui trouvaient
fâcheux que, pour ne pas décom|)léter la collection des dessins parus jusqu'à ce jour, ils pussent
être dans robligation de faire brocher ou relier les couvertures qui se reproduisent d'une façon
uniforme toutes les seize pages, nous reporterons dans l'intérieur de la livraison le dessin que
nous donnions ordinairement sur le verso de nos couvertures. De cette façon, ce dessin ne se
trouvera plus perdu pour le volume complet, qui pourra être broché sans ce premier feuillet.
La pagination a été disposée pour que cette suppression puisse se faire sans inconvénient.
Toutefois, pour que celte nouvelle disposition n'enlève pas au volume complet les dix
grandes gravures publiées jusqu'à ce jour sur le verso des couvertures, nous donnerons, avec
la dernière livraison, ces dix giavures en supplément.
Le dernier feuillet de la couverlnre, formant la dernièie et l'avant-dernière pages de chaque
livraison, devra être relié avec l'ouvrage complet dont il ne peut être détaché sans intervertir
l'ordre de la pagination.
SOMMAIRE DE LA QUATORZIÈME LIVRAISON.
» TEXTE,
La Semaine. — Violelles parlementaires; Esquisses non Politiques; première Violclle, M. Huré. — Deux grands Matamores
— L'Assemblée et le Président. — La Poule aux Œufs d'Or. — Une Visite à Bourges. — Les Patrouilles avec Canon. —
Lettre d'un Toleur à M. de Heckeren. — Choses Quelconques.
DESSINS.
Deisinaleurs. Grateurj.
Ne réveillez pas le chat qui dort Bertall. Midderigb.
Les budgets, système monarchique Bertall. Jaliot.
Les budgets, système républicain Bertall. Boudeville.
Un mauvais bulletin Fabritzius. Baulaot.
Amende honorable Fabritzius. Boulant.
Monument à Oiilon Barrot Fabr.tiius. Biiula:.!.
Des-sinateurs. Graveurs.
L'œil du rnavichal Bugi-aud Fabritzius. Gauchard.
Le premier club à dissoudre Nadard. Baulant.
Pharmacie conslttuiionnellc Nadard. Moniigneul.
Avis officiel Bertall. Midderigh.
Dunin Fabritzius. Eaulant.
POUR PARAITBE DANS LES PHOCBAINES LIVRAISONS
AVENTURES ET MÉSAVENTURES
projets — déceptions — espérances — tentations — travestissements
hypocrysies — passe-passe — perfidies — grande culbute de
MOSIEU RÉAG
SUITE DE CAHICAICRES PAR >ADARD.
Pirii.— Tirée tut pretMS raécaniquei de LicniMPE Tila cl Comp., me Damielte, i.
LA SEMAINE.
Enfin, le bal de l'hôtel de ville a pu avoir lieu ; cette
fois, le roulement des tambours n'a point fait contre-
mander les toilettes. M. Léon Faucher n'a point
éprouvé le besoin de sauver la patrie, et Paris, enfin,
rassuré et confiant d'ailleurs dans la vigilance du mi-
nistre de l'intérieur, a pu se livrer à tous les plaisirs
de la danse aux sons joyeux de l'orchestre municipal.
M. Léon Faucher ne sait point quelles colères il a
amassées sur sa tète par son rappel intempestif. Ne
pouvait-il, disent partout les femmes du monde, sau-
ver la patrie un jour plus tard, et nous laisser danser?
Les bals ne sont pas déjà si nombreux aujourd'hui
qu'on doive nous en priver sur le premier prétexte
venu ; mais M. Léon Faucher est disposé à braver tou-
tes les impopularités, même celle du beau sexe. Le ga-
lant et pommadé Changarnier, son partner dans la
partie jouée lundi dernier, n'en prendra pas peut-être
si aisément son parti. 11 est si dur d'être haï des belles
quand on exhale de si suaves parfums et qu'on porte
une si belle aigrette de paon à son chapeau !
On a remarqué cependant l'absence du ministre de
l'intérieur au bal de M. Berger. JL Léon Faucher au-
rait-il redouté les reproches des polkeuses? aurait-il
craint qu'elles ne lui fissent expier, par une valse
poussée jusqu'à la mort, sa conduite plus politique que
galante? Aurait-il reculé devant la vengeance desWillis
de la finance, du barreau, du notariat et de la ban-
que? Si M. Léon Faucher faiblit, sur quoi reposera
désormais le salut de la société?
Les dames parisiennes attendent avec impatience
que le président de la République donne le bal qu'il
a juré. Outre l'abolition de l'impôt des 45 centimes,
l'anmistie, la diminution de l'armée, etc., etc., les
partisans du citoyen Bonaparte, comprenant toute
l'importance de l'appui du beau sexe, ont promis for-
mellement qu'il inaugurerait sa présidence par un ma-
gnifique bal. Or, jusqu'à ce jour, aucune invitation n'a
paru avec la bienheureuse formule : On dansera ; et le
président se contente de donner des dîners.
Or, puisqu'il en donne, il est forcé d'en recevoir, et
jusqu'à présent notre président ne s'est guère montré
qu'à table. On dit qu'il y fonctionne très-bien, et les
gastronomes se montrent en général satisfaits de lui.
Quoique l'Empereurmangeàt très-sobrement, l'Empire
fut l'âge d'or de la gastronomie, elles vieilles gloires de
cette branche de l'art proclament avec une noble fierté
que de ce côté du moins le neveu n'a point hérité des
défauts de l'oncle. C'est consolant pour l'avenir de la
cuisine française.
On raconte que le président de r.\ssemblée nationale
ayant invité à dîner le président de la République, ce
dernier n'a pas cru devoir accepter l'invitation C'est
un outrage fait à la dignité de l'Assemblée, disent quel-
ques personnes, et elle ne devrait pas tolérer le mépris
que l'on fait de ses fourneaux. Hélas! les représentants
tolèrent des choses bien plus graves, et ils auraient
bien tort de se lâcher pour un dîner refusé. D'ailleurs,
si l'on en croit les on dit, le président se serait excusé
sans façon sur ce qu'il avait été saisi d'un dérange-
ment subit.
Un incident qui pouvait avoir les suites les plus ter-
ribles a assombri un instant le dernier dîner donné par
204
REVUE COMIQUE
M. Banot, auquel assistaient le président de l'Assem-
blée nationale et le président de la Képuhiique ; la maî-
tresse de la maison jugeant avec raison que la place
d'honneur appartient à ces hauts dignitaires, les met
un à sa gauche, l'autre à sa droite. Aussitôt que ce
placement ofliciel est connu, on entend l'ambassadeur
d'Kspagne qui murmure au milieu d'un groupe de
diplomates.
— Que la droite à coté de la mailresse de la maison
appartienne au chef de TKtat, au Pouvoir exécutif, je
l'admets volouliers ; mais je ne saurais céder le pas au
Pouvoir législatif, l'étiquette du royaume s'y oppose.
— Mais il n'y a plus de royaume.
— Je représente une puissance alliée dos Bourbons.
— Il n'y a plus de Bourbons.
— l.e pacte de famille m'assure la gauche.
— Il n'y a plus de pacte de famille.
— Louis XIV l'a réglé ainsi.
— Louis XIV est mort.
Après bien des pourparlers, et grâce à la médiation
officieuse de l'Angleterre, l'Espagne a enliu consenti
à s'asseoir à côté du pouvoir législatif, mais pendant
tout le repas l'ambassadeur n'a cessé de gémir.
— Hélas, disait-il à M. Marrast, quand ma souve-
raine va apprendre que j'ai violé le pacle de fariiille,
je serai destitué.
— Rassurez-vous, lui a répondu M. Marrast, la
reine d'Espagne a bien autre chose dans la tète que le
pacte de famille.
— Narvaëz m'enverra aux présides.
— Nous ne le souffrirons pas.
— Et s'il demande mon e.xtradition'?
— Elle ne lui sera point accordée.
Prenez garde qu'il ne vous déclare la guerre.
— Laissez donc, il a trop à faire à réprimer les li-
béraux e-pagnols. D'ailleurs , notre armée n'est-elle
pas là";
L'ambassadeur, grâce à la fermeté de ce langage, a
Uni par se calmer. Ou assure qu'il était entièrement
rassuré au dessert; cependant il n'attend pas sans une
certaine impatience la prochaine dépêche de Narvaèz.
Si la guerre universelle allait s'allumer à la suite d'un
diner de M. OdilonBarrot?
Mais toutes ces querelles diploinalico gastrunouu-
ques me fout oublier un plus grave événement. Voici
le citoyen Murât, cx-dauphin des Deux Siciles, qui de-
mande à intenter une action à l'État en restitution de
biens appartenant à son père. Il s'agit tout siuiplemeiit
d'une douzaine de millions, ce qui, dans ces temps de
crise, ne Lisse pas de faire une somme assez ronde.
Vous pensiz peut-être que le citoyen .Minat s'est
adressé aux ti ibuiiaux mdinaires. Le tribunal de pre-
mière instance Cit bon pour les croquants, les prin-
cus du sang royal ont le privilège de convertir l'As-
semblée en chambre de droit civil. C'est à elle (|iie le
dauphin Mural a remis la connaissance de sou procès.
L'Assemblée nationale a trop le respect d'elle-même
et de ceux qui l'ont^nommée pour ne'passe déclarer in-
compétente; mais comment trouvez- vous ce fils qui
vient, à propos d'une question d'argent, réveiller les sou-
venirs désastreux de la conduite de son père lors de la
chute de l'Empire! La France ne demandait pas
mieux que d'oublier les erreurs d'un des lieutenants
de l'Empereur. Ce n'est pas sa faute si on les lui rap-
pelle. L'opinion publique a jugé la réclamation de
M. Lucien Murât avant l'Assemblée nationale, avant
les tribunaux. Ce n'est pas en comptant des écus que
vous empêcherez d'entendre le bruit des coups de
canon que votre père a tirés contre l'armée française.
Douze millions! ce serait une compensation suffi-
sante à l'échec que M. Murât a subi pour le grade de
colone'l de la première légion. Ce n'est point faute de
bon vouloir cependant de la part des électeurs; mais,
au premier appel fait à son éloquence, le candidat n'a
su que balbutier des phrases entrecoupées dans le genre
de celles-ci : « Je n'ai rien fait... j'arrive de l'exil... je
me conformerai à la tradition de ma famille...» Voilà
donc la famille Murât qui a, elle aussi, une tradition.
Nous sommes plus indulgents que vous, citoyen Mu-
rat, pour le passé de votre famille, et nous voulons
croire qu'en demandant de l'argent à la France en un
pareil moment, vous n'obéissez point à la tradition pa-
ternelle.
Nous avons à signaler au monde l'appparition de
M. Râteau à la tribune de l'Assemblée nationale.
Quelques personnes paraissaient douter de son exis-
tence ; il l'a constatée par une mort éclalaule : M. Ba-
teau s'est fait sauter la cervelle avec un amendement
emprunté à M. Lanjuinais; il est descendu dans la
tombe, enveloppé de sa proposition. L'Assemblée na-
tionale semble vouloir imiter M. Bateau ; elle se sui-
cide à petits coups de démentis : républicaine au scru-
tin secret, royaliste au scrutin de division, elle ne fait
plus que donner à la France le triste spectacle de ses
incertitudes, et perdre chaque jour un peu plus de
terrain. Elle aurait pu pourtant, si elle l'eût voulu,
rester maîtresse de la position. Qui l'eût pensé, que le
suffrage universel aurait pour fanatiques ceux-là mê-
mes qui reculaient devant l'adjonction des capacités?
Bira bien qui rira le dernier.
Bien de nouveau en littérature : au théâtre nous
avons eu un vaudeville charmant de M. Bnzier, lu
Pension ulimenlcdre, et un vaudeville détestable de
M. Bajard, le lierijer de Saudijiii/.
A propos, vous savez que la déiuis.siuii de -M. Llier-
minierestdélinitivement acceptée. Le prufesseur nous
quitte, et transporte son enseignement en Suisse. Bon
voyage au libre penseur.
.NE REVEILLEZ TAS LE CHAI QUI DORT.
Dessiné par BtHTALL
Gravé par MlDDERlGH.
206
REVUE COMIQUE
VIOLETTES PARLEMENTAIRES.
ESQUISSES NON POLITIOUES.
rnEMlKUE VIOLETTE : M. IIURK.
Tous les biographes, tons les journalistes, tous les
chroniqueurs, les dessinateurs à la plume et au crayon
n'ont jamais manqué d'offrir au public les portraits
plus ou moins flattés des hommes célèbres. On ne
cesse de répéter que M. de Lamartine est un grand
orateur, on donne la mesure exacte de sa taille, on dit
la couleur de ses cheveux, la coupe de son habit ; il a
des guêtres jaunes et un nez à tabac; on refait dix fois
le même portrait l'un copiant l'autre. M. Crémieux
est un nègre imparfait, c'est connu; M. Hugo est une
cathédrale ; qui l'ignore? M. Jules Favre a des lunettes
vertes, c'est un fait acquis à l'histoire; M. Murât res-
semble à M. Caussidière, M. Caussidière ressemble à
M. Murât, M. Léon Faucher ressemble à un tire-
bouchon, le petit Bérard à un Auvergnat, le joli Fres-
neau à un éperlan frit, chacun sait ça. Mais ce que le
public ne connaît pas, et ce qu'il veut absolument con-
naître, c'est Bourhousson, c'est Vignerte, c'est Gasionde,
c'est vous encore, sémillant Dupont, truffe inodore du
beau pays de la Dordogne, c'est toi aussi, Cbarentais
ignoré, doux et politique Babaud-Laribière, et Ollivier,
qui s'appelle Oémosthènes, et Saint-Albin, qui se nomme
Hortensias, et celui-ci et celui-là , modestes violettes
oubliées dans le parterre des amendements et dans les
plates-bandes des propositions rejetées; Avond, Ma-
thieu, Choque, Callet, Barbançon , Bodet, Lasleyras,
Vezin et Mispoulet.
Oui, le temps est venu d'aller au bois; déjà la na-
ture se réveille, le soleil brille et eflleure de ses rayons
les vitraux législatifs; la serre-chaude parlementaire
resplendit d'un éclat printannier; le tournesol Barrot
se balance sur sa tige majestueuse, la Pivoine Rhuil-
lièrcs sourit au lys Falloux et au réséda Changarnicr,
mollement caressés par la brise présidentielle; il n'est
pas jusqu'au pissenlit Faucher qui ne charme les re-
gards. Allez, allez, ô jeunes iilles ! cueillir desbluets
dans les blés.
Nous allons donc cueillir aujourd'hui, avec le plus
de précaution possible et de manière à ne pas froisser
cette fleur tendre et mélancolique, la violette Huré.
Fleur et simple et modeste, tu as longtems brillé
sur les bords fabuleux de la Scarpe, aux ondes poisson-
neuses. Douai t'a vue. Douai t'a respirée. Douai t'a
chantée, te veniente die, te descendente canebat. Huré
était l'aigle de tous les barreaux du Nord, depuis le
barreau de Lillejusqu'à celui d'Aïuienscxcliisivement.
Il avait obtenu des succès foudroyants à Valenciennes ;
Arras citait ses prosopopées ; Cambrai l'estimait pour
la hardiesse de ses tropes ; sa phrase à quatre membres
avait séduit Dunkerque, et llazebrouk avait frappé en
son honneur une médaille, sur laquelle on lisait cette
inscription flatteuse : Berryero departemerifi, Au Ber-
RVEU DU nÉPARTEMEiNT. Si l'ou nous demande comment
l'aigle douaisien s'est transformé tout à coup en mo-
deste violette parisienne, nous dirons que c'est par un
de ces effets, hélas ! trop ordinaires, de la métempsycose
politique.
Huré est un homme de mœurs douces et simples; sa
redingote noisette atteste l'aménité de son caractère;
il a un chapeau douteux, des lunettes d'or, une parole
facile et un gilet trop court; ce gilet intelligent fait
des efforts désespérés pour rejoindre un pantalon fugi-
tif; mais hélas! comme Léandre, il expire avant de
toucher au rivage.
Soumisà ce régim..leBt-r,CETMsDÉfENSEScourt inutilement après IcBcDCET DES KECETTES,neBttouiour.distancé. Sur Fa rout.,^^
Tmpn.nJ,deTt.. flottantes, a.nort,..en,ents qu'.l rencontre ; n>ais cet ordina.re engendre le Déiicit et le conduit rap.dement a la Banqueroute.
A L'IISACi; I)i;s GENS SIÎRIEUX.
207
Ilurd sidge h gaiiclie à lu première place de la Iroi-
sièine iiaiiqnette de la première travée ; il enire dans la
salle à riuMire juste où lasiîaiice s'ouvre ; il fuit uii pe-
tit tour dans le couloir central avec la satisfaction inté-
rieure d'un homme qui a déjeuné à 52 sous , dit quel-
ques mots à ses deux com|)atriotes Mouton et Tarez,
monte ensuite lentement les gradins, donne une poi-
gnée de main en passant à son ami Conie, et s'asseoit
tranquillement à sa place.
Une fois installé dans sa stalle, Iluré, en speetxleiir
qui sait vivre, ne trouble en rien la représentation.
L'acteur, je voulais dire l'orateur, n'a pas d'auditeur
plus attentif. Il ne se montre pas à toutes les issues
couin)e M. Emmanuel Arago, qui depuis... mais alors
il siégeait au sommet de la Montagne ; il ne voltige
pas de violette en violette, ainsi que ce papillon de Dur-
neu; il ne lorgne pas insolemment les tribunes comme
M. Napoléon Bonaparte, qui ressemble de face à son
oncle et de profil à Polichinelle; il ne gesticule jias
comme M. Tliiers ; il ne dort pas comme M. Quinet;
il n'interpelle pas continuellement le président comme
MM. Denjoy et Taschereaii; il ne dit pas très-bien
comme M. Baze, ni très-mal comme M. Buvignier ;
il ne fait pas de carricatures comme MM. de Luynes,
Ferdinand Lasteyrie , Eugène Raspail , fournisseurs
extraordinaires de la Berne comique, des calembourgs
comme M. Dupin, et des fautes de français comme
M. Fresneau ; il ne se peigne pas continuellement la barbe
comme M. Heckeren ; non : Huré est incrusté dans sa
stalle; il fait partie intégrante de sa banquette, et il
serait à la Chambre comme s'il n'existait pas, s'il n'a-
vait pas été séduit par la futile ambition de continuer
sur les bancs de l'Assemblée nationale les traditions
parlementaires de M. Villemain.
On sait que l'ex-noble pair était légèrement bossu ;
il avait en conséquence des bras démesurément longs
qui traînaient jusqu'à terre quand il était assis : pour
occuper ses loisirs et ses mains, M. Villemain jouait
continuellement avec ses souliers ; son plus grand
bonheur consistait à glisser ses doigts, pouce, in-
dex, médius, annulaire et auriculaire, entre ses bas
et le cuir de sa chaussure. I^ouis-Philippc lui disait
souvent au conseil des ministres : Mon cher Villemain,
vous feriez mieux d'acheter un polichinelle ou de
juendre du tabac comme Lacave-Laplagne. M. Vatout,
ce gros esprit de la cour citoyenne, ne tarissait pas en
bons mots sur ce laisser-aller du ministre de l'instruc-
tion publique ; Cuvillier-Fleury s'en indignait ; Trognon
le citait à son élève comme un modèle à éviter ; Huré a
emprunté à l'ancien pair de France cette innocente oc-
cupation législative; il tient invariablement sa jambe
gauche sur sa jambe droite, et, pendant tout le temps
que dure la séance, ses mains folâtrent avec sa chaus-
sure.
Mais quatre heures sonnent, Huré quitte son banc
Où va Huré? Pourquoi cette fugue à heure fixe? Va-t-il
se promener dans les couloirs pour deviser turfel sport,
avec l'intrépide ridder M. de Laussat? Tramc-t-il une
conspiration contre le ministère? Recueille-t-il les bons
mots de M. Thiers? Non, Huré se rend tout simplement
au café Janniot, ce divan représentatif. Huré, altéré par
les nombreux discours qu'il a religieusement écoutés,
va boire une choppe de bierre. Quand il le voit entrer,
le garçon s'empresse de lui bourrer une pipe. Là, Huré
rencontre ordinairement M. Lagrange, M. Mathieu (de
la Drôme), M. Toussaint-Bravard, et un domino à
quatre vient alors agréablement tempérer les fatigues
d'une discussion trop prolontrée.
Huré est monté une fois à la tribune, c'était dans la
discussion relative au projet de Constitution le pré
texte de cette audacieuse tentative était la présentation
d'un amendement; le motif réel était celui-ci • Huré
avait chaud et soif, il voulait tout simplement boire un
verre d'eau sucrée.
^"'ItT" '' " ?'""•" " y^^^ '"' '"""" '""' '"' =" '''"'" "" ^""^'^^^ "=' '>" -'"W""'e les ^vres inufles. Celui-ci, privé des
emprunts, pr.mes et autres .,.,.eUs .nsa.ubres, perdra bie»,6t .00 .,.lo.,oiot gé»,»,. et n>a,che,a d-scco,d.vec le Budget des He««èl
DEUX GRANDS
La France n'est pns encore revenue de son ad-
miration pour la grande victoire de M. Changarnier
sur l'hydre de l'anarcliie, et les gens du métier ren-
dent les armes à son nouveau système de guerre, ce
sjstème préventif et d'éparpillement qui fera l'éton-
nement des Césars futurs. Le système répressif était
bien décidément l'enfance de l'art, un système rococo
et digne du moyen âge; en efîet, n'était-il pas pro-
fondément ridicule d'attendre qu'il y eut une émeute
et des émeutiers pour les réprimer? Avec le système
préventif, c'est bien différent : avant que l'émeute et
les émeutiers non-seulement soient ués, mais aient
son^é à naître, nous descendons dans la rue avec cent
mille hommes ; nous battons partout le rappel, nous
promenons partout nos canons, nous mettons partout,
à chaque maison, à chaque porte un ou deux soldats,
et nous attendons fièrement ! Puis, quand les habitants
clonnés mettent le nez à la fenêtre et demandent le
pourquoi de tout ce tapage : « Voyez les scélérats, dit
e "encrai de l'armée préventive; ils sont déjoués! ils
MATAMORES.
n'osent accepter le combat'. La victoire est à nous.
Rentrons ! Soldats, je suis content de vous : vous vous
êtes couverts de gloire sur toute la ligne... des boule-
vards! » Vive le système préventif! Enfoncé Cavai-
gnac et les journées de juin !
Le succès de M. Changarnier a été tel que le maré-
chal Bugoaud en crève, dit-on, d'envie; aussi a-t-il
fait aux braves Berrichons un speech périgourdin qui
vaut son picotin d'avoine. Que les Parisiens se le tien-
nent pour dit : avec les Arabes, le vainqueur d'Isly
pouvait garder quelques ménagements, mais avec les
républicains, point de pitié, point de quartier! Il pro-
voque les départements à la guerre contre la capitale!
Raillerie à part, il n'est pas d'exemple, dans les plus
mauvais jours de notre révolution, d'un langage aussi
hideux, aussi brutal, aussi sauvage! Radelski, Jella-
chich , VVindischgraetz sont dépassés ! Est-ce que les
lauriers de ces bombardeurs empêchent M. Bugeaud
de dormir? Et voilà les gens qui sont à la tête du parti
modéré !
L'ASSEMBLÉE ET LE PRÉSIDENT.
L' .assemblée nationale fait décidément la coquette;
tantôt elle dit non, tautot elle dit oui; hier elle faisait
fi de M. Barrot, aujourd'hui elle l'accable de sa ten-
dresse; samedi dernier elle lui jetait sur les épaules la
plus grave des accusations, et lundi, contente de la
leçon, de la peur qu'elle lui a faite, elle lui promet gé -
néreusement son concours. Ces voles si différents, celle
mobilité d'opinions, ce passage subit de la colère à la
confiance, doivent dérouler bien des combinaisons,
bien des calculs; ce n'est pas, à coup sur, de la pub-
lique ferme et constante; mais cela prouve au moins,
contre le dire des royalistes, que r.\ssemblée n'est
point systématiquement hostile au ministère et qu'elle
ne veut que la conciliation. Nous verrons comment se-
ront reçues ses avances; mais nous gagerions qu'elles
n'éprouveront que de la répulsion; l'ingralitiule est la
verlu presque unique que la France a prati(iuée depuis
qu'elle est en République.
A i;iISAGE DRS GKNS SI^RirUX.
200
I.cs explications et les excuses du ministère, soit sur
rarri'stalion dti colonel île la (>• légion, soit sur le linl-
letindu ministère de l'intérieur, soit sur les ci>in|ilols<les
chibs, ont paru bien cliétives et bien inesi|iiiiies ; tuais
ce qui ne l'est pis, ce sont les doctrines que M. Barrola
eu l'audace de metlie en avant sur le pouvoir du pré-
sident,et qui révèlentles arrières-pensées de la réaction.
Vous souvient-il de ces discussions niéla|)livsiques
de la Chambre des dé[)ntés sur la transparence ou la
non-transparence de la royauté, sur le ministère qui
couvrait ou ne couvrait pas suCfisanimeut la couronne;
de ces théories si alambitiuées, si peu compréhensibles
sur le roi qui règne et ne
gouverne pas? On se se-
rait cru à celte belle épo-
que du Bas-Empire où
l'on se battait pour savoir
si la lumière du Mont-
Thabor était créée ou in-
créée. ISos grands hom-
mes d'aujourd'hui, MM.
Barrol , Thiers , etc. ,
étaient passés maîtres en
ces théories à l'aide des-
quelles se jouaient de si
bons tours. Eh bien! on
nous ramène à cela ; que
dis-je?à mieux que cela.
Vous aviez cru faire une
république pour en finir
avec cette autorité d'un
homme contrariant, an-
nulant la volonté de la na-
tion, avec cette confusion
de pouvoir exécutif ayant
part au pouvoir législatif,
aveccet antagonisme in-
terminable de la repré-
sentation nationale et du
premier commis de la na-
tion ; et pour cela, vous
aviez fait \ine chambre
unique qui formule les
volontésdu peuple, et un
président qui les exécute.
MONUMENT EN L HONNEUR Dt" CR.'
La souscription e t ouverte dans les bure
une Assemblée qui est la tête, un premier fonction-
naire qui est le bras; aussi aviez -vous rendu ce ci-
toyen responsable, responsable devant l'Assemblée qui
est l'expression permanente de la volonté nationale.
Tout cela était une erreur: les docteurs de Louis-Phi-
lippe, les théoriciens politiques de l'autre Chambre,
les malins de la monarchie constitutionnelle, ont dé-
couvert que le président est le véritable représentant
de la nation ; que son pouvoir ayant même origine que
celui de l'Assemblée est supérieure celui des députés
du peuple, et que dans le cas de conQit entre eux et
lui, ce Sont les ili'>puli''s qui doivent céder. Kn vérité, on
pouvait concevoir que Charles X et I.ouis-l'hili|)pc se
soient égarés dans de telles prétentions; au moins avaient-
ils une idée politi(|ue, un système de gouvernement, une
théorie, fausse ou vraie , sur la nature et l'étendue de
leur j)Ouvoir ! Cela méritait (|uel()ue considération, était
dignedc quelque controverse. Maisde la partde .M. Louis
Bonaparte ! les cinq à six millions de voix du 10 décem-
iire lui ont donc tourné la tète? F^st-ce que personne ne
les lui a décomposées, ne lui en a estimé la valeur?
Je ne serais pas étonné que M. Bonaparte, qui doit
tout h son oncle, et qui, ainsi que M. de Cirardin nous
l'a révélé, va chercher
près de son tombeau des
inspirations politiques,
n'eût conçu des idées si
étranges sur la nature de
son pouvoir éphémère
dans l'histoire de Napo-
léon. Endécembre 1813,
le corps législatif, sortant
de son mutisme de dix
ans, s'avisa d'adresser de
très-humbles remontran-
ces à l'Empereur sur la
guerre, de très-humbles
supplicationssur le main-
lien des droits politiques
de la France. On sait la
sortie furibonde que fit
Na[ioléonàcetle réclama-
tion courageuse, mais
intempestive : « Au nom
de qui parlez-vous, dit-
il. C'est moi qui suis le
seul, le vrai représen-
tant du peuple ; quatre
fois j'ai eu le vote de
cinq millions de citoyens.
M'aftaquer , c'est atta-
quer la nation ! » Et il
lit fermer le corps légis-
latif.
Je ne serais pas étonné,
dis- je, que M. Bona-
parte, dans son intimité, à l'ombre du grand sabre de
M.' Changarnier, n'eût répété ces paroles, dont cer-
taine allocution de M. Bariot à r.\ssemblée a semblé
la paraphrase tant soit peu déteinte. Mais M. Thiers,
qui écrit l'histoire de l'Empire, devrait bien dire à son
illustre protégé que, lorsque Napoléon prononçait ces
malheureuses paroles, il venait de gagner les batailles
de Dresde et de Hanau et s'apprêtait à faire son im-
mortelle campagne de France. Et cependant, il les
expia cruellement, car, à trois mois de là, ce même
corps législatif prononçait sa déchéance.
SD or>lLON BABROT.
ux de la Reçue comi'
210
REVUE COMIQUE
LA POULE AUX ŒUFS D'OH.
— Ilélas! Iiélas!
— Qu'y ii-t-il? do quoi gémissez-vous?
— Comment vous dire ce qui arrive à M. de Co-
noude?
— Dites toujours; de la part de M. de Geuoude rien
ne urétoniie. Aurait-il inventé, par hasard, la messe à
deux degrés ?
— 1! a fait bien pis : il s'est figuré qu'on l'avait mé-
tamorpliosé en poule.
— Ah bah !
— Et qu'étant changé en poule, il allait pondre un
œuf.
— Un œuf, juste ciel !
— Un œuf, et, qui plus est, uvi œuf d'or. Il se croit
devenu la poule aux œufs d'or.
— Mais qu'en dit le docteur Blanche?
— Que voulez-vous qu'il en dise? il est consterné.
— 11 y a de quoi. At-il ordonné des douches?
— I.e malade refuse d'en prendre. « Jamais, dit-il, on
n'a donné des douches à une poule ; les douches m'em-
pêcheraient de pondre, et si je ne pondais pas, que de-
viendrait la France, puisque je vais pondre un œuf
d'or et que dans cet œuf seront renfermées la richesse
et la prospérité du pays? »
— O douleur! voir ce grand homme dans un si
triste étal! Mais ètes-vous bien sûr de ce que vous
dites?
— Parbleu! lisez plutôt la Gazette, vous n'y trou-
verez que des dissertations sur l'œuf d'or qui sera pro-
chainement pondu par son rédacteur en chef.
— Voilà, monsieur, qui prouve bien le néant de
l'homme. Le grand Pascal voyait toujours un gouffre
béant à ses pieds, et M. de Genoude, le plus grand
génie sans contredit qui ait paru après Pascal, se croit
changé en poule. Ce que c'est que de nous! Mais conti-
nuez de me donner sur cette manie bizarre des détails
qui m'intéressent, tout en me navrant le cœur.
— Que vous dirai-je! Depuis qu'il se croit poule,
M. de Genoude ne veut plus se coucher, et passe les
nuits debout sur une chaise, sous prétexte que les
poules perchent et ne se couchent pas. On a même été
obligé, pour flatter sa manie, de garnir son apparte-
ment de bari'caux pour lui donnei' Pair d'un pou-
lailler. l)è^ que le jour paraît, il pousse d'une voix forte
deux ou trois coquerico! et s'élance en agitant ses bras
comme des ailes, dans sa basse-cour où se trouvent
d'autres poules. Il se mêle à leur troupe, gratte la terre,
se tapit au soleil et cherche à imiter tous les mouve-
ments de ses prétendues compagnes.
— Continuez; vous me faites riie et pleurera la
fois.
— Hélas! les larmes duivent remporter sur le rire.
Quand la cuisinière arrive pour donner il manger aux
poules, M. de Genoude leur dispute les grains de millet qui
tombent à terre, et ce n'est qu'au moyen de mille ruses
que ses amis parviennent de temps en temps à lui faire
manger un heefsleack. Ensuite il dit : « Bon ! je crois que
l'instant arrive de pondre mon œuf d'or,» et il va s'asr
seoir en criant coquerico ! dans une grande corbeille pré-
parée à cet effet. Sa seule préoccupation, c'est qu'on
ne veuille l'inunoler pour lui tirer d'un coup du ventre
tons les œufs qui s'y trouvent renfermés. Celte crainte
lui a fait prendre la cuisinière en horreur, et, dès
qu'il la voit, il s'élance pour lui donner des coups
de bec.
— Pauvi-e femme! je suis sûr qu'elle est profondé-
ment affligée de l'état de son maître.
— Elle en pleure toute la journée ; elle en a les yeux
rouges: la malheureuse fait pitié! Mais ce n'est pas
tout. Témoin des efforts que faisait son maître pour
pondre son œuf d'or, elle a eu l'imprudence de mettre
en cachette un œuf de poule dans la corbeille, pensant
que M. de Genoude croirait l'avoir jjondu, et guérirait
ainsi de sa manie.
■ — La ruse était bonne.
— Au contraire : M. de Genoude a cru, à la vérité,
avoir pondu l'œuf; mais, changeant de marotte, il
s'est mis aussitôt en tète de le couvei'.
— Juste ciel !
— Depuis quelques jours, on le voyait tourner et
gratter autour de sa corbeille d'un air languissant,
comme font les véritables poules quand l'époque de
l'incubation approche : les alarmes que donnaient ces
symptômes n'ont été que trop justifiées, hélas! par un
article de la Gazette d'hier, où M. de Genoude annon-
çait à la France que le moment était venu de cou-
ver l'œuf d'or. « L'incubation ne sera pas longue » ,
ajoutait M. de Genoude.
— Et vous pensez qu'il finira par s'asseoir dans la
corbeille sur l'œuf qu'y a jilacé la cuisinière?
— Je le crains.
— Mais que s'attend-il à faire éclore de son œuf?
— Il compte en voir sortir Henri V. Ce qui est po-
sitif, c'est que l'ceuf va être juliment écrasé. Quelle
omelette !
— Ne m'en parlez pas. Mais, après tout, un œuf
n'est qu'un œuf; et quand M. de Genoude couverait
celui-là, ce ne serait pas un fait sans exemple. On ra-
conte qu'un naturaliste, tombé entre les mains des
sauvages d'Afrique, fut contraint de couver un œuf
d'autruche, et il ne s'en porta pas plus mal. Peut-être
l'état de M. de Genoude n'esl-il pas tout à fait dé-
sespéré. Les poules elles-mêmes guérissent de leurs
maladies, avec le temps; M. de Genoude peut donc
guérir aussi, lui qui n'est poule que dans son ima-
gination.
A i,i'sA(.r, in;s c.KNs sfjuixx.
ÎH
M. mT.F.Arr» faisant (onnmssanci: avec la ville nr; Rornr.rs.
La Conslilulion a eu le lurl de ne pas inéciser la
position que doit occuper le maréchal Itugeaud eous la
République. F.sl-il roi, empereur, pape, généralissime?
On iillMid pour savoir de quelle façon il convient de lui
rendre hommage.
Des personnes bien inf<irmées assurent que .M. lîu-
geaud est seulement commandant de l'armée des .Mpes, !
et que le quartier- général est à Lyon. Alors comment ■
se fait-il qu'on le trouve à Botn-ges se livrant à ses
excentricités hahiluellcs?
Avant lui, c'était le général (Hidinot qui comman-
dait l'armée des .Vlpes, mais M. Oudinol ne s'occupait
que des troupes placées sous ses ordres. Le maréchal Bu-
geaud veut bien nous
apprendre que de
son quartier-général
il a toujours les yeux
fixés sur Pai'is. Ceci
prouverait que M. Bu-
geaud est indépendant
du ministre delà guer-
re et du gouverne-
ment de la Républi-
que. Peut-être consi-
dére-t-il les régiments
des Alpes comme dos
compagnies franches
dont il a la propriété.
Un de ces jours, nous
entendrons dire que
M Bugeand ist allé
avec ses bandes con-
quérir la Sicile et y
fonder un royaume
périgourdin, ou bien
qu'il marche sur Paris pour faire valoir ses droits au
trône.
Le t'ait est qu'il devient assez diflicile de comprendre
la réception qui lui a été faite à Bourges. Toutes les
autorités, y compris le parquet, sont allées en corps lui
rendre une visite officielle. A quel titre, s'il vous plaît?
M. Bugeaud est-il drnc président de la République? On
ne sait qu'en penser, à moins qu'il ne s'agisse d'une
mystification.
Se voyant entouré et fêté par les autorités berri-
chonnes, M. Bugeaud a retrouvé fout à coup ses van-
teries gasconnes un peu compromises, il est vrai, par
la révolution de Février.
Dans le discours prononcé à celte occasion, M. Bu-
geaud commence par se féliciter « de faire connais-
sance avec la ville de Bourges. » Ici nous retrouvons
l'ancien Poinsinet parlementaire qui égayait la Chambre
sous la monarchie. Vovez-vous un homme « faisant
Le maréchal Bugeaud e-sayant uni
toujours l'œil
connaissance n avec une ville! — Lst-cc bien ù la ville
de Bourges que j'ai l'honneur de parler? — A elle-
nu^me, monsieur. — Knchanté de faire votre con-
naissance , madame. — .Monsieur , vous êtes bien
bon.
La conversation engagée dans ces termes, M. Bu-
geaud adresse quelques compliments à sa nouvelle
connaissance.
H Vous êtes une noble et antique cité. Madame.
— Vous êtes trop honnête.
— Je me suis laissé dire que vous aviez de beaux
souvenirs dans l'histoire.
— Quoi! vous avez la bonté de rappeler...
— Certainement.
— Ah! Madame,
que de révolulious
nous avons traver-
sées!
— A qui le dites--
vous !
— Ce qui me char-
me, c'est qu'à tra-
vers toutes ces ré-
volutions vous avez
conservé vos mœurs.
— Les mœurs avant
tout , c'est ma de-
vise.
— Vos traditions.
— Le? bonnes, les
saines traditions.
— C'est bien ainsi
que je l'entends. Vous
avez aussi conservé
vos vertus.
— \\i ! Monsieur, vous me comblez !
— Je vous rends , Madame, un légitime hom-
mage.
— Vous m'en voyez toute confuse.
— On ne saurait vous montrer trop de respect. »
La connaissance faite, M. Bugeaud quitte le genre
galant et troubadour pour prendre ce ton tranchant qui
subjugue les belles; il s'exalte, il brandit son sabre, il
accumule les hâbleries et les gasconnades. C'est alors
qu'il annonce son intention d'avoir l'œil sur Paris.
(La ville de Bourges admire. ) a. Qu'est-ce que je de-
mande, s'écrie M. Bugeaud, pour mettre les factieux
à la raison? quatre hommes et un caporal. Il faut dé-
truire Paris, ce foyer d'anarchie ; Paris ne fera plus la
loi au reste de la France. C'est Bourges qui doit de-
venir notre capitale. (Bourges baisse modestement les
yeux.) \ji. prif^ince , c'est moi avec mon armée des
Alpes, broum ! broum ! ayons l'œil ouvert. On a vu le
ï queue fourrierîste afin d'avoii
sur Paris.
213
HKVUK COMiyilK
24 février ce que je savais faire de mon sahie; je suis
prêt il reciimniencer. l.a République, c'est le goiivei-
neuieiU des Caliliiias. {Conwie il est firrc sur t'/iis-
toire ancienne ! murmure la ville de Ilourges.) Sa-
brons les Caliiinas parisiens ! Cent mille boudjoux! je
IJiétcnds prendre ma revanche du -2i février, et entrer
à Paris à la tète des gardes nationales de province. Sa-
brons, pendons, fusillons; il faut rétablir l'ordre pour
toujours. Vive le 'roi ! » [La ville de Bourges s'éva-
nouit d'admiration en lui demandant ; « Lequel? »)
LES PAinOUlLLRS AYKC (;A^()^'.
« Il n'en t.uil pas doulci-, dit le Constitutionnel , la
patrie \ienl d'éclinppcr à un grand danger, grâce à la
vigoureuse initiative du gouvernement. Ou veut l>ien
reconnaître, ajonte-t-il, que mon altitude énergique a
clé aussi pour quelcjiie chose dans cet heureux lé-
sullal. »
Qu'est-ce qui en doute? Il sufiit d'avoir vu le Cons-
titutionnel combattre pour la cause royale le 2-i fé-
vrier ; on se rappelle, en effet, que ce fut l'héroïque ré-
sistance d'un bataillon sacré composé de MM. Thiers,
Merruau et du pharmacien Véron, qui retarda l'envahis-
sement des Tuileries et donna à Louis-Philippe le
temps de monter en voiture.
Depuis lors le Constitutionnel s'est toujours fait re-
marquer par son courage au premier rang des amis de
Tordre ; c'est ainsi qu'on l'a vu dans la nuit du 28 au
29 janvier parcourir (ièrement les rues pour recon-
naître les dispositions des insurgés, et c'est sans doute
dans le cours de cette dangereuse promenade qu'il a
rencontré ces fameuses patrouilles avec canon faites
par le général Changarnior en personne.
Le journal du pharmacien Véron ne dit pas, mais il
laisse entendre que ses patrouilles à lui étaient faites
avec seringues; c'est du moins le sens qu'on peut don-
ner à un passage assez obscur de son premier-émeute
d'hier. Nous l'avons vu du reste en juin s'élancer sous
le feu des barricades et au Tuilieu d'une grêle de balles
pour donner des lavements aux blessés.
On comprend après cela que la fumée de l'eau
chaude lui moule à la lèle, et qu'il discute avec une
inciuileslable compétence les dis])ositions stratégiques
du général Changarnier. (le qu'il trouve au-dessus de
tout éloge, ce sont les patrouilles avec canon comman-
dées par le général. Vivent les patrouilles avec canon!
s'écrie le Constitutionnel. Vivent l'artillerie et le train
d'équipages ! Le Constitutionnel s'exalte et se laisse al-
ler peu à peu à raconter quelques détails de la bataille
qui n'a ]>as eu lieu, mais qui aurait été terrible sans
les patrouilles avec canon.
« Jamais, dit le pharmacien Véron, on n'a rien vu
de plus formidable que la barricade qui a failli cire
élevée à la Bastille, quoique pourtant celle qui aurait
pu être construite au Panthéon ne lui cède en rien.
Dans la rue Montmartre , l'attitude énergique du
Constitutionnel a empêché les fauteurs de troubles de
déplacer les pavés. Mais c'est surtout dans la rue Saint-
Houoré que l'audace des insurgés n'aurait plus connu
de bornes s'ils eussent osé se montrer. Ce n'est point
une barricade, mais une véritable forteresse qu'ils
n'ont pas élevée en cet endroit, une forteresse avec cré-
neaux, meurtrières, pièces de 24, pièces de 36, pièces
de campagne, obusiers et le reste ; heureusement ils
A L'USAGE DES GENS SIÎRIEUX.
3<3
nvaiciit cniiii)!,' s.iiis li's |):itiiiiuilcs avi-c cniioti cl Mir-
loiil sans r.iltitiiiK' licllM|ii('iisf ilii f'fiiisfitutioimrl.
a Dans ci'llo nn'iiiinalili' jnniih'ciln 'i'.t janvior, ajuiilo
la ft'iiillii VV'iMii, niilli- liails du plus lnillnnt cuniaL'i'
ont illiislré les tlol'ensours dtî runlic, |iic><|iii' Imi., du
ivslo, aimiitu's dn ('nnuliliilidiiiicl. C'csl un de nu-
Sousci-i|)U'ni-s, dunt l'ai u'nnMil, s.ul dit en |)as-anl,
expire dans (jui li|ii('s jonrs, ipii >\sl (Mancé Unil seni
sur lin groupe (\\n n'exislait pas, et l'a dispersé. Un
aiilre, auquel nmis leeoinmauddiis, entre parenthèses,
Je renouveler son aboniienieut s'il ne veut pas épinn-
ver (rinlerriiplion dans l'envoi du journal, un autre,
disons-nous, sans se laisser effrayer par les décharges
de niousqueterie qui ne parlaient pas d'une harricade
qui n'avait point été élevée, l'a escaladée le premier et
a planté dessus un drapeau qu'il ne portait pas à la
main. Nous demandons la croix pour ce brave. »
Ces détails, peut-être liasardés, sont accompagnés
d'antres détails tout à fait épouvantal)les sur les atro-
cités que les insurgés se seraient permises, s'il y avait
eu des insurgés. Ainsi un abonné dn Cnnstilutionnel,
auquel on recommande d'ailleurs d'écrire lisiblement
son adresse, à son prochain renouvellement, ou mieux
de renvoyer une des dernières bandes imprimées, cet
abonné donc aurait pu être scié entre deux planches
par une femme d'insurgé, s'il y avait eu des insurgés,
des planches et une scie. Horrible mégère! s'écrie le
Constitutionnel, avec une horreur bien naturelle. De-
puis le mois de juin, le Conslitutio}inel en veut sur-
tout aux mégères. Mais passons à de nouvelles atro-
cités. Un autre abonné, qui n'a pas été suspendu par
les pieds au-dessus d'un large brasier, ne le doit qu'à
ce qu'il n'y avait ni large brasier, ni corde, ni per-
sonne, pas même une mégère pour le suspendre, et
à ce que d'ailleurs il n'était pas sorti de chez lui.
<tn prolite néanmoins de cette occasion pour le prier
d'envojei- 'i francs .'10 centimes en sus du prix de
son abonnement s'il veut recevoir lu Hihliothique
r/iiiisii-.
Mais ce n'est pas seulement à l'aris que l'on aurait
eu à s'indigner de ces abominations si elles avaient eu
lieu. La province aussi a fourni son contingent d'é-
ineuliers absents, de barricades qui n'ont pas été cons-
truites et d'horribles mégères. Il n'y a qu'à voir, par
exemple, ce qui s'est passé à Sarrcguemincs. A Sar-
regui iMiiies, il s'est passé qu'il se serait passé des
horreurs s'il s'était passé n'importe quoi, ce qui fait
qu'il ne s'est rien passé du tout, faute qu'il se soit
passé quelque chose. Kt ce n'est pas seulement à Sar-
legueniines que ces choses-là se sont passées : les cor-
respondances du Constitutionnet lui apprennent qu'il
s'en est passé autant sur tous les points de la France,
car partout, comme le fait très-bien observer .Merruau,
les mégères se ressemblent, ainsi que les [latrouilles
avec canon.
Imi terminant, le journal du pharmacien Véron an-
nonce que désormais il n'aura aucun ménagement
pour ces émeutiers incorrigibles. On l'a vu en juin, la
seringue en bandonillère, aller sous le feu, porter le
secours de son instrument aux blessés, sans distinction
de parti; il ne se piquera plus de tant de générosité.
Certes, il continuera de faire son devoir; ou le verra,
comme par le passé, s'élancer dans la mêlée, son in-
strument à la main, mais ses bons offices seront exclu-
sivement réservés aux blessés du parti de l'ordre; les
insurgés le supplieront en vain ; rien (lour les insurgés,
pas même quatre gouttes d'eau chaude ; les mégères
elles-mêmes ne parviendront pas à l'attendrir; le Cons-
titutionnel déclare que, par leur férocité, les mégères
ont cessé de faire partie de leur sexe.
214
REVUE COMIQUE
LETTRE D'UN VOLEUR A MONSIEUR DE HECKEREN.
On lisait dans un des Joniiors miinoros de la Paine
le fait suivant :
« Du de nos luuioiables reprosentanis, connu par l'aménité
de son caractère non niciins que par sa s'''>"dc inlluenre poli-
tique, se reposait l'auti-e soir de ses fatigues législatives, en
se promenant avec quelques-uns de ses collègues sur l'asplialte
des boulevards. 11 se délectait à savourer le parfum d'un pa-
natellas. quand un homme vêtu d'une blouse l'aborda, la main
armée d'un cigare encore vierge : « Citoyen, du feu, s'il vous
plait? » dit-iL Le représentant laisse ses collègues continuer
leur promenade, cl offre du feu à son inlerlocntcur. Ce der-
nier alluma son cigare, et rendit le sien à son officieux repré-
sentant, en lui disant : « Tenez, citoyen, ça me fait plaisir.
-Vous n'êtes pas fier. Vous êtes, j'en suis sûr, un bon républi-
cain Je le pense, du moins, répondit le représentant. —
Eh bien! en ce cas, vive la Rèpubliittie démocralique! — Eh
bien! oui, citoyen, vive la République démocratique! — Et i
sociale! ajoute î'incouuu. — Pour celle-là, je n'en suis pas. »
«Quelques mois furent encore échangés entre le représentant I
et l'inconnu, qui s'éloigna ensuite eu lui disant : « Nous fini-
rons par nous entendre. » Le représentant hàla le pas pour
rejoindre ses collègues : il était tard, il voulut tirer sa montre
pour savoir l'heure qu'il était; hélas! la montre avait disparu,
et l'industriel ne lui avait laissé que la chaîne de sûreté, sans
doute comme un témoignage de la fragilité des choses hu-
maines et des chaînes de sûreté. »
N. B. Nous trouvons dans la boîte de la Revue co-
mique la lettre que voici à l'adresse de l'honorable
M. de Heckeren, qui, s'il faut en croire notre singu-
lier correspondant, serait le représentant désigné dans
la note qu'on vient de lire :
« A Monsieur de Heckeren, représentant du Haut-Rhin.
« Monsieur,
« C'est dans l'intérêt de la vérité, et pour ne pas
laisser d'ailleurs peser sur une opinion qui ne m'a ja-
mais rien fait et avec laquelle je n'ai aucune espèce de
rapport, une accusation injuste, que je prends la li-
berté de rectifier, par la voie de la presse, le récit peu
véridique que vous avez cru devoir faire de l'incident
qui vous a privé de votre montre. Quand l'idée m'est
venue de remplacer ma montre que je venais de per-
dre par celle qui était dans le gousset de votre panta-
lon, je me suis demandé par quel moyen je pouvais
m'attirer votre conliance, et comment pouvait s'opérer
entre nous un rapprochement nécessaire à mon projet.
Ma première idée fut de crier eu vous demandant du
feu : «Vive Henri V! » Ce cri l'attendrira, pensai-je
d'abord. Un républicain légitimiste n'y saurait être in-
sensible. Mais je ne m'arrôlai point à cette pensée. Sous
une apparente étourderie, je vous sais lin et rusé ; ce
cri vous eût mis en défiance, et, ma foi, toute réQe.xion
faite, je me dis : «Ce n'est pas là un coup de politi-
que, c'est une affaire de sympathie à établir; crions
Vive Lafayette ! soyons gris, soyons ronds ; Heckeren
est un bon vivant, la candeur d'un pareil cri n'éveil-
lera pas ses soupçons, il se laissera toucher. » Qui fut
dit fut fait, et c'est au cri de Vive Lafayette, souve-
nez-vous-en, et non au cri de Vive la République,
pas plus de la république démocratique que de la ré-
publique sociale, que s'accomplit mon dessein.
« Pourquoi, Monsieur, avoir fait de celte affaire une
affaire politique? pourquoi avez-vous cru devoir vous
prêter à vous-même un bon mot que vous n'avez point
eu à prononcer? avez-vous donc besoin de prouver
que vous n'êtes pas socialiste, vous, qui, au fond, ne
tenez pas même à prouver que vous soyez républi-
cain.
« H faut de la conscience en tout, M. de Heckeren,
dans les petites choses comme dans les grandes ; il ne
suffit pas d'être volé pour avoir le droit d'attribuer à
son voleur des paroles qu'il n'a pas prononcées. — Te-
nez-vous-le pour dit, je vous ai laissé la chaîne de votre
montre, cela méritait plus d'égards.
« Votre Volelr. »
CHOSES QUELCONQUES.
On assure que M. Berryer a été fort mal reçu au
fameux congrès de la rue Duphot. —De son côté,
M. de Larochejacquelein y aurait été traité d'éteignoir.
M. de l'astoret n'y serait pas loléré. M. de Genoude y
est peut-être écouté, mais un peu à la façon de Cas-
sandre. — Voilà pourtant un parti qui se vante de
pouvoir réconcilier toute la France. Réconciliez-vous
d'abord, messieurs, si vous pouvez; — et quand la
chose sera faite, faites-nous le savoir.
— On répétait dans un salon ce mot fameux mais
trop répété de Napoléon : « Dans cinquante ans, l'Eu-
rope sera républicaine ou Cosaque. » — Qu'elle soit
Cosaque, s'écria la jeune et belle marquise de 1'"* dont
le mari est sexagénaire ; notre sang corrompu par la ci-
vilisation ne peut que gagner à se croiser un peu. »
Avis à M. le marquis de P"*'.
— Sous ce titre Violettes parlementaires, nous nous
proposons de faire l'éloge de quelques membres de l'As-
semblée qui ont un grand mérite, et sont parfaitement
inconnus.
Dans une réunion oii il suffit pour s'illustrer d'un
peu d'outrecuidance et de fatuité, ce serait de l'ingra-
titude de ne point aller chercher, sous les feuilles où
elles se cachent avec tant d'abnégation, ces modestes
fleurs que les départements nous ont envoyées. Qu'on
y songe, pour être inconnu, il faut n'avoir ni fait m
A L'USAGE DES GENS SÉRIEUX.
prononce la moindre sollise depuis dix mois. Les
liommos de l'Iulannic poiiiraionl-ils i)iL'lc'ndro à un
j)lus rare nuTitc .'
— Savi'z-vuus, mon clicr duc, pourquoi la Répu-
blique a |)!us d'avenir (|ne la monarchie, disait le vieux
comte de C... an vieux duc de *". (l'est parce que
nous sommes vieux et que la Hoijuhliiiue est jeune.
— /'lus de révolutions! /y,ùmti mieux la lîépu-
l)li(iue à perpétuité, disait hier un de nos plus li-
ches manufacturiers. La meilleure révolution ne
vaut rien. La République n'est pas de mon goût,
mais elle a pour elle qu'elle exclut toutes les au-
tres prétentions, tandis que toute autre l'orme les
ferait renaître. Henri V nous amènerait le comte de
Pans, le comte de Paris nous ramènerait des tentatives
impériales. Restons tranquilles; faisons notre lit. La
moindre entreprise commerciale a besoin du temps
pour se fonder et d'une mise de fonds ; que la mise de
fonds, que le temps donné à la République ne soient
perdus ni [jour la France, ni pour nous. Un nouveau
changement demanderait des frais entièrement nou-
veaux. C'est assez comme cela. Je me déclare républi-
cain, parce que j'ai été conservateur, parce que je le
suis, parce que je prétends l'être non-seulement de [la-
rôles, mais de fait.
— M. de Lamartine n'a jamais fait un discours plus
vide que celui de mardi : flatteries au président de la
République, flatteries au suffrage universel, flatteries
à la majorité en injuriant sans raison la partie extrême
de l'Assemblée, autrefois son amie, — total : demande
formelle du portefeuille des affaires étrangères ; tel est
le résumé de ce triste discoui-s. — .V. B. M. de Girardin
l'a loué.
— .\prè3 les journées de juin, un grand nombre de
citoyens eurent la pensée d'offrir une épée d'honneur
au général Cavaignac ; le brave général, informé de ce
j)rojet, pria ses auteurs d'y renoncer et refusa ce té-
moignage bien mérité d'ailleurs, de l'estime du pays. —
A propos de la ridicule journée du 29 janvier, qui l'eût
cru ? il est question d'offrir au général Changarnier une
épée d'honneur; en vérité, n'est-ce pas une amève cri-
tique, une satire de cette équipée, et le brave général
n'cst-il pas honteux qu'on fasse pour ce triomphe ima-
ginaire ce qu'on n'a pas fait pour les combats réels
qu'il a livrés aux Bédouins?
— Après la discussion de mardi, le repi'ésenlant
Pory-Papy était tout triste. — Il voit toujours tout en
noir, disait un représentant de Colmar, — émule de
M. Dupin.
— C'est une chose digne de remarque, que les aca-
démies n'ont jamais perdu une occasion de faire acte
de servilité. — M. Faucher, ministre de l'intérieur,
vient d'ètie élu membre de l'Académie des sciences
morales et politiques en concurrence avec M. Michel
Chevallier. — Si M. Michel Chevallier eut été ministre,
l'est lui qu'on eût élu à la place de M. Faucher.
— .M. le maréchal Bugeaud se souvient de son mé-
tier de geôlier. — Il traite la France républicaine
connue il traitait nagui-re la duchesse de Berry. —
« Uiialre hommes et un caporal, dit-il, suffiraient pour
la réduire. »
i\ous lui conseillons pourtant de s'adjoindre quel-
ques hommes de plus.
— M. Giiizol dirait de M. Bugeaud, que sa place
était à Alger, et (|u'il mettait un gouvernement quel-
conque au déli de faire de lui autre chose qu'un gou-
verneur algérien.
— M. lit [M'ésident de la République ne donne pas
de bals : la France ne veut pas payer les violons.
— La France n'est pas tout entière dans le chapeau
de l'Lmpereur ; elle est moins encore avec Henri IV
sur le Pont-lNeuf ; elle n'a pas suivi non plus Louis-
Philippe en exil... Où donc est-elle?
— Vous ne croyez pas à la République ; vous n'avez
pas cru à la monarchie; vous ne croyez à rien, et vous
vous croyez de force à renverser ou à construire quel-
que chose.
11 n'y a que la foi qui transporte les montagnes;
allez où est la foi , — vous y trouverez la force.
Or, la foi, ce n'est pas vous qui l'avez; ce n'est donc
pas vous qui avez la force; ce que vous détruiriez un
jour, la foi le rétablirait le lendemain.
L doit S'introduire chez tous pour voler
— Monsieur, méfîez-T
tous vos effets.
— Monsieur, je ue crains rien : tous mes effets sont protestés.
Cflètre si mal fail, si toiUi, si vilain,
r/est nions Dupin (Laid-Nez), uiaUre en fait de chicane
Prince des procureurs, ami du coq-à-l"ane,
I,a veille démoli, debonl le lendemain .'
Contre la République, à tout propos, il hnce
De ces bzzis poinlus qui lui sont familiers.
Insinuant (pi'un roi cliausscrait mieux la France;
Mais on le voit venir, avec ses gros sou'iers!...
Dessioé par FabritzIiS.
Gravé par Baulant.
11(111. VAFIII lits ITAIIINS.
HO cTiiliiiicH la livrnlHoii.
I. Ml.lltl, .'.2.
iSiiiiM^^
idilions de la Koiiscriplion. — La Revde comiqle formera un magnifujue volume, grinJ iu-8, publié en 50 livraisons à ÔO centimes,
pnrh posle, iO cent. On sous, rit pour 10 livraisons. Pour les iléparlemenls, envoyer un mandat sur la poste à Tordre du directeur de la
Uevi E. — Pour lùul ce qui concerne la rédaction, écrire [franco) à M. Lir.Eis, au bureau de la Revle, 2, boulevard des Italiens.
DumiNSHAv, ÉDiTEun, RUE RICHELIEU, 52. 1 o"" Liviaison.
AVIS AIX JODRIV'Al'X Ui: l'AItlS ET DE«i DÉIMKTEMENTS.
Kolis autorisons la reproduction des articles contenus dans la Revue comique, à la condition :
I" De citer la Uevue en lui empruntant ses articles;
5" De limiter, par chaque semaine, la reproduction au tiers des matières contenues dans cIkkiuc numéro.
AVIS
AUX SOUSCRIPTEURS BE X.A REVUE COMIQUE.
Pour répondre au désir exprimé par un grand nombre de souscripteurs, qui trouvaient
fâcheux que, pour ne pas décompléter la collection des dessins parus jusqu'à ce join-, ils pussent
être dans l'obligation de faire brocher ou relier les couvertures qui se reproduisent d'une façon
uniforme toutes les seize pages, nous reporterons dans l'intérieur de la livraison le dessin que
nous donnions ordinairement sur le verso de nos couvertures. De celte façon, ce dessin ne se
trouvera plus perdu pour le volume complet, qui pourra être broché sans ce premier feuillet.
La pagination a été disposée pour que cette suppression puisse se faire sans inconvénient.
Toutefois, pour que cette nouvelle disposition n'enlève pas au volume complet les i\\\
grandes gravures publiées jusqu'à ce jour sur le verso des couvertures, nous donnerons, avec
la dernière livraison, ces dix gravures eu supplément.
Le dernier feuillet de la couverture, formant la dernière et l'avant-dernière pages de chaque
livraison, devra être relié avec l'ouvrage complet dont il ne peut être détaché sans intervertir
l'ordre de la pagination.
SOMMAIRE DE LA QUINZIÈME LIVRAISON.
La Semaine. — Du Succès de M. Râteau. — Oraisons périgourJiues do M. Bugeaud. — Comment M. Tliiers défend M. Léon
Faucher. — DovouemenI et colique. — M Bugeaud et le Journal des Débals. — Nouveaux détuils sur le duc do Bordeaux
et sur la duchesse de Berry ; la ticvue romique et les journaux Icgiliuiislof. — Proposilion. — Diidogup des morts, par un
visionnaire. — Choses quelconques. — Correspondance.
Dcâsinalcura. Graveurs.
Le* deux marquis Otto. Baulant.
La fièvre de Tor Punch et FabrUzius. Eaulant.
Apparition des naturels Punch et Nadard. Baulant.
L'enfant savant Xadard. Bju'an*.
Le saut de carpe Nadard. Baulant.
L'étincelle électrique Nadard. Jaliot.
Le tour des forts Nndard. Baulant.
Grande jonglerie Nadarii. Louis.
Do-.sinalcurs. Graveurs.
Le tour du bâton Nadard. Baulant.
Le tour des gobelet? Nadard. Baulaui.
La carte pensée Nadard. Louis.
Haute banque Nadard. Louis.
Il s'escanaole lui-mûme Nadard. Montigncul.
La pyramide huma n.-. ... Nadard. Baular.t.
Latnartinc ... Fabritïius. Baulant.
POnn PARAITBE D&NS LES PROCHAINES LIVRAISONS
AVENTURES ET MÉSAVENTURES
projets — déceptions — espérances — tentations — travestissements
hypocrysies — passe- passe — perfidies — grande culbute de
MOSIEU RÉAG
SUITE DE CAniCATCBES PAU NADARD.
Parii.— Tiivfl aux prenKS mécaniques de LiCHAMPB (lU cl Comp.^ nie Damiclte, 2.
LA SEMAINE.
La politique se traîne dans le marasme qui succède
aux grandes crises, les partis se font une petite guerre
d'amendements. Odilon Barrot et Faucher le Grand se
reposent sur leurs lauriers. Pour égayer un peu la si-
tuation, nous n'avons eu que les discours de xM. Bu-
gcaud aux autorités lyonnaises, charmante alla pn-
prida où la politique, la morale, la législation, la
stratégie, les circonstances atténuantes, la guerre des
rues, l'intervention en Italie, se trouvent mêlées et
assaisonnées d'une pointe d'ail périgourdin qui n'est
pas inférieur aux meilleures rémoulades servies par le
facétieux maréchal à ses anciens convives les fonc-
tionnaires de la monarchie.
Le reste du temps on a dansé. Le dernier bal de
l'Opéra a été plein d'animation et de gaieté. On n'en
dit pas autant du bal qui a eu lieu vendredi _chez le
président de la République ; mais les détails nous man-
quent pour en parler savamment. Nous y reviendrons
à notre prochaine Revue.
Nous avons eu une restauration au Théâtre-Français.
M. Mazères a reparu traînant après lui l'ombre de
Picard, h' Amitié des Feynmes est une innocente petite
comédie qui date de 1826; elle portait les cheveux à
lachmoise, les manches à gigot, un ridicule d'acier et
une robe à la Dame blanche. On lui a refait à la hâte
une toilette selon les modes actuelles; mais la pauvre
enfant était empruntée sous ce costume, et malgré
quelques mots d'actualité semés çà et là dans le dia-
logue, Fauteur n'a pu parvenir à cacher la date véri-
table de sa prose, l'âge de sa comédie à la Jocko.
On parle beaucoup depuis quelque temps de réor-
ganiser le Théâtre-Français. Une des mesures les plus
importantes à prendre, serait la réinstallation de
M. Mazères dans une préfecture quelconque. 11 faut
l'exiler à au moins soixante lieues du comité. Espé-
rons que M. Léon Faucher comprendra celte nécessité.
Constatons à l'Opéra une chute qui a été, chose bi-
zarre, l'occasion d'un triomphe pour la danseuse qui l'a
faite. Mademoiselle Maria, emportée par son ardeur,
s'est jetée de la scène dans l'orchestre ; elle est tombée
fort adroitement sur un second violon, M. Tolbèque:
elle pouvait se tuer, et en a été quitte pour la peur.
Une pluie de bouquets a témoigné de l'intérêt que le
public avait jiris à son saut périlleux.
Lisez-vous la Mode? A l'entendre, nous avons com-
mis un crime. Nous l'avons dit, le duc de Bordeaux
boite légèrement par suite de l'accident qu'il a éprouvé
à Kirchleng-Kircberg. Messieurs les compositeurs, pou-
vez-vous vous tromper sur l'orthographe des lieux il-
lustrés par d'aussi grands événements? Savez-vous ijuc
dans tous les dictionnaires de géographie de l'avenir,
on lira : Kirchberg, champ de bataille fameux où le
duc de Bordeaux fit une chute de cheval en combat-
tant les lièvres et les perdrix.
Il boite ! c'est un crime irrémissible de le dire,
aux yeux de certaines gens, et le correctif légère-
ment ne fait qu'ajouter à la grandeur du forfait. L'en-
fant du miracle ne peut pas, ne doit pas boiter. Il
faut avoir tout foulé aux pieds , urbanité française,
sentiment des convenances, respect dû au malheur,
pour soutenir de telles énormités.
Quoi ! ce prince qui frappe par son air de prédesti-
nation (comte de Flahaul), qui serait le roi des priti-
ces (le sculpteur Bartolini), qui semble avoir été taillé
par Dieu pour la royauté (Chateaubriand), qui ne dit
pas une parole qui ne doive être dite, qui ne fait pas un
acte qui ne doive être fait (.M. de Metlernich), qui ne
parle pas sans qu'on croie voir la Dtain de Dieu sur sa
tète un archiduc d'Autriche], ce prince merveilleux,
ce prince charmant, nous avons osé dire que sa dé-
218
REVUE COMlQliK
maiclie était incertaine, et qu'il inenait (în ventre:
profanation'.!! Mais à quoi voulez-vous donc ([uc nous
reconnaissions les lîourbons désormais'?
Il faut être républicain et sorti de la buiie, comme
dit avec tant de grâce gentilhommière le journal {a
Mode, auquel nous empruntons les diverses citations
que l'on vient de lire au sujet du comte de Chambord,
pour prétendre que le lils de tant de rois s'appuie sur
des jambes inégales. Allons donc ! est-ce que Henri IV
boitait? Il est vrai qu'ils ne sont pas Français, ajoute
la Mode , ceux qui insultent au malheur. Eh bien!
nous prenons acte de vos paroles. Ètcs-vous Français,
messieurs de l'ancien régime, messieurs de la grâce,
de l'urbanité, de la générosité, messieurs de l'Œil de
Bœuf et de Fontenoy, lorsque, parlant d'un homme
politique aujourd'hui en hutte aux rigueurs du pou-
voir, et que vous nommez en tontes lettres, vous dites
en parlant d'une fête où il assistait : « Il tomba ivre-
mort sur le parquet, laissant sur le trajet de son en
avant deux les traces les plus démocratiques de son
passage!» Quels charmants détails (et nous suppri-
mons les enjolivements de l'article) pour vos lecteurs
si lins, si délicats, et quel rôle pour des paladins que
de "lisser sous le guicîut d'une prison des chroniques
diffamatoires, et découdre des pamphlets aux réquisi-
toires du ministère public! Allez, hirondelles du scan-
dale, allez gazouiller la médisance et la calomnie sous
les fenêtres du prisonnier !
Ah! qu'on voit bien que vous n'êtes pas républi-
cains et sortis de la boue, lorsque d'une plume élé-
■rante et chaste, de cette plume qui écrit pour la du-
chesse d'Angoulême (une sainte !) et pour la duchesse
de Berry (une si grande dame! nne sainte aussi, sans
doute) vous nous décrivez le président do la République
se plaçant à table à côté de madame M .. sans corset.
M. et madame F... dansant nne sarabande de la Chau-
mière, madame F... exécutant une cachucha vêtue du
costume andaloux tel (lu'il est décrit dans le livre I" de
la C.enèse. Nous bornerons là nos citations, et, en vé-
rité, nous ne saurions aller plus loin ; la rougeur et la
honte nous montent au front. Ces gentilshommes, ces
chevaliers, ces paladins, ces gens-là oublient tout ; ne
craignez-vous pas que ce prince, qui, selon M. de Met-
ternich, ne dit pas une parole qui ne doive être dite,
ne vous écrive : « Messieurs, vous allez trop loin ; mes-
dames M... F... sont, après tout, les femmes de mes
sujets, et je veux qu'on les respecte. »
Que vous accusiez celui-ci d'être un fat, celui-là un
traître, celui-là un voleur, (jui a mis dans sa poche les
diamants de la couronne, ceux-là encore des fous, peu
nous importe ! Nous avons eu le malheur de dire que
le comte de Chambord boitait, il fallait bien user de
représailles; mais du moins, lils des croisés, respectez
le beau sexe, si cela vous est encore possible après
avoir oublié Blaje et tendu la main à celui qui vous
déshonora tous dans le déshonneur d'une femme.
La République n'a pas touché à un cheveu de vos
têtes; elle ne s'en repent pas. Dieu merci. Qu'en eût-
elle fait? Mais, constatons-le pourtant, et mettons en
re<jard de cette clémence vos promesses pour l'avenir.
Nous les empruntons à l'a Gazette de France, faisant,
dans son numéro du l.'i, l'apologie de M. Bugeaud ;
c'est à la République qu'elle parle : uNon, pas de (jrûce!
Il faut que celui qui règne ou qui a régné parla violence,
le sa?ig et la révolution, finisse par la violence, le sang
et la révolution.
Us tomberont. La France seule vivra!
Pas de grâce! M. l'abbé, pas de grâce! c'est vous
qui prononcez ce mot. Si le peuple allait s'en souve-
nir! si le peuple lisait la Gazette !
Décidément nous nous amoindrissons, nous nous
cmiettons, nous nous en allons en poussière, et il n'y
a pas dans l'histoire de notre révolution de spectacle
plus affligeant que celui qu'offre l'Assemblée nationale
dans ses derniers jours. On sent qu'il lui manque le
souffle inspirateur, la chaleur divine, la foi ! Au heu
de prendre une de ces grandes résolutions, un de ces
partis énergiques qui sauvent les nations et immorta-
lisent une réunion d'hommes, elle dispute à la réaction
qui la presse, la somme, l'insulte, un décret, un jour,
une heure!
Quelle différence avec l'Assemblée de l"8U, la
grande Constituante, qui sut non-seulement faire une
constitution complète, mais asseoir la révolution, qui,
|)endant trois ans et demi, résista à toutes les attaques,
à toutes les violences, à toutes les ruses de l'ancien ré-
gime, et s'en alla librement, à son temps, à son heuie,
en «'excluant de l'Assemblée législative, par un élan
DU SUCCÈS DE M. RATEAU.
mprudent de désintéressement excessif! Quelle difft
rence avec la Convention! Elle aussi, vers la fin de sa
glorieuse dictature, était sommée par la réaction roya-
liste de s'en aller et de lui laisser la place libre : la
Constitution de l'an III était faite, disait-on ; qu'avait-
elle à durer plus longtemiis? Elle répondit à ces cla-
meurs par le décret du 12 thermidor, qui portait que
les deux tiers du nouveau Corps législatif seraient néces-
sairement pris dans la Convention. On sait comment
les royalistes essayèrent d'annuler ce décret salutaire
par une insurrection; on sait comment, au 15 vendé-
miaire, les sections aristocrates de Paris attaquèrent la
Convention et furent battues. Il est vrai que du côté de la
Convention était Napoléon, qui scntaitbien que l'avenir
était dans le parti de la révolution, qui se gardait bien
de chercher ses destinées dans la réaction et de ce faire
palroner par le royalisme. Les temps et les hommes
sont bien changés! Autres temps, autres Napoléons!
Ai''
///. .f
Palsaniblcu, cher, ce jeune drôle se dnmxe des airs de se fortifier à son piste.
■ Serions-nous joués, mirquisf
Dessiné par Otto.
irave par Bai last.
La fi-vre de Tor s'empare de toules les nations et de toutes les classes de la société ; chacun s'embarque au plus »ite ponr la Californie.
OUAISO.NS PÉP.IGOURDINtS DE M. DUGEAUD.
La France s'imagine avoir nommé pour chef du
pouvoir exécutif M. Louis Bonaparte; elle s'imagine
avoir une constitution et être, bon gré, mal gré, en ré-
publique. Ce sont des illusions, des erreurs que nous
devons dissiper, car, sans qu'elle sans doute, elle a Je
bonheur de virre sous le régime absolu, d'avoir un
maître, un monarque, que dis-je? un autocrate, et ce
maître n'est pas l'élu de sou choix. En doulez-vous?
Lisez les discours de M. Bugeaud à Lyon.
M. Bugeaud, parce qu'il est général de l'armée des
Alpes, appelle à son prétoire officiers, magistrats, au-
torités de tout genre, et il les prêche, et il les excite,
et il les gourmande, non comnHi pouvait faire Napo-
léon, ce serait injurier le grand homme, mais comme
ont dû faire Attila, Tamerlan et les autres fléaux de
Dieu.
a Ne comptez pas, dit-il aux ofliciers, que nous
ferons la guerre au delà des Alpes. Nous ! nous sou-
tiendrions ces anarchistes de la Loiiibardie contre nos
amis les Autrichiens, contre cette année modèle qui
vient de restaurer la puissance impériale! Allons
donc! on nous prendrait pour des républicains ! D'ail-
leurs, nous avons bien autre chose à faire : l'armée
des Alpes est la réserve de l'armée de l'aris contre les
socialistes, les perturbateurs, les démocrates; nous
n'attendons qu'une circonstance pour les meltie à la
raison. Aussi toute la science militaire dont vous de-
vez vous pénétrer est celle de la guerre des rues, et je
m'en vais vous donner une leçon à ce sujet. » Puis il
se tourne vers les magistrats et leur dit: «Vous vien-
drez avec nous, messieurs, combattre à Paris. En at-
tendant, formez donc de bons jurés et débarrassez-
nous de l'abus des circonstances atténuantes. » Puis il
s'adresse aux conseillers municipaux, aux ofliciers de
garde nationale, et chacun a sou mot, son instruction,
son coup de boutoir. Quant aux lois, à la constitution,
à l'Asserablée nationale, au président de la Républi-
ijiie, est-ce que cela existe? est-ce qu'il y a une autre
puissance en France que celle de M. Bugeaud de la
Piconnerie, duc d'isly'/
Nous ne comprenons pas comment des niagisirats,
des autorités municipales, des officiers de garde natio-
nale, des corps constitués, ont cru nécessaire et utile
d'aller faire la cour au général de l'armée des Alpes,
qui n'a ni ordre, ni avis, ni instruction à leur don-
ner; nous comprenons encore moins tju'aucun de ces
citoyens n'ait répondu aux speechs excentrique de l'é-
trange dictateur qui se révèle à la France, mais ce
que nous ne comprenons pas du tout, c'est que l'As-
semblée nationale n'ait pas UaJuit à sa barre, pour
Appar.tirn des naturels sur les rives du Sacramenlo (Californie).
ses discours séditieux, M. le maréchal Bugeaud, c'est ' voirs, il aurait commis le plus stupide contre-sens, il
que le minislcre et lepi-ésideut ne destituent pas ce pro- | se serait destitué lui-même. Mais riionnèle M. Barrot
lecteur, qui semble leur faire grâce en ne les mettant est-il bien dans le secret de la comédie?
pas dans le fourreau do son épée. M. Barrot a bien dit | Nota benè. Dix mille francs de récompense à qui
qu'il désavouait les paroles prêtées à SI. Bugeaud; trouvera le mot de repaé/f'^-w dans les discours, lettres,
que si le maréchal eût tenu les^propos que racontent conversations publiques de l'illustre maréchal. C'est
les journaux de Lyon, il aurait manqué à tous ses de- un mot qui ne ligure pas dans le patois périgourdin.
COMMENT M. THlEllS DÉFEM) M. LÉON FAUCHER.
Le véritable homme d'Etat du cabinet, ce n'est ni
M. Barrot, qui n'en est que le marguiller, ni M. de
Falloux, qui en est le sous-diacre ; c'est M. Léon Fau-
cher. Ce célèbre ministre a été le premier à com-
prendre toute sa valeur et à reconnaître sa propre
importance. Aussi s'est-il empressé de se conduire,
soit envers lui-même, soit avec les autres, en homme
qui sait son poids, qui n'ignore aucun de ses mérites,
et qui se respecte pour ce qu'il vaut. Tout en lui a
re\ètu une forme digne de lui-même : son atti-
tude est conforme aux sentiments qui agitent sa
grande àme. 11 marchait obliquement ; il tenait du Z
et du tire-bouchon ; il va aujourd'hui droit comme
un I : c'est un irréprochable manche à balai ; rien
n'y manque. Ses cheveux -ont une tenue que des
crins ne désavoueraient pas , ils font tête de loup.
Quand Faucher ne parle pas , il médite ; quand
il parle, il prononce, il juge, il décide. Ses phrases
sont devenues brèves, courtes, sentencieuses; chaque
mot est une maxime d'État. Hier, il essayait humble-
ment de parler à tout le monde ; aujourd'hui, il dai-
gne s'entretenir avec quelques-uns ; il n'est pas jus-
qu'à ses anciens protecteurs sur lesquels sa condescen-
dance ne s'étende.
« Allons, allons, disait M. Thiers, un jour qu'on
parlait devant lui des changements heureux survenus
dans la personne de ce ministre de son choix, ne l'at-
taquez pas ; ne dites rien de Faucher, mon devoir
serait de le défendre : il est très-bon ; il me pro-
tège ! »
REVUE COMIQUE
DÉVOUEMENT ET COLIQUE.
LES JONf.l.EnlES d'l-N S.U.TIMBANQI-E.
L°étiDceU« électrique de 1810<
Ceci se puFsail à Aiios, il y a huit, jniirs.
— Mcssifurs, (lit un des convives, à la santé de
'exilé do Fi'oslidoill!
— Cela va sans dire.
— A la santé de saint Louis.
— Bravo! buvons à Henri IV!
— N'oublions pas Hugues Capet, je vous prie, car
il s'agit de vexer les républicains.
— Il nous manque un portrait de l'exilé. Qu'est-ce
qui a un portrait de l'exilé dans sa poche?
— Il n'y a ici que la gravure du .luif-Errant.
— On pourrait la faire passer pour le portrait de
Hiigries Capot. Légitimité, hérédité, ou la mort!
— Holà, les marmitons! avez-vous ici un portrait,
un buste, la moindre des choses, susceptible de vexer
les républicains, ventre saint-gris!
Un marmiton légitimiste et héréditaire apporte mys-
térieusement un petit buste peint en vert.
— llurra ! voilà l'enl'ant du miracle ! Genou à terre,
messieurs ; suivez son panache blanc! Il n'y arien de
ch»ngé à Avignon, il n'y a qu'un Français de plus.
Pends-toi, brave Crillon !
— Dieux! comme il ressemble à Hugues Capet?
— C'est le cas, je crois, de vexer de plus en plus les
républicains.
— Vexons-les.
— Messieurs, il faut avaler ce buste.
— Comment?
— D'après le procédé de la reine Artémise , grat-
tons dans nos verres le buste du fils de la cape, et
buvons !
— Buvons-le à la santé d'Henri IV. Los républi-
cains ne s'attendent pas à ce bon tour.
— Légitimité, hérédité, ou la mort! Ah! si le
brave (Grillon était ici !
— Il s'est pendu il y a longtemps.
— Grattons le buste!
— Eh doucement, vous là-bas ; vous en prenez plus
(|ue votre part. Tout une joue du lils de saint Louis
y a passé.
— Moi je demande le nez de l'exilé. Qu'on me
racle le nez de l'exilé !
— Procédons avec ordre. Je retiens les deux oreilles
de l'héritier d'une monarchie de quatorze siècles.
— Ventre-saint gris! comme vous y allez! que me
restera- t-il?
— Le menton. Ce n'est pas un morceau à dédai-
gner que le menton de l'auguste lils des rois!
— J'aurais préféré le nez ; mais buvons chacun
notre part dans un verre de Champagne. J'aime à
croire que le Champagne est un vin bien pensant.
— Parbleu 1 le panier qu'on nous a servi a été à la
croisade.
— A la santé d'Henri IV ut Je Hugues Capet!
A i.rs\(.i; m.s (;i,ns skuiiiux.
223
Les convives luirent, mais iU avaiciil cmiiplc ^an^
la couche de vcil <|iii coloriait U'. Iiiisto. L'ii (juait
d'heure après, ils se serraient le ventre. Pends-toi,
Conslittilioniicl , tn n'étais pas là avec la seringue
royaliste ! La présence du Constihitionncl aurait été
plus utile en ce moment que celle de Grillon. On as-
sure que l'un des buveurs en a encore la colique; mais
quel bon tour joué aux républicains !
M. BUGEAUD ET LE JOlItSM. DES DÉBATS.
Nous aimons qu'on soit gouvernemental , mais en-
core faut-il l'être avec discernement, avec raison, avec
esprit, ou tout au moins avec bonne foi. Ce que nous
voudrions le moins contester à nos adversaires, à cer-
tains d'entre eux surtout, au Journal des Drbats, pas-
exemple, ce serait la bonne foi. II faut pourtant choi
sir : ou le Journal des Dfbats n'est pas de bonne foi,
ou il perd le sens quand il croit que les ridicules for-
fanteries du maréchal Bugoaud peuvent être utiles à
un gouvernement quelconque, et qu'elles sont, pour
celui que nous avons le bonheur de posséder, une ga-
rantie, et non un danger. Que le Journal des Débats
se reporte à une autre époque, c'est lui faire une vio-
lence assez douce ; qu'il se rappelle quelles impatiences
causait à .M. Guizot la faconde de M. Biigeaud quand
il était à Alger, et qu'il nous explique pourquoi les
grotesques lazzis qui lui paraissaient souverainement
ridicules et fâcheux quand .AI. Bugeaud trônait en
Afrique, lui semblent acceptables et défendables au-
jourd'hui qu'il fait l'empereur h Lyon. Serail-ce parce
que le Journal des Débats aime moins sincèrement le
gouvernement de .M. Barrot que celui de M. Guizot?
Qu'il le dise, cela n'étonnera personne ; mais qu'il ne
trouve pas bonnes pour la République, une République
dont il déplore tous les jours la faiblesse, des excentri-
cités qui l'inquiétaient pour un trùne qu'il semblait
croire pourtant inébranlable.
M. Bugeaud est un grand militaire, nous le voulons
bien ; nous n'en savons rien ; nousn'en sommes pas juges,
ni le Journal des Débats non plus ; mais il est en même
temps le plus absurde des hommes politiques qui soit en
France. Le directeur et les rédacteurs rfes/^eôfl/s le sa vent
comme et mieux que tout le monde ; qu'ils aient donc
la probité d'en convenir : leur cause n'y saurait pf rdre,
et le gouvernement un peu naïf de M. Barrot ne s'au-
toriserait pas de leur appui, qui ne saurait être sincère
dans une question de ce genre.
S'il faut croire que la guerre soit une spécialité
comme la musique, comme la peinture, comme la
littérature, faites de M. Bugeaud un illustre guerrier ;
comparez-le à Napoléon-Ze-Érranrf, qui avait, il est
vrai , battu autre chose que des Bédouins ; mais
mettez-le, pour sa tenue politique, à côté du bon La-
grange; dites qu'il est fou. C'est la seule excuse qu'on
puisse lui trouver.
I Es JOM.I.KillK' Il CN SALTIMBA . ,IE.
Le tour des forts.
L-? tour du bâton.
224
REVUE COMIQUE
NOrVF.AUX DÉTAILS SUR LE DUC DE BORDEAUX ET SUR LA DUCHESSE DE BERRY.
LA. REVUE COMIQUE ET LES JOURNAUX LÉGITIMISTES.
Nous avions donne, nos leL-leurs ne l'ont pas onl)lié,
dans une note publiée par nous dernièrement, quelques
détails curieux sut- l'éducation du duc de Bordeau.x,
sur sa personne, sur son entourage. Cette note, écrite,
nous l'avons dit, en dehors de tout esprit de parti, par
un étranger, a éveillé les susceplibililés des journaux
légitimistes. Chacun y a repris, ce qu'il y trouvait à re-
prendre. — Qui, une faute d'orthograhe , qui, une
erreur dans l'âge de M. de Levi. — On écrit Froshdorff
et non Fronshorff, s'écrie l'un; M. de Levi n'est pas
un vieillard, s'écrie l'autre, il n'a pas tout à fait
soixante ans! Nous pourrions nous contenter de ré-
pondre aux journaux que nos renseignements ont pi-
qué, que les critiques qu'ils ont faites de ces rensei-
gnements ne prouvent qu'une chose, tant elles sont
insignifiantes, c'est qu'ils portent juste. — Quel âge a
donc M. Lubis, rédacteur en chef de l'i-'/iion, pour
trouver qu'un homme n'est pas vieux à cinquante-huit
ans? Ne serait-il lui-même qu'un agréable vieillard
assez bien conservé, essayant de cacher, sous^une a[)-
parenle jeunesse, son âge véritable? Quelle terrible
connaissance a-t-il, ce bon M. Lubis, delà langue alle-
mande, pour qu'il s'étonne qu'un homme, que nous
lui avons dit n'être ni Français ni Allemand, ait mal
orthogra])hié le mot de Froshdorff.
Henri V, un homme nul! Quel blasphème chantent
en chœur tous les chevaliers du Lys. Eh ! messieurs,
pourquoi Henri V ne serait-il pas un homme médiocre
comme beaucoup d'entre vous? Serait-ce sa faute,
serail-ce un crime? Le hasard qui fait les rois fait aussi
les idiots et les imbéciles. Pourquoi ce jeune homme,
qui était né pour être parmi les uns, ne serait-il pas
aussi parmi les autres? pourquoi serait-il un aigle? les
aigles étaient rares dans sa famille. Vous croyez à l'hé-
rédité, au droit divin, etc.; d'où lui serait venu son
génie, de son père, de son grand -père, ou de son
oncle?
Lu meilleure réponse que nous puissions faire à ces
messieurs, c'est d'ajouter queliiues renseignements nou-
veaux à ceux que nous avons déjà donnés. La précision
de ces renseigncmenls convaincra les plus incrédules
que, si nous n'en disons pas davantage, c'est [jar pure
discrétion. Si nous sommes ]>ien informés, on a su peu
de gré, à Froshdorlf, à ces imprudents amis, de leur
croisade contre la noie de la Revue comique. Les che-
valiers de Froshdorff savent mieux que les chevaliers de
Paris oii le bât les blesse ; le silence , le silence qui a
servi à un autre, c'est ce qu'ils recommandent à leur
noble élève et à ses défenseurs. — Que ceux-ci fassent
leur prolit de ce petit avis.
Nous donnons, comme dans la première note, le
texte même qui nous a été communiqué, en lui lais-
sant ses négligences, ses incorrections, ses fautes, si
l'on veut; quant à ses erreurs, s'il s'en trouve, nous
trouverons bon, nous trouverons juste qu'on les si-
gnale, et nous serions les premiers à les reconnaître,
s'il y avait lieu.
« Los porlrails du duc de Bordeaux ne lui ressemblent pas
(lu loul. La (Igure de M. le duc de Bordeaux est celle d'un
gros enfant , bouffi, colore; ses clieveux sont blonds; il les
porte courts, sa voix n'a rien de viril, pas plus que son as-
pect. C'est un chanteur agréable. Il est très-loin de paraître
son âge. M. de Levi ne le quitte pas dans les réceptions. Le
prince se lient invariablement les mains croisées derrière le
dos sur les basques d'un babil bleu à boulons brillants. Ses
réponses sont stéréotypées quand il parle à un étranger de la
France et de son peuple. M. de Levi guide la conversation et
la ramène dès qu'elle devient embarrassante pour le jeune
prince.
« M. do Levi est un homme de cinq pieds deux pouce.< en-
viron, assez gros, barbe grise, cheveux gris ; il a près de
soixante ans et porte au moins cet âge. Son costume : habit
noir, cravate blanche ; l'air d'un vieux gentilhomme, d'une
grande politesse, d'une incroy:d)le minutie pour loul ce qui
est éliqnctlc. Madame de Levi parait avoir cinquante ans ; elle
est plus grande que son mari ; ses cheveux commencent à
blanchir.
« M. de Montbcl est plus gros que M. de Levi. Il s'est ma-
rié il y a deux ans en troisièmes noces, et, malgré son âge,
il a un enfant, au grand chagrin du duc et de la duchesse de
Bordeaux, qui, dans leur jeune ménage n'ont pu encore avoir
ce bonheur.
« M. le duc de Bordeaux va rarement a. Vienne ; il n'y
couche pas. Depuis les événements de Février, je ne crois
pas qu'il y ait mis les pieds. MM. de Montbel et de Monti
\ vont faire ses commissions. Le duc de Bordeaux et la mai-
son d'Autriche sont plus que froids l'un pour l'autre; il y a eu
jusqu'à de l'inimitié. La politique de Louis-Philippe était par-
venue à faire mettre le duc tout à fait de côlé. Il était gardé,
en quelque sorte, comme un otage par la maison d'Autriche.
Une preuve, c'est que, quand il a quitté GraeU pour aller en
Italie en 1859, il a été obligé de se sauver avec le passepoil
de M. de Levi.
« La duchesse de Bcrry demeure à 6 milles allemands de
Graelz; elle y vil avec son mari, dont elle a quatre enfants.
Le comte de Lucchczy est un homme superbe, assez grand,
type napolitain ; c'était un ol'licler subalterne de l'armée napo-
litaine. La duchesse étant demoiselle l'avait distingué ; c'est
ce qui fit que, quand la famille décida qu'elle devait se re-
marier, elle pensa ii lui. Malgré son apparence de santé, le
comte de Lucchczy ne se porte pas très-bien ; il éprouve de
fréquents dérangements qui contrarient beaucoup la duchesse.
« La duchesse est charitable et aimée des pauvres dans le
pays. Il y a quatre ou cinq ans, elle avait continuellement de.',
visiteurs qui venaient à Graelz et à Gorilz. Depuis la mort de
Charics X, elle vit très-délaissée; elle reste l'hiver et l'été à
la campagne et ne reçoit personne; son (ils la visite à peine
une ou deux fois par au. Une des dernières visites polili(pies
qu'elle ait reçues, c'est celle d'un M. Walsh , réilacteur du
journal 11 Mode, qui a été, il y a deux ans environ, l'occuper
des intérêts de son journal. Ce journal n'est |)oinl en faveur à
Froshdorff: on le trouve trop grossier, et on a peur qu'il n'y
fasse plus de mal que de bien.
A L'USAci: i)i;s (ii:.\s m iui;r\.
225
« M. (Je (iciioudc n pnssé toujours ù FrosliduiH' pour un ulo-
pislu. On n'aime pas les ilcvoueiiieiils ipii ue sont pus restés
oxacleiiiciil dans lu ligne du pis^;. A ce dernier (ilre, l'I'iiwn
leur est assez a|;réablc. On parle souvent cependant à Frosli-
dorlï de l'utililé qu'il > aurait à fonder de nouveaux organes,
mais on re},'retle ([uc les écrivains de talent niaiir|ueiil dans le
parti.
« La Hépul)li(pie a été rci;uo par les lu'iles de Froslidorll'
avec la plus grande joie; il semblait que la cliule de Liuiis-
Pliilippc les laissât sans désirs. Tout ce i|ui a soulenu Louis-
Pliilippe leur est odieux ; ils ont M. Tliirrs en horreur; il
n'est pas d'expression inMillanlc ipie la duclicssc de Iterrv
n'emploie pour le qualiliei'. I.e duc de Bordeaux parlajjc en
cela les idées de sa mère. M. liugeaud est leur licte noire. Ce
n'est pas seulement le geôlier de Blaye qu'ils l'appellent , ce
nom leur paraîtrait trop doux ; on ne parle de lui chez la du-
chesse de Berry et à la cour de Froslulorll' que sous le nom
de SaiiUion, en souvenir du bourreau de Louis XVI. La du-
chesse de Berry et son lils le regardent ronmie l'Iiomme qui
les a le plus déshonorés. Si on dll qu'ils s'allient eu Franco
avec eux, c'est à lorl : l'honneur de femme de la duchesse de
Berry y est engagé. »
Nous nous en tenons à ces citations, les plu» inno-
centes, (lu'on nous en croie, parmi celles que nous
aurions pu faire. Nousaucions pu suivre les demi-dieux
de l(t liazettc dans les voyages qu'ils daignent faire
quelquefois sur la terre; nous aurions pu aller avec le
duc de Iîoideau.\ à Venise, et retrouver les défauts du
père dans le lils; nous ne le ferons pas : nous n'avons
voulu que mettre la réalité à la place de la fiction ; c'est
moins puéticiue, mais c'est plus vrai, cela vit davan-
tage, (le n'est pas notre faute si la moindre vérité suffit
à crever le transparent d'opéra-comique dont les joiir-
nau.v légitimisles entourent leurs singulières idoles.
Tant que saint lîtirii ne nous aura pas apporté de nou-
velle sainte-ampoule, il sera permis aux gens de bon
sens de parler de .M. le comte de Chainhord, qui n'a
rion fait pour la France, avec la liberté dont l'on use
journellement envers des gens qui ont, certes, d'autres
droits que les siens à la reconnaissance du |)ays.
PROPO
Les légitimistes semblent cTaindre de n'avoir pus la
majorité aux prochaines élections, malgré les l)ustcs,
les portraits exposés dans les passages et la brochure de
iM. d'Arlincourt.
— 11 me vient une idée ! s'écrie h ce sujet .M. de Gc- |
noude. Le moment approche de nommer u::e nouvelle 1
chambre; si nous nous abstenions tous de voter! La
plaisanterie serait bonne, ventre saint-gris! Électeurs
qui m'honorez de votre confiance, cultivons ensemble
l'art de négliger le scrutin et Je s'en faire un Henri V
de revenu !
— Vous nous l'aviez déjà proposé au moment de
l'élection du président.
— C'est vrai, et vous n'avez pas voulu m'écouler,
vous avez eu tort; mais il est temps encore de réparer
celte faute.
— Nous ne comprenons pas.
— C'est pourtant bien simple. Vous restez chez vous
le jour du vote.
— Bien, après?
— N'ayant pas voté, vous avez le droit de dire par-
tout que vous êtes restés complètement étrangers à la
composition de l'Assemblée nationale.
— Oui, mais d'autres électeurs voleront, et la nou-
velle Chambre sera constituée tout de même.
— Tant mieux.
— Nous comprenons moins que jamais.
— Suivez bien mon raisonnement. Aussitôt la Cham-
bre constituée, vous faites une protestation sous prétexte
que les députés ne sont pas les hommes de votre choix.
— Fort bien ; alors les élecleurs qui ont voté répon-
dent que le scrutin était ouvert pour nous comme pour
eux, que personne ne nous a empêchés d'apporter notre
bulletin, et que notre protestation, par conséquent, n'a
pas le sens commun.
S m ON.
; — A merveille. Vous riposlez aussitôt par une pro-
! lesialion nouvelle.
— On nous dit avec juste raison que nous sommes
des brouillons.
— Vous répondez : Brouillons vous-i7ièmcs !
— La dispute s'envenime, les esprits s'aigrissent.
— Bravo! on échange des calottes. Vlan !
— Le pays est eu feu !
— Très-bien ! ça marche, les coups de fusil s'en
mêlent ; on se tue, on s'égorge, on se brijle; le com-
merce est anéanti, les ouvriers restent sans ouvrage,
la ruine est générale, les ateliers se ferment, et l'on
s'arrache les vieilles bottes pour les manger.
— Parfait! nous sommes dans le branle-bas, dans
les coups, dans le tapage, dans le tremblement; des cas
d'hydropbobie se déclarent, et c'est alors que quelqu'un
propose une restauration monarchique avec Henri V.
— Je vois que vous m'avez compris.
— Et c'est sérieusement que vous faites celte pro-
position'?
— Parbleu!
— Ah ça, êtes-vous fou, brave homme, ou bien si
vous nous prenez pour des imbéciles? H n'y a donc
aucun moyen de vous faire rougir de tant d'extrava-
gance? Est-ce que vous croyez que c'est beau pour un
prêtre, ce rôle de boute-feu, de tiompelte de sédition?
— Pourquoi pas? Saint Pierre coupa bien d'un coup
de sabre l'oreille à .Malchus.
— Si l'on coupait les oreilles à tous ceux qui le mé-
ritent, les oreilles seraient beaucoup plus rares. Gar-
dez les vôtres, mais retirez-vous quelque part oit vous
puissiez faire pénitence , à la Trappe, par exemple,
mettez-vous au pain et à l'eau ; jeûnez, portez un ci-
lice, donnez-vous le fouet, et laissez-nous en paix.
Allons, à la Trappe, à la Trappe, à la Trappe!!!
226
niLVUE COMIQUE
l.i:S JONGl,EUir.> D IN #.M.Tnill\Nnl F..
1^
Le tour des gobe'.els.
DlALOr.UE DES MOUTS,
l'\U IN VISIONNAIRE.
Une de CCS dernières miils, j'avais peine à m'eii-
ddiniir ; j'eus ridée de lalhiiner ma bougie et de par-
courir quelqîios numéros de 7a Presse qui s'étaient
entassés sur ma table de nuit." Les sables du sommeil
ne tardèrent pas alourdir mes paupières, et je m'é-
lançai bientôt dans le pays dos rêves.
On ne raconte guère ses rêves que dans les tragé-
dies, mais c'était sans doute une vision.
Cela se passait dans un pays... Est-ce bien un pnys?...
dans une région?,.. Mais élait-ce même une région?...
_ Je n'ai rien vu; je n'ai entendu que deux voix. —
Le son de l'une ressemblait au bruit cadencé de la
Irompclle... marine; celui de l'autre imitait le sou de
la flûte champêtre, ou parfois celui d'une clarinclle
en la, résonnant avec grâce dans un oicheslre de
salon.
Mes yeux s' accoutumant à l'étrange atmosphère où
j'étais plongé, il me sembla que l'une des voix sortait
du séjour des ombres et l'autre du sein des brouil-
lards.
Voici quelques IVagments de leur conversation
d'ontre-monde:
PUEMiÈKE VOIX. - Oui-! il est bien ennuyeux de n en-
tendre ici que le b.u.t do la mer qui monte et le bruit
de la mer qui se retire, en roulant ses galets. Les hé-
ros d'Ossian avaient du moins des palais de nuages co-
lorés par les lueurs d'un soleil aulomiial.
DEL-xiÈ,iE voix. - Le soleil des vivants n'éclaire pas
les morts !...
— Âqui le dis-tu!...
— Pour mûi,5e suis semblable à la lemlle lletne.
Tu n'es encore qu'un feuilleton.
HAUTE BASgi E.
SauvoDî le systcrac, les emprunts, primes, amorti-feienu
c( ;nTei pot» de vin monirchiques.
A 1,'iisAr.r, r)F,s gkns si:;hikijx
— Je suis le rcuillclnn (lu Iriiilcniain, ((HiiMic li)i
(vliil ,l,' Il Nrill,'.
— (hii' ilit le lii'ii '.' je iif pins 11' lui'.
— Kl II' lU'M? jr llf l'ili |US lu.
— l'iii l's-lu liicn m'ii?
— Jo lu' lis ([lie iiini-ini'iiii', l'I l'iH'iirc je ni' riii'
relis |i,is.
— C.iiiiiiiiciKMiis. ,1,. |i,uli' l('i;i'ii'iiiiMil sur les avcii-
tuii's ili' iiKi Mf i|iii |ii [■•ic'ili'ii'iil ma ii;uss:ui(i'... .l'Iia-
bilais lo sein lio in.i inèii', el jetais ilc''|iiuiivii ili' loiil
moyen de nre\|)riiTU'r .. .Ii' nsidais à Saiiil-.Mali).
— C'est un pays que je n'ai jamais fréquenli'. J'aiinr
beaucoup la race canine, mais j'aurais craint iK' miii-
pronu'tlre mes tihias.
— Les chiens Je Saint-Malo en aiiraioiil respi'ili' la
lluette élégance.
— Passons. Je pouriais, comme loi, raconter les
préaml)ules de ma vie; je pourrais même remonter
plus liant el décrire les impressions vagues de celle
époque liml)ii|iie où je m'agitais encore dans les veines
de mon père.
— Il est inutile de s'appesantir sur cette idée... .Ma
mère me donna le jour en présence de la mer.
— Kt moi en vue des cimes Alpestres ..
" Je suis l'onlnnl do \.\ ninnlngnc;
« C'est la iniiiilagne... où je suis né! i)
— J'ai été, dit-on, mis au momie dans une cui-
sine... mais aussi quelle cuisine!...
— Pas si belle que celle de mon père, qui lui ser-
vait en même temps de salon.
— Mon enfance fut orageuse comme les flots qui
battent éternellement les cotes Malouines et les îlots de
Saint-Malo.
— Je renonce ci peindre les balancements de ma bai-
celonnette, qui me préparaient d'avance aux ondiila-
LA PYRAMIDE HUIVIAINE
EXECUTEE PAR TOCS LES ARTISTES DE LA FAMILLE DELOYALE.
Les brillants exercices des saltimbanques seront terminés par la
GRRRANDE PYRAMIDE HUMAINE, OÙ l'on verra le Ce èbre Odilon-IUr-
ROT dit THehcule de L'Aisne, surmonté du bouillant Changarnier-
Uekgamoite et du redout^tble Bcgeaud, dont le pareil est à rencon-
trer- Assis sur les épaules de ces deux bocrreacx ues crânes, le forr
BouLAY porîe à bras tendus Falloux, si renommé pour ses ruses rem-
plies de malices. — Mais, me drrz vous, toi qui nous parles, nous Te-
ras-tu app écier et connaître les troi:
pourquoi non, messieurs et mesdames î
présente DlVERGIUR DE Havran.ne,
RaTEAC, le JARDINIER V.CILANT; pu
surnomu.é le vice-Rateau. Ces tioiî
LÉON Faucher, maigre mais nerveux, sur la tête duquel s'élè
PETIT Thiers, dit Adolpiie-le-Lapon, descenlantde Bébé, le
du roi de Pologne et rival de mademoiselle Maria, la petite Laponne
qui a excité et qui excite encore l'enthousiasme sur divers tlicatn-s.
lîrrnmarqcez, s'il vous plaît, à gauch». de Barto- ( 'Hrrcu'e d.
l'Aisne! Vêhon dil te pharmacien, b ittant la caisse avec aisanre et vi-
gueur. Ran plan , ran plan , ran ! A droite de notre ctlèbrc Hercule
vous appcrcevez, in y jettantles yeux, Dl'PIS l'ainé en ciand costume
Alteation, messieurs et mesdames, la main a la poche, du courage à 1;
bourse, U plat est déposé à terre pour recevoir la mor.naie; mais noui
accepterons égaltme t les pièces d'or et même k s pièces de cinqcï
francs ! ■ Un-*, deux '. F.n avant le tambour, ran plan, ran plan, ran !
isii'ur de gauche vous re
NT terrible, à cûte d
voyez à droite Denjoy
nnaget sont surmontés d
228
REVUE COMIQUE
lions Je la vagiio, borçaiU ma nacelle de poëtc laïkiste
de Ni:;:la vers Isciiia.
— Ma première édncalion fut ncgligée, par suite de
la tendresse indifférente de mes parents, qni me lais-
saient courir les rues avec les polissons de la ville, et
les champs avec ceux de la campagne; ma cliemise_
passait souvent aux coulures de ma culotte, en raison
d'un raccommodage négligé.
Pour moi, j'étais à dix ans le plus charmant
enfant de la contrée : beau de visage, irréprochahle de
tenue, aimant beaucoup papa et maman. Pins heureux
que Dodofe, il ne me fut jamais prédit par ma fa-
mille que je finirais sur un échafaiul.
— Nous.qnittons Saint-Malo. Je te passe la descrip-
tion du château de Combouig, de la tourelle oii je re-
posais durant les nuits, de ma jeune sœur dont je lis
plus tard l'héroïne d'un roman, des promenades silen-
cieuses de mon père, en robe de chambre de basin
blanc, et de la voix attendrie avec laquelle ma pauvre
mère chantait la chanson de la Cane.
— Et moi je ne parlerai ni de la captivité de mon
père pendant la Terreur, ni de s£S évasions nocturnes
qui lui perniellaient toutes les nuits d'aller embras-
ser sa famille au moyen d'une corde à nœuds, et de
se retrouver le malin à l'appel des dortoirs pour man-
ger la soupe du malheur.
— Laissons en paix ce cha|)itre des (Uroiulins. Si ton
père n'a pas été guillotiné autant de fois que Charles
Nodier, il est inutile d'en reparler.
— C'est qu'il faudrait passer tout de suite an premier
épisode de mes amours... Elle habitait une tourelle
d'où sa lampe nocturne incendiait mes nuits sidilaires.
— Allons, j'ai dit cela quelque part et partout ail-
leius. Je me tais sur mes premières amours. Le public
est libre de voir en moi le vaporeux René. Je me suis
peint aussi plus lard sons le pseudonyme de Chactas.
— Cette peau rouge m'a beaucoup plu. Je te de-
manderai maintenant de m'accorder trois ans de discré-
tion sur une certaine période consacrée aux erreurs de
ma jeunesse...
— Je vais prendre ce tenipj pour me iv'inémorer mes
campagnes d'Amérique.
Et moi pour publier un in-8° intitulé : Hnphuvl,
pages de la vingtième année.
— Nous reprendrons cet entretien qiiel(|ue jour.
Lt les deux voix s'éteignirent momeiilanément ,
l'une au séjour des ombres, et l'autre au sein des
brouillards.
CHOSES QUELCONQUES.
M. Thiers a peur. Uegardez-le sur son banc, re-
cardez-le derrière ses lunettes , quand il se tait, quand
n parle, quand il rit, quand il piétine, quand il s'agite.
— Il a peur.— C'est qu'il sait que tout le monde est
responsable; Louis-Philippe, qui ne l'était pas, l'est
devenu. — M. Thiers a donc peur. — M. Barrot le
couvre mal, la législative le découvrira tout à fait. C'est
ce triomphe qui effraie M. Thiers. Qu'en fera-t-il? Il
fera de la république, ce sera sa punition. Oui, cette
chambre future, fût-elle composée entièrement de lé-
gitimistes et d'orléanistes , c'est à faire, à continuer, à
affermir la République qu'elle est condamnée. Ce phé-
nomène, nous le verrons se réaliser. On mettrait en
Russie dis millions de républicains qu'on n'y implan-
terait pas la république, vous ôteriez de France tous
les républicains que la république y reslerait. Elle est
dans la nécessité, dans la force des choses; — arrangez-
vous-en donc au lieu de la combattre. Sans doute elle
n'est encore qu'à son berceau, elle commence, elle naît,
elle bégaye, mais la monarchie est dans sa tombe.
— Le président de la République a trouve que sa
présence ferait bon effet à la Bourse. Il s'y est rendu
en calèche découverte. Une petite hausse de circon-
stance avait été préparée à cet effet pour lui fournir
l'occasion de dire aux agents de change : « Je suis bien
aise, messieurs, de voir notre crédit renaître en
France. » Nous n'examinerons pas s'il y avait urgence
à ce qu'une aussi singulière préférence fût accordée au
temple d£ l'agiotage, et si le président de la Répu-
blique a bien fait de faire ce que Louis-Philippe lui-
même, cet adorateur de l'argent, n'a jamais fait; mais
nous demanderons au président de la République ce
qu'il a pensé d'un cri, un seul cri, il est vrai, qui s'est
fait entendre derrière lui au moment oii il entrait dans
le cerceau où MM. les agents de change font tous les
jimrs leur petit commerce. Ce cri, parti d'une seule
bouche : « A bas la Républicpie! » c'est une insulte
qu'il a reçue; s'il ne la punit pas, on croira qu'il l'a
pris pour une flatterie.
— Des personnes dignes de foi nous affirment avoir
entendu sortir de la bouche de M. de Chateaubriand
l'opinion que voici sur l'éducation qu'aurait reçue M. le
duc de Bordeaux.— L'illustre écrivain pouvait avoir ses
rancunes, ses exagérations, ses colères. — Nous répétons
donc ses pandes pour ce qu'elles valent, nous contentant
d'affirmer que les personnes devant qni elles ont été
prononcées méritent toute confiance : — « Je ne sais
pas ce que la nature en avait fait, mais ce que je puis
vous garantir, c'est qu'ils en ont fait un crétin. »
— Savez-vous sur quoi M. Mole appuie le conseil qu'il
donne à son parti de se coaliser avec les légitimistes :
« Le duc de Bordeaux n'aura jamais d'enfants, dit-il,
j'en suis sûr, j'en réponds ; sa femme n'en aura pas plus
que lui. Mes informations sont certaines. » Voilà donc à
A L'USAGE DES GENS SIÎRIEUX,
229
(pioi seiMiiiit allaclides les desliii(5cs de la France! Est-il
hoboiii (le (lualilior celte |io!ili.nie de vieille niainuie!
— IHeu /e l'ciit ! s'écrie M. d'Ailiinuiiil. ^^u'en sait
M. d'Arliiicouit'.'
— La mise en liheilê de M. Aladenize, après celle
de M. Forestier, celle a peu près certaine de M. d'AI-
ton-Shée, que de |)reuves en laveur .lu cun)ploldu 2'J!
— Pends-toi, Faucher.
— M. Jérôme Bonaparte ayant passé la nuit au bal
nias(|ué samedi, a été obligé d'assister en voiture, di-
manche nialin, à la revue de la lésion dont il a l'hon-
neur d être le colonel ; — la fatjgue d'une nuit sans
sommeil ne hii avait |)as permis l'exercice du cheval.
On dit que des gamins l'ont fort embarrassé en criant,
les uns Vive, les autres .1 bas Poléon!
— .Nous engageons les gens qui se plaignent de M. de
Lamartine, et qui croient avoir des torts sérieux à lui
reprocher, ceux à qui il a refusé justice, ou ceux, et
ils sont nombreux, à qui il a tout promis et rien donné,
à lire l'incrojable prospectus qu'il vient de faire de ses
œuvres, publiées par lui-même ; si après cette triste lec-
ture ils n'ont pas pardonne, c'est qu'ils n'ont dans le
cœur aucune pitié pour le génie qui s'égare. Quand un
homme est capable de commettre de pareilles fautes
envers lui-même, qui donc pourrait s'étouner qu'il en
ait pu commettre envers d'autres?
— On disait au passage de l'Opéra, où se débitent et
s'accréditent chaque soir toutes les sottises qui dé-
frayent Paris le lendemain, que des maisons avaient été
mnrcjuéesde rouge, et que ces maisons étaientdésignées
ainsi au pillage par les socialistes, etc., etc. Ces marques
rouges avaient tout bonnement été faites par ordre du
préfet de police, et servaient à désigner la place du nou-
veau numérotage des maisons de Paris. — On a baissé
à l'Opéra sur ce rouge.
— Tous les gouvernements du monde s'appliquent
à dissimuler leurs faiblesses et à cacher les forces vé-
ritables de leurs ennemis. Qu'on nous explique par
quel singulier contresens M. Faucher et M. Barrotont
cru devoir grossir outre mesure le nombre des mou-
lins à vent qu'ils croyaient avoir à combattre.
Si le danger avait été sérieux, s'il avait été réel,
croyez-le bien, bonnes gens qu'on voudrait alarmer,
on se serait bien gardé de crier si haut.
— M. Liadièrcs a fait une brochure, M. Guizot
avait fait la sienne; quoi de plus juste! Mais, pouf
Dieu, pourquoi le Journal des Débats se croit-il obligé
de louer ces sortes de choses-là? Le maître, bon!
mais le sintte...
— .\L Loeve Weimar, ancien consul & Bagdad,
avait scandalisé les Turcs par ses mœurs excentriques,
et son ra|)pel a dû être prononcé. Il aimait une
femme maigre.
— « La républi([ue rouge m'eflVaie moins que vous,
dishit un républicain modéré à un réactionnaire; savez-
vous pour(|uoi?Cc n'est pas parce qu'elle sera plus
douce pour moi que pour vous, c'est parce que je
suis moins poltron. »
COlll'.FSPO.NDA.NCF.
Au direcleur de la Revue coiiii!|iie.
Je vous conjure, Monsieur, par tout ce qu'il y a de plus sa-
cré, (le ne plus ni'ciivoyei- votre ReLue.
Oseral-je vous dlie pourrpioi? Fermez voire porte, et assu-
rez-vous bien que personne ne peut lire m.i Icltre par-dctsus
votre épaule.
Il f.ml que vous sacliicz, Monsieur, tpic dans le canton que
j'habite, il n'est pas permis de se dire républicain; qiioiipie
nous soyons en république. Le maire ne le veut pas, le curé
non plus, le maître d'école encore moins, quoique ce soil au
fond un brave liomme, sincèrement républicain; mais il espère
une augmenlalion de cent francs sur le budget de la com-
mune, et lorsqu'on gagne à peine cent ccus dans son année,
et qu'on a une femme et des enfants à nourrir, on renierait
la monarchie elle-même pour cent francs. C'est pour bien
moins tpie saint Pierre renia son mailre, qui était un Dieu.
J'ai donc été atteint et convaincu de recevoir la Revue co-
mique, ce qui m'a valu un renom do terroriste dans le pays.
Il paraît, Monsieur, que, vous et vos collaborateurs, vous guil-
lotinez (les gens par manière de passe-temps, du moins le
maire et le curé l'assurent, et le maître d'école, brochant sur
le fout, vous compare eu latin à Cacus. Votre bureau serait
une caverne.
Qtie dois-je penser de tout cela? l'n fait trop cerlain; c'est
que voire réputation a déteint sur moi. On me considère,
moi aussi, comme un terroriste. J'étais sur le point de me
marier ; mon futur beau-père m'a fermé sa porte, sous pré-
texte que je nourrissais en secret l'inlenlion de le guillotiner
un jour. Le maire assure quej'atleuds le moment de procéder
au parliige des terres, et le curé dit tout haut que, s'il ne
m'a point encore excommunié, c'est par pure charité cliré-
tienne, mais qu'en tout cas il esl prêt à me refuser la sépul-
ture, à moins que je ne fasse abjuration entre ses mains.
Inutile d'ajouler que les dévotes m'ont en horreur; elles se si-
gnent à mon approche, et j'ai été obligé de renvoyer ma scr-
vanle , parce que, sous prétexte que je suis un véritable
excommunié, ,i qui l'eau et le sel soni interdits, elle refusait
d'en raelire dans mes ragoûts.
Telle est ma position. Que feriez-vous à ma place? Mon
beau-père est un crélin, mais ma future esl très-jolie, et je
dois avouer que vos caricalures l'amusent beaucoup ; je crois
même que c'est ce qui m'a gagné son cœur. Je me vois pour-
tant dans l'alternative de me désabonner à voire Revue ou de
ne pouvoir contracter un .ibonnenicut perpétuel à ma future.
L'amour doit l'emporter. Suspendez l'envoi de la iîet;ue.jus-
qu'à la célébration de mon mariage. Je reprendrai ensuite
mon abonnement, et je vous enverrai pour cadeau de noces
le périrait de mou beau-père et de M. le maire de mu com-
mune. Mon heau-pcre ressemble à Louis XYllL
-Agréez, etc., etc.
L X DE vos ABONNES DE PH0VINCE.
130
Vous avoz reconnu, snn^ ce lisible aspect,
Un homme cini (J'aliord commande le respect;
On se (lit, en pensant à des jonrs de lemiiMes
C'esl nn paralonnrrrc; il a sauvé no-; iCtes!...
Oui Mais lorsqu'on le voit cipricieiisemenl
V( rs l'un ou l'aiilre pftle incliner son aimant,
Osciller de la dioiie à la gauche, on répète :
Est-ce un paratonnerre? esl-cc une girouetle^
l ayt^^- dVL w^uf-
Gravé par BaulaNT.
nul I. VAni> IlES ITAI IKN»
311 (•4'iifiiiK'H la livriilNon.
Ri'K lii<:iiEi.iP.r, 'li.
Ml W,T|l| ^
^€m
./■
itf .
J.A'^
^fy;
-n
\
h
^EMAfâS ^
>-c^
-''î^^'ô^
^'
.,x\-^^
-H
L^\
iT^.
'U'
^Kton^
0=f^
1^1 ?ïïr"-'
(HiMÉÉitaBaÉiiÉÉiÉiiiÉHriKàsaaÉanEBBBeaKai
m do la Soiisrnpiion — L R i E i m n i n I [ Mihinio, ffruid in-S, publié en oO livraisons à 30 centimes,
-, , -ile. M) cent. Ou u t i ur 10 I >ri n l ar 1 I prt iit \ er un mandat sur la poste à l'ordre du directeur de la
EViE. — Pour tout ce pu cou rne la re la tioD e rire if anco) a M Lireix au bureau de la REvrE, 2, boulevard des Italiens.
STTMIMEaAT EDITEUR, RUE RICHEI.IEU. 52. 10'' LivraisOH.
AVIS AUX JOrRKAUX DE PAUIS ET DE«i DÉPARTEMENTS.
Nous aiiliirisons la roprodiiction des articles Cdiiteiuis dans la Revue cui/iiqnc, a lu euiiililioii :
1" De citer la Revue en lui empruntant ses articles;
2° De limiter, parcliaqne semaine, la reproduction au tiers des matières conleiuies dans cliiniue numéi-o.
AVIS
AVX SOUSCRIFTE1TB.S DE X.A REVUE COMIQUE
Pour répondre au désir exprimé par un grand nombre de souscripleiirs, qui trouvaient
fàclieiix que, pour ne pas décompléler la collection des dessins parus jusqu'à ce jour, ils pussent
être dsns l'obligation de faire brocber ou relier les couvertures qui se reproduisent d'une façon
uniforme toutes les seize pages, nous reporterons dans l'intérieur de la livraison le dessin que
nous donnions ordinairement sur le verso de nos couvertures. De celle façon, ce dessin ne se
trouvera plus perdu pour le volume complet, qui pourra être broche sans ce premier feuillet.
La pagination a été disposée pour que cette suppression puisse se faire sans inconvénient.
Toutefois, pour que celte nouvelle disposition n'enlève pas au volume complet les dix
grandes gravures publiées jusqu'à ce jour sur le verso des couvertures, nous donnerons, avec
la dernière livraison, ces dix gravures en supplément.
Le dernier feuillet de la couverture, formant la dernière et l'avant-dernière pages de chaque
livraison, devra être relié avec l'ouvrage complet dont il ne peut être détaché sans intervertir
l'ordre de la pagination.
SOMMAIRE DE LA SEIZIÈME LIVRAISON.
TEXTE
La Semaine. — Mieux viul prévenir que réprimer. — VLoleltes parlementaires : Esquisses non politiques ; II. — M. Avond. —
Séance du 19 février. — Le nouveau Cheval de hois. — Encore le Bœuf gnis. — Révélation du système politique de
M Barrot, .'i propos du Boeuf gras. — A propos d'une Loi trop favorable aux Miris. — M. le comte Mortier. — A M. le
vicomte de Falloux. — Choses quelconques. — Le 21 Février. — Souveiiiis du 2i Février.
De3jinaleuri. Grarturs.
Le comte dd Monte-Cristo en Californie. . . Bertall. Midderigh.
De'ix républicaiDS do parti modéré Lorentz. Rouget.
Quelques masques de 1S49 Fabritzius. Baillant.
M. Coqueret Fabritzius. Montigneul.
M. Poujo.ilat Fabritzius. Jatiot.
Distribution des prix du Con£/ifu£ir'nric/. ... Kadard. Bau'ant.
Dessiiialeiirs. Orateurs.
Le nouveau Cheval de Troie Bertall Baulant.
Buste d'honneur du général Bergamotte .. . Fabritzius. Baulant.
MaladroilsBûcherois N.idard. Eaulant.
Réjouissancei. —Système Faucher Niidard. Baulant.
Encadrement Nadard. Bnu'ani.
M. ds Mon'aipnibert Fabritzius. Leblanc.
POUR PARAITBE DANS LES PROCHAINES LIVRAISONS
AVENTURES ET MÉSAVENTURES
projets — déceptions — espérances — tentations — travestissements
liypocrysies — passe passe — perfidies — grande cidbule de
MOSIEU RÉAC
SI ITE DE CAniCATl'KES PAP. NAUAIllJ.
Parii,— Tiré» «nj preatei mCeaniqiiet de Licnmps fllj el Comp., me Damtetle, i.
>>3/
F. A SEMAINE.
« De quoi me parlerez-vous? demande le lectuur à
la Semaine.
— Parbleu, du carnaval. A-l-il été triste, a-t-il été
gai? Les uns disent oui, les autres disent non, la chose
vaut bien la peine qu'on Téclaircisse.
— Lclaircissons-la.
— Eh bien, le carnaval a été triste, et je crois que
la politique n'y est pour rien. Le carnaval dure de-
puis trop longtemps, on en a par-dessus la tète. Il
faudrait trouver autre chose. Inventer, par exenij)le,
un carnaval d'été, et encore je ne sais pas si ce car-
naval réussirait.
J'ai lu dans les journaux d'hypocrites lamentations
sur la suppression du bœuf gras. M. Jules Janin lui a
consacré une élégie dans les Débats, M. Eugène Gui-
not une oraison funèbre dans le Siècle. Je ne suis pas
bien sûr que le Constitutionnel n'ait point trouvé à ce
sujet quelques phrases touchantes et bien senties. Le
Charivari s'est associé à la douleur générale ; enlin la
Revue comique s'en occupe aujourd'hui. Le bœuf
gras n'a jamais eu plus de succès que cette année où
il n'existait pas. Ce que c'est que de passer à l'état de
sujet d'article.
La vérité est que personne ne s'est aperçu de l'ab-
sence du bœuf gras. C'était une institution usée, finie
comme la monarchie.
Autre symptôme grave. Au dernier bal de l'Opéra,
celui du mardi gras , Musard n'a pas été porte en
triomphe. On a laissé Musard rentrer chez lui à six
heures du matin comme un mortel ordinaire.
Du reste, pas un masque sur les boulevards pen-
dant les jours consacrés, et à peine quelques bandes de
pierrots déguenillés à la descente de la Courtille. Dé-
cidément, le carnaval s'en va !
Dans le monde, ou a remarqué le petit nombre de
bals déguisés, les bals parés ont été fort nombreux au
contiaire. Le bal du Président de la Hépublique a été
surtout remarquable par la quantité d'étrangers et
d'étrangères, Anglais et Anglaises surtout. Les invi-
tations aux Français avaient été distribuées avec une
grande parcimonie, toujours à cause de l'exiguité du
local. C'est sans doute aussi par ce motif que le Pré-
sident de la République n'a pas cru devoir inviter le
colonel Forestier. Un colonel de la garde nationale
tient en effet beaucoup de place dans un salon quand
il sort de prison, après s'être conduit comme le brave
colonel de la sixième légion.
M. Louis Donaparte avait fait dans cette fête les
avances les plus directes au faubourg Saint-Germain.
Nous devons convenir que la République est plus heu-
reuse que la monarchie, et que la légitimité se con-
d'.' d'une façon vraiment charmante pour le neveu
de l'exécuteur du duc d'Enghein, pour l'héritier de
Vogre de Corse. Nous en félicitons sincèrement notre
Président.
En entendant prononcer tous ces noms de l'ancien
régime précédés de leurs titres (il est bon que le Pré-
sident donne l'exemple du respect à la Constitution),
en voyant défiler cette longue kyrielle de blasons am-
bulants, un de nos amis se récriait sur l'absence de la
plupart des notabilités de la révolution :
« Louis-Philippe était trop bourgeois, lui a répondu
un aide de camp du prince, c'est ce qui l'a perdu. »
Gardons-nous dune d'être trop b lurgeois.
Après les bals, il est bien naturel que nous vous
parlions théâtres; la politique viendra en dernière ligne
celte fois. Nous n'avons, en fait de théâtre, que d'heu-
reuses nouvelles à vous apprendre.
Les répétitions du Prophète ont commencé sur le
théâtre. Les débuts de Masset confirment de plus en
REVUE COMIQUE
plus son éclalanl succès. Après 7m(sa/ejn, nous lui en-
tendrons ilianler la Favorite et le Comte Ory.
Le Thcàlre Français joue ce soir la comédie très-
attendue de M. Alfred de Musset, qui prendra défi-
nitivement le titre de Lonison. C'est le dernier rôle
que doit créer mademoiselle Anaïs avant de prendre sa
retraite ; puis viendra le Testament de César, tragédie
dont l'auteur est M. Paul-Dumas-Alexandre-I.acroix.
Les Monténégrins vont passer prochainement à l'O-
péra-Comique eu même toinps que la reprise de 3fa
Tante Aurore.
La Gazza Ladra fait fureur aux Italiens avec ma-
demoiselle Alboni dans Minelln, el mademoiselk' de
Méric dans Iîe|)po.
Le Gymnase prépare un vaudeville en trois actes, le
Douqnet dp violettes, pour mademoiselle Rose Chéri.
Voilà maintenant que les théâtres se mettent à faire
concurrence aux journaux. Le vaudeville puhiie un
journal mensuel, les Variétés ont fait paraître mardi le
premier numéro d'une feuille quotidienne intitulée
le Cnars de la Bourse. Les couplets de ce journal sont
thaiités par Hofiiiann auquel ou adjoindra des colla-
borateurs suivant les besoins de la rédaction. Cette
revue de la journée, avec accompagnement d'orchestre
et de calembourgs, est un empiétement sur les droits
de la presse ; mais nous sommes en république, el le
succès n'est plus un monopole que pour les gens d'es-
prit.
MIF.UX VAUT PRKVKMU Ql i: iU-l'llIMIP..
Un des plus grands malheurs, une des plus grandes
hontes de ce pays, c'est qu'il déshonore chacune des
libertés auxquelles il aspire par l'abus qu'il eu fait.
La calomnie, cette arme empoisonnée, qui était aban-
donnée autrefois à quelques Baziles de bas étage, est
devenue l'arme commune des partis. 11 semble qu'elle
soit l'enfant gâtée de la presse. Comme s'il ne suflisait
pas des armes malheureusement terribles que la vérité
pourrait mettre aux mains de tout parti contre ses ri-
vaux, c'est au mensonge que chacun croit pouvoir de-
mander des forces nouvelles contre ses adversaires.
Certes, si les partis sont coupables d'eu agir ainsi, on
conviendra que les gouvernements qui se laissent en-
traîner dans cette voie odieuse le sont cent fois davan-
tage. C'est cependant ce qui arrive de nos jours Quand
donc MM. Faucher, Changarnier, Rngeaud et aulres,
comprendront-ils qu'il n'est pas permis à un gouver-
nement de relever toutes les armes dont on use contre
lui, qu'un gouvernement qui se respecte a pour de-
voir de se défendre, mais non d'attaquer, et que si un
parti est inexcusable d'user d'armes déloyales, quoi-
qu'il s'en serve à ses risques et périls, contre un gou-
vernement qui lui est contraire, il n'est pas permis à
ce gouvernement d'oublier quand il veut se défendre
qu'imiter ses adversaires c'est autoriser leur conduite,
et que, quand on a derrière soi une armée, des procu-
reurs généraux, la justice, la prison, le bagne, on n'a
pas le droit de faire, eu outre, une guerre de parti-
san à ses ennemis.
La fameuse nin\\mc prévenir vaut mieux que ré-
primer est une des pins dangereuses que puisse invo-
quer nn gouvernement. Prévenir, c'est-à-dire frapper
avant la faute, n'est-ce pas s'exposer à supjioser cette
faute et au besoin à paraître l'inventer.
M. Faucher se lève un malin. « Nous faisons pas
mal de sottises, se dit-il à part lui, nous devons avoir
exaspéré une partie notablt! (le la population pari-
sienne; il se pourrait que l'idée vint à celte popula-
tion de s'insurger contre nous. » Dans le doute, un
ininislrc sensé s'absliendrait, se contentant de se tenir
sur ses gardes. M. Faucher, loin de s'abstenir, part
de sa supposition comme un autre partirait d'une
vérité, et Paris est en un instant sillonné de patrouilles
et de canons. Le mal eût-il existé, un remède de ce
genre eût été pire que lui ; qu'importe!
« Le général Cavaignac, se dit un matin le général
Changarnier, doit trouver odieux le ton que prend
Bugcaud et celui que je prends moi-même en ce mo-
ment. A sa place, je penserais peut-être à exercer
quelque influence sur l'armée. » Donc, le général Ca-
vaignac a cette coupable pensée, et dans un journal
qu'on peut désavouer, on insinue cette odieuse accu-
sation. De quoi vous plaignez vous? Prévenir vaut
mieux que réprimer. Que résuUe-t-il de tout cela?
C'est que la liberté de la presse devient, aux yeux des
gens sensés, responsable de l'abus qu'on en fait, c'est
qu'elle perd son prestige , et que, ne la connaissant
(pie par ses excès, les honnêtes gens s'en fatiguent.
Que dire d'ailleurs des journaux qui se condamnent
sciemment à se démentir au profit d'un gouvernement
(piclconque. Que pense M. Lubis de sa campagne
contie le général Cavaignac? L'auteur de sa note est-
il bien lier?
Le com*e de Monle-Cri«!o, ayant retrouvé, dans lc« descriptions de la
Cali/ornie. le sigtalemcnt de son ile égarée, s'y rend & la hàle, aQn
d'en revendiquer la propriété.
De' sine par Louknt^
ENTRE DEUX HÉl'lBLICAINS DU PARTI HONNÊTE, DIT DE CONCILIATION.
— T'fs-t-uii Louispliilis !
— Et toi, t"es-t-im Henriiiiiirii|iii'l !
Gravé par Rouget.
23-i
REVUE COMIQUE
VIOLETTES PARLEMENTAIRES.
ESOnSSES NON POLITIQUES.
II. — M. AVOND.
J'entie en malièi-c à la f^içon .le riiitarque : Avond
est iiéàPaulhagnet.
Houreux Avond ! il aurait pu naîlio à Elbcuf comme
M. C.randin, à Cognac comnic M. Râteau ou à Palai-
scau comme la Pie voleuse ; mais la Providence, pour
le marquer aux yeux de tous d'un signe falidiquo, lui
donna Paulhagnet pour berceau.
A Paulhagnet, Avond était l'ami de Callet, qui siège
à côté d'Avond à l'Assemblée nationale, premier banc
de la quatrième travée de droite. Les érudits de Paul-
baguet épuisaient, en faveur de ces deux futures vio-
lettes liées par une étroite amitié, les comparaisons
les plus mythologiques. Nisus et Enryale, Damon et
Pythias, Castor et Pollux, Thésée et PirilhoCis ; tels
étaient les types un peu audacieux que représentaient
à l'imagination complaisante de leurs compatriotes les
deux aspirants hommes d'Etat.
Insensiblement, ils abandonnèrent Paulhagnet pour
venir à Paris. Callet se lia un jour très-intimement
avec Pagnon, qui fit la connaissance de Pourrat.
Vers cette époque, Pourrat eut une idée : il rassem-
bla ses amis et leur déclara que son intention inébran-
lable, était de fonder r£'ssor, études politiques, pliilo-
sophiques, palingénésiques et légèrement sociales.
Comme Pourrat était un homme d'une volonté éner-
gique, il fit paraître dix numéros de sa publication, qui
n'obtint pas le moindre succès.
Celui qui s'était fait le moins remarquer parmi les
rédacteurs inconnus de l'Essor, c'était Avond. Au-
jourd'hui encore. Pourrai, qui travaille depuis dix ans
à un grand ouvrage, se plaît à lui rendre cette justice.
Callet avait publié trois articles de haute critique
sur la funeste tendance du théâtre du Panthéon à re-
fuser ses pièces. Pourrat s'en souvient encore et Pa-
gnon aussi.
Après des débuts si extraordinaires, Avond se lança
avec confiance vers l'azur de l'avenir. Il se lit recevoir
avocat pour la forme ; au fond il était sténographe.
Avond faisait le compte-rendu des Chambres pour
la Gazette de France ; personne mieux que lui ne sa-
vait entrelarder les discours de M. de Genoude de très-
bien! très-bien! il excellait dans les sensations prnlon-
f/ées, et on le citait pour la façon vraiment remarqua-
ble dont il plaçait les applnudissemcnts à gauche ci les
murmures à. droite. Les sténogra[ihcs se souviennent
encore de ce célèbre truc inventé par Avond, et dont
ils ont tant abusé depuis. Quand .\vond ne compre-
nait pas le sens du discours d'un orateur, il y suppléait
dans son compte-rendu par ce subterfuge ingénieux :
Les murmures qui régnent dans t' Assemblée ne permet-
tinit pas à la voix df l'onifciir 'de parvenir jusqu'à
Aussi M. de Genoude avait-il riiabilmle de dire, en
lisant les séances sténographiées d'Avond ; Voilà un
garçon qui ira loin.
En effet, le lendemain de la révolution de Février,
Avond alla à l'hôtel de ville. A cette époque, Avond
était républicain de la veille comme tout le monde, li
rencontra dans un corridor M. Crémieux, qui, en sa
qualité d'Israélite, ne fut pas fâché de s'attacher un
rédacteur catholi([iie de In Gazette, et le ramena au
ministère de la justice pour en faire un chef de ca-
binet.
Vinrent les élections. Avond, qui avait eu soin d'en-
voyer depuis plusieurs années la Gazette de France à
Paulhaguet, fut naturellement élu par ses comjiatrio-
tes, qui se firent ce raisonnement plein- de simplicité :
« Puisqu'Avond sténographie les discours des dé-
putés depuis dix ans, il doit en avoir retenu quelques-
uns ; il les récitera tout d'un trait. Cela fera honneur
au pays. »
Callet, lui, fut élu par-dessus le marché.
Nous avons cité les qualités d'Avond, parlons un
peu de ses défauts.
Avond est beau, et il le sait. Avond a un gros ventre
et des jambes courtes; sa figure paraît insignifiante à
la première vue, mais on assure qu'elle s'anime dans
le tète à tète. Avond est adoré, et il en abuse. C'est le
cœur de don Juan dans la peau d'un notaire; il a la
funeste habitude d'oublier ses bretelles et ses paletots
chez les dames qui veulent bien l'honorer de leur con-
fiance; de sorte que le mari, revenant de voyage, est
tout étonné de trouver dans sa garde-robe des gilets de
llanellc exotiques et des pantalons étrangers. Alors,
voilà tout un drame qui se déroule ; des fiots d'encre
sont répandus.... 0 Avond! est-ce contre vous qu'a
été dirigé l'amendement moral de Pierre Leroux?
A rAsscmblée, Avond est triste ; il a cet air profon-
dément ennuyé des intelligences supérieures. Quand
il fait son entrée dans la salle des séances, il traverse
le couloir central en portant les deux mains à sou gi-
let ; quelipiefois il mâchonne un cure-dents, cela a
bon air ; il se laisse tomber à sa place après avoir ac-
cordé une poignée de main à Callet; tousse un peu
pour se faire remarquer, promène ses doigts distraits
dans SCS cheveux en braquant son binocle sur les tri-
bunes peuplées de femmes, et prend une de ces poses
nonchalantes qui rappellent vaguement Eudymion en-
dormi.
11 ne sort ordinairement de cette belle indolence que
A I.IISACK DES r.FNS SI'IUKUX.
235
poiirallt'i- ii'iili'i- ilaiis les iMivinins ilii Iciiir riiiiii-lcM ici.
Je iltiis rendi-i' ci'tlo jiislico à Avdiul, (|iril .i iiiii' li\il('
(l'()|)iiii(iii iiiL'lx-aiilahlc. Je lu! l'ai vu m aiu nu liiiips
se glisser sur les Ijuius de I'()|)|)osili(iu. ne fùl-ie
i|u'uue seconde, pour causer avec un collègue. Avond
ne connaît que le pouvoir. Les lioninics passent, le
principe reste. .\vou(l est pour le principe. C'est ainsi
(]ii'i! a successivement olitenii des poignées de main de
Lamartine, de l^edru-Rolliu, de Flocon, de Séuard,
de Rectirt et de Lieu d'autres ; Vaulabelle lui-niènie
y a passt!. Aujourd'hui, Avond, pour montrer i[u'il est
toujours le même, continueà solliciter des poignées de
main de M. de Faucher et de M. de Falloux. On prétend
même qu'il se rencontre souvent sur le passage d'O-
dilon pour saisir un sourire au vol. Fntre nous, Avond
abuse un peu de l'inlk'xihilité de son caractère. Il de-
vrait ajjporler moins de ténacité dans ses manifesta-
tions amicales, ne fût-ce ijue pour ne pas trop liumi-
lier ceux de ses collègius qui ont déserté le banc mi-
nistériel le lendemain du jour où leurs amis n'étaient
plus ministres.
Avond fuit la tribune. En sa qualité d'ancien sténo-
graphe, il sait les dangers qu'elle recèle. Latet auguis
in herbu, comme disait M. Ihipin à l'époque où le père
Auguis était député. La tribune est le cap des tempê-
tes des journalistes. C'est là que j'ai vu se briser l'es-
quif Bouvet, le brigantin Degeorge et la felouque
f.MiiiHl. Hélas! j'ai recueilli les débris du naufrage
du beau lrois-nu\ls le Diirrieu, en partance pour nu
amendement; et la tartane Lnnglet, et la gondole Du-
pont (de la Dordogne), et tant d'autres embarcations
doublées et chevillées en articles de fond. La galère
capitane Victor Hugo, qui avait lilé un assez joli noMid
sur la mer pacidque de rh'vénement, n'a doublé le
cap parlementaire, après bien des avaries, que [jarce
qu'elle était favorisée -par une forte brise d'antithèses.
Avond, qui n'a pas le pied marin, préfère la discussion
dans les bureaux aux discours à la tribune. La discus-
sion dans les bureaux est, pour la violette inexpéri-
mentée, ce qu'est le plancher des vaches pour le Parisien.
L'homme est double, a dit un philosophe. Cela est
vrai, surtout pour Avond. Il est des jours où, déser-
tant Callet et sa mélancolie, Avond vole comme un
gros papillon à travers les fleurs représentatives. Ces
jours-là, il écrase M. Mole, enjambe M. Thiers, apla-
tit M. Duvergier de Hauranne et fait voler l'abat-jour
de M. Jules de Lasteyrie. A une séance où Avond avait
endommagé l'orteil du joli M. Fresneau, celui-ci dit à
son voisin : « Voilà un gaillard qui se comporte parmi
nous comme un éléphant dans un magasin de porce-
laines... » Mais il faut excuser Avond quand il se livre
à cette course folâtre : Avond va porter à des dames
des billets de tribune qu'il vient d'obtenu' de la muni-
ficence du chef des huissiers, M. Brancas-Duponceau.
SjÉaNXE du 19 FÉVRIER. A PROPOS DES AFFAIRES d'iTALIE.
Cette discussion, qui devient géLérale,
N'est pourtant que grammaticale ;
Les uns pour la papauté.
Les autres pour le pape 6té.
COQUEREL, qui crie et qui jappe,
Dit aux rieurs qui pouvaient s'en donner :
a Vous ne parviendrez pas à me désarçonner
Pourtant il est tombé de la mule du pape.
Po'JotiLAT, qui courut l'Egypte avec Michand,
Parle, avec Coquerel, en un style mi-chaud;
Mais, à propos de ce neuvième Pie,
11 raisonne comme une pie.
236
REVUE COMIQUE
DISTRIBUTION SOLENNELLE DITS PRIX DU CONSTITUTIONNEL.
Le tableau représente le moment où le pharmacien Véron, assisté de Thiers et de Mole, dépose une couronne civique sur la tête du jeune Odi'.on
il va lui remettre le <Tand prix de sagesse politique que lui passe le fidèle Merruault. Parmi les élèves couronnés, on remarque les jeunes Du-
verg.erde Hauranne Falloux, Léon Faucher, Denjoy, Drouj-n de THuis, Berryer, Râteau, deTracy, Buffet, Bugeaud, Changarnier, etc., etc.
LE NOUVEAU CHEVAL DE BOIS.
Nous avons entendu de bons bourgeois se plaindre
de ce qu'il n'y a pas eu de bœuf cette année. Pas de
liœuf gras! disaient-ils dimanche et mardi, en remar-
quant tristement la solitude des boulevards; oîi allons-
nous? A quoi nous sert d'avoir un ministère d'ordre,
un pouvoir fort, un gouvernement conservateur , 'et
l'épée du maréchal Bugeaud suspendue par un iil
sur la tète de l'anarchie, si on laisse dépérir les an-
ciens usages, s'i! n'est plus permis de suivre de la Bas-
tille à la Madeleine et tout le long des rues, le bœuf
aux cornes dorées, avec son cortège de sauvages à che-
val? C'est instructif, agréable à voir, et même on re-
çoit des coups de pied des chevaux du cortège. Est-ce
que par liasard nous n'aurions pas un gouvernement
aussi conservateur qu'on l'avait cru jusqu'à présent?
Ainsi parlent ces bonnes gens, et depuis mardi,
puisqu'il faut l'avouer, M. Barrot est l'objet de graves
soupçons. La confiance qu'une partie de la population
avait placée en lui est altérée; on l'accuse tout bas
d'être sur le point de faire allianceavec M.Ledru-Rollin.
Soyez donc un ministère d'ordre pour qu'on vous
soupçonne de terrorisme !
La population parisienne est bien indigne, en vérité,
de l'intérêt qu'elle inspire au gouvernement. Sauvez-
la aujourd'hui, elle vous accuse demain, et les calom-
nies les plus atroces circulent sur votre compte. Mardi,
dans les groupes, on prêtait ce mot à M. Barrot : « Si
le bœuf gras ose se montrer, je le fais guillotiner à l'in-
stant ! » Ce serait bien odieux, si c'était moins absurde.
Encore si ce propos avait été attribué à M. Ledru-
RoUin!
H faut pourtant que le peuple de Paris, que la France
entière connaissent la vérité ; il faut qu'ils sachent
d'abord que le mot prêté à M. Barrot est controuvé, et
que s'il n'y a pas eu de bœuf gras cette année, cela
lient à des considérations politiques de la plus haute
importance.
La France veut-elle être sauvée de l'anarchie? Voilà
la questirn.
Oui, elle veut être sauvée; alors qu'elle laisse agir
les gouvernements forts et le vigilant père Carlicr.
Le vigilant père Carlier alla donc trouver M. Barrot.
« Monsieur, lui dit-il, l'anarchie est aux abois.
— Je le sais.
— Mais tellement aux abois, qu'elle vient d'avoir
une de ces idées biscornues et extravagantes qui accu-
sent un dérangement dans le cerveau,
— Je n'en suis pas étonné.
— Vaincue le 29 janvier, l'anarchie veut prendre
sa revanche le dimanche 18 ou le mardi 20 février.
— Conspiration grasse, hi, hi, hi.
— Votre Excellence a toujours le mot pour rire.
— Mon Dieu, oui; c'est la pureté de mes intentions
qui me conserve la gaieté, ce don du ciel. Mais ache-
vez, vertueux père Carlier, achevez. Quels sont les
projets de l'anarchie?
A LUSACE DKS GENS SÉRIEUX.
257
— L'anarchie prt'leiid proliler de la licence des der-
niers jours du carnaval. Si vous m'en croyez, vous
su|)|)riinercz le IxiMif j,'ras.
— I,c bœuf gras, père Carlici-, y penso/.-voiis !
Qu'en dira la population parisieniu'.'
— Elle en dira ce qu'elle voudra. Mais savoz-vous
ce que doit être le hœuf gras de celle année?
— Non; sera-ce un cheval, un chien, un lin'iif
maigre, une chèvre? Achevez, vous me faites IVèinir.
— Vous connaissez l'hisloire du cheval de hois (pii
porln les Grecs dans les murs d'illiou, par la faule du
chef de la police de celle ville, qui, j'ose le dire, ne
valait pas le pèi'e Gariier.
— Je connais cette histoire ; j'ai fait mes classes ,
monsieur !
— Eh bien; il s'agit de renouveler celle mauvaise
plaisanterie. I.e bœuf gras de celle année serait à la
vérité un bœuf gras, mais un bœuf en bois.
— Grands dieux !
— Dans les flancs de ce bœuf en bois se cacheraient
les chefs montagnards et socialistes, Proudhon, Gonsi-
déranl, Gabet, l.edru-llollin , Gaussidièrc et l-ouis
nianc, avec leurs satellites armés. Puis, sous prétexte
<le la visite d'usage à l'hùtel de ville, ce monument
tomberait par surprise entre les mains d(!s anarchistes
qui s'y établiraient en qualité de gouvernement pro-
\isone.
— Vous me failes frémir. Mais \ulre rapport e^t-il
bien positif, vigdant Garlier?
— Que trop! Je vous dirai même ipie les souscrip-
tions pour la prétendue l?an(|ue du l'eii|)le doivent
servir à payer la coiislructiou du bœuf de bois.
— 0 mon pays! s'écria M. Barrol, j'aurai donc pu
te sauver une fois encore! »
G'est à la suite de cet entrelien que l'entrée de l*aris
a été interdite au bœuf gras. Et maintenant, bour-
geois naïfs, qui sonj'çonniez les intentions de M. Bar-
rol, demandez pardon à cet homme d'État, et
félicitez-vous d'avoir un gouvernement (|ui a lu
l'Enéide.
238
REVUE COMIQUE
ENCORE LE BCEUF GRAS.
RKVÉLATION nu SYSTEME POLITIQVE DE M. BARKOT A mOl'OS PU BOEIF GRAS.
Nous le (lisions tout à Phoiire, tout le niomlc s'est
demandé avec une profonde inquiétude les raisons qui
cvaient privé le carnaval de sa promenade du bœuf gras.
On s'attendait à une explication du ministère sur nue
si grave innovation ; mais le Moniteur s'est lu ; la Pa-
trie n'a pas une ligne communiquée sur ce sujet; pas
«ne interpellation n'est descendue de la tribune; et
M. Faucher est resté dans son majestueux silence.
Aussi les boulevards , pendant les trois jours gras,
n'étaienl-ils remplis que de gens qui se question-
naient, s'interrogeaient, se disaient mutuellement:
« Pouniuoi n'ont-ils pas fait de bœuf gras? Y aurait-il
encore là dessous de la politi(iue? Est-ce que les cornes
dorées du moderne Apis recelaient quelque nouvelle
conjuration? Est-ce que les mangeurs de veau froid
poussent l'amour de ce mets socialiste jusqu'à conspirer
contre le bœuf? Est-ce que M. Changarnier, au lieu de
profiler, comme tous les jeunes gens, deces joyeux jours
]iour aller voir un bœuf qui est certainement moins à
la mode que lui, aurait encore couru le risque de se
couvrir de gloire en exterminant l'anarchie? Est-ce que
le char qui contenait les divinités de l'Olympe aurait pu
être, comme lecbeval de Troie, une machine de guerre
avec laquelle Proudhon-Ulysse aurait incendié Paris?
Est-ce une concession nouvelle de M. Falloux au clergé?
Est-ce que les pour-boires donnés aux conducteurs du
bœuf ont paru une économie réalisable au président,
ministres, préfet, dont les traitements sont si ré-
duits?»
Eh bien! non. Rien n'est vrai dans toutes ces con-
tf'^.LPl
Au célèbre général Bergamotte. — Buste d'honneur
jeclures, malgré les renseignements du père (larlier ;
le gouvernement voit la chose de plus haut, et M. Bar-
rot a maintenu sa première prohibition. C'est dans
la conduite des détails ipie se reconnaissent les grands
hommes, et nul ne pourra dire que la politique de
M. Barrot, à l'endroit du bœuf gras, est une maigre po-
litique, uuepolitiquede pot-au-feu, une politique entre
cuir et chair, ainsi que tant de gens de mauvais goût
l'ont prétendu. En effet, le ministère qtie les factieux
accusent de pensées réactionnaires et d'intentions mo-
narchiques, a voulu tout simplement donner une
preuve éclatante de ses sentiments républicains, de son
intelligence de la situation, de la profondeur et de la
sévérité de ses principes démocratiques; il a voulu re-
nouer la chaîne des traditions révolutionnaires et mon-
trer que 1818 est le dernier terme de 1789; c'est une
profession de foi, c'est un manifeste, c'est tout un sys-
tème politique qui se révèle à propos de bœuf.
Donc le gouvernement trouve les folies carnava-
lesques indignes d'un peuple libre. Il s'est souvenu
qu'après la révolution de 1789, les Parisiens avaient
d'eux-mêmes, sans le conseil des Berger et des Rcbillot
de l'époque, aboli ces cérémonies de l'ancien régime,
et qu'elles ne furent reprises qu'en 1805, c'est-à-dire
quand la liberté avaitété ensevelie par la gloire. En effet,
M. Faucher, le savantde l'endroit, aenlevé les suffrages
de tout le conseil des ministres et déterminé si résolu-
tion en lisant celte phrase du Journal de Prudhomme
du 13 février 1790 {Révolutions de Paris, n" 32) :
« Nul n'a paru penser aux mascarades, aux orgies,
« aux folies qui avaient lieu à pareil jour, les années
« précédentes. Il n'y a point eu de course de masques
« le lundi ni le mardi, et le peuple n'a pas paru les re-
« gretter. Il a senti toute l'absurdité de cette mon-
« strueuse coutume, et il faut espérer, pour notre hon-
« neur, qu'elle ne se reproduira plus. Ce sera encore
« un des fruits de la révolution. »
Et voilà comment le Californien , le bœuf gras
de 1849, dépouillé de sa royauté parisienne, s'est
trouvé réduit à promener sa majesté exilée dans les
rues désertes du pompeux Versailles, sous les yeux dé-
daigneux des douairières de l'endroit! Quelle chute!
mais aussi quel enseignement philosoplii(|ue! Le bœuf
jetai ides regards mélancoliques sur la ville de Louis XIV;
la ville dont toutes les passions, les affections, les sou-
venirs sont au delà de notre frontière, regardait avec
une ijnrl'nile indifférence le Californien. Marins et
Cartilage revenaient naliuellement à la pensée ; mais, à
la différence de Cartilage et de Marins, ces deux grands
débris ne se consolaient [las du t::ut entre eux.
On dit ([ue l'année prochaine les déguisements seront
interdits, y compris les costumes Lafayette.
A L'USAGE DES GENS SÉRIEUX.
239
\ l'iîoi'os i»im: loi thôp F.woRAni.r, ai \ \i\i;is.
On se plaint tons les jouis iliî i'iiiimoraliU' des ic-
IH-Liscnlauls ilc la niontagno cl de la piufonde peiver-
silé dos ri'présenlaiils du soiialisino. I.a iiioiitague et
le socialisme vienneul de se r. liiliililer gloiieusemenl.
Berquin, V Ami des enfants, et M. de lUiuilly, le célèlire
auteur des Coiisals à ma file, ne sont plus que des
éeoliers dans les questions do nature à intéresser la fa-
mille, si on les compare au citoyen Pierre IjCroiiv.
11 vient d'être décidé, sur sa proposition, (jne tout
homme condamné pour s'ôlre laissé distinguer, tran-
chons le mot, adorer, par la femme de son prochain,
perdrait son droit d'éligihiiité.
Nous le disons tout net, et nous croyons n'èlre
pas plus que l'Aseemblée nationale, les ennemis de la
morale et du mariage, cette loi est ce qu'on peut ap-
peler une bête de loi. L'Assemblée nationale, en la vo-
tant, s'est conduit comme ces grandes sottes qu'on
nomme des prudes parce qu'elles affectent des airs de
vertu liors de toute proportion avec leur âge et leur
expérience bien connue.
Ce pays-ci, quoi qu'on di^c, est un pays moral, sa
moralité, surtout dans les questions de ce genre, n'a
pus besoin de s'appuyer sur la loi. L'opinion publique
sait distinguer mieux que la loi, qui est, qui doit
cire brutale et qui ne juge que le fuit, ceux, parmi les
délits de ce genre, qui touchent à l'honnenr de l'homme
qui s'en est rendu coupable.
Cette loi est contraire à l'esprit de la France depuis
Montaigne jusqu'à >L Thiers, comme le serait une loi
sur le duel. Si Molière eût été représentant, quel que
droit qu'il eût, ce pauvre homme,de voter pour l'amen-
dement du citoyen Pierre Leroux, croit-on qu'il l'eût
aidé de son vole?
Nous relevons, dans le compte-rendu de la Patrie,
une phrase qui nous a paru naïve. « M. Pierre Leroux,
dit le rédacteur de cet honnête article (nous ne le nom-
merons pas), M. Pierre Leroux a eu pitié de nous. »
Que pensent de la candeur de cette ligne les collabo-
rateurs de l'écrivain dont elle émane? L'accepleut-ils
avec toutes les conséquences qu'elle semble indiquer?
s'enrégimentenl-ils avec leur confrère sous la bannière
de ce nous, dont il semble, par une erreur de plume,
nous aimons à le penser, invoquer le bénéfice.
La liste des noms des volants, dans cette circonstance,
serait curieuse à consulter.
« Comment ont voté MM. Thiers, Hugo, de Lamar-
tine, de Heckeren, Avond? se disaient les dames dans
les tribunes. — Et MM. A., /.., C, V., L, etc., etc.,
sait-on leur vole?
— Tout homme ayant une faute de ce genre sur la
conscience, faute connue ou non, s'il a voté celte loi,
est un hypocrite, disait madame de C. dans la tribune
du conseil d'État.— Un lâche, ajoutait madamede V. »
A ce compte, combien y a-t-il d'hypocrites à l'Assem-
blée nationale?
Mais ceux qui ne sont jias hypocrites, ceux qui ont
voté/>o/«-en conscience, que sont-ils donc, s'ils noiit ma-
riés? Voilà ce qui nous inquiète. Et s'ils sont garçons,
i|uc faut-il penser d'eux? Que île paletots ont dû être
laissés par ces messieurs entre les mains des Pntiphar
de leur province. Heureux les tailleurs de ces Jo.seph.
Celle loi, je voudrais que Rabelais pût me dire ce
qu'il en pense. — N'est-ce pas une ]u-ime donnée à la
publicité des délits de cette nature? Cela ne fait-il pas
de l'adultère nn moyen politique? Dix femmes comme
on en comptait plus de vingt dans l'ancien grand monde
politique, ayant pour maris des Décius décidés à tout
soulfiir pour la bonne cause ; oui, dix femmes, intré-
pides, résolues, prêtes à tout, spirituelles et jolies, siif-
iiiaient, à l'aide de cette loi, à désorganiser tout espèce
de parti politique.
« Mais il n'y a donc pas un homme d'esprit dans celte
Chambre ; il ne s'y trouve donc que des pères de fa-
mille malheureux, » s'écriait mademoiselle B, en regar-
dant d'un œil plein de compassion cette vaste enceinte
où abondent les crânes dénudés.
Beaumarchais, où es-tu?
Vous me direz, après cela qu'en .Amérique c'est bien
pis, et que mieux vaut encore priver un homme du
devoir qu'ont les représentants de se regarder sans rire
six heures durant, quand ils font de ces belles be-
sognes, que de l'envoyer scier du marbre dans les car-
rières, comme cela se pratique dans les États de l'Union.
240
REVUE COMIQUE
REJoiisSANCES rATBloTlQUE-. — Système Léon Fauclu
UN MOT SUR M. LE COMTE MORTIER.
RI. le comte Mortier, qui, i l'occasion de son procès avec sa
femme, «oulient avec tant d'esprit el une si extraordinaire lu-
cidité, la Inlle désespérée qu'il a engagée contre ses adversai-
res, et qui, dans sa défense, a trace, des hommes el des clioscs
qui ont passé sous ses yeux, de si curieux portraits, qu'on est
presque forcé de les croire rcssemblanis, était chargé d'afl'aircs
à Berlin, en 1830, quand éclata la révolution de Juillet.
On sait (jue l'annonce de ce grand événement mit en émoi
loulesles cours européennes. Il n'y avait qu'une coalition, se-
lon les diplomates du temps, qui pût écraser la lête de la révo-
lution qui se redressait si inopinément au-dessus des troues
européens. Toutes les frontières des États voisins de la France,
et notamment les fiontières prussiennes, se couvrirent simul-
tancmenl de troupes prèles à entrer en campagne contre nous.
Il n'y avait donc pas une minute à perdre : le sort de la France
pouvait dépendre de la fermeté de son attitude dans ce mo-
ment suprême. M. le comlc Mortier, abandonné à ses propres
inspirations, sans instruclions pour un cas aussi peu prévu, dut
alors prendre conseil de lui-même et de son seul patriolisme.
Sur son ordre, un des altachés de la légation de Berlin se
déguisa en courrier d'ambassade et quitta la ville à franc élrier,
comme s'il était chargé do dépêches pressées pour la France;
mais, arrivé à di,\ lieues de cette ville, il (|uilla, conformément
aux instructions secrète? de M. Mortier, son déguisement, prit
une chaise de poste, et, revenant à Berlin au galop, y (it une
entrée bruyante. Descendu à l'ambassade, il y remit à M. Mor-
tier des instructions qui semblaient venir de France. Ces ins-
tructions, très-nettes, très- franches, Irès-vigoureuses , furent
lues par M. le comte Mortier au ministre des affaires étran-
gères du cabinet prussien. Elles porlaienl en substance que, si
la Prusse ne rappelait pas sur-lc-cliamp ses troupes, la France
ferait entrer immédialemenl sur le territoire allemand une
armée de cent cinquante mille hommes; elles prolcstaienl, par
contie, des intentions paciliqucs du gouvernement fran(;ais
pour le cas où les troupes prussiennes se retireraient. Le ca-
binet prussien délibéra, et le résultat de la délibération fut
qu'il serait obtempéré au désir de la France.
M. Mortier écrivit alors immédialement au gouvernement
français. « Si j'ai eu tort, dit-il, destituez-moi, désavouez-
moi ; il n'y aura que moi de compromis. »
Lo cabinet français, loin de desliluer M. le comte Mortier,
reconnaissant l'immense service qu'il .venait de rendre, le
nomma presque immédiatement ambassadeur ou Espagne,
pour récompenser sa présence d'esprit et sa résolution.
A M. LE VICOMT
Monsieur,
Malgré votre horreur pour l'esprit de libre cxaiuen, vous
n'êtes pas, je suppose, dans la situation du Président de la
République, à qui ses ministres ont interdit la lecture des
journaux de l'opposition.
Peut-être même lisez-vous le Nalional. En tout eus, il est
bon que l'on vous informe d'un article qui a paru dans ce
journal, et dont l'cflet a été très -grand. C'est, à [iroprement
parler, un scandale dont vous faites les frais.
Vous souvient-il, Monsieur, d'avoir publié VHisloire de
Pie V et l'Histoire de Loitis XVI, deux livres un peu trop
compromettants pour un ministre de la République? Dans le
premier, vous exaltez l'inquisition; dans le second, vous faites
le procès à la Révolution française, ou plutôt vous la tra lez
en véritabe inquisiteur du i)on temps. Le National a pris la
peine de publier deux colonnes de citations extraites do ces
E DE FALLOUX.
doux ouvrages, et ces citations vous placent dans une situa-
tion quelque peu difficile, il faut l'avcuier.
Il ressort de vos livres, sur lesquels l'attention a êlé appelée
par le National, que vous êtes un des plus méritants élèves
de l'école philosophique et politique du comte de Maistre.
L'exercice de la raison humaine vus send)le une monslruo-
sité ; la Révolution française est l'uruvrc du diable; tous les
hommes qui ont joué un rôle dans celle magnifique épopée
sont des misérables dignes de figurer dans un auto-da-fé ; le
dernier terme de la civilisation, c'est le pouvoir absolu et la
monarchie du droit divin.
C'est là ce que vous avci écrit il y a trois ans.
Maintenant on peut vous adresser les questions suivanles :
Qu'est-ce que la révolution de Février, sinon la conséquence
de la première révolution de 89? Haïssant l'une, ainsi que
A L'USAGE DES GENS SÉIUEUX.
241
vous 1 iivei cléclaié dans l'Histoire de Louis XVI, vous dcvri
«voir l'autre en liorr. iir. l'ouiquoi diine nvei-vous ncceplé le
niaiulul niiiiislirii! iiiiillc vous a cniilu?
Connu,, niinisln-, vous avci pris reug.ip.nionl de servir et
de défendre une llé|.ul>li(|ue <|iie vous détesIcA eo ic
lioninie. L'amhrlion du pouvoir vous a donc fuit contracter un
enpa);enienl contraire à voire conscience?
Direz-vous qu'en acceptant un portefeuille sous la Hépu-
liliipie, vous n'en êtes pas moins icsié lidele à vos anciennes
opinions? En ce cas, je vous répondrai avec l'Évanyile
qu'on ne peut pas servir deux maîtres à la fois. Ou vous re-
nierei l'esprit cpii a inspiré vos livn-s, ou vous trahirez la Hé-
pul>li(|ue.
Nous donnons ici ipu'lques citalicuis des deux livres de
M. de Falloux :
Jugement de M. de Faltunx sur lu dvilisiilion moderne.
— " Le monde a reculé (depuis la suppression de l'inquisi-
« lion); il est descendu graduellement de splière en sphère
« pour venir ahoutir aux abîmes du dernier siècle. »
L'inquisition jusii/iee. — u La toléianee n'était pas connue
« des siècles de foi, et le sentiment que ce mot nouveau lo-
« pnîsenle ne peut être raii;;é parmi les vertus que dans un
« siècle de doute... .autrefois, il y avait, en immolant l'Iiomnie
» endurci dans son erreur, toute chance pour que cette erreur
« périt avec lui, et que les peuples demeurassent dans la paix
« de l'ortiiodoxic. » « Le sang répandu ne l'était qu'a-
« vec la plus vigilante sollicitude pour r.'iuie du coupahie,
« i|uc l'Eglise s'efforçait jusqu'au bout d'éclairer et de re-
o conquérir. »
Opinion de }f. de Falluux sur l'abominable Philippe //,
meurtrier de son Y>r()pre fils. — « Les haines qui le poursui-
« vent... n'étaient et ne sont encore aujourd'hui que les re-
« présailles du fanatisme anti religieux. Il baisait la jnain du
» prêtre qui venait de lui dire la messe! Il n'épargnait ni
« soins ni dépenses pour recueillir ces reliques foulées aux
« pieds et pour transporter en Espagne ces trésors de la foi.»
Voltaire et son école philosophique Jugés par M. de Fal-
loux. — « Que représentait donc Voltaire'.' Quel piinci|)e li-
« béral et généreux la société venait-elle saluer dans le
« chantre infâme de la Pucelle, adulateur de madame de
n Pompadour. de Frédéric et de Catherine? Hélas! il faut
« bien reconnaître l'esprit de vertige et d'erreur qui signale
« aussi le règne des peuples. C'en est fait! Volt:;ire peut
« disparaître maintenant : on ne croit plus à rien : la moquerie
(I universelle viinl d'être couronnée sous son masiiue. »
Il est moralement impossible iiur v.,ii, i, stiei dans celle
position ambiguë, et il n'y a (|ue deux manières d'en sortir :
Désavouer ces deux livres signés de votre nom, les dé.>.3-
vouer oflicielh ni, pleinenniit, depuis le premier mot jus-
ipi'au dernier; — ou bien donner votre démisHon et c|uiller
le pouvoir. Conune homme privé, vos opinions vous appar-
tiennent sans que personne ait le droit de vous en demander
compte; comme ministre républicain, vous en devez compte
au pays. Pas de trahison, c'est le cri de l<uis le» honnêtes
On vous dit
drez-vous?
La llépobliijue atl.iol votre réponse.
nèle homme, monsieur; quel parti prcn-
" Tous les vieux cultes de la France avaient eu leurs
« blasphémateurs, l'avéuemcnt des impies était proche. »
La théorie monarchique du droit divin jugée par .M. de
Falluux. — « On rangeait le sacre parmi les traditions de la
i( servitude. Mais que faisait-on en proposant à Louis XVI la
(1 saïution piqiulaire au lieu de la consécration religieuse?
" .N'etait-te pas llalter le principe aux dépens de la rovaulc,
Il et mettre un arridenl lœureux à la place d'une institution
(I iumiu.ible? »
Opinion de M. de Falloux sur les privilèges de la noblesse.
— (I La noblesse alléguait en outre de glorieuses raisons pour
Il justifier .ses privilèges. Nous ne recevons, murmurait-on
« dans ses rangs, que le prix légitime de no'.rc sang versé à
" Ilots pour ragramlisscment et l'unité du royaume. Nous
« avons abandonné sans partage les carrières et les professions
« lucratives à la classe qui se plaint aujourd'hui. N'esl-il pas
Il naturel que les besoins pécuniaires de l'Étal pèsent sur les
« fortunes acquises à l'abri de nos armes?... »
L'inviolabilité des assemblées représentatives condamnée
par M- de Falluux. — « L'Assemblée se déclare inviolable,
n A partir de ce jour..., c'en est fait des modifications mudé-
« rées, des améliorations progressives. La royauté vient d'ou-
« vrir ses mains généreuses; la révolution rejette la paix et
« Mirabeau montre le poing. Les députés décrètent à la fois
« leur omnipotence et leur iuviolabililé, déchirent leurs man-
« dais et plantent fièrenniil l'étendard de leur usurpation.
« Cette usurpation, transmise de main en main, d'assemblée
« en assemblée, comme le talisman de la révolution, ne s'ar-
« rètera plus que par l'épuisement de ses propres excès. »
Notre cadre trop resireint nous empêche de pousser plus
loin les citations. Il faut lire les deux ouvrages de .M. de Fal-
loux; il faudrait les citi'r en entier.
GHÔSES QUELCONQUES.
Nous trouvons plaisant que dans un temps comme
le nôtre il y ait un parti qui ose jeter comme un re-
proche et une injure à la face de l'autre, qu'il ait cons-
piré.— Qu'était Louis- Philippe duc d'Orléans? —
Un conspiiatenr. — Qui l'a porté au Iione? — l'wn
conspiration. — Que sont les légitimistes? qu'étaient-
ils sous Napoléon, en 1815? qu'élaient-ils sous Louis-
Philippe? — Des conspirateurs et des conspirateurs de
la pire espèce de ceux que l'étranger ramène. — Que
sont enlin les bonapartistes? — Encore des conspira-
teurs. Si Jonc les républicains ont été à leur tonr des
conspirateurs, qui, parmi tous ces bcaux-fiis, pour-
rait leur jeter la première pierre?
— Celte république qu'ils n'aiment pas, elle les a
rendus possibles, elle les a faits ce qu'ils sont. — Où
serait M. Falloux, M. Faucher, M. Buffet, sans la Ré-
publique? Quel roi eût été chercher ])armi eux des
ministres? — Si c'est là le tort qu'a la République à
leurs yeux, nous sommes d'accord avec eux.
— La future législation n'inquiète pas seulement
les républicains, elle inquiète jusqu'aux chefs du parti
rdaclionnaire. - A q-.elle place siégercz-vous, disail-
on à M. Thiois-; - Mu loi, lopoiidil-il. si cela conti-
nue, à la Montagne.
_ Ce mot trouverait sou explication dans le fait
suivant :
Plusieurs candidatures ont été oflertes à M. C.uizot,
celle du C.ard notamment pour les prochaines élec-
tions. ISous dirons tout net que nous ne voyons aucun
inconvénient à ce que M. Guizot fasse partie de la Lé-
gislative , quand M.M. Tliicrs, Mole et Barrol font
partie de la Constituante. Mais ce qui est bon à re-
marquer, c'est que cette candidature a pour ennemis
acharnés, d'une part, le vieu-v M. Mole avec ses jalou-
sies éternelles, de l'autre M. Thiers, moins vieux, mais
non moins jaloux. Nous espérons que la présence de
M. Guizot dans la Chambre , remettrait le parti con-
servateur dans sa véritable voie, et que M. Thiers
apparaîtrait bientôt à tous, ce qu'il est : un brouillon,
un révolutionnaire en arrière, c'est-à-dire un révo-
lutionnaire de la pire esiièce.
Ennemi pour ennemi, nous préférons M. Guizot :
c'est un ennemi plus sérieux.
_ Le président fait de son mieux pour remplir
convenablement les hautes fonctions auxquelles il a
été appelé. U monte à cheval tous les jours, et se
montre toutes les fois qu'il le peut, aux parisiens, dans
son costume de général en chef de la garde nationale
de Paris. — On trouve que ce costume est celui qui
lui sied le mieux. — On avait pensé à ajouter à son
chapeau un beau plumet retombant gracieusement
sur ta gauche, il estregrettable qu'on ait reculé devant
une aussi heureuse idée.
— Cambacérès, prince de l'Empire, se promenait
toujours seul et à pied. Comme on lui représentait
qu'il s'exposait à quelque avanie : « Laissez, laissez,
répondait-il; le peuple aime à voir de près ses princes.»
— La Patrie, journal ofliciel, ment officieusement,
quand elle n'a rien à faire pour le compte du gouver-
nement. Elle avait jugé à propos d inventer que le gé-
néral Cavaignac assistait au dernier bal du président
de la République.
_ Un mauvais plaisant se présenta dernièrement
chez le concierge de M. Véron, et y déposa une carte
ornée d'une corne. « Vous direz , dit-il au con-
cierge, vous direz à M. Véron que je suis venu moi-
mcine apporter cette carte, et que je regrette de n'a-
voir point eu l'honneur de le rencontrer.
C'était la carte du général Cavaignac. Il faut être
juste: M. Véron eut un instant d'étonnement en ap-
prenant l'honneur qui venait de lui être fait; mais le
sentinient de son importance reprenant bientôt le des-
sus; « Au fait, dit-il en se rengorgeant, Merruault,
sur mon ordre, avait dit quelques mots agréables du
général dans un des derniers numéros du Constitu-
tionnel, ce n'est que justice que le général m'en ait
témoigné sa gratitude.
Pendant vingt-quatre heures, M. Véron parla fort
doucement du général Cavaignac.
Un journal légitimiste assurait que Louis-Napo-
léon devait donner son bal le lô, mais qu'il avait jugé
à propos de le retarder, parce que le 13 février est
l'anniversaire de la mort du duc de Berry.
— Nous ne comprenons pas que les véritables ca-
tholiques puissent désirer que le pape soit rétabli dans
son pouvoir temporel à Home. Le souverain temporel
fera toujours tort au chef spirituel de l'Église. Séparer
ces deux éléments contradictoires, était un véritable
bénéfice pour la religion catholique et pour la papauté.
La politique française se fourvoyé donc dans cette cir-
C(mstance et se sépare, sur ce point, il est bon de le
dire, de la politique suivie par le gouvernement du
général Cavaignac.
— Au dernier concert du Conservatoire, un des plus
beaux et des plus complets de la saison, après l'exécu-
tion d'un passage admirable de la Vestale, l'auteur de
cette magnifique musique, M. Spontini, présent dans
la salle, a été l'ohjet d'une véritable ovation.
L'ex-loge des princes est toujours vide ; est-ce qu'on
ne peut donc pas aller à cheval au Conservatoire?
— On ne devrait plus dire : jaloux comme un tigre,
mais jaloux comme un vieux général. M. Lebreton ne
peut pas pardonner au général Lamoriciôre d'être plus
jeune que lui, et cependant plus avancé dans sa car-
rière ; le général Changarnier ne pardonne jias au gé-
néral Cavaignac, qui a servi sous lui en Afrique, de s'ê-
tre trouvé, depuis la Révolution, en situation de lui
donner le commandement de lagarde nationale de Paris.
— Un brave homme, électeur de M. Thiers, se pré-
sente naïvement à lui. « Monsieur, lui dit-il, je vou-
drais avoir de vous la promesse que vous m'appuie-
rez quand la législative sera réunie pour une pétition
que j'auiai à lui adresser aux termes de la Consti-
tution. »
M. Thiers n'avait jamais vu son interlocuteur. Avec
son tact ordinaire, il lui répond cependant : « La
Constitution, la Constitution, c'est un chiffon de pa-
pier. Ne me parlez de rien au nom de la Constitution.»
Que M. Thiers veuille bien se rappeler ces paroles
le jour où il lui arrivera, ce qui ne peut manquer,
de s'appuyer sur cette Constitution et de s'abriter
derrière ce chiffon de papier, la seule garantie que
le pays ait contre des gens de sa sorte, et que des gens
de sa sorte puissent en revanche invoquer un jour de-
vant le pays lui-même.
1 "" ""
- - . -
'21 FKVRIRR.
L'ii an (U'j 1 nous scpare de 1 erc
Dès qu'ils n'ont plus «cnli trembler la terre, i
Qui sur le trdnc assit l'Égalité.
Ciu'il» n'oot plus vu les laves ondoyer.
Tous, exaltant la vertu popula-re.
II» ont rampé jusqu'au bord du cratère.
Criaient alors : • V bas la royauté ! i>
Comme ils sont loin, les jours de Février !
Dans notre ciel, de la démocratie
Les rayons purs conrimeDçaient à briller.
Lei champions des gothiques idées |
Bient't, hélas 1 l'aube Tut obscurcie:
Pour les vieux rois tr ivailknt sourdement.
Comme ilssontloin, les jours deFérrirr!
Des Uberiét, par Kurs coupi lézardées.
Le vain rempa't s'écroule à lojt moment
• Gloire! disait la foule frémissante.
Maître Barrot, fougueux retardataire.
Les préjugéi n'ont plusde lendemain;
S'accroche au char et cherche à l'enrayer; 1
Dupeujlc-roi laman toute-puissante
Vers le passé m-irche le minis'èrc : 1
Aux nations ouvre un lar^c cbemio.
Comme ils sont loin, les jours de Fév-ierl ;
Dans la mans^arde éveillant l'espérance.
Séchons enfin Us pl-urs de l'ouvrier:
On voudrait bien effacer tout vestige
Par un décret supprimons la soufFrance. •
De ce comhal fatal aux rois pervers;
Comme Us sont loin, les jours de Février I
Mais, comme un arbre à l'immortelle tige,
L^l Républiq-Je cend ses rameaux verts.
Quand du volcan étïnce'aîent les flamme^j
Rappelons-nous avec reconnaissance
Où fuyaient-ils, les Tbiers et le- Vérons!
Nos frères morts, que l'on semble oublier;
Quelle terreur avait glacé les âmes
Et des partis méprisant l'impuissance,
Des courtisans, jadis si fanfarons!
Fêtons, amis, les jours de Février.
E. B.
SOUVENIRS E
>E FÉVRIER.
AIR : TeR 1
«uvi,ns-,u,
Ami, c'est moi, ton compagnon de gloirs.
Paris, le soir, éclatant de lumière.
En Février noosncus rimes jadis;
Fêtait sa gloire et son peuple vainqueur ;
Te souTiens-tu de ce jour de victoire
Foyer brû ant dont la France était fière !
Que nous fêtions ensemble dans Paris !
Sbn sem a'orsfaatuit tout d'un ?eil cœur.
Chacun alors chantait nntre 1 uange.
Et tout Français, heureux par la victoire,
Chacun alors chantait notre vertu ;
S*U fut Irnp loin pour avoir combattJ,
La royauté trébuchait dans la fange.
Fier de son nom, prenait sa part de gloire ;
De Février, ami, te souviens-luî
De Février, ami, te souviens-tu !
Te souviens-tu de ces chants héroïques
Un jour, am', de no'.re République
Que dans Paris nous répétions en chœurs!
L'astre radieux semble s'être voilé ; i
Par ses vieux a rs, la vieille République
C'est que d'un nom le prestige magique j
Pour la nouvelle échauffait tous les cœurs.
Pour un in-ta't a le peuple aveuglé; '
Le peup'e alors, sous son pis énergique
Mais l'ombre cesse et le peup'e regarJe
Foulant le trône à ses pied- abattu.
Où le conduit un sentier trop battu....
D'un mâle accent criait ■ la République !
— Toi qu'il a mis à sa tête prends garde !
De Février, ami, te souviens-tu t
D; Février, ami, te souviens tu! ,
Fraternité, mot oubl é du monde,
S-, de nos droits les gardiens infidèles 1
Ton nom sortait de tous nos cœurs joyeux.
Laissaient violer ce dépôt précie:ix.
La Liberté, l'Égalilé féconde
Élus du peuple, à son poivoir rebetl-s,
A les côtés rayonnaient dans nos cieux.
S'iU gouvernaient non pour lui, mais pour eux;
11 n'était plus ni douleurs, ni misères.
Sur les débris de no'^re République
Et le p'us pauvre était le mieux venu :
S'ils élevaient un pouvoir ab oïu.
Un peuple libre est un peuple de frères 1
Nous crierions tous à ce peup'e hérol-ine :
De Février, ami, te souviens-tu î
D^ Fé/rier, peuple, te souviens lu *
V n
^B
Coslunie monacal, œil vitreux, Uiiil lilafaici.
Sourire liéal peint sur un masque de plaire,
Du pair MoniaUmbcrt tel est raspecl cafard.
On dit qu'au fond il est d'humeur assez folàlre.
Il déteste Volt.iire, il liait quairevinyl-neuf,
El si jamais tu suis les conseils, noble France,
De ce (ils des croises sorti de Vœil-debœuf,
Tes jours ne seront pins (|ue des jours Je souffrance.
Dessiné par Fabritzics.
Gravé par Baulant.
nom. VAIII) ttV.H ITAI.IRNA.
30 eeiitliiit'iii la IKi'uIhoii.
m p. nicnp.i ip.ir, '.ri.
IM,\M:\'UH;.\,l,t.,.
A Hii
\M:
&M^^
âbM'
m\ BI Jw^/J^f
^
^
Œil
s de la SonsorJ|>lîon. — Lii Revue comioie fornifra un mAi;nirH(ne volume, snnd in-8, pulilic en 50 livraisons à ÔO ceiilinies,
le, iO cent. On sousi rit pour 10 livraisons. Pour les iléparlenients, envoyer un niiindit sur la poste à l'ordre du directeur de k
Ievie. — Pour tout ce qui concerne la rédactioa, écrire (franco) à M. LinEix, au bureau de la Revue, '2, boulevard des Italiens.
DUMIMXaA'X'. ÉDITEUR, RU£ KICH£I.I£Ç, 52. 1 T*" Liviainon.
4kTIS AVX JOVRIVACX DE PARIS ET DES DÉPiiRTEiYlEKTS.
Nous autorisons la reproduction des articles contenus dans la Ih'vue comique, à la condition :
■1" De citer la lievue en lui empruntant ses articles;
2° De limiter, par chaque semaine, la reproduction au tiers des matières contenues dans chaiine numéro.
AVIS
AirX SOUSCRIPTEURS DE I.A REVUE COMIQUE.
Pour répondre au tlésir exprimé pnr un graud nombre de souscripteurs, (pii liouvaient
fôclieux que, pour ne pas déeompléter la collection des dessins parus jusqu'à ce jour, ils pussent
être dans l'obligation de luire brocher ou relier les couvertures qui se reproduisent d'une fîiçon
unilbrnie toutes les seize pages, nous reporterons dans l'intérieur de la livraison le dessin que
nous donnions ordinairement sur le verso de nos couvertures. De celte façon, ce dessin ne se
trouvera plus perdu pour le volume comj)let, qui pourra être broché sans ce premier feuillet.
La pagination a été disposée pour que celle suppression puisse se faire sans inconvénient.
Toutefois, pour que celte nouvelle disposition n'enlève pas au volume complet les dix
grandes gravures publiées jusqu'à ce jour sur le verso des couvertures, nous donnerons, avec
la dernière livraison, ces dix gravures en supplément.
Le dernier feuillet de la couverture, formant la dernière el l'avanl-dernière pages de chaque
livraison, devra être relié avec l'ouvrage complet dont il ne peut être détaché sans intervertir
l'ordre de la pagination.
SOMMAIP.i: [)E LA DIXSEPTIÈML LIVRAISON.
TEXTE
Leroux.
La Semaine. — Confession dn Conslitntionnel. — M. Morlier et M. DanJré. — Les Prûcaulions de M. Pierre Le
Saint Falloux. — Comme quoi le Président de la République est une Mine de Calil'ojjile. — Quelques Mots ;i propos du
dernier Livre de M. de Lamartine : Raphaël. — Choses quelconques.
DIFFERENTS POINTS DÉ VUE SOUS LESQUELS 0>- VOIT M. P. J. PROODHON.
Au point de vue des gens qui ont quelque chose — Des gens qui n'ont rien. — Du premitt passant venu. — Des vaulevillisles et autres fanlaisi^tes.
— D'un antagoniste. — Des acrob.-îtes. — De bien des gens. — Dj la portière, 70, rue Maxariae.
Série de Luit dessins par Bebtall, gravés pur MM. Jaliot, Baulant, Midderigli et Leblanc.
LA VIE PUBLIQUE ET PRIVEE DE .«OSSIEU REAC.
Inlrnihiclion. — Comme quoi mossieu Réao a toujours er-s'é. — Chap'irc fr. - Naisfanee e! pw^rililés
Feuilleton au trayon par Nadaru, gravé par Baulanl, Jaliol, f)iolol el Gaufliard.
Ce premier numéro contient vinçt-quatre gravures. — La suite paraitra dans les procliains numéros.
Dessiiulciiri. Graveurs.
Ta. de r.'jouissancc B„l„l,_ ca.ilant.
Réveil de Pi,Trc Leroux -. „,,(„„, Midde.ijh.
Dnvergier de Huurannc , N.-dard. Baulant.
Avis. — Nous apprenons que des courtiers d'abonnement se sont pré.<eiitcs chez plusieurs représentants en
se disant envoyés par M. Lircux, el même en exhibant de prétendues lettres signées de lui.
Nous désavouons formellement, au nom de M. Lireux et au nom des administrateurs de notre publication,
l'indigne abus qui a été fait et qui pourrait être f:iit du nom de M. Lireiix.
liques i]c LicKAMPB M., et fomp.,
LA SEMAINE.
Nous avons célébré le premier anniversaire de la
révolution de Février d'une façon un peu triste, mais
enlin nous l'avons célébré. Pour bien des gens, cette cé-
lébration faisait question. MM. Odilon Barrot et Léon
Faucher se sont cependant décidés à prier pour la Ré-
publique. Sachons-leur gré de cette concession.
Les choses se sont, du reste, passées fort convena-
blement entre deux haies de troupes. On avait seule-
ment oublié d'inviter le corps diplomatique à la céré-
monie de la Madeleine. En tout, excepté en politique,
le ministère actuel pourrait s'appeler le minis/ère de
l'oubli. Il oublie d'inviter une partie du bureau de
l'Assemblée nationale au bal du président ; il oublie
de faire parvenir au corps diplomatique des lettres
d'invitation pour l'anniversaire du 24 février; l'autre
jour, le ministre de la guerre, M. Hhuillères, oublie
de se rendre à la séance de r.\ssemblée le jour oii l'on
discute l'admission des officiers aux fonctions repré-
sentatives. Du reste, cet excellent M. Barrot et ces bons
MM. de Falloux et Léon Faucher que n'ont-ils pas
oublié?
Les républicains de toutes les nuances ont fêté l'an-
niversaire du 24 février par des banquets. Aucune
manifestation publique n'a eu lieu. Les journaux or-
ganes des diverses fractions du parti démocratique
avaient engagé les bons citoyens à s'abstenir. On s'est
contenté de porter à la colonne de la Bastille des cou-
ronnes d'immortelles.
L'année dernière, à peu près à pareille époque, je
rencontrai sur le boulevard un journaliste de ma con-
naissance , pensionné de M. de Salvandy, chevalier de
la Légion d'honneur par la grâce de \\. Duchâtel, ami
des princes, cité pour la vivacité de son dévouement à
la dynastie d'Orléans.
« Il faut en convenir, me dit-il, je me suis trompé;
je reconnais franchement mon erreur.
— Laquelle?
— La Ilépublique était possible en France. Ce qui
se passe sous nos yeux le prouve parfaitement.
Je m'abusais également sur les républicains. Point
de représailles , la confiance et la modération par-
tout. Le peuple de Paris a été vraiment admira-
ble ; je me rallie décidément à des institutions qui
produisent de tels caractères. D'ailleurs, à quelle bran-
che nous raccrocher désormais? Il n'y a que la Répu-
blique qui puisse nous sauver. Je vais porter mon
adhésion à l'hôtel-de-ville. o
Je me trouvai samedi dernier face à face avec le
même individu.
« Où allez-vous, me donianda-t-il en m'abordant
sur le boulevard.
— A la cérémonie funèbre, lui réponJis-je, pour
les victimes de Février.
— Vous êtes donc incorrigible?
— Comment, incorrigible?
— Je veux dire républicain.
— Vous ne l'êtes donc plus?
— Moi, républicain! Est-ce que je l'ai jamais été?
Fi donc! La République n'est bonne qu'aux États-
Unis, elle ne saurait convenir à un grand pays comme
la France; voyez plutôt : partout la méliance, le dés-
ordre. Il n'y a qu'un retour à la monarchie qui puisse
nous sauver.
— Vous ne pensiez pas ainsi il y a un an.
— Voudriez-vous me faire passer pour un républi-
cain de la veille? moi le bouc émissaire de toutes les
iniquités ministérielles aux yeux de la presse de l'an-
cienne opposition. Vous auriez de la peine à réussir.
24G
nKvuK (:o.Mioui<:
Adieu, il faut que je vous quitte paur portor un :u'-
licle a» Coiistilutiotiucl. »
Le royaliste était reveuu à ses anciennes symjiatliies.
Quoi d'étonnant? il n'avait ])lus peur. Je suis sûr que
le 21 février M. Véron aurait exécuté, sans trop se
faire prier, un pas devant l'arbre de la liberté planté dans
la cour de l'Opéra. David dansait bien devant l'arciie.
11 faut rendre justice aux légitimistes : eux seuls ont
])ersévéré dans leur conviction et sont restés franciie-
ment républicains. On se rappelle que M. de Laroclie-
jacquelin, non content de déclarer qu'il consentirait
à être ambassadeur de la République, déclarait (ju'il
acceptait la déclaration des droits de l'homme de \\o-
bespierre. Ceci se jiassaitdans une réunion électorale,
car M. de Larocliejacquelin se portait candidat à la dé-
putation de Paris. Depuis cette é]ioque, le candidat
robespierriste a mis sans doute pas mal d'eau dans son
vin, mais il est toujours resté fidèle ainsi que son paiti
au gouvernement démocratique. Nous n'en vouions
jiour preuve que l'empressement avec lequel les légi-
timistes entourent la personne et ornent les fêtes du
président de la République.
Le faubourg Saint-Germain boudait Louis-Philippe,
qui cependant était un assez bon gentilhomme, et il se
])récipite dans les salons de M. Louis Bonaparte. On y
a vu paraître dernièrement la duchesse de Poix. 11
paraît quec'est tout à fait la liiie fleur de l'aristoci'atie,
et qu'en ne pouvait souhaiter pour la République une
adhésion plus éclatante.
11 y a des gens soupçonneux et défiants qui ne se
rendent pas bien compte de ces adhésions, et qui pré-
tendent qu'elles cachent une arriére-pensée. Soup-
çonner le parti légitimiste ! des gens si religieux, allons
donc !
« Qu'y a-t-il d'extraordinaire après tout, me disait
un membre du congrès de la rue Dupliot, dans la con-
duite des légitimistes à l'égard du président? N'est-il
pas bon gentilhomme? Son oncle, le marquis de Biio-
naparte...
— Est-ce que maintenant l'aristocratie se décide à
lui accorder ce titre?
— L le faut bien, puisqu'il est prouvé maintenant
([ue les Buona|)arle montaient dans les carrosses du
roi. C'est donc chez le neveu du marquis deBuonaparte
(juc nous allons. Quant au président de la République,, .
— Vous ne le connaissez pas.
— Nullement.
— Fort bien. J'approuve assez cette distinction.
Dansez donc chez M. le marquis de Buonajiarte, du
iiioineiit que la Réiiublique n'est pour rien dans vos
pastourelles et dans vos chasstz-croisez, le reste ne nous
regarde pas. »
lin attendant, pendant que les légitimistes s'amusent
chez le neveu du marquis de Buonaparte, on arbore
le drapeau b'aiic dans les villes du midi, les anciens
verdets tombent à main armée sur ks n'piililiciiins,
I ariiK-e do la foi s'organise sous le pseudonyme d'armée
de roiihc, on attaque soiirdeiiieiit le gouvernement
du présiileiit de la République, et la République elle-
même. Hélas! .M. Louis Bonaparte n'a pas l'air de
s'en doiiler. Ou, nul il a mis son uniforme et passé un'
régimenl en revue, il fuit {|u'il se repose. Le reste re-
garde M>L de Fallouxel Léon Kaiiclicr.
^ous devons coiislalcr, vu pailaiil du miiiislre de
l'inlérieiii-, (iii'il n'a desliliié (|iruiii' soixantaine de
fonctioiinaiii's nqnililicaiiis pendant la semaine qui
vient de s'ocoiiIlm-, 11) a aint^lioralinn.
Puis(|iKMU)us|iarl(iiis(le dc>lhiilinii, le pauvre Cham-
pagne l'a échappé belle. Vous allez nie dein.mder ce
ipie c'est que Champagne.
Champagne est le nom liUéiaire i|ni' l'on donne au
iIomesti(|ue du général Chaiigarnier. Champagne s'ap-
pelle tout siniplt'inonl Baplisie; mais le vainqueur du
■2!) janvier esl (lop l'onipad.jiir pour se servir de ce
prénom nilniicr.
Or, saiiidli dernier, (diligé d'aller à la cérénioiiie
fnnèhre, le général sonna.
« (Champagne !
— Meviiui, mon général.
— Mon unilurine!
— Il e.>l prêt sur cette chaise.
— I': SiL'-le moi. »
Cliain|)agne [iii'senle runil'orine. Le général le re-
garde.
(( Chanipa^iiL-?
— Ci'iiéral.
— Voii« êle? un niais. Vous me donnez mon uni-
forme de f;iaiiile leniie. Allez me chercher tout ce que
j'ai de plus petite tenue, inaroulfle ! Ce sera toujours
assez bon jimir des républicains. »
Baptiste, je veux dire Champagne, apporte la |ilus
\ieille capote de M. Cliangarnier.
<i .Maintenant, mon cheval.
— 11 esl prêt dans la cour.
— Voyons. ))
M. Cliangarnier s'approche de la fenêtre.
« Que vois-je? .Ma housse neiiw, Champagne?
— Général. .
— Vous n"a\ez pas pour drux liards d'esprit; failes
remplacer celle housse par celle dont je me sers quand
il [lient.
— J'ai cru, général, que comme c'étaitjourde fêle...
— Fêle pour (jui? 'l'aisez-vons, bélitre, où je vous
chasse ! »
Champagne s'e^t tn. Lu mot de plus, et sa destitu-
tion était certaine. Ce (jiie c'est que de confondre les
anniversaires, et de croire qu'un général républicain
devait asslsler en grande tenue à la céiéinonie du
"l't février.
La représentation de la comédie de AL Alfred de
Musset, IjiuIsoii, ,1 êli'; le véiitabli' l'véïiement litté-
raire de la semaine. Celles coiiu'die a toutes les qualités
Din-Khi-NTs poiMs D!-: vfi-: sors ïj:s(i| i*:i.s on \nir m. p. j. l'imi dhon.
Le sieur Proudhon comme l'envisagent les gens qui
quelque chose.
Le citoyen Proudhon tel quMI apparaît aux gers qui
Au point de rue du premier pnssoni vemt :
Un monsieur bien ((^riant qui s'est mis
des lunettts, afin de re point être pris pour un
Ait point de vue d'un anlngonisle :
Proudhon
considéré comme Considérant
le cocsidère.
Au point de vue des vaudevillistes
et autres Jantaisistes :
L'n citoyen charmant, qui offre une excellente
mine a exploiter.
Au point de vue de bien
des gens :
Uq homme de beaucoup de
talent, qui a
înfîLimeDl dVsprît.
Au point de rue des acrohntes :
Un gaillard très-adroit, qui a compris que,
pour être remarqué,
il ne faut pas agir et penser comme les autres.
PAR EERTaLT..
Au point de vue de la porz-^r*. 70, me Mazarxne :
Un excellent Incataire, payant exactement son terme
donnant 10 fr. d*étrennes, n'ayant ni chi-n ni chat, et \
du tout fier avec le moade.
2i8
HEYUE COMIQUE
de slvle qui distinguoiit son auloiii- ; mais ello manque
de doveloppemenls scéniqnes, et sa donnôe n'est point
suflisaniment logique. M. de Musset s'est trompé, mais
il faut mieux se tromper comme M. de Musset que
comme AI. Mazères. Mais nous avons une nouvelle bien
plus intéressante à vous annoncer, une nouvelle qui
fera plus pour la comédie que MM. Empis et Mazèics
réunis. Le parterre reparait, le parterre qui avait
donné sa démission depuis si longtemps, le parterre
ilu Tliéàtrc-Français a demandé la Marseillaise, le
parterre du Gymnase sillle les pièces réactionnaires du
citoyen Clairville ; l'esprit public renaît , soyez sûrs que
la Comédie renaîtra avec lui. Nous ne vous parlerons
pas de \' Habit vert, de MM. Alfred de Musset et Emile
Augier ; on aurait pu défier cliacun de ces deux char-
mants écrivains de faire séparément celte balourdise.
S'ils ne s'étaient cotisés, ils auraient, à coup sûr, été
l'un et l'autre incapables d'éci'ire une pareille pauvreté.
CON FESSI ON DU CO.\S TI Tl TIO.XNEL.
M. DE GENOLDE. — Mcls-loi à gcnoux, vicux péclicur.
LE CONSTITUTIONNEL. M'y Voilà.
— Tu veux donc à ton tour défendre le trône et
l'autel?
— C'est mon plus ardent désir.
— Pourquoi?
— Je me suis laissé dire que le trône et l'autel
avaient des chances.
— Fort bien. Confesse tes fautes, vieux pécheur.
— J'ai longtemps suivi les sentiers de riui(iuilé.
— Après?
— J'ai été libéral sous la Restauration, j'ai préconisé
le Voltaire-Touquet; j'ai même fait semblant d'être
républicain après Février.
— Moi aussi ; il n'y a pas de mal à cela. Après ?
— J'ai méconnu les services rendus par les jésuites
à la civilisation.
— Fichtre ! ceci est plus grave. Continue, pécheur.
— J'ai attribué aux jésuites l'apparition du grand
serpent de mer.
— Philosophe, va! Ensuite?
— Sachant que les jésuites étaient vénérés des po-
pulations pour avoir importé le dindon en Europe, j'ai
inventé la pâte lîegnault afin de leur faire concurrence.
— Ce fut un tour abominable, mais ce n'est pas
tout.
— .Non, ce n'est pas tout; car, voyant que la pâte
Ueguault réussissait moins que le dindon, j'osai, |)our
me venger, publier le Juif-Errant, d'Eugène Sue.
— Polissonnerie insigne! Continue, esprit fort!
— J'ai écrit beaucoup d'articles sur l'intolérance du
clergé et les refus de sépulture; j'ai même demandé
que tous les curés fussent tenus de jouer du violon
eux-mêmes pour faire danser les villageois le diman-
che, sous les arbres de la grande place.
— Ces fautes sont grandes, mais jusqu'ici la poli-
lA VIE flIBIiIÇUE ET FIIIVÉE SE MOSSIEU REAC<
Introduction. — Comme quoi mossieu Réac a toujours existé.
C'est en eiïet mossieu H'iar i\n\ lit consommer par un vaulour PtoméUlée
pbur avoir volé te feu du ciel et voulu le donner aux homoieâ.
C'est lui qui se moquait de Noé, l'inventeur du vin
A l.'liSA(.K DliS GKNS Sl.ltll I \.
249
tii|ii(' piiiiil ) rli'i' i'li'aii;;i'ii'. Voyons un pcn l'i'lat ili'
ta cdMSfiL'ni'L' on iioliliqnc.
— J'ai ()S(" l(uiini'r en liilicnln l'iMifant dn niiiiulc!.
— V('nli('-saint-{;i'is! Apiès?
-■■ ('.'c>{ moi, ([uanJ j'i'tais au pouvoir dans la per-
sonne du petit Tliieis, qui ai fait anèter la duchesse
(le Dei'i'y et (jui ai essayé de la déshonorer.
— Ceci ne sort pas des moyens peiinis dan^ la |)0-
liliqne honnête, et nous en ferons bien d'antres, s'il
piait à Dieu. Allons, pécheur, courbe ton l'iont dans
la poussière et récite ton iitcâ culpû. Sais-tu senletucnt
réciter ton meù culpù, im|>ie que lu es?
— J'ai servi la messe dans mon jeune temps.
— Nous irons ensemble à la prochaine proces-
sion. Maintenant relève-loi, frère, je te pardonne. Tu
jiiics lie ne plus irhjnilici' dans les erreurs passées?
— - J allendiai i\\n' la l'iépolilique soit par terre.
-- (l'est tout ce «iiTil faut. Jn-que-là nous signons
un traité d'alliance'.'
— Je le signe à deux inaiii^.
— rrnnclienient, .sincèrenjcnt, sans aucune arrière-
pensée?
— I.c jour n'est pas plus pur que le fond de mon
cœur.
— .\lors, embrassons-nous, (//.s s'embrassent.)
— Ah! fichtre! Tu m'as monln, tiaitre!
— Et toi, tu m'as em|)orté la moitié du nez, lîazile!
N'importe, embras.sons-nous derechef, et montrons-
nous ensemble à la foule étonnée.
[Ils paraissent au balcon , en se tenant par le bras.)
M. MORTIKR ET M DANDRÉ.
iM. Mortier vient de gagner son procès. La liberté
lui est rendue. M. Dandré se fût arraché les cheveux,
si son coiffeur ne le lui eùtdéfendu, quand cette funeste
nouvelle lui est parvenue. On assure que le chef du
cabinet de M. Dronyn de l^'Huys, que la déposition de
M. Mortier a failli rendre célèbre avait vécu sur l'es-
pérance que la condamnation de son ancien patron
infirmerait ce que sa trop piquantedéposition avait de
fcàcbeux pour son caractère ; et en effet, si M. Mortier
n'est pas fou, qu'est donc M. Dandré?
M. Dandré désespéré, va, dit-on, intenter un procès
en diffamation à M. le comte Mortier, à cette fin de
prouver: i" qu'il sait l'orthographe; 2° qn'il n'est
pas aussi expert que l'ex-ambassadeur le prétend,
dans l'art de mettre sa cravate ; ô<> qu'il y a des com-
missionnaires qui font mieux les courses que Ini ; 4" en-
fin qu'il est plein d'esprit, quoi qu'on en dise.
On prétend que, depuis cette malencontreuse dé[)o-
sition, M. Dandré a été accablé de lettres de félicita-
tions de tout le corps diplomatique. «Vous nous ap-
prendrez à mettre notre cravate, disait l'un. — Combien
faut-il de temps pour aller de la Bastille à la Made-
leine, montre en main, disait l'autre; je voudrais en-
treprendre ce voyage. — Comment s'écrit omelette?
I>A VIE FUBIiIQirS XT PRIVEE SE MOSSIEU BÉAC.
ISTRODf CTION. — Comme quoi mossieu Jicac a toujours eiislc.
N'est-ce point encore mcsi^ieu Réac qui,
délivré d'esclavage par Moïsg, regrettait
amèremeat les ognons d'Egypte!
Et Htti donnait la ciguë à Socrate!
Et qui exilait Aristide!
250
REVUE COMIQUE
demandait un troisième; y met-on un /(, comme dans
Astrakan? »
Une pétition aurait été adressée en oiilro à son ex-
cellence le ministre des affaires étrangères par le corps des
courriers du cabinet. « Monsieur ie ministre, disaient
ces messieurs, on assure que vous n'avez nommé
iM. Dandré chef de votre cabinet que pour lui créer
un précédent, et que votre intention secrète est d'en
faire un courrier. ISous nous faisons fort, monsieur le
ministre, de prouver à votre excellence qu'on a surpris
sa religion, et que M. le comte Mortier a llalté M. Dan-
dré, quand il a parlé de ses aptitudes comme coureur.
M. Dandré ne dépasse aucun de nous à la course ;
mettez-nous aux prises avec cet indigne rival ; que le
Champ de Mars nous soit ouvert, et que celui de nous
qui sera dislancé par lui, ne fût-ce que d'une demi-
tète , perde à l'instant sa place et votre estime. »
Si la course a lieu, nous en donnerons le résultat.
LES in\F:C.\UÏIONS DE M. PIEP.RE I.EUOIX.
L'amendement de 5L Pierre Leroux a porté ses fruits.
On a vu l'Amour illégitime s'enfuir chassé parl'Hymen
qui lui lisait le nouvel article de la loi électorale sur
les incompatibilités de l'adultère avec les fonctions de
député. L'Amour en pleurs s'essuyait les yeux avec ses
ailes, et l'Hymen, renonçant à la tunique classique, avait
adopté, pou^la circonstance, une robe d'huissier. Ceci
va amener une révolution dans le costume mytholo-
gique.
« Ou ne peut pascotn-ir deux lièvres à la fois, on ne
sert pas deux maîtres, disait l'Hymen à l'Amour. Tu n'as
pas trop de tes journées tout entières pour faire les yeux
doux à la maîtresse, pour guetter son passage, pour
faire le pied de grue sous ses fenêtres, pour lui envoyer
des bouquets, ou pour l'accompagner à la promenade.
Où prendrais-tu ensuite le temps d'aller à la Chambre,
d'étudier les questions, de monter à la tribune? Les soins
politiques te feraient négliger tes devoirs amoureux,
ou bien c'est ta maîtresse qui ferait du tort à la patrie ;
d'un côté ou del'aulie, lu négligerais tes rendez-vous.
.Allons, va-t-en; je t'en fais sommation, parlant à ta
personne.
— Mais, non, répondait l'Amour, il y a temps pour
lout; voyez plutôt ce qui est arrivé à M. X. Sa femme a
un amant qui est encore plus occupé que le mari.
— Soit ; mais l'incompatibilité n'en existe pas moins ;
on a vu des orateurs-amants mêler leurs idées à la tri-
bune et réciler des madrigaux en présence d'un audi-
toire chauve, tandis que d'autres prononçaient à leur
maîtresse un discours sur la question slave. D'ailleurs,
le principe cr-l admis, l'amendement est adoplé. ainsi
éloigne-toi. Au surplus, si l'Amour a des ailes, n'est-ce
pas pour voUiger? »
H est certain que si l'adoption de cet amendement
a contrisié des cœtirs sincèrement épris, d'autres y ont
trouvé un prétexte pour revenir à la vertu et ahan-
IiA VIE PUBIiIQUE ET FB.IVÉE DE MOSSIEU KEAC.
Introduction. — Comme quoi mossiVi; Ninc n iMijmrs exis/é.
Cj'ii ri(!:.;:lai! 1rs Tarquirs
Taniaii la continence de Sex
poqstaiile peiipli: à les rappeler.
Qui refusait des vaisseaux à Christophe Colomb.
Et se déguisait en mate'ot pour
faite révolter son équipage.
A i;us\r.K nr.s gkns sérieux.
donner les sentiers du vice i|iii ((iiiiinciiciii'iit à Ilmii'
piirailre monoloiies.
On cite une femnii' liliii ((ininit' ilaiis la sniii'li'; pa-
risieniuM]ni a dit à hiui niniinl : u Mon ami, il faut nous
séparer; j'en mourrai, mais il le faut. Je ne ■.'eux (las
iMre un ohslicle à voire fortune |)olili<]iie, je ne veux
pas vous fermer l'enliée de la Cliauilire. .Mun ecnin* se
dérliiro, et il ne fallait pas moins que l'anuMulemenl de
Pierre lirons pour me déterminer à cette cruelle sé-
paration.
— Si votre cœur se décliire, a n'pomlu i'ainaiil, le
mien se brise; mais je me dois avant tout à ma pairie,
et ce qne vons venez de me dire, j'y songieais depuis
quelques jours, liésiiant et ne sachant trop comment
l'exprimer. Adieu donc, et failes des vœux pour celui
qui n'aura plus d'autre consolation que de penser que
votre cœur a compris le sien, n
Il s'en faut néanmoins que partout on se soit aussi
bien accommodé de l'amendement de M. Pierre Le-
roux, a Qui fra|)pe par l'amendement périra par l'a-
niendenient, » dit l'Kvangile; cette menace pourrait
bien s'accomplir si le cclèlire socialiste ne se met pas
en garde contre les séductions vengeresses de certaines
femmes au désespoir.
La beauté veille, ce n'est pas pour M. Pierre Leroux
le moment de dormir. Qui tirera vengeance du terri-
ble amendement? Quelle femme assez séduisante on
assez habile fermera les portes de l'Assemblée natio-
nale à l'homme dont la faroMclie vertu a fait l'erniei-
les portes de tant de boudoirs?
Il Oonnneinons par Irriuer la mienne! a dit d'abord
W. Pierre Leroux ; puis nous verrons. Portier, je vous
défends de laisser monter chez moi les femmes an-
dcssous de cinquante ans, et encore! Ninon a fait
Inurner des tintes à quatre-vingts ans. .Mademoiselle
Margot, inabonne, vous n'avez (|iie qnarantc-cinq ans,
je vous chasse; mais comme je n'ai en qu'à me louer
de votre service, je vons re|)rendrai qLiand vous aurez
cent ans passés. Quelle rediugnre mellrai-je? Celle
que je porte depuis 1 82K, lorsijue je rédigeais le Globe,
est d'une coupe trop gracieuse et d'un drap encore
trop frais. De bleue, elle est devenue verte ; j'attendrai,
pour la porter encore, qu'elle soit devenue jaune. J'é-
piouve le besoin d'être hideux, afin que si une femme
ne recule pas devant l'idée de m'enlever, elle n'ose du
iiiiiins me saisir qu'avec des pincettes.
« .Mes cheveux, qui, à ce qu'on raconte, reçurent
les soins d'un coiffeur, un soir de gala, vers 1817 ou
1818, ne perdront rien à être recouverts de quelques
toiles d'araignée; j'en mettrai aussi sur mon chapeau,
et j'aurai soin, avant de m'en coiffer, de le faire écra-
ser par une roue de cabriolet, alin qu'il achève de per-
dre cette apparence de forme qui le classe encore
parmi les objets de son espèce.
« Quant à ma chaussure, je vois bien que je vais
èire contraint de renoncer à mes souliers lacés ; il y a
des moments où, lorsque j'ai rencontré sur le boule-
vard un décrotteur socialiste qui m'a ciré de force, on
prL^ndrait de loin mes souliers pour une chaussure
vernie. Heureusement j'ai découvert dans un coin du
Il A VI£ F0BZ.I9DE ET PRIVÉE DE MOSSIEU RÉAC.
Introduction. — Comme quoi mossieu Réac a toujovrs existé.
Qui, sous le pseudaayme d'U.nac le Calife
mettait le feu a U bibliothèque d'Alexandrie.
2b2
REVUE COMIQUE
grenier une vieille paire de bulles de postillon, rongées
par les rats, qui iront à mon pied. Maintenant, si je
me pose quelques verrues sur le visage, une loupe
entre les deux yeux et un faux nez, j'échapperai peut-
être aux séductions qui me menacent. »
C'est en cet état que M. Pierre Leroux s'est rendu
hier à la Chambre. Une femme ayant retouinc la tète
pour le regarder en roule, il est allé immédiatement
faire sa déclaration cliez le commissawc du quartier.
SAINT FALI.OUX.
On ne sait pas assez quel saint homme nous avons
dans la personne de M. de Kallouv. Voulez-vous jouir
des douceurs infinies de l'édification, voulez-vous être
attendri, touché, ému jusqu'aux larmes, allez au
Bourg-d'Ivré avec M. de Kalloux, que l'on canonisera
bientôt, s'il faut en croire l'union.
Qu'est-ce que le Bourg-d'Ivré, où prenez-vous le
Bourg-d'Ivi'é? L'Union, qui est le journal officiel des
marquis de Carabas, nous apprend (jue c'est au Bourg-
d'Ivré que sont situés les domaines do la famille de Fal-
joux. Dans ces lieux, où se sont perpétuées les saines
traditions féodales, il y a naturellement beaucoup de
pauvres; mais on s'en console en songeant que ces pau-
vres sont invités à dîner tous les ans, le mardi gras,
et qu'ils sont servis à table par un membre de la famille
Falloux.
Les autres jours de l'année, il est très-probable que
ce sont les Falloux qui sont à table et les pauvres qui
servent.
Cette année, c'est notre jeune ministre de l'instruc-
tion publi(]ue qui a servi les pauvres. Dire de combien
de bénédictions a été entouré M.Alfred, ajoute /'6>iîon,
ce serait impossible. M. Alfred, c'est le petit nom de
M. de Falloux. Au Hourg-d'lvré, on ne connail que
M. .\lfred, on ne jure que par le petit M. Alfred, et il
n'y a pas dans tout le canton un pauvre diable qui re-
fusât de tourner la broche pour M. .\ll'red, en atten-
dant qu'il soit canonisé.
Quant aux pauvres diables, ce n'est jamais eux que
l'on canonise, et quoiqii'ils tournent la broche trois
cent soixante-cinq jours de l'année, ce n'est pas eux
non plus qui mangent le rôti, excepté le mardi gras,
lorsque M. Alfred, comme Leclèro, des Variétés, dans
son rôle de ministre de la reine d'Yvetot, noue autour
de ses reins un tablier de cuisine, enfonce un bonnet de
coton sur ses oreilles et rédige une omelette au lard,
avec son portefeuille sons le bras.
C'est assez pour que r Union se déclare édifiée. Les
journaux légitimistes ont la fibre sensible et versent
des larmes d'attendrissement à propos des soupes phi-
lanthropiques des marquis deCarabas.Quant aux sirhpies
bourgeois, aux républicains, il est bien entendu que,
loin de secourir les pauvres, ils cherchent, au con-
traire, à affamer la population. Cependant, qu'un Cara-
I,A TI£ PUBI.IQI!E ET PBIVEE DI: MOSSISU REAC.
Introduction. — Comme quoi mossieu Hèac a toujours existé.
RI
1
Qui, traquant les Albigeois, s
I Tatz tout , Dieu reconnaîtra
Et qui cndn ji-la t a'
de Bicêtre Salomon
l'inventeur de la vapeur.
A L'USAGE DRS GENS SERIEUX.
253
lias (|(ifl( iiiii|ii(' r,i>sc (lislril)iier un lioissoaii de pommes
(le luire sur ses doni.iiues, les feuilles iégilituistes ot
tliivoles se prosiernent el enlomuiit iincaiitii|ue de joie.
0 (larabus I ù suint lioniiue ! ô siiinles poiiiiues de
lerre ! ô saiut boisseau ! un boisseau tout iieul", et des
poiunies de terre qui étaient presipie des triiiïes ! Et
avec (|uelle f;iiice M. le iiiai(piis plongeait iui-inènie le
bras dans le iHiis>('au, et en retirait les pommes de
terre une à une, donnant celle-ci à Jean , celle-là à
MalhieLi, l'anlre à Lucas ou à (Inilhuiine ! Les séra-
pliins du haut dn ciel, ayant accordé leurs harpes, ac-
compagnaient ce tableau des sons d'une musique cé-
leste ; les auges souriaient à ce spectacle, ne sachant
ce qu'ils devaient le plus admirer, des pauvres, des
pommes de lerre, du boisseau ou du marquis de Ca-
rabas !
Les feuilles légilimisles parlent do là pour exalter
les avantages et le bonheur de la pauvreté ; elles en font
presque une profession à laquelle on ne saurait s'a-
donner avec trop d'ardeur, la seule d'ailleurs qui
n'exige ni éludes préparatoires, ni certilicals de capa-
cité, ni diplôme, ni conditions d'âge, la seule eiiliu
qui soit à la portée de toul le monde.
Elles citent des exemples de rois qui ont demandé
l'aumône par Ininiilité chrétienne, de reines (jui lavent
les pieds aux mendiants, de ministres, comme .^^. Al-
fred, qui les servent à table.
Pauvres, nos amis, disent les feuilles légiiimisles,
c'est vous qui connaissez la vraie gloire. Restez pau-
vres, restez gueux, restez mendiants. Qu'est-ce que la
richesse? Un lourd fardeau qui occable ces infortunés
maripiis de Oarabas. Ah ! s'ils pouvaient s'en débarras-
ser, s'il leur élait permis de porter comme vous le b;l-
ton et la besace ! nuiis la Providence ne l'a pas voulu :
la Providence a exigé qu'ils fussent riches, afin de dis-
tribuer aux panvresdiables qui n'ciiit lien, des pommes
déterre presque aussi belles ipie di's triilfes, dans des
boisseaux tout neufs. Par la même raison, la Provi-
dence a exigé qu'il y eût des gueux pour recevoir ces
pommes de terre et admirer ces boisseaux. Car s'il n'y
avait pas de pauvres, à quoi serviraient les marquis de
Carabas?
(i'est encore pour cela que la Providence a voulu
que les mar(]uis de (larabas se partageassent un mil-
liard d'indemnité payé par le peuple, milliard que les
Carahas ont reçu en pleurant, en se lamentant, en sup-
pliant le ciel de détourner d'eux ce calice, mais le ciel
leur a répondu : « J'enlcnds que Tua volonté soit
faite ! » Et il a fillii que celle -volonté se fît; par là
le ciel, en augmentant le nombre des bienheureux ap-
pelés à crever de faim, a montré ses préférences pour
cette classe de la société.
0 vous donc, qui avez la gldire de ne posséder rien,
soyez-en fiers! Nous vous laverons les pieds, nous
vous servirons à table de loin en loin,, nous chanterons
vos louanges pourvu que vous consentiez à toujours
rester pauvres; enfin nous nous engageons à vous faire
manger des faisans dans l'autre monde pourvu que
vous ayez toujours la patience de tourner la broche
dans celui-ci.
X.A VIE PUBLIQUE ET PRIVEE DE BIOSSIEU B.EAC.
Chapitre l*^*". — Hcac en/mit. — Naissance et puérilités.
Mossieu Kédc vint <iu UiOuuc eu i«u
rayant porté onze mois.
Pour début, il mcrd fa nourrice
la gro'isesse une envi
(fl c avait envie de loul),
le jeune Eéac, sur ce prétexte, prend tous
les joujoux de ses camarade'. .
Soi
RKVUE COMIQUE
COMMK QVOl l.E PRESIDENT DE I. \ HÉITRIIOIE EST INE MINE DE CAIIEORNIE.
Di'ciiiément les fonds haussent, et la linancc est dans
la jubilation. Vous croyez peut-être que cela tient à ce
que la République se consolide, inspire de la confiance,
entre dans nos habitudes, et en, délinilive, n'est pas,
comme disent les bonnes gens, aussi nuire ou anssi
rouge qu'elle paraissait. Erreur! tous les piliers de la
Bourse vous diront sans (lalleric que cela tient à la
visite que le président a faile au temple de IMutus.
Il a désensorcelé le 5! Heureux président! devant lui
la prime et le report s'é|)anouiFfent, les Heurs de la rue
Yivienne s'inclinent, les loups cerviers s'appiivoisent,
les piles d'écus deviennent souples et llexibles. Aussi,
pourquoi dorénavant nous inquiéter de l'embarras de
nos finances'? Avec une visite de Louis-Bonapaile à la
Bourse, le cœur descapilali^tes s'aniolliia, les L-mprunls
se rempliront, l'aigent coulera à Ilots dans le Trésor;
la C.ilifornie n'a pas de mine qui puisse rivaliser avec
celle du Président; tout ce qu'il touche devient or.
Qu'on nous jiarle maintenant du don (]u'avaient nos rois
de guérir certaines maladies! Notre premier magistrat
fait bien d'autres miracles; seulement nous le prierons
Irès-humblemcnt de ne pas oublier qu'à la nouvelle
de la bataille de Waterloo, la Bourse, ce thermomètre
de l'opinion publique, cette pierre de touche du pa-
triotisme, a fait monter le 5 de 10 IV.
P. S. Di'puis la visite du Pi-ésidenl, les actions de
Strasbourg et de Roclogne sont irès-rccherchées; elles
ont subi une hausse considérable. N'est-ce pas flatteur
pour le président.
QUELQUES MOTS A PROPOS DU DERNIER LIVRE DE M. DE LAMARTINE ■. ItÀl'H.lKL.
Nous dirons IVaiicliemeiit pourquoi nous n'avons puinl en-
core parlé (le cette œuvre nouvelle de M. de Lamartine. Nous
redoutions ce livre pour son auteur. Parler de soi csl tou-
jours un écueil ; parler de soi i|uanJ ou a la |icrsonua!ilé de
M. de Lamarline, ce pouvait être plus qu'un écueil, ce pou-
vait cire un véritable naufrage. Ce n'clait pas pour le lalenl
de l'écrivain que nous avions peur, mais pour son caractère.
Le litre même de ce livre, [laphaêl, nom amhilieuv, d'au-
lanl plus anibitiLMix que l'auteur, en l'expliquaul, ajoule en-
core, au lieu (le Pattéimer, à ce qu'il a de présomptueux par
lui-même, ce nom nous avait prévenu défavorablement. Trou-
ver le génie en défaut, perdre du respect et de l'admiration
Qu'on a pour lui, c'est un péril devant lequel nous reculerons
toujours. Si donc, après avoir enlin ouvert Raphofl, nous eu
parlons aujourd'hui, c'est parce que nous avons à réparer les
torts de nos pr('^jugés contre lui.
IiA VIE FUBUÇUE ET PHIVÉE DE MOSSIEU ILEAC.
ChapiT'ie I*^. — Rêne en/nnt. — Naissance et puérililéf.
Gourmand
sel passions t:
ins que Tolfiir,
vent parfois leur châtiincnt
elles-n
Commepremiére éducation
les croqi
rignemcnts les plus complets sur
luemiiaines passés, pri^sents et à
donne les
tous
Ses éludes historiques se bornent
à apprendre qu^- l'inquisition éiait une institution
philanlh opique et modn
A i.i sAi.i iii;> (.i;ns stuiKux.
235
l)isiiiis-K. 1(1111 ml : iivcc Ions SCS «léfttuls, ovrc son action
pour iiiiisi .lir.' iiij|i(isMl)|,., nvcc son caraclèies ind(.-liiii<i pliilnt
encore c|iu mil déliiiis, Hafilmfl n'en csl pns iiiuiiis iiix' iin\rc
imiiéiiss.ilili'.
Si des leinp- phis ralincs avaient vu iiailre ce livre, son
succès eût été iininense ; ce .«.ucccs , le temps le (;raii<lirn
tous les jours, il lui r, ndia ce rpie Idccision a pu lui ùl.r de
soiidaiiitte.
M él.iil iiiinuil (piaiid nous avons oiiverl la première de ces
pajjes. presipie toujours toucliaiiles, souvciil siildimes ; il élait
six heures du malin i|uaud nous somiius arrivé à la dernière.
Jamais livre ne nous a plus diiiiloureuseiiieul é Le lec-
teur qui n'a pas pleuré sur Julie morte, comme si c'était à
lui-ménic ipie la mort l'eut .ulevée, ce lecteur n'a jamais ou
n a pas encore aimé, (^e liwe n'aura d'alliées que parmi ceux
pour qui nu' semhlahle amour n'est ni un souvenir, ni une
cspLTaiice. Cet allieismc ne sera Icgilimc que pour ceux duul
ce chaste et pur amour condamnera le présent ou le pissé.
Quant à ceux qui ne voyeut dans l'amour qu'une l'emme,
et dans une femme ([u'iiuc maîtresse, ce livre n'est pas plus
l'ail pour eux ipie la peinlure pour ceux qui ne voyent dans le
tihlcan d'un mailrc qu'une loile et qu'un cadre; dans uu beau
cl magniliiiur paysage que des arhres qu'on peut couper, que
des Iroupcauv qu'on peut tondre ou mener à l'ahalloir.
Ceux-là rironl, si ban leur semble, de ces amours de poitri-
naire ; d'autres en pleureront au point d'être obligés d'inter-
rompre leur lecture, qui n'en seront pour cela ni moins sains
de ciT-ur, ni moins sains de corps que ces prélendus esprits forts.
N aime pas qui veut! n'aime pas même quiconque croit ai-
mer! Je n'elonnerai ipic les sots en disant que l'amour vrai est
aussi rare que le génie, aussi rare que la vertu parfaite, aussi
rare que la beauté idéale, et que, dans ce Paris, dont la moilié
se livre à l'aulrc tous les soirs, il serait aussi diflicile de trou-
ver vingt ilrcss'aiinant d'un amour véritable, que vingt h«iunics
d'un incunteiilablc génie.
t.e qui nous a plu et nivi dans ce beau livre, c'est que le»
r.iils, n'y fu-sciit-il» pas vrais, <l nous avouons ipi'ils sont sou-
vent invraisemblables, presque tous les srnlimenls en sont sin-
cères ; ce n'est pas seuleinenl de la poé ie, c'est de la vérité.
HayhaH prouve, envers el contre tous, <|ue M. de Lamartine n
aiiné au moins une fois dans sa vie, pins el mieux et autre
chose ipie lui-même.
Aussi ce livre lui fera-1-il pardonner bien des fautes. Julie
est, A coup sûr, légale dlleloise, l'égale de Laure, l'égal.- de
la Julie de Sainl-l'reux. Kllc est aussi vraie el elle est plus
poétique. .Nous ne rcclierclierons pas si, peiid.ml que l'uuleur
élait eu train de créer à coté de la vérité vraie c|u'il ne pouvait
pas due. une vérité plus vraie encore, la vérité élernelle qu'il
pouvait dire. Il n'eut pas mieux fait de séparer Julie de Ra-
(diacl par lidée du devoir, qui eût moralise son oeuvre, que
par l'idée de la mort. — Qu'est-ce que la mori, pour d.-ux
amants"? — .Mais nous ne lui ferons pas les reproches qu'il
adresse si justemeul d'ailleurs à Uous^ean. Il ne s'agil pas de
refaire les livres, mais île les admirer sincèrement quand ils sont
dignes de l'élre. Or, Raphaél est de ceux qu'on peut a.lmirer.
.M. de Lamartine a lire des merveilles des laules mêmes de son
plan. Si donc, son œuvre n'est pas parfaile, que nous im-
porte? Que si vous vous demandez: Pourquoi Julie meurt-
elle'? je vous réponds : Demandez plu'ôt a M. de Lamartine'
SI Dieu n'a pas bien fait de l'enlever a la terre?
Elle csl morte, parce qu'elle devait mourir Madame de
AA'arens n'cùl-clle pas clé lieuiciise de mourir ava:.l d'eu ar-
river au perruquier?
Dr, il y a un perruquier dans toutes les exislenres ; souhai-
tons à toutes les Julies, soi.hailons à tous les Uapli cls de
mourir avani de l'avoir seulement entrevu.
lA VIE FVBI.IQU£ ET PRIVÉE DE MOSSIE0 RÉAC.
CuAPirnE 1". - ni.ce.»fnnt - X.n^m^c, ri p„c,aUf,.
Ses bons înstiDcis se développa
le jeuDe Réac griffe
et mord une petite portière.
Et, entendant venir,
et à crier comme un aigle pour
mbrouiller la question.
il vit dans la cuisine ui
qui soinmt-illail et conçu.
l'heureuse pensée de ]!:i brûler
les moustaches.
lis le chat qui ne dormait qu'à
demi lui sauta au Lez, et...
j (lo ttiitt à la prochaine livraison).
3S6
REVUE COMIQUE
CHOSES QUELCONQUES.
Quelques amis particuliers de M. Louis lîonaparle
disaient de lui, quand il fut nommé président de la
République : « Pourvu qu'on le laisse monter à die-
val, changer d'uniforme suivant son humeur, et met-
tre des plumets de toutes sortes à ses chapeaux, soyez
sûrs qu'il sera content, et qu'il laissera fonctionner ré-
gulièrement la Constitution. »
H eût fallu avoir mauvais caraclère pour refuser le
peu qu'on demandait, la nation l'accorda. — Le prési-
dent eut la fantaisie de s'habiller en général de la g.irdi'
nationale, on n'y prit pas garde; il sa fût habillé en
archevêque, qu'en bonnes gens, on l'eût laissé faue.
_ 11 aimait le cheval, on le vit à cheval avec plaisir,
et on reconnut qu'il n'y avait que M. Bancherqui put
lui rendre des points de ce côté. Quant à ses plumets,
à ses grands cordons, on s'accorda à trouver qu'ils lui
donna'ient assez bon air, du moment où il prenait
plaisir à les porter.
Mais l'excès en tout est un défaut. Un projet a élé
présenté au conseil des ministre pour la formation de
la maison du président. Ce décret était nn véritable
décalque de l'ancienne maison impériale. Il devait y
avoir un maréchal du palais, M. Vaudrcy ; un grand
chambellan (nous ne savons à qui était destiné cet em-
ploi); deux préfets du palais, MM. Laity et Persi-
gny, etc., etc.
C'était trop. — Le conseil a refusé, et il a bien fait.
— Les amis du prince, ses amis de la veille (tout
parti a et aura sa veille), lui conseillent de se faire
nommer empereur de la République ; d'autres pensent
qu'il suffirait qu'il fût nommé d'abord président à vie.
Si le président de la République a envie d'entendre
crier : « Vive Henri V ! Vive la régence ! et, en défini-
tive. Vive l'anarchie! Vive la rouge! « il n'a qu'à écou-
ter ces beaux donneurs de sots conseils.
Atis au président de la République.
Les invitations aux réceptions de l'Élyséc ne sont
pas faites en son nom, mais au nom de l'un de ses ai-
des de camp de service. — C'est là une coutume de la
monarchie qui n'était pas déjà de trop bon goùl sous
Louis-Philippe. — Ce retour à une forme ancienne
jette nn peu de ridicule sur ces invitations, et donne
d'ailleurs lieu àquelques abus; le président ferait bien
d'y mettre ordre.— Voici un exemple, entre d'autres,
des abus que peut cnliaîner la coutume dont nous
parlions.
Une dame, madame B... , désirait une invitation pour
le bal de la présidence ; sa lille, fort jolie personne,
désirait voir le président. — Un vieux général, chargé
par cette dame d'obtenir une invitation, s'adressa à
l'aide de camp chargé de dresser la liste des favorisés.
uNousn avons plusde place, répondit l'aide de camp.
D'ailleurs, mon cher général, qu'est-ce que c'est que
madame B...? A-t-elle nn titre? —Certainement,
répondit malicieuscmont le vieux général ; madame la
comtesse de B .. est connue de tout Paris. »
«Une comtesse! reprit l'aide de camp, que ne le
disiez-vous tout de suite, mon cher général. Voici
votre lettre ; dites bien à madame la comtesse que je
suis trop heureux de pouvoir lui être agréable. »
Je vous laisse à penser si, en entrant dans les sa-
lons du président et en s'entendant annoncer et saluer
très-haut du tilre de comtesse, mesdames B... , qui
sont deux femmes d'esprit, durent être surprises et
confuses! Ce ne fut que quand le vieux général leur
eut expliqué le mystère de kMir annoblisseiiient qu'elles
prirent le parti d'en rire.
On assure que ce soir-là il y avait plus d'unecomlesse,
voire quelques duchesses de la façon du vieux général
dans les salons de l'KIysée.
_ Il a été puéril d'abolir les titres, ce serait bête
de penser à les rétablir, car ce serait impossible. La no-
blesse n'ayant de prix, à ce qu'il parait, que quand elle
est ancienne, qui peut espérer garder de nos jours assez
longtemps nn litre quelconque pour que la sanction du
temps puisse jamais s'y ajouter'?
Un ancien ministre du pouvoir exécutif reçut
dernièrement, un matin, la visite de deux messieurs
fort polis, qui venaient, an nom d'un de leurs amis,
M. Z, lui demander satisfaction d'un soufllet qu'il au-
rait donné la veille à cet ami dans un théâtre.
M. X, fort intrigué d'ajiprendre qu'il avait soufflette
quelqu'un sans s'en douter, demanda à ces messieurs
la permission de les accompagner chez la personne qu'il
devait avoir insultée.
M.Z, placé devant M. X,fut obligé de convenir qu il
n'avait jamais eu l'honneur de le voir. Mais tirant alors
de sa poche une carte qu'il avait échangée avec son
brutal agresseur, « C'est pourtant bien votre carte, »
dit-il.
Cette carte était en effetunecartede rancienministre.
« Ma foi, monsieur, dit M. X à M. Z, consolez-vous,
j'aimerais mieux avoir été insulté comme vous l'avez
été, que d'avoir été votre insulteur, qui ne peut être
qu'un lâche et un misérable. »
llparaîtquecelincroYableprocédéestmoinsrareqiion
ne devrait le penser. On racontait à cette occasion que.
sous la Restauration, un certain M. de C"*, fort connu
pour sa lâcheté, avait toujours dans sa i-oche des
cartes de M. de Bondy, réputé un des meilleurs, le
meilleur tireur de Paris à cette époque.- Ce M. deC"*
„c manquait pas, dès que l'occasion s'en présentait, de
tiier la carte de M. de Bondy, et de l'olTrir à ses aggres-
seur^ Cette singulière rouerie ne fut pas découverte
A L'USAGE Di:S GENS SÉRIEUX.
2S7
(lu pii'iiiicr ciiiip, le iKiiii lie .M. (lu Bondy ayant sans
(loiilo ri'li'iiii i)ciuic(iii|i (le pcisoinu!!! di- (Inniier siiit(i
uux iid'.iiii's ([110 M. (le C" avait eiilaiiuV's (•(IVontc-
lIlLMltSIHIS 8011 Illllll.
Ce (lit lin |)i(iviiicial, ipii iic C(iiiii,iissail pas la c^pn-
lalicin i\c M. lie l'x.iiily i|iii ({(Voiivril la iiiiViic. .M. d..
(:*•' lui iliVoin.-il : il ne S(; liallit pas, mais ill'iU haldi.
— Nous citons, on nous conlcnlaiit de les souligner,
quel(]iies lignes du Moniteur ipii iiiériloraieiil d'i-lre si-
gnalées, du haut de la tnliiiiie do rAsseiiiMée iialiuiiale,
à l'iiidignalion du |)ays :
(( Quelques désordres se sont inanifeslés sur divers
M points de la France, à Toccasion de l'anniversaire du
((2i février ISIS.
« L'anarchie ne s'e.-t pas contentée partout, comme
« à Paris, cV envoyer ses comparses crier atifottr d'un
» édifice religieux ou dans un banquet avorté : Vn e
M LA RÉPrilLlgUE DÉMOCIIATIQIIE ET SOCIALE ! »
1 1 n'est pis vrai qu'on ai t crié à Paris : Vive la liépubli-
que démocratique et sociale '. (juand le président estentré
dans la Madeleine pour !e service du 2i février ; mais
il est vrai que des cris wnummcs de Vive la /iépublique !
ont, en elîet, accueilli son entrée.
\'ive la lîépublique ! Ce cri que les bataillons en-
voyés par toutes les légions de Paris ont crié avec tant
d'ardeur, cela veut dire, et il faut que le président le
comprenne, que le pays est las de révolutions, et que
l'affermissement de la Kcpuhliqne est le but que se
proposent, ainsi que lui à coup sûr, tous les honnêtes
gens, tous les amis de l'ordre et de la liberté.
— Li question es tcrieiire se complique tous les jours.
Si iM. Diduyii de l/lluis n'y prend pas garde, lu situa-
tion de la hance, i|iii était excellente vis-à-vis de Vé-
li'ang(;r sous son prédécesseur, va être coinproinise
gravement, sinon perdue, enlic ses mains, l'.ien n'é-
tait plus facile (pie de garder l'altitude en même temps
ferme et conciliante que M. Bastide avait prise et
fait accepter par toiiles les puissances. «La France
n'inlrrvi.Midra pas, suit; mais vous n'interviendrez
pas non plus. »
Si la Hépiiblique est écrasée à Rome par les Aiitri-
cliiens, si elle est écrasée à Florence et à Livourne, ce
sera pis qu'une honte pour notre gouvernement, ce
sera un véritable crime politique. — Non, sans doute,
nous ne sommes pas solidaires de toutes les réim-
bliques; mais le sommes-nous donc de toutes les mo-
narchies? Les Autrichiens ont évacué Ferrare, mais
comment en sont ils sortis? Et d'aiKeurs où sont-ils?
— La province n'est pas républicaine! s'écrient les
journaux réactionnaires, et les maladroits enregistrent
chaque jour avec une sorte de fureur des faits (]ui ten-
draient à prouver que non-seulement elle est républi-
caine, mais qu'elle le serait trop à notre sens. — Voir
les grands combats livrés par l'autorité à des bonnets
rouges, dont le temps avait déjà pâli les couleurs au point
d'en faire des bonnets roses.
Ce qu'il nous faut, ce sont des bonnets de coton
blancs, avec la rosette verle, sans doute. Va donc pour
les bonnets de colon. — Comballre des emblèmes ou
des moulins à vent, c'est à peu près tout un, à nos
yeux. Nous serions demain M. Faucher, — ce dont
D'eu nous garde, — que nous éviterions ce ridicule.
isiiijliîliiiiilii
C'fst aujoura-hui le 24 février. Vous allez me donner un joli petit
morceau de veau; mais pas de réjouissance surtout... M. Barrot n'en
veut pas, m moi non plus.
P.erre Leroux perdait ses capacités po itiques et é ectorales!...
A son lever, il remercie Dieu et la Triade...
Ce n'était qu'un rêve!!!...
Cului dont vous voyez l;i miiih! airabilairi",
Duvergier de llauraniie, illiislre par son péri'.
Au bon temps où hrillail le salon docliiiiaii>,
Mérita le burnoui de ih a du can'ipé.
Plus tard, en Février,— liélasi funeste date! —
Quand les marrons cuisaient sous la ceudre écarlale
Pour les liur du feu, le elial p éla sa p.ilte;
Ht vous savez comment il se irouve dupe !
Raton, pleiu de dépil, pour se veuyer, pul.lie
1),'^ l)rocliures par-ci, des hrocliures par-là,
Des lirorhures loiijour.s et l'on conçoit cela.
Ses auvres u\laut pas de celles qu'on reUe!
Dt;!i3iné par Nadakd.
Gravé par BauLANT.
«illLIVAIlll niS IIAI.IKNS.
30 <Tii(iiiirN la livraison.
me RicnELiEi, m.
UfM'mnmf^'
*ji'^'/i iji.jitj
dilions de la Sonscripiîon. — L i Rr.vrE roMioiE fxrnii ri iiii iimjtiiI |i \ Uim , jr nul ui-^, |iul lit i n SO 1 \rii«on« a "0 contimes,
rla poste, -4(1 cenl. 0» sous.rit [.lour 10 livraisons. Pour les il^p-irl, iiioiit;. lih \ir un niii ilit ~iir h pn-tp t 1 ..rilii. ilu diucUur di la
!vrE. — Pour toul ce qui conrerne la rédaction, écrire [franco) à M. Lireix, au bureau de la Revtf, 2, boulevard de? Italiens.
BVMIIirEKAT. ÉDITETTR, RUE niCHEI.IX1T, 52. 1 S*" Livtaison.
AVIS AUX JOCUl^AUX DE PARIS ET DÈS DÉPAUTEMENiTS.
Nous autorisons la reproduction des articles contenus dans la Rmie comique, à la condition :
lo De citer la Revue en lui empruntant ses articles;
^2° De limiter, par cliaque semaine, la reproduction au tiers des matières contenues dans clui(]uc numéro.
AVIS
AUX SOUSCRIPTEURS DE lA REVUE COMIQUE.
Pour rôponilre au désir exprimé par un grand nombre de souscripteurs, qui trouvaient
fâcheux que, pour ne pas décompléter la collection des dessins parus jusqu'à ce jour, ils pussent
être dans l'obligation de faire brocher ou relier les couvertures qui se reproduisent d'une façon
uniforme toutes les seize pages, nous reporterons dans l'intérieur de la livraison le dessin que
nous donnions ordinairement sur le verso de nos couvertures. De celte façon, ce dessm ne se
trouvera plus perdu pour le volume complet, qui pourra être broché sans ce premier feuillet.
La pagination a été disposée pour que cette suppression puisse se faire sans inconvénient.
Toutefois, pour que cette nouvelle disposition n'enlève pas au volume complet les dix
grandes gravures publiées jusqu'à ce jom- sur le verso des couvertures, nous donnerons, avec
la dernière livraison, ces dix gravures en supplément.
Le dernier feuillet de la couverture, formant la dernière et l'avant-dernière pages de chaque
livraison, devra être relié avec l'ouvrage complet dont il ne peut être détaché sans intervertir
l'ordre de la pagination.
SOMMAIRE DE LA DIX-HUITIÈME LIVRAISON.
TEXTE,
La Semaine. - Les Vaudevilles Réactionnaires. -L'Arbre du 24 février. - Lettre de S. M. Changarnier L -, dit Bergamotte,
roi de Paris, Bnç;nolet, Surosne et autres lieux, à S. M. BugeauJ I't, dit Biigeniard, roi de Lyon, Bourges et lieux
circonvoisins. — Si un Mari a droit de vie et de mort sur sa femme. - Les Faux Sous-Oniclers. - Choses Quelconques. —
Les Faucheurs de la Républinue.
LE CONSTITUTIONNEL DRPOVILLANT LE VIEIL HO.MME.
Grande vignette par Bettall, grvée par Baulant.
LA VIE PUBLIQI F. ET PUIVM DE MOSSIEU ItEAC.
Chnpltre 7«T. - Naissance et puérilités. — Chapilre II. — Éducalion morale et philanthropique. — Vocation.
Feuilleton au crayon par Nadaiu), gravé par Baulant.
Ce numéro renferme une gravure. — La suite paraîtra dans les prochains numéri s.
D»9Hinaleiirs. Graveurs.
Entrée au Banquet Bertall. Leblanc.
Indigestion socialiste TiulM. Midderigh.
Le Pousse-Café lianM. Midderigh.
MONSIEUR LE COMTE MOLE.
Type par Fabritiius, gravé par Baulant.
Parif,— Tirée »u« presses mécaniques de T.icniMPK fil» ol Homp., rue Damielle, î.
LA SEMAINE.
Il parait que la grande préoccupation à la cour du
Président est le bal de la mi-carème.
On sait que la marotte du Président est de donner
un bal masqué.
Ici plusieurs diflicultés se présentent. N'est-il pas
à craindre, par exemple, que des invités prennent des
costumes qui rappellent des souvenirs ou des circon-
stances historiques qu'il est bon de laisser dans l'oubli?
Élablira-t-on à la porte des contrôleurs chargés de vé-
rifier les costumes et de dire à celui-ci : tu entreras, et
à celui-là : tu n'entreras pas?
Ensuite pour qu'un bal costumé ait quelque signi-
fication, il faut que personne ne puisse se soustraire à
l'obligation du déguisement.
Déguisera-ton M. Odilon Barrot eu père Sournois?
M. Léon Faucher en Jocrisse?
M. Thiers en Arlequin?
M. Mole en vieille femme?
M. de Falloux en Jésuite?
Nous ne voulons pas poursuivre celte nomenclature
qui n'en finirait plus. Ces sortes de rapprochements si
à la mode sous la Restauration sont entièrement usés
aujourd'hui. Ce qui n'empêche pas qu'il faudrait
trouver des déguisements pour tous les hommes poli-
tiques, sans compter les représentants.
Quant aux représentants, nous devons dire que
ceux-là ne faisaient pas précisément question.
On les oubliera, avait répondu un des majordomes
du Président à celui qui lui parlait de la nécessité
d'inviter les représentants.
Fallait-il faire une exception en faveur du corps di-
plomatique, en faveur de la cour de cassation, en fa-
veur de la cour des comptes, de la cour d'appel, du
tribunal civil? Ce sont là les graves questions qu'on
traite à l'Elysée national dans des séances du conseil
privé, qui durent, dit-on, plus de cinq heures. Dans la
séance d'hier, on a discuté le costume que prendrait le
Président.
« Mon choix est fait, a-t-il répondu. Passons à une
autre affaire.
— Et peut-on savoir comment Son Altesse sera dé-
guisée. Est-ce en César?
— Non.
— En Alexandre?
— Pas du tout.
— En capitaine de l'artillerie thurgovienne?
— Nullement.
— Son Altesse prendra-t-elle le costume qu'elle
avait au tournoi d'Églington, où elle rompit tant de
lances en l'honneur de la beauté?
— Vous n'y êtes pas.
— Altesse, nous sommes forcés d'en convenir, nous
allons donner notre langue aux chiens.
— Arrêtez ; je suis bon prince , vous allez savoir
mon secret : je mettrai le costume de général de la
garde nationale. »
Piien n'est encore décidé sur les grandes questions
que nous venons de résumer. On croit pourtant que
le bal aura lieu. Le général Changarnier y tient beau-
coup. Il a commandé un costume de berger-trumeau
qui lui sied à ravir. Il se fait donner par le vieux
Vestris (il y a toujours desVestris) des leçons de hou-
lette et de pannetière.
Le Président n'en est pas moins fort mécontent de
son ministère.
M. Louis Bonaparte tient énormément à avoir une
maison. Il lui faudrait deux ou trois préfets et un
maréchal du palais, quelques chambellans, un inlro-
260
REVUE COMIQUE
ducteiir des ambassadeurs, et pas mal de gcnlilsliom-
nies ordinaires.
I.e ministère a eu la cruauté de lui refuser tout cela.
L'austère Odilon Barrol n'en a fait ni une ni deux,
il a porté lui-même la parole, et il a dit au Président :
^i Sire, il faut quelquefois dans la vie savoir attendre, n
M. Louis Bonaparte n'en continue pas moins à
bouder.
II se pourrait bien qu'il donnât son bal masqué,
rien que pour vexer Léon Faucher, qui a une répu-
gnance extrême pour tous les bals, à cause d'une
vieille tante à héritage qu'il est obligé de faire danser.
Le bal masqué du Trésideni et le procès de Bourges,
voilà les deux grands sujets de la curiosité publique.
Lors de la fameuse journée du 13 mai, on sait
qu'après l'envahissement de l'Assemblée, il se forma
une inihiité de gouvernements provisoires. On dressait
des listes dans tous les cafés voisins du Palais-Bourbon.
La bière et les ministères coulaient à flots. Tartempion
sera à la guerre, Falempin à l'intérieur, et Barbanchu
aura les finances. Que ferons-nous de Lapincheux?
Qu'on lui donne les postes.
Pendant plusieurs mois, Tartempion, Falempin, Bar-
bar.chu crurent devoir se cacher pour se dérober aux
poursuites de la justice qui ne songeait nullement à se
mêler de leurs affaires.
a Venez me voir, la police est à mes trousses; le
peuple m'avait porté au Gouvernement provisoire, je
demeure aux Batignolles, rue du Vent, n» 12. Deman-
dez M. Oscar.
« Salut et mystère.
0 Tartrmpion. »
« Le rôle que j'ai joué dans la mémorable journée
du 13 mai, m'oblige à me soustraire aux persécutions
de la police. J'ai choisi un asile rue aux Ours, n. 16.
Les sicaires ne viendront pas me chercher jusque li.
Il fautque je vous parle. Je vous attends le plus tôt pos-
sible. Demandez le citoyen Anatole.
« Fraternité et discrétion.
« Falempin. n
« Mon influence bien connue sur le peuple a fait
croire au gouvernement que j'avais dirigé la manisfcs-
tation du 15 mai. 11 n'en est rien. La vérité est que
j'étais porté sur une liste comme maire de Paris. C'est
un crime que je suis obligé d'expier aujourd'hui. Ne
manquez pas de venir à Bougival, où je me cache dans
le cabaret de la iVoi<c/<e, sous le pseudonyme de Brulus.
« Silence, prudence, fraternité ou la mort.
« Baiibanciii-. »
Voilà quelles lettres nous avons tous été exposés à re-
cevoir pendant cinq à six mois.
Aujourd'liui les proscrits reparaissent au grand jour.
« Tiens, vous voilà, Cabassot, où allez-vous donc?
— A Bourges. Je suis cité comme un des témoins
les plus importants du procès. Pourvu qu'on ne m'em-
poigne pas à l'audience.
— Et vous,Trifouillot, d'où sortez-vous, mon ami?
— ^ Je sors de chez moi.
— .\vec ce sac de nuit en plein jour?
— Il le faut bien, je vais à Bourges. Ils m'ont fait
citer, les gredins. Je suis sûr qu'ils ont envie de me
pincer, mais je me tiendrai sur mes gardes.
— Et vous, Larifla, mon brave, où courez-vous ainsi !
— J'ai peur de manquer le convoi de Bourges. Me
voilà forcé de comparaître; et, d'après ce qu'on m'a
dit, tous le débats doivent nécessairement pivoter au-
tour de ma déclaration. Quelle responsabilité! n
Inutile de dire que ni Cabassol, ni Trifouillot, ni
Larifla, n'ont reçu la moindre assignation de compa-
raître à Bourges, et qu'ils n'ont pas vu à Paris le nez
d'un juge d'instruction.
Ceci n'est que puéril ; ce qui est ignoble, c'est de
voir déjà des journaux faire du drame et du pittore.que
avec le costume, la voix, les gestes, l'altitude des ac-
cusés. Celui-là en descendant de voiture seml)lait dé-
fait, celui-ci était rouge. L'un paraissait ferme, l'autre
abattu. Albert était insouciant. Raspail portait un vaste
portefeuille sous le bras et des bottes fourrées. Blan-
qui avait l'air de ceci, Barl es avait l'air de cela.
Vous comprenez bien que les journalistes qui écri-
vent tous ces beaux détails voient Barbes, Raspail,
Blanqui, et les autres, au point de vue de leur jour-
nal. Eh! messieurs, souvenez-vous donc que ces gens-là
sont des accusés, et que vous leur devez à tous le res-
pect et le silence. Rendez compte des débals, c'est votre
droit, mais ne vous arrogez pas le droit de lue au
fond des cœurs.
Les journaux sont unanimes cependant sur un point,
l'impression produite sur les assistants lorsque madame
Courtais est descendue de la voiture cellulaire. Félici-
tons-nous de n'en être pas venus encore à méconnaître
le dévouement, lorsque le dévouement n'est point de
notre parti. C'est le Journal des Débats, il faut bien le
reconnaître, ipii a le premier rendu homniûge à la
noble conduite de la femme de l'ancien commandant
de la garde nationale.
On a trouvé dans la boîte de l'Elysée national la
lettre suivante :
« Citoyen Président,
« Les cœurs se seraient soulevés d'indignation, si
lorsque vous êtes venu à Boulogne essayer d'un 13 mai
impérial contre le gouvernement et la société constitu-
tionnelle, ce pouvoir vous eût traite comme un forçat,
et vous eût envoyé à llam dans l'ignoble voilure cellu-
laire des voleurs et des assassins.
« Il est des convenances qu'il faut savoir garder en-
vers des ennemis vaincus, pourquoi le vaincu de Stras-
bourg et de Boulogne les a-t-il oubliées? »
On croit que cette lettre a été portée d'ahord au ini-
ou
COHSTITUTIONNliL
LE CONSTiniION.NEL DEPUlILLAXT LE VIEIL HOMME.
Dessiné par Bertau..
Gravé par Baulaxt.
262
REVUE COMIQUE
nistre de l'intérieur, qui n'aura pas cru devoir la
transnioltre à raucicn jirisonnicr de Ham, Prcsidcnl
de la Uépublique française.
La rue de Poitiers a enrin constitué son faincux co-
mité éiocloral orléano-légitimo bonapartiste. MM. Mole,
Berryer, ïliiers, Montalcnibcrt, se donnent la main
pour faire triompher... la République. Ils le disent du
moins, et d'aussi honnêtes gens méritent bien qu'on
les croie sur parole.
Rien de nouveau dans la littérature, rien de nouveau
dans les théâtres. On attend toujours avec impatience
que le ministère se prononce dans l'importante ques-
tion de la liberté de l'industrie dramatique. M. Léon
Faucher maintiendra, dit-on, le privilège, et la direc-
tion des beaux-arts lui a soumis une proposition dans
ce sens. L'assemblée législative sera appelée à résoudre
ce problème, et nous croyons qu'elle le fera dans le
rens de la liberté.
La représentation du Prophète est fixée au 4 avril.
Nous l'avons entendu dire à Meyerbeer lui-même.
LES VAUDEVILLES RÉACTIONNAIRES.
Les directeurs de théâtres n'aiment pas la Répu-
blique; les vaudevillistes l'ont en horreur, c'est leur
droit; mais voilà des professions de foi bien tardives!
Songez, messieurs, que vous êtes allés tendre la
main à celte bonne République ; que vous êtes tombés
suppliants, à deux genoux, devant elle, et que vous
lui devez de vivre encore à l'heure qu'il est.
Si vous avez oublié que la République vous a sauvés
de la banqueroute et de la ruine, d'autres s'en sou-
viennent encore.
On vous a entendus crier famine. Quelle bonne co-
médie c'était là !
0 République! noble République! sainte Républi-
que ! ne pourriez-vous nous prêter un morceau de
mouche ou de vermisseau ! L'art dramatique s'en va,
l'art dramatique est dans le marasme, et M. Clairville
lui-même ne fait plus recette; c'est la fin de la fin.
Supposez que les théâtres se ferment et qu'on ne joue
plus les pièces de M. Clairville, c'en est fait de l'esprit
français. M. Clairville, le Gaulois moderne, le Molière
de ce temps-ci ; M. Clairville, le génie du vaudeville,
réduit à garder le silence ! Quelle honte pour la civili-
sation ! Quoi ! plus de ces couplets à se boucher le nez,
plus de ces calembredaines puantes, plus de ces farces
idiotes qui illustrent aujourd'hui le? scènes où l'on
applaudissait autrefois la fine prose de M. Scribe! 0
Réjuiblique! tu ne le permettras pas ! Et vous, mes
bons messieurs de l'Assemblée nationale, quelques
sous, s'il vous plaît, pour soutenir nos gloires déchues.
Laissercz-vous succomber le couplet national, le cou-
plet-Dommange? Voilà la question.
Dans ce temps-là, les théâtres chantaient la Mar-
seillaise et le chœur des Girondins; ils dansaient pour
la patrie, ils seraient morts pour la patrie, si on l'eût
IiA VIE PUBLIQUE ET FKITEE DE MOSSIEU REAC.
Chapitre V. — Réitc enfant. — Naissance et puèrililés.
Et le jeune Héac se mit à courir
eu poussant d'affreux cris.
litureus^ement le pion de la
pension Pctdeloup, — homme sévère
mais juste, —
parvint a lui oter cet animal.
carrière à ses excellents instincts,
et écoute aux portes.
Mais il en est quelquefois puni.
A L'USAGE DES GENS SÉRIEUX.
203
voulu ; cl M. Clairvillc liii-mômc, endamniiî d'un no-
ble cntliousinsnio, essayait d'écrire quel(|ncs couplets
en français en riioiineur de la llherlé; et s'il n'y par-
venait pas toujours, du moins pouvait-on lui savoir gré
de l'intonliiin.
Cependant l'Asscniblée nationale a la honte de s'at-
tendrir, et à l'orte d'entendre parler de XI. ClairNille,
elles'iinatrine que M. (ilairville est réellcnicnl un per-
sonnage. Et puis, il y avait là ces malheureux théâtres
gucusant, la besace sur le dos. Ces |)auvres gens, dit
l'Assemblée, vraiment ils me font de la peine. Les
voilà qui dansent et chantent pour la patrie. Pour peu
qu'on les en priât, ils manlieraient sur les mains, ils
joueraient aux dominos, et ils avaleraient des sabres
par patriotisme; tout cela mérite considération. Don-
nons-leur quelque argent, alin que la postérité ne nous
accuse pas d'avoir étouffé le génie naissant de J[.
Clairvilie.
— Merci, mes bons messieurs, dirent les théâtres,
cela portera bonheur à votre mariage.
— C'est bien, mes amis.
— Nous allons prier Dieu pour vous. Eh youp, eh
youp la Catarina !
— A votre aise.
— Vive l'Assemblée nationale! Vive la République!
Eh youp piou piou, la Catarina !
Aujourd'hui, c'est une autre chanson. Ees tliéàtres
ont échappé à la mort, les auteurs ont touché leur part
de l'indemnité généreuse accordée par l'Assemblée na-
tionale, et il n'y a pas, sur les scènes secondaires, assez
de place pour les plates facdties dcrilcs contre la Ré-
publique, sur du papier acheté aux frais de la Itépu-
bli(iue, avec de l'encre fournie par la République et
des plumes payées avec l'argent de la l'iépublique. Au
Gymnase, aux Variétés, au Vaudeville, la République
agonisante reçoit tous les soirs les coups de pied de
M. Clairvilie, car c'est lui, c'est cet esprit attique, cet
Aristophane sans grammaire qui remplit l'office d'in-
sulteur avec le succès que vous savez. C'est M. Clair-
ville qui plaint les Romains d'avoir attrapé la Itcpu-
blique, comparant ainsi la République à imc maladie,
pourcpioi pas à la gale? Quant aux membres de l'As-
semblée nationale qui ont voté l'indemnité des théâtres,
il fait beau voir comme on les traite et quelles char-
mantes plaisanteries inspirent leurs vingt-cinq francs!
Quoi, payer d'honnêtes gens qui abandonnent leurs
propres affaires pour ne s'occuper que de celles du pays,
donner sept à huit cents francs par mois à des citoyens
courageux qui, dans cette seule année, ont entendu
deux fois l'émeute en armes rugir à leur porte, qui ont
vu le sénat envahi, qui sont restés fermes et impassibles
devant l'insurrection furieuse, comme les sénateurs ro-
mains devant les Gaulois de Brennus ! Vingt-cinq francs
par jour, à ces hommes honorables et dévoués qui ont
deux fois sauvé le pays? Y pense-t-on, et n'est-ce pas
uue mine bien trouvée de plaisanteries pour le vaude-
ville né malin? Ah! que ce serait bien autre chose s'il
s'agissait de rémunérer dignement les soins de SI. Clair-
ville, par exemple, qui prend la peine de mettre en
madrigaux, non pas l'histoire romaine, mais les voi-
XiA VIE PUBUQUE ET PRIVÉE SE MOSSXEU BÉAC.
Chapitre I''. — Réac en/ant. — Naissance et ptiérilUés.
Puis il imagine une petite ce mbinaiscn usuraire
pour arrondir sa propnété, au -dessus de son âge, il procure, moyennant
et fOLde la Banjue des billes. prime, à un épicier, la fourniture des peaux
I d'anguille pour tous les sabots de la pension.
^ ^^^
Puis, jaloux d'obtenir quelque palire
et trop cancre pour la devoir à son mérite,
il achète la compositiou d'un camarade.
264
REVUE COMIQUE
tures-posles de M. Dommange! Vingt-cinq francs par
jour à un re présentant du peuple, quand c'est tout au
plus si M. Clairville gagne cinquante pauvres mille
francs par an !
Mais, voyez l'injustice du parterre. Voilà que l'on
commence à trouver ces platitudes par trop basses, et
([ue déjà l'on a assez de ce cynisme, de celle ingrati-
tude, de CCS ignominies, de cette boue, et que l'on se
meta siffler M. Clairville lui-même, le spirituel, le
grand, le magnanime, le chevaleresque M. Clairville,
le régénérateur du théâtre moderne ! On le sifUe coninie
on nesiftlerait pas un malheureux saltimbanque ava-
lant des sabres dans une grange de village. Traiter
ainsi M. Clairville 1 L'art dramatique est perdu.
I AUBRK DU 21 FEVRIEU.
Le soir du 21 Février, le colonel Chabert se préci-
pita dans les bureaux du Bonnet ùpoil, organe des
plus accrédités du parti impérial et parliculièremenl
du comité napoléonien pour les élections.
Le colonel Chabert avait la larme à l'oeil : « Sacre-
bleu, dit-il en entrant, voilà le troisième pleur que je
verse de ma vie. Le premier eut lieu le jour oi'i je per-
dis ma bonne vieille femme de mère; le second, lors-
que je reçus la crois sur le champ de bataille, des pro-
pres mains du grand lionmie.
— C'est bon, répondirent les autres Chaberts, rédac-
teurs du Bonnet à poil ; celle histoire nous a été ra-
contée vingt fois. Mais qu'y a-t-il de nouveau? L'élec-
tion du 10 décembre aurait-elle enfin porté tous ses
fruits ?
— Pas encore. Mais le marronnier du 2(.i mars s'est
déclaré pour nous ; pour celle fois seulement, et sans
doute à la demande générale, il a ouvert ses bourgeons
bonapartistes le 2-1 février, afin de présager l'avenir
réservé aux Bonaparte.
— Cela ne m'étonne pas, dit un Chabert ; j'ai che*
moi un manche à balai qui a fleuri subitement le
10 décembre au soir.
— Allons rendre visite au marronnier ! s'écrièrent
en chœur tous les Chaberts.
Ils se mirent en route, portant un drapeau avec celte
inscription : Honneur aux braves! Gloire au marron-
nier du 20 mars, qui a fleuri le 2i fhrier! Plusieurs
polissons du quartier, ayant aperçu les Chaberts, les
suivirent en criant : Ohé, les Chaberts, ohé!
Arrivés auprès du marronnier, qui avait effective-
ment poussé quelques bourgeons (1), ils firent le salut
militaire ; et le colonel Chabert, qui est le seul Cha-
bert véritable que la France possède en ce moment,
retraça, dans une chaude et vigoureuse allocution,
l'histoire de l'arbre bonapartiste.
— C'était en 1814, au siège de Paris: un lancier
(1 ' Le fait est vrai, mais on ne peut l'attribuer qu'au soleil précoce de
cette année. La nature ayant horreur du vide ne saurait favoriser le bo-
napartisme. [Xole du Rédacteur en cke/.)
ZiA VrE FVBIiIQlTE ET PaiVÉX DE WOSSIEU B,ÉAC.
Chapitre I". — Uèac en>a}it. — Naissance el puérilités.
Ce strabg'me réussit.
Il est le prtmier, et dîne avec M. Petdeloup, —
homme sévère, mais juste.
I
Pour ne pas perdre son temps perdant la récréation,
il dénonce ceux de ses camarades qui ont des idées trop avancées.
A i/iisAC.K DKs (;i:ns si;;i»ii;ijx.
2«ri
l)crco(li' inillo cou|)s gisait îi terre. « Iknils les aniies,
lui ciiaieiit les (losucpies. — Jamais! » ré|iiiiul le
brave, et saisissant sa hiiice par un ilVoi l ili'ses|ii'it'',
il perce dix (lusaques J'iuilie en milic, |iuis il loloiiilie
expirant. Que se passa-t-il ensuite ï Ia' lanciiM- l'iynora
longtemps. Délivré jiar l'arrivée subite (riiuc ilivisinn !
française, il avait été transporté à l'amliulaiice où il
guérit de ses blessures ; mais le bois de sa lance brisé
dans sa lutte avec les C-osaqucs, s'était (iclié en terre,
avait pris racine, et était devenu en quehiues jours ce
niagnilique marronnier, dont les opinions bona|)artistos
ont bravé depuis lors tous les gouvernements. Mainlc-
nanl faut-il vous dire qui était ce lancier?
— Oui, dites-le, colonel Chabert?
— Ce lancier, c'était moi.
Les autres (^baberts comprirent l)ien (juc leur colo-
nel, trmbé depuis peu en enfance, avait lèvé celle
histoire; cependant ils lui prodiguèrent tous les soins
que réclamait son état.
« J'en ferai un feuilleton pour le Ihmnct à puil, »
dit un des petits ("baberls, impérialiste âgé de vingt ans.
Mais bientôt l'enlbousiasmc du vieux soldat leur ar-
racha des larmes d'attendrissement. Le colonel n'ayant
pas de couronnes d'immortelles sous la main, arracha
un bouquet à une lnniiii' qui passait et le déposa au
pied de j'arbi'e.
a .\ toi, maintenant, dit-il, la diipouille du brave! n
Il ôta s(in chapeau et rucciocha aux liranche» du
niarionnier. « Je le portais, dit-il, en l'Egypte, où il
m'a garanti de plusieurs coups do soleil. »
H ("ita ensuite son habit, m Habit glorieux, dit-il, toi
qui es entré à Moscou, troué par les lialles russes, reste
accroché auprès du chapeau, sur l'arbre du brave! d
Les pierrots qui étaient sur le marronnier s'envolè-
rent épouvantés. « Quel feuilleton pour le Bonnet à
poil!» répétait le petit Chabert.
« Maintenant, quittons mes bottes, reprit le colonel.
Ces bottes ont foulé le monde, des Alpes au Thabor,de
rCbre au Pont-Luxin; au marronnier, mes bottes! —
Grand Dieu ! s'écrièrent les dames alarmées, le véné-
rable colonel Chabert va-t-il quitter aussi ses culottes?
— Je les quitterai, répondit le colonel Chabert;
elles ont vu le soleil d'Austerlitz ! »
Kt il quitta ses culottes.
Los dames s'enfuirent saisies d'effroi. Les petits
Chaberts furent obliges do louer un paletot chez un
fripier du voisinage, pour ramener le grand Chabert
chez lui dans un état décent.
SI IN MAIU A DROIT DK VIE LT DE MORT SUR SA FEMME?
Un drame vraiment horrible vient de s'aLComplu-. son mari ; le mari s'est vengé: deux hommes, dont
Une jeune femme, mère de quatre enfants, trompait \ l'un est innocent, sont en danger de mort. Nous ne
lA VIE FUBLIÇUE ET PRIVÉE »E MOSSIEU B.ÉAC.
CllAriTRE 1". — Rr,ic eii/uit/. — Xaissiince l'I puériUlcs.
C'est alors que ses parents,
enchantés de lui,
le font habiller à oeuf avec un
redingotle de toute beauté.
une redingotle de toute beauté,
il méprise son petit camarade, doDt
le chapeau est peu gracieux.
ùes étuies étant finies, il quitte I ,
à la grande joie de ses camarades et au vif regret de M. Petdeloup,
-homme sévère, mais juste — qui espérait le conserver en qualité de pion
et qui lui prédit le plus bel avenir.
266
REVUE COMIQUE
raconterons pas un fait connu de tout Paris. Nous n'es-
sayerons d'atténuer ni la faute de l'éjiouse, ni le crime
de la mère oubliant tout pour le plaisir d'une nuit
coupable, ni les torts de son complice.
Mais nous ne craindrons pas cependant de (lélrir
de toute notre réprobation la tolérance monstrueuse,
irréfléchie, sauvage, qui accorde à un mari le droit
épouvantable de se venger lui-même, par ses mains,
et d'infliger, soit à la femme coupable, soit à son com-
plice, une peine évidemment hors de toute proportion
avec le tort qui lui est fait, puisque la loi régulière,
quand les coupables arrivent devant elle, n'a jamais
songé à la i)rononcer.
Si le législateur avait voulu quo l'adullère lut puni
de mort, il fallait qu'il écrivit dans la loi : « Tout
adultère sera condamné à mort. »
Celui donc qui se fait plus sévère que la loi, qui, à
la place d'une loi sage, réfléchie, prudente, met sa
violence et sa passion, si légitimes qu'elles soient, il
faut que celui-là le fasse à ses risques et périls ; il faut
qu'il soit considéré comme un coupable, comme un
criminel, à son tour, jusqu'à ce qu'il soit prouvé qu'il
y avait, dans les faits particuliers de la cause, quel-
que excuse considérable à de pareils égarements. Il
faut qu'il soit arrêté. — Et il faut surtout qu'il y ait
une pénalité certaine, fût-elle minime, au bout de son
action, sinon il n'est peut-èlre qu'un meuririer, qui n'a
assassiné que parce qu'il savait pouvoir le faire sans
danger.
Qu'on cède à sa passion, soit, c'est la loi de notre
triste humanité, mais qu'on n'y cède pas impunément ;
qu'il y ait danger à y céder, sinon il y aura déshonneur
à n'y jias résister. Tout acte violent qui se commet
avec la certitude de l'impunité est bien près d'être un
acte de lâcheté.
Si dix ans de prison, étaient au lunit de cette satis-
faction que se donne ré|)oux outragé en tuant celui qui
l'outrage, croit-on que le nombre des passions qui vont
jusqu'à ces extrémités de la violence ne diminuerait
pas considérablement?
Ces réflexions, nous ne les appliquons pas au cas
particulier dont il s'agit. Ce fait n'est poin- nous que
l'occasion et non la cause qui nous fait parler ; mais,
et c'est à tous les hommes de cœur et de raison que
nous faisons appel dans cette circonstance, n'est-il pas
temps de réagir contre une aussi abominable cou-
tume?
Sans tomber dans les divagations de ceux qui récla-
ment pour la femme des droits en tout égaux à ceux
de l'homme, n'est-il pas juste de dire que tuer une
femme parce qu'elle est faible, parce qu'elle est folle,
parce qu'elle est infidèle, parce qu'elle est parjure,
parce qu'elle est dépravée si l'on veut, c'est punir une
faiblesse ou un vice, pas un crime. C'est ôter à la
femme son libre arbitre, c'est la traiter comme une
chose, comme une propriété plutôt que comme un
être pensant, notre égal devant Dieu, responsable de
ses actes, comme nous-mênie, devant la société et
devant la loi seulement.
lA VIE PUBLIQUE ET PHIVÉE DE MOSSIEU RÉAC.
CilAriTFE II. — Éilucalwii morale el philanthropique. — Vocation.
En effet, il se présente «n qualité de petit clerc
et orné de sa redingotte de toute beauté,
chez un huis&ier qui, lui trouvant la pliysionomie heureuse,
l'admet aussitôt.
Il entre en fonctions,
et va chercher le déjeûner de l'étude, sur lequel il gratte
quelques sous quotidiens.
\ L'USAGE DES GENS SÉRIEUX.
267
l.r.S FAUX SOUS-OFFICIEUS.
QuV'sl (IcvoniK; lu graviti' du Moniloitr?
Autrefois le jï/oH/Ve«r néglijicail k-s détails. Les gou-
vcrneriients précédents l'avaient élevé à une hauteur
philosophique ; ee journal avait la sévérité de l'histoire,
M. Faucher en t'ait un canard. Tel ministre, tel Moniteur.
Est-il vrai que des sous-ofliciers aient assisté à un
banquet socialiste"? Telle est la question que discute le
Moniteur dejuiis ciuelques jours.
0 Non, dit-il, il n'y avait pas de sous-ofliciers à ce
banquet.
— Nous les avons vus.
— C'étaient de faux sous-ofliciers.
— Qu'est-ce que vous a|>pelez de faux sous-ofiiciers'?
— Des bourgeois en uniforme.
— Qui vous a dit que c'étaient des bourgeois?
— On le suppose. »
De supposition en supposition, le Moniteurs ei\. en-
gagé dans un roman qui rappelle les aventures des
Mousquetaires.
Tantôt ces sous-officiers sont de faux zouaves.
Tantôt ce sont de faux voltigeurs ou de faux zéphirs.
« M'y voici, s'écrie tout à coup le Moniteur : ce ne
jont ni de faux zéphirs, ni de faux zouaves; ce sont
des sous-ofliciers libérés du service qui, avant de ren-
trer dans leurs foyers, ont cru devoir parait, e au ban-
quet en uniforme pour jouer un tour au gouverne-
ment. Vous comprenez qu'il ne nous est pas possible
de renvoyer tout nus les militaires libérés ; ils ne pour-
raient passe présenter en cet état au sein de leur fa-
mille r)u devant leur fiancée. Que ferions-nous, d'ail-
leurs, de leur défroque? nous ne sommes pas niarcliands
d'iiabit,.
— Pourquoi pas? celte profession rentre dans l'éco-
nomie politique ; elle ne serait pas indigne de M. Léon
Faucher.
— Je proteste, répond le Moniteur; ']c ne me las-
serai pas de protester.
— Soit, mais vous ne nous dites toujours pas ce que
sont ces sous-ofliciers.
— Ce sont des bourgeois.
— Quels bourgeois?
— Des sous-bourgeois, c'est-à-dire des bourgeois dé-
guisés en sous-officiers.
— J'ai ouï dire que c'étaient des pompiers.
— Le pompier est trop ami de l'ordre pour assister
à un banquet socialiste.
— Rappelez-vous le pompier du 15 mai.
— Ce n'était qu'un pompier provisoire, comme le
gouvernement d'alors.
— Étes-vous sûr seulement qu'il y ait eu un ban-
quet? »
Le Moniteur n'en est pas sûr, et une nouvelle dis-
cussion s'engage relativement au banquet auquel au-
raient assisté les sous-officiers.
« 11 y a eu banquet.
— Non, il n'y a pas eu banquet.
XA VIE PUBXIQVE £T FRITEE DE MOSSIEU REAC
Chapitre ii. — Éducation morale et philanthropique. — Vocalion.
Puis, pour plaite à tout te inonde,
il cherche a se rendre utile à la cuisinière,
^ -A/ \i
Et avec laquelle il goûte des Toluptés pores
et économiques.
268
REVUE COMIQUE
— IVi'l.iit peut ôtre un soiis-b;iiu|iu't, un (:\u\ lian-
quel, 1111 sous-zouiwc, un sous-zophir, uu un sous-
bourgeois déguisé en sous-banquet.
— Non, puisqu'ils étaient deux.
— Deux quoi? Qu'est-ce (jui étaient deux? Les ban-
quets ou les zouaves?
— Les sous-ofliciers.
— Quels sous-ofliciers?
— Ceux du l>annuel.
— Vous venez de dire qu'il n'y eu avait pas, qu'ils
étaient faux, (]ue c'étaient des sous-faux ofliciers.
— J'ai dit que c'étaient des sous-bourfjeois.
— Alors qu'est-ce que vous me chantez depuis une
heure avec vos faux zouaves et vos souszépliirs? »
Ainsi discute le Moniteur, depuis quelques jours,
avec les journaux de Vanarchie. On assure que c'est
M. Léon Faucher en personne qui rédige cette polé-
mique. Nous n'avons pas de peine à le croire.
LETTRE TE S. M. CIIANGARMER 1'', DIT BERGAMOTTE, ROI*DE PARIS, BAGNOLET, SURESNE ET AITHES LIEIX,
A S. M. BUGEAUD 1", DIT Bl'GEMARD, ROI DE LYON, BOURGES ET LIEUX CIHCONVOISIXS.
Monsieur mon fÈCie,
C'est le cœur pénéiré de douleur el avec lous les égards
qui sont dus à un illustre voisin dévoué comme nous aux
triomphes des principes qui sont la base de l'autel el du
trône, que nous témoignons à Votre Majesté la profonde sur-
prise qu'ont faite à nous el à nos sujets les derniers discours
qu'Elle a prononcés.
Vous avez fait l'honneur à vos sujets de Sainl-Étienne de
les visiter; cela esl bien ; vous les avez gratifiés, comme ceux
de Lyon et de Bourges, de quelques harangues de votre façon ;
rien de mieux ; vous avez même, au défdé de la garde nationale,
adressé familicremenl, Iroupièrement, la parole à quelques-uns
de CCS manants; tout cela est d'un bon prince. C'est ainsi que
saint Louis rendait la justice au pied d'un cliène, que Napo-
léon pinçait l'oreille à ses grognards en leur disant quelques
mots d'amitié; c'est ainsi enlin, et pour ne chercher des
exemples que sous nos jeux, que son illustre neveu ne man-
que jamais, à une revue, de faire compliment aux colonels sur
leur musique! Mais ce qui nous a stupéliés dans notre fidèle
royaume, ce qui a plongé nos sujets de la rue de Poitiers et
de la rue Dupliot dans un océan d'amertumes , ce qui a fait
hlèmir el le grand Barrot et le grand Thiers et le fallacieux
Vcron et le candide Genoude, ce sont les sentiments exprimés
dans votre harangue, sentiments qui hurlent à colé des senti-
ments profondément guerriers, tapageurs, de vos nerveux dis-
cours de Lyon! Quoi I des paroles de paix, de concorde, do
conciliation! quoi! des sentiminls honnêtes, sensés, modérés!
Voire Majesté aurait-elle perdu la tète ou trop bien déjeuné?
Votre Majesté aurait-elle voulu, de galelé de ca-ur, flétrir ses
lauriers réactionnaires et sa couronne de la rue Transnouain?
Et ce n'est pas tout. Par la pommade du Lion, la graisse de
Chameau et l'eau Napoléon ! bon nombre de Sléphanals se
sont égayés, en défilant devant Votre Majesté, à crier à lue-
tête : l'ire la démocratique el sociale! Et au lieu de tirer votre
sabre, vous les avez tout bonnenicnl, tout honnêtement, et
comme un roi d'Yvetol, endoctrinés, prêches, raillés; et vous
avez commencé par dire : « Oui, Fii'e la Képublique déinocra-
liqiiel ce cri est légitime, et je le répèle avec \ons! n Par
tous les parfums de la relue des fieurs! le vin des Sléphanals
était donc bien bon ! Et votre langue ne s'est pas séiliée dans
votre palais en prononçant ces paroles séditieuses! Saint Fal-
lA VIE FUBI.IQUE ET PRIVÉE DE MOSSIEU RÉAC.
CllAPlTHE II. - Éducnlinn morale el p/iiln„lhir>i,viiir. — rocalion.
Mais tout n*est pas roses
dans son état.
En portant une signification^
il est assez battu.
Un débiteur' .taisi, dont il est cons-
titué r/nriUev, trouve un moyen
ingénieux de lui crier par la fe-
nêlre qu'il a oublié quelque choie
dans le procla verbal de saisie.
Une autre fols, pendant qu'il
procède à un Tecolîement,
I le met à. la jtorte par la fenêtre.
Mais les gens du bois dont on fuit
les Kéac»
retombent toujours sur leurs pieds.
A LUSAGE DES GENS SÉHIEUX,
269
loin rn a fnit dix si<;n<>9 de crnii! Saint Gonoude vient de
rntninaiiilcr iino neii%nin(' pour \nlrc> snliil ! S.ilnl Véron n
jiné i|iio les liaiiinmics fiiilieuscs di- Vntri' Mnji'stc no soiiil-
Icralciil IMS les ciilonnos |)uilii[iii's de son jiuirnal, et de fait
les abonnés du Coiistihitiuiiuel en uni elé privés 1
Je vous demande pardon, monsieur mon frère, des reproelios
un peu vifs que j'adresse à Voire Majesté; un peu île dialeur,
en pareille nialiérc, esl liicn permise nu vainqueur du i!l jan-
vier. Persuadé que le liéros de la rue Transnonain les prenilra
en lionne pari, je passe à d'autres sujets.
Eli bien! c|ue diles vous de nos amis de l'extérieur? Que
dites-vous de Windisligraclï et de Uadciski? En voilà des
frères un peu distingues, et, soit dit tout lias, capables de
nous faire la leton. Fui de Ber^ainolle, ees caniaradcs-lù ont
un iliic réartionnaire qu'il nous sera dilficilc d'attraper!
NojTZ Windisligraetz, ou, coniinc nos rouges disent, Vingt-
disgràces, il esl battu par les Hongrois! Un autre général
cliangerait Je plan de eampagiic el tàclierail d'avoir loyale-
ment sa revanclie. Lui ne ^a pas p.ir tant de détours! Il ap-
pelle tout simplement les sauveurs candides et inébranlables
des bons principes : en avant les Russes et le knout! voilà un
patriote ! Les sujets aulricbiens n'étaient pas sa isfaits des
Croates, ils auront les Croates doublés de Cosaques, et vive
Nicolas !
Quant à Radetski, il esl plus fin, plus ingénieux, j'oserais
dire, plus élégant et plus poélique dans ses procédés réac-
tionnaires, et il est difficile de nietlre les rebelles à la raison
par des moyens plus evpéditifs et plus gracieux. Ouel(|ii(S
habitants de iMilan s'aviseut d'appeler traitie un des salel-
lifcs de l'Autriclic! la rue où cela «'est p.usi- esl rançonnée i
un million! Lis liabitantsde l'errare font In griinare i la gar-
nison aiilriebienne! deux millions, fix otages, de» répara-
lions, des vexations, des coups de bilon ! Ali! inonsieiir mon
frère, que sont, auprès de ces procédés, nos tnsles razzias d'A-
frique , et quelle peine nous avions à ramasser quelquei
boudjou.!
Si j'avais un conseil à donner à Voire Majesté, je la prie-
rais de méditer sur les procédés Windiscbgraeti el Radctzki :
ils méritent réellement réilexion ; el en les joignant aux movens
Irioinpliateurs avec lesquels j'ai remporté ma grande victoire
du 2'J janvier, ils amèneraient, je crois, le Iriomplie définitif
des bons principes.
J'acbcve, en annonçant i Votre JWajcsté que la réaclioa
continue à se couvrir de gloire sur toute la ligne: nos jour-
naux deviennent d'une violence réellen.ent édifiante; nos
théâtres distillent l'injure et la calomnie avec un succès qui
nous transporte ; nos argousins ont dispersé à coups de bilon
un partide factieux qui banquelait paisiblement; c'est une in-
troduction heureuse pour nos prochaiius élections. Nos mi-
nistres continuent à mériter les bénédictions de Henri V et de
Louis-Philippe: Barrol esl de plus en plus solennel. Faucher
auilacicuv, Ruffel commode, Falloux pétri en Dieu. Quant à
notre Président, il justifie toules nos prévisions, il comble tous
nos désirs, il dépasse toutes nos espérances.
La présente n'étant à autre fin, je prie Dieu, moinieui- mon
frère, qu'il vous ait en sa sainte et digne garde.
De notre château des Tuileries, le (i mars 18-19.
ChAXGARMKK-Bf.RC \M(lTrE.
CHOSES QUELCONQUES.
Vous dites donc que .M. Tliiers, que M. Bugeaud,
que M. Changarnier et que iM. MolJ sont monai-
chiqucs; diles alors qu'ils sont fous. — Quoil pendant
dix-huit ans Louis-l'hilippe a reculé devant .M. Tiiier?,
et ne l'a jamais eu pour minislre que comme contraint
et forcé, — et .M Tliiers voudrait rentrer dans les
Z.A VIX PUBZiIQUi: ET PRIVEE DE MOSSZEU &ÉAC.
Chapitre h. — Éducation morale et philanthropique. — Vocalion.
DaDsles iffa res
il fait, UD beau jo
Le lenjemaio, il a l'boDneiir de se lier avec deux
qui l'inviteot à casser, en compagnie, le cou à un hareng saur
el à vider une âole à quinze.
Et ce soir-là, enchanté
relations s'établir et l'avenir se
dorer pour lui, il fait un beau rêve.
lison).
, [La suite à la proche
270
REVUE COMIQUE
On dit qu'Us ont beauconp de cœur, ces citoyens; c'est possibli
faut toujours qu'ils aient un fameux estomac
voies monarchiques, où l'antipathie qu'on inspire à un
homme suflil pour vous éloigner de toute participation
aux affaires pendant foute la durée d'un règne.
Mais, supposez la famille d'Orléans rentrée en France,
elle ou une autre famille royale; je veux, avec vous,
que pendant deux mois elle subisse la loi de ceux qui
l'auront ramenée ; mais ces deux mois, ces six mois
expirés, si vous le voulez, se voyant bien décidément
assise aux Tuileries, que croyez-vous qu'elle ait de
mieux à faire, si ce n'est de reprendre son libre arbitre
et de se débarrasser de la tutelle de ceux qui feraient
peser sur elle le poids d'un protectorat que des rois ne
sauraient accepter franchement?
Qu'a fait Louis-Napoléon peur M. de Girardin qui
Ta nommé bien plus et bien mieux surtout que
M. Thiers,lequela voté pour lui en le ridiculisant? lien.
— Il n été ingrat. — L'ingratitude est une loi de salut
pour les princes. — C'est celle qu'ils ne violent jamais.
Attendez que la législative vienne, que M.M. Thiers,
Bugeaud et Mole s'entendent enfin pour faire un 'mi-
nistère, et vous verrez si, quand la République sera
à eux, ils trouveront que cette forme de gouvernement
est mauvaise, et qu'il faut la renverser. — La République
est impossible, je le crois bien M. Thieis n'est pas pré-
sident,— M. Bugeaud n'est pas président, — M. Mole
ne l'est pas non plus, et n'a pas même l'espoir de l'être.
Bouleversez donc ce pays, et remuez-le jusque
dans ses fondements, faites un amas de ses décombres
jusqu'à ce que, par le hasard des révolutions, ce grain
de sable, qu'on appelle M. Thiers, ce pavé qu'on ap-
pelle M. Bugeaud, et cette vieille dame qu'on appelle
M. Mole, puissent se trouver tout à fait au sommet.
Quant à ce qui est de M. Changarnier, il n'est qu'un
moyen dans les mains de M. Thiers, un contre-poids à
M. Bugeaud, un lest dans une balance. N'en parlons pas.
— On racontait devant Béranger et Dupont de
l'Eure l'affaire Carraby : «Il sera sage maintenant,
dit Béranger à son vieil ami, avant d'entrer dans une
maison, de s'assurer qu'elle n'est habitée que par des
rosières, b
— Voilà M. Mortier bien attrapé ! l'ingrat qu'il a
rendu célèbre lui met sous le nez une lettre de poli-
tesse que ledit comte Mortier lui aui-ait écrite dans un
temps où il n'aurait pas encore pu apprécier tous ses
mérites. Le jeune Dandré joint à cette lettre un certi-
ficat de bonnes vie et mœurs, à lui délivré par
M. Drouyn de L'Huys. Si jamais M. le comte Dandré
cherche une nouvelle condition, ce papier pourra lui
servir : cela complète bien un livret.
Pendant que M. Drouyn de L'Huys y était, pourquoi
n'a-t-il pas certifié que .M. Dandré savait l'orthographe !
— La séance de jeudi a été nulle, disent les journaux ;
quel est son résultat, à quoi aboutissent ces interpella-
tions adressées au ministre des affaires étrangères? —
Messieurs les faiseurs de premier ou de second-Paris
ignorent sans doute une chose, c'est que ce qu'on lit le
moins en province et à l'étranger dans un journal, c'est
précisément cette première page des journaux qui con-
tient selon eux, mais selon eux seulement, l'alpha et
l'oméga de la politique. Le résultat de la séance, le voici:
Le discours de M. Ledru-Rollin, discours étudié cette
fois (le Journal des Débats le reconnaît lui-même), ce
discours sera lu et commenté, et il vaudra ce qu'il vaut
pour ceux ijui le liront, indépendamment des critiques
des premiers-Paris. — Celui de M. de Lamartine, qui
contient, au milieu de beaucoup de désordre de paroles
et d'idées, ceci : « La politique de mon manifeste a
été : Point d'intervention, pas plus la nôtre que celle
des autres puissances; liberté entière des peuples
A L'USAGE DES GENS SÉRIEUX.
271
Ce n'est rien, mocsieur, c'est tout simplement
petite indigestisn socalisle.
Poufse-café fourni gratis par le Gouvernement ai
pour la cause sociale.
: estomaciqui travaillent
qui voudraient changer la forme de leur gouverne-
ment; » et enfin les paroles du général Cavaignac, qui
a dit : « Nous sommes restés fidèles à la politique du
Gouvernement provisoire, » c'est autant de barrières
élevées contre les faiblesses de M. Drouyn de L'Huys;
ces barrières peuvent être une arme dans ses mains,
s'il sait s'en servir. Il peut dire aux puissances étran-
gères : « Si nous consentions à vous laisser intervenir
en Italie, nous tomberions devant la volonté du pays. »
Ce fils d'un cafetier qu'Agen prit sous son aile,
Bérard, que le parti radical a biffé,
A dit à la tribune, hier: « Je m'en rappelle. »
C'est un peu irjp fort de café!
LES FAUCHEURS DE L.\ RÉPUBLIQUE.
Air : Bonjoar, tnûn ami Vincent.
On dit qu'on prit aulrifoi?,
A l'époque régicide,
Pour seule sanction des lois.
L'acier d'un glaive homicide;
Mais nous, gens de plus douces mœurs.
Nous, dont le pouvoir charme tous les cœurs,
Pour dompter les factions perfides.
Une .'impie faux arme noire bras;
Et nous fauchons haut, et nous fauchons bas.
Et nous fauchons tant, qu'il u'ea reste pa<'.
Cet outil prodigieux
Dont s'arme la République
Représente à tous les jeux
La sécurité publique;
S'il se fait du bruit nous le redoublons ,
Si l'ordre renaît nous le retroublons.
Et nous exploitons la terreur panique
Pour sortir gaîment de tout erabairas;
Et nous fauchons haut, et nous fauchons bas,
El uous fauchons tant, qu'il n'en reste pas.
Des arbres de liberté
Qu'on voit à regret en France,
Font avec impunité
Un appel à la licence.
Odieux souvenirs de ces jours d'horreur
Où le peuple-roi nous faisait si peur,
Délruisons-en jusqu'à la semence.
Et pour que jamais ils n'en poussent pas.
Fauchons-les en haut, fauchons -les en bas.
Fauchons-les si bien qu'il n'eu reste pas.
Ces affreux républicains,
— Vraiment l'audace est unique! —
Osent se croire certains
De servir la République.
— Mais vous l'avez faite, et c'est bien assez!
C'est nous qui régnons, vous, obéissez!
Si nous acceptons ce régime inique
C'est pour en jouir et le mettre à bas ;
El nous faiichons haut, et nous fauchons bas,
Et nous fauchons tant, qu'il n'en reste pas.
0 p'.uple républicain,
Comprends enfin ce langage :
Ta victoire est leur buiin,
Ton pouvoir est leur partage.
Tous ces braves du lendemain
Que longtemps la peur courba sous ta main.
Ta longue clémence, ils s'en font un gage
Pour saper ton œuvre, en lâches ingrats :
Ils fauchent en haut, ils fauchent en bas.
Ils fauchent si bien qu'il n'en reste pas.
V. D.
MONSIEIR LE COMTE MOLE.
Mo'é sut tour à tour et servir et tromper
L'Empire et les Bourbons, ligne aînée ou cadtlle :
En revenant sur l'eau, celte vieille coquette
Toujours à qu' Ique branche a pu se rattrapper!
Aujourd'hui ini^jne cncor, chef d'une coterie,
De nos petits Numa c'est, dit-on, l'Égérie;
Sa bouche les inspire... En ce cas, je le crains.
Ses conseils ne sont pas des plus républicain';;
Car, bien que ci-dessus on lui voie une cotte.
En bon compte, Mole n'est pas un sans-culoUe!
DcMiDé par fabriizivs.
!, lOULiVAnn hes iiai if
;SO ceutiiiiCM lu livrulMoii.
nditions de la Sonsoripiion. — La Rette comiqce formera un magnifique Tolame, grand in-8, publié en 50 livraisons à 50 cenlimei,
aria poste, -40 cent. On sous<Tit pour 10 lirraisons. Pour les départements, envoyer un mandat sur la poste, à l'ordre du directeur de la
Ievie. — Pour tout ce qui concerne la rédaction, écrire [franco] à M. Likecx, au bureau de la Revue, 2, boulevard des Italiens.
suMureaAT. EsxTsva, auE elich£z.iett, 52.
d9« Livraison.
AVIS AUX JOURNAUX DE FAHIS ET DES DÈPADTEIWEKTS.
Nous aulitrisons la reprodiulion des articles contenus dans la Iteme comique, à la condition :
1» De citer la Revue en lui empruntant ses articles;
2° De liuiiler, par cluique semaine, la reproduction au tiers des matières contenues dans cluuiue numéro.
AYIS
AUX SOUSCRIPTEURS BE LA REVUE COMIQUE
Pour répondre au désir exprimé par un grand nombre de souscripteurs, qui Irouvaienl
fâcheux que, pour ne pas décompleter la collection des dessins parus jusqu'à ce jour, ils pussent
être dans l'obligation de faire brocher oti relier les couvertures qui se reproduisent d'une faijon
uniforme toutes les seize pages, nous reporterons dans l'intérieur de la livraison le dessin que
nous donnions ordinairement sur le verso de nos couvertures. De cette façon, ce dessin ne se
trouvera plus perdu poin- le volume complet, qui pourra être broché sans ce premier feuillet.
La pagination a été disjtosée pour que celte suppression puisse se faire sans inconvénient.
Toutefois, pour que cette nouvelle disposition n'enlève pas au volume conqdet les dix
grandes gravures publiées jusqu'à ce jour sur le verso des couvertures, nous donnerons, avec
la dernière livraison, ces dix gravures en supplément.
Le dernier feuillet de la couverture, formant la dernière et l'avant-dernière pages de chaque
livraison, devra être relié avec l'ouvrage complet dont il ne peut être détaché sans intervertir
l'ordre de la pagination.
SOMMAIRE DE LA DIX-NEt'MÈME 11 VP, Al SON.
TÇXTl,
La Semaine. — Les Centimes décoill'és. — M. Rulhièros — Une Commande impérieuse. — Profession de Foi légitimiste. •
Si Dieu le voulait! — Le Loto asiatique. — Orlliograplie de Cavalerie. — Choses quelcomiues. — La Marée montante.
Dessinaleurs.
Scènes DIPLOMATIQUES. Ce piys me botterait „ .'„'°, °.""
Réponse dudit pays Q.i.lk-nbois.
ScÉsES POLITIQUES Le représeiilant ot répouse r?"',',°' ,.'"^'
Joie de vieilles filles ^"
, , . Berta:i.
ScÈ.SES ARTISTIQUES.... Le prop.ie.e Nadard.
Une dame maigre •
Baulunt.
Baulant.
Baulant.
Baulant.
Riaulx.
Bouduvill
LA VIB PUBLIQIE ET PUIVÉE DE MOSStEU REAC.
Chiipllre III. ~ La fortune so.irit à ses effur/s industriels ft philanthropiques.
Feuilleton au crrivoii par Nai>aiiii, gravé |i.'ir Baulant.
MONSIEUK DEWOY.
Tjiepar Fabrilzius, gravé par Baulant.
Paris.— Tirée iu« preist» m«canii|aes de LitlAMF» fd- «1 fomp., rue Damielle, l.
LA SEMAINE.
Heureuv PtUit-Bourg ! Les révolutions emportent les
rois, et lui laissent toujours des patrons. Après le duc
d'Orléans et le duc de Nemours, Petit-Bourg se pare
du nom de Louis Bonaparte; il inonde Paris de ses affi-
ches et de ses billets de bal placés sous l'invocation du
Président de la République.
Si la bienfaisance seule trouve son compte à ces ré-
clames, nous n'en sommes pas fâchés, mais un peu d'es-
prit et de pudeur est nécessaire, même dans une œuvre
de charité, et nous voudrions que l'administration de Pe-
tit-Bourg en mit davantage dans la rédaction de son pro-
gramme. Cette association, qui est composée de tant de
philanthropes , n'aurait-elle pas un homme de goût
parmi ses fondateurs ? Qu'on l'investisse à l'avenir d'un
pouvoir discrétionnaire, et qu'on le place à la tète du
département de l'affiche.
C'est une chose si importante que l'affiche dans
l'œuvre de M. Allier! Ainsi nous lisons sur l'affiche du
bal que la colonie de Petit-Bourg doit donner au Jar-
din-d'Hiver la phrase suivante : « Au milieu de l'hé-
micycle sera élevée une magnifique loge où l'or, la soie
et le velours se disputeront l'espace. » Celte loge, avons-
nous besoin de le dire, est destinée au Président de la
République et à ses invités.
Eh bien ! je ne crains pas de l'avouer , cette loge me
fait l'effet d'un trône ; l'or, la soie et le velours ont
beau s'y disputer l'espace, c'est sur le trône de la
réclame que l'on asseoit le Président de la République;
c'est comme appel, amorce, excitation à la curiosilé
publique qu'on met en avant le chef de l'État, c'est le
pn'rrenez vos billets du saltimbanque placé sous le pa-
tronage présidentiel. Parmi les lots gagnants, on de-
vrait mettre une stalle dans la loge où la soie, l'or et le
velours se disputeront l'espace.
Il faut que le Président de la République représente !
C'est le cri d'un grand nombre de gens qui ont plus de
monarchie que de logique dans l'esprit. Plaçons donc
le Président sur des estrades, donnons-lui cinquante
mille francs de plus par mois pour représenter; mais
représenter quoi? Où commence et où finit la représen-
tation? Qu'est-ce que la représentation?
La représentation, me dira-t-on, c'est la dignité ex-
térieure et intéiieure de la vie; est-ce que six cent
mille francs ne suffisent point pour cela, quand on a
loyer, domestiques etclievaux, et tous les menus frais de
sa Jnaison payés en dehors? On allouait un million par
mois à Louis-Philippe dans cette intention, et Louis-
Philippe se prétendait trop pauvre pour entretenir ses
enfants. Je défie qu'on fixe la limite où commencent
et où finissent les frais de représentation. Was-
hington représentera admirablement avec cent mille
francs; Louis XIV videra les coffres de l'Étal. Tout dé-
pend des hommes et des institutions. Si le Président
veut toujours avoir soixante chevaux dans son écurie,
des centaines de domestiques, donner sans cesse des
fêtes, des bals, des dîners, avoir des journaux à sa
solde, une petite police spéciale pour sa personne et
contre ses ministres, le Président sera toujours pauvre,
même lorsque, outre son traitement, MM. Odilon
Barrot et Léon Faucher, de leur autorité privée, lui
alloueraient encore plusieurs millions.
Mais vous ne voulez donc pas que le président en-
courage les arts, favorise le commerce et l'industrie?
Sous la monarclne, à l'époque où il existait encore
des classes privilégiées, l'exemple du luxe et des en-
couragements aux beaux-arts pa'tait de la cour et de
la noblesse ; mais aujourd'hui c'est du luxe et des en-
couragements de tous que le commerce et les beaux.
274
REVUE COMIQUE
arls doivcMit faire dépendre leur prospérilé. C'est par
son ailiiiiiii?lration que le pré^sident doit s'atlaclierà
activer les progrès de tous les genres, moraux ou maté-
riels. Maintenant, si vous voulez qu'il achète des ta-
bleaux, qu'il commande des statues, qu'il offre des
diamants aux cantatrices, donnez-lui le budget de
l'empereur de Russie ou la liste civile de Louis-
Plulippe.
Ou dit que M. Louis Bonaparte n'a point, ou plutôt
n'a plus de fortune personnelle; tant pis ! Il sera bien mal-
heureux lorsqu'au bout de quatre ans il rentrera dans
Id vie privée, et qu'il ne pourra plus avoir ni soixante
chevaux dans son écurie, ni sept ou huit aidcs-de-
camp, ni des nuées de serviteurs, ni enfin cent mille
francs par mois. Cincinnatus pouvait retourner facile-
ment à la charrue ; mais il n'en sera pas de même,
nous le craignons, des hôtes de l'Elysée national. Es-
pérons pourtant, et comptons sur la force du sen-
timent républicain chez les présidents de la Répu-
blique.
La grande question, qui a longtemps occupé les dé-
libérations du conseil privé de l'Elysée national, c'est-
à-dire, de savoir si on donnerait un bal masqué ou un
bal ordinaire, a été résolue dans ce dernier sens. Les
invités de mercredi dernier n'ont pas eu à se préoccu-
per du costume. Le nombre des notabilités légitimistes
avait considérablement diminué à celte fêle. Il paraît
que le faubourg Saint-Germain se ravise; quelques-
uns de ses journaux ont poussé le cri d'alarme. Qu'al-
lez-vous faire là, madame la comtesse'? et vous, ma-
dame la baronne, que pouvez-vous avoir de commun
avec le neveu de l'usurpateur? En elTet, le public se
demandait cela aussi bien que les journaux légitimis-
tes, el la meilleure réponse à cette demande a été de
battre en retraite. Privés de cet attrait bizarre que
présentait le faubourg Saint-Germain polkant chez le
Président de la République démocratique, une et in-
divisible, les bals de l'Elysée national ne se distingue-
ront en rien de ceux que donnait autrefois M. Mar-
rast, et de ceux dont M. Berger fait les honneurs tous
les quinze jours à la préfecture.
Nous ne terminerons pas celte chronique sans vous
annoncer une grande nouvelle : M. de Lamartine, an-
cien membre du gouvernement provisoire et de la
commission executive, représentant du peuple et li-
braire, va publier un journal intitulé le Conseiller du
Peuple. Ce journal mensuel ne contiendra absolument
que de la prose de M. de Lamartine ; il en sera l'uni-
que rédacteur. Nous apprendrons en même temps au
public qu'on va jouer, au théâtre des Variétés, une
pièce en cinq actes, dont Henri Monnier sera le seul
acteur.
LES CENTIMES DÉCOIFFÉS.
«Faites disparaître tous les bonnets de la Liberté,
avait écrit M. Faucher aux prélets. » Un préfet dans
l'embarras répondit à M. Faucher :
« Je vous envoie sous ce pli un bonnet séditieux
que je n'ai pu arracher de l'endroit oii l'a placé la
main de l'anarchie. C'est pour moi un déshonneur
auquel je ne survivrai pas, de me sentir au-dessous
de ma mission. Je me brûle donc la cervelle, après
vous avoir recommandé ma femme et mes enfants. »
Effectivement, le préfet s'était brûlé la cervelle.
Nous n'en parlerons plus.
M. Faucher trouva dans la lettre un des centimes
frappés, sous le gouvernement provisoire, à l'effigie
de la Liberté, coiffée du bonnet phrygien. Ce bonnet
portait encore sur ses plis de cuivre la marque des
ongles désespérés du préfet.
A cette vue, M. Faucher s'attendrit; il donna une
larme au sort de cet infortuné fonctionnaire, auquel il
fit élever un tombeau digne de Mausole ; après quoi il
accorda une pension à la veuve et aux enfants.
Ce devoir rempli, le ministre pensa, avec effroi, au
sort qui attendait les autres préfets. « Sans doute, se
dit-il, tous les départements sont infestés à cette heure
de centimes avec le bonnet phrygien ; tous mes pré-
fets y laisseront les ongles, et s'ils se mettent tous à se
brûler la cervelle de désespoir, comme celui dont Je
pleure la perte, que deviendra la société? «
Perplexité terrible !
M. Odilon Barrot, qui entra en ce moment, trouva
M. Faucher plongé dans ses méditations. Tous deux
tinrent conseil.
c( La circonstance s'aggrave de jour en jour, d'heure
en heure, dit M. Barrot. La Monnaie continue de
frapper des centimes avec le bonnet phrygien ; elle en
frappe encore au moment où nous parlons ; elle en
frappera demain, elle en frajipera après-demain, tou-
jours, et CCS centimes, en circulant dans la population,
y fortifieront les idées anarchiqucs. Le plus pressé,
c'est de courir à la Monnaie. »
M. Barrot monta en voiture, arriva à l'hôtel de la
Monnaie, et, saisissant le balancier, il le nul dans sa
poche.
«Voilà une cause de désordre de moins, dit-il en-
suite à M. Faucher ; mais par quoi remplacerons-nous
l'effigie de la Liberté que portaient les centimes?
— Le centime est anarcliique de sa nature, répon-
dit M. Faucher ; est-il bien nécessaire qu'il y ait des
centimes?
— 11 est évidcnl que le centime est une invention
révolutionnaire.
— Combattons le centime, domptons le, terrassons-
le ; je suis d'avis de supprimer le centime. Et puis,
c'est gênant pour le commerce : cela oblige les petits
marchands à rendre la monnaie d'un sou.
Aui.i:oiiiN\r)R.
ACKivcH Dii>i.».n«riQiEn,
SCÈNES POLITIQUES
Joie de vieilles filles sur qu. les reptésentanu Tont
reporter leurs feux.
SCÉKCS ABTIBTIQUES.
Pans que S tuation délicate d'une dame
Les t.mps d« prophètes de malheur, qui u'annonçaient à Pa„s que S tuauon «""l^^^^^^ite VaVo.,u .,..^..^ ^Z tà^ '"^"°""
pU,es et bosses, soDt passés : voici ven.r le vra, prophète, I» «ma.ce g'^ «.^^^ °„,.caremî.
et celui-U est le prophète de I ha""""'"
276
REVUE COMIQUE
— Peut-être vaudrait-il mieux moraliser le centime.
— Comment?
— En remplaçant l'efllgie de la liberté par quelque
chose qui instruisit le peuple et lui inspirât une juste
vénération pour les ministres.
— C'est une idée. Je serais d'avis (pie l'on mit voire
effigie sur les centimes à la place de celle de la liberté.
— Ah ! collègue, que l'on y mette plutôt la votre !
Cet honneur vous revient de droit.
— Non, c'est à vous.
— Allons Jonc !
— Si nous y mettions l'cfllgie du préfet qui s'est
brûlé la cervelle?
— Peut-être vaudrait-il mieux y graver un svmbole
représentant l'économie politique ; nous ouvririons un
concours auquel prendraient part tous lesdessinatenrs ;
et, du même coup, les arts se trouveraient encouragés.
— Autour de l'effigie, on pourrait graver quelques
maximes économiques capables de révéler au peuple
les véritables principes sociaux.
— Ce ne serait pas gai,
— Au contraire ; l'économie politique est ce qu'il y
a de plus réjouissant au monde ; mais il faudrait qu'elle
fut professée au collège de France par AlciJe Toiisez.
— On ne peut pas mettre Alcide Tousez sur les
centimes.
— On n'y peut pas mettre non plus un premier-Pa-
ris du Constitutionnel.
— Ni un pot à eau.
— Ni une bassinoire.
— Ni une botte d'asperges.
— Ni des fleurs de lys.
— Terrible problème ! »
Les deux ministres sont encore en proie à leurs per-
plexités, et la fabrication des centimes à la Monnaie est
suspendue jusqu'à nouvel ordre.
M. RULHIERES.
On dit (pie .M. le général Rulliières, ministre ac-
tuel de la guerre sons la République, a élc aiilrefois
le favori de M. le duc d'.\ngoulènie, comme il a été
depuis celui de Louis-Philijipe et de ses lils, et que
si ses différents maîtres n'ont pas eu à se louer de sa
tout à conp transformé en conquérant, et qu'il s'en
alla, bon gré, malgré, guerroyer en Espagne, il remar-
qua M. Rulhières, qui commandait alors un bataillon.
Un jour, jour heureux, M. Rulhières enleva, à la
tète de son bataillon et à la pointe de son épée, une
fidélité, ils ont toujours rendu justice à la souplesse de I redoute qu'on appela le Trocadero, et qui devint d'a-
son caractère et de ses sentiments. i venture le plus beau titre de gloire du général en chef.
Voici, assure-t-on, l'origine de sa première fortune. C'était .\u5terlitz, c'était Wagram, c'était Eylau, moins
Lorsqu'en 1823, M. le duc d'Angoulême se trouva I le canon et le carnage. Quelques coups de fusil avaient
Z.A VIE PUBLIQUE ET PRIVEE DE MOSSIEU REAC.
ChaP. ni. Lajnriunc snuril a ses efforts ùtdusiriels et philanthropiques.
En effet, les temps des chemioa de fer étant Te-
nus, le (ligne Ravaecorff, qui a besoin dun
hom
t pas
goifique, et le lance
paille et de confiance, gredin, ma*
. p depopu-
"" '*" mR-
goifique, et le lance sur ;« baron de Vaumornë
de Ccurlevue, gentilhomme angevin.
En cffpt, le baron d
pentilhoinrre argevin, se déclare ronvainru,
réalise i^a fortune placée en mauvaises rentes
5 0/0 et en vir^e le.montant dans la caisse du
chemin defer de CRACOViEà M 'Naco — avec
embranchement sur AdADAGASCAit.
n effet, — métamorphose facile à prévoir î —
mos^it-u Ré^c annonce bientôt au baron de
Vaumorné de Courtevne, pen'ilbomme ange-
vin, que ses fonds ont été absorbés par les frais
d'installation, de publicité, et autres étude»
préparatoires, — et lui dit d'y «lier voir.
A i;i!SAGK DKS GliN'S S|:;niKlIX.
277
('■11' lii'i's |i.\i- piiii' (■iiiiilnivic et |iiiiii' f.nio croire au
l)riiue hullujULMix ciu'il :i\.iil [iii cuuiir (|iii'liiiu's dan-
gers sur les Jt'rriércs (le l'ariiiéo où il s'était pruileiii-
iiient rctraïu'lié. (les coups de fusil relculissaieut à ses
oreilles, vier};es do tout hruil de guerre, et il s'ima-
gina que M. Hulliières avait bravé les plus grands pé-
rils pour mettre à ses pieds ce Trocadero, olijet de tous
ses désirs.
Il lui en témoigna sa royale satisfaction par quel-
ques-unes de ces paroles vides et sonores (|ue tous les
Bourbons ont Iraditiniinellement au service des dévoue-
ments dont ils sont l'objet.
iM Uulliières ne parut pas content, il s'attendait à
mieux. Cette modeste victoire, à laquelle il avait con-
tribué avec tant d'autres, ne lui parut pas suffisamment
récompensée. On conseilla au prince de ne point s'en
tenir là; il y ajouta un grade et je ne sais quelle déco-
ration, qui gagnèrent à lui et à sa cause le nouveau co-
lonel : « Mon prince, c'est entre nous maintenant à la
a vie et à la mort, » s'écria-t-il dans l'elfusion de la
reconnaissance.
On ne pouvait mieux dire. C-ela sentait son gen-
tilhomme et son serviteur dévoué. De ce jour, il y eut
entre les deux vainqueurs du Trocadero un échange de
bous procédés, de services rendus. I.orsciii'on vantait
un oflicier do l'armée à M. le duc d'Angoiilème, il
M'piiiiilait [(jujniMS invariablrment ; J'itiiiie mieux
/Int/iirrcs.
Cette touchante inlimité iluia jusqu'en 18W.
M. Uulliières n'eut [las un mniuent la pensée de dc-
M'iiii- un ami infidèle; il ne pouvait pas moins faire
pour un |)rince que sa naissance plaçait sur la der-
nière marche du trône, comme on disait alors, et qui
le comblait de bienfaits; mais quand le trône fut ren-
versé, et avec lui le général en chef de l'armée d'Es-
pagne, M. Uulhières se crut à moitié dégagé de son
serment. 11 pensa en mourir de douleur, mais il
en revint, et consacra ce qu'il put sauver de sa vie
au service du cousin de son i)rotecteur. Son dévoue-
ment ne sortait pas de la famille. Il y a des accommo-
dements avec le ciel et la politique.
Mil huit cent quarante-huit le trouva donc encore
sur un bon pied à la cour. La République se montra
d'abord sévère pour lui ; mais il fit si bien, qu'elle a
fini par l'agréer, et qu'ils sont au mieux ensemble
maintenant. Est-ce que, telle que nous l'a faite le mi-
uislère de M. Rulhières, elle serait quelque peu cou-
sine de ceux qu'il a tant aimés?
UNE COMMANDE IMPÉRIEUSE.
« 11 ne faut pas que vous vous mettiez dans le tou- 1 — Mais cnlin, répondit Léon Faucher, qui èles-vous
pet, mon cher monsieur Léon Faucher, que les choses pour me parler aniM?
pourront toujours aller comme ça. | — Qui je suis? Vous faites semblant de l'ignorer.
IiA VIE PUBLIQUE ET PRIVÉE DE MOSSIEU REAC.
Chap. III. Lajortune souril à ses efforts inilustrieis eL philanthropiques.
Le digne RavageorfFet mossieu Réac
rédigent la liste de leur conseil
d'administration, composé d hom-
mes honorables mais connus.
CHEMIN DE FER DE CRACOVIE A MONACO
.\\it (DibraiitiieniPiil sur M.idajasf.ir.
COnPAGKIE TOLLOSiPlfiE DE BREST
ConsUD'! pat Jtlt jaisé devant K' JUCDOES FffiRftSD, Dilaiit ie lalilt tafîjiit
Pour raccomplissement de cette t-nlreprise gigantesque, réclamée im
pe lei senunt i ar le commerce des deux mondes, et la plus admirable
roncpti. a du XIXe siècle, les fondateurs font appel au patriotisme
ec aire des capitalistes français et étrangers.
Capital Social: 800,000,000 de Francs.
En cat de mm eoncrssjctri.rimbaursemcnl IMECn»!. ,liscap:taul reriét. iCCRLS
dit mlerfls çut h Conseil iAdmimalr„lwn avra pu faire produirt
îois la :tii!t dèinction iîs frais i'admiislralin, étndis, elt,, tfii sinnl re'jles [ar II CujwI
Conseil iradmlDlstraiIon :
Président : M le vice-amiral ToCLOsPlcs i e Brest, pair de France, grand
oflicier ('u Fa:con ravageur, membre de plusieurs ordres élrangci-s.
■-président : M. le penéral baron D'EsrnnorEviLMEns. officier super eur
■ ■ ■ ■' ■ ™,1 ,,,,li, ,! \ il, .1.,. iihimcc.
t il; -- .>\ II; M. PoissT, propriel
,c 1 I '.Il iinE-roiLS, de I V-
I Membres honoraires :
Le duc de Pihcbmjb , irrand' croii iL
I Tordre roj.il du Condor [fcn^
Sidi-Ahmbt, grand «Isir.
de géi
deur du
HH. le
FouL
: d'AL'i
. propr
libre duc
:il L
[oa,
Mandriȏs ns Grippesac,
du conseil général de la Gl
IlE CnÊFARCBCB, Tenlicr.
De la Roquette, ancien notaire, pro-|Feu Colbert, ancien mmislre.
JacqcbsCoecr. ex-argenlicr de S. M.
I le roi de France.
protecteur des a
Banquiers de ia Scc'été ;
MM. CiilPPiEU, LEOaiîlcHEU cl RAViSEonrF.
ON SOUSCRIT AU SIÈGE DE LA SOCItTÉ, RUE DE LA LUNE, 13.
Et l'affiche ci-dessus est pUcartéi à lO.CCO cicopla
Et M. Polydor Boufbien, agent de
change de la compagnie, comman-
dant de la garde nationale et dé-
coré de la légion d honneur, —
dites-moi pourquoi, grand Dieu ! —
est chargé d'allumer l'actionnaire.
278
REVUE COMIQUE
Je suis, monsieur, un dos délègues de la société pour
la propagation des idées napoléoniennes Nous nous
sommes constitués sous le nom de société Aide-toi,
Burrut t'aidera. Le comité envoie des délégués auprès
de diaque ministre, et je suis chargé de sa part de
vous dire qu'il est très-mécontent de vous.
— De quoi se plaint-il donc?
— A la dernière séance, un des membres de la so-
ciété Aide-loi, Barrât t'aidera, a pris la parole et a
demandé ce que vous feriez.
— J'ai sauvé déjà vingt-deux fois la société depuis
que je suis entré au ministère.
— Ceci est une affaire à régler entre la société et
vous. Notre but est, comme je me suis fait l'honneur
de vous le dire, la propagation des idées na[)oléonien-
nes. Voyons, qu'avez -vous fait pour les idées napo-
léoniennes? Rien, mais rien, rien, rien.
— Et que voulez-vous que je fasse?
— Propagez les idées napoléoniennes.
— Comment ?
— Cela n'est guère difficile, et voici un moyen que
la société Aide-toi, Barrot t'aidera, m'a chargé de vous
recommander.
— Voyons.
— En qui sont incarnées les idées napoléoniennes?
— Dans le Président de la République.
— Bravo! Or, en propageant le Président de la Ré-
publique, on propage les idées napoléoniennes. Que
dites-vous de ce syllogisme?
— Il est parfait; seulement comment peut-on s'y
prendre pour propager un Président de la l'épulilique?
— Décidément, Faucher, vous n'êtes pas fort. Rap-
pelez-vous ce que faisait Louis-Philippe pour propager
les idées monarchiques. Il faisait faire son portrait, il
inondait les quatre-vingt-six départements de son buste.
La société Aide-toi, Barrot t'aidera, demande que
d'ici à un mois il n'y ait pas un seul conseil municipal
dans toute la France qui ne délibère en présence du
Président de la République. Nous voulons avoir, pour
me servir du style élo(iueut et imagé du père Âymès,
une montagne, une avalanche, un déluge de porti'aits
du Président.
Sans compter les bustes pour les bibliothèques, les
statues simples pour les villes de second ordre et les
statues équestres pour les villes au-dessus de cinquante
mille âmes. Tel est le programme de la société Aide-
toi, Barrot t'aidera.
— Et les fonds pour paycrces portraits et ces statues?
— Vous les prendrez, mon cher Léon, vous les
prendrez.
— Où?
— Où vous voudrez, parbleu. Tout ce que nous sa-
vons, c'est qu'il nous faut nos portraits et nos bustes
dans un mois, ou sinon la société avisera. La congré-
gation des idées napoléoniennes a le bras long, et elle
pourrait bien vous le faire voir. Je vous laisse réfléchir,
monsieur le ministre, et n'oubliez pas notre devise :
Aide-toi, Barrot t'aidera.
Le délégué partit laissant M. Léon Faucher plongé
dans une méditation profonde. Elle avait pour but la
IiA VIE FCBI,IQDE ET FHIVÉE DE MOSSIEV HÉAC.
Chap. ui. Lajortune souri/ à ses efforts industriels et philanthropiques.
Les jolis petits acliooaairet arrivent en foule.
Mossieu Uu.li; ^iijiiuij.u auxjulis pctiU i t onnairus q» il n'y a plus
d'actions au bureau. Tout a étu enlevé, et il Tient a l'instant même
encore d'en refuser lOQO au roi de Maroc.
A L'USAGE DES GENS SÉftlEUX.
279
commande de bustes et de statues exigée par le co-
mité de la propaganJc des idéi's nupoléunieniies. Il pa-
lail ipii! M. l.i'oii Faudier est parvenu à aplanir tous
les obstacles. On a |)assé un niarilié avoc trois peintres
qui se ch.irgoiit do livrer à des prix nmdérés quinze on
vingt portraits du Président par jour, ressenililancc
garantie. Ces peintres tâcherons, malgré l'arrèlé du
Gouvernement provisoire qui abolit le marchandage,
ont traité avec d'autres peintres et les ont embauchés
pour ci'Ite entreprise.
Ayant appris ce résultat, le délc'gué s'est présente
au ministère de l'intérieur pour oiïrir à M. Léon Fau-
cher les félicitations de la société l)ona[iartisle Aide-
Mi, Burntt t'aidera.
PROFESSION DE FOI LEGITIMISTE.
L'i nion s'est un peu Irop pressée de révéler le se-
cret du parti légitimiste, qu'il aurait été plus prudent
de garder jusqu'après les élections.
C'est ainsi que la femme de l'homnie qui disait avoir
pondu un œuf, se livra à des commérages intempestifs
dans son quartier. Remercions l'inion d'a\uir donné
carrière à sa langue.
Nous savons maintenant que le parti Icgitiniislc
espère une nouvelle invasion de Cosaques ; il attend un
nouveau 181,">, suivi d'une nouvelle Sainte-Alliance.
On n'en avait jamais douté, mais il est bon que ce
vœu soit nettement exprimé, comme W îaW. l Union
dans son numéro de lundi dernier, où elle blâme amè-
rement la neutralité observée par l'Europe, relative-
ment aux pouvoirs de fait qui se sont brutalement éta-
blis dans ces derniers temps, sur la ruine des pouvoirs
de droit.
a Nous ne disons pas ceci tardivement, &\oMie l'Union,
car nous l'avons dit vingt ans de suite. » Ici le journal
légitimiste perd la mémoire. C'est tout justement le
contraire que disaient les feuilles du droit divin, lors-
qu'on les accusait de compter sur une intervention
étrangère pour la réalisation de leurs espérances.
«Quelle calomnie! s'écriaient à l'unisson toutes les
Gazettes, les Quotidiennes et les Unions monarchiques
de Paris et de la province, nous, invoquer le secoui-s
des baïonnettes russes! Allons donc. Nous n'avons
qu'une devise : Tout pour la France et par la France ! »
On sait maintenant à quoi s'en tenir sur celle pro-
fession de foi chevaleresque. «Tout par l'étranger! »
Tel est le cri patriotique des modernes lils des croisés.
Le faubourg Saint Germain espère voir une fois en-
core les Russes à Paris. Quoi d'étonnant? Les deux
premières invasions lui ont laissé d'assez doux souve-
nirs. On raconte que les oflicier» cosaques étaient de
beaux hommes et qu'ils connaissaient le mot mysté-
rieux qui ouvre les portes des boudoirs. Mais laissons
ces souvenirs de galanterie internationale. L'impor-
]bA VIE FUBUQUX ET PRITES SX MOSSIEU BXAC.
Chap. III. La fortune s^uril à ses efforts industriels el p/iilanlhropiqucs.
L*s jolis petits actio
bienlecœij_
Le baron de Vaumomé de Counevi,
ne tardeat (as à se dire que ce qui ist si fort recherché doit être bien bon. — Oh ' que mrssieu Réac connaît
' — Ils coureot acheter à tous prix les actions, qui montent rapidement à l.J'K) fr. de primes,
ce même gentilhomme angevin, rejeté sur le troisième plan, et qui n'a plus un traître sou, ne regrette en
est instant sa fortune que parce qu'il ne peut courir acheter, comme tout le monde, de ces précieuses action'.
280
REVUE COMIQUE
tant c'est que le parti IcgUimisle, renonçant à ses roue-
ries empruntées d'Escobar, entre enfin dans une ère de
franchise que semble inaugurer l'article de VL'/iion.
Cela vaut mieux que de voir M. Bugeaud par exemple,
crier ]'ive la Ih'publique Démocratique! à Si Etienne,
après l'avoir calomniée à Lyon.
On se rappelle que Dieu avait ordonné à M. d'Ar-
lincourt d'écrire une brochure légitimiste. Dieu le
veut! s'écria M. d'Arlincourt ; et ce cri, qui fut autre-
fois celui des preux, servit de titre à sa brochure.
A cette occasion. Dieu vient d'être accaparé par les
légitimistes et par le papetier du passage Choiseul, qui,
dit-on, est un ancien preux.
Quand on s'arrête au vitrage de ce preux papetier,
on en a pour une heure à admirer les variantes du
litre de la brochure de M. d'Arlincourt, qui se détaille
actuellement en romances.
Dieu l'a voulu ! dit un de ces papiers à musique.
Dieu le voudra! répond l'autre.
Si Dieu le voulait ! ajoute un troisième.
Dieu l'avait voulu! s'écrie un quatrième papier,
musique de M. Chose, paroles de M. Machin. Le parti
légitimiste est modeste, du moins quant à ses artistes ;
On raccole ce qu'on peut. Il a, pour chanter ses espé-
rances, des musiciens qui jouent de la vielle, et pour
reproduire les types qui lui sont chers, des artistes qui
dessinent avec des allumettes sur du suif.
On est sur de rencontrer toujours devant ce magasin
trois ou quatre amateurs de rébus, qui cherchent à
s'expliquer les titres de ces romances. Qu'est-ce que
SI DIEU LE VOULAIT !
Dieu a voulu? Qu'est-ce qu'il voulait? Qu'est-ce qu'il
voudra? Grand prûblcme 1 Ah ! si Dieu voulait que je
comprisse la volonté de Dieu! Mais c'est bien assez
qu'il ait donné des explications à M. d'Arlincourt et
quarante-huit éditions à sa brochure!
Ces romances sont flanquées de gravures, par les ar-
tistes que vous savez, repiésentant Henri V, d'abord
au naturel ; puis, sous les déguisements de Henri IV
et de Charles Vil, idée ingénieuse, et que Dieu a
voulue. Le dieu des légitimisles ne parait pas être bien
diflicile en fait d'esprit et d'allusions.
Comme je passais hier devant ce magasin. Dieu
voulut que j'eusse la pensée d'interroger la marchande
d'oranges établie presque en face du papetier.
— Madame, lui dis-je, c'est sans doute à une preue
que j'ai l'honneur de parler?
— Une quoi ? s'il vous plaît?
— Une preue; ce mot n'a rien de blessant, au con-
traire ; les preux sont des gens de la meilleure compa-
gnie ; M. d'Arlincourt est un preux ; ce passage, à ce
qu'il me semble, est le passage des preux.
— Nous n'avons pas ici de gens de cet état, à l'ex-
ception du papetier, qui est un bien brave homme.
— Cela ne l'empêche pas d'être un preux; mais,
XiA VIE FUBZiIQITE ET FKIVEE DE MOSSIEU REAC.
Chap- iu. La fortune sourit à sen fi^orts industriels el philanthropiques.
Il faut dire que m'.saceu He .t, outre la banque de
son agent de change et les manœuvres rerra--
quabies de ses innombrables courtiers, n'a pa»-
négligé de faire hommage de quelques actio» s
i mademoisi^lle Loulou MouillefarlDe {àxlela
CigoU turbuUnU], jolie danseuse, qui a ro-
reille du ministre. — si j'ose m'expnmer ainsi '
..non plus qu'au célèbre journalisie Blapagnac,
de Marseille, qui a prouvé et démontré tant
qu'assiz dans son estimable journal...
! l'affaire est parfailcroenl clairi
A L'USAGE DES GENS SÉRIEUX.
281
puisque Dieu a voulu que vous vendissiez des oranges
dans ce passage et que vous eussiez des inpiioits d'a-
mitié avec le seul preux qui existe dans la papeterie,
vous pouii-ez peut-être iu'expli(|uer ce ([ue Dieu a
voulu révéler aux liouiines dans les romances du pape-
tier, votre voisin.
— Faudrait lui demander ça à iiii-uième.
— A qui? A Dieu ou au papetier?
— Au papetier.
— Voyons, bonne femme, n'essayt-z pas de me trom-
per ; il est inipossiliie que le papetier ne vousait pas donné
quelcpic explication à ce sujet. Parlez, Dieu le veut!
I.a marchande d'oranges parut fort emliarrassée.
— Je ne dis pas, reprit-elle, que nous n'ayons pas
causé quel<juefois de cela avec le papetier, mais je vous
donne toutes mes oranges pour rien, si j'y comprends
lin mot. Il y a bien encore un monsieur qui vient de
temps en temps en causer avec moi, tout en marchan-
dant mes oranges; c'est un monsieur qui a son portrait
chez le papetier, au milieu des romances.
— Il a son portrait chez le papetier? Mais, dites-moi,
n'est-ce pas aussi un preux?
— Je crois que oui.
— Alors ce ne peut-être que M. d'Arlincourt.
— Justement. Ce monsieur vient donc régulièrement
tous les jours, passer deux heures devant le vitrage du
papetier, à regarder son propre portrait. — Ma bonne
lame, me disait-il encore hier, vous savez sans doute
]ue Dieu le veut.
- Parbleu ! que je lui réponds.
— Puisque c'est aussi votre idée, vous ne serez pas
étonnée de le voir reparaître.
— Uni!
— Celui qui s'en est allé, parce que Dieu l'a voulu,
qui est dans l'exil parce que Dieu le veut, et qui est
bien près de revenir parce que Dieu le voudra.
Je crus qu'il me parlait de M. Caussidière qui est
dans l'exil. I,e papetier vint alors nous rejoindre.
— Celte vertueuse femme, dit le monsieur au pape-
tier, pense très-bien ; elle est remplie de conliantc en
Dieu.
— ^ous sommes tous pleins de confiance en Dieu
dans ce passage, dit le papetier. Les portraits de l'en-
fant du miracle, sous ses divers déguisements, produi-
sent le meilleur effet, mais il faudrait varier les des-
sins. Je serais d'avis de le représenter prochainement
en Turc ou en mandarin.
— Dieu ne le veut pas !
— Alors, en général de la garde nationale.
— Dieu le voudrait peut-être. Ah ! s'il le voulait, je
le voudrais, nous le voudrions tous!
— Pourquoi ne le voudrait-il pas? Essayons; on
pourrait toujours faire une romance là-dessus.
A ces mots ils s'éloignèrent.
— Voilà tout ce que j'en sais, ajouta la marchande,
et vraiment, à moins qu'il ne s'agisse de i\L Caussi-
dière, je ne vois pas trop de qui il peut être question.
En me retirant, Dieu voulut que j'aperçusse M. d'Ar-
lincourt en contemplation devant son portrait, avec son
mouchoir sur le nez pour n'être pas reconnu.
£A VIE PVBLIQCB ET PRIVÉE DE MOSSIEV RÉAC.
Chap. m. La fortune sourit à ses efforts industriels et philanthropiques.
an rapport fort remarquable
nonce aux actionnaires «que les
ïravaiix sont entrepris sur toute
la ligne avec une grande vigueur,
— Mais qu'une moniagtie à percer
occasionnera quelques retards. »
■ Deidfsjolis petits actionnaires
omm^ncent à prendre de la di-
mension.
.Etq„
■apr
es
a montagne.
les in-
penie
irs
ont rencontré
)a mer
AOan
liqu
e .
qu'Us av.n,
nt ou-
dan
l'irg
éni
es premiers
eur en chefs
devis ;
tera
len
t cette diffi
ullé au
moye
n de
ta
Is dits mnri
is poses
s co
uss
nets en :iége
D
Les nez
des
jo'
s petits acti
jnnaires
'alloDgeut excessivement.
sien Réa
<îe ladn
nt pas le
, ,,, :on. appuyée
sur t inielhgpiice et le i>alriotisme
des actionr aires; elles seront sur-
montées, grâce à quelques appels
de ronds fui plem«Dlaires et a
quelques emprunts. »
Les nez des jo is petits actionnaires
ne connaissent plus de bornes.
Report des nez
des jolis petits actionnaires.
Cependant les actions baissent
d*ins ia même proportion. — La
prime disparait et les i
ne te font plts.
282
REVUE COMIQUE
I.E LOTO ASIATIQUE.
r.ojoii.cc noble jiMi \ii'nt dï-lie liaité en Hnssie
c^nime un criminel lansquenet et condamné à l'exil.
Il a lenn à bien peu qu'on ne l'envoyât en Sibéne.
A qui se lier désormais ? Le lolo avait jusqu'à ce jour
joui d'une réputation patriarcale; et sans danger la
mère en permettait la pratique à sa fille. Quant an\
talents que ce jeu réclame, il suffira de rappeler le
proverbe si connu : « Le loto n'est jamais entré dans
la tète d'un âne. »
On sait qu'un édit du roi François 1" rangea le loto
parmi les jeux nobles permis seulement aux personnes
de qualité. Mais cet édit si sage était tombé en désué-
tude ; et, d'abus en abus, le loto devint peu à peu l'a-
panage de la petite bourgeoisie; c'est alors que la no-
blesse l'abandonna, malgré la cbanson composée par
François I" en riionneur de ce jeu, cbanson qui com-
mence par ces deux vers :
Souvent le lolo varie ;
Bien fol est qui s'y fie.
On ne comprend pas trop pourquoi un ukase im-
périal vient d'interdire le loto aux Russes, à moins que
ce ne soit à cause de la chanson de François !'■• qui en
signale les dangers. Les journaux assurent néanmoins
que ce jeu avait fini par devenir très-malsain et causer
une épidémie qui ravageait toutes les parties du
royaume, mais particulièrement Moscou. Cette ma-
ladie, appelée loto-nioibns par les médecins, se décla-
rait par une éruption de quaternes, d'ambes et d'ex-
traits sur tout le corps. Le malade était on proie au
délire, et, au dernier période delà lièvre, il lui poussait
ordinairement un quine sur le nez. Peu d'heures après
il avait succombé à la violence du mal.
On a constaté que les enfants qui naissaient d'une
mère ou d'un père atteint du fléau avaient quelquefois
des cartons marqués sur le corps.
L'Académie de médecine de Moscou, dans un rap
port très-remarquable, prétend avoir constaté que le
loto-morbus, qui sévit actuellement dans la Russie
méridionale, est une variété du loto asiatique qui sui'
le cours des fleuves.
Le bruit s'est répandu parmi les rentiers du Ma-
rais que la police de l'aris, justement alarmée des dan.
gers que présente le voisinage du loto asiatique, allail
prendre des mesures de précaution et interdire cliea
nous le simple lolo européen.
0 Qu'allons-nous devenir? disent les petits ren-
tiers; comment passerons-nous nos soirées d'hiver'
L'expérience a prouvé depuis des siècles que le loK
européen n'offrait aucun danger pour le corps nor
plus que pour le cœur et l'esprit. Nos grand'-mèrei
y jouaient, nos mères y ont joué, nous y jouons san
nous en porter plus mal. Le loto nous est devenu né
cessaire comme le tabac et le café au lait. Et puis qu
de mariages ont été la conséquence d'une partie d
XA VIE FUBXIQUE et FB.IVÉE SE MOSSIEU REAC.
ChaP. m. — La/oTlum sourit à ses eforis industriels et philanthropiques.
CHI^"|ll
Hcvoites de tant d'ingratitude,
mosiieu Kêac et le digne Râvageorff se retirent,
avec indignation tl... le sac.
Mosieu Kéac, cherchant à utiliser désormais ses loisirs pouss. tout
à coup un cri.— 11 vient d'inventer le Bouse Pain !
etde ieter du même coup lesbases de la grande Société Ph.lanlhropun
pour l'exploitation de la farire de crott.n de cheval.
A LUSAGK DKS GKNS SÉllIliUX.
283
lolo. C'est 011 y jdiiimt (pif ji- lis 1.1 cimnais?ance Je
ma fciiimo, on mil Iniii loiit. S..iivoiioz-voiis-eii ! »
NiMis ponsiins i|iio los polils roiiliors picnncnl l'a-
;iriiio trop aisoiiu'iit. Dos ioiisoif;nomoiils piiisos à do
liiiiinos soiiicos lums poiiiioltoiil (rassiiior iiu'il n'ost
OKTIlOCUM'lli:
La France, sons la Uoslauralion, était (iivisoo en
doux oatogoi-ies : les bien pensants ot los mal pensants.
Los premiers étaient les oins, les seconds les parias du
niond' royaliste. Toutes les administrations, l'armée,
la société, avaient une inquisition. C'était un devoir de
dénoncer ceux dont le zèle n'était point assez empressé.
La délation était lionoréo, encouragée, ordonnée môme;
cola s'appelait servir le roi. Alors il n'était jamais
question de servir la France ; on essayait de revenir au
temps où Louis XIV disait : l'État c'est moi.
Dans l'arméo, ce syslome de dénonciation était orga-
nisé de façon que los pauvres ofliciers de fortune étaient
en butte à la malveillance du gouvernement, s'ils ne
voulaient entrer dans la conspiration des bien pen-
sants. Quelques-uns, pour conserver leur emploi, d'au-
tres, par une faiblesse condamnable et pour se faire
bien venir de la noblesse, que la faveur appelait à tous
les grades, se faisaient les délateurs de leurs anciens
camarades.
Ceci nous rappelle une bistoriotlc que nous allons
vous raconter, pour vous donner une idée de ce (jui
pouvait se passer dans un régiment.
pas ilii tout question d'interdire le lolo chez non»,
malgré le; ravages que le loto asialiiiuc exerce en
lUissio. Notre académie de médecine, consultée à ce
sujet, s'est prononcée pour la négative. Tmil au plus
établir i-t-on un cordon sanitaire à la fronlii-ro.
i>i; (.\VM ri'.ii:.
Un colonel de cavalerie, c'est aujourd'hui un général,
roturier s'il en fût jamais, bon sabreur, mais fort peu
lettré, voulant prouver son dévouement au roi, en-
voyait tous los mois au ministre un état nominalif de
ses ofliciers. A chaque nom il ajoutait une note qui
témoignait des bons ou mauvais sentiments de l'of-
licier. Celle note consistait invariablement en Irois
mots : il pense bien, il pense mai. Sa faconde n'allait
pas plus loin. 11 \a sans dire que tout ce qui était duc,
comte ou marquis, avait une note favorable : le reste
était impitoyablement envoyée à son excollonce. Ainsi
que nous l'avons dit, ce brave homme était peu lettré,
et, l'un portant l'autre, il mettait à peine un mot
d'orlhographe sur deux. Par malheur, il ne connais-
sait qu'une manière d'écrire le mot penser, c'était
celle qui se rapportait à l'expression connue des cava-
liers : panser les chevaux. i\ y était expert. Ayant
commencé par là son métier de soldat et de colonel,
il écrivait donc de sa main, sans sourciller et sans se
douter qu'il n'était ni un Saumaize, ni un Lhomond :
il panse bien, il panse mal.
Cette liste, remise tous les mois au ministre, finit
ZiA VIE PUBtIQOE ET FRIVÉE DE MOSSIXU BJSAC.
Chap. m. - La JùTlune sourit à ses efforts industriels et rlalanthropiqurs.
Il prësenle un échantillon de sa découverte à
Son Eicellence le ministre de l'Intérieur, sol-
licitant la fourniture des hôpitaux civils et
militaires, de l'aimée el de la marine.
adu que le bouse-pain renferme moins
de parties nutritives que le pain ordinaire;
• Attendu quen raison des diflicnltés d'extrac-
tion et autres, le prix de revient est plus élevé;
. Déclare qu'il y a lieu de l'adopter pour le
service des hôpitaux. ■
Mossieu Eéac, une ka< nnue chez lui,
et ayant endossé le pet-en-l'air du cabinet,
témoigne sa joie
par une pantomime vive et animée.
[La suite à la prochaine livraison)
284
REVUE COMIQUE
par attirer son attention. Le nonihro àc ceux qmjxin- i s'ociia, du ton d'un lioninio qui vient d'avoir une idée
soient mal tUait considérable; il fallait porter roiuèdc \ qu'il croit bonne : « Qu'on mette tous ces gaillards-là
à cet inconvénient, qui pouvait être grave dans un ré- 1 « dans riulanlerie, et qu'on ne m'en parle plus. »
giment de cavalerie. 11 y réflécliit longterai)s ; puis il |
CHOSES QUELCONQUES.
«Tous nos gouvernements sont des imbéciles, disait un
de nos plus spirituels caricaturistes après avoir assisté à
une séance de l'Assemblée nationale ; si j'étais gouver-
nement, j'exigerais que le président de cette asseml)léo,
au lieu de sa sonnette qui ne fait pas de bruit, eût à la
main une forte crécelle; et si M. Odilon Barrot disait
des bêtises, si M. Lagrange lui en répondait, si M. Gé-
rard se permettait de brailler, si M. Denjoy avait le
mauvais goût de vanter sa fermeté bien connue, si
M. Vezin se présentait à la tribune avec ses airs de gen-
darme qui aurait fait ses classes dans un séminaire, si
le nez en caoutchouc de M. Tascherean se permettait la
moindre interruption, je ferais aller mon instrument
pour changer en sourds tous ces bavards. Je ne souffri-
rais pas qu'on s'occupât de questions politiques qui
n'ont rien de politique : le prix de la salade, celui du
pain, celui des couleurs et des crayons, voilà les seules
questions que je laisserais développer à la tribune de
r.\ssemblée nationale. »
— Un pauvre diable arrêta un jour dans la rue le
peintre Lorentz. «Je suis maçon, lui dit-il, et l'ou-
vrage ne va pas. » Lorentz retourna toutes ses poches ;
il y trouva trois sous et les donna au pauvre ouvrier
en lui disant, sous forme d'enseignement philosophi-
que : « Vous êtes maçon, moi je suis peintre, je suis
en outre vaudevilliste et dramaturge; j'ai fait des
pièces qui ont eu du succès, et des livres qui auraient
peut-être dû en avoir; eh bien, maintenant que vous
avez mes trois sous, je suis plus pauvre que vous, car
l'ouvrage ne va pas plus pour moi que pour vous, et
vous avez sur moi un avantage , c'est qu'en mendiant,
s'il est vrai que vous êtes sans travail, vous faites sans
liDa'.e un état que je ne pourrais jamais faire. »
— Bien différent de M. Loëve Weimar, qui s'est
fait chasser de Turquie parce qu'il aimait les femmes
maigies, M. ***, représentant du peuple, ne peut pas
les souffrir. aQuand je vois une femme maigre, disait-il
galamment à une princesse bien connue, j'ai toujours
envie de lui dire : Bonjour, monsieur. »
— Un savant de l'Assemblée nationale, qu'on sup-
pose devoir être l'honorable M. Vivien, a été chargé
de traduire en latin le nom de ses collègues. La seule
de ces traductions qui soit parvenue jusqu'à nous est
celle du nom de M. Antony Thouret, — que M. Vivien
aidé de quelques-uns de ses plu? graves collègues, au-
rait, traduit par ces mots : « Turris est. i>
— Cet éléphant, c'est de M. Antony Thouret que
nous parlons, a été préfet à Lille. Le directeur du
théâtre de Lille, voyant sa salle vide et la banqueroute
à sa porte, alla trouver un jour ledit M. Thouret dans
le but de l'attendrir et de tirer de lui quelque secours
qui pût l'aider à attendre des jours meilleurs. M. Thou-
ret refusa la subvention ; mais pour adoucir son re-
fus, il conseilla au malheureux directeur de mettre en
grosseslettressurrafllche, que lui, M. Antony Thouret,
préfet de Lille, assisterait à la représentation. « Et
j'irai, en effet, dit le gros magistrat, et votre salle sera
pleine. — D'accord, dit en soupirant l'infortuné direc-
teur, mais ma caisse, vous mettrez-vous dedans pour
la remplir? »
— Nous ne trouvons pas mauvais que le Président
de la République soit largement payé , mais que vont
dire les pauvres diables à qui on avait promis, au nom
de I^. Bonaparte, non-seulement qu'il ne prendrait
pas leur argent, mais qu'il leur en donnerait du sien?
— Au dernier bal du ministre des affaires étran-
gères, on remarqua que sa cravate était nouée avec un
soin inaccoutumé. « C'est Dandré, disait-il à ceux qui
lui en faisaient compliment, qui me l'a mise. »
— M. Merruault entra un jour dans le cabinet de
M. Véron, portant en triomphe deux feuillets d'écri-
ture qu'il lui montra avec fierté. « Remerciez-moi,
dit-il, c'est du grand homme, c'est du Tliiers tout
pur.» Quel honneur pour le Constitutionnel!
M. Véron, qui se demandait depuis quelque temps
à quoi lui avait servi de faire de son journal le journal
de M. Thiers, et d'assumer ainsi, sans prolit personnel
pour lui-môme, toutes les haines encourues par la
plume pleine de fiel de ce rédacteur anonyme, prit les
feuillets, et, sans façon, les mit au rebut. A cette vue,
le jaune Merruault blanchit d'horreur; il quitta, en
courant, le Constitutionnel, et ne s'arrêta que place
Saint-Georges. M. Thiers, instruit de ce qui venait de
Se passer; M. Thiers, fort en gueule comme une sou-
brette de Molière, se répandit immédialementen invec-
tives contre M. Véron, qu'il appela d'abord .M.Purgon,
et qu'il compara ensuite à M. de Pourccaugnac. Les
mots pleutre, cuistre, apothicaire, voltigeaient sur ses
lèvres. Merruault, consterné, écoutait en silence.
Il fallut aviser auras où M. Thiers serait sans journal.
Un affidé de la maison alla trouver M. Nivière, pro-
priétaire du Courrier Français , et lui offrit le pati-o-
nage du grand homme. M. .Nivière accepta. Si donc
A I.L'SAOE DCS CKNS Sf;Rli:LX.
285
voiisi voulez savoir non ce que pense, mais ce que dit
M. TliiiM:;, lisez le Coiaricr Français.
— Sous ce litre : l'Avenir au coin du feu, M. 1'. Ber-
nanl puliiie un livre dont nous voudrions pouvoir citer
un long extrait. Nous nous contenterons d'en reproduire
ces quelques lignes, qui auraient pu servir d'i'pigiaplie
au volume, do.it elles résunient la pensée à la fois
philosophique et politique:
0 Quand la misère s'aliat sur une contrée, sur une
\ille, sur un quartier, formons la chaîne; passons-
nous les secours de main en main, distribuons-nous le
travail et Teffort, et ne désertons le rang qu'après avuir
vu, de nos yeux vu, le mal éteint sur quelque point du
désastre. »
— On parle d'ouvrir prochainement une portion du
chemin de t'er de Strasbourg, et d'inviter le ]irésident
de la liépubliquo à l'inauguralion. .Malheureusement,
on dit ([ue notre célèbre Barrot se met dans les roues de
cette partie de plaisir : il a peur que le prince, se trou-
vant à moitié chemin, ne fasse une fugue jusqu'à Stra-
sbourg pour voir ce théâtre de ses premiers jeux poli-
tiques. Les appréhensions du célèbre Barrot ne sont
point sans fondement; il se souvient des tribulations
de son dernier voyage à Noyon. Le fort de Ham n'est,
comme on sait, qu'à quelques lieues de Noyon, et le
prince éprouvait le désir, assez naturel du reste, d'al-
ler faire une visite commémorative à son ancienne
prison. Les habitants de Ham avaient, de leur côté,
préparé un superbe arc de triomphe et un banquet de
deux cents couverts pour fêter le président. Mais le
sage Barrot, qui n'admet point qu'un grand prince
puisse se livrer à ces jeux enfantins, mit son veto à
l'expédition ; et quand la dépulation de Ham vint
présenter sa requête au président, Mentor coupa la
parole à son illustre élève, et répondit avec cette gra-
vité qui lui sied si bien : « C'est impossible. » Toute-
fois, peu rassuré sur la constance de Télémaque tant
qu'il serait en vue de l'Ile de Calypso, Mentor, sans
aller jusqu'à le précipiter du haut d'un rocher dans
les Ilots, usa d'un moyen fort ingénieux pour s'assurer
de sa personne. Sous le prétexte de lui faire voir les
beautés de la ville de Noyon, il le dirigea liabilement
du cûté de l'embarcadère. Le jeune prince, qui ne
pouvait soupçonner tant de machiavélisme sous des
dchoi's si austères, monta innocemment dans une voi-
ture pour se regarder dans la glace. La portière se re-
ferma liiusqiiement. Mentor donna le coup de sifflet
du départ, et remporta victorieusement à Paris le
dépôt confié à sa gaiile.
Nous devons dire que ce procédé n'est pas tout à
fait de l'invention de .Mentor; il est assez usité dans la
maison de santé du docteur Blanche, à l'assy. .Mais Té-
lémaque ne voudra plus s'y laisser prendre, et voilà ce
qui met M. Barrot en émoi et M. Lacrosse en l'air.
D'ici à la prochaine inauguration , il faudra trouver
un moyen de mettre le président sous verre. Ce n'est
guère commode en voyage.
— On assure que le Président de la République,
voyant où le mène M. Faucher et M. Thiers, aurait
eu la pensée de modifier son ministère et d'y appeler
.M. Uufaure et quelques membres de sa nuance. Un fi-
nancier de Juillet, ancien receveur général très-connu,
qui a eu la précaution de rendre quelques services d'ar-
gent au Président de la République, serait alors allé le
trouver. « Vous auriez tort de penser à M. Dufaure,
la rente baissera, et si la rente baisse, nous serons
obligés de redemander nos fonds à tous nos débi-
teurs. » Louis Bonaparte baissa la tête, .M. Faucher
était sauvé.
LA MARÉE MONTANTE.
Lorsqu'un pêcliear, en regardant
Les bords de l'Océan sauvage.
Voit s'éballre quelque imprudent
Le long des sables du rivage.
Il crie : Ami, cessez vos jeux,
El que voire fuite soil prompte.
Là bas, les flots sont orageux :
Prenez garde à vous ! la mer monte.
C'est un refrain qu'en ce moment
Il faut redire à qui nous mène.
On entend le mugissement
De la grande marée humaine ;
De l'audace qui la brava
Elle est prèle à demander compte.
Rois, dont le preslige s'en va.
Prenez garde à vous .' la mer monte.
Nous fûmes les premiers atteints.
Nous, qu'aujourd'hui l'Europe imite;
Mais les maîtres de nos destins
Ont des flots borné la liniile.
0 Barrot! sur votre rocher
Où vous vous posez en archonte,
Malgré les ^ecours de Faucher,
Prenez garde à vous ! la mer monte.
Et déjà le flux envahit
Le Pô, le Danube et le Tibre.
Comme nos pères l'ont prédit.
L'univers entier sera libre.
Des despotes chamarrés d'or
L'éclat fera place à la honle.
Vous, qui les défendez encor.
Prenez garde à vous! la mer monte.
E. B.
Député boiilelais, Denjiiy se remémore
Les plus fongueux héros du parti girortdin.
Il prenii, pour Us singer, des airs de Matamore ;
Mais qu'est-il auprès d'eux? — Un turbulent gamin!
Vous le voyez ici parfait de ressemblance :
Car lui-même à l'artiste a prêté son concours.
En effet, soit ([u'il parle ou garde le silence,
Ués qu'il croit être vu, Denjoy pose toujours.
D'Tui&é par rABRiizii;».
Gravé |>ar Baulant.
lOLL VAnn l'K-
:iO miliiiK'N la livraison.
RI t KK IIKI ILk,
/
m- - -i\
illons de- la Kniiocriplion. — Li Utvtr C Mi.'i K firni' m un m.i^nilriuc volume, ^rinJ in-S, îuililié f]i "iO lixTii-ntis i 50 centimes,
la poste, 40 cent. On sous.-ril [lour 10 livraisons. Pour les ilép.irlenienls, envoyer un ni.indit sur la poste à l'ùnlre 'lu ilirecleur Je lu
TE. — Pour loiil ce qui concerne la rcilactioa, écrire [franco) à M. Lirkix, au bureau de la Revue, 2, boulevanl des Italiens.
DUMINERAT. EriTEFR, BUE RICHELIEIT. 52.
20'' Livra'son.
AVIS Al'X JOUR^'4L'X DE PARl!« ET DES DÉPARTEMENTS.
Nous aiilDi'isons la rcproduclion dos articles contenus dans la Iteimc comique, à la condition :
Jo De citer la Revue en lui einpiMintant ses arliclcs;
2° De liinitor, par chaque semaine, la reprodiietion an tiers des matières contenues dans cliacine numéro.
AVIS
AVX SOUSCRIPTEURS D£ LA REVUE COMIQUE.
Pour répondre au désir exprimé par un grand nombre de souscripteurs, qui trouvaient
fâcheux que, pour ne pas décompléter la collection des dessins parus jusqu'à ce jour, ils pussent
être dans l'obligation de faire brocher ou relier les couvertures qui se reproduisent d'une façon
uniforme toutes les seize pages, nous reporterons dans l'intérieur de la livraison le dessin que
nous donnions ordinairement sur le verso de nos couvertures. De celte façon, ce dessin ne se
trouvera plus perdu pour le volume complet, qui pourra être broché sans ce premier feuillet.
La pagination a été disposée pour que cette suj)pression puisse se faire sans inconvénient.
Toutefois, pour que cette nouvelle disposition n'enlève pas au volume complet les dix
grandes gravures publiées jusqu'à ce jour sur le verso des couvertures, nous donnerons, avec
la dernière livraison, ces dix gravures en supplément.
Le dernier feuillet de ta couverture, formant la dernière et l'avant-dernière pages de chaque
livraison, devra être relié avec l'ouvrage complet dont il ne peut être détaché sans intervertir
l'ordre de la pagination.
SOMMAIRE DE EÂ VI?iCTII>ME LlVn.VlSON.
La Semaine. — VioleMes p.irlcmoiilaircs (esquisses non poliliquos) ; III. M. Moiilnii. — Les Cli.Titis uclioyécs. — ^ isile à
Saint-Leu. — Le Calite imprudciil (conte oriental). — Manifeste du Comité élector.d de la rue île Poitiers, — Quelques
mois sur le IS mai et sur M. BucLez, — Choses quelconques.
DESSINS.
Gravu-es par Baulant.
LE THÉ DK MAD.4ME GIBOU ET DE M.\D.\ME POf.HET.
Grande vignette par BuTtull.
Dps«iinleiir!.
C arte octroyée en .^utriclie Nadard.
Charte octroyée en Sicile ; Nadard.
' Les paysans accourent N. dard.
Le pain rompu N^.dard.
Les embrassemcnts Nadard.
Essayez vos forces Nadard.
Maîtres de la situation Narlard.
L'!S trois soutiens de la civilisation austro-croate. , Fabrirzius.
En Californie, 5 vignettes Quillenbois.
Une émigration de canards Bcrtall
MONSIEUR VlELL.iRIl.
Type par Kubritzius.
Nota. L'aljondance des matières nous oldige à remettre à la prodiaine livraison la suite de MOSSIEIJ RL.\C.
jniqnei de Licii»! fil» et Comp., rue Dimiette, î.
LA SEMAINE.
Le \ingl mars!
Celte date mémorable restera marquée en traits in-
effaçables dans riiistoire, et ce n'est pas seulement à
cause du retour de l'Ile d'Elbe.
Quelle que soit la grandeur de cet événement, il dis-
paraît devant un bien plus glorieux anniversaire. Celui
de l'entrée de M. Odilon Barrot au ministère de la
justice.
M. Odilon Barrot est ministre depuis trois mois! ! !
Le vingt mars dernier, M. Odilon Barrot a donc
voulu célébrer d'une façon brillante ce jubilé ministé-
riel. Dès le matin, vêtu de ses babitsde fête, un bou-
quet de Heurs à la boutonnière, M. Odilon Barrot a
renouvelé la cérémonie de son entrée au ministère. 11
s'est rendu à l'Elysée national, où il a reçu de nouveau
la bénédiction et le portefeuille des mains du Prési-
dent ; de là le cortège est retourné à l'hôtel de la place
Vendôme. Tous les employés suivaient, bras dessus
bras dessous, leur chef de file, les huissiers liraient des
coups de fusil en l'air, et les garçons de bureau ra-
claient du violon devant la noce.
Dans la journée, M. Odilon Barrot a reçu les félici-
tations de ses collègues, et le soir il les a réunis dans un
banquet. C'est l'aimable Léon Faucher qui a chanté le
couplet de circonstance, pendant que le petit Buffet,
toujours espiègle, prenait la jarretière de M. Odilon
Barrot.
Trois mois au pouvoir! Qui aurait jamais dit à
M. Odilon Barrot qu'il serait ministre pendant ces trois
siècles, durant cette éternité? Trois mois! Qui est-ce
qui dure trois mois par le temps qui court? M. Odilon
Barrot peut, à bon droit, se croire éternel. Prends garde.
César Barrot, aux ides de mai !
— Lt pourquoi, me demande fièrement César, pren-
drais-je garde?
— Parce que les élections tombent justement au
beau milieu des ides de mai, et que c'est le moment
choisi par les conjurés de la rue de Poitiers pour im-
moler César et se mettre à sa place. Si la fable du Singe
et les Marrons eût existé du temps de Brutus, je te
dirais, César, que tu lires les marrons du feu pour
M. Thiers. Mais, à quoi bon tous ces avertissements?
Depuis quand les Césars y ont-ils pris garde?
Il est de fait que le père Barrot ne se doute guère
du rôle qu'il joue. Il se dit qu'il est sérieusement mi-
nistre. Respectons celte folle illusion !
Il paraît qu'un arbre a fleuri le vingt mars dans le
jardin du ministère de la justice; c'est un baguenau-
dier. Les amis de M. Odilon Barrot y ont vu un sym-
bole de sa puissance. On l'appellera dorénavant le ba-
guenaudierdu 20 mars (l'arbre, pas M. Odilon Barrot).
Nous voici bientôt aux approches de Pâques. Les
fêtes et les bals commencent à diminuer. Le dernier
bal de Petit-Bourg a été vraiment admirable de coup
d'oeil. Rien n'est amusant comme la bigarrure. On
peut dire cette fois que tout Paris était là, depuis la
duchesse jusqu'aux dernières variétés de l'espèce lo-
relte. On y a vu des femmes de toutes les professions,
jusqu'à des cuisinières, et surtout des cuisinières. Il
s'agissait d'une loterie, elles ét;iient là dans leur spé-
cialité. Les journaux n'ont point publié de détails sur
les numéros, gagnants. Petit-Bourg n'y a pas encore
i>88
REVLi: COMIOUE.
songé, c'est un tort. Le nom des gagnants serait la
nifillenre de tontes les réclames, et si on parvenait à
en décider qnelqnes-nns à se faire porter en triomphe
an son des clarinettes et des tambonrs, je suis sûr
qu'on pourrait doubler le nombre des billets l'année
prochaine.
En attendant, nous devons signaler un trait de cou-
rage politique de Petit-Bourg. Parmi les lots ligurait
un cheval arabe. Comment lui donner une physionomie
particulière, une valeur exceptionnelle aux yeux dos
acheteurs? Parbleu, disons tout simplement la vérité;
mettons sur l'aftiche : cheval arabe sortant des écuries
du comte de Paris. Mais cela ne fera-t-il pas crier? Ce
lot n'exhalera-t-il pas un parfum de sédition? Voyons,
l'afliche paraît, personne ne réclame.
Sortant des écuries, c'est bien froid. Trouvons quel-
que chose de mieux, se dit Petit-Bourg ; a7jant appar-
tenu au comte de Paris est préférable. L'idée de pro-
priété implique l'idée de préférence. Évidemment,
chacun va penser que le comie de Paris montait ce
cheval tous les jours ; il aura un prix nouveau. Mais
le pouvoir exécutif actuel ne se fàchera-t-il pas, tij'ai
l'air de mettre en loterie les chevaux du pouvoir exé-
cutif déchu? Bah! essayons toujours; qui ne risque
rien n'a rien. Là-dessus, seconde aftiche portant un
cheval ai/ant appaiienu au comte de Paris. Personne ne
dit mot.
Ma foi, se dit Petit-Bourg s'enhardissant à chaque
affiche, je ne vois pas pourquoi je me gênerais; disons
les choses telles qu'elles sont, et annonçons franchement
un cheval offert par le comte de Paris.
Ce Irait de courage honore infiniment Petit-Bourg.
Pour les bonapartistes, il fait construire l'estrade pré-
sidentielle, où l'or et le velours se disputent l'espace;
pour les orléanistes purs, il met en loterie un cheval
olfert par le comte de Paris; pour les régentistes, une
coupe offerte par la duchesse d'Orléans. (Est-ce la
même qui figurait sur le programme d'il y a deux ou trois
ans?) Nous avons oublié ce qui symbolise le côté légi-
timiste de la loterie ; mais soyez sûrs que toutes les
opinions y seront représentées ; Petit-Bourg est trop
bon diplomate pour négliger aucune des faces diverses
Je l'avenir.
Le discours sceptique de JL Jules Eavre n'a point
sauvé le droit de réunion. Les clubs sont définitivement
proscrits L'IiLimble échoppe du marcbandde journaux
a aussi attiré les foudres de M. Léon Faucher. A l'heure
qu'il est, nul ne peut vendre de journaux sur la voie
publique sans une nouvelle autorisation du préfet de
police. Pour l'oljlenir, il faudra montrer un billet de
confession. Ou veut tuer la presse ; mais on n'y réussira
pas, rétablit-on, comme il en est question, le caution-
uenienl de cent mille francs, et le timbre sous le litre
de permis de circulation.
Il est dit que M. Bugeaud ne cessera d'être une
source d'embarras pour le gouvernement; ainsi, pen-
dant que pour s'excuser de faire emi)risonner les mem-
bres de h Solidarité républicaine , M. Léon Faucher
affirmait avoir donné l'ordre d'interdire les associations
du même genre , alors même qu'elles venaient en aide
au pouvoir, le vainqueur d'Isly écrivait à la société
des Amis de l'ordre, qu'il acceptait l'honneur de la
l)ré>i(k'r. M. I.éuii l'uuclier ne peut se dispenser main-
tenant de laiic piiursuivre M. Bugeaud.
Grande nouvelle ! Frérou et ses muscadins ont re-
païu. Ils se sont donné rendez-vous au théâtre des
Variétés pour sifller la Goutte de lait, pièce qui viole,
disent ces messieurs, le respect que l'on doit aux
tètes couronnées. Clercs de notaire, quarts d'agents
de change, caissiers et teneurs de livres de la haute
banque, parfaits gentilshommes, rien n'est comique
comme de voir tous ces petits saute-ruisseaux protester
en laveur des idées d'autorité. Aujourd'hui, Fréron
n'est plus qu'un gamin, et ses acolytes des calicots
monarchiques. Comme tout dégénère dans ce monde !
Vienne maintenant une pièce franchement républi-
caine, et nous reverrons renaître au théâtre le temps
des cabales, des luttes et des protestations, nous assis-
terons aux soirées du Soldat laboureur. 11 faut s'at-
tendre à avoir des duels avec les gardes du corps du
café Leniblin.
En attendant, les Ihéàlres continuent à croupir dans
le vaudeville réactionnaire. Le Théâtre-Français nous
tient au régime descomédies en deux actes et en vers, on
nevoitrien surgir à rhorizondramatique.ricnàl'hori-
zon littéraire. Prenons patience, cela viendra plus tard.
VIOLETTES PAULE.\1 ENTAI P. ES.
l;.SOl'ISSES NON POLITIQLES.
III. M. MOLTON.
Il y a Mouton et .Mouton ; l'un est du Tarn, l'autre
est du Nord, celui-ci est propriétaire, celui-là est abbé.
Pour le quart d'iieure, il s'agit du Mouton du Nord,
plus vulgairement connu parmi ses collègues de l'As-
Certains noms ont le privilège de foisonner dans les
assemblées législatives ; à l'ancienne chambre des dé-
putés, les Martin et les Durand pullulaient; Durand
(de Bomorautiii), Durand (de Corbiac), Durand (de
semblée nationale sous ia dénomination trausjiyré- la Charente), etc., etc. Quelquefois dans une séance,
nécnne de M'/iHos. | M. Martin (du Nord) apportait un projet de loi,
LE TUE DE MADAME GIBOl' ET DE MADAME POCHET.
Dessiné par Bektai l.
Citàwé par Baulant.
290
REVUE COMIQL'K.
amendé par M. Marlin (Ju Rliôiie), qui avait pour aJ-
vcrsaii-e M. Martin (Je Strasbouij;), kiiuel n'était pas
au mieux avec M. Martin (de Toulouse). Un étranger,
qui aurait assisté à Tune de ces séances, aurait pu sup-
poser qu'à la Chambre comme à la foire, tous les dé-
putés s'appelaient Durand quand ils ne se nommaient
pas Martin.
Parmi tous les Martins de l'époque monarchique,
un seul était de l'opposition, celui de Strasbourg. Le
Martin de sa nature est essentiellement conservateur.
Les Durand, au contraire, avaient généralement un
caractère nuancé.
11 en est un surtout qui était la gloire de Romoran-
tin : ce Durand-là n'a jamais beaucoup parlé, mais il
cultivait l'interruption avec un certain avantage.
.M. Sauzet a dépensé bien des coups de sonnette à son
intention. C'est ce même Durand qui depuis... Hélas !
la rue de Poitiers a gâté ce beau caractère. Romorantin
est dans les larmes.
Mais revenons à noire Mouton. Celui-là est de Cam-
brai ; il n'a jamais su pourquoi. Du reste, il n'est pas
curieux ; il était banquier avant de siéger à côté de son
ami Farez à l'Assemblée nationale.
Mouton est l'archétype de la violette, jamais un mot
n'est sorti de sa bouche, jamais la momdre interrup-
tion n'a soni.lé ses lèvres ; il ne connaît la tribune que
de vue ; son opinion ne s'est jamais manifestée que par
un bulletin blanc ou un bulletin bleu ou encore par
un tour de reins expressif au moment du vote par assis
et levés. Il est l'antipode de Denjoy et la contre-partie
de Buvignier.
Il existe à l'iiolel-de-ville de (Cambrai un carillon
modèle, qui n'a jamais manqué de chanter sa petite
romance quaq4 l'heure sonne. Ce carillon, qui fait
l'admiration de tous les Flamands etd'AntonyThouret,
serait déshonoré s'il oubliait une seule (ois de donner
la réplique au marteau qui mesure le temps. Eh bien!
si la supposition n'était pas un peu hasardée, on pour-
rait croire que Mouton descend en ligne directe du ca-
rillon de Cambiai.
En effet. Mouton est essentiellement de la nature de
la pendule, de l'horloge, du caiillon; ce qu'il faisait
hier, il le fait aujourd'hui, il le fera demain. Je me
garderai bien de dire que Mouton est un tourne-bro-
che, mais son père devait être mécanicien.
Mouton arrive à la salle des séances à une heure
moins dix minutes; si Mouton n'était pas à son banc
avant tout le monde, les huissiers croiraient à im ca-
taclysme ; une fois installé, Mouton ne bouge plus
jusqu'au moment où le président prononce \'/te missa
est parlementaire. On se demande comment Mouton,
qui a, du reste, l'avantage d'être sourd comme l'au-
teur de Paturot, n'est pas mort d'ennui depuis un an
qu'il s'asseoit invariablement sur sa banquette, pen-
dant cinq heures, chaque jour, sans broncher, sans
remuer, sans parler, sans manifester le moindre signe
d'intelligence; un des amis de Mouton nous a doimé
l'explication de ce phénomène.
« Mouton, nous disait-il, ne peut occuper ses loisirs
comme il. de Luynes, qui passe son temps à dessiner
des cariatides, ou comme M. Raspail,qui fait la carica-
ture de ses collègues, ou comme M. de Dampière, qui
organise sur son pupitre des bataillons de cocottes,
ou comme M. Hugo, qui écrit des premiers-Paris
pour l'Evénement; Mouton ignore les éléments du
style et du dessin, et il n'a jamais pu parvenir à fa-
çonner à l'aide d'un morceau de papier le moindre
entrelilet ou le moindre chapeau à cornes, mais Mou-
ton est rhonime de l'Assemblée nationale qui sait le
mieux sa salle. Il peut vous dire tout de suite combien
de fois se trouve répétée, dans la frise supérieure, la
formule républicaine Liberté, Égalité, Fraternité. Il
a compté le nombre des carreaux des fenêtres; il sait
qu'il y a en tout soixante-dix drapeaux tricolores grou-
pés en trophées autour des colonnes en comprenant
les onze plantés sur le baldaquin qui domine le bu-
reau. 11 sait aussi que la tribune de la présidence con-
tient trente-trois places , c'est-à-dire neuf de plus
que celle du conseil d'État. Vous voyez bien que Mou-
ton s'occupe sans faire semblant de rien. Demandez-
lui combien chaque lustre a de becs d'huile, il vous
répondra sur-le-champ; et s'il se trompe d'un bec,
je vous autorise à dire partout que je ne suis qu'un
imposteur. »
J'ai été assez heureux pour véiilier le fait, et je dois
déclarer, à la louange de Mouton, qu'il m'a complète-
ment satisfait.
A ce sujet, je pris la liberté de lui demander s'il
espérait être réélu aux prochaines élections : « Je n'en
sais rien, me répondit-il avec bonhomie, mais si la
législative doit siéger dans cette baraque, je ne ferai
aucune démarche pour revenir. »
J'ai compris la pensée de Mouton: il connaît la salle
actuelle par coeur, et il ne reviendra qu'autant qu'il
pourra se désennuyer à en apprendre une autre.
Je dois dire, en terminant cette étude historique,
que Mouton est chauve, mais il est doux comme un
agneau.
— On ne passe pas.
— Et de quel droit, factionnaire que vous êtes, f m-
pècherez-voiis un représentant du peuple de se rrn !re
dans la salle de la diète?
LES CHARTES OCTROYÉES.
— Il n'y a plus de diète, plus de représentant, plus
de constitution à faire; l'empereur d'Autriche vient
d'oclroyer une charte à ses peuples.
Le représentant ainsi repoussé essaye en vain de pé-
A l/USACK DIvS (W'NS SKIUKUX.
2'.»l
ndti'cr dans la siillc, le factionnaire lui llari(|ii(' dcj
coups lie crosse du fusil dans les genoux. Il se met à
crier, les (Iroates l'empoignent. On le conduit deviiiil
le frouveriii'ur.
— Tiens, liens, liens, t-'osl M. Maslcrinanii.
— I.ui-iiièine, gcMiM'ai, i|iii \icnl vous dciiiaiuler
juslice.
— Jusliec de (|tioi?
— De lu lirulalité de vos soldats qui nront halUi.
Je dépose forniellenient une plainte entre vos niaiiis.
— Vous en avez le droit, nous vivons sous l'empire
de la cliarte que notre bien-aimé souverain vient d'ac-
corder à tous ses sujels. A propos, monsieur Masler-
niann, vous étiez à Vienne lors des derniers événonicnts?
— Certainement.
— Vous avez dû jouer un rôle dans tout cela?
— J'étais caporal de la garde nationale.
— Fort bien. Capitaine l'illarsdorf !
— Général.
— Assurez-vous de M. Mastermann ici présent ; il
vient lui-même de l'avouer, c'est un insurgé.
— Général, votre conduite est infâme, je proteste.
— Du momrnt que la cbarte ne s'y oppose pas, vous
pouvez le faire.
Le général se remet à fumer sa pipe, et on entraine
Mastermann.
Il parait que, dans le langage des défenseurs de
l'ordre, tels que Schwartzemberg, Windisgraëtz et au-
tres Jellacliicii, ou entend par charte octroyée :
Le droit de violer la représenlalion nationale;
Le droit d'emprisonner les gens ;
l^e droit de les faire fusiller sans jugement ;
Le droit de frapper des contributions extraordinaires ;
Le droit de coniiscation et d'exil ;
Et une foule d'antres droits non moins agréables
qui constituent celte charte composdc exclusivement
d'articles i|uatur/.e.
Du vt'Mti, la charte d'Auliiche a son pendant dans
la charte sicilienne.
Le roi de ISapli;3 accorde aux Siciliens la liberté de
lui payer une indemnité pour fiais de guerre ;
La liberté de recevoir des troupes napolitaines et
suisses dans les forts des principales villes ;
La liberté de discuter les questions d'inqjôt, mais
avec voix consultative seulement ;
La liberté d'avoir un vice- roi investi de l'aiitoiiu;
suprême et choisi de la main du roi de iN'apks lui-
nièine ;
La liberté, enfin, d'accepter cette charte ou d'être
bombardés, mitraillés, pendus, fusillés, passés au lil
de l'épée.
En fait de charles octroyées, nous avons aussi celle
d'Espagne, qui ne niamiue pas d'un certain charme.
Elle se compose de deux articles seulement :
« ARTICLE PBEJIlEa.
« Le peuple espagnol jouit de la liberté indivi-
duelle, de la liberté de la presse, de la liberté de
réunion, etc., etc.
« ARTICLE DEUXli;ME.
« Le gouvernement est libre de suspendre quand il
lui plaît la liberté indiviuelle, la liberté de la presse,
la liberté de réunion, et généralement tontes les li-
bertés qui lui paraissent incompatibles avec l'ordre. »
C'est ce second article qui est seulement en vigueur.
L'empereur d'Autriche, le roi de Naples et Narvaez
ont beau faire, le temps des chartes est passé. Les peu-
ples tiennent à s'octroyer leurs propres'conslitiitions,
et ils y parviendront, quoique les chartes en général
ne leur reconnaissent pas ce droit.
CoDslitutioû octroyée en Autriche.
CoDstitution octroyée à la Sicile.
29-2
lŒVUE comiqi;e
VISITE A SAl.NT-LEU.
,L, reproduCon 6. «t .n^c^. «venait de d,cU à la Kn-ur c.,r.u,ue. et no. lecteurs trouveront ,a„s doute comnj. rous '^^^^^^l
d-,luMrat,ondon, nous venons de i'enrichir ; puisse '-"*,'<.• "ou, en fournir souvent de pamls et la nan-e de se, orrespo^^^^^
no. rédacteurs b en de, efforts d'.magina.io,,. Ce que la q„ut.diennc était à Henri V. la Lil,.r,c e.t en chen„n de le dcventr pour L Bonaparte,.
On lit ditns la LibcrtP du IS mars .
« Le l'i-ésiJent de la Kqiubliqiie vient d'iitre i'nlijet
d'uneovation popiilait-e danshi cuinmnnede Saint-Leu.
« Eli sortant de Rueil, où il avait étii rendre son hom-
mage fnntihre à sa grand'mèie, rinipéralrice José-
phine, il s'est rendu à Saint-Lcu, pour visiter le tom-
beau de son père, l'es-roi de Hollande, dont la mtî-
moire est en grande vénération dans cette localité, l.a
garde nationale était sous les armes à l'entrée du vil-
lage; des acclamations universelles l'ont accueilli aus-
sitôt qu'il a paru. Toutes les campagnes environnantes
étaient accourues sur son passage. L'enthousiasme
a éclaté de tous côtés autour de sa voiture, conduite
par quatre chevaux de poste. La foule a dételé les
chevaux et a voulu traîner la voilure jusqu'à l'église.
L'entraînement a été si grand, qu'on l'a supplié de
descendrede la voiture ; des milliersde bras sesontem-
parés de lui ; on criait : Nous voulons Napoléon ! Vive
le neveu de l'Empereur! C'est ainsi que le peuple a
porté sur ses bras l'Empereur à son retour do l'ile
d'Elbe ! Nous sommes le peuple, toujours fidèle! Vive
Napoléon! Vivent les Bonaparte! — Au bout de tous les
fusils, pendant cette scène touchante, les schakos s'a-
gitaient avec une sorte de fureur électrique. Bientôt la
foule a supplié Louis Bonaparte d'accepter une colla-
lion. On l'a fait monter dans une chambre d'auberge,
et là, il a rompu le pain avec ce peuple qui le cnu-
vrait d'embranscmenls; c'était un délire impossible à
décrire. »
« On lui a présenté un verre, afin qu'il bût à la
mémoire du grand Napoléon. Tous les verres ch r-
chiient le sien, qu'il a élevé au dessus de sa tète, en
s'écriant : A la prospérité de la France! au peuple
qui a toujours fait la force de l'Empereur! — Non!
non ! lui répondit-on de toutes parts : A la mémoire de
l'Empereur! de Napoléon le Grand, du Dieu du peu-
ple. — Le président était profondément ému, el tous
les assistants, dont l'amour débordait, avaient les yeux
remplis de larmes de joie. — Cette démonstration
spontanée et si éclatante d'enthousiasme, doit prouver
au neveu de l'Empeieur. qu'entre le i)euple et la fa-
mille du grand homme riiarmoiiic el la reconnaissance
sont complètes. (Jue de choses on peut faire pour la
patrie, lor.-qne le chef de l'État et la nation marchent
au même but, dans la ligne des mêmes idées, el sous
k'> itispiiiitioiH d'un iiièiue (lé^uiiemenl ! »
A L'USAGE DES G^:^s Sf;i!ll I \
i'.r,
« l.c seeriît des élections prncliainc» est tout entier
dans cette scène vraiment imposante. Les ljoiiii/)nr-
tisles s(inl les maîtres de la pnsition, s'ils savent s'en-
tendre avec cet admirable peuple, dont les instincts
ne h: liomjieii' jamais, n
LE CALU'li
(CONÏE
IMPRUDENT.
01(lt>TAL.)
Autrefois régnait à Ba-Jad le jeune calife Omar El-
Arousch, neveu de l'illustre Aaroun-al-Uaseliid.
Personne n'ignore que le eaiife Aaroun-al-UasilnJ,
après un règne de dix ans, fut détrôné par la fannlle
des Barbecides, surnommés les princes imbéciles, et
qu'il alla mourir en exil sur un rocher de la mer des
Indes.
Son neveu Omar El-Arousch eut des aventures fort
singulières.
Un sage lui dit dans son enfance : — Souvicns-toi,
mon fils, de cette maxime des grands hommes : « Vou-
loir, c'est pouvoir, » c'est-à-dire, qu'avec une tète
dure, on arrive à tout, même à être calife de Bagdad,
quoique le califat appartienne en ce moment à la
branche cadette des Barbecides qui a détrôné les princes
de la branche aînée surnommés les princes imbécili s,
lesquels avaient détrôné précédemment monsieur voire
oncle Aaroun-al-Uaschid.
Eh bien, dit le petit Omar, je veux être calife de
Bagdad.
Tu le seras, répondit le sage, mais à la condition
d'avoir la tête dure.
Je l'aurai! s'écria le petit prince. Et, depuis ce
jour, il se frappait la tête contre les murs, pour l'en-
durcir, et il parvint ainsi à rendre sa tèle tellement
dure que rien n'y pouvait entrer.
C'est pourquoi la prédiction du sage s'accomplit. Un
jour les habitants de Bagdad chassèrent les Barbecides
de la branche cadette qui avaient détrôné les Barbe-
cides de la branche aînée surnommés les piinces imbé-
ciles, lesquels avaient exilé Âaroun-al-Raschid; après
quoi ils se dirent ; — Choisissons pour calife le prince
Omar, neveu de l'iUuylie Aaroiin ; c'est le prince qui a
la lèle la plus dure du monde, et vraiment il suppor-
terait la chute d'une cheminée ; nous aurons la gloire
d'être gouvernés par le seul calife de la terre en état
de sortir .sans inconvénient dans les rues, les jours de
grand veut.
Et le prince Omar fut nommé calife.
Le soir même, pendant son sommeil, il vit en songe
sou oncle Aaioun qui riait à se tenir les côtes : « Mon
beau neveu, lui dit-il, comme te voilà accoutré! Eh!
qui diable m'aurait jamais dit que je retrouverais un
jour ma couronne sur ta lête'î
— Voilà ce que c'est que d'avoir la tèle dure, ré-
pondit le neveu. «Vouloir, c'est pouvoir, » m'a dit
un sage.
— E'esle, monsieur mon neveu, quel philosophe
vous faites! s'écria l'oncle en riant plus fort; puis pre-
nant un air sérieux : — Je vais vous donner une leçon
de gouvernement. Savez-vous ce que, de notre temps,
les califes doivent éviler avec le plus de soin?
— Les rhumes de cerveau, répondit le prince Omar
avec assurance.
— Vous n'y èles pas.»
Le jeune prince réfléchit un instant, passa la main
sur son front et répondit : a J'y suis; c'est la gibelotte
de lapin.
Vous êtes digne d'appartenir à la branche aînée
des Barbecides, dit l'oncle avec un haussement d'é-
paules; le véritable danger qui menace les califes de ce
temps-ci, c'est l'influence des financiers; une fois entre
leurs mains, un calife est perdu, ils le tiennent à la
gorge et gouvernent pour lui. J'ai passé mes dix. ans
de règne à combattre l'influence des financiers, et ils
l'ont emporté à la fin. Ce sont les financiers qui ont
294
REVUE COMIQUE.
roliinlo Je six semaines ma campagne d'invasion dans
riiidoustau, et c'est ce retard qui a causé tous lus dé-
sastres qui ont entraîné ma chute. Ainsi, mon neveu,
tenez-vons-le pour dit. Us (inanciers vous tueront si
vous ne les écrasez pas. »
Ayant ainsi parlé, l'oncle disparut après avoir luise
quelques porcelaines dans l'apparlenient. Quelques ba-
dauds qui le virent traverser les airs, crièrent : « Vive
le grand Aaroun-al-Raschid! » Mais Aaroun, irrité, ô(a
ses souliers et les leur jeta à la tôle. [."Académie des
sciences, consultée sur ce fait insolite, décida ijue les
souliers étaient tombés de la lune.
Cependant, un usurier très-connu à Bagdad s'était
présenté chez le nouveau calife le jour même de son
avènement : « Mon brince, lui dit-il avec un accent
chinois très-prononcé, ch'étais le panquier de monsir
fotre oncle et che lui bretais te l'archent sans intérêt,
par batriotisnie. Ah ! le prave homme que monsir fotre
oncle! Che fiens fous offrir quinze cent mille petilos
scquins quech'affre là tans un sac.
— Donnez, dit le prince ; quinze cent mille sequins
sont toujours bons à prendre, d'autant plus que j'en ai
l'emploi en ce moment.
L'imprudent calife prit les sequins, acheta soixante
chevaux, cent femmes pour son harem, et remplit sa
cave de vin de Champagne, malgré la défense du pro-
phète. Puis il donna la charge de grand visir à un gros
homme chauve qui, depuis dix-huit ans, faisait l'en-
tendu sur toutes les affaires, et s'était rendu la risée
de Bagdad.
A partir de ce moment, il n'eut d'autre souci que
de boire son vin de Champagne, de voir danser ses
femmes et de se promener à cheval dans les environs
de Bagdad.
Cependant, les iiabitants de la ville, ayant appris que
le groshommechauve venait d'être nommé grand visir,
firent mille plaisanteries à ce sujet; puis ils cessèrent
de rire et blâmèrent sévèrement le calife de cette
nomination. Le calife, effrayé de ces témoignages de
mécontentement, annonça qu'il allait renvoyer son
grand visir; mais la nouvelle ne s'en fut pas pluslôt
répandue dans la ville, que l'usurier .à l'accent chinois
accourut au palais.
« .Mon brince, fous allez lenfoyer le li-ir chauve?
— Oui, mon brave homme.
— Ah! tiable, ah! tiable.
— Qu'est-ce que vous voulez dire, avec vos diables?
— C'est i|ue si le lisir chauve s'en va, les fonds
baisseront à la Bourse de Bigdad.
— Après?
— Comme che berdrai beaucoup-beaucoup- beau-
coup l'archent, che serai obliché de fous temander le
remboursement des quinze cent mille petites sequins
de l'autre choiir. »
Le calife com|)ril,l)aissa la tète et se résigna à garder son
grand visir, quoiqu'il entendit chaque jour crier sur
son passiige : u A bas le grand visir, qui est la risée
de Bagdad ! »
Puis il alla se consoler avec ses femmes et son vin de
Champagne.
Quelque temps a|)iès, le peuple |)ersan, ami des su-
jets du calife, ronvova son shah et fit une révolution
analogue à celle qui, à Bagdad, avait fait inonlcr le
neveu du grand Aaroun sur le trône. Il était naturel
que les habitants de Bagdad allassent au secours des
Persans menacés par l'empereur du Mogol, qui voulait
intervenir pour rétablir le shah sur le trône d'ispahan.
C'était aussi le désir secret du calife Omar, qui aurait
suivi en cela la politique d'Aaroun, son oncle. Mais il
n'eut pas plutôt laissé deviner ses intentions, que le
même usurier à l'accent chinois accourut de nouveau
au palais.
« Mon brince.
— Qu'ya-t-il?
— On barie t'une indervention.
— Après?
— C'est que si l'on fait tu chagrin à la crande Mogol,
les fonds paisseront à la Pourse de Pagdad, et che serai
obliché de vous temanter le rempoursement des quinze
cent mille petites sequins que fous safez.
— Va-t'en au diable! » répondit le jeune calife, et
il baissa la tête comme la première fois; puis il alla
demander des consolations à Fatmé sa favorite.
Un mois après, le grand visir imbécile publia des
ordonnances si tyranniques, que ce fut une indignation
générale parmi le peuple de Bagdad : « Ma foi, disait-
on, c'est pour moins que cela que nous avons chassé
le dernier Barbecide de la branche cadette. » Ces ru-
meurs pnrvinrent aux oreilles du prince On.ar, au mo-
ment où, un verre de Champagne à la main, il allait
boire à la santé des Pharaons qu'on lui avait persuadé
être ses grands oncles. Au même instant, il vit accourir
l'usurier tout essoufflé.
« Mon brince, c'est touchoiirs moi.
— Je le vois parbleu bien!
— On dit que fous allez raborter les ortonnances de
la crande lisir. Alors il y aura une paisse à la Pourse,
et che serai obliché te fous temanter le rempourse-
ment... »
l.e prime l'interrompit pour le mettre à la porte par
les épaules, mais il n'osa jias rapporter les ordonnances,
et passa la soirée à boire du vin de Champagne avce
ses femmes, [lour s'étoui'dir sur les embarras de sa si-
tuation.
A la (]uinzième bouteille, l'illustre Aaroun, sou oncle,
lui apparut de nouveau. Cet oncle irrité coniiiien(,'a
par briser toutes les glaces de l'apiiartemenl ; puis,
s'adressant à son neveu, qui tieinhiait dans snii lit ;
(I Cil bien! jeune homme, nous y voilà donc?
— Ma foi, oui.
— Tu es pris au piège !
— Comme un blaireau.
A L'USAGE DES GENS SÉRIEUX.
295
— Je t'avais poiirlaiit averti.
— Que voiilez-vou»? mon oncle ; l'accent chinois Je
cet lioinme m'avait donné de la coniiance.
— Tu n'as donc pas foni|)ris que cet usurier était
un agent des IJarbeciJes de la luanche cadette, et qu'en
le forçant à gaiJer un grand visir imbécile, les parti-
sans des Barhecides voulaient mécontenter le peuple
contre toi et amener une révolution?
— Je le vois maintenant. Hélas! hélas! comment
me tirer d'embarras? Je nai pas le premier sou pour
rembourser les quinze cent mille sequins. Qui me
donnera un hou conseil?
— Il vaudrait mieuï (jne Ton te donnât quinze cent
mille sequins.
— Avoir le cœur aussi perfide avec un accent aussi
chinois! Q{ie faire, mon oncle?
— Cela ne me regarde pas.
— Hélas ! hélas 1 Je suis perdu. »
L'illustre Aaroiin croisa «es deux rnains derrière le dos,
par un geste qui lui était fauiilierde sou vivant ; il lit
trois tours dans lu chambre d'un air de mauvaise hu-
meur, cassa encore un pot à eau et une carafe, et dis-
parut, après avoir donné en passant un coup de pied
dans le derrière du grand visir chauve qu'il rencontra
montant l'escalier du palais, son portefeuille son» le
bras, avec la gravité convenable à l'homuie le plus ri-
dicule de Bajidad.
MAMIESTK DU COMITI': KLl-CTOKAL DIC LA lU K DK l'OlTlLllS.
Électeurs, — Dans les graves circonstances où nous
nous trouvons, nous avons jugé à propos de nous abs-
tenir de toute déclaration de principes.
La nouvelle Chambre aura à s'occuper des ques-
tions les plus importantes : — question des finances,
question de l'intervention italienne, — question de
l'organisation sociale, — et vingt autres questions brû-
lantes d'oii dépend l'avenir de la société française. Sur
tontes ces questions, nous n'avons pas un met à dire,
et nous ne dirons rien.
Ceci prouve à quel degré d'entente cordiale nous
sommes parvenus.
Le comité de la rue de Poitiers se compose, en effet,
de royalistes de toutes les nuances, qui ont fait au
parti lie l'ordre le sacrilice de leurs opinions person-
nelles : ce qui semble, au premier abord, être la né-
galion d'un parti. Qu'est-ce, dira-l-on, qu'un parti
dont les membres sont divisés d'opinions? Un parti
qui se compose, à part les comparses, de M. Thiers
l'orléaniste, de M. iMolé, l'ennemi de M. Thiers, de
M. Berryer le légitimiste, de .\L V. Hugo, qui ne re-
présente rien, si ce n'est la palinodie politique, pour
peu qu'on se souvienne de sa profession de foi en deux
antithèses on il se disait républicain , aux élec-
iii:vi!K coMioiM':
KN" CALIKOUMI-:
I de pays!... Avec ça que c'est amusant de
ne priser que de la poudre d'or.
lions d'avril? Les murs de Paris s'en souviennent en-
core.
Nous l'épondrons que c'est là le parti de l'ordre.
Délinissons l'ordre, avant tout : car c'est là le point
de départ.
L'ordre, selon quelques-uns, c'est la marche paci-
fique et graduelle de la société dans les voies du pro-
f^'rès. Pour nous, l'ordre est toute autre chose : c'e^t
l'immobilité,; ce n'est pas le fleuve aux eaux vives,
c'est la mare aux eaux stagnantes.
Forts de cette définition, nous n'hésitons pas à nous
offrira la société comme des guides politiques dont les
bâtons ferrés sont infaillibles.
Voyez plutôt.
Nous comptons parmi nous des légitimistes. A quoi
vous a conduits la légitimilé? A la révolution de 1830.
Nous avons aussi des orléanistes! Où vous ont con-
duits les orléanistes? A la révolution de Février.
Fatigués de révolutions, vous direz, peut-être, ô
électeurs: a Mais ces braves gens, qui n'ont été si
longtemps à notre tète que pour nous mener de chute
en chute, ne sont peut-être pas si bons à suivre; et,
vraiment, ils ont du toupet de venir encore nous van-
ter leurs hâtons ferrés! »
Un Itl raisonnement serait complètement absurde.
C'est justement il cause de ces chutes que nous avons
compris la nécessité de ne plus marcher du tout, et
c'est ce qui explique la nature hétérogène de notre co-
mité, qui, si vous avez bien suivi notre raisonnement,
est, au contraire, tout ce que l'on peut voir de plus
homogène.
Pardon de la gravité de cette dissertation, mais la
circonstance l'autorise.
M. Berryer, par exemple, le légitimiste, l'ait le sa-
crifice de ses opinions personnelles à la cause de l'or-
dre. Quelles sont les idées politiques de M. Berryer?
Celles, justement, qui ont produit I8ô0. Il est bien
naturel qu'il n'en soit pas infatué.
M. Thiers et M. Mole font aussi, à la cause de l'or-
dre, le sacrifice de leurs idées politiques, qui sont jus-
tement celles qui ont amené la révolution de 1848.
Ce n'est pas un grand sacrifice que s'imposent ces hom-
mes d'État.
Légitimistes et orléanistes se rencontrent donc en ce
point, que, ne sachant plus sur quel chemin s'aventu-
rer, ils ont résolu d'arrêter la marche de la société, à
l'instar de Josué, qui arrêta le soleil. Si vous l'aimez
mieux, nous nous comparerons à un horloger qui, se
sentant incapable de régler le mouvement d'une mon-
tre, prendrait le parti d'en casser le grand ressort.
Maintenant, vous comprendrez sans peine l'inutilité
d'une déclaration de principes.
Des principes, à quoi bon? Trois mots résument les
nôtres. — Bien ! rien ! rien !
Sur la question italienne, l'ordre, c'est-à-dire rien!
Sur la question des finances, l'ordre, c'est-à-dire le
statu quo, c'est-à-dire rien, ou, si vous l'aimez mieux,
la banqueroute !
Sur les questions d'administration intérieure, tou-
jours l'ordre, toujours le statu quo, toujours rien!
Asseyez-vous à l'ombre du petit chapeau de
M. Thiers et du lorgnon de M. Mole, et faites la sieste ;
le soleil est arrêté, la terre ne tourne plus, les idées nou-
velles sont mortes, la pensée humaine a le grand ressort
brisé, la civilisation a dit son dernier mot, tout est
fini; y\. Berryer vous en donne sa |i;iru!e (riiuiiiieiir.
Dormez !
Klecteurs, en réunissant nos lumières, en faisant le
sacrifice de nos idées politiques, tant de fois condamnées
par les événements, nous sommes parvenus à fonder
le grand parti de l'immobilité. Nous tiendrons bureau
ouvert de conseils et de renseiRuements sur les honi-
Occupation agréable par 15
mes qui sullicilei-unt vus suffiagci. Ce i\u'i\ faul aii\ \ Vaiicaiisuii so |)réseiilait à volie clioix, ropoiissez-lu:
collèges électoraux, ce sont descamliilals iimimlnUs, cl 1 il fitUille un peu trop quand on a monté le ressort,
à la Chambre, des déinitéi immobiles. Si le canard de I
QIELQUES MOTS SUR LE lo MAI ET SLR M. BUCHEZ.
Tout le monde a parlé et très à son aise du 15 mai
et de l'attitude que chacun avait prise, insurgés et re-
présentants, dans cette triste, mais non mémorable
journée.
Nous avons assisté à cette séance, et nous devons
dire que notre impression a été que représentants et
envahisseurs avaient éprouvé une égale surprise à se
trouver on présence. L'inattendu d'une pareille situation
peut seul expliquer, en elfet, que représentants et en-
vahisseurs aient pu se regarder pendant trois heures
sans prendre un parti.
S'il y avait eu complot, il y eût eu uri plan arrêté, si
la dissolution avait été dans le dessein des insurgés, ils
n'auraient pas perdu trois heures avant d'en arriver à
ce mot Trois heures, c'est le temps de faire six révo-
lutions : nous avons vu faire la révolution de Février à
la Chambre des dé|)ulés en une demi-heure. Il faut le
dire, attaqués et attaquants paraissaient frappés d'un
égal ébahissement ; on semblait de part et d'autre n'agir
et ne résister qu'à la façon des somnambules, sans
avoir conscience d'un but ; cela se faisait parce que cela
se faisait: mais le machiniste, mais le librettiste, mais
l'auteur des paroles, n'était nulle part, et chaque acteur
improvisait visiblement son rôle.
Il y a eu dans cette journée un homme, c'est M. Bû-
chez, qui a été calomnié par-dessus tous les autres, et
qui vient de l'être à la cour de Bourges par un témoin
qui ne semble pas s'être rendu bien compte de la si-
tuation de M. Bûchez et du caractère de sa propre
déposition.
M. Biichez, président de l'Assemblée, sur son siège,
a soutenu, lui seul, pendant trois heures, cet inces-
sant assaut. Entouré d'ennemis, il a refusé de lever la
séance, parce qu'il savait que du secours allait venir
de l'extérieur, et ijue gagner du temps était un
point capital, doîi dépendait le salut de r.\ssemblée.
Il a refusé de mettre aux voix les propositions des in-
surgés; et, pendant un tiers de journée, a eu à faire
têle à une situation qui n'a eu d'analogue que celle
de Boissy-d'.Anglas, qui n'en diffère que parce que le
sang n'a pas été répandu, mais qui avait en plus qu'au
lieu de durer une demi-heure, elle se prolongea pen-
dant trois mortelles heures.
Chaque représentant assis à sa place ne comptait
que pour un neuf centième dans l'Assemblée, ne cou-
rait, par conséquent, qu'un neuf centième de danger;
M. Bûchez, président, était à lui seul plus exposé que
ses neuf cents collègues ; nul ne peut le contester.
L'aflaire des billets de contre-ordre a été expliquée par
l'honorable M. Degouzée. Que reste-t-il donc contre
M. Bûchez? — Sa voix a-t-elle faibli'? nous le de-
mandons à tons ceux qui l'ont vudanscette séance; a-
t-il pâli, s'est-il troublé? — Il est resté à celle séance
ce qu'il avait été à toutes les autres, un président man-
quant de netteté, de clarté, peut-être, mais un homme
ferme, droit, énergique, faisant bon marché de sa
personne. En vérité, quand on a le passé de .M. Bû-
chez, était-il nécessaire de faire du mélodrame pour
paraître brave? Un homme moins simple, plus em-
phatique, eût cherché là l'occasion de quelque beau
i>98
HliVUE COMIQUE
mouvement; il eût fait égorger l'Assemblée, et le té-
moin en question ne déposerait pas contre lui ; cela reùt-
il satisfait davantage? La France s'en fût-elle mieux
trouvée? — Non. — Nous pourrions citer ici un té-
moignage qui ne serait pas suspect, celui d'un insur-
gé, et du plus redoutable, à coup sûr pour M. Bûchez,
s'il faut en croire l'accusation ; nous voulons parler de
M. Lariron.
Une personne, dont le témoignage ne serait récusé
par personne, a entendu dire à M. Laviron, interrogé
sur ce point avant son départ pour l'étranger : «Non,
Bûchez n'a pas eu peur; il ne s'est pas troublé. On
voyait bien qu'il n'avait qu'une idée, celle de gagner
du temps, et son idée était bonne, puisque c'est ce
teni[)s qu'il a gagné qui a évité une lutte. 11 ne sentait
pas le danger. »
CHOSES QUELCONQUES.
Pendant la fameuse discussion du 20 mars, sur la
loi des clubs, — un représentant, d'ordinaire fort cal-
me, un ancien député, applaudissait entre ses dents
M. OJilon Barrot: « Bravo! disait-il à chaque instant,
bravo! M. Guizot. » 11 monta à la tribune au moment
où la discussion venait d'être close, et ne fut pas
écouté, par conséquent ; les seules paroles qu'il put
prononcer furent celles-ci : « Le discours que M. Gui-
zot vient de prononcer... » Puis, s'apercevant de sa
méprise, il voulut se reprendre : «M. Odilon Guizot, »
dit-il alors. — Sur quoi, il renonça à en dire davan-
tage, de peur de céder une fois de plus à la monomanie
qui lui faisait voir M. Guizot dans M. Barrot.
Pauvre M. Guizot! ! !
— Dans la séance du 21, au moment où l'Assem-
blée, divisée en deux camps, formait par le fait deux
Chambres rivales, un ancien ministre du général Ca-
vaignac, voyant l'émoi que cette situation causait, di-
sait à un ami de M. Thiers : « Voici un argument tout
fait contre votre système des deux Chambres. Si cet
état de choses durait, combien d'heures croyez-vous
qu'il faudrait pour mettre plusieurs révolutions par
dessus celle que nous avons faite en Février? »
— On pressait, dans cette même séance, M. Du-
faure de parler. « Il ne faut jamais résister à la poli-
« tique à outrance, dit-il : elle se consume d'elle-mè-
« me; M. Faucher se suicide et perd son parti mieux
a que tous nos discours ne pourraient le faire. »
On a parlé diversement de l'exécution des assas-
sins du général Bréa, et pourtant tout le monde est
d'accord sur la nature du crime et sur l'horreur qu'il
doit inspirer. Ce n'est pas un crime politique, disent
les uns; l'échafand qu'on a relevé n'est pas un écha-
faud politique. — C'est un crime politique, disent les
autres, c'est un conseil de guerre qui a jugé les cou-
pables, et vous avez relevé l'échafaud politique ; pie-
nez garde, si peu de pitié qu'inspirent les malheiucux
qui aujourd'hui ont payé de leur tète leur exécrable
forfait, vous avez fait une faute politique en vengeant
par la mort le meurtre du général Bréa.
Et, de part et d'autre, il semble qu'on ait raison.
Comment expliquer que deux avis, aussi opposés,
semblent pourtant plausibles et irréfutables, si ce n'est
en regrettant qu'on n'ait pas renvoyé devant la cour
d'assises les assassins du général Bréa. Le jugement
rendu par la cour d'assises n'eût pas été un jugement
politique, le crime eût été puni, et en entrant dans les
salons, vous n'y seriez pas accueilli par cette question
singulière : Que pensez-vous de l'exécution de Laih et
et de Daix? êtes-vous pour la mort, êtes-vous pour
l'assassinat, êtes-vous pour l'échafaud? Questions
étranges ! qui défrayaient toutes les conversations à la
dernière réception du Président de la Bépublique.
— Il ne se dit pas dans les clubs que des sottises,
comme paraissent le croire MM. Faucher et Barrot.
Un orateur venait de parler contre M. Thiers et
M. Bugeaud. — Ce n'est pas un crime à coup sûr,
aussi avait-il été applaudi à outrance. — Un ouvrier,
c'était un maçon, à en juger par ses vêtements, de-
manda la parole et l'obtint.
« Laissez donc, dit-il, laissez donc, je vous dis que
Thiers et Bugeaud sont des républicains;» — et comme
cette proposition smgulière était accueillie par des
marques non équivoques d'ironie et d'incrédulité, —
l'orateur improvisé reprit sans se démonter : Ils sont
républicains, mais ils n'en savent rien ni vous non
plus. Il sont devant la République, sans comparaison,
comme j'étais devant le fromage avant d'en avoir
mangé. Je disais : je n'aime pas ça. Mon père me dit
un jour : Ah çà ! manges-en ou tu n'auras rien. — Je
me mis à en manger, et je vis que c'était bon, quoi-
que pas cher. — Eh bien ! faut qu'ils en mangent de
la République, et vous verrez que, quand ils y auront
goûté, ils ne voudront plus entendre parler que de ça.
— Laissez-les donc approcher de la gamelle; quand
ils auront une fois les poings dedans, ils s'en mettront
bientôt jusqu'aux coudes, et c'est l'indigestion qu'ils
s'en donneront qui vous en débarrassera.
— Nous savons que les magistrats ont l'obligation
de protéger les témoins, et nous ne trouvons rien à re-
dire aux soins que M. Baroche prend à Bourges de rem-
plir cette partie de sa tâche; mais ce soin nous trou-
vons qu'il l'a poussé jusqu'à l'exagéra'ion, jusqu'à la
cruauté, quand il a voulu forcer le général Courtais à
rétracter l'apostrophe qu'il avait adressée au garde na-
A l.'l!S.\r.F DKS r.KNS SKRIKIJX.
209
tiiiiial i|in lui avait arr;u'li('' smi i'|iaiilrllc'. (irs |iaiiili's
d'iiM viiMi\ soldai, i|iii n'a jamais l'ailli à riioiiiieui',
t'taii'iil (le ii'lli's aminci .M. Hardclie lu' ili'\ait piiiiil
iiuMfi' les sii'iim's , c'clait allaiic L'iilrc M. (imirlais et
le téiiiuiii.
— Ce téiiioiii (lit : Il II') cul aihiinc |irolestatioii
coulrc l'action que j'avais laite, et il ajoute : un des
élèves de Saiiit-Cyr, qui entouraient le général, vint
me dire peu après : u Reiulez-nioi cette épaulelte, c'est
celle d'un militaire. » Quel sens a donc pour M. Gi-
raux cette dcinaiclie de cet élève de Saint-Cyr, si ce
n'est une noble et touchante protestation'? Nous ne sa-
vons ]ias le nom de cet élève ; mais nous sommes sûrs
que c'est un brave jeune homme qui fera honneur un
jour à l'épauletlo qu'il portera à son tour.
— On dit que cela va mal, on se trompe. — Le
calme renaît, et la preuve, c'est que le désordre re-
monte. — Ce n'est plus le peuple qui s'agite, mais les
partis. — Ce ne sont même plus les partis, mais les
chefs de partis. — La rue de Poitiers n'est pas d'ac-
cord, le ministère n'est pas d'accord, l'Assemblée est
divisée en deux, le Constitutionnel est brouillé avec
M. Thiers; M. Chambolle et M. Perrée se querellent,
ïranquillisez-vous donc : l'intrigue a remplacé l'agi-
tation.
— Lagrange, et cela n'étonnera que ceux qui ne sa-
vent pas tout ce qu'il y a-de bonne foi dans cette tète
bizarre, Lagrange était contraire à la résolution qu'a-
vait prise la Montagne et la gauche, de refuser de voter
dans la discussion relative au droit de réunion. — « Si
vous ne votez pas, vous coupez l'Assemblée en doux;
vous la délruisez, vous faites une révolution. Allez
alors chercher des pavés, moi je n'en suis pas. Il faut
i|ue les |)avés se reposent. — La meillcuii; i-évoluliuu
serait aujnurd'liui contraire à la llépublique. — Kt la
preuve, c'est (|u'oii vmis iirovoque à en faire. — Eles-
vous les amis de M. l'autlier, ne votez pas ; êtes-\oiis
ses ennemis, votez. »
— .\L Cliiii^ariiier d'une jiail et .M. Kebillut de l'au-
tre, devraient bien faire connaître, par une ordon-
nance à la force armée civile et militaire, qu'arrêter
un lioiiiine, cela ne veut pas dire l'insulter ni i'cchar-
per, et que, le jeter à l'eau el quelquefois le fusiller,
c'est un crime (|iii ne peut rester impuni que parce
qu'il est inconnu.
— Nous avons lu avec queliiue surprise un article,
dans lequel le Journal des Dcbats donnait son a|)pro-
balion lAeine et entière au manifeste de la rue de l'oi-
tiers. — U faut que le Journal des Débats soit bien
mal informé des dispositions de M. Thiers, auteur de
ce manifeste, et de ]\L Mole, qui en est un des par-
rains envers M. Guizot et le parti conservateur, re-
présenté par les Débats , \\o\iv consentir à jouer ce lole
de dupe.
— « Rendez-moi mes (00,000 francs! dit M. Mer-
ruaultàM. Véron ; ou prenez ma prose et celle de
JL Thiers. — Allez vous promener, vous et votre pe-
tit patron ! répond M. Véron ; la prose de Roilay suffit
à mes abonnés ; et je garderai vos 100,000 francs,
tant que le président du tribunal de commerce n'aura
pas déclaré qu'elle ne vaut pas la vôtre. »
Les 100,000 francs de M. Thiers sont bien aventu-
rés ; le petit homme s'en console en se disant qu'il les
avait empruntés à son parti, sous la condition que
M. Véron, et non lui, M. Thiers, aurait à les rendre.
Cet auguste Mentor d'un nouveau Télémaque,
Échappe à la louange aussi bien qu'à l'allaque,
Car, ay;iut oul)lié son rôle de pédant,
Il garde à l'Assinihlce un silence prudent.
Eu formant aux vérins l'élu du dix décembre,
De ses talents sans doute il usa le ressort.
Sans éclat et sans bruit il passa dans la (Chambre :
On l'en verra sortir comme un vieillnrd eu sort.
I
Gravé par BaulaNT.
.IL VAiiri lill.« ir.d iP^s
■ I r. mciiei ir.i ,
■^TR
Tsnrrnz
^^Ï^ÎMÎiwm*
30 centiiiK-H la lIvraiHon.
':;!::l'.ii1:,i':H;:.,M!i"''i!W'kf
\tiann de la Somcrlpiton. — La RcvrE r.oMinrF formera un magnifique volume, srand in-8, publié on oO livraisons à ôO centimes,
poste, -il) cent. Ou sous.ril pour 10 livraisons. Pour les déparlements. envoyer un mandat sur la poste à l'ordre du directeur de la
. Po„r toul ce qui conoerne la rédaction, écrire [francu] à M. Lir.Eix, au bureau de la Revce, 2, boulevard des Italiens.
DTIMIMEB.A'r. ÉEITErR, B.UE RICHEI.IEU. 52 21' Uviaison.
ATI9 AUX JOrRIVAVX »E PAniS ET DES niËPAnTKiraEIVTS.
Nous autorisons la roproduction des articles contenus dans la Riivue comique, ,\ la eonilitinn :
I" De citer la Revue en lui enipi-untant ses nrliclcs;
2° De limiter, par chaque semaine, la reproduction au tieis des uialières contenues i'
Kituie niiiuei'i
AVIS
AUX SOUSCRIPTEURS ©E lA REVUE COMIQUE.
Pour répondre au désir exprimé par un grand nombre de souseripieurs, qui trouvaient
fâcheux que, pour ne pas décompléter la collection des dessins |);u'iis jusqu'à ce jour, ils pussent
être dans l'obligation de faire brocber ou relier les couvertures qui se reproduisent d'une foçon
uniforme toutes les seize pages, nous reporterons dans l'intérieur de la livraison le dessin que
nous donnions ordinairement sur le verso de nos couvertures. De cette façon, ce dessin ne se
trouvera plus perdu pour le volume complet, qui pourra être broché sans ce premier feuillet.
La pagination a été dis|)0sée pour que cette suppression puisse se faire sans inconvénient.
Toutefois, pour que cette nouvelle disposition n'enlève pas au volume complet les dix
grandes gravures publiées jusqu'à ce jour sur le verso des couvertures, nous donnerons, avec
la dernière livraison, ces dix gravures en supplément.
Le dernier feuillet de la couverture, formant la dernière et l'avant-dernière pages de chaque
livraison, devra être relié avec l'ouvrage complet dont il ne peut être détaché sans intervertir
l'ordre de la pagination.
soMMAini-: !)[■: la vingt i:t !'mi';me livraison.
La SemaiiiP. — Le Thermomètre politique, avec la Manière de s'en servii'. — Un rcve rélrnsperlif. — La Rue de Poitiei
demandant l'aumône. — Il le fallait! — Pudeur de M. Thiers. — Violettes pai-lemeirtaires (esquisses non |.iiliil,|ues) ; IV. -
M. de Kerdrel. — Préparatifs de guerre. — L'Homme invisilile.
THF.RMo-.iKrni; poi,rn(,nr, niî I'oim:i.i:s , oi'ïicir.N a i>.uus.
Granrli- vipiiotle par 13i:rl;iU.
ATTITCnF. Dr OOUVF.IIMÎMF.NT ni; lA UKI'lIlil.lyCE l'UA>.(;,AISlî ISFVaM- l.ns KH-NKMIÎNTS FIHOCKHNS.
l'iir N:.dai-,t.
OIIAM) lO'.IlNOI FINANC.IIÎII A AIIMrS COIIITOISKS.
Par Kcrlall.
IN NolvRAi: ivxi m; lu.scrLK.
P.ir BcTtall.
Chap lit. - La fort.i
I.A VIB Pl'BL10t:iî ET IMUVlfF, DE MOSSIEU IIHAC.
s efforts industriels et, pllilaiiltiiopiques. — Chnp. /!'. — Sa fort uni' polit
Feuilletim an crayon par Nadaii», gravé par Baulaiil.
l.i: FKI.D-SUI(ÉC11A1, llIf.KAl II.
Type pftr Kahritz us.
Un (li's S'ATisr.MTS.
LA SEMAINE.
Le beau sexe commence à se plaindre vivement du j
Président de la République. Ses réceptions deviennent
ennuyeuses. On ne faisait qu'en murmurer il y a quel-
ques jours; maintenant on s'en plaint tout haut, et l'on
fait remonter justju'au chef du pouvoir exécutif lui-
même la responsabilité de cet ennui. Vous verrez qu'un
de ces jours le parquet sera obligé de traduire devant
la cour une des belles séditieuses, et de la faire con-
damner pour excitation à la haine et au mépris du sa-
lon de l'Elysée national.
Les dames qui ont des relations suivies avec le gou-
vernement accusent formellement le président de plu-
sieurs délits de lèse-galanterie.
1° Il a toujours l'air ennuyé.
2° 11 feint des indispositions pour se retirer à onze
heures.
Nous faisons grâce au lecteur des autres chefs d'ac-
cusation ?ceux-là suffisent et au delà pour faire com-
prendre l'irritation du beau sexe. Aussi n'est-il ques-
tion de rien moins que de conspirer contre les réceptions
du Président en n'y paraissant plus. Les conspiratrices
auraient déjà mis leur projet à exécution, si l'une d'elles
n'eût pas soulevé les objections suivantes :
«Si le Président s'ennuie chez lui, c'est qu'il s'amuse
ailleurs.
« Un homme d'État ne se couche jamais à onze heures.
C'est là un subterfuge indigne du caractère français. Si
le Président quitte ses salons avant minuit, c'est qu'il
va achever sa soirée dans un endroit plus agréable.
« La meilleure manière de nous venger, est donc de
nous montrer plus assidues que jamais chez le Prési-
dent ; nous le punirons de ses dédains par la gène per-
pétuelle de notre présence. »
L'esprit de contradiction qui anime les trois quarts
de la plus belle moitié du genre humain trouvait trop
bien son compte à ce raisonnement, pour qu'il ne fut
pas adopté à l'unanimité. Voilà maintenant M. Louis
Bonaparte en butte à la conjuration de la présence, et
soumis au châtiment de l'assiduité. Pénalité terrible,
et qui porte déjà ses fruits, car le Président a bâillé
])lusieurs fois à sa dernicrc soirée ; c'est là un fait po-
sitif, officiel, et qui a fait tressaillir de joie le? chefs de
la conspiration. Les Brulus en jupons espèrent amener
M. Louis Bonaparte à s'endormir. Le jour où il aura
ronflé d'ennui, leur vengeance sera complète. Un
homme qui ronfle est déshonoré.
Si les salons du pouvoir exécutif sont tristes, en re-
vanche, ceux de la Bourse n'ont jamais été plus ani-
més. Les agents de change donnent fêtes sur fêtes; à
aucune époque la Californie du parquet n'offrit plus
d'or à recueillir. On cite d'heureux chercheurs qui ont
ramassé des pépites de trois ou quatre cent mille francs
dans la coulisse. La hausse répand des flots d'or sur
les spéculateurs; on monte comme si nous étions cha-
que jour au lendemain de la bataille de \Vaterloo. Si
ce n'est pas tout à fait la France qui est vaincue et
humiliée, les boursiers escomptent la défaite de l'I-
talie, en attendant mieux. L'Autriche est sur notre
frontière. Radelski et M. Bugeaud peuvent se donner
la main : pourquoi l'armée des Alpes, fraternellement
unie aux Croates, ne viendrait-elle pas mettre à la rai-
son les républicains de Paris? Pourquoi ne recevrions-
302
REVUE COMIQUE
nous pas un roi des mains de l'Autriche? Radetski a
dans SOS fourgons la couronne de fer des Lombards, il
pourrait bien en faire sortir aussi la cotironiu' de
France. Lu Bourse liausse dans celte prévision.
Nous nous étonnions l'autre jour devant un spécu-
lateur, de te que la rente n'était pas montée au pair sui-
la seule nouvelle des triomphes de Radetski.
— Que voulez-vous, nous répondit-il, c'est la luilc
de l'Assemblée nationale.
— Comment cela?
— Elle nous elfrayo.
— Mais elle vole la loi <iir les clubs.
— C'est vrai, mais, d'un autre coté, elle veut à
toute force réaliser des économies. Suivez-vous la dis-
cussion du budget?
— Sans doute.
— Avez-vous remarciué quel parti pris de réduire
toutes les dépenses; c'est un fait qui saule aux veux
les moins prévenus.
— Eh bien?
— Cela prouve que l'on tend à l'économie. Or, c'est
là un mot révolutionnaire qui rappelle les plus désas-
treuses époques de notre histoire. Attenter au budget,
c'est attenter à la sûreté de l'État. Tant que nous au-
rons une assemblée nationale qui affichera de sembla-
bles tendances, les capitalistes seront alarmés; et à
moins que la Russie ne se décide à intervenir d'une
façon plus efficace pour comprimer l'anaichie , et
qu'elle ne fasse un mouvement sur le Danube
— La rente n'atteindra pas au pair.
— Je le crams.
En attendant que le czar balaye toutes les constitu-
tions de l'Allemagne et, si faire se peut, des autres
pays, la bourse est bien obligée de se contenter de ce
que la Providence et Radeizki lui envoient.
Charles-Albert, qui a valu aux loups-cerviers une si
belle curée, s'est réfugié sur notre territoire. LaFrance
républicaine accueillera avec iioiiueur et respect le
monarque vaincu, le guerrier malheureux. Les jour-
naux qui reçoivent les inspirations du pouvoir, lui in-
fligent déjà le reproche de témérité, coiuine si on pou-
vait être témérau'e quand il s'agit d'arracher son pays
au joug étranger. An soldat trahi par le sort, la Répu-
blique dira : a Sois le bien-venu, je n'ai rien à te re-
procher à l'heure de la dél'aile, si ce n'est de n'avoir
pas appelé la France à tcm secuuis; il y a (|iielqiies
mois encore, elle t'aurait répondu ! »
La défaite de l'Italie nous altriste trop pour (|ue
nous puissions vous parler longuement du Moineau de
Lesbie et de la Paix à tout prix. Cette élégie et cette
comédie en deux actes ont été représentées au Théâtre-
Français avec succès. Mademoiselle Mante, une des
sociétaires de ce théâtre, est morte. Les directeurs de
l'Opéra ont donné un grand dinerà la presse. Le Pro-
phète sera représenté vers le ITt avril. J.e tliéàlrede la
Porte-Saint-Marlin est fermé. M. Léon Faucher n'a
supprimé aucune nouvelle pièce. Voilà tout ce que
nous avions à vous apprendre en l'ail de nouvelles dra-
maliques.
A propos, le choléra est décidément à Paris. Qui
s'en serait jamais doulé!
LE THERMOMÈTRE POLLl'IQUE
AVEC I.A MAMERF. DE S EN SERVIR.
Le célèbre Réaumur, lorsqu'on 1731 il eut perfec-
tionné l'informe création de Corneille Drebbel, conçut,
s'il faut en croire son biographe, le projet d'apjiliqijer
le thermomètre aux hommes et aux choses de la vie.
Il voulait employer l'échelle au moyen de laquelle (jii
mesure les degrés de température, à classer mélhodi-
quement les philosophes, les ministres, les littérateurs,
les musiciens, les cuisiniers, les femmes, les rois, les
capitaines , enlin tous les individus susceptibles de
comparaison. Il communiqua son dessein à plusieurs
savants, qui l'en détournèrent, dans la crainte qu'il
lui prit fantaisie de les placer au-dessous de zéro.
L'inventeur du thermomètre politique aurait été
arrêté par les mêmes motifs, s'il avait demandé con-
seil aux hommes d'État d'aujourd'hui ; mais, dédai-
gnant le terrain des personnalités, n'ayant envie de se
brouiller ni avec .M. Rarrot, ni avec M. Proudlion, il a
basé sa graduation sur de pures généralités. Il laisse
chacun libre de caser Pierre Leroux à côté des utopies,
et le ministère- Faucher aux environs des traités
de 181/). Il n'a pas empieinl son œuvre d'un caraclère
d'actualité, mais il eu a l'ail un vitde-mecum qu'on
peut consulter avec fruit dans tous les temps.
L'ingénieux opticien aurait pu donner plus d'exten-
sion à son travail. Ainsi, les thermomètres ordinaires
signalent les années de chaleur et de froid; par exemple,
ils indiquent 38 degrés au-dessus de zéro pour 1793,
et 35 degrés au-dessous de zéro pour 1812. On aurait
pu faire aisément un pareil calcul relativement à l'at-
mosphère politique. Quel rapport ont entre elles
les dates fameuses du li juillet 1789, du l2aoùtl79'2,
du 9 thermidor, du 20 mars 1815, du 27 juillet 1830,
du 24 février 1848 ! Cesoutdes questions dont la solu-
tion est abandonnée à la sagacité des sousctipteurs de la
lieime comique!
Rien de plus aisé que l'usage du thermomètre poli-
tique. Qu'un fait nouveau se produise, qu'une loi
nouvelle soit proposée, qu'un événement imprévu bou-
leverse les idées, cherchez sur l'échelle à quelle caté-
gorie correspond le fait, la loi ou l'événement, et vous
TMERMOMÉTRK l'OMTIOl K l>K mi'l II S . OPTICIKN A PARIS.
par iiAi;i.ANT.
304
REVUE COMIQUE
arrivez à une exacte appréciation. La loi des clubs, par
exemple, étant un symptôme de congélation de la li-
berté, est à 8 degrés au-dessous de zéro.
Le thermomètre est surtout bon à consulter comme
mémento des vrais principes, dans les jours où la tem-
pérature politique esi variable, incertaine, flottant entre
le chaud et le froid. Alors, au milieu du choc des opi-
nions contraires, l'esprit hésite ; il a besoin d'un guide
sur, et le thermomètre politique lui en tient lieu. On
peut, grâce à cet utile iuslriiment, se rendre compte
des débâcles soudaines qui changent la face des nations.
Quand un gouvernement incline vers un abaissement
considérable de température, quand il s'approche des
ordonnances et de l'absolutisme, il s'opère souvent
une brusque réaction ; on franchit rapidement la
roymdi fondante pour monter dans les régions supé-
rieures, et le torrent populaire, déchaîné à l'impro-
viste, entraîne les imprudents qui avaient tenté d'eu
suspendre le cours.
UN nÉVE RÉTROSPECTIF.
Depuis quelque temps, le célèbre Barrot semble
soucieux; son front olympien a perdu sa sérénité ac-
coutumée ; une vague préoccupation est répandue sur
ses augustes traits. Qu'a-t-il? qui le trouble? se deman-
dent ses collègues. Son existence ministérielle n'est-elle
pas assurée? L'Assemblée nationale ne le traite-t-elle
pas avec tous les égards dus à ses éminentes vertus? Ne
lui accorde-t-on pas tout ce qu'il désire? Ne lui sacrifie-
t-on pas toutes les libertés qui l'importunent? La cause
de ses angoisses secrètes, les indiscrétions de quelques
confidents nous ont mis à même de la connaître, car,
suivant l'invariable coutume des héros, le célèbre
Odilon a des confidents, qui l'appellent seigneur, l'a-
dulent en sa présence, et en disent tout le mal possible
dès qu'il a le dos tourné ; maître Odilon, comme autre-
fois le père Sournois, se promène poursuivi par un
songe.
C'était pendant l'horreur d'une profonde nuit; fa-
lio-ué des longues tirades qu'il avait débitées contre le
droit de réunion, le célèbre Odilon Barrot dormait d'un
paisible sommeil. Tout à coup il se sentit transfiguré.
11 rêva qu'il était encore de l'opposition ; que des mi-
nistres prévaricateurs avaient présenté un projet de loi
attentatoire à la constitution, et, qu'en sa qualité de
chef de la gauche, il combattait leurs velléités dospo-
liijues.
Il s'avança majestueusement vers la tribune, et la
gauche battit des mains, et les ministres pâlirent à son
aspect.
« Messieurs, dit-il d'une voix rotenlissantc, le droit
d'association en lui-même est, je ne dis pas un droit,
mais il est bien plus qu'un droit, bien plus qu'une fa-
culté : c'est une nécessité, la première de toutes les
nécessités sociales.
« Avant votre loi, il n'en existait pas au monde qui
eût fait celte insulte à la raison et à la civilisation hu-
maine, de dire que le droit d'association n'existe pas
dans une société. »
A ces belles paroles, les Iri's-l/ien éclatèrent avec
fracas.
0 Qu'est-ce que vous faites, vous? continua le célè-
bre Barrol, vous allez jusqu'au droit; vous faites ce
que la législative et l'Empire n'ont jamais o.sc. Vous
diles : « Toute association, quel que soit le nombre de
membres qui se réunissent, est prohibée par la loi et
constitue un délit. » Vous faites une loi prohibitive du
droit lui-même; vous poussez, j'ose le dire, jusqu'à
l'absurde, les rigueurs du code pénal de l'Empire. Un
pareil outrage ne devait pas être réservé à notre révo-
lution de Juillet. »
Les ministres s'agitèrent sur leurs bancs comme des
accusés qui s'apprêtent à entendre leur sentence. En
effet, le célèbre Barrot, après quelques développe-
ments fulminants, la prononça en ces termes :
« Nous proposons de mettre le ministère en accusa-
tion comme coupable :
« D'avoir trahi au dehors l'honneur et les intérêts
de la France;
« D'avoir au dedans faussé les principes de la consti-
tution, violé les garanties de la liberté, et attenté aux
droits des citoyens;
« D'avoir insolemment dépouillé les citoyens du
droit inhérent à toute constitution libre ;
« D'avoir enfin, par une politique ouvertement con-
tre-révolutionnaire, remis en question toutes les con-
quêtes de nos deux révolutions. »
Ces mots excitèrent des transports d'enthousiasme ;
l'opposition se leva comme un seul homme. Barrot crut
la voir, par une fusion étrange, s'unir en un seul
corps, et former un formidable géant, qui saisit les
ministres dans ses bras robustes et les jeta à la porte.
Une vive sensation de locomotion rapide réveilla le
dormeur. 0 surprise! c'était lui-même que l'on chas-
sait. Le tribun de 1848, devenu ministre en 1849, s'é-
tait fait condamner, grâce à sa propre éloquence. C'é-
tait un des fragments de ses propres discours qui
avait renversé un cabinet dont il était le chef!
Depuis ce jour, maître Odilon croit voir, à son an-
cienne place, son ombre, son double, son Sosie, qui
l'attaque audacieusemcnt.
Plein du souvenir de son passé, Odilon paraît acca-
hlé de remords.
Ce n'est pas qu'il regrette d'enchaîner leshiierles
publiques, d'être hostile aux réformes, de s'incliner de-
vant l'austro-croatie.
Il se repcnl d'avoir été de l'opposition.
A L'USAGE DES GENS SERIEUX.
30?}
ATTITUDE DU GOUVERNEMENT DE LA REPUBLIQUE FRANÇAISE DEVANT LES ÉVÉNEMENTS EUROPÉENS,
n-:' iné p r Naiauu Grave par Bai:lant
L\ RLE DE POITIERS DEMANDE L'AUMONE.
Pour un pauvre coinilc, s'il vous plaît! N'oubliez
pas, âmes charitables, un malheureux comité infirme
et aveugle !
Le comité de la rue de Poitiers va ainsi gueusant
d'opinions en opinions, des légitimistes aux orléanistes,
des orléanistes aux lionapartisles. Il a mis une sébile
entre les dents du Constitutionnel, et, conduit par ce
journal-caniche, il parcourt toutes les rues, faisant
vibrer la clarinette de la réaction pour attendrir les
cœurs compatissants.
Les curés recommandent le comité de la rue de Poi-
tiers au prône.
Ceux qui voudront obtenir l'absolution de leurs pé-
chés n'ont qu'à s'inscrire sur la liste de souscription.
Voici le tarif des indulgences, réglé par le révérend
père Thiers :
Pour racheter une âme du purgatoire. ."i fr.
Pour faire gras le veudredi 10 fr.
Pour être dispensé du jeûne 10 fr.
jNous épargnerons au lecteur la nomenclature des
autres cas réservés. Le tarif varie de cinq francs à
vingt-cinq.
De plus, on a organisé des quêtes à domicile.
Les journaux-quêteurs s'introduisent dans toutes les
maisons, sollicitant des secours pour la propagation
des saines doctrines, pour la conversion des républi-
cains, pour l'œuvre du sacré-cœur de la très-sainte
Réaction.
On cherche également à constituer sur le modèle
des sociétés bibliques protestantes des sociétés catho-
liques pour répandre à des milliers d'exemplaires les
œuvres du vénérable père Falloux, défenseur de la Foi
et sergent de la très-sainte Inquisition.
Le comité de la rue de Poitiers a besoin d'argent,
de beaucoup d'argent. Jamais comité n'eut plus la
manie décrire.
Il publie des manifestes, des journaux, des livres,
vuire même des caricatures, il. Cousin a composé
ÔOO
REVUE COMIQUE
d'admirables cantiques ((n'il s'agit de iiieltre en circu-
lation. Or, tout cela coûte fort cher.
Il est vrai que le comité coniptc luMiicnup sur la
vente des amulettes qui préservent de hi Hépiiliiique,
des scapulaires qui ont la vertu de mettre en fuite le
socialisme, des chapelets bénis par M. Mole, l.e comité
tient également en réserve des morceaux de la vraie
simarre de M. Hébert, et une mèche de cheveux de
saint Guizot, ministre et martyr.
Si ces moyens ne suffisent pas, le comité aura re-
cours à des ressources plus mondaines.
Il confpte, par exemple, donner un grand bal au Jar-
din-d'Hiver, suivi d'une tombola dans le genre de celle
de Petit-Bourg.
On y verra réunis des lots envoyés par la duchesse
d'Orléans, par le duc de Bordeaux, par M. Louis Bona-
parte. Ce dernier a promis, dit-on, de faire cadeau à
la tombola d'un exemplaire de ses œuvres complèles.
Le gros lot sera représenté par le sempiternel plu-
met et les incessantes épaulettcs du Président de la Hé-
publique française.
M. Léon Faucher s'est empressé d'accorder l'autori-
sation nécessaire à cette magnifique tombola.
Les journalistes sans emploi, les anciens suppôts du
bureau de l'esprit public, les invalides des fonds se-
crets, les vieux de la vieille politique qui voudraient
s'utiliser au profit des saines duclrines, n'ont ([u'à se
présenter à la rue de Poitiers.
Le comité veut envoyer des missionnaires en pro-
vince. 11 s'agit de réorganiser les anciennes missions,
et de planter des croix électorales dans toutes les villes,
bourgs, bourgades, hameaux de France, et de prêcher
l'évangile selon lesdeux chambres, leprésidentirrespon-
sable et rééligible à volonté, c'est-à-dire la monarehie.
Dans tontes les paroisses, on voit maintenant un
tronc pour le comité de la rue de Poitiers.
.Min d'exciter le zèle des fidèles, on publiera bientôt
la relation exacte d'un miracle dont M. Tbiers a été le
témoin, et qui est attesté en outre par un très-grand
nombre d'autres personnes dignes de foi.
Des sourds et des aveugles ayant touché le manifeste
de la rue de Poitiers ont entendu et ont vu immédiate-
ment. Des paralytiques ayant été soumis au même trai-
tement, se sont mis à danser la polka.
Où trouver une preuve plus manifeste de la haute
protection que le ciel accorde au comité de la rue de
Poitiers?
Souscrivez donc, royalistes de toutes les nuances,
pour la sacristie réactionnaire. Pour un pauvre comité,
s'il vous plaît; n'oubliez pas, âmes charitables, un mal-
heureux comité composé de gens qui sont presque tous
millionnaires.
IL LE FALLAIT
— Vous ne cesserez donc jamais, ô Faucher 1 de
sauver la République?
— Comment I que voulez-vous dire ?
— Voyons, ne prenez pas ces airs modestes.
— Ma parole d'honneur, je ne sais pas ce que vous
voulez dire.
— Ceci est trop for(, par exemple!
— Je ne comprends pas.
— Vous aviez déjà sauvé la lîépuhliquc le i'.l jan-
vier.
— Je l'avoue.
— Eh bien ! qu'avez-vous fait dans la nuit du 2"
au 2i mars?
— Ce que j'ai fait? Attendez donc... Je me suis
couche, autant ipi'il m'en souvient, et j'ai dormi [iio-
fondement.
— Allez donc !
— Parole d'honneur.
— Puisqu'il le faut, je vais vous le dire. Dans cette
nuit mémorable, vous avez mis sur ]iied toute la gar-
nison de Paris.
— Vous croyez?
— J'en suis sûr. J'ai rcuconiré, celte nuit-là, en
revenant de soirée, un bataillon tout entier (|iii (Uait
enrhumé du cerveau.
— Qu'importe un rliunie de cerveau, (]uand il s'agit
de sauver l'Etat!
— Vous l'avouez donc?
— Quoi?
— Que l'Élal a été de nouveau sauvé par vous.
— FJi bien, oui, jiuisque \ous m'y furccz.
— C'était liien la peine de tant me faire attendre
cet aveu.
— Je SUIS modeste.
— Soit. Mais vous avez beau faire, vous ne par-
viendrez pas à vous dérober à la reconnaissance pu-
blique.
— On lu' peut pas prolester conlrc la graliUide de
son siècle.
— >on, sans doule. Mais jjiiisqne l'aveu est fiit,
donnez-moi ([uclques détails sur ce nouveau sauve-
tage.
— Voici. I.'livdre de l'anarchie devait montrer <le
nouveau ses lèles meuaçanles, dans la uuil du i7) au
iï mars.
— Pciuiellez-mui une ubservaliim, ô Faucher!
— F.iiles.
— D'ahord les hydres, qui sont de l'espèce du ser-
pent, ne se montrent jamais la nuit; c'est contraire
aux plu- simples tujtions d'hisloiie naturelle.
A L'USAGE DES GENS SÉUIEUX.
507
— 1.0 |H'ic (iarlirr m'a |iciiirlaiit (loiiiio sa |iaiip|i'
tl'IioiiiK'iic (lu l'diitiaiii'.
— Le pi'if (lailu'i ii'\ l'iili'iiil lien. Liisuile, vous
abusez tiup (le l'iiydie de rauaiiliic ; e'est une iiiéla-
pliore usée par le Jtmnml des iJéhuts. Il n"y a |)Uis
que le Constitutiiimiel e( volie Moniteur <|iii s'en si.'i-
vent à l'heure ([ii'il ot.
— Je croyais ijue cela ne faisait pas encore trop mal.
— Erreur! Enfui, pour terrasser l'iiyilre, \ous a\ .ù
mis toute la jiurnison de l'arissnr pied.
— Il le fallait.
— Vous avez envoyé ciiniuanle mdli; hommes en
patrouille, la nuit, pour terrasser .M. l'roudlion,
qui, à la même heure, dormait tranquillement dans
son lit.
— Il le fiillait encore!
— Et |)ar ce déploiement de forces, vous avez jeté
l'alarme dans le commerce parisien, et retardé la re-
prise des afîaires.
— Cruelle nécessité!
— Réponse suhlime! .\pprochez-vous, ô Faucher!
i|ne |e vous pose sur le front une couronne de chêne.
— Je suis trop maigre,
— On peut iMre maigre et sauver la société. Vous
avez méiili' la coin-omie de chêne, je la pose sur votre
fronl, \lan !
— (li'^t la couionne du citoyen ; à ce titre, je l'ac-
cepl...
— (le n'ol |ias tout.
— Vous allez me faire rougir.
— Il vous faut maintenant une couroimc Irioin-
pliule, une couronne de laurier. Ohé, les autres! est-
ce i|ue le laurier ne fleurit plus sur la terre de France?
Ajiportez-en à pleines mains; du lauriei- pour Fau-
cher 1 S'il n'en reste pas assez pour accommoder les
jamhons, on se passera de jamhons. Voici la couronne
de laurier, posons-la sur la tète de Faucher, vlan!
Maintenant, ô Faucher! vous avez sauvé la patrie,
laissez dormir la garnison de Paris; si vous continuez,
que restera-t-il à faire aux ministres qui viendront
après vous? Et nous, mes amis, séparons-nous au cri
de Vive Faucher!
GR.VND TOIRNOI FINANCIER A \K\\^ COIBTOI-ES
Camp de tjnuchr,
commandé par le paladin Gcudchaii
Camp de droiU,
naitde par le preux Thit
les coups portent. . sur les écos seulement, et, grâce aux efforts du camp de gauche, il en restera pas mal sur le carreau,
aux applaudissements des contribuables.
rBERTiiL. Gravé par Baitlant.
508
itKviii<; co.MiQi;!-:
LA l'IIDELT, DE M. TIlIRllS.
Il iKirail (]iio M. ('iiii/.iit et M. llélicrl mil pris au
sérioiix le inaiiilosla du coiniti; de la nio do Poitiers,
et qu'ils se portent candidats pour les prochaines élec-
tions, le ])i-eniier à l.isieux, le second dans le déparle-
ment de l'Eure.
Pourquoi pas "?
Le fameux manifeste faisait un appel à tons les dé-
vouements douteux, à tous les égoïsmes, à tous les
principes usés, à toutes les idées fausses et conti-adic-
loires qui ont amené tant de révolutions et d'émeutes.
Les légitimistes, les lionapartistes et les doctrinaires
étant convoqués à une grande scène d'embrassemonl
général dans la rue de Poitiers, il manquait SE Guizot
et .M. Hébert à celte suprême coalition de ces brillants
chefs de partis qui comptent leurs cimpasines par Ilmics
défaites.
Mais voici que la fusimi va maiiijiirr par la finie de
M. Thiers.
M. Thiers trouve immoral que M. Guizot se porte
candidat à Lizieux et que M. Hébert sollicite les suf-
frages des électeurs de l'Eure. Que pciiscz-vous de
cette plaisanterie '.'
M. Thiers se permeltant de trouver qiiel(|iic chnse
d'immoral en polilique ! JE Thiers déclarant ([iie les
prétentions des deux anciens ministres de l^ouis-Pbi-
lippe lui font monter le ronge au front ! Le front de
AL Thiers ! Le l'ouge de SE Thiers ! Que vous semble
de ce rouge '? C'est peut-èlre bien le même dimt se bar-
l)onillent les comédiens dans les coulisses. Ah ! le bon
l'ouge que celui-là !
Pour savoir à quel point AL Thiers est amusant avec
son rouge, il faut lire le Courrier français f|ui reçoit
les inspirations du petit Talleyrand de la place Saint-
Georges depuis sa brouille avec le Consdtuiionnel ; car
c'en est fait, comme vous ne l'ignorez pas, M. Véron
chante vainement depuis un mois le Veni , sancte spi-
ritiis! L'esprit saint s'est retiré de M. Véron et de cette
vaste maison Pape où s'imprime le Cons/i/iitionnrl et
où se fabriquent des pianos.
Le Courrier français est d'une ironie cruelle à ce
sujet. Avec quelle malice il gouaille le Constitutionnel
que le Saint-Esprit a abandonné pour descendre sur la
tèto du baron Nivière, lequel, certes, en avait besoin !
Le Courrier allait, l'autre jour. jus(|u'à dire que de-
puis la sortie de M. Thiers de la maison Pape, tout y
allait mal, jusqu'aux pianos.
Mais, pour en revenir aux rougeurs de M. Thiers,
c'est au Courrier qu'il faut en demander des nouvelles.
C'est ])ar l'intermédiaire de ce journal que M. Thiers
communique aux électeurs la triste impi'cssion pro-
duite sur lui par les candidatures de \\. Hébert et de
JE Gnizol.
Oser rentrer dans la vie piditiijiie ! s"écrie-t-il, quelle
impudeui' !
Lisez : — Quoi ! reparaître tout à coup sur la scène
pour m'enlever le premier rôle, pour me faire per-
dre le fruit de six mois d'intrigues ! se servir de ma
patic pour tirer les marrons du feu ! quelle abomina-
tion !
Le baron JNivière n'en rexicnt pas, (jouicpie le Saint-
Esprit soit descendu sur lui.
Espérons que M. Guizot et M. Hébert ])ersîsteront
dans leur impudence, et que M. Tliiers rougira jusqu'au
bout. \\\\ tout, nous aimons les situations bien délinies,
ce qui fut que nous détestons les doublures. 11 y a en-
core (les gens à qui l'on ne ferait pas comprendre que
JE Odilou-Barrot est la doublure de M. Thiers, qui
n'est, lui-même, que la doublure de JE (jiiizot. Avec
le nom de M. Guizot dans un ministère, il n'y aura
pas d'ambiguilé possible, et l'on saura du moins où nous
marchons. Vive donc M. Guizot, (juoi(iu'il doive en
couler à la pudeur de SE Thiers !
VIO EETTES PA R LEM E ^ ! A 1 1 ; i;S.
LSOl'iSSKS NON l'OLITIQlES
IV. M. DE KEUIll.ll .
Il est Breton, mais il est gentilhomme, et quehpie
chose C(mime ancien élève de l'école des Chartes.
M. de Kerdrel remplit à l'Assemblée nationale la
spécialité do la violette turbulente, agitée, causeuse,
importante, tracassière et discoureuse. M. de Kerdi'el
se mêle à toutes les discussions, prend des jioses de
Napoléon parlementaire et fourre son mot et sa per-
sonne partout. Finances, |)oliti(|UC générale, travaux
publics, commerce, administration, rien ne l'effraie;
il a l'audace d'un myope et l'aplomlid'un sourd. C'est
une violette qui a perdu son paifiini.
Ce ij'.i i manqué en général aux coiisci'ils de la
conslitiui.ie, c'est la modestie... La plupart se sont
pi'ésenl laiis la lice, dès le premier jour, bardés d'a-
mendements, cuirassés do propositions et armés de
phrases apprises par cœur damAus pièces de bœuf du
journal du chef-lieu. J'ai vu M. de Dampierre à la tri-
bune, hélas! et SE Poujoulat, holà! et M. Slorin (de
la Di'oine), le même i]ui omettait généreusement la
proposition que les représentants ne fussent pas payés,
lui qui n'a (jue trois ou quatre millions do fortune, et
SE de La :ssat, ce jeune vieux spurtman blanchi sous
A i;usa(;k di's ckns sfimiaix.
300
le harnais de la Cioix de Berny, qui a éludic la poli-
tique au jokey-ilnl), ol tant a'u.lns, .lunt j'ai mil.lié
le nom et les ligures... de rlu'l.in<|in'.
M. de Kerdrel résume à lui seul lnutes ces amlii-
lions loquaces, impatientes de se produire; il parle, il
parle, et l'Assemlilée parle aussi. C'est le n.omeul où
les représentants courent de banquette en hamiuette,
s'informent de leur santé, se demandent réciproque-
ment des nouvelles de leurs femmes, de leurs enfants
et de leurs électeurs. M. de Kerdrel va toujours, s'api-
tant dans le vide, remuant les bras comme un lélé-
{vraphc, et ayant toujours l'air de prendre les mou-
ches au vol. 11 reste à la tribune une heure, une heure
et demie, et il s'y incrusterait jusqu'à la lin de la
séance, si M. le président Marast, ennuyé du murmure
monotone de la jeune Aréthuse parlemeulaire , ne
prenait le parti de fermer ce robinet de mots qui n'ont
jamais pu parvenir à former une phrase quelconque.
Personne ne cultive la métii)hore comme M. de
Kerdrel. Cet aimable herborisateur politique et litté-
raire ramasse toutes les fleurs et toutes les herbes rbé-
toriciennes qu'il rencontre sur la roule de son dis-
cours. Puis il mêle le tout, et jette bravement son
bouquet à la tète de ses collègues.
Voici quelle est la formule ordinaire des discours du
jeune orateur. Nous copions le procés-verbal de la
séance :
M. DE KERDREL. — Tu houime d'Klat doit tenir d un
nied ferme le gouvernail du gouvernement.
M. D'iuia.vMBALT. — Très-hieu !
M. PF. KEKDiiEL, coTit i iiuaiit . — U faut q-ie le vais-
seau de l'Ktat, qui a sombré sur l'océan des mauvaises
passions, soit ramené triomphalement an port sous l'é-
gide de la raison.
M. D'iiÉRAMBAtT. — Et de la liberté.
M. CE KERDUEL. - Jc forai remarquer à Tlionorable
inlcrrupleiir que c'est ainsi que je voulais achever ma
pensée, s'il ne m'avait pas interrompu. Je continue.
t;.\K voi\ DANS i.K FOND. — Assez ! asstz, !
M. UK KB«nnF.i.. — Monsieur le p.ésideni, faites res-
pecter la liberté de la tribune.
H. MAHU.vsr, fjiii sunimeille. — On y va.
>i. r.K KKiviuiRi-, reprenant la suite de son improvisa-
ti„„. — Où allons-nous? Nous allons à l'abîme 1
M. i.'Hi'iiAMiiArT. — Très-bien!
M. i,E KBaouEL. — Oui, l'abimc est creusé sous nos
pas, et il ne pourra être comblé que jiar notre patrio-
tisme.
M. i)'iiÉ»A>iiiAir. — Bravo!
M. DE KEKDREL. — Ce que je vous dis est grave,
très-grave. Tous les hommes sérieux doivent réfléchir
prufondéiiientà celte question incandescente qui nous
occupe, et dont, etc., etc.
Cent représentants se promènent dans les couloirs;
ks uns causent, les autres dorment. M. d Héraïubaut,
seul placé au pied de la tribune comme une cariatide,
écoute avec la plus grande attention. Il pense en lui-
même que M. de Kerdrel est un orateur du plus grand
avenir.
Quand M. de Kerdrel descend de la tribune, il se
serre la main, se complimente et retourne à son banc
au milieu du murmure flatteur de sa propre appro-
bation.
M. Marrast se lève alors, et dit avec un perlide sou-
rire qui se joue, sous sa moustache : « Quelqu'un veut-
il réponilre à M. de Kerdrel? »
Alors, un won colossal s'échappe en même temps de
neuf cents poitrines.
C'est majestueux comme une explosion.
M. de Kerdrel remonle le lendemain à la tribune et
obtient toujours le même succès.
Signes particuliers : M. de Kerdrel est blond et
310
REVUE COiMIQL'E
fado, il a un lialiit Iileu cl un panlalon jaune. Voilà
])our le rrioial. Il n'unlilic jam: is fie Tiiarchor dans la
rue avec sa roselle de leprésen lanl, et il tient sous sou
l.ras un portefeuille rouge pour se persuader qu'il est
aus-i ministre i[ne M. Léon Faucher ou nue tout autre
rp.FPAnMils !)[■; ccKiiiu:.
A la dernière rcuiiion du couiitc de la nie de l'oi-
liers, M. Tliiers prit la parole :
« Messieurs, dit-il, la campagne électorale va com-
mencer, il faut songer à nos préparatifs militaires.
« Nous avons di^à des journaux graves qui rejiré-
sentent nos idées, je les comparerai, si vous voulez
bien le permettre, aux éléphants armés en guerre qui
faisaient partie autrefois des légions romaines. Le Coii-
slitutionnel, par exemple, est un éléphant ;
« Le Journal des Di'bats — éléphant ;
« Le Courrier Français — éléphant ;
« La Patrie — éléphant;
» V Assemblée nationale — éléphaiil.
« Je passe les autres sous silence. Nous avons heau-
coup d'éléphants qui appesantiront leurs trompes sur
les candidats républicains. Mais vous savez que sur le
dos de leurs éléphants, les Romains plaçaient des guer-
riers armés de flèches et de javelots. C'est par une
imitation du même usage que l'on voit encore des
singes sur le dos des chameaux que l'on montre dans
les nies. Profitons de cet exemple.
« Mêlons l'agréable à l'utile, le badin au sérieux.
Pendant que nos éléjdiants fraoperont de la trompe sur
les candidats dévoués à la République, il faut que
ceux-ci soient encore assaillis d'une grêle de carica-
tures et de mots ])our rire. Appelons à mitre aide les
crayons et les plumes légères.
« Messieurs, ne laissons point perdre les traditions
de la franche gaieté. Depuis le jour où nous nous
sommes tant amusés à Grandvnux, qui peut se flatter
en France d'avoir ri? Eh bien, notre succès est là. »
Cette proposition de M. Thiers obtint le plus gran.l
succès, et il fut décidé qu'on ouvrirait immédiatement
une .souscription poiu' publier des caricatures et des
brodiures satiriques contre les candidats républicains.
« Autre proposition, reprit .M. Thiers. Pour frapper
un grand coup, il ne faut pas reculer devant l'idée de
vendre nous-mêmes ces caricatures sur la voie pu-
blique, chacun à tour de rôle. Je commencerai, en
mettant un faux nez.
— Si vous mettez un faux nez, oii sera le mérite?
— 11 s'agit d'être cocasse avant tout, et mon faux
nez attirera la foule. »
L'idée parut excellente.
« M. Mole babille en femme produirait aussi quel-
que etfet, » reprit M. Thiers.
lA VIE PUBIIQUE IT PRIVÉE DE MOSSIEU RÉAC.
ChaP n\.~LaJnrt„„esm,ril à ses efforts ,„d„slTich el pl„lanll,n.i,iques.
Effets du ho- ,
sur les maladeiï soumis a
Avan*.
Ce magnifique succès vaut à mos-
Bieii Réac la dignité d'adminis-
trateur des hosDices et de membre
du bureau de bienfaisance.
A I isv(.i; i)i:s crcNs sKriicux.
511
.M. Ml. le \oiiliil |ii-.ili'^liT, 111,11- lr> .icclaiimlii)iisft
li's nivs ,!,• r.i.- |,|,v lui cniiiinr.iil la iiaroli;. On
s'ciilc'ii,lil ,'ii>iiiii' Mil- |,.s il.-iiiMMiicnls des iiiili-fs
nit'MilHcs (il' h uMiiii.iii. M. Viiinr lliij,r,j pndoi-a,
illt-nii, l:i ir,hii-H(c a l.raililclioin-s ri |,, , iiln||,. iaim,.
lies li,iiihailoiii> ,!,• llii'àdv.
I.i's ratiiliil.ils ic'|tiililicaiiis sont aveilis : le» colisa-
tioiis des iiii'Milires lin ruiiiilc sont vimsi's, les pliitnes
sont priMc's, les crayons sonl taillés, el la première luo-
elmie va paraître; elle sera, dil-oii, i-iitiéreinent coiii-
posi'e (il! calemlionrf.'s de M. Iinijui.
i. liOMMI |\\ IMI;|,|;.
Depuis que les rocors sont entrés en caiiipagne, et
ipTils ciK-iciient du gii)ier pour Clicliy, on voit se nuil-
liplier un Ijpe inii devenait ran; ; celui de riioiiiine
mvisihle.
On appelle ainsi nn iiidi\idii (|iii e>l Idiijinirs chez
lin, etipii, par Cijnséi|nfMl, ]\'\ c<l jainais.
On pent être amené à cet état par diverses circon-
stances : par la misanthropie, par nn tempérament
d'immorisle, par l'anionrde l'élude et du travail; mais
la |)nneipale cause délermiiiaiile est le nmiihre des
ci-eanciers.
L'appartement de l'Iioninie iii\isilile est dus avec le
plus grand soin. Sonnei, frappez; le tintement de la
soni.ette, vigoureusement ébranlée, le bruit pesant du
marleuLi, troublent d'abord le silence du logis. Kniiu,
« -Monsieur y est- il ?
— Il est s.irli.
— Diable! diable 1 vuiià vin;;! cinij fi.is (|iii' je viens
pour le renconlier.
— C'est éloniiaiill .Muiisienr y e.-t picsijuc tmi-
jiuirs.
— .\ quelle heure le liiune-l-uu?
— Tous les jours, depuis miiiiiil |us(|ii'à >i\ heures
du malin. Si MoiiMcur voulait laisser son nom'.'
— ("est luulile; Je repasserai.»
Nous revenez le lendemain , dès la puiule du |ijur,
et vous répétez votre iuvarialile interriii;atiiiu ;
« Monsieur y est il?
— Je ne sais pas ; je vais voir. »
La bonne pénètre alors dans la pièce voisine, et re-
a force de vacarme , vous attirez une servante , qui, , parait au bout d'un quart d'heure, pendant lequel von
s avançant avec circonspection, entr'onvre nn vasistas j vous morfondez sur le palier.
pratiqué dans la porte ; elle uionlie le.vlrémité d'un \ « Monsieur n'est pas à Paris. Hier, en rcnliaut, il a
nez bourgeonné, et, muette, vous contemple d'un air trouvé une lettre qui l'a forcé à pailir de s'iile à la
de deliance. campagne pour une affaire m-eiile. «
X.A VIZ PCBriQCE ET PRIVÉE SE MOSSIEU HÉAC.
Cii;.!-. IV. _ J-,.,l„He ,Ml,tiq„.:. - C, ,l,.s S-^TlsF.\lT-.
Et plus Jaloux que j
tout entier à son pays,
mossieur Réac se présente aux électeurs
comme cantiidat à la députatioii.
312
IIEVUE COMIQUE
Vous vous prcscnlericz au milion de lu miil, qu'au
nsque de faire passer le mailio pimi- .m vagabond, la
bonne répondrait toujours : « Monsieur n'y est pas. »
C'est son incviiable refrain.
Lorsque des affaires urgentes vous font obtenir de
l'homme invisible un rendez-vous à domicile ; lors-
nue après une active correspondance il consent à lever
la consigne, que de peines pour pénétrer dans l'impé-
nétrable sancluau-e ! S'il n'a pas choisi l'instant même
où il doit vous attendre pour être réellement absent,
que d'hésitation de la part de la bonne avant de vous
laicscr franchir le seuil !
« Monsieur n'y est pas, » répond-elle d'abord ma-
chinalement. Et vous seriez encore repoussé avec perle,
s'il ne paraissait lui-même pour invalider l'assertion
de l'opiniâtre camériste.
Ou bien celle-ci. se précipitant sur vos traces, vous
rejoint tout essoufflée au milieu de la rue ; et au mo-
ment oîi vous cheminez en maudissant l'invisible, elle
vous console par ces mots inattendus: «Monsieur,
je m'étais trompée ; Monsieur y est. »
Des célibataires invisibles, qui n'ont pas de domes-
tiques, prennent le parti de ne jamais ouvrir leur
porte. Quelques-uns poussent l'astuce jusqu'à recou-
rir à des déguisements. Sitôt qu'ils entendent frapper,
ils mettent un faux nez et des lunettes vertes, endos-
sent un uniforme, une blouse, ou même une soutane,
et se présentent à la porte entrebâillée.
«Monsieur X...? dit le créancier.
C'est plus haut, » répond brusquement l'homme
invisible. Et il referme brusquemeut la porte.
Malheureusement ces ruses sont connues : les li-
miers de la finance sont adroits; et après une lulle
courageusement soutenue, l'homme invisible, qui aime
tant la solitude, va la trouver, complète et sans mé-
langes, dans une cellule de Clicliy.
Un autre type d'homme invisible , non moins ré-
pandu, c'est le personnage politique : il est représen-
tant du peuple, ))résident ou rapporteur de nombreuses
commissions, membre du conseil des hôpitaux, directeur
de plusieurs insttutions. Aussi est-il harcelé de sollici-
teurs, qu'il se garde bien de recevoir. Quoiqu'il prenne
amplement le temps de déjeuner et de dîner, il n'a pas
celui d'accueillir les pétitionnaires, tant il est accablé
de besogne. Parfois il daigne indicpier une heure de
réception: on peut le voir le matin, de cinq à six ;
mais à six , six heures cinq minutes, il a déjà dis-
paru. Son but principal est d'avoir une antichambre
encombrée et d'acquérir une haute réputation de
crédit.
Mercredi dernier, le socialisme a comparu en cour 1 ordinairement assez restreint des banquettes accordées
d'assises dans la personne de M. Proudhon. La vieille an beau sexe avait été augmente ; les avocats se pres-
Thémis avait fait des frais pour le recevoir ; le nombre | saient partout ;^plusieurs^presentants du peuple, des
tA VIE PUBlIQtJE ET PRIVÉE DE MOSSIEU B.ÉAC.
CUAP. IV- — Fortune palitique. — t'n des satisfaits. __^
...et qu'on peut m passer de boUes.
A L'USAGE DES GENS SÉRIEUX.
écrivains (le lii pfcssc Sdciali^i', l'iilianiiii'i]! Ii^ |irr-
VLMiii;uii Ciisiiil ijtiuiiu (li'piii:; liiiil liciiiis du inalin
pour oiilior dans la salle d'aiiilii'iicc.
M. l'niiidhoii est le lion du iiidinciit, cl voilà (h'jii
liicii longtiMn|)s (|ii(! sa vogue duie. On pouvait rire et
plaisanter à son sujet, et certes on ne s'en faisait guère
liuite; mais sa coTulanination le soustrait niaiuteuaul
aux attaques. Pour atteindre sa |)ersoime, il faudra au-
joiu-d'liui passer par dessus le lion goût et les coiive-
naiiies. — Trois ans do |)rison ! c'est peut-être la cnn-
dainnation la plus rude ([ui ail clé prononcée en ma-
tière de presse. Est-ce ainsi (pie l'iiii prétend proléger
le droit de discussion.
M. Madier de Monjau a présentii la défense du ré-
ilaclenr en chef du jonrnul le Peuple, avec beaucoup
de talent et une véritable éloquence. M. Proudlion a
pris la parole à son tour et s'en est servi avec franciiisc
et dignité pour explii|ner sa iiosilinn au jury. M. le
président Harlion n'a point permis à l'nLitr indc tiailer
la ([ueslion du socialisme.
Il est certain que M. l'roudlMu a \oulu interpréter
la Oonstilulion à .«a manière, au sujet de la res])onsa-
bililé du l>n;sident de la République. I.e jury a dé-
claré ipi'il s'était trompé; mais celle interprétation est
un droit de tous les citoyens, et il est bien malheu-
reux que nos mœurs politiques soient eicore barbares
et incultes à ce point, que l'erreur en pareille matière
devienne forcément un délit.
Deux miiiislrt's divers de la ville clcnicllo
Soiil à P.u'is eu col instanl;
L'rin, envoyé par la Rome nouvelle.
Du peuple était naguère un coni ballant ;
L'antre, que le Nonce on appelle
Du I';ip • est le représentant,
l'.iiu' le clioix de l'un d'eux, s'il .s'agissait de volf
I.'tioninie d'épée aurait le mien;
Ceux ipii sont pour la mître... eli liicn!
A eux Ia calotte.
SCR M. UnoUIN DE L UCÏS, AîiClEN PRIX DUOX.NEtlI.
Drouin de L'Huys, fidèle à son système.
Ne dira rien, dil-il... Quelle obstination !
Ce jeune homme, si fort en thème,
Ne change pas de version.
A la gendarmerie, et cela se con(;oit,
On a du vieux Cujas donné l'Iiôtel antique.
D'être très-conséquent à Bourges on se pleine :
Les gendarmes aus^i, de nos jouis, loiit du dsoil.
l'aiivrd Lacrosse, hélas! (iiielle triste semaine!
Ses calculs de budget par Stouiin sont renversés;
Pour lui quelle galère ! Il sue, il se démène.
Ut ses travaux-publics sont ses travaux forcés.
PATRIOTISME DES BOCRSIEBS.
On jouait à la hausse, alors que sans ressource,
Albert était trahi par le sort des combats;
Les désastres publics sont colés à la Bourse;
Plus les fonds nioiitent haut, plus nous descendons las
I.A VIE FUBAIQUE ET PRIVÉE SE MOSSIEV RÉAC.
CiiAP. IV. — Fortune polilique. — Un des .satisf.uts.
: est décoré
par le gouvernement ami de Vordrr.
qui le snrts/a'' de plus en p!us.
Il danse avec salisfaction au bal de la ccur
Il est plus satisfait que jamais
de se voir nommer préfet
dans les premiers jours de 1848.
(ta suite à la prochaine livra iso a
Al'nUAE, IIIGEAID.
Le grognard, dont voici l'image,
Diins Blaye, au temps do l'ancien rc
l)e sage-femme obtint l'emploi;
Mais ce n'est pas un liomme sage.
C'est sur nous (in'll doit remporter
I.a victoire (|u'il a rftvéc;
Il prétend tous nous régenter.
Avec quatre hommes de corvée.
Au lieu de rfiver des succès
Dans les plaines de la Savoie,
En s'en prenant à des Français,
Le vieux caporal se fourvoie.
Pour nous, oubliant nos voisins.
Il prend des airs de Matamore.
Le grand vainqueur des Sarraz.ins
Veut nous traiter de Turc à Maure.
Dessiné par fabritZics,
Gravé par BaulaNT.
11(111. VAIlll fiR* ITAI IK\».
341 cenlIiiiCH lu livraison.
ll:l ll:t, 52.
idiilons de la Sonsoription. — La Revue comioie f»rmora un mainifique volume, prinJ iu-S, puUié on 50 livraifOii; à 30 centimes,
irli posle, 40 cent. On sous.-rit pour 10 livraisons. Pour les «lépartenicuts, envoyer un mandat sur la poste à l'onlre du directeur de la
lEVlE.
BUMUffEHAY. ÉDITEÏTH, RUE HICHEI.IEU. 52. 2-2<' Livra^'sOn.
A¥IS AUX JOL-RIVAUX DE PARIS ET DES DÉPARTEMEIVTS.
Nous aiitorisons la reproduction des articles contenus dans la Revue comique, à lu condition :
1° De citer la Reçue eu lui empruntant ses articles;
2° De limiter, par chaque semaine, la reproduction au tiers des matières contenues dans cliaijue numéro.
AVIS
AUX SOnSCBIFTEV&S DE ZiA BXVUE COMIQUE.
Pour répondre au désir exprimé par un grand nombre de souscripteurs, qui trouvaient
fâcheux que, pour ne pas décompléter la collection des dessins parus jusqu'à ce jour, ils pussent
être dans l'obligation de faire brocher ou relier les couvertures qui se reproduisent d'une façon
uniforme toutes les seize pages, nous reporterons dans l'intérieur de la livraison le dessin que
nous donnions ordinairement sur le verso de nos couvertures. De celte façon, ce dessin ne se
trouvera plus perdu pour le volume complet, qui pourra être broché sans ce premier feudlet.
La pagination a été disposée pour que cette suppression puisse se faire sans inconvénient.
Toutefois, pour que cette nouvelle disposition n'enlève pas au volume complet les dix
grandes gravures publiées jusqu'à ce jour sur le verso des couvertures, nous donnerons, avec
la dernière livraison, ces dix gravures en supplément.
Le dernier feuillet de la couverture, formant la dernière et l'avant-dernière pages de chaque
livraison, devra être relié avec l'ouvrage complet dont il ne peut être détaché sans intervertir
l'ordre de la pagination.
SOMMAIRE DE LA VINGT-DEUXIÈME LIVRAISON.
La Semaine.— La Liberté militaire comme en Russie. — Le Banquier de Trébizoïide. — Ou deuiaude des gens d'esprit.
Le Choléra de 18^9. — Déchéance de Longcharap. — Choses quelconque. — Zu( !
Gravares par Baulant-
LE PIC DE LA RÉACTION.
Grande vignette par Nadard,
ÉTLDES POLITIQUES A l'aSSEMBLÉE NATIONALE.
Par Nadard.
LES PRÉFETS INFIRMES.
Deux dessias par Nadard.
LA MB PUBLIQUE ET PRIVÉE DE MOSSIEU RÉaC.
Ckap. r. - Dépvche télégraphique. — Chaf. YI. — Mossieu Réac s'aperçoit qu'il est républicain de l'avant-vcille.
Feuilleton au crayon par Nadard, gravé par Baulant.
PUISQUE c'est notre BAL !
Par Fabriliius.
LE -fOMPIER DU 13 MAI.
Pu Bertall.
M. bE TRACY.
tj-pe par Béguin.
p»ri..-Tlr»e tiii pr«i«e. mie.niqiie» d« LiclOPl 6I« el Comp., rue Dinielle. ».
■F<r
LA SEMAINE.
Enfin, ce triste et monotone procès de Bourges est
terminé. MM. les hauts jures peuvent rentrer chez
eux et se reposer de leurs fatigues. Nous n'avons pas
à discuter un verdict, et l'opinion publique ne le dis-
cute pas non plus. Il y a longtemps que le procès de
Bourges a cessé d'être une question politique pour de-
venir une question de sentiment; il n'a fait que po-
pulariser encore l'idée de l'amnistie. Ce n'est point
M. Odilon Barrot qui conseillera cette mesure au gou-
vernement, ce n'est pas M. Léon Faucher non plus;
mais, hélas ! M. Léon Faucher est-il encore de ce
monde? Ceux qui ont visité l'atelier de 5L Ingres sa-
vent bien à quoi s'en tenir à cet égard.
M. Ingres travaille en ce moment à un nouveau saint
Symphorien. Il s'agit d'un des plus illustres confes-
seurs de la réaction, de saint Faucher, ministre et
martyr.
Le saint est représenté au moment où, attaché à la
tribune, il reçoit de tous côtés des amendements aigus
qui s'enfoncent dans sa chair, et d'énormes suppres-
sions qui viennent le frapper à la tète et font couler
son sang.
Pendant qu'il lutte au milieu du cirque, et qu'il se
débat sous les blessures, les représentants du peuple,
rangés sur les gradins, applaudissent aux tortures du
saint. On voit dans le fond du tableau le farouche
Cent et l'impitoyable Buvignier qui se délectent au
spectacle de ce supplice.
Saint Faucher occupera désormais une place d'élite
dans le martyrologe parlementaire; jamais ministre ne
reçut tant d'outrages, tant de coups avec une si grande
résignation et une si parfaite humilité. 11 mérite bien
la palme du martyr.
La commission du budget s'est montrée envers lui
d'une férocité dont rien ne saurait donner une idée.
Elle lui a arraché avec des tenailles cinq inspecteurs
dramatiques à cinq mille francs chacun; elle l'a mutilé
d'une douzaine de préfets, elle ne lui a épargné au-
cune insulte, aucun outrage, jusqu'à supprimer les
cinquante mille francs de traitement qu'il avait alloués
au prince de Lambesc-Changarnier, lieutenant-général
des armées du rji, et commandant de la milice bour-
geoise.
L'Assemblée nationale est vraiment cruelle envers
saint Faucher.
Que lui reproche-t-on ? d'avoir écouté les doléances
de quelques préfets, de leur avoir fait accorder une
pension sur des certificats de complaisance. Qu'est-ce
que cela, après tout? Ne vous est-il pas arrivé vingt
fois d'écrire à votre sergent-major :
« Citoyen major,
H II m'est impossible de monter ma garde aujour-
« d'hui, je suis à l'agonie; voici un certificat qui le
« prouve. »
Cette lettre expédiée, vous partez pour Saint-Ger-
main ou pour Saint-Cloud. Est-ce que les préfets qui
se sont prétendus atteints d'infirmités graves le lende-
main de \i révolution de Février, et qui se portent ad-
51(i
Ul'VlJK COMIQLIK.
iiiirahlemeiilaujounriuii.sonl plus coiipalili-s que vous?
Los Purilaius iô|)oiuli'oiil qu'on ne doit jauiais troin-
|)CM- son sorgout-inajor ni le conseil dlital; qu'iniiiorle !
connue dit saint Faucher, si c'est | onr le bien de
l'F.lat et le soulagement du budget, l'oui-quoi, d'ail-
leurs, ces préfets, déclarés incin'ables par le consiil
d'Klat il y a un an, ne seraieiit-ils pas ingambes au-
jonril'lini ? On a \u bien d'aulres mii-acles , et l'on
n'ignore pas qu'il sul'lil de faire un pèlerinage h Nolre-
Dame-de-Uéacliou, iiour èlre guéri de tontes ses in-
tirniités.
Depuis quand ensuite est-il défendu à un ministre
d'aller choisir ses employés dans le cadre de retraite?
Doit-on empêcher un général d'aller choisir des soldais
à l'hôlel des Invalides?
Voilà ce que disait saint Faucher pendant que les
lions et les tigres de la Montagne rugissaient aul.ur de
lui. Helas! les bètes féroces ont eu le dessus, le mar-
tyr a été mis en pièces.
Il ne reste [iliis à l'heure qu'il est de saint Faiiclur,
que quelques reli(iues qui ont la vertu de rendre la
sanlé aux préfels.
il reste aussi le souvenir de son éloquence et des ar-
guments prodigieux qu'il a employés pour défendre le
li-aitemeut Chaugarnier. Saint Faucher a reconnu la
parfaite illégalité des deux commandements couliés à
ce général, en vii tu d'une nécessité politique qui n'a
point cncoie cessé. 11 ne nous parait pas, a ajouté saint
Faucher, que l'ordre ait eu à souffrir de la réunion
de ces deux commandements dans les mêmes mains.
Non, vertueux minisire, l'ordre matériel n'a pas eu à
en soulTrir, mais si demain je publie un journal paci-
fique, mais sans caulionneuient, ne me rappellerez-
vous pas au respect de la loi, quoique, certes, l'oidre
n'ait point à souffiir de l'apparition de ma feuille? i,e
respect que l'on doit à un saint et à un mailyr, muis
empêche de pousser (dus loin nos objections.
Du reste, rassurons- nou>--, M. Changarnier ne per-
dra pas son traitement: une souscription est ouverte
à la Bourse pour le lui rendre. L'agiotage lui resti-
tuera ce que lui enlève le budget; les coulissieis au-
ront leur général. Ce serait un assez joli speclacle, si
chaque classe de la population se mettait à payer elle-
même des fonctionnaires. La souscription ouverte en
faveur de M. Chaugarnier est un acte de haute anar-
chie; mais, à la Bourse, on n'y regarde pas de si près.
Au milieu de ses tortures, M. Léon Faucher n'a
sans doute point le temps de songer aux nécessités se-
condaires de l'administration : c'est ce qui nous a valu
sans doute la lettre suivante :
« Monsieur,
a Je suis une malheui'euse femme errante et per-
sécutée qui ne sait plus où reposer sa lète.
« .M. Léon Faucher m'a l'ail d'abord les plus splcn-
dides promesses; je devais avoir nu logement aux
Tiùleries, an Palais-National ou au Luvemhour'g.
« Je me iirésente aux l'uilerics ; (ui nu' répniid cjne
tciiis les appailiMncnts sont occiip/'s par les aides-
de-caiiip du général Cliaugaïuicr et leur auguste fa-
nnlle.
« Je cours au l'alais-^ational : le coiu'ierge me
prend pour un club déguisé, et il refuse de lu'onviii-.
« Au Luxembourg j'aperçois des maçons, des me-
nuisiers, des tapissiers, des serruriers ipii li'availleul ;
je demande si c'est pour moi; on nu' répiuid (pie c'est
pour le vice-président de la Hépubli(|iu'. ,
« Le temps presse cependaiil, et il l':iut bien qu'on
nu' loge (juclque part : je ne puis ainsi coucher à la
belle étoile.
« Qu'on me rende du moins mon ancien domicile
du Louvre; il était assez élroit et assez incommode;
mais enliu je m'en coiitenlei-ai, faille de mieux.
« Veuillez donner quelque publicité à celte récla-
mation, et ci-oire aux sentiments, etc. , etc.
«L'ExrosiTio>; des liEArx-Aurs. »
Il est de l'ail qu'à l'heure ((u'il est, les artistes ne
savent pas encore s'il y aura une exposition. Cepen-
dant, pour beaucoup d'entre eux, l'exposition est nue
occasion de dépenses qu'ils ne |ieuvent avoir faites eu
pure perte: 11 serait bon que le miiiislre fit counuitre
sa décision à ce sujet.
Les théâtres, du moins, n'ont rien perdu de leur
subvention ; rOdé(ni y a même gagné (luaranle mille
francs. Que\ triomphe pour la tragédie!
L'Opéra-Comi(|ue vient d'oblenir un magnilique
succès avec les Montéwfjrins, de Gérard de Nerval,
musique de M. Liminander. On attend toujours le
Prophète avec impatience. On craint que la première
i-cprésenlaliou ne puisse avoir lieu ([ue le 20.
A propos , nous avons eu les trois jours de Long-
champ. On y a beaucoup remaïqué le coupé d'une
ancienne actrice du Palais-Hoyal, promue à l'emploi
de favorite par une illustration du parti conservateur
ancien et moderne, et le landeiii du président de la
République.
La munie des bals de pierrots se propage. On en or-
ganise un qui aura lieu prochainement au cercle de
Paris dans la Maison d'Or. Déjà la réclame fonctionne,
et elle nous apprend que nous verrons figurer à ce bal
Méry en pierrot, à côté de mademoiselle llacbel eu
costume de Lucrèce. J'ignore si ce sera un (liose bien
gaie de voir M. Méry, qui est un poëteetun fantaisiste
de cinquante ans, danser en pierrot; mais, à coup sur,
c'est une chose regrettable que cette publicité qui as-
simile les gens de lettres aux comi(iues du Vaudeville
ou du Palais-Royal. C'est M. Alexandre Dumas, dit la
même réclame, qui est à la tète de cette fête. Nous
voyons avec plaisir le célèbre romancier revenu à de
iiieillenrs sentiments ; guéri des fumées de la politique.
LE ne DE LA REACTION.
Dessiné par Nadard.
Gravé par Baixant.
518
REVUE COMIQUE
il organise des bals de pierrots. Nous retrouvons enfin
notre Omnas. l.a révolution de Février nous l'a enfin
rendu; qu'elle reçoive toutes nos actions de grâce.
Un artiste de beaucoup de talent, Antonin Moine,
s'est brûlé la cervelle la semaine dernière. A ce propos,
on a accusé la République. Qu'a-t-elle fait, que fait-
elle pour les artistes? Et on a insinué qu'Antonin Moine
était mort de misère. Une seule fois, depuis la révolu-
tion de Février, An tonin Moine a demandé une com-
mande, et tout de suite il l'a obtenue. C'est M. Léon
Faucher qui l'a déclaré à la tribune. Non, Antonin
Moine n'est pas mort de misère; est-ce la première
fois que l'on voit ces organisations délicates et ner-
veuses, ces frêles cerveaux d'artistes si souvent rem-
plis de fantômes et d'hallucinations, céder à une
suprême fantaisie, la lugubre et navrante fantaisie du
suicide, fantaisie obstinée, et que ne font céder ni
l'amitié ni l'amour? Antonin Moine est mort fou, tout
le monde le sait, et de ce malheureux vous faites une
victime de la démocratie. Est-ce là de la justice, de
l'impartialité! est-ce là le respect que l'on doit aux
morts?
Une dernière nouvelle.
Le Buviguier de la rue de Poitiers, le Cent de l'in-
terruption honnête et modérée, le célèbre Denjoy a
déposé un amendement sur le projet de loi contre les
clubs. L'illustre interrupteur propose de réduire la loi
à celte seule disposition :
« Les clubs sont interdits, a
On aura beaucoup de peine, je le crains, à empê-
cher la Bourse de voter une couronne civique et une
liste civile de cinquante mille francs par an au célèbre
Denjoy.
LA LHîKUTÉ MILHAIRE COMME EN RUSSIE.
(La scène est à l'armée des Alpes |
DLMANET. — Une question, sergent!
LE SERGENT. — Jc dcvials pour ce seul mot le mettre
à la salle de police.
— A cause?
— A cai^e qu'il n'est pas permis à un conscrit d'a-
dresser des questions à son sergent. Les ordres du jour
du maréchal Bugeaud s'y opposent, et je représente le
maréchal à les yeux.
— Alors, mettons que je n'aie rien dit.
Au contraire, j'ai voulu seulement te donner un
aperçu de tes droits et devoirs ; nous sommes seuls,
parle; je me ferai un véritable plaisir d'éclairer la jeu-
nesse.
Je disais donc, sergent : resterons-nous encore
longtemps ici l'arme au bras?
— Félicite-toi, Dumanel, de ne ra'avoir adressé celte
question que dans le pai-lieulier, autrement tu serais
déjà à la salle de police.
— A cause?
A cause que lu semblés murmurer contre tes
chefs ; mais, continue, puisque nous sommes seuls ; ton
inexpérience me charme.
— Je voulais vous dire, sergent, que ça sent la poudre
par ici, et que je ne bouderais pas s'il fallait se colleter
un peu avec les Autrichiens.
— Est-ce au point de vue politique que tu parles,
Dumanel?
— Je n'en sais rien.
— C'est au point de vue politique, je le vois, et lu
devrais en avoir pour quinze jours de cachot. Toute
discussion politique est interdite dans les chambrées.
— Mais nous ne sommes pas à la chambrée, ici.
— C'est pour cela que je le fais grâce, quoique, en
ma qualité de représentant <lu maréchal Bugeaud, j'ai
des devoirs à remplir.
— 11 n'esl donc plus permis de parlera présent?
— Au contraire, puisque nous sommes en républi-
que. Ah ! si nous n'étions pas en république, ce serait
une autre paire de manches! Mais nous y sommes,
ainsi parle tout à ton aise. Ton sergent l'écoute.
— En ce cas, puisque nous sommes en république,
il n'y aurait pas de mal à aller donner un bon coup
d'épaules aux républicains d'Italie.
— Tu as donc juré de te faire coffrer, Dumanel?
— Saprislie! C'est donc une farce?
— Qu'est-ce que tu appelles une farce, les ordres
du jour du maréchal? Ton compte est bon!
— Ah çà, sergent, pas de bêtise !
— Pure supposition, Dumanel. Je me réjouis de ta
simplicité ; mais, dis-moi, qu'est-ce que tu fais en par-
lant d'aller donner un coup d'épaule aux républicains
d'Italie?
— Je ne fais rien du tout.
— Si, lu fais quelque chose de contraire à la con-
signe; lu parles politique.
— Nous ne sommes donc plus en répuhliqiio?
— Nous y sommes plus que jamais; Liberté, Egalité
et le reste; nonobstant, il ne t'est pas permis, Duma-
nel, d'avoir une opinion.
— La République dit que si.
— Tes chefs disent que non. Je vais plus loin, Du-
manel; ce simple entretien que lu oses avoir avec moi
te met dans ton tort, et lu ne l'en tireras pas à moins
de trois semaines de cachot.
— Dieu de Dieu!
— Rassure-toi; c'est pour rire, quoique ce soil mon
A LUSAGK DES GENS SEUIECX.
S19
devoir (le te pincLM-. Dion! si le maréchal connaissait
toiitos CCS concessions ([ue je te fais, Diiiiiancl !
— Je vous respecte, sergent, et je respecte nus-i le
maréchal.
— Ttin'espas, lichlro.ilégoùlé, Dunmnct, de vénécr
deux chefs comme nous.
— Nonobstant, je ne trouve |)as un niotili- loiit cela
dans le journal.
— Tu lis donc le journal, Dunuinel?
— Parhieur !
— ("est encore un mois de prison à noter sur ton
compte !
— Vn mois de prison?
— Tiens ! tu n'as donc pas connaissance de l'ordre
du jour qui défend la lecture des papiers publics?
— Mais, dites donc, sergent, la Conslitulioii me le
permet.
— Qu'est-ce qui t'a dit ça, Diimanct?
— l'n bourgeois avec qui j'ai bu un petit verre l'autre
jour.
— Tu fréquentes donc le bourgeois, Dumanct?
— Pourquoi pas? Le bourgeois est Français, je suis
Français, nous sommes tous Français.
— En prison derechef, Dumanet! Le bourgeois t'est
interdit.
— A cause? Où est la loi? Je veux voir la loi, je de-
mande (|u'on m'ap|)orle la loi.
— On t'apportera l'ordre du jour. Ft même tu a$
doublement maurpié à ton devoir ; primo en parlant au
boiMgcois; deuxièmement en ne pinçant pas le bour-
geois au collet, quand il l'a parlé.
— Elle est bonne, celle-là ! Alors, tout bourgeois qui
vous parle, il faut le fourrer au violon?
— Mon Dieu, oui, I)umanet!
— Et la loi donc? Car il doit y en avoir une; je
veux la tenir, je veux la lire cette loi; qu'on me la
montre, sapristi!
— Bêla ! Est-ce qu'il y a des lois pour le soldai? Il
y a des ordres du jour.
— Alors quel droit est-ce qu'il me reste donc?
— Il le reste le droit de te taire, le droit de ne pas
lire les journaux, le droit de n'avoir d'opinion sur rien
de rien; enfin le droit de payer la goutte au maréchal
Bugcaud, s'il accepte, quand lu le rencontreras; or,
comme il n'est point ici et que je le remplace vis-à-vis
de toi, j'accepte cette goutte que lu lui offrirais à lui-
même s'il était présent. Allons, en avant, marche, Du-
manet! Et souviens-toi de celle leçon de discipline qui
t'épargnera au moins vingt-quatre heures de salle de
police par jour, si tu sais en proliter.
ÉTUDES POLITIQUES A L'ASSEMBLÉE NATIONALE.
SÉANCE DC 31 MARS.
M. THiERS. — Il faut sorlir du désordre et prendre une leçon ; savcz-vous de qui?... du seul État qui n'aie pas été ébranlé
dans cette désorgunisation générale.
M. LEDRU-RoiLiN. — Ah ! .M. Tliiers, permettez-moi de vous le dire... vous avez compris le passé... mais vous ne comprenez
ni le présent ni l'avenir... ils sont fermés pour vous.
[Extrait du Moniteur.)
• A i.t'-„. Pour de liauvres préfets mis à la retraite pour jntirmites fcucnes pa
Pour de pauvres préM". accablés d-."firmitf s gagnées au service de 1 Liât mur i |V. traitement du docteur /■<imA«,
une petite retraite, s'il vous pi»u! de nouvelles préfectures, s'il vuus plan ,
LE BANQUIER DE TREBISUM)E.
Quelque tempsaprès la chute de l'empii-e des Mèdes,
TiThisonde s'éngea en république; trois concuiTCiits
sedisputèi-enl la pi ice de grand Matiifafa (c'est le litre
qu'on donne au chef de l'Élal à Trébizoïule). : le prince
Inif^o, le général Ârtamène et l'orateur Iphierate.
Le prince Inigo fut élu par six millions de suffra-
ges, à cause des services (pi'un de ses aïeux avait
rendus autrefois au peuple de Trébisonde.
Inigo se montra dans les rues vêtu de l'unifurnie
de général des archers de Ti'ébisonde, et fui reconnu
Manifafa aux acclamatio-is de tous ses amis et. de
quinze cents invalides.
Le jeune prince, nous l'appelons jeune parce qu'il
n'avait que quarante-trois ans, se conduisit avec toute
la fjugue de la jeunesse : il eut des maîtresses, soixante
ihevanx dans son écurie, deux ou trois cents domes-
tiques ; il donna des bals, des dîners, des raoutj ; il
voulut même encourager l'industrie de ses propres
deniers, et les réclames des journaux de Trébisonde
publièrent un jour qu'il avait acheté un schal de ca-
ciiemirc chez un affreux charlatan de la ville.
Impossible de sufiire à toutes ces prodigalités avec
les minces subsides qu'il recevait de la nation. La ré-
publique de Trébisonde, l'histoire est là pour l'attes-
ter, n'a point brillé par la générosité ; le Manifafa ne
savait comment faire pour se procurer de l'argent.
Comme on connaissait l'objet de ses préoccupations,
tout le monde cherchait autour de lui.
Ses conseillers, ses amis, ses aides-de-cani[i cher-
(|iicl(
u,.ro
s (
ans
l'anti
-
{lli s
■ dis
lii'ii'
eut
re eux
, as-
Il In
uve
>
a\oii
de
l'arL
eut
pour
e
■tait
donc
pb.
ig.'e
(fins
la
j chnicnt ; on entendait
! cliiiiiibre les doniesli(|ucs
I (I Eh bien, nunrgui;.',no
— Quoi donc ?
— Parbleu ! le moyen t
I maître de la maison !
— Ilélas! non. »
La cuui- du Manifafi
conslernation, et ou annonçait dt'jà banti'iuent, paruii
les courtisans, la nécessité de l'aire un coup d'Etal, et
de flanquer les représeutanls de Trébisonde par la fe-
nêtre, lorsqu'un des princip lUX argentiers de la Uépii-
blique demanda à parler au Manifafa.
«Seigneur, lui dit-il, fous cherchez de l'archenl?
— Vous le savez bien, répondit le Manifafa, puis-
que vdilà déjà cinq ou six fois que vous m'en refusez.
Il y avre beut-êtrc un moyen de nous entendre.
— Vraiment! et lequel?
— Associons-nous; brenez nu indéitH ilans mon
maison.
— Vous voulez que le Manifafa île la lli'|)iibli([ue
se fasse l'associé d'un bamimer, et d'un bampiier juif?
car vousôles juif.
— Je n'essayerai pas de le cacher. Mais là n'être
boint la giiestiou. Bersonne ne saura chaînais que fous
barlagez mes pénélices.
— Et s'il y a jierte?
— .Il', la siibborterai tout seul.
— Quel sera mon ap|iort dans la société?»
A i;iJSA(;i': dks (;i;ns skiui'.ux.
321
I.C banquier juif proniuiia un regard soupçonneux
autour de lui.
— Somuios-iuius seuls?
— Kntièrenu'nl.
— Clic ne fdiis deiiiaiiili' ([n'iiMe cluise.
— l,a(|uelle?
— Le silence sur ciuclciues ln'liles nnulVlies ()iii'
vous reeefez, mais (|ue je reçois .lussi île mon nMé.
— A quoi cela vous servira-l-il !
— Vous allez le combrendre. Sei|,'nenr, vous n'i-
gnorez pas qu'il existe à Trébisonde un lieu barlignlier
dont il n'est [jas hesjin de biononier le nom entre
nous.
— Je sais ce que vous voulez dire, je connais ce lieu, et
je suis même allé le visiter leJendeinain de mon élec-
tion.
— Vous n'êtes hoinl sans safoir (jn'on y clioiie mie
esbèce de liacarral; selon les nonlelles que l'on a, on
met sur la rouge ou sur la noire. Un homme qui sau-
rait, une heure afant tout le monde, quelques hetites
noufelles, saurait d'afanc*; la couleur qui va sortir,
et réaliserait des pénéfices énormes.
Précisi'ment à la même épocpie, on jouait dans ic
lieu dont le banquier n'avait pas voulu pronon-
cer le nom, avec une véritable furie, cliaque jour
était témoin de chutes subites et de scandaleuses éléva-
tions , tous les gens, chez qui le sentiment moral n'était
pas éteint, gémissaient d'un pareil état de choses. Mais
les remontrances n'y faisaient rien. I.a nation des Pa|)-
pblagoniens ayant voulu se soiisliaire à l'esclavage des
Scythes, l'équilibre oriental menaçait d'être troublé, et
on craignait qu'une guerre géndraie sortit de celte que-
relle. De là des nouvellescpii alimentaient encore la fu-
reur du jeu, et déti'nniuaienl des liaiisses ou des baisses
imprévues, selon <|ue les l'aphlagonions |)erdaient da
terrain, on que les Scytiies reprenaient leurs avan-
tages.
l'o jour on apprit fi nouvelle (|ue les l'aphlagoniens
él lient (léliiiitivement vaincus.
l.c lendemain, le banquier se présenta cliez le
prince.
— I.e tour il être fait.
— EU bien, demanda luigo?
— (iiàces à cette idée que c'hai eue de garicr la
bedide n.i:ilelle pendant un chour avant de la gominii-
niqiier au biihlic. che avrc pu réaliser un choli betit
béiiélice. Voilà le bortefeuille..
Le prince l'ouvrit, il y avait un million dedans en
morceaux de ]iapier qui sont la monnaie de Trébi-
sonde.
— Ma foi, s'écria le prince, ce jeu a du bon, on y
gagne de l'argeiil, et on ne fait tort à personne, n'est-ce
pas, banquier.
— A iiersunne!
— Mamtenaiit je sais où trouver de l'argent, et je
puis me moquer de ces misérables bourgeois de Trébi-
sonde. Ils jetteraient les hauts cris, les imbéciles, s'ils
savaient que je me livre au commerce.
L'histoire ne dit pas comment les gens de Trébisonde
parvinrent à découvrir cette association; le fait est
I qu'elle ne put rester secrète, et ([u'elle Ht naître des
I évéiieir,enls que nous racmileroiib plus tard.
ON 1)i:mandf. dls c.Ivns i)i;si'niT.
I.a rue de IVitiers demande des gens d'e-pnt à
l'heure, au jour et au mois.
Les susdits gens d'esprit s'engageront à travailler
contre la République, et à livrer, chaque jour, un cer-
tain nombre de bouts-rimés, de calembours, de coqs-
à-l'àne, de couplets.
Les bouts-rimés se vendent à l'aune, les calembours
et les coqs-à-l'âne au poids, les couplets à la dou-
zaine.
TARIF DE LA RI E DE POITIERS.
Bouts-rimés . . . (J fr. SO cent, le m être
Calembours
Couplets . .
80
la livre,
la douzaine.
Un bon ouvrier peut facilement tisser son métie de
bouts-rimés dans la journée, et il n'est pas rare de
rencontrer des travailleurs qui font une livre six onces
de calembours par jour. Quant au\ couplets, M. Clan-
ville se charge d'en fabriquer phisieursdouzaines entre
le lever et b coucher du soleil.
Jaloux d'encourager l'iiidu-^trie nationale et de prou-
ver sa sympathie en faveur des classes laborieuses, le
comité de la rue de Poitiers accordera une prime de
dix fois la valeur de l'objet à tout calembour, coq-à-
l'àne, boul-rimé, couplet qui lui paraîtra digne d'être
inséré dans la Pairie.
Les autres produits des ouvriers en esprit français
seront insérés dans des canards publiésà cette intention,
et répan J.is dans les masses.
Comme on a remarqué, en général, que le public
consommait fort peu les articles sortis de pareilles ma-
nufactures, et que la foule se défiait des produits por-
tant la marque de la rue de Poitiers, le comité a dé-
cidé qu'une prime d'encouragement serait accordée à
;oii'. individu pouvant jiistilier qu'il a lu les élucubra-
tions de l'usine Thiers Molé-Berryer et compagnie.
HEVUK COMIOIIR.
La rue de Poitiers cherche également à embaucher
les ouvriers en caricatures. ]l s'agit d'ex ploi toi- en
grand les faces et les prolils républicains.
Les caricaturistes seront payés comme les maçons,
à tant le mètre cube. Un expert jaugera leurs dessins,
et taxera leur salaire, d'après l'élévation et la profon-
deur des travaux.
Jusqu'à ce jour, la plume et le crayon se sont mon-
trés rebelles à l'appel de la réaction. I^e banquier De-
lamarre a en vain organisé dans ses bureaux une cité
ouvrière oii les écrivains et les artistes sont logés,
nourris, chauffés, vêtus, et reçoivent en outre cinq
francs par jour comme sou de poche, personne ne se
présente pour jouir de ces avantages. La promesse d'y
joindre un jardin et quelques arpents de terre en toute
propriété, avec des bestiaux, des semences, et les ins-
truments de labour, n'a pas séduit davantage lus ar-
tistes. A peine si deux ou trois feuillelonnistes d'esta-
minet et quelques l.antarade boutique ont répondu à
l'appel du citoyen Delamarre.
Voyant cela, le comité de la rue de Poitiers a pris
un parti décisif : il a choisi dans son sein une section
de gens d'esprit et de caricaturistes.
JL de Rémusat travaille le calembour, M. de Rian-
cey étudie le coq-à l'âne, et M. Rerryer pioche le
couplet. Quant au bout i-imé, M. Mole, en sa qualité
d'académicien, s'est chargé d'en fabriquer la quantité
nécessaire à la consommation de la réaction.
JL ïbiers a pris un maître de dessin, et il copie
avec acharnement les maîtres du genre, Berlall ,
Daumier, Nadar, etc., etc., etc. M. Thiers a des dis-
positions pour ce genre d'exercice; il en est déjà au
modèle vivant. .On se montre à la rue de Poitiers une
excellente chargede M. Véron.sortiede laplumedu pré-
sident du conseil du l'^mars. .AL Cousin se livre aussi
avec assez de succès à la caricature , mais il est encore
à cinquante pieds au-dessous du niveau de M. Thiers.
Espérons que le [lublic sera bienlot mis à même de
juger les œuvres des gens d'esprit et des caricaturistes
de la rue de Poitiers.
LE CnOLKP.A DE I8i9.
En me promenant hier sur le boulevart, je fus ac-
costé par un petit vieillard qui portait un bonnet de
coton, un garde-vue vert et des béquilles.
0 Monsieur, un petit chcu, s'il vous plaît, me dit-il
avec un accent auvergnat.
— Brave homme, luidis-je, je ne vous refuse pas un
petit « chou »; m lis, qui i|ne vou5 soyez, vous n'êtes
certainement pas .\uvergnat ; votre accent n'est pas
naturel, et vous cherchez à m'abuser. Qui èles-vous'?
— Hélas! monsieur, puisqu'il faut vous l'avouer,
je ne suis point Auvergnat, je viens de beaucoup jilns
loin que Siint Flour, je suis le Choléra. »
I.A VIE FUBI.IQUE ET PRIVEE DE MOSSIEU REAC.
Chap. V. — Nouvelles iéléyraphigm-s.
Moirieu Réac, préfet , monte sur le
télégraphe pour avoir des nou-
TellCT de PatU. Tout est trao-
qniUe et mossieu Réac aussi.
Diable!... Cela se Râle! ..
L'opposition veut faire des banquets
réformistes ..
Mais le gouvernement défendant les
banquets, le grand Odilon Barrot
a teur et recule. — Mossieu Réac
est rassuré.
A i;iis.\(;k dks gens si^irieux.
>25
A ce iMiit, Je levai nia l'aiiiii' |iiiiu' lin en ilniuii'i- .-nv
les rciiis ; mais lui, m'airèlaiil ;
« Ali ! IMC llll-ll, M VllIlS (■nllnai^^il•Z tlUlIl'S IlllS 111-
fiirliiiu.'s, vous aiiru'z |iilu'' ili' iiun... A i|uiii limi iiu'
fni|)|H'r (le vutrc caïuic, viuis la cassciii'/, iicul-rtic, cl
dans l'i'lat où je suis, ce serait une perle liicii iiuilile.))
Ce cynisiuene in'étomia pas de sa [lart.
« Malheureux! lui dis-je, osez-vous bien...
— N'achevez pas, inlerronipit-il, c'est l'orgiuil ([iii
m'a perdu; je suis un roi découroiiné, une puissance
déchue; j'ai rendez-vous à un mois d'ici, dans une
misérable salle de cabaret, pour y renouveler, avec la
peste, la lèpre, le l'eu Saint-Antoine et quelques autres
conviv^îs de ce genre, le siuiper des rois détrônés de
Candidi'.
— Alors, parlez vite et ([u'on u'etileiule plus parler
de vous.
— l'arlir, c'est bientôt dit ; mais iaissez-nioi re-
prendre mon histoire de plus haut. Vous souvient-il
(le la première visite que je vous lis en 1832 ?
— Que trop !
— Comme j'étais fringant et superbe alors 1 Quel
bruit, quelle puissance, quelle terreur autour de moi !
Jamais Alexandre avec les Macédoniens, Attila avec ses
Iluni", Tainerlan avec "ses hordes, jamais les Cosaques
eux-mêmes, ne plongèrent dans une telle consterna-
tion les peuples saisis d'horreur. C'était mon beau
temps, j'arrivais triomphant de l'Inde, j'étais plus
qu'un roi, j'étais le diable, j'étais l'Ante-Clirist ! »
En parlant ainsi, le Choléra faisait des fresles si
riiliculi ■; cl avec tant d'eiii|iliave, (|iie deiu ou trois
passants s'arrèlèrenl.
" Oh! c'I'ipelel'.' cria un gamin.
— Vous l'entendez'.' reprit le Choléra, telle est aii-
jiMiidliiii iiinii humiliation ; on me traite de l'ipelel,
(Ml me lit au nez. Permellez-nioi d'essuyer une lai-me.»
l.ii-dcssus il lira de sa potiic un vieux mouchoir à
carreaux, maculé de tabac.
« Ne sauiiez-Miiis, lui dis-je, avoir un inoiicboir
|)lns projjre, quand vous vous mouchez en compagnie 1
— Les temps sont trop durs, lépondit-il ; tuais laissez-
moi ccuilinuer mmi histoire. Je disais donc que l'or-
gneil m'.nait penlu. La tète échaud'ée du souvenir de
mes anciens tri(uii|dics, je voulus enti'eprendre une
nouvelle tournée en Europe; mais, hélas ! j'étais plus
vieux de dix-sept ain , et dix-sep ans c'est beaucoup,
même dans la \ie du choléra. Grande mort (dis ceci
xpatium.
— Quoi! vous parlez aussi latin'.'
— C'est une phrase que m'a dite hier un profes-
seur de l'Université, chez qui je m'étais présenté, et
qui m'a mis tout simplement à la porte. Ah ! ce n'est
pas ainsi qu'on me recevait en 5"2 ! J'entrais partout
en maître. Mais vous dites que c'est du latin ?
— l'arbleu !
— Je croyais que c'était du grec ; mais, n'importe.
A peine parti de l'Inde, je me suis bien vite aperçu
que je les avais ces dix-sept ans de plus. J'arrive en
Russie, en me traînant tant bien que mal; là encore,
grâce à un suprême effort, je parvins à jouer un rôle
I.A 'FIE PUBI.IQUE ET FB.IVÉE DE MOSSIEU REAC.
CiiAP. V. — Xuuvelles iclégripkiqiics.
■/A\
Grand Dteul... Une décharge a
lieu sur le boulevard des Cap
. Le peuple march
32i
UKVUK COMIQUE
à peu près présenlahle, mais c'est tout : on m\ipporte
mourunt en Angleterre, où personne ne preiiil garde à
moi. Humilié de ce dédain, je passe la Manche à cré-
dit sur une mauvaise barque de pcclieur, et me voilà
à Paris, oii je fais le peu de bruit que vous savez. Je
tremble, je grelotte, je puis à peine me traîner, et ,
pour en linir, honteux et misérable comme Job sur
son fumier, je crains de m'ètre attrappé moi-mènie.
Moi le choléra, que dira-t-on si l'on sait que je suis
atteint du choléra? C'est le comble du ridicule.
— Vous n'avez, ma foi, que ce que vous méritez.
Mais à quoi bon votre accent auvergnat et ce « petit
chou» que vous me demandiez?
— D'abord l'accent auvergnat me sert à n'cire pas
reconnu, ce qui ariiverait bien vile si je me servais
de mon véritable accent, qui est l'accent sanskrit.
— Et le « petit chou » ?
— Cest pour un petit magot. Le manque d'argent
me relient seul à Paris. Quand j'aurai une cinquan-
taine de francs, je ferai mon paquet dans ce même
nioncbnir à carreaux cl à labae que vous avez vu ;
j'allacherai ce pacpicl au bout d'un bàlon, et je lâche-
rai de m'en rolonrner dans mon pays natal ; peut être
nionnai-jc ilo l'aligne en route.
— I>ien le venillo !
— Merci ; vous cics un modèle de respect envers
les vieillards.
— Voyons; laissez là vos phrases, vieille bêle, et
prener celle pièce de ciut] «clious».
Le choléra prit la pièce, cl s'en alla en thanlant
d'une voix chcvrotlanle ;
Cinq clioii?.
Cinq clious
PniM- nionler nuire n-cn ge,
Elc, cic.
Une sonscriiilion est onveric, à partir d'anjcuird'luii,
dans les bureaux de la licvue comique pour parfaiie la
somme de cinquante fr.incs, sans laquelle le choléra
gueuserail encore longtemps dans les rues de Paris.
DÉCHÉANCE DE LO.NCCIIAMP.
Avez-vous songé à Longcliamp? avez vous pensé cpip,
diu'ant la présente semaine sainle, if était d'nsage à
Paris, depuis la régence, de parcourir à pied, à cheval
ou en viiilures, toute l'avenue des Ciianips-l'Jysées cl
d'v fiire l'evibition des modes nouvelles? Non ; ious
avez élé préoceupi'S pai- les affaires d'Itilie, le pmcès
de Bourges, la loi contre les clubs, la mésaventuie du
général Changarniei'; et l'époque de la fêle périoili(]ue
de Longcliamp s'est écoulée au milieu d'une iiKlillé-
rence presque générale. Celle fêle périodique, oii hril-
lA VIE mriçrE it frivïe be moesieu nsAC.
CH/.r. V[. — .17. SI u A, , s ./.,,,/ ,,i', ,w lenubiianii de ramnl-vn! le.
ïur ce coup inattendu, TTio^siet) R»^ac,
ayant rejeté bien loin les vils in-
aigres de la tyrannie, r^fl^chit
qu'il a bien peur, mais qu'il y a
peut-ttrt: moyen de tirer parti du
nouvel ordre de choses.
1 conséquence, il se met à crier de toutes ses forces :
; la Jtépublique! et se fait du coup sans culollc.
carde
plus
iiterprft*.
ente d'arborer une co-
de taille et du rouge le
A l.liSAr.K l)KS r.KNS SKUIKIIX.
52.1
li'riiil ((iiii-à-liiiii- les 1111/1111 X de 177."), 1rs iiicnïiiô/es
(le la jeunesse durée, les iiiciTei/leux de 1X05, les
ciilieots do iJSKi, les fiis/iiuiiables de nus jours ; celle
fêle, j.idis si s|>'eiidiile, si lumiillueuse, si aiiiiiiée, n'a
élé eliôrnée (|iie par un pelil nmiilire de lidèles.
(le|ii'ii'laiil <les iiieinbres du c iiiiilé napuléorneii ,
des fédéiés iionaparlisles , venus de divers déparle-
Mieiils, (inl eni devoir faire une iiiaiiifcslatinii siinr|i-
Uiaiie.
On a vn reparallre les cai-ritks à trente -six lollels,
qu'un avait cru longtemps abandunnés ù i'Iionuialiie
cui puration des cochers de liacies.
l-es spencers étaient généralement bien porlés.
On remarqnait, dans plusieurs landaws, des habi-
tués de ^^-lJsée national, en grand cosUime de cour:
habit de suie puce, garni de boutons de chas^e, veste
de Suie brodée en oi', inancheltes de dentelles, jabot de
loile de Hollande, cululte de drap de soie, épée à poi-
gnée d'acier.
On va revenir aux redingotes d'al[)aga et aux botles
à la Souvarow, aux culottes de panne ou de velonrs,
an\ gilets longs et aux habits à queue de morue. Les
élégants ne p mrroiil se ilisp ens t d'avoir deux monties
et des breloquL's en graines d Am-ri [ue. Ils devront se
faire friser par Armande, habiller par (^alel, culotter
par llem-yet boiter par Asthley.
L'influence des idées impériales se fait déj.à sentir
dans la toilette des dames : quelques-unes portaient des
turbans et des /oi^e/f/s « la Marie SUiarl ; d'autres ca-
chaient leiir chevehn-e sous de channanles perruques
à la 7'i/iis, frisottées ù lu lii'rihtiee. (iiilcc à l'exemple
de liun nombre de merveilleuses, on peut prédire que
les tailles courtes, qui prennent si grai iensement
au milieu du dos, ler.>nl fureur cet hiver. Les
ilniiics , é/)oi(ses (les fouet iuimaires /jublics, suivant
riieureuse expression de l'ancien Alt/ianoc/i ivipihial,
ont anélé qu'elles adopteraient les robes à (pieue pour
les jours de grande réception.
Les uniformes élaient nombreux et brillants. Les
doluians, les kulbachs, les spencers, étaient du dernier
genre de ISIO. Les |ilumtts et panaches les plus cxcon-
liKincs s'élevaient sur la têle des officiers supé-
rieurs.
On n'a pas encore décidé si l'on reprendrait les
queues, les eadcnelles et les catogans.
Certains vcillards, encore jeunes de cœur, se sont
montrés avec l'uiiifornie de Varuiée d'Italie; leurs
rhapeaux à cornes, iein-s plumes de coq, leurs panla-
lons rayés, rappelaient Arcole et Mondovi. Ils sem-
blaient, par leur attitude martiale, menacer les Au-
trichiens de nouvelles défaites; mais les temps sont
changés, et ces diMnonslrations n'ont ubUiui que |)eu
de succès.
On a aperçu, dans une allée écarlée, nn parli-
culier ie\ètu d'une redingotte gi-ise et d'un petit
chape, lu.
Il marchait à grands pas, les mains dciiièie le dos,
et prisait, par intervalle, du tabac Hobillarl , dans la
vaste poche de son gilet.
Qiielq'ies compères ont applau li ce fmto me d'cm-
XiA VIE PUBLIQUE ET TRIVEE DE MOSSIEU KEAC.
ChaP vi.-.1/o.«,-<-h Réac :.' r/,e çoil ];;ie'l Tfpubi:ciinile rarnnl-vrille.
Et la quitte bientôt pour en prendre
une autre de la même dimension
mais tricolore.
on.ijj étaient T.rt
ut l'idée ingénieu-
:iir coutume natîo-
ndie intéressant.
irrivé à Paris, mossieu Eéac va au
club le plus ardent et débite cette I cl le cridil, fils de la confiai
théorie neuve, qu'il f.nut faire re- ,, -, . , i • ,■
naitrela<:o/.Aai.«,m/-r«rfucre</./, li« »•"'« a /o prochaine l^rai.
326
REVUE COMIQUE
Puisque c'est noire bal!
pereur ; mais le public n'a point partagé leur enthou-
siasme (le commande, et le personnage mystérieux,
voyant son entrée manquée, s'est hâté de disparaître.
Nous présumons que l'accueil qu'il a reçu lui ôtera
l'envie d'une nouvelle tentative.
CHOSES QUELCONQUES.
Un comité électoral napoléonien s'est constitué il
y a quelques mois ; il a fait appel au public, et con-
voqué le ban et l'arrière-ban des grognards dans la
salle Valentino. Toutefois, pour répondre aux soup-
çons, il a pris soin d'écrire en gros caractère sur ses
afliches ;
Le Comité napoléonien n'appartient à personne.
Quelques flâneurs égarés, après avoir as sisté pres-
que seuls aux trois premières séances de l'association,
proposent d'en modifier ainsi la devise :
Personne n'appartient au Comité napoléonien.
— Les accusés de Bourges sont condamnés aux frais du
procès ; de sorte qu'à la fin de l'arrêt qui confère Barbes
et Albert dans une prison perpétuelle, on ht : « Lu
tribunal fixe à trois mois la durée de la contrainte par
corps. »
— Les économies impitoyablement réalisées par
l'Assemblée nationale excitent un vif mécontentement
dans les administrations publiques. Un chef de bureau
transmettait hier les doléances de la sienne à un re-
présentant, qui a contribué énergiquement à la dimi-
nution du budget.
« Je conçois vos murmures, répondit le représen-
tant; je comprends que vous soyez tentés de dénigrer
TKitre conduite; mais vous aurez beau faire, vous serez
forcés de nous rendre justice.
— Comment cela'?
— Parce que nous saurons vous réduire à la
demi-ration. »
SUR LE HTDGF.T de l'aCHICULIDRE et Dit COMMF.ncE.
Le budget du commerce et de l'agricullnre
Par la commission de plus en plus s'6|iurc.
Ses membres sont d'habiles combjllanis,
Et lorsque, de ses fonds avide.
Du ministre, les bras s'ouvrent à deux ballants,
On voit que le Buffet est vide.
Sin LE BUDGET DE l'iNTÉBIEIR.
Lorquc Faucher que la rage conduit
Parle sur les beaux-arts. Dieu! quelle tviste chose!
C'est le triste oiseau de la nuit
Qai sur une statue insolemment se pose,
C'est le ver rongeant un beau fruit,
C'est le colimaçon bavant sur une rose.
A L'USAGE DES GENS SIÎHIEIIX.
zi 1 :
CHASSOX ENVUVEE A I.A HKVIIJ COlllyllE PAR IN ItLOJA.vr UEÏOCBATii.
327
Il l'sl un mot du lan^çage vulyiirt!,
Qui cepcndanl n'est pas i mépriser;
Qu'à l'inforiuiie, à la peste, à la guerre,
I.e philosophe a rai-on (ropposer :
Zut! zut; zui; zut! znt !
Zut! zut! zut! zut! zut! zul! zut! zut!
Zut ! zut! zul! zui! zut!
Zut! zut! zut! zut! zutl zul! zul ! zut!
J'aime le goùl et la cjuleur charmante ,
Du chamberlin, du bordeaux, du mùcou ;
Mais pour calmer la soif qui me tournieote,
Si de Suresne ou m'apporte un Hacon :
Zut! zut! etc.
D'une lilletteà la taille élégante,
Les dix-huit ans ont les charmes vainqueurs
Mais vainement une vieille intrigante
Tend s> s Glets pour y prendre les cœurs.
Zut! zul! elc,
Maître 0 dilon,nnnli d'un minislère,
Prune des lois qu'il attaquait jadis.
Contre lui-même alors qu'il déblatère,
Il se croit fort; quant à moi, je lili dis :
Zut! zul ! elc.
Léon Faucher, rhéteur plein de rancune.
Lance sur nous son acerb; oraison,
El de son poing martèle la tribune,
Eu outrageant les clubs et la raison.
Zut! zut! etc.
De Changarnier l'on rogne le salaire.
Et des baO-iuds disent: «C'est immoral ;
Vou; qu'il soulie nt de son bras tulélaire,
Failes l'aumdne au pauvre général. »
Zul! zul! etc.
(JuanJ d'un vieux r oi les aveugles alcades
De son courro ux menaçaient la cité.
En février, du haut des barricades,
L'n peuple immen.se a soudain répété :
Zut! zul! elc.
De l'ancien joug la France est affranchie ;
Et si pour nous rêvant un nouveau frein,
Des insensés pleurent la monarchie,
Républicains, chanlon£-leur ce refrain :
Zut! zut! zut! zul! zut!
Zut! zut! zut! zut! zut! zut! zul! zut !
Zut! zut! zut! zut! zul !
Zut! zut! zul! zul ! zut! zul! zut ! zut!
L« pompier du 15 mai blaochi et remis à neuf, lui et ses buffleteries, par les mains de la justice, se dispose à rentier dans ses foilliers,
pour renoncer à jamais à Satan, à ses pompes et à ses œuvres.
I
ColonRl ri irailé, blaiiclii sous les drapeaux,
Tracy de la marine obtiul le iniiiislère ;
Mais le diyiie ollicierest trop liomine de lerie,
Poiir bien tenir la barre, et virer à propos.
Si l'on voyait sombrer, sous l'effort de l'orage.
Le vaisseau de l'iilat, par les vents ébianlc,
Tracy ne saurait pas le sauvcrdu r anfrage.
Car lui-même est déjà coulé.
Dessiné par Béguin.
Gravé par Baulant.
Boi'i.i VAnn nr.s itai iess.
3<l (■('iifilliCH I» livraiHon.
m p mniKiiïii, fiï.
idilions
irli posli
EVIE.
a Souscription -LiRlvuf mi 1 1 I rm r m i ! v i ri s j 1 l,e , 0 1 r i on. \ 0 c 1 1 mes.
,v cent Onsousrrit pour lOhvraisou». Po_'\e, (kp.irl.nunU. un.ntr lu. mind.it ur U po te a 1 r e lu dir l eur de la
Pour loiit ce qui concerne li rédaction, écrire (franco) i M. Lir.Eis, au In.reau d., la Uevce, 2, boulevard des Italiens.
WMIIffXBA'r. ÉDITETTR, RUE RICHEIIEU. 52. 2.3' LlViaiSOtl.
do I
40 ce
AVIS AVX JOURNAUX »E PARIS ET I»BS DÉPARTEMENTS.
Nous aiiloiisoiis la reproduction des articles contenus dans la Jievue comique, à la condltimi ;
\o De citer la Jievue en lui empruntant ses articles;
2° De limiter, par chaque semaine, la reproduction au tiers des matières contenues dans chaque numéro.
AVIS
AUX SOTTSCniPTEUnS DE I.A REVUE COMIQUE.
Pour l'épondre au désir expiiiiiô par un grand uonihru de souscripteurs, qui trouvaient
fâcheux que, pour ne pas dccompiétcr la collection des dessins parus jusqu'à ce jour, ils pussent
être dans l'obligation de faire brocher ou relier les couvertures qui se reproduisent d'une façon
uniforme toutes les seize [jages, nous reporterons dans l'intérieur de la livraison le dessin que
nous donnions ordinairement sur le verso de nos couvertures. De celte façon, ce dessin ne se
trouvera plus perdu pour le volunn' complet, qui pourra être broché sans ce premier feuillet.
La pagination a été disposée pour que cette suppression puisse se faire sans inconvénient.
Toutefois, pour que cette nouvelle disposition n'enlève pas au volume coiuplet les dix
grandes gravures publiées jusqu'à ce jour sur le verso des couvertures, nous donnerons, avec
la dernière livraison, ces dix gravures en supplément.
Le dernier feuillet de la couverture, formant la dernière et l'avant-dernière pages de chaque
livraison, devra être relié avec l'ouvrage complet dont il ne peut être détaché sans intervertir
l'ordre de la pagination.
SOMMAIRE DE LA VINGT-TROISIÈME LIVRAISON.
La Seinalne. GiMnile Pharmacie pulitiqdC. — Les Orgues de la rue de Poitiers. — Ovation de M. de iMoiitiileinlicrl. — Lollre
d'Arlliur à Aiabelln — Procès-verbal. — Los nouveaux Sergents de ville (note coniinuniiiuée) — Les Trenibleurs. — Un
grand Criminel. — Une Visite à l'Elysée. — Le Prophèlo (chanson).
LKS 'IKOIs SOnC.lEUF.S PP. lA HIR DE IMiUlHl?
D.'ssiiu; par Nadard, t;rnvé |iar L-L.liii-,
LKS AMil.AlS VISrrENT I.KS MOXLMEMS.
Di-ssiné par lîertali, gravé i ar Baulant.
lîMUÉE Diî iiAnETZKV A r\:iis.
Dessiné par Nadard, gravé par Uaulant.
LliS NOUVEAUX SEllGEMS DE Vil i.K.
Dessiné par Nadard, gravé par Banlara.
.lOim- HUl.I. A l'AlUS.
Cioq dessins |iar Nadard, (gravés par Baulanl.
M. I.ACIlOSSr.
'i'vpe par Faliritzuft, gravé pa' Haiilant.
Nota. L'ahondance des matières i)oU3 oblige à remettre à la procli.iine livraison la suite de MOSSIEU REA(i
LA SEMAINE.
GRANDE PHARMACIE PlLITIQLE. .
On trouve chez M. Delamarre, propriétaire du jour-
nal la Patrie, et pharmacien ordinaire de la rue de
Poitiers, le fameux contre-poison souverain pour gué-
rir du choléra socialiste.
Ce remède agit également contre l'empoisoimement
par le champignon démocratique et social (agaricvs
Proudhonianus] ; il est infaillible pour la destruction
des punaises.
Quelques personnes l'emploient également comme
eau de toilette. Il empêche les cheveux de tomber et
arrête la carie des dents ; il est utile aux fumeurs,
dont il rend l'haleine pure et fraîche, même après
avoir fumé des cigares de la régie.
Le contre-poison Delamarre se vend six francs le
llacon, trois francs le demi-flacon. Tous les flacons por-
tent la marque de l'inventeur. On fait des envois en
province et à l'étranger.
S'adresser aux bureaux de la Patrie, rue du Crois-
sant.
Le comité de la rue de Poitiers fait un usage jour-
nalier du contre -poison Delamarre, et il affirme s'en
être toujours servi avec succès.
De nombreuses attestations témoignent en faveur
de ce contre-poison.
« Atteint, depuis la révolution de Février, d'accès
de socialisme intermittent, je déclare que la lecture
assidue de la Patrie, et l'article contre-poison pris à
haute dose, m'ont complètement guéi'i.
(S Signe' Rougeaud,
(' propriétaire à Chàleau-Chinon. »
n M'étànt, aux dernières éleciions d'avril, présenté
comme candidat républicain, et me plaignant de cette
infirmité, on m'a conseillé de me mettre au régime du
contre-poison Delamarre. Depuis cette époqi^e, je suis
soulagé de toute espèce de douleur républicaine, et je
me présente comme candidat légitimiste aux prochai-
nes élections.
« S/j'ie BlIURBOUSSON,
« représentant de Carpentras. »
a Le contre-poison Delamarre m'a délivré d'un ca-
tarrhe démocratique contracté le lendemain de la ré-
volution de Février, en montant ma garde. Je suis re-
venu, en lisant la Patrie, à la santé et à la réaction.
Je ne saurais trop recommander l'usage de ce remède
à ceux qui se plaignent d'une toux républicaine invé-
térée.
« Signé Lapincueux, banquier.»
I Nous n'en finirions pas, si nous voulions citer tous
les autres témoignages en faveur de l'invention Dela-
marre.
: On prétend que M. Véron veut inlenlcr un procès
! à M. Delamarre. M. Véron soutient que la pàle-lîc-
330
REVUE COMIQUE
gnauld est également souveraine contre la République
et le socialisme, et que le contre-poison du journal la
Patrie n'est qu'une contrefaçon dos articles-Uegnauld
du Constitutionnel.
Les tribunaux seront bientôt appelés à juger cette
importante contestation. Quant à nous, s'il faut dire
toute notre pensée, nous préférons le con Ire-poison
Delainarre à la |)àte-Rognauld, la Patrie au Constitu-
tionnel.
Le contre-poison a quelque chose de naïf qui rem-
plit l'àme d'une douce joie et la d.spose aux impres-
sions comiques. Prenez seulement ces dix ligues de
contre- poison :
« On cit;\it dernièremenl un mot de la femme d'un
Icarien de l'avant-garde, qui pourrait, ce nous semble,
faire le pendant de quelqu'une de ces belles réponses
des femmes Spartiates dont PIntarqne a consacré l'hé-
roïque souvenir. On parlait devant celle-ci des mal-
heureux adeptes de M. Cabet, qui, manquant de tout,
exténués de misère et de faligue, se voyaient con-
traints de renoncer à ce désastreux voyage. — Quant A
moi, dit-elle, parlant de son mari, je serais moins dé-
solée de sa mort que de son retour. »
Il est évident qu'immédiatement après avoir avalé
cette faible dose de contre-poison, vous rendez tout l'ar-
senic icarien renfermé dans vos intestins, et vous échap-
pez à une mort certaine.
On sait que les militaires commettent souvent l'im-
prudence de cueillir, en se promenant, des numéros
du journal le Peuple, et de les accommoder ensuite au
gratin. Les avis fréquents desjournaus sages n'empê-
chent point les soldats de se livrer journellement à des
folies de oe genre. Puisqu'on ne peut pas les empêcher,
du moins fant-il songer à en guérir les victimes. C'est
dans ce but que M. Delamarre a cru devoir livrer son
contre-poison sous la forme d'alinéas-pilules.
« On demandait l'autre jour à un sous-oflicier du
33' de ligne ;
— Est-il vrai que les sous-ofliciers de votre régiment
soient socialistes?
— Mieux que cela, monsieur, répondit le maréchal
en herbe, nous sommes tous communistes. Qu'on nous
donne les démocrates rouges, et nous nous les serons
bien vite partagés. »
«Cette manière d'entendre le communisme ne nous
parait pas la plus mauvaise. »
Ni à riuus non plus; seulement nous voudrions sa-
voir ce que les maréchaux en herbe feraient des démo-
crates rowjes, lorsqu'ils se les seraient partagés. Et
comment se les partageraient-ils?
Ici nous croyons que la passion du contre-poison em-
porte M. Delamarre, et nous avouons que ses alinéas-
pilules nous paraissent exciter passablement les citoyens
à la haine des uns contre les autres.
iNous espérons que ce bienfaiteur de l'humanité s'ar-
rêtera dorénavant dans les bornes voulues. En atten-
dant qu'on lui élève une statue , >L Delamarre s'est
décidé à livrer à la publicité la recette de son contre-
poison : deux onces de légitimisme, vingt-cinq gros
d'orléanisme, quatre litres d'agiotage; remuez le tout
dans un encrier, et vous avez l'eau infaillible pour
la destruction dos républicains.
Reine du monde, ô Erance ! ô ma patrie! soulève
enlin ton front cicatrisé! Nous avons un Président qui
comprend ta grandeur.
M. Louis Bonaparte passe sa vie à parcourir les ma-
gasins de Paris (cela s'appelle maintenant des exposi-
tions d'industrie), et à acheter des étoiles. Nous vou-
drions bien savoir ce qu'il peut faire de tant de robes!
En attendant, ses partisans se chamaillent.
Le Président, d'il l' E uénernent , est l'honone de l'au-
torité ; c'est, avant tout, l'homme de la révolution, ré-
pond la Liberté. Nous avons le bona|)artisme rouge et
le bonapartisme bleu. Ceci est tout simplement de la
haute comédie. On veut renouveler la farce des héri-
tiers présomptifs retenus par les grands parents dans
une voie étroite, mais très-avancés au fonds. C'est
ainsi qu'on présentait le duc d'Orléans à la génération
nouvelle; malheureusement, pour les prétendants,
cette farce est usée jusqu'à la corde. Aujourd'hui on
ne peut plus faire de la popularité de bascule.
Nous venons de parler de l'Evénement. Ce journal
se transforme. M. Victor Hugo, de soleil va devenir
lune, il prend place au firmament des journalistes du
soir. Le parti des penseurs rentie dans la nuit. Fasse
le ciel que cette nuit ne soit pas bientôt éternelle!
La semaine qui vient de s'écouler nous a révélé un
grand caractère. Le vertueux Boulay (de la Meurtlie)
s'est élevé tout d'un coup à la hauteur des plus grands
hommes d'État de l'antiquité. L'Assemblée lui a re-
fusé une augmentation de traitement; il a refusé le
traitement tout entier. Cincinnatus voulait quatre-
vingt-huit mille francs ou rien ; pas un un sou de plus,
pas un sou de moins. Il paraît (jue c'est à ce taux-là
seulement qu'on peut être vice-président de la Répu-
blique française.
Désappointement - Changarnier , désappointemenl-
Roulay, désappointement-Véron ; ceci est la semaine
des désapjiointements.
Le baron Véron, surintendant des beaux-arts, di-
recteur honoraire de tous les théâtres de Paris, pro-
tecteur de la confédération des comédiennes, média-
leur de la république des lettres, directeui' du Constitu-
tionnel, inventeur de la pâte-Regnauld, grand-maître
des tableaux vivants, s'était imaginé de faire entendre
l.ES TROIS SORCIERES DE I.A RLE DE POITIEIîS
Première sorcière: — Henri, tu seras roi ! ^
Deuxième sorcière. — Philippe, ta s ras roi !
Troisième sorcière. — Louis, tu seras emperour et roi :
(Shakespe\rF, Macbeth.]
Dessiuê par Xadard.
Imité des Sorcières de Macbeth, par Decamp.
Gravé par Leblanc.
REVUE COMIQUE
chez lui la musique du Prophète. Celait ainsi qiio cela
se pratiquait autrefois. On représentait les pioLOs à la
cour, avant de les donner à la ville.
Cette soirée lyrique, ce concert de primeurs devait
avoir lieu en riioiiucur du comité de la rue de Poitiers.
MM. Mole, Berryer, Montalenibcrt, étaient invités.
M. SIeyerbeer avait consenti à cette audition, lorsque la
direction de l'Opéra a nus son veto. Elle a refusé ses
chanteurs et sa partition au dictateur Véron. C'est un u
acte de courage dont il faut lui savoir gré.
LES ORGUES DE L.\ RUE DE POITIERS.
— Ne négligeons aucun moyen d'influence, mes-
sieurs, dit M. Thiers au comité de la rue de Poi-
tiers.
— 11 nouS: semble que nous n'en négligeons aucun,
répondit avec aigreur le comité.
Dans ce conciliabule des amis de l'ordre, on ne pro-
nonce pas quatre mots sans se fâcher. Ce sont des (]ue-
relles incessantes qui troublent paifois cette rue de
Poitiers, si paisible avant l'invasion du parti de la fu-
sion universelle.
— Vous allez voir, reprit M. Thiers, qu'il y a un
moyen auquel nous n'avons pas encore songé. iNous
publions des petites brochures contre poison pour le
peuple, mais le peuple ne les lit pas.
— Vous croyez ?
— J'en suis sûr. 11 y aurait autre chose à faire; il
faudrait trouver le moyen de forcer les gens à avaler
le conire-pjison malgré eux, et ce moyen, je crois l'a.-
voir trouvé : il gît dans la diffusion des orgues de Rar-
barie. Ce n'est plus du Nord, c'est de l'orgue de Dar-
biiie que viendra la lumière.
— (Comment?
— Je m'explique. Nous allons fonder un atelier de
chansons antirépublicaines sur des airs connus, com-
me : Chinq sous ou le Clair de la lune, et même sur
V aiv ia Di'inn, drinn. Notre ami Rémusataura la direc-
tion de cet atelier, à cause de ses connaissances spéciales
dans ce genre de propagande; peut-être même obtien-
drons-nous la collaboration de l'ancien préfet Romien.
Cet atelier sera composé d'autant de chansonniei's que
nous en pourrons réunir. Ils auront deux repas |)îr
jour de veau rôti, avec un litre chacun de vin à quinze.
Le veau pousse à la chanson, surtout lorsqu'on peut
en même temps sabler le vin à quinze, qui fait, en
s'échappant : Pan! pan! En outre, il sera alloué à
chacun une haute paye de 1 fr. 30 c. par séance.
— Après?
— .Nous soudoyons des orgues de Barbarie pour al-
ler chanter ces chansons dans les rues de Paris et dans
les départements; mais vous com[)renez que pour ob-
tenir de bons résultats, il est besoin d'un déploiement
extraordinaire d'orgues de Barbarie. Us doivent s'abal-
tie comme une nuée de sauterelles sur toute la France,
encombrer les villes, pénétrer même dans les plus ob-
scurs villages, dans les bourgs, dans les hameaux. On
peut se refuser à lire nos petites brochures; mais il
est impossible de ne pas entendre un orgue qui s'ins-
talle pour quelques heures sous vos fenêtres. Et c'est
fout simplement du contre-poison qui pénètre dans les
villes, à travers les fenêtres et les murs. Justement,
voici le printemps qui s'avance, les fenêtres restent gé-
m'-ralemcnl ouvertes, et la prop.igande en sera d'au-
tant plus facile.
Ce projet de M. Thiers fut adopté à l'unanimité, et
le comité vola à l'instant les fonds nécessaires pour
constituer l'atelier de chansons, qui fonctionne acti-
vement à l'heure qu'il est. On espère y enrôler
.M. ClairviUe.
•Restait la question des orgues de Barbarie.
Des émissaires se sont mis en campagne pour racco-
ler tous les joueurs d'orgue de Pai'is et des barrières.
On s'est déjà assuré du concours du célèbre vielleur
du procès Fualdès. Il en arrive tous les jours un grand
nombre devant la porte du comité, qui, en attendant
le moment d'être introduits, et peut-être aussi pour
donner aux membres du comité une preuve irrécusa-
ble de leur talent, tournent la manivelle dans la cour
avec acharnement. On comprend quelles luttes artis-
tiques doivent s'engager entre ces virtuoses, surtout
lorsque la cour en est pleine. C'est au point que le co-
mité s'est vu quelquefois, à cause du bruit, forcé d'in-
terrompre ses séances, et que les liabilanls de la rue
s'en plaignent avec amertume.
On a enfin compris la nécessité d'avoir un bureau
spécial pour les relations du comité avec les joueurs
d'orgue, et c'est M. de Rémusat qui en a accepté la
direction, comme il avait déjà celle du bureau des]
chansons.
Quelle position pour un philosophe doctrinaire!
OVATION DE M. DE MONTAI.E.MBEBT.
Glace aux efforts de M. de Monlalembert, l'Assem-
blée nationale a décrété « que la magistrature actuelle
conserverait ses fonctions. »
Le pieux légendaire auquel nous devons Y Histoire
de sainte Elisabeth de Hongrie, l'apologiste du Son-
derbund, le défenseur des prétentions pontificales, le
A L'USAGE DES GRNS S|:;RIF,UX.
353
champion dos idt'i's gotlii(|ui's, s't-st iiinnlrc coiisc^iiiciil
cil sonk'iianl rinaiiiovihilitiS dos iiuigistrals.
Aii«i les vieux juges, les vieux conseillers, les vieux
présidents, acialileiil-ils leur sauveur des lémoignages
Je leur lecdiiiiuissaïue.
Les uns i'oiil di'|)oser leur caile clicz lui, lesanlres
vont le coiiipliiiii'iiler |)ersonneilenH'iil. Il en est qui
pro|)ascnt ;i l'Acidéinie française de iiicnic son éloge
au concours ou de lui déférer un prix Monlliyn. Quel-
(]ues-uns parlent de le faire canoniser.
De tous les parquets, de toutes les cours de la lîépii-
hlique, arrivent, à l'adresse de M. de Montaleinhert,
des lettres de congratulation.
l'n magistrat, qui remplit longtemps les fonctions
du ministère public, vient de lui .ulresser, en guise
d'hommage, la collection conipléle de ses réquisi-
toires, depuis les temps les plus reculés jusqu'à nos
jours. C'est là une ingénieuse llalterie; car il suffit de
jeter les yeux sur ce curieux recueil, pour comjirendre
combien était difficile la défense de l'inamovibilité.
La première partie contient Its réquisitoires anté-
rieurs à 1850. Le magistrat y déclame éloquemment
en faveur de l'auguste pelil-fils do Henri IV, contre la
secte impie des libéraux. « Il faut on finir, dit-il dans
une de ses péroraisons, il faut en finir avec les éter-
nels ennemis du trône des lis et de notre sainte reli-
gion ; avec ceux qui opposent au droit divin l'utopie
de la souveraineté du peuple, la personne sacrée et
inviolable d'un monarque adoré ne saurait cire im-
punément attaquée. Si vous ne mettiez un terme à
la violence des rebelles, si vous cédiez à une coupable
indulgence, la société serait ébranlée jusque dans ses
liindcnjonts, et la puissance légitime que les nourbons
tiennent de leurs anciHres serait cnti-avéc dans son
action. »
Ouel(|ti('s jiapes plus loin, nous lisons:
" l.a révolution de 185(J a fait justice d'un mo-
nari|iio [);iijure ; elle a appelé au trône un prince que
ses éniinontes vertus semblaient avoir |)réde»tiiié à
sauver la France ; et quand son gouvernement com-
mence à réaliser nos es|)érances, voilà que les éternels
ennemis île l'ordre se coalisent contre lui. Il faut en
finir, messieurs, avec les insensés qui osent lôver la
Hépublique. La personne sacrée et inviolable d'un mo-
narque adoré ne saurait être impunément attaquée. Si
vous cédiez à une cou[ial)le indulgrnco, la société se-
rait ébranlée jusque dans ses fondements, et la puis-
sance, que le roi de Juillet tient du vœu national,
serait entravée dans son action. »
On lit encore dans les dernières pages de la collec-
tion de M. le procureur-général :
« La révolution du 24 Février a fait justice d'un
monarque parjure; elle nous a donné la République:
le grand principe de la souveraine du peuple est pro-
clamé. Il faut donc en finir avec les éternels ennemis
de l'ordre, et, sans se laisser entraîner à une coupable
indulgence, raft'ermir la société ébranlée jusque dans
ses fondements, n
Le recueil du magistrat abonde en pareilles con-
tradictions. Il faut en conclure que M. de Mon-
talembcrt avait entrepris une rude lâche , en de-
mandant le maintien des magistrats actuels, et que si
leurs fondions sont inamovibles, leurs opinions ne le
sont pas.
Les Anglais visitent, parmi nos monuments, ceux qui sont les plus propres à éveiller leur curiosité.
334
REVUE COMIQUE
I.KTTHE l)'APxTUlî|\ A AUAnK Ll.A.
Soyez sans inquiotiido, mon Aruliella, vous n'aurez 1
pas besoin , ainsi que vous en aviez peur, de passer
vous-nième le délroit poui- venir ai-nulier votre niaii
aux délices de Capoue.
Quelletriste Capoue que ce Paris!
Figurez-vous qu'on ne voit maintenant sur tous les
niui-s que des affiches de loterie. Grande loterie pour
la colonie de Tetit-Bourg, grande loterie pour les so-
ciétés des peintres, sculpteurs et musiciens. Les bals,
les fêtes, les banquets, tout est prétexte à loterie. Le
président de notre comité Je voyage a été sur le pomt
de figurer comme gros lot dans une tombola. On est
venu nous le demander, mais nous l'avons refusé.
Ce peuple français, qui passe pour le plus spirituel
de l'univers, ne parle plus que de hausse et de baisse,
de prime et de report, de trois et de cinq pour cent.
On ne songe plus qu'à jouer. Ceux qui ne prennent
■pas de billets à la loterie de l'etil-Bourg mettent à la
loterie de la Bourse.
Quant aux femmes qui excitaient tant votre jalou-
sie, ma chère Arabella, rassurez-vous sur leur compte
et sur le mien : toutes les Parisiennes que j'ai ren-
contrées avaient le bout du nez rouge.
- Nous passons ici notre temps comme nous pouvons,
■personne ne prend garde à nous. Il est certain que
-nous aurions dû endosser un uniforme, c'eût été le
moyen de nous faire remarquer. Vous savez, Arabella,
que je proposai au comité d'adopter l'habit rouge na-
tional ; l'intrigue fit écarter ma motion. Aujourd'hui,
j'ai la consolation de voir qu'on me donne raison.
Les Français nous invitent fort peu. Nous n'avons
reçu jus(]u'ici d'invitation que pour le Jardin-d'Hiver,
Valentino, l'hôtel des Princes et la préfecture de la
Seine. M. Léon Faucher ne nous a pas même donné
un simple diner ; en revanche, il nous a envoyé des
permissions à profusion pour visiter les principaux
monuments de Paris.
J'ai donc vu la grande marmite des Invalides, les
souterrains du Panthéon, le puits de Grenelle, l'obé-
lisque et la maison sur laquelle pleuvait chaque nuit
nn déluge de moellons et de quartiers de roc. Ara-
bella, selon votre prière, j'ai voulu faire nn pèlerinage
à la maison d'Héloise et d'.\badard. Hélas! elle a été
détruite, et personne ne s'est élevé conti'e cclti' pro-
fanation.
Hier, nous avons été admis à visiter la grande cuve
dans laquelle le comité de la rue de Poitiers jette l'ar-
gent qu'il reçoit pour sa souscription. On donnerait
aisément un diner à deux cents personnes dan? cette
cuve. Elle est n.ainlenant aux trois quarts ])lcinc de
pièces de cent sous.
J'aurais bien voulu voir .M. Paul de kocK, le premier
des romanciers français; malheureusement, il n'a pu nous
recevoir, parce qu'il était atteint d'une fausse attaque
de choléra. M. de Balzac s'est fait russe, et a quitté la
France depuis la révolution de Février. Pour nous dé-
dommager, on nous a conduits chez M. Clairville.
0 Arabella ! cet homme est fort laid.
Du reste, la laideur me paraît le défaut dominant
des grands hommes français. Léon Faucher, que nous
nous figurons en Angleterre sous les apparences d'un
demi-dieu lançant la foudre, ressemble tout bonne-
ment à un maître d'études de Cambridge; Odilon
Barrot, auquel nous donnons la forme d'un dieu tout
entier, m'a fait l'effet d'un alderman en colère ; quant
au lord-préfet de la Seine, M. Berger, son gros ventre
le rendrait tout à fait digne de faire partie du corps
municipal de Londies.
Vous connaissez le président de la République fran-
çaise, mon Arabella ; vous l'avez vu souvent mangeant
des gâteaux aux huîtres chez le pastri-cook de New-
Marquet : ceci me dispense d'en dire davantage.
Le général Changarnier, comme vous savez, est du
même âge que notre grand Wellington; ils ont dé-
passé quatre-vingts ans tous les deux. La vérité me
force à dire que, malgré les cosmétiques, les eaux, les
poudres qu'il emploie, M. Changarnier me paraît
moins bien conservé que Wellington, et je crois qu'il
brillerait moins que lui auprès des belles.
Paris est bien différent de Londres. Les maisons
y ont généralement cinq étages, et les cuisines sont
an rez-de-chaussée, au lieu d'être dans les caves,
comme ce serait leur devoir. H n'y a point de imfcli-
men, et l'on commet publiquement des incongruités
dont ma décence a été révoltée. Je me suis voilé la face
en remarquant sur les boulevards des colonnes destinées
à û Arabella! comment vous ex[)li(iuer ce scandale !
// if vcrij s/iorking indecd!
Je n'attendrai pas mes compatriotes, mon Arabella;
je brûle de vous revoir; et je ne vous cache pas que,
en outre, mon amour-propre britannique est vivement
froissé de l'indifférence des Parisiens. Quoi ! cinq cents
bourgeois de Londres se dérangent pour faire une vi-
site aux Parisiens, et on ne les reçoit pas avec plus
d'empressement! Notre ambassadeur devrait deman-
der ses passeports!
Je vous quitte pour me rendre à une représentation
qu'on donne en notre honneur au Théàlre-Conile;
mais je vous reverrai bientôt, mon Arabella, oh! oui,
bientôt!
Votre fidèle
AhTMUH (^ItOKENSON.
ENTIlIiE DE RADETZKl A PAIIIS.
TABLEAU COMM-NDÉ PAU LA KCE Hli POITIEKS POUK ÊTRE PLACE DANS TOUTES LES COMMUNES DE FRANCE.
I L'artiste s'o t inspiré du tableau dj GÉRARD, l'Enlrêe d'Henri IV U Paris.)
On li-oiivcra pont èti-c qiip le coinilé île la nie tic Poitiers, en coiiiMiaii but ce talileati, est allé un peu loin dans
rcx|M-essioii lie ses vœux; aussi ne faul il pas en pi-cntli-e le sens à la lettre. L'Union et t'.Jssemliléc nalionulc in-
ïo(|iienl lotis les jours une nouvelle sainte-alliance de tous les pouvoirs de l'Kiiropc contre l'esprit ré|)ublicain;
1 11 d'autres termes, riiUervcntion lîtrangère. l'AsscmbUe mUionale disait dernièrcnicnt que le salut dn pjys ctjit
dan «1 l'aiistocratie do race et l'aristocratie militaire. » Lisez et comprenez!
Au centre du tableau, vous voyez Radctzki faisant son entrée à Paris, comme anti-cfois Henri IV, sur son clicval
blanc, aux pieds duquel s'agenouille M. Tliieis. Est-ce à dire que M. ■Jliiers pitHende faire a.-scoir i;ade:zki .'tir
le trône de Franci? Non, certes, car alors M. Tliiers ne sci ait pas ministre ; i! serait peut être envoyé au âpiclbcrg,
en exiiialioii de ses anciennes fredaines libérales. Derrière Hadetzki marche le ban Jellachicli, lires diii|uel vons
apercevez M. Guizot, M. Hébert, et d'antvcs vieux soniteurs de la monartliie, encore novices dans l'art de l'in-
tervention, mais ayant confiance entière dans rex]'.cricnce de Vlminine de Gand. Sut' le prc-UHer plan, a gauche, un
a;)erçnil le Consliliilioiincl, les Dchuts el l'Asseiub'ée nationale, qui se tiennent embrassés.
A droite et dans le fond du tableau, s'agitent d'autre.s masques faciles à reconnaître. nOii ne discute pas aiec
les socialistes (li»ez : avec les républicains;, on les extermine. .. Cette profession de foi d'un aiiricn journaliste,
candidat à la députatioii, exprime les idées dn comité de la rue de Poitiers plus dairemenl peut-être cpie le comité
ne l'aurait voulu. L'ordre comme à Varsovie! c'est-à-dire le parti delà résistance elles invalides de la politique
consolidés an pouvoir quand même, tel est le programme du comité.— Du balcon delà fenêtre de droite, uiadaine
lïéac et ses demoiselles envoienl des baisers aux héros du parti de l'ordre.
336
REVUE COMIQUE
l'UOCKS-Vr.KBAl.
M'ôtant Iransporlô, si'loii los orilrcs ilo M. lo pri'l'ol
de police, dans un local do la iiio de Poitiers oîi se
tiennent tous les jours des réunions électorales, j'y ai
VII un grand nombre de citoyens réunis autour d'une
table verte.
J'ai surpris qneUiues mots qu'ils échangeaient
entre eux.
«Vous n'êtes pas de bonne foi; vous tiicliez pour
Henri V.
— Et vous pour l'empercni- Napoléon III.
— El vous pour la régence.
— El vous pour le prince de Joinviile. »
A. mon entrée et à celle de mes agents, les joneuis
ont essayé de faire disparaître les enjeux déposés sur
la table. J'ai heureusement mis la main sur ime foule
de registres qui pourront fournir ù la police d'utiles
indications.
Le jeu que l'on joue dans ce tripot est le bacarrat
parlementaire. Le banquier de la maison s'appelle
Thiers.
J'ai examiné les cartes ; elles étaient bizeautées
comme d'habitude.
Un très-grand nombre de grecs polilicpifs se trou-
vaient à celle réunion. >ious y avons lrou\é les habi-
tués ordinaires de ces sortes de maisons. Interrogé
par nous, l'un des joueurs a déclaré se nommer Mole,
el l'autre Berryer. Je crois que ce sont des intrigants
qui veulent usurper ces noms respectables. Je les ai
maintenus en état d'arrestation. J'espère que M. le
préfet me saura gré de la fermeté que j'ai déployée
dans cette affaire, et m'accordera l'avancement que je
sollicite depuis si longtemps.
Le mobilier et les objets saisis ont été, en vertu de
la loi, envoyés à la préfecture de police. J'ai fait ap-
poser les scellés sur le local de la rue de Poitiers.
i'/g'ni? Servachot, commissaire de police.
Monsieur le Ministre,
Je crois devoir signaler à votre attention l'existence
d'une société politique qui me parait en opposition fla-
grante avec la légalité el le maintien de l'ordre. Celle
société a son siège rue de Poitiers.
Il ne s'agit de rien moins, pai'ini les membres, que
de renverser le giiuveriicinent iicliiel el de le remplacer
|)ar la monarcliie.
Ici, heureusement, la division se glisse parmi les
conspirateurs.
Les uns voudraient rappeler la duchesse d'Orléans cl
la ])lacer à la tète d'une régence.
Les autres sont pom- lleni-i V. ■
Il y a un parli puni- le prince de Joinviile, et un
autre pour Napoléon III.
Je ne comprends pas. Monsieur le Ministre, (]ue, eu
vertu delà loi de 1700, si lieurensement exhumée par
vous, aiiiiin commissaire de police n'ait encore assisté
aux séances de ce repaire de consfiiraleiu's, qui se dé-
guise sous le pseudonyme de réunion électorale.
Il est d'autant plus urgent de s'en occuper, que, dans
le local de la rue de Poiliers, on fond ouvertement des
articles mâchés, et on fabrique des écrits incendiaires
destinés à faire sauter la néjiubliqiie.
On y comir.el tous les jours, en paroles el en actions,
le délit d'excitation à la guerre civile et à la haine des
citoyens les uns contre les antres.
En signalant les dangers de celle rénnion, dans la-
quelle je suis parvenu .'i me faufiler, je crois rendre un
service signalé au gouvernement, et mériter une gra-
lillcation que je sollicite de la bienveillance du mi-
nistre.
Siaiir : Le Numriio'ST.
aKPIINSE ou rlll'FKT [IF. POLICE.
\ Monsieiii' Scrvachot, commissaire de police.
L'administration se voit dans la nécessité de vous
révoquer. Vous êtes admis à faire valoir vos droits à la
retraite.
Sifjnc : Le Préffi de roi ice.
HÉPONSE DC JIIMSrilE I>E I.'lNTliaiFlR.
Le Numéro 11 cessera désormais d'adresser des com-
munications au ministère; elles ne seront plus reçues,
et, par conséquent, elles ne seront plus payées. Le Nu-
méro 27 n'a droit à aucune espèce de gralilication.
Pour le Ministre,
Sifjnc : Le Diuecteir de i.a police.
LES NOUVEAUX SERGEMS DE VILLE
(note COMMCNIQIÉE.)
Le préfet de police croit devoir donner les cxplica- 1 On a mi |iaraitre depuis quelques jours, dans les
lions suivantes à ses administrés pour faire cesser un \ui> r\ les lieux publics, des hommes portant pantalon
déplorable malentendu. I et habit biens, avec des vaisseaux d'argent brodés au
A i;iisa(;k dks ck.ns si^nir.nx.
337
collol; plus, un cliijpcmi à conios et rqu'u au ci'lr.
I,ii |iii|iiil:ilioii est liiiuhro à loiir sujet ilaus uin' giaN(!
l'iirur.
Quflipics pi'isiiiini's uni nu (pir ccl iinilnnnc (■lait
celui ilos i'iii(| cents gardes uatiouaux anglais a< lucllo-
iiieiit en visite h Paris. Pour avoir une Irlli' nic-i-, il
f.uil évideinnient no rien connailrt! aux iiiii-'urs cl au\
usages (le nos voisins d'outre-Manclie. Qui donc igiioïc
que In gaide nationale est une institution toute IVau-
çaise et coinpit'ienient inconnue à Londres?
Mais il est une autre erreur plus gjave encore dans
laquelle sont tombés les ineillein's esprits.
Comme ces habits bleus et ces tricornes ont paru à
la lin de la semaine sainte, on s'est hMi d'en conclure
que c'tSlait une nouvelle mode invenl(''e |)onr l.ong-
chninps, et qui avait réussi. Aussitcjt ipielques d.indys
se sont empressés de connnandei' des v("leinents sem-
blables chez leur tailleur.
Je me hâte de prévenir les lailleuis (]ii'ils aient à ne
pas livrer ces fournitures; quant aux dandys qui les
ont commandées, je suis forcé de leur rappeler qu'en
adoptant le costume en question, ils s'exposeraient aux
peines lixées par la loi contre tout citoyen (pii usuipe
un uniforme de fonctionnaire public.
Le costume dont je parle est tout simplement celui
des anciens sergents de ville, à quelques modiliralions
près dans la broderie du collet, et les lioiiunes qui le
portent sont des sergents de ville qui viennent de reiu-
placcr les anciens gardien.; de Paris.
Par suite de cette transformation, le coslunic des
gardiens de Paris n'étant pins ofliciel, chacun a le dinit
de le porter.
Mainteininl, |iNiir a({cpler ma part de res|)on«abi-
lil(' dans le iiiali iilrinlii (|ue Je d('-pl(>re, j'avouerai que
j'ai en peiil -l'Ire (.11 1 d'iqiérer ce changeniiMit d'uni-
liinoe, iu^-le au ninioiiit de Longcliamps. (/est ce qui
a occa^iiiiMK' l'ei I cm- d'un grand nombre de bons ci-
toyens, ipii nul ('II' sur le piunt de se trouver en con-
IraveMlhiH, Mi.il^'ii' Iniil leur respect pour lc> ordon-
uanre^ el reniements de p(di(('.
Il fiul due, Idiiteiijis, (Hie celte coïncidence n'a ])as
i''l(' lorlnile. On s'était plaint généralement cette an-
née de la suppression du bœuf gras et de son cortège
de masques. Je sais que le peuple aime les spectacles;
aussi avais-je pensé qu'il élait de mon ileMiii- de faiic
quelque elujse pour Longchamps : c'ot d.iii< le but de
rendre ipii'l(|in' splendeur à celte solennité, que j'y
avais env.i;c un cci laiu nombre de sergents de ville
sous leur nmneau nistume. Le succès a dépassii mes
espérances.
Je voulais savoii' seulement si le costtnne plairait ; il
a plu, el la preuve, c'est que beaucoup de citoyens ont
commandé des costumes semblables. Je me hâte de les
prévenir de leur erreur.
D'un cijté, je suis lier do mon succès; de l'autre,
l'en déplore les conséquences.
Un enseignement ressort de là, c'est que l'uniforme
du sergent de ville n'a pas cessé d'être agréable à la
population parisienne. En remettant cet uniforme à
l'ordre du jour, je ci'ois avoir rendu un grand service
à la capitale. H y a eu, en effet, des préfets de police
ipii s'occupaient, avant tout, de la sécurité de la
ville; moi, je in'tjccupe des nnifoi-mes des hommes
(le la ]inlice. I.a sécurité tout entière est dans la coupe
Enthousiasme produit pat la restauration du sergent de ville, cette colonne du vieil ordre social.
558
HEVUK COMIQUE
do riialiil il dans la forme du cliapeau. Qii'alloiidio do
bon dos gardiens de Paris, qui portaient un oliapcan
pointti et une tunique verte? Quel servioe un honinie
on tunique et on cliapeau pointu peut-il rendre dans
les rues de Paris? .Mais parlez-moi du cliapeau à cornes
et (le riialiit liieu avec des vaisseaux au collet! Tout
est là.
.\n reste, roxpérience a jjrouvé qii'd n'y a que les
saines traditions qui servent.
Les gendarmes de Charles X ont déjà reparu, et
voi.i les sergenls de ville de l.oiiis-Pliilippe. Ces deux
uui:'ornios, également adoiés de la population, cliar-
iiieroiil désormais tous les yeux. Mais voici qui portera
au comble la joie des lionnètes gens: il est question en
liant lieu du rétablissement de la garde suisse. M. Fau-
cbers'en occupe avec M. de Falloux. Avec l'uniforme
suisse, la collection sera complète. E'^péroiis qu'on
n'alteudra pas longtemps; c'est le vœu des lioninies
sages, et [)ai'liculiorenicnt du comité de la lue de Poi-
tiers.
LES TRF.MHI.EUns.
Le choléra commence à jouer un certain rôle et à
préoccuper quelques esprits.
Pendant deux mois, il a sévi clandestinement, con-
iiné dans les hôpitaux, n'osant attaquer que des gens
à moitié morts* puis il s'est enhardi, il s'est aventuré
dans quelques rues étroites et malsaines. Cependant, on
doutait encore de la réalité de l'épidéniie, quand le
ministre Buffet l'a reconnue ofliciellement, en deman-
dant un demi-million pour la combattre. L'Assemblée
nationale a accordé l'allocation avec d'autant plus
d'empressemsnt qu'elle vivait dans un milieu mé-
phitique. Elle a réfléchi qu'elle respirait un air
imprégné de discours nauséabonds, un air infesté par
les harangues des Denjoy, des Banchard et des Bateau,
et que le fléau n'avait qu'à se présenter dans la salle
des séances pour y trôner en souverain. C'est malheu-
i-onsementce qui est arrivé.
Depuis ce temps, il y a dans Paris bon nombre de
gens qui ne dorment plus. La terreur s'est emparée
d'eux; ils s'imaginent que le choléra rôde autour de
leur domicile, et guette le moment d'en forcer la porte.
Ils ne songent qu'à se mettre en mesure de repousser
énergiquement l'ennemi. Leur maison est une cita-
delle; leurs instruments de guerre, puisés dans l'ar-
senal pharmaceutique, sont d'énormes jattes de chlo-
rure de chaux, des sachets de camphre, des monceaux
de camomille, des citrons lardés de clous de girofles, et
autres drogues, dont les odeurs mélangées vicient l'air
sous prétexte de le purifier.
.Malgré ces précautions, le trembleur est dans un
état d'angoisses perpétuel. A chaque instant il s'écrie:
« Il me semble que j'ai le choléra; oui, je sens dos
gargouillements; aie!... les coliipies me prennent; les
crampes me tordent les mollets; je n'en puis plus
douter, je suis perdu ; j'aurai à peine le temps de faire
mon testament. »
Et le malheureux envoie chercher un médecin, (|iii
le rassure en lui riant au nez ; mais le trembleur |)er-
sisle dans ses inquiétudes, et n'ose ni remuer, ni man-
ger, ni boire; les aliments les plus salubres lui parais-
sent infectés d'un poison cholérique.
«Surtout, dit-il à son cordon bleu, ne me servez pas
de légumes, pas de farineux. Hippocrate et le docteirr
Pauxvels les prescrivent formellemetn comme flatueux,
indigestes, et disposant au ballonnement.
— En ce cas, je mettrai un haricot de mouton, un
filet de bœuf.
— Non, non, point de viandes ; elles irritent les pa-
rois du tube intestinal, épuisent les sucs gastriques et
augmentent d'une manière anormale les sécrétions du
pancréas.
— Eli bien! une sole normande, ou un turbot à la
hollandaise.
— Y pensez-vous? du poisson! Le poisson contient
du phosphore, des sels qui sont éminemment excitants.
On a remarqué, en 1832, que le choléra décimait les
populations ictbyoplinges.
— Que faut-il donc servir à Monsieur?
— Rien, rien; je n'ai pas d'appétit. J'ai besoin de
me mettre à la diète, n
C'est ainsi que parle le trembleur, depuis l'appari-
liou de l'épidémie; car, à force de lire des ouvrages de
médecine, il s'est familiarisé avec le jargon médical.
Le soir, la famille du trembleur lui propose d'aller
voir les Montfnigrins.
Il Y pensez-vous! répond-il avec indignation ; sortir
le soir! mais c'est précisément le soir qu'on roncoiilre
le choléra. Le choléra est de la nature des fantômes,
des vampires, des revenants, qui ne |)araissent qu'a-
près le coucher du soleil ; ( t puis s'enfermer dans une
loge!... Mais les spectacles sont des foyers d'infection :
il s'y exhale des vapeurs toxiques, des gaz délétères
qui adhèrent à l'épiderme, traversent le tissu sous-
cutané , et s'infiltrent dans toute l'économie. Aller
au spectacle ! la seule idée me fait dresser les cheveux
sur la tète !... m
Souvent le tremlileiir, de nature peu prodigue,
n'est pas fâché d'avoir le prétexte d'un danger pour
se dispenser d'un plaisir coûteux.
Les folles appréhensions dos peureux ne sont pas,
heureusement, partagées par la majorité de la popu-
lalion. I']lle a reconnu que le choléra était un vieil-
lard de nature assez bénigne, qui a épuisé ses forces
en courant le monde. Il semble, en 1848 , comme
Ar. ivée à Boulogoe et vin d'hunniur.
A riiôiel d«s PciDcea. — A:
Les Curiosités de Paris — Visite à sir Léon Faucher.
Dessiné pat Nadari^.
Petite contre-partie du lion de Waterloo.
Gtavé par BAf I-aSt.
SiO
REVUE COMIQUE
1 «-.-■> avoir clé attiré des nues par le désir de voir i surtout n'y sougeons pas; car le choléra est sensible
Z':^Z^ZtX^ villè fraîche én,o„lue aux attentions ,u;on lui té.o.gne et dès qu .1 entend
;:iC!^.S;mais.ui.erdu son ancienne rigueur: parler do lu, ,1 sou.prcsse de rendre v.s.te aux n.-
il fui. devant une tasse de thé; il recule devant un prudents c,u> 1 ont évoque.
verre de punch. >'en soyons donc pas en penie, et I
UN GRAND CRIMINEL.
Le corps des huissiers est dans la désolation.
Les clercs eux-inènies se frappent la poiUine en gé-
missant, et s'écrient que tout est perdu !
Les saines traditions sont compromises; les règles
sévères de la profession sont violées: un huissier vient
de commettre un acte de générosité !
C'est à Caudehec que la chose s'est passée. L'huis-
sier Bettencourt, chargé par un propriétaire impitoya-
ble d'exécuter un père de famille, s'est laissé attendrir
par les larmes de ses victimes, et au lieu de pratiquer
la saisie, au lieu d'augmenter le chiffre des frais, il a
payé le montant de la dette pour laquelle le pauvre
homme était poursuivi !
Horreur! horreur! horreur! dit Macbeth.
Les confrères de M. Bettencourt se regardent comme
déshonorés. Le blason de leur ordre est souillé. Jamais,
de mémoire d'homme, on n'avait vu un huissier com-
patissant renoncer aux bénélices légitimes de son état,
trahir ses devoirs pour désintéresser complètement le
créancier.
Le coupable est signalé à la vindicte do ses collègues.
Ou parle de renouveler pour lui les usages des francs-
juges ou des francs-maçons iirimitifs.
Leshuissiers se réunirent, parune nuit sombre, dans
quelque maison isolée, et citèrent M. Bettencourt à la
barre d'un tribuual secret. Ou invita maître Barroche
à rédiger l'acte d'accusation, et à requérir les plus ter-
ribles chàtiuients. Un émissaire, désigné par la voie du
sort, sera chargé de se transporter à Caudehec et d'exé-
cuter la sentence.
Le criminel sera condamné à lire, pendant trois
jcmrsde suite, \iis premiers- Paris de la Patrie, jour-
nal du soir.
Ou à assister à la représentation d'un vaudeville de
M. Clairville,
Ou à entendre un discours de M. Odilon Barrot ,
Ou à prendre sa part d'un raout tout cordial.
Et les huissiers apprendront ainsi ce que l'on gagne
à être bienfaisant.
UNE VISirE Â L'ELYSÉE.
Le journal la Liberté nous a déjà fourni un article
que nous avons inséré dans la 20, livraison. Le succès
qu'a obtenu cette touchante narration nous encourage
à donner l'article suivant, qui nous vient de la même
source. En nous associant de la sorte à cet estimable
-journal, nous sommes enchantés de trouver l'occasion
de jirouver, ainsi que lui, l'importance et la force du
parti bonapartiste :
«A ceux qui seraient tentés de croire que le iiarti
bonapartiste est mort depuis longtemps, et ne saurait
ressusciter en France, nous recommandons l'anecdote
suivante, dont nous garantissons l'authenticité :
» Un brave fermier du département des Vosges, dé-
partement qui se distingue entre tous jiar son dévoue-
ment traditionnel à la famille de l'Empereur, est ar-
rivé de Saint-Dié à Paris, avec l'intention bien arrêtée
d'être présenté à Louis-Napoléon, et ne voulant, pour
toute récompense des soins qu'il avait personnelle-
ment donnés à l'élection du 10 décembre, que le
bonheur de voir l'élu de son choix et de ses affections.
«Ni les difficultés qu'il rencontra dans cette capi-
tale, où i! ne connaissait personne, ni la longueur du
temps et des. démarches, ne purent rebuter son zèle
infatigable. Enlin, après quinze jours d'attente et de
vaines (lémarches, il a pu, par l'intercession de M. de
Persigny, officier d'ordonnance de M. le président de la
Républi(iuc, obtenir, pour hier mardi, la lettre d'au-
dience tant désirée. En apercevant le neveu de l'Em-
pereur, l'excellent homme, éperdu, se précipita sur
la main que lui tendait cordialement Louis-Napoléon,
et la couvrit de baisers en sanglottant et en s'écriant :
« Je puis mourir maintenant! »
n Le président, ému lui-même d'un témoignage si
touchant d'amour et de dévouement, l'a plusieurs
fois interrogé sur sa famille, sur sa position, et l'a
forcé, malgré les plus vives résistances, d'accepter un
billet de 200 francs, en lui disant yrarieusement : «Je
veux au moins payer les frais de votre voyage, qui me
procure une si buniic visite. »
A L'USAGE DES GENS SÉRIEUX,
\.K I'I{(M'III;TK
5il
Noiivi'lle lu'iii'iii-ii' ! }<r.iii(lf Irli !
On (lit ((lie l>ioiil(M l'im virra
DosccikIio iIii L-iel un priiplirlo
Sur la sci-ne de l'Opt^ij.
Nous Iri'builions dans une route ohsiMiri',
Les yeux couverts d'un brouillard incirla il :
Saint envoyé, que ta voix nous rassun ;
liiiseigne-nous (|uel est notre destin !
La République est ronlioe
Au parti des vieux oppO;ants :
De la vierge sacrifiée
Ils prolaueiit les jeunes ,ins.
De tout progrès entravant l'espérance,
Faucher, Barrol, Falloux le saciistain,
Vont-ils longtemps morigéner la France?
Saint envoyé, quel est noire destin?
Des magistrats sexagénaires.
Jadis pliilippistes ardents,
Lancent encore leurs tonnerres
Sur les journaux indépendants.
Du penseur franc la voix est bâillonnée;
Il est aux fers jeté comme un mutin.
La presse est-elle à périr condamnée!
Saint envoyé, quel e.t notre destin?
Renonçons-nous à l'héritage
De nos héroïques aïeux ?
Laissons-nous régner, sans partage,
Les Aulricliiens victorieux ?
Maîtres bientôt de l'Italie entière,
ynand les pandours se gorgtnlde butin.
Attendrons-nous qu'ils liassent la frontière?
Saint envoyé, quel est notre dtstin?
l'uile-noiis, vi. iUanl pr.iphetiqui-.
De» cliarlalans du comité,
yul débitent dans leur boutique
Un contre-poison breveté.
Le vioiix Mule tambourine à l'entréi; ;
Thitrs y fait voir les tours de f.igotin.
liiiuveront-ilsa placer leur denrée?
Saint envoyé, quel est notre destin?
Brouillons que la liaine ras>emble,
Rangés sur le môme terrain.
Marcheront-ils longtemps ensemble
Contre le peuple souverain?
Devons-nous voir celte ligue hardie.
Réalisant un complot clandestin,
Au nom de l'ordre, allumer l'incendie?
S dut envoyé, quel est notre destin?
0 prophète.' je crois t'entendro
Prédire un meilleur avenir;
De la France, lasse d'atlendre,
Les douleurs, enfin, vont finir.
\ous confondons la perfide alliance
Du libéral avec l'ullramontain :
La Républiciue échappe à leur vengeance
Saint envoyé, voilà notre destin !
Prophète, notre foi chancelle ;
Relève-la par tes discours;
Fais revivre quelque étincelle
Du ft'u sacré des anciens jours.
(Juand tant de gens, étouffant la pensée.
N'ont d'autre dieu qu'un métal arg.'ntin,
Entreliens-nous de la gloire passée:
Y revonir, voilà notre destin !
QUESTION NON RtSOLfK.
Qui proposa la banqueroute?
Demandait l'Assemblée hier.
Mais nos représentants sont restés dans le donle,
Cir dans un long discours, où l'on ne voyait goittle,
On n'a point reconnu Duclerc.
EIGENE RASPAlr..
En France on ne doit point
Se s;'rvir de son poing.
Lorsque l'honneur nous point,
Maigre ou plein d'einbonpoinl.
On crève le pourpoint.
Or, quand Raspail à Point
A donné cet à-poiiil.
Ce n'était poiit à puiut.
CONSEIL.
Lit l'r.tve en vain nous prépare
D.i préleiidns contre-poisons :
Il faut 'uir les cxhalai-oiis
Oui peuvent s'échapper du journal Deljinaïc
Une lemine aujourd'hui veut être dé|iuté'
Et biiMilôt sur les bancs de la législature,
Elle compte acquérir de la célébrité.
Mais le bon sens et la nature
Combattent à la lois celte candidature.
N'imposons pas à la beauté
Le pénible fardeau d'un rôle politique.
Ce n'est que dans le sein du foyer domestique.
Qu'elle doit travailler pour la postérité.
r.cl iiiimiialilc fociél:iire,
Qui lui si loiiglcni|is sans rivaux,
Depuis qu'il est au ministère,
Ne hrille pas dans ses Travaux.
Ses collègues peuvent s'attendre
A passtr ain^i qu'un éclair:
Avec eux, il devra se rendre,
lit nous verrons lu Crosse en l'air.
Dessiné par Fabritzils.
Gravé pat BauulNT.
30 oondiiK'H la lIvriilHon.
A compter tu 20 a\r;i, lo» l>ureiiu\ .le- la Revue Comique (iront r<-ui.i« il»/ M Dumihehay, 52, rue Rlchi lir
cù toutp» !.■( I.tl., ■^ ,t <I. ii.„..<l,-, .1, vroi.l .-Ir.- a<lrc%%. l•^
liions de la Sonscrlplion. — La Rtvrt cuMi^i i fi.rnii ri un in.i^iMlh|iir vi.'iimi-. îriml in->!, piililié on ."0 livriiisons à "0 centimes,
la poste, -iO cenl. On sousiTil pour 10 livraisons. ?•".!' les .lc|i.irt,'iEii>Mt-. envoyer un n1.1nd.4t sur l,i |io>te à l'nnlre ilu Jircclenr de la
lï. — Pour lont ce qui concerne la rédaction, écrire (franco) i M. LiiiEix, au bureau do la Revve, ,'•'2. rue Richelieu.
oiTMiiVEiiA-r. ÉDiTEira, aux iucicei.ieu, 52. 21' Livraison.
AVIS AUX JOURNAUX DE PARIS ET DES DÉPARTEMENTS,
Nous aulDrisons la reproduction des articles contenus dans la Revue comique, à la condition :
l'> De citer la Revue en lui empruntant ses articles;
2" De limiter, par chaque semaine, la reproduction au tiers des matières contenues dans chaque numéro.
AVIS
AUX SOUSCRIPTEURS DE I<A KEVUE COMIQUE.
Pour répondre au désir exprimé par un grand nombre de souscripteurs, qui iroiivaient j
fâcheux que, pour ne pas déeompléter la collection des dessins parus jusqu'à ce jour, ils pussent
être dans l'obligation de faire brocher oti relier les couvertures qui se reproduisent d'une façon
uniforme toutes les seize pages, nous reporterons dans l'intérieur de la livraison le dessin que
nous donnions ordinairement sur le verso de nos couvertures. De celte façon, ce dessin ne se
trouvera plus perdu pour le volume complet, qui pourra être broché sans ce premier feuillet.
La pagination a été disposée pour que cette suppression puisse se faire sans inconvénient.
Toutefois, pour que cette nouvelle disposition n'enlève pas au volume complet les dix
grandes gravures publiées jusqu'à ce jour siu- le verso des couvertures, nous donnerons, avec
la dernière livraison, ces dix gravures en supplément.
Le dernier feuillet de la couverture, formant la dernière et l'avant-dernière pages de chaque
livraison, devra être relié avec l'ouvrage complet dont il ne peut être détaché sans intervertir
l'ordre de la pagination.
SOMMAIRE DE LA VINGT-QUATRIÈME LIVRAISON.
La Semaiu». — M. Guizol à ses amis, — Républi(|ue contre République, — Les Bateleurs politiquos, — tjue l'aire de lani
d'argenl? — Les Pensions liUéraires. — ÇommenI M. Tliiers éciil l'histoire.
Graviirei par Btiilanf,
LXK RÉSlRRECriON INATTENDL E.
Dessillé par Nadanl.
LES CUIF.LRS PUBLICS.
Dessiné par Nadard.
LES B.VTKLEURS POLniQUES.
Dessiné par Beriall.
LA VIE PIRLIQUE ET PRIVÉE DE MOSSIEU RÉAC.
Chap. vm, — les Machiavéliivxes itc mossieu liioc.
leuillelon au crayon par Nadard.
t.V UILEiTA.ME A LA UEPRKSENTATION 1)L PUOPlliilE.
Dessiné par Bertnll,
M. BARUCIIE.
Type par Fabritzius.
aniqtlei i„ LtCKlMPt Kl., el fui
LA SEMAINE.
Hier un couirici-, arrivé à franc élrier, est deicendii
au miuislère de la justice.
— D'oîi venez-vous? lui demaud.i le suisse.
— J'arrive de iMarseilIc, a répondu le courrier; con-
duisez-moi auprès de M. Odilon Barrul.
— Iin|)ossible de le voir en ce moment, il est en
conseil à l'iiljsëe.
— J'irai à l'Elysée ; la dépèche que je porte est des
plus importantes, et il faut que je la remette moi-
même à M. Odilon Barrol.
— Allez donc à l'Elysée.
Même scène à l'Elysée. JI. Barrot n'est pas visible ;
il jiréside le conseil, repassez une autre fois, etc., etc.
Même réponse du courrier. Il insiste pour remettre
sa dépêche; on l'introduit dans la salle du conseil.
M. Odilon Barrot décacheté le papier.
— 0 ciel ! s'écrie-t-il, ô ciel ! tant de faveurs sur une
seule tète! je sens que je vais m'évanouir.
— Qu'y a-t-il? lui demandent ses collègues, pour-
quoi cette émotion?
— Sa Sainteté a daigné m'écrire.
M. Léon Faucher fait la signe de la croi\.
— Et de sa propre main.
Le petit Buffet s'agenouille.
— Qu'elle me nommait comte de Latran.
— Te Deum laudamus, s'écrie M. Rulhièrcs.
— Et chevalier de l'Éperon d'or; en même temps,
le Saint-Père m'envoie les insignes de cet ordre; les
voilà !
-M. de l'alloiix les liaise avec respect.
— Ce n'est pas tout, reprend M. Odilon Barrot,
Pie IX m'accorde la permission de faire gras le ven-
dredi et le samedi; de plus, il m'octroye des indul-
gences plénières, pour avoir médit autrefois de la très-
sainte intervention en Espagne.
Pour avoir blasphémé saint juste-milieu.
Pt ur m'élre mêlé aux hérétiques qui niaient le
dogme trois fois sacré du statu quo, et le divin mystère
de l'équilibre européen.
Le pape joint à cet envoi quelques reliques qui, por-
tées constamment entre peau et llanelle, préservent de
la morsure des démocrates, et empêchent les cheveu.x
et les ministères de tomber.
Les ministres ont aussitôt supplié M. Barrot, comte
de Latran et chevalier de l'Eperon d'or, de leur donner
un petit morceau de ces reliques. Le président du
conseil y a consenti.
On annonce que, depuis hier, M. Barrot a pris un
confesseur. Il est certain que la première séance de la
prochaine Assemblée législative sera précédée d'une
messe du Saint-Esprit.
M. Rulhières, ministre de la guerre, doit demander
incessamment le rétablissement des aumôniers de ré-
giment; en attendant, il compte présenter un projet
de crédit supplémentaire, pour que, outre le sabre, le
fusil, la baïonnette et la giberne, chaque soldat de l'ex-
pédilion de Civita Vecchia soit muni d'un cierge.
Le général commandant l'expédition, a reçu l'ordre
>u
REVUE COMIQl
positif, aiissilôt le Sainl-l'èro ro|)laci" sni- son trône, do
baiser la mule du pajie.
I."ox|>édition teriniiu'i-, il est qiioslion do grnndos
rojouissances pour coléluei' la gloiio do uos arnios.
Hadelski doit venir séjourner quelque temps à Paris.
On prépare des appartements aux Tuileries pour le re-
cevoir. -
Le vieux niaréclial, entouré de son état-major,
MM. Bugeaud, Cliangarnier, RuUiioies, etc., etc.,
passera nos troupes en revue. Après le délilé, il recevra
le grand cordon de la Légion d'honneur des mains du
Président de la République. On constatera ainsi, en
Europe, riudissohible alliance entre rAnlricbo et la
France.
Cette perspective des fêles prochaines ne doit pas
nous empêcher de songer à celles que nous avons sous
les yeux.
Parlez-nous du Prophète, critique, parlez-nous de
lui.
— Mais je ne l'ai entendu qu'une fois.
— Depuis quand les critiques ne jugent-ils plus à
première vue? D'ailleurs, auriez-vous la prétention
de croire que moi, public, je jirends au sérieux vos
jugements? Ce que j'attends de vous, ce sont des ren-
seignements pittoresques. Parlons un peu des pati-
neurs. Cela a-l-il bien l'air de gens qui patmenl?
— Tout à fait.
— Cela produit-il un joli cfTel?
— Charmant.
— Que pensez-vons de l'intéiieur do la cathédrale
de Munster?
— Je le trouve très-beau,
— Et le lever de soleil sur la ville de Munster?
— Admirable.
— Et l'incendie qui termine la pièce?
— Saisissant. Mais vous m'ennuyez avec vos inter-
rogations perpétuelles. Je vais défiler mon chapelet et
faire le bilan du Prophète.
Décors et costumes — splendides.
Ballet — charmant.
Roger — comédien et cbauleur remarqualde, cos-
tume malheureux.
Madame Viardol-Carcia — élans sublimes dans plu-
sieurs parties de son rôle. On semble redouter que ses
movens physiques ne soient pas à la hauteur de son In-
telligence.
.Mademoiselle Casiullan — insulTisanle.
Exécution générale — excellente.
Musique — digne de Meyerbeer.
Poème — digne de >L Scribe. On ob>erve cepen-
dant que ce poëine manque d'amour.
Il y a là de (pioi dnîmer un iiugiiiliquo dividende de
recettes et de succès.
Plusieurs pei'sounes croyaient que M.NL I*roudhon,
Pierre Leroux et Considérant paraissaient sur la scène,
déguisés en anabaptistes, et venaient chanter un cho-
ral tiré des ; rlu les du Peuple et de la Démocratie pa-
ri/lijiif. Los bruits qu'(ui a fait courir à cet égard sont
complètement dénués de fondemont. Le Prophète n'est
point une pièce politique, M. Clairville n'y a point
collaboré, et le |)rii>cipal rôle n'eu était point destiné à
madaïue Octave, ainsi (]iie quebiues individus le pré-
tendaient. La question sociale est complètement mise
de côté; ou ne s'occupe ni des phalanstériens ni des
icariens, mais tout simplement de Jean de Leyde, chef,
comme chacun sait, des anaba|)tistes de Munster, qui
joue son rôle de premier léiior à I Opéra sans faire la
moindre excursion sur le terrain ptditique, ainsi qu'il
convient à un artiste liieu élevé.
A propos de cette jnemièie représentation, on cite
rm mot admirable de madame (irosnier, la gardienne
de l'entrée des artistes. Deux ministres s'élant pré-
sentés pour entrer par là, MiL Lacrosse et Buffet, ma-
dame Crosnier leur a refuse la porte, sous prétexte
qu'elle ne les connaissait pas; et comme ils insistaient
et la repoussaient, l'intrépide gardienne s'est mise bra-
vement en travers, en déclarant que pour ]iénétrer il
faudrait lui passer sur le corps.
Plutôt que de mettre le siège devant madame Cros-
nier, qui, vu l'ampleur de ses formes, est une place
fort dillicile à investir, les deux ministres se sont reti-
rés, en véritables représentants de la paix à tout prix.
Le comité de la rue de Poitiers nous a donné égale-
ment la première représentation de sa liste de candi-
dats. Cette liste a été sifflée.
Parmi ces candidats figure le général Piat. Il est bon
de dire enfin la vérité au public sur ce général.
Le général Piat n'a jamais existé. C'est un mythe,
un symbole, dont on retrouve les traces chez tous les
peuples à toutes les époques. Nous tracerons un de
ces jours sa palingénésie. D'autres soins nous récla-
ment pour le moment.
.Nous devons signaler le /wsco complet de M. Cuizot
à sa rentrée. Cet ancien premier rôle constitutionnel
n'a plus du tout la voix ni le physique de l'emploi;
son ut de poitrine est complélcment usé; il n'est bon
tout au plus qu'à remplir les rôles de ganache. M. Cui-
zot n'en vise pas moins à reprendre tous les rôles du
répertoire monarchique et à remonter sur les planches
de l'ancien pays légal. Le public pourrait bien l'en
faire descendre à coups de pommes cuites.
Hélas! ces vieux comédiens sont décidément incor-
rigibles. Rien n'égale leur sotte vanité, si ce n'est leur
iucrovable jalousie. Regardez ce baryton éreinté qui
s'appelle Tliiers, cet Elleviou chauve et édenté qui ré-
pond au nom de Mo!é, avec quel dédain ils traitent
Cuizot! Ah! vieux cabotins, vous ne valez pas mieux
que lui ; rentrez dans la coulisse, tous tant que vous
êlos; vous n'êtes même plus bons pour allumer les
quinquels de la politi([ue.
D.'cidément. jc vois que je maiitpie d'esprit logique.
J'auiais di'j |)roliler de l'occasion du Prophète pour
A L'USAGK i)i;s (;i;>s sejwkhx.
345
vous (lire (]iicl(|iics mots de l'autre grand succès du
luoiiRiil : Ailrioine Levowreur. Cela s'appelle un
drame on cinq actes; mais, en réalité, c'est un vau-
deville du (iymniise, et, drame ou vaudeville, yen
importe. Tout le succès est dans inademoiselle Huclid
traduite en prose, et tout aussi belle pour le moins
qu'en poésie. Quand je pense pourtant qu'il y avait des
gens assez bons pour se |)réoccnper de cette épreuve!
quand mademoiselle Kachel quittera la tragédie!! ! (|nand
mademoiselle Kacliel voudra dire la prose!!! l'arlileu,
voilà une bien grande difliculté, et c'est se faire une
singulière idée du génie, que de croire qu'il est cir-
conscrit à une forme de langage. Est-ce que Frédéric
Lemaitre ne dit pas admirablement les ver»? pourquoi
mademoiselle Hatliel ne dirait-elle pas admirablement
la prose'/ On a bien vu l'autre jour (|ue rien n'était
|)liis facile pour elle d'èlre sublime dans les deux
génies.
M. le présidciild,' la r.(;piil.li(|ue assistait à la pre-
mière reprdseiilalioii A' Adricnni- Lccouvreur et à celle
du l'rojilwtc. C'est un effort dont les auteurs et les
acteurs doivent se montrer fiers; car M. Louis Bona-
parte n'aime guère le tliéàtrc, du moins s'il faut en
croire les indiscrétions; car, pour notre part, nous
ne sommes nullement au fait des goûts de M. le pré-
sident.
l -NE RESIRRECIIOX IXATTENDl E.
De«inc par Nadahd.
54&
REVUE COMIQUE
Nous croirions manquer à nos devoirs envers le. publie et envers nous-a.èmcs, si nous o.Miions .hns ceUe revue rctros-
peclivc et romi(|ue île la Semaine, de ilonner plaio au manifeste adre.^M- pir
M. CillZOT A Si:S AMIS.
Tel est du moins le litre un peu aml-ilieu, de cette eireulairc oleclorale de TausltTe penseur. Nous In reproduirons doue, ci.
raccominodanl , toutefois, aux exigences de notre cadre modoîle.
Mes amis (!!!...) me témoignent leur intention de
me porter comme candidat anx élections procliaines. Je
dois donc dire à ces hommes de sens et de bien ce qu'ils
doivent faire, et moi aussi.
Il faut rétablir l'ordre, bien plus attaqué qu'on ne
le pense, bien moins défendu qu'il ne le faut; attaqué
à fond de tr.iin par un tas de grcdins effrénés, insa-
tiables, qui auraient la prétention de faire eux-mêmes
leurs affaires, do contrôler leurs gouvernants et Je ne
pas mourir à Ihôpital; défendu seulement à la surface
par l'artillerie, l'infanterie, la cavalerie, les sergents de
ville et d'honnêtes gens qui croient que tout est fait
quand ils ont tué quelquescenlainesde révolutioimaires,
et qu'ils en ont envoyé aux galères quelques mille. C'est
beaucoup trop peu.
Le public, le vrai public, dans son grand instinct,
le peuple (qui m'a flanqué à la porte) sait cela. La
preuve, c'est qu'il a choisi pour président un homme
dont l'oncle se débarrassait, en un tour de main, de
celui qui se fût permis d'avoir une autre opinion que
la sienne, ne fût-ce que sur un alexandrin de M. De-
lille ; ce nom a été-choisi comme symbole de l'ordre et
du pouvoir fort.
Les trois éléments du parti de l'ordre existent en
France, légués par ces trois seuls gouvernements sé-
rieux que nous ayons eus : l'Empire, qui a bâillonné la
presse; la Restauration, apportée parles Cosaques, qui
a assassiné Ney, Brune, etc. ; et la Monarchie de l830,
qui a tout trahi, tout vendu, tout sali. Quant à la Ré-
publique, c'en une sotte qui ne compte pas, puisqu'elle
m'a permis de garder sur les épaules la tète que j'offre
à vos suffrages.
Les ventres engraissés par ces trois gouvernements,
par leurs principes et par les habitudes qu'ils ont con-
tractées, sont naturellement les hommes d'ordre qu'il
vous faut choisir. L'ordre, c'est le mot magique à l'a-
bri duquel il nous faut bouleverser le pays. Chantons
tous à ce pays candide, comme à lîaziie, qu'il est ma-
lade, qti'il a la lièvre; que Vorilre, et le nôtre seule-
ment pourrait le guérir, et il linira par nous prei;die
pour soigner la maladie que nous lui auront donnée.
Si ces trois partis ont successivement échoue, c'est
un enseignement a^ner, surtout quand on avait rêvé
comme moi, l'avantage de sauver son pays et de
garder la présidence du conseil. Les désirs nobles
Je 'mon cœur ont bien soulVcrt de ce mécompte
particulier; mais ceci prouve que les impérialis-
tes, légitimistes et orléanistes ayant tous été mis à
la porte les uns après les autres, il faut qu'ils re-
viennent tous ensemble reprendre la place qu'ils au-
ront à se disputer ensuite. A chaque jour son œuvre.
Unissons-nous aujourd'hui contre l'ennemi commun,
et nous nous entre-dévorerons plus tard, à noire
aise.
Pour moi, je serai tel que j'ai été : je n"ai rien vu,
rien compris, rien appris; j'affirme encore et je nie
comme devant. C'est pour moi une question d'hon -
neur. Et la preuve que j'avais raison, c'est que les
paltoquets qui tiennent en ce moment mon porte-
feuille font absolument ce que j'ai fait.
Mais il faudrait, pour mieux faire encore, que je
fusse là; car ces gens-là, en vérité, ne font que m'es-
suyer ma place. ISe laissent-ils pas des ouvriers s'as-
socier entre eux, pour faire concurrence aux bouti-
quiers et patrons?... Voyez donc, à côté de cela, nos
trente-quatre ans de règne. Mes amis les ministres et
les généraux étaient condanmés par les tribunaux
pour escroqueries, les grands seigneurs empoison-
naient leur femme, le tribunal de commerce enregis-
trait faillites fur faillites, nous jouissionsdu plus par-
lait mépris des puissances étrangères! Voilà l'ordre
comme je le comprends.
La France n'a point renoncé à revoir ce temps heu-
reux. Elle m'attend. Et certes, elle n'est pas exigeante,
puisqu'elle accepte, en in'attendant, mon concurrent
mirmidon Thiers et son idiot Odilon, ijui lui déplai-
>ent inliniment.
Il faut nous dépêcher d'arranger loul ça. Les trois
gouvernements d'ordre (je me répète, mais ça ne fait
rien) ont laissé derrière eux, à côté de la Uépublique,
trois perspectives de gouveriu-iiieut. Unissons-nous d'a-
bord, nous choisirons ensuite.
Inutile de dire que je suis [uêt à nie dévouer à
l'intérêt du pays, notre seule loi à tous (pai bleu !), et à
accepter de nouveau mes 80,000 fr. de tr.Vilemenl et
le gouvernement d'un peuple qui, quoi que j'aie pu
faire, conserve toujours dans le inonde un petit rang
a-sez agréable.
Sir GruoT, Esq.
A L'USAGE DES GENS SIÎRIEUX.
347
Quelques crieurs publics auxquels on devrait bien retirer leur permis
RÉIHBI.iyill.] COMHF. H Kl'Ulî LIQUK.
(.\ bord d'un bâtiment d
Un sergent. — Kli liien, te voilà content et satis-
fait, Diimanet I
DouNET. — Cuiileut (le quoi?
— Tu te plaignais l'autre jour de rester éternelle-
ment l'arme au bras.
— Oui, après?
— Eh bien, tu n'y es plus, l'arme au bras. Tu va-
t-en guerre comme Malbrough.
— Ça n'est pas le plus beau de mon histoire.
— Parbleu! Dumanet, tu es un voltigeur difficile à
contenter. Quand tu as la paix, tu veux la guerre; et
quand tu es en guerre, tu demandes la paix. On va
croire à la chambrée que tu es sujet à des vapeui-s.
— Entendons-nous, sergent. J'ai dit l'autre jour
que je me colleterais volontiers avec les Autrichiens.
— Eh bien?
— Il paraît maintenant que nous allons faire le coup
de fusil contre les républicains de Home. Ce n'est plus
la même chose.
— On le choisira tes ennemis, Dumanel.
— Pourquoi donc pas, sergent? Qu'est-ce que non?
allons faire à Rome?
— Rétablir le pape, Dumanet?
— Qu'est-ce que c'est que le pape, sergent?
— 11 faut demander ça à l'aumônier de l'escadre.
— Pas besoin de rauniônier. Le pape, c'est comme
qui dirait le roi de Rome. Comme pa|)e, je le re>pccle,
comme roi, bonsoir. Je suis républicain.
— Prends garde, Uumanet, tu vas te faire pincer!
— On ne peut donc pas se dire républicain sous la
République?
l'escailre d'exp ■Jition.)
— C'est selon ; les ordres du jour sont là.
— Un mot, sergent. Qu'avons-nous fait en France
le 24 février?
— Nous avons chassé notre roi.
— Qu'ont fait les Romains en proclamant la Répu-
blique?
— Ils ont fait des bêtises, à ce qu'il parait.
— Pas du tout; ils ont fait chez eux ce que nous
avions déjà fait chez nous; ils ont chassé leur roi
comme nous avions avant eux chassé le nôtre.
— C'est un mauvais exemple donné aux autres peu-
ples, Dumanet.
— Ce mauvais exemple, c'est nous qui l'avons
donné les premiers. Maintenant, une supposition,
sergent.
— Va toujours, Dumanet.
— Que diriez-vous si, pendant que nous allons à
Rome rétablir le pape, les Cosaques venaient à Paris
rétablir le roi?
— Cette bêtise!
— Pourquoi une bêtise? Qui vous dit, sergent, que
ça n'arrivera pas?
— Ues Cosaques n'oseraient pas s'y frdtter.
— Qu'est-ce que cela prouve? Ça fait-il qu'ils ne
seraient pas autant dans leur droit que nous en allant
rétablir le pape? Or, notre gouvernement, en se char-
geant de détruire les républiques à l'étranger, fait en-
tendre clairement qu'il désirerait vivement détruire la
république chez nous; ou bien ce qu'il fait aujour-
d'hui ne signifie rien du tout.
— Uumanet, lu es un insensé.
5i8
REVUE COMIQUE
Et vous, seigent , vous êtes colle, voilà ce qui |
vous vexe.
— Un subalterne, Dunianet, n'a pas le droit de col-
ler ses chefs.
Faites excuse, sergent, c'est sans y penser ; mais
nous faisons une drôle de corvée tout de uièuie. J'en
SUIS honteux, parole d'honneur !
— Dumanct, lu commences à m'envoyer de la mou-
tarde au nez. Je vois que tu as beaucoup trop fré-
quenté le bourgeois, tu as même lu des journaux
anai'chistes. Je vais plus loin : comme simple volli-
gcur, tu n'as pas le droit d'exprimer Ion opinion sur
les interventions étrangères et autres généralement
quelconques; c'est pourquoi je t'autorise dorénavant à
ne plus ouvrir la bouche, et si lu reconnnences, je te
flanquerai aux fers, vu que nous sommes pour le
(piart d'heure soumis à la discipline du bord. Voilà
comment je me laisse coller par mes inférieurs.
Suflit, sergent, on ne vous collera plus. On se
conduira en véritable soldat du pape, mais ça n'empê-
chera pas de crier tout de même : Vive la Répu-
blique !
« M. le duc d'Aumalc est allé rejoindre et visiter Madame la duchesse d'Orléans à Elsenbach. Ou
rattache à ce voyage la solution de questions importantes dans rintérèt des partis qui divisent la
L,» Patrie, Moniteur officiel de la rue de Poitiers.
LES BATELEURS POLlTiyLES.
Plusieurs barraijucs ont été établies aux Champs-
Élvsées par suile de la foire aux élecliuns, en vertu de
Tautorisatiou municipale.
Des saltimbanques ont également pris possession
d'autres quartiers. On cite principalement la rue l)u-
phot, 011 s'élève la grande barraque des acrobates lé-
''itimistes, où l'on montre des singes savants qui jouent
la grande pantomime du droit divin, et des serins in-
dustrieux qui font l'exercice du trône et de l'autel en
douze temps.
La rue Montmartre a aussi sa barraque bonapaitiste,
qui fait concurrence à celle de la rue du Mont-Blanc.
Ou y montre une collection de nez gelés en Russie, et
le fameux phoque qui crie : Vive l'Empereur!
Ou y fait voir également la jeune fille de dix ans et
demi, qui a le nom de .Napoléon écrit sur la pupille de
l'œil gauche.
La barraque de la rue de Poitiers, aux Cbamps-
Élysécs, est celle qui a le privilège d'attirer la foule.
Le grand Bilboquet-Thiers, et son collègue le fameux
Molé-Cabochard, y ont installé une parade ([uotidienne,
dont GiilesVéronestle principal acteur.
Movennant deux sous (messieurs les enfants non
gradés, et les militaires au-dessous de sept ans, ne
payent que moitié place), on peut voir le socialisme-
constrictor, ce monstre qui peut engloutir des ba-
taillons entiers avec leurs baïonnettes. Le socialisme-
conslrictor prend ses rei)as une fois par semaine. On
lui donne à manger quinze cents lapins à son déjeuner,
et un millier de capitalistes qu'on voit passer dans son
eor|)S, et qu'il digère facilement avec la peau.
Bilboquet-Thicrs extirpe moyennant cinquante cen-
times les idées démocratiques les plus fortement enra-
cinées, et cela sans douleur, il se sert de son livre sur
la propriété et des articles du Constiiutionnel en guise
de chloroforme.
Il se sert pour ses opérations d'un sabre de ca-
valerie.
Les personnes qui veulent préserver leur esprit de
toute fluxion socialiste, et maintenir leur haleine dans
toute la pureté réactionnaire, trouveront chez les
mêmes industriels la prose dentifrice de la Patrie, et
le contre-poisoD seul approuvé par la faculté des
sciences morales et politiques.
Cabochard-Molé vend également les capsules géla-
tineuses au baume de Dorinval et les dragées Véroii,
dont le succès est infaillible contre le scorbut et les
0|>inions i-épublicaines invétérées.
Les représentations du socialisme-constrictor oui
lieu de demi-heure en demi heure; dans l'inter-
valle, .M. Thiers se livre à des exercices de haute
prestidigitation gouvernementale.
Par une bizarre coïncidence, on montre, dans une
barraque à côté, le capital du Gévaudan, cette bête
furieuse, qui causa autrefois tant de ravages dans le
centre de la France. Le capital est soigneusement mu-
selé, et ne peut faire de mal à personne. On est prié,
toutefois, de ne pas trop s'approcher de sa cage et de
ne pas chercher à l'agacer.
Le socialisme-constrictor et le capital du (Jévaudan
se partagent la curiosité publique. Les barraques légi-
timistes et bonapartistes sont vides les trois quarts du
temps. La lutte est entre le monstre du socialisme et
le monstre du ca|)ilal ; nous verrons lequel des deux
aura les honneurs de la foire électorale. Le phoque
qui crie Vive l'Empereur! est complètement distancé.
LES BATtLElRS POLlTUlLLï
Dess.né par BtRTXLL.
Gravé pat Ballast.
35Ô
REVUE COMIQUE
QUE FAIRE DE TANT I)AU(.ENT?
Tons It'S jours, lu nie do l'oiliers encaisse des soiii-
nics fabuleuses La souscii[)lion dépassera le eliiHVc de
plusieurs millions. Qu'en fera-t-elle?
Il esl évident qu'on ne saurait dépenser plnsieuis
millions en petits livres et en journaux.
QuTud la rue de Poitiers aura fondé un eerlain
nomhre de feuilles, sous ces divers titres :
L'Ordre,
L Ordre mornl,
IJ Ordre matériel,
L'Ordre social,
L'Ordre de 1849,
Le vrai Ordre,
L'Ordre français,
L'Ordre national,
il faudra bien cpie la rue de Poitiers nielle nu tei-me à
ses rréalioris, el ([M'elle songe à donner niie auli-e des-
linalinn à ses fonds.
Elle pourra, il esl \\.\\, dépenser une eerlaine som-
me à l'achat des journaux déjà existants; mais celle
somme ne peut pas èlre bien considérable, atlendn
que ces jouinaux, s'il faut en croire l'Opinion imhll-
que, livrent des numéros à la lue de Poiliers an prix
de revient.
Vous concevez bien que les légitimistes ne peuvent
pas surfaire M. Ttiiers, qui a rendu tant de services cà
leur cause.
Mclte/. den\ cent mille francs de brochures, deux
cent mille francs de iiuméi'os de /'0/iiiiio)i publique,
(oui cela ne fait(|UC quatre cent mille IVaiLcs, et la rue
de Poitiers a des millions.
.M. Mole, dans la dernièi-e séance qui a eu lien au
sujet di! l'emploi de ces fonds, a demandé ([u'on fit
venir .M. Clairville.
Celui-ci s'est lendu à l'appel du comité.
— Moni-ieur Clairville, lui a dit le père Mole, il s'a-
git de concourir à la défense de la société menacée. Le
eomilc' a compté s\n- vous.
— Je suis tout au comité, a nqioudu M. Clairville,
et à la société.
— 11 s'agirait de vous coimnandcr une trentaine de
vaudevilles dans l'inléièt de la pro])riété et de la fa-
mille.
— J'ai votre atiaire.
— Nous aurions é_^alcment besoin de cent on cent
cinquante mètres cubes de couplets, pour les rcqiandre
sur la suiface de la France.
— Il m'en rcsie juste celte quantité, en magasin.
— C(nobien de lemps demanderiez-vous pour livrer
celle commande?
— lluitjours.
— VA (|uelle somme?
— Je m'en rapporte parfaitement à la justice du
comité.
— Cinqn inte mille francs pour les vaudevilles?
TA VIE publiqui: et privée ee mossieu keac.
Chap. VII. — Les machiavélismes Je. mossieu Reac.
MoMieuJRéac donc, pourjsoulciiir la République
el létablir In confiance, mère du crédit, et le
crédit, fils de la confiance, commence par dé-
clarer que la République l'a ruiné de fond en
comble.
It pre&ve en conséquence ses locatai
de payer leure loyers.
A I.TSAi.i: DIS (ii:\S Sl.iilKCX.
351
— C esl dit.
— (liii(|iiaiile mille francs |i(iiir li's cniiiilets?
— MaiiliL' coiuiii ; Ut\w là.
Nous disons donc deux ceni mille liaïus de |ietil>
livres, deux ceiil mille francs du numéros de l'Opiiiiuti
pi(blii/iie, cinciuaiile mille l'iaiics de vaudevilles, cin-
(|uanle mille francs de ciiii|ili'ls : celi iir fiil jiin.iis
qu'un demi -niillion.
M. de lléinusat a proposé, à la vérilé, ((u'ou ikmI,
aux (rais de la rue de l'oiliers, un cerlain nomltre de
cilés ouvrières où on logeiait les ])auvres préfets de-
venus invalides après la révcdution de Février;
Les jiiiirnali les atleinls p;ir le iliùiua^'e des l'uiids
s crels ;
Les fournisseurs frappés par la cessalinn des pots
de vin.
Outre la laMe, !.■ logement, le iVii, la chandelle, les
lialiilanls de ces cilés ouvrières jouiraient encore d'un
pelil jardin qu'ils pourraient cultiver à leur guise, et
au fond diupiel ils |)onriaietit [)laeer le buste de Napo-
léon, ou bien celui de M. Ducbàlel.
Ce projet a élé accueilli avec beaucoup de sjnipalliie.
Mais, dans tout cela, nous ne voyons rien de radica-
lement propre à sauver la société. Le comité de la lue
de Poitiers ferait peul-èlre bien d'assurer un pri\ de
cinquante mille franc» à l'auteur du meilleur mémoire
sur celte question : a Quel est le moyen le pins propre
à sauver la soeiélc? »
Il sentit bon que le ninnti' prolégeAt également les
inventions les plu> utiles à l'iiumanilé, telles, par
exemple, ipic :
Les patins à rnulettcs ;
La vaccine ;
Le page-agrale ;
L'enseignement mutuel ;
Les ci^^aretles de cam|)lne;
L'art de diriger les ballons.
Il devrait également pousser à la Ir.igiculture, cn-
Luinager le reboisement de la France en tragédies, la
p'antation des landes en poèmes épiques. C'est par de
tels travaux qu'on ariivera peu à peu à caln;rr les
esprits agiles par la leiuprle révululiuiuiaire , et à
apiiser les ànies.
La société attend beaucoup de la rue de l'oiliri's;
nous espérons (jn'elle comprendra les conseils que noi:s
lui adressons, conseils bien désintéressés, car ce n'est
|ias à nous que SI. Tbiers viendra demander des nu-
méros au prix coûtant.
Les légiliinislcs de l'Opinioit /lubliqtic ^e chargent
de lui en fournir.
LKS l'ENSlO.NS LUT LU.MHES.
Il faut avouer que la situation des littérateurs a i en indépendance. Pendant les deux siècles derniers,
perdu, de notre temps, en richesse ce qu'elle a gagné | surtout, les publicistes et les poêles et lient entrele-
IiA VIE FVBI.IQUE XT PRIVEE DE MOSSIEU &EAC.
ClîAP. vji. — L's 7tf:cfiitn-éti$mcs de mossieu Kcac,
es petits moyens honnêtes et t
modérés ne lui paraissant pas tout
à fait suftîsant^, et pour faire bien 1
\enir le nouvel ordie de choses, il
r€paTe en bon républicain Ifts mo-
numenis publics;
combinaison adroite
pour faire payer des lampions à
ceux qui n'aiment pas ça.
qu'il
moins utile que mora't
(icxe, se fait dé éguer â la
mission du Luxembourg, où
exiue comme minimum de sala
25 fr. par jour pour les marchan-
des de gàieaux de NaUerre.
3S2
HEVUE COMIQUE
nus, logés et iiomiis pai- les grands seigneurs, pour
peu qu'ils eussent de rainabililé ou de la complai-
sance. Les traitants disputaient même ii la ncibiessc
l'honneur ou l'avantage de les avoir à leur table ou à
celle de leur oflice, pourvu qu'ils célébrassent en vers
leurs niaîtiesjes ou dét'endis-.ent en prose leurs systè-
mes financiers. Sans parler du neveu de Rameau, il
n'est pas jusqu'à l'impudique Robbé qui ne parvînt à
souper aux cuisines et à couilier aux écuries, en flat-
tant les vices et l'anioiir-propre des cochers de gran-
des maisons. Les souverains du Nord accablaient de
faveurs et de pensions les génies moins stibailernes;
le trésor des favorites et la caisse du Mercure enflaient
de leur cô é le patrimoine des muses. Aujourd'hui,
rien de semblable : il n'y a plus de Mécènes et plus
même d'Aniphytrions; plus de pensions et plus même
dediners. L'Étal seul a conservé encore une feuille des
bénéflces.
C'esi une feuille assez mince, beaucoup plus mince,
certes, que celle où pâturait la maigre mademoiselle
Guimard ; mais elle peut encore soulager bien des in-
fortunes, soutenir bien des intelligences laborieuses
qui n'ont pas le don de pêcher à la ligne dans les eaux
troubles du feuilleton. Heureusement, le Moniteur,
qui vient de publier la liste des génies malheureux
que la France a pris sous sa tutelle, adonné en même
temps une preuve incontestable de la prospérité litté-
raire de notre époque. On peut être assuré que la
presque totalité des illustrations actuelles suh^istc ho-
norablement sans le secours de FÉlal, puisqu'on ren-
contre sur cette liste une telle majoiilé d'écrivains in-
compris ou inconnus.
En elVet, n'est-il pas consolant de songer (jiie la
France ne contient que cinijMante-fe[)t écrivains mâles
dignes d'être pensionnés, y conipiis même les skvanis.
Il est vi'ai qu'on n'admet à cette faveur ni les roman-
ciers ni les auteurs dramatiques ; car la première série
n'indicpie comme titres directs que ceux An poêles, /lis
toriens, critiques, économistes, philologues et savants.
Eh quoi! rien que cinquante-sept pour un |)ays
comme la France? Mais la bibliothèque d'Alexandrie,
fondée par les Ptolémées, nourrissait et pensionnait
plus de trois mille écrivains et philosophes! Sans
doute, la plupart des nôtres sont aussi opulents qu'il-
lustres ; mais si l'on eût voulu forcer dans leur médio-
crité mal dorée, et enrichir malgré eux certains talents
qui s'obstinent à mener une existence toute pythago-
ricienne, peut-être aurait-on pu commencer la liste
par deux noms plus illustres que ceux de Montreuil et
de Pignolet.
Quand on songe que Napoléon faisait six mille Ir.
de pension à une douzaine d'auteurs tragiques el di-
dactiques, n'est-il pas triste de penser que MM. I^lon-
treuil et Pignolet ne sont admis (et ne sont admis
seuls) qu'à toucher deux cents francs par mois de la
munihcence nationale.
Qu'aurait dit Louis XIV de la seconde série de pen-
sionnaires à quinze cents francs? MAL Aubert de Vi-
try, Ancelot et Barthélémy sont connus, l'un pour
avoir traduit Goèlhe, l'autre Schiller et l'autre Vir-
IiA VIE FUBI,IQUE ET PRIVÉE DE MOSSIEU RÉAC.
Par malheur il lui arrive d être reconnu
dans un ra!>semblcment
oli il émettait des théories de ce genre,
el WD diacours reçoit un accueil motivé.
Di'goôtédu métier d'agent provocateur , et ju-
geant que les temps sont venus de se montrer
bonnet àpoil nu. Mûssieu Réic enHo.se le har-
nais militaire, et se dirice sur l'Hôtel de ville.
A L'USAGE DES CENS SÉIUEUX.
5;;3
j^ilc. M.M. (!.■ (;l,:il(Miiiiciircl Ciih.n ..ni liM,linl, liiii
Slioriilaii, l'.iiilio l.i lîilile. l'orsuimc iif Irmnci.i i c -
cinq pensions (lr|>iacôc's. Mais quoi ! la Kiancf n'.i-l-
fllc |)as un scnl l'crivain, un seul puëlc original, un
scnl savant ulilo, à poilor en pins à ce iliilVn' do
quinze ci'iils fianrs? Quoi! inainlenanl il nous fanl
descendit' à ceux .le liiiit à douze cenls francs anxipiels
sont réduites trente Irois illusli-alions moins oriicielle-
nient constatées? 0 gloire! o prospérité de noire pa-
trie! nous ne pouvons assez t'adinirer, non pour les
noms qui sont sur cette liste, mais pour ceux ijui v
manquent, et dont la fortune est prolialilemeiil au-
dessus de ce faible secours!
Ici nous rencontions surtout (rancien.> p.. des .le l'.l/-
manai/ifles .\fuses: on le comprend, .a chute de ce re-
cueil, suspendu depuis 1800 (année :>" de la fonda-
tion), a mis sur le pavé bien des inlelligences qui cul-
ti\aient le jardin des muses. MM. lîdouard d'Angle-
mont, C.olombal de l'Isère, Denne Baron, Paulin I)é-
sormeanx , Dupré de Sainte-Maure, Alex. Maras et
Turquety ont embelli bien longleuips les pages de ce
recueil; M. Jasmin, le coiffeur-poele d'Agen, ne l'au-
rait pas déparé si ses premiers essais eussent fleuri à
cette époque. M. Pierre Uidot porte i^n nom cher aux
lettres, M. de Bonnccliose a fait une tragédie, M. de
Fondras a fait des o.les, et M. Desportes csl proba-
blement le même poêle qui vivait du leiiips de
Louis Xi II, et qu'a célébré lîegnier. Nous ne con-
naissons pas autant MM. Drake, Schœn, l'rom])raull,
B «rdas-Dumoulin , qui sont, du reste, des savants.
M. IVaii.-M.irdekai est pr..bal.leiiii'iil un boyard ou
un Ariiiénieii ; M. Desloges, un libraire; M. Félix doit
èlre le père l'élix ; M. d'Arnaud ne peut èlie que l'au-
leiir du Comli' (Je Comiiiiiiije et des /■.'//)eurfs du sen-
Iniunit. Quanti .M. Caillaud, noti.i douions que ce soit
le même que le disciple du Mii/juli, qui, depuis son en-
trée dans la religion iimdifnnf, où il est défi^ndu de
porter un nom quclcon.|ue, signait toujours : « Celui
qui fut Caillaul. » Nous n'avons rien .i dire des noms
i|ui reslenl : M.\l. J.-U. I.alille, d'Kckslein , Latfon-
l.ab:iltul, Félix Lajard (.le rinsliiul). de Moléon, de
Sanazin, Saiivo, Quérard cl Magallon, connus à dilfé-
leiits lilres, ni de .\1.M. Brizeiix et.Sandeau, sinon pour
regretter qu'ils ne soicnl pas portés sur une feuille plus
plantureuse.
Il reste encore seize noms qui, certainement, mé-
ritent on masse beaucoup mieux qu'une pension de la
troisième catégorie, c'est-à-dire, do 2(!n à COO francs.
Il vaudrait mieux que le Muniteur ne cilâl pas les
noms voués à de si faibles pensions.
Los femmes seules sont admises à faire valoir comme
tide celui d'avoir écrit des romans; c'est, quoique ro-
mancicr, que l'on peut èlre inscrit dans la liste des
liiunmes. Madame Ancelot brille, comme son mari, de
l'éclat d'une pension de l,.')00 francs. Les autres noms
de femmes ne peuvent donner lieu à aucune observa-
tion particulière.
Kn résumé, nous persistons à regroUer, non pas que
la pairie ait fait quelque chose pour les écrivains cilés
par le Moniteur, mais qu'elle n'ait pu faire davantage
lA VIE PUBZ,IQUE ET PRIVÉE DE MOSSIEU nÉAC.
CHAP. VII. _ /;„ mnckinrrtiiimi-s ilr m'>..«.'-i( Rcnc.
revient de .'H.i;el de ville plus vile qu'il n'y était allé,
e: un socialiste', logé un peu haut,
choisit cette occasion pour lui souhaiter la fête.
i paraît convcrable in terminer ce chapitre
par un tableau synoptique
res politiques successives de Mossieu Héac.
[La *«7f h la proclainî livra'tO",^
5o4
REVUE COMIQUE
pourplusieiirscrontreeut...ct|.oiuboam-oi.iurai.l.es. I encoie que les rois
Quatul lo peuple est nù, il convient qu'il |■as^e plus I se montrer plus dit
droit, il est vrai, île
COMMENT M. TIlllT.S ÉCIUT LHISTOIUE.
le 7' volume de l'ouvrage de M. TLiers se tciminc au
traité do Tilsilt , c'est-à-dire à l'apogée de la grandeur m-
nériale, à l'opo que où Napoléon, arrive au iominet de 1 e-
chcllo ascendante de sa fortune, n'a plus désormais qu'à sui-
vre rcelioUe descendante de ses fautes el de ses revers. Jusqu a
cette niénioral.le date, M. Tl.iers s'est moniré l'apologiste
déclaré , continu, et pour ainsi dire sans réserie, de l'empire
et de l'empereur; on le conçoit aisément : les fails l)Iàmal)lcs,
depuis le 18 l.ruin;.ire jusqu'au tndié de Tilsitl , se trouvent
uoyés dans la multitude des belles actions ; les projets ambi-
tieux sont justifiés ou dissimulés par les attaques déloyales,
incessantes, des cnm-mis de la révolution, cl , à part la mort
du duc d'Engliicn, les atteintes à nos libertés, la création si
mal raisounée d'une Allemagne française , on ne peut qu'être
séduit, entraîné, par une grandeur si complète, si éclatante,
si nationale, et l'on ferme malgré soi ks yeux sur les désastres
qui l'ont suivie.
Mais après le traité de Tdsilt commencent les grandes fau-
tes : à l'intérieur, labolition du Iribuiial, l'organisation d'une
nouvelle noblesse, etc., à l'extérieur, les allaircs de Tortugal
el d'Espagne , l'occupation de Rome , les projets de partage
de l'empire nfoman. M. Tliiers , sur lequel tous les actes de
Napoléon everccnl la plus grande séduction, qui a loujouis
l'air, quand il parle du grand bomme , de se mirer en lui ,
qui, cnlin , si le costume n'était déjà pris, aurait déjà endossé
la redingntte grise , M. Tbiers va-t-il continuer sou apolo-
gie? Maintenant que le droit et la morale abandonnent les
actions de son béros, va-t-il encore saluer de ses invocations
payenncs , comme dans les volumes précédents , la force , la
puissance, la fortune, en palliant ses fautes et ses erreurs?
De plus , un petit éte»ement, ainsi qu'on le disait il y a quel-
que temps dans le parlement anglais , un petit événement
accompli depuis la publicalion du 7« volume : la révol
de Février aura-l-elle iullué sur la manière blslorique do
M. Tliicrs, sur les puérilités aristocratiques de son style, si.r
sa réserve alVcctée et diplomatique? Dans ce nouveau livre,
le verra-l-on fraucbement historien, et non plus posant sans
cesse comme bomme d'Elal, comme le régulateur futur (!c
l'Europe, forcé à des ménagements envers tout le monde, et
n'osant pas tout dire, de peur de compromettre les quesUoi s
pendantes, de peur de compromettre son propre avenir?
Sous ce dernier rapport , bàtons-nous de le dire, il y a pro-
grès. Les lecteurs de M. Thiers doivent à l'avènement de '
Ilépulilique de lui \pir , dans le 8' volume , des allures ^
nettes , des phrases moins entortillées , des politesses moins
obséquieuses envers les gouvernements étrangers. Ainsi on se
rappelle quelles précautions méticuleuses il prenait pour ra-
conter l'assassinat de Paul I'', quels ménagements il avait
pour la noblesse russe, avec quelles circonlocutions et quels
ambiges il parlait de la complicité d'Alexandre. Aujourd'luii,
il blâme très-netlement , très-sévèrement et sans réserve le
gouvernement anglais pour le boinbarilement de Copenl^gue ;
il lémoi"nc ouvertement son horreur pour ce grand crime ; il
porte, sur les hommes el sur les choses, une appréciation plus
dégagée; ciiliii l'on est lolit surpris de le voir traiter avec peu
de ménagement M. de Talleyrand lui-même, ce p :lron si vénéré
de M. Tbiers, dans leipieloii pourrait croire que revit son esprit.
Nous ne savons pas si l'élection du 10 décembre a empêché
M. Tbiers de persister dans celte voie courageuse à l'égard
de Nap.léon ; mais les actes si tristes, si désastreux de 1807
et de 1808 trouvent en lui une indulgence extrême , rarement
t
: la révolution
mSTOIllE DU CONSULAT ET DE L EMPIRE, T. VII.
un blâme mitigé. L'abolition du Tribunat, ce dernier débris
des institutions républicaines, cette dernière tribune d'où la
vérité se faisait entendre à travers le concert d'adulation qui
enivrait le vainipieur de l'ricdiaiid , l'abolition du Tribunat ,
il l'approuve ! la création d'une noblesse héréditaire, triste
imitation de l'ancien régime , qui a tant contribué à la chute
de l'empire, qui, depuis cette époque, est un obstacle à tous
les progrès , la création d'une noblesse , il l'approuve I « L'ex-
périence a prouvé, dit-il, ([u'une aristocratie ne nuit point à
la liberté d'un pays. » L'épuration de la magistrature, que la
constitution déclarait inamovible, il l'approuve! 11 approuve
tous les essais de restauration de l'ancien ordre social, les
pompes et les fêtes impériales, les costumes et l'étiquette pué-
riles du palais ; il se lait même le Dangeau de la cour et ne
craint pas d'écrire ces lignes : « Pour achever celle résurrec-
tion des anciennes niu-urs, il accorda à certaines dames re-
nommées pour leur beauté, des regards qui affligèrent l'im-
pératrice Joséphine (p. 171).»
Mais si nous passons aux affaires extérieures, les apprécia-
tions de l'historien nous paraisseiit mériter une critique encore
plus sévère.
11 approuve l'oceiipatiou brutale des États Romains , mal-
gré les protestations du saint pontife qui aMÙl sacré Napo-
léon ; il approuve «. les tributs levés sur les lois vaincus » ;
il approuve les promesses faites à Alexandre pour obtenir son
amitié, et l'abandon de nos antiques alliées, la Suède, à qui Na-
poléon laisse enlever la Finlande, la Turquie, à qui il laisse
enlever la Moldavie et la Valachie ; il approuve l'invasion du
Portugal, faite avec tant de précipitation, où Napoléon montra,
avec une si grande ignorance des lieux , si peu de commiséia-
lion pour ses jeunes soldats. Enfin , quand il arrive aux affaires
d'Espagne, à ces déplorables intrigues qui ont eu une si
désastreuse inducnce sur les destinées de notre pays, s'il n'ap-
prouve pas , il blâme avec une réserve scandaleuse et ne craint
pas de dire :
« Assurément, si on jugeait ces actes d'après la morale or-
dinaire, qui rend sacrée la propriété d'autrui , il faudrait les
Uélrir à jamais... mais les trônes sont autre chose qu'une pro-
priété privée; on les ôte , on les donne parla guerre ou la
politique , cl quelquefois au grand avantage des nations dont
on dispose ainsi arbitrairement. Seulement , il faut prendre
garde, eu voulant jouer le rôle de la Providence, d'y échouer,
d'être, ou odieux ou malheureux, en voulant être grand, elde
ne pas atteindre les résultats qui devaient vous servir d'excuse.
Il faut enfin se défier de toute entreprise si peu avouable qu'on
est réduit à y employer la fourberie et le mensonge (p. 474j.»
Voilà donc les maximes de moralité politique de l'homme
d'Etat qui gouvernait la France en 1840, et qui , aujourd'hui
encore , exerce sur ses destinées une iiilluence occulte aussi
puissante que dangereuse ! Il y a une morale ordinaire pour
les individus, il y a une morale extraurilinaire pour les rois!
Il suffit d'être heureux pour être excusé ! Il ne faut que se dé-
fier des entreprises où l'on doit employer le mensonge ! Réus-
sissez , et vous jouerez le rôle de la Providence !
Non ! ce n'est pas avec ces odieuses maximes , avec ces rcs-
tnclioiis |éMiilii|iies, avec ces combinaisons empruntées à Ma-
chiavel , qu'on fait de grandes choses , qu'on fonde de grands
empires, qu'on bâtit pour réternilé! Ce n'est point avec une
telle politique , c'est avec de la loyauté cl de l'honneur,
que la France est devenue grande, puissante, respectée! et,
pour ne citer qu'un exemple, voyons quelle fut, dans des
plus
A L'USAGE DES GENS S1::RIEUX.
irninsliiiicos iiiinlo|,'iics , la i-imlullo de ce Louis XIV.
mil N:i|iiilé(iii Vdiiliiil iTSMiscitei- le sjsléinc ])olilh|uf . in
iil!iiiil siii- le» IrAiii's iilli,-s lie' l:i l'Vmice, à N;\|ili>s, ii M,i-
riil, etc., «le» U(mn|iiiile à la |ilaic des Dmirlioii^ : ciniiine
' SI l'on i iiprovi^ail des ilyiiastics, ciiiiiiiie si les teiiiiis ii'ilaieiil
|ins dianm's , coiimie si les pactes do fainiltcs ii'avaieiil |ims
été icni|. lacés par les pactes des peuples, cnmiiic si le lien
moilenie de la Fcniice et des états misiiis ne devait pas èlie
la similitude des institutions! Miiis du nmins l'ancienne dj-
naslio était urrivée à ce résultat, avec du temps, sans violence,
s.ins blesser les sjmpatliies, sans attenter à rindépemiaiiee
des mitions. Ainsi , pour le Irone d'Kspagne, Louis XIV atten-
dit .panr y placer son petit-llls , que le lestumcnt du dernier
roi 1"; ciit appelé, loslamenl (|ui était l'expression delà vo-
Icnilé nationale 1 1 qui avait été imposé par les nntidiililés du
royaume; et, comme ilit Saint Simon : u Un llls de l-'ianee
devint roi d'Espagne, sans une amorce tirée île notre part, à
l'insu du roi, ù sou extrême surprise et de tous ses miiii-lres, et
q li n'eut .|ue l'emharra, tie se déterminer el la prine d accqi
1er )i. .\ussi l'inlippe V fut pour l'Kspagne un roi national, et
le p:iys fit des ell'orts liéroiques pour le maintenir sur le trime.
Au contraire, Napoléon n'iditint le trône d'Espa-ne que p:ir
une série d'iulri-ues, de trahisons, de fourberies, la plus iii
dense dont il soit cjuestion durant les derniers siècles île notic
histoire. Dans cette triste portion do sa vie, il semble n'être plus
. le même bomme : c'est un Italien du seizième siècle , c'est un
éle>e des Bori,'ia ; le sang corse égare le génie et la nature géné-
reuse du vainipieur de Marengo. Napoléon lui-même, dans .'es
méditations à Sainte-Hélène, a qualifié sa conduite en cette
occasion dans les termes les plus sévères; mais M. TliiiTS se
contente de dire : « Il fit en cette circonstance un emploi de
« son génie qu'on ne saurait trop regretter. »
De plus, Louis XIV, pour obtenir le trône d'Esp.igne et avec
lui l'extension de l'influence française, ne fit le sacrifice d'au-
cune partie de notre vieille politique : il maintint intact ce réseau
d'alliance qui nous donnait la prépondérance eu Europe. Mais
Nipoléon, pour satisfaire sa convoitise sur l'Espagne, se vil fa-
talement, aveuglément entraîné à ouvrir l'Europe aux barbares,
à sacrifier à la Russie nos alliés de plusieurs siècles, cette triple
barrière qui arrêtait les Cosaques, la Pologne qu'il n'osa réta-
blir, la Suède qu'il livra à Alexandre par la perte de la Fin-
lande, la Turquie qu'il promit de partager! Voilà quelles furent
les préliminaires de l'élévation de .M. Joseph Bonaparte au
trône d'Espagne ! Voilà à quelles fautes, à quel oubli des in-
térêts les plus vulgaires des nations, se trouve eniruinc le génie,
, lorsqu'il abandonne les voies du bon sens et de la moralité^
pour ne sui\re que celles de la passion ! Dans le récit de celle
déplorable affaire, il y avait là, sans ternir la gloire du grand
homme et en faisant la part des faiblesses humaines, il y avait
là de grands enseignements à tirer; il v avait à faire sortir de
gr ivis el solennelles instructions pour l'avenir ; il y avait là,
surtout, de la part d'un écrivain qui a eu l'honneur de diriger
les allaires de notre pays , de simples et nobles paroles à pro-
noncer : Mais non ! IJue fuit M. Thiers ? il accumule sans ré
serve et sans hlàme les détails de toute celte triste histoire, et
s'il went à parler de l'ambition russe, de cet abandon de nos
alliances les plus précieuses à la convoitise des barbares du
nord , c'est pour faire cette sacrilège prophétie qui donne la
mesure de la profondeur des idées politiques de l'ancien mi-
iii>lre de Louis-Philippe :
« Lorsqueje colosse russe aura un pied aux Dardanelles, un
autre sur le Sund, le vieux monde sera esclave ; la liberté aura
fui eu Amérique: chimère aujourd'hui pour les esprits bornés,
ces tristes prévisions seront un jour cruellement réalisées, car
l'Europe maladroitement divisée, comme les villes de la Grèce
devant le roi de Macédoine, aura probablement le même sort. «
Non ! monsieur Thiers, non , cette prophétie de désespoir
et de mauvais goût, qui n'est sans doute qu'une épigramme
adressée à la France républicaine, à l'Europe de IS18, cetio
35."j
prophétie ne se réuliser.i pa»! Non, l'eselavago n'eit point le
sort réservé l'i notre patrie, réscrié A toute l'Europe, cl vous le
sivcz bie.i! Napoléon u dit : u Dan» cinquante ans, l'Europe
« sera républicaine on cosaque. .. Parodiant ce mol qui fait
tressaillir tout homme de cœur, dani v^itre dépit des chose»
accomplies depuis un an. uiu» avez le triste courage de dire :
a L'Europe sera cosaque. » .\ou», nous di>ons : E le «era ré-
publicaine ; el ce sera la piiiiitiun de \o» apostasies. Nous eu
altcstons S!), \KIH , les efforts héroïques de nos pères, ces
soixante minées de progrès el d'enfantement d'un nouveau
monde, celle communauté de sentiments el d'idées .|ui anime
et Inspire aujourd'hui tous les peuples ! .Non , la liberté et la
ciNillsalion ne seront pas absorbées par les barbares, mais elle
les absorbera eux-mênu s. L'idée, celle reine suprême de l'a-
venir, a-t-elle donc été noyée dans le grand naufrage de
181.":)? Malgré trente-cinq années de compression, n'a-t-elle
pas continué à fermenter, a gagner, à conquérir? N'al-ellc
pas fait enfin explosion de tontes paris? Sa destinée n'est pas
de s'arrêter sur l'Oder ou sur le Danube; c'est d'aller jus-
qu'au pôle. Parce qu.> les races slaves ont sommeillé pen-
dant sept siècles, sont-elles donc des parlies bâtardes et dés-
héritées de l'espèce humaine? est-ce qu'elles ne doivent pas,
comme les autres , à leur tour , à leur heure , prendre part
à la régénération universelle? est-ce que ce cri de liberté qui
est parti de Vienne, l'année dernière, à la stupéfaction des
peuples et ries rois, vous ne pouvez pas l'entendre demain
sortir du Kremlin el des sleppes de la Moscovie? Au reste, il
parait que, depuis la révolution de Février, M. Tliicis n'a
plus d'affection et d'admiration que pour les Cosaques; el l'on
ne doit plus êlre surpris de la phrase que nous avons citée,
lorsqu'on l'a vu tout récemment, dans la séance du ."I mars,
a la face de l'.-Vssemblée nationale, oser dire que c'était de la
Russie, de ce gouvernement du knout, de cet empereur bour-
reau de In Pologne, que nous devions prendre des levons! El
voilà le Richelieu qui inspire toute notre diplomatie!
[La suite à la prochaine livraison.)
Dilettante empruotast à une ouvreuse, corrompue à prii d'or,
son costume, son petit banc el sa lucarne, pour voir U Prophèie
Lecteurs, en conlemplanlla face déb onnaire
Un grave magislral ci-de.'sus crrijonnc,
Vous ne vous douiez pas qu'à l'instar du tonnerre,
Dans riiùtel Jncques Cœur sa voix a résonné.
Bien qu'il *oit dés lonf^lenips llnnneur de li bazoclie,
Il a, dans certains cas, commis des quiproquo.
Mais doit-on s'étonner d'entendre de Harochc,
Des arunnienls in bumcf?
Deuxé par Fabritzm »•
Gray* p»r Baulant.
-"^
LA SEMAINE.
Nous voici iUM'ivos à !a vingt-citiquicnie el Jciiiièro
semaine de ce volumo. J'abandonne décidément le bu-
rin de Clio, pour le reprend ce, qtiaml? l'eut-èlie de-
main ; mais, à coup sur, dans quelques jours. La He-
i'ue comique se doit à elle-même el au public d'avoir
une longue postérité de livraisons.
Mous regardons derrière nous, et nous sommes Tiers
de la manière dont nous avinis rempli notre mission
d'iiistorien.
Quel est le grand événemenldont nous n'ayons point
prévu, analysé toutes les conséquences? Quel est le
grand homme auquel nous n'ayons pas suffisamment
rendu justice"?
En ouvrant les yeux à la lumière, la Ri^vue comique
a été éblouie par les rayons de l'astre impérial, l'asti-
née d'abord, elle s'est peu à peu lialiiluée à contein-
[der le soleil en face.
Le rédacteur de cette chronique s'est fait le Dau-
ge.iu du Piésident de la République française. Grâces
à lui, les épaulettes, les bons mots, les bals, les tuni-
ques, et les phaëtons de M. Louis Bonaparte iront à la
postérité. Il ne s'est pas donné un bal, un diner, une
fête, dont nous n'ayons rendu compte.
On nous rendra également cette justice, que nous
n'avons laissé dans l'ombre aucun ell'ort tenté par le
célèbre Odilon Barrot el le fameux Léon Faucher,
pour faire remonter le pays au rang élevé (|u'il occupait
parmi les nations, et d'oii les républicuiiis auraient
lini par le faire descendre.
Mais, laissons le passé; et, au moment do terminer
te volume, constatons l'élat de prospérité et d'éclat à
1 intérieur et à l'extérieur dans lequel nous laissons la
Kiance.
A l'intérieur, le gouvernement verse des fli'ls de
contrepoison sur des obscurs blasphémateurs. Secondé
par des hommes dune haute capacité et d'une mora-
lité éprouvée, comme M.M. les banquiers .\cliille Fould
et Delainarre, le pouvoir réduit peu à peu les factions
au silence, et les force à reconnaître s(ui arcendant.
On ne saurait méconnaître l'influence décisive qu'a
eue sur ce résultat la rédaction de la Patrie.
Le National, converti aux idées napoléoniennes,
commence à reconnaître la nécessité, pour la Fiance,
de reconstituer le consulat à vie.
On dit que M. Proudbon, en moniraut M. Louis
Bonaparte, s'est éciié : « Voilà le meilleur des socia-
lismes. «
/.e Peuple n'est point éloigné d'aduieltre que ces
conversions éclatantes ont été obtenues par l'babilelé
de .\L\L Odilon Barrot et Léon Faucher. Comprenant
enfin que la compression était le plus mauvais de tous
les systèmes, et un aliment perpétuel aux révolutions,
ces deux grands ministres ont interprcié la (lonslilu-
tion de la manière la plus lai'ge.
M. (lirlier a été destitué.
L s sergents de ville, reconnus coupables d'avoir
frappé les citoyens dans l'exercice du droit de réunion,
ont été déférés devant les 'ribimauv.
Ô58
REVUE COMIQUE.
Les associations, dans le but de propager et de raf-
fermir l'idée républicaine, ont été encouragées, plu-
sieurs moine ont reçu des fonds du gouvernement.
Les préfets de Louis-lHiilippe ont été destitués.
On a ouvert les portes des prisons et des l)ngnus
pour en l'aire sortir un grand nombre d'individus
égarés.
Même grandeur dans la politique extérieure.
A l'heure où nous écrivons ces lignes, une Hotte sort
du port de Toulon pour montrer que la France est li-
dèle aux sages principes posés par le manifeste du
gouvernement provisoire.
Les Romains s'étant constitués en République à
notre exemple, l'armée française a la glorieuse mission
de s'opposer à ce qu'aucune puissance ne s'immisce
dans les alïaires du nouvel lïtat.
En même temps, deux divisions de l'armée des Alpes
ont franchi la frontière de Savoie. Le vieux l'.adelski,
exalté par la facilité de sa dernière campagne, veut
changer la constitution du Tiémont et occuper ses
places fortes, c'est-à-dire porter l'Aulriclie ju.sqiie sur
les Alpes. C'est là un résultat que nous ne saurions
permettre. Prolectrice naturelle des l<:tats faillies, la
Képublique obéit à la politique tra<litioniU'lle de la
France eu prenant le*1*iéniont sous sa proteclion.
Le général Le i''lii. unlre ambassadeur à Saint-Pé-
tersbourg, a déclaré en inêinc temps au czar que, si
un régiment russe entrait en Transylvanie, la flotte
française recevrait l'ordre de I lire un mouvement sur
Constanliiiople.
En voyant iiartoiit l'allitiide calme et décidi'C de la
France et les progrès de sa pacilicalion à rinlérienr,
iiiie hausse considérable s'est manifestée à la Bourse.
Commencé (|uelqucs jours avant l'élection du pré-
sident, ce premier volume Unit à l'anniversaire de la
journée mémorable où l'Assemblée nationale iiroclaina
la Républi(|ue. Nous avons la prétention d'avoir |)réseii-
té un tabUaii lidèledes événements renfermés dans celle
période. Des témoignages d'adhésion et de sympathie
nous arrivent de tous les côtés, et |)lus d'une personne
dira en lisant ce dernier résumé : — Voilà pourtant
comme on écrit l'iiisloire !
LES DEUX COUSINS.
« Mon cher cousin.
« J'apprends qu'à ton passage à Bordeaux tu as fait
des cancans sur mon compte. Il est très-faux que je sois
tenu en tutelle. J'ai la plus grande estime et la plus
vive amitié pour les hommes qui m'entourent. J'aime
Bairot, je suis fou de Faucher.
« Je crois que tu feras bien de ne pas te présente!-
aux élections prochaines.
« Je t'embrasse,
a Ton Cousin. »
Voici la réponse du cousin :
« AV COMITÉ CENTRAL BOXAPAaTls'l E.
« Mon cher Comité,
« D'un bond je franchis les Pyrénées ; dans vingt-
quatre heures je serai à Paris ; j'accepte avec le plus
vif empressement la candi<lature que vous m'offrez
dans le département de la Seine.
0 La vraie politique ne consiste pas à se servir de
vieilles ganaches.
« li faut maintenir à tout prix la République et la
Constitution; voila ma profession de foi.
« C'est moi seul qui représente le parti napoléonien.
Mon prolil m'en donne le droit. »
Arrivé à l'aris, l'iiomme au prolil a reçu la missive
suivante :
« Mon cher cousin,
i( Pourquoi avez-vous quitté le posle que je vous
avais assigné? »
niipoNsE nu cousin.
« Parce que cela m'a plu. »
IH PHliMIlvU AU SECONn.
K H faut |)ouitan. que nous donnions à la France
une preuve de l'union louchante qui règne dans notre
lamille. Je vous destitue. »
IlU SECOND AU PUEMlEll.
c( J'entre pleinemeiil dans voire idée. Oui, il faut
montrer au pays (|ue ceux qui portent notre nom soni
entièrement dévoués les uns aux autres. Je vais faiic
afiicher ma candidature aux quatre coins de Paris. »
La niè ne union se montre dans les comilés bona-
pailisles.
— Le l'résidenl est la pi'oie d'iine faclioii, s'écrie le
général S(un(l ; vdlez [loiir les candidats qui veulciil
assurer sa liberté.
— Le Président est libre comme l'air, répond le gé-
néral l*iat; volez pour les candidats de la rue de Poitiers.
— Vous ôles des traîtres !
— Vous êtes de faux amis !
11 y a des comités où l'on en vient aux coups. Chaque
cousin a son parti. Nous savons bien comment Unira
celte thébaïde germaine.
A LLSAGL DES GENS SERFEUX.
359
Campagne d'Italie, pour faire peDdanl aux batailles de Moutenctte, Arcole el LoJ;
l..\ RIE DE POITIERS ET SES SOUSCRIPTEURS.
On ne sait plus où en est la propagande de la rue de
Poitiers.
« Que sont devenus nos deux cent douze mille francs?
disent les souscripteurs.
— Nous vous rendrons des comptes, » répund le
comité.
Les souscripteurs se taisent ; mais bientôt ils se re-
prennent à murmurer :
« Eh bien! quand nous sauve-l-on? Sommes-nous
tout à fait condamnés, ou bien va-t-on, décidément,
nous retirer du bord de l'abime ? Expliquons-uous, pour
que nous sachions si le temps est venu de faire notre
testament ou de nous réjouir.
— Cela ne me regarde plus, répondit le comité.
— Conimenl! cela ne vous regarde plus! Qu'est-ce
que vous chantiez donc jusqu'ici, que nous avions la
fièvre républicaine et que vous alliez nous traiter. Est-
ce que nous n'aurions plus la fièvre, par hasard?
— Au contraire, vous l'avez plus forte que jamais,
— Alors guérissez-nous?
— Guérissez-vous vous-mêmes.
— Avec quoi?
— Avec le contre-poison de la Patrie, la pommade
de V Assemblée nationale el les boîtes de la pàte-orléa-
nisle du Constitutionnel.
— Mais l'élixir que vous deviez inventer?
— Je ne l'invente plus.
— Pourquoi ?
— Parce que nous n'avons pu, dans le sein du co-
mité, nous entendre sur la recette.
— Cela ne vous a pas empêchés de l'encaisser, la
recette.
— Je vois que nous ne nous entendons pas. De
quelle recelte parlez-vous?
— Des deux cent douze mille francs.
— Moi, je parle de la recette de l'élixir.
— C'est différent ; quant à l'aulre, je vois bien qu'il
y a eu accord parfait. Jlais comment se fait-il que
d'aussi savants médecins que vous l'êtes tous, n'aient
pu s'entendre sur la recette de l'élixir social?
— Cela vient justement de ce que nous sommes
trop savants. Les docteurs légitimistes ont argumenté
contre les docteurs orléanistes, et ceux-ci ont injurié
en latin leurs confrères du bonapartisme; de sorte
qu'il a été absolument impossible de se mettre d'ac-
cord. Je vous avouerai même que, dans certaines
séances, on est presque allé jusqu'aux coups de poing.
— Eh quoi! des coups de poing dans les conciliabu-
les du parti de l'ordre!
— La tradition l'exige. Voyez plulôt les docteurs de
Molière : ils s'injurient, ils se donnent des coups de
bâton, ils se jettent des pierres, ils se prennent à la
perruque; ce qui ne les empêche pas de discuter sur la
Dipepsie et la Bradipepsic. Voilà pourquoi nous n'a-
vons pu nous entendre sur la recette de l'élixir.
— En ce cas, vous rendrez au moins l'argent?
360
RKVUE COMIQUE
— Quel argent?
— Les doiiv cent douze mille IVancs.
— Iinpossilile!
— Comnieiil , impossiMe 1 Vous les ;ivoz reçus,
n'est-ce pas"?
— Sans aucun doute.
— Rt vous n'avez pas coni|)osii ri'lixii'.'
— Esculape ne l'a pas voulu. -
— Alors rendez l'argent.
— L'argent meurt et ne se rend pas. D'ailleurs il y
a les (rais de consultation.
— .Vllez vous promener avec vos frais !
Nous n'avons pas composé l'élixir, il est vrai ;
mais nous avons encouragé la fal)rication des contre-
poison, des pàtes-orléanistes et autres pommades avec
lesquelles vous ne sauriez trop vous frictionner. Si cela
ne peut pas vous faire du l)ien, ça peut du moins vous
faire du mal.
— Merci. Alors, rendez vos comptes.
— Nous les rendrons en temps et lieu.
— Comité de l'ordre, nous allons nous fàclier.
— Fàchez-vous ; mais alors je ne vous sauve plus.
— Je m'en moque.
— Fort bien; alors vous tomberez dans la dipejjsie
(lémocrali(jue.
— Ali ! ouilclie !
— De la (lipo|isie déniûi'rali(iue dans la lirailipepsie
I iiiige.
— Vous dites...
— De la hradipepsie l'oiigcduns l'c^iiilep-^ie smialisle.
— Ali! mon Dieu !
— De l'épilepsie socialiste dans le communisme fou-
droyant.
— .lusle ciel, que Je nialheuis!
— Du coiiiiiuuiisiue l'oudroyanl dans l'apoplexie
agraire.
— (iràce ! grâce !
— Lt de l'apoplexie ag'-aire dans la |)rivation de la
vie où vous aura conduits votre folie.
— Pitié ! pitié! Gardez l'argent, gardez vos comptes
et pardonnez-nous, savanis docteurs, illustres apullii-
caires!
— \ la bonne heure; voilà ce qui s'appelle parler.
Nous rendrons nos comptes tout de même, mais à loi-
sir. Lu attendant, si vous avez de nouveaux fonds à
verser, n'oubliez pasquc la caisse est toujours ouverle!
COMMENT M. TIIIKP.S ÉCHIT 1. IIISTOIUK
1U3T0IRE DU CONSULAT ET DE L ICMPIIIK, T. VlII.
Rcvcnnns à \':Ma\vù d'Espagrie. On Siiil que -M. Tliiers
pnifcsse le plus profond déilain pniu- les liisloriens qui ont
lr.\ité le nicine sujet que lui; on sait qu'd a l.a piétenlion de
faire l'histoire de Napoléon avec des pièces orij;inalos et des
documenls que personne av.int lui n'avait consultés, et que, par
un privilège assez surprenant, l'Éiat lui a coolies. En ronsé-
qucnco, il cjualific de rap.sodies tout de qu'on a inquimé sur lO
sujel avani lui. e( il se vante même de ne l'avoir pas lu.
Dans lallaire d'Espagne, M. lliicrs pousse ces |)iélenlioiis
jusqu'au péJantisnie : il vaulc à (ont propos l'élude pro.'bnde
(pi'd .1 faite de cel épisode, la dilliculté qu'il y avait de dcuiè-
ler la vérité, les peines incroyables qu'il s'est données pour
L'Italie entre l'Autriche ei la France.
GRANDE FACuioui; D'ORDRE m; ia rie de poihers.
Dessiné par Nadard.
Gravé par Ballant.
362
REVUE COMIQUE
arriver au résultai ; cl il ilil avec une modcslie y\nuc do con-
venance, que nul avant lui n'a rien su , que nul n'eu siuia
davantage, que tonle la vérité sur cet iuihroglio étrange est
dans son livre. Qu'il nous soit )ierinis de déclarer laimble-
nient à M. Tliiers , nous qui n'avons In i|ul' les ouvrages iin-
nriniés sur ce sujet, et pas du loul les documenis (pic la bililio-
llicque du Louvre réserve pour les liisloriens-ministres, qu'il
ne nous a rien appris, (pie tout ce qu'il nous dit et croit nous
apprendre, était plus on moins longuement, plus ou moins bien
r,iconté dan> les livres qu'il a dédaigné de lire, cl nous no lui
en citerons (lu'un seul , un seul dont il ne dit jamais mol , un
seul qui est, à noire avis, l'ouvrige le plus clair, le plus con-
sciencieus, le plus complet qui ait clé écrit sur cette matière,
Yllistoire de l'Empire, par M. Bignon.
Est-ce à dire pour cola ([u'il n'y ait rien d'utile dans les
documents nouveaux que M. Tliiers a consultés '.' Non certes :
il y a la confirmation pleine, entière, par des témoignages in-
coiilestables, par les lettres originales do l'empereur, de loul
ce que nous savions sur celte déplorable afl'aire ; il y a des dé-
tails nouveaux, et qui mérilenl attention, il y a la révélalion
d'un fait grave, mais qui ne nous semble pas parrailement
prouve : c'est que Napoléon ne s'est pas conlenlé de pousser
Cliarlcs IV à s'enfuir en Amérique, pour s'emparer ainsi du
Irone qu'il aurait laisse vacant ; mais si l'on en croit un docu-
ment donné par M. Tliiers, il a donné l'ordre ù la Hotte de
Cadix d'arrêter ce prince au moment de rembaïupienient. Tout
cela acliève de rendre la conduite de Napoléon inexcusable,
scandaleuse, abominable et d'imprimer à sa mémoire une tache
qui ne s'elï.icera jamais. On ne peut lire les détails dans les-
quels se complaît M. Tbiers sans avoir la rougeur au front,
sans se sentir le cœur serré de chagrin, sans gémir amèrement
de voir l'honneur, la puissance, l'avenir de la France joués cl
compromis si aveuglément dans cette fatale intrigue! Le plus
profond dégoût vous saisit en assistant à cette triste comédie
de Bayonne où de part et d'autre ceux qu'Homère appelle
les pasietirs des peuples jouent un rôle si méprisable ou^ si
odieux'. Quels personnages que Charles IV, Ferdinand VII,
la reine, le prince do la Paix! Quel désolant spectacle que
celui de Napoléon appelant traitreusement à Bayonne tous ces
princes pour les dépouiller, forçant Ferdinand VII à rendre
la couronne h Charles IV, pour que Charles IV la lui donne
à lui-même, puis la repassant ii Joseph qui, à son tour, donne
la couronne de Nnpics à Mural ! Quel jeu ! quelle dérision !
quelle moquerie ignoble de la vie el de la destinée des peu-
ples! En présence de tels actes M. Tliiers resta impassible ;
avec le scepticisme de l'école de Talleyrand, il se contente de
jeter en passant quelques paroles de blàn e, el l'on sent sous
ce blàine le regret de ce que le succès n'a pas juslillé et lavé
toute cette odieuse alïainl .Mi ! si celte indifférence pour le
bien et le mal , si cette politique d'égnïsme cl d'immoialité
ii'élail pas la plaie de noire époque, et surtout de la partie
éclairée et gouvernante de la nalion, il suffirait de la lecture
de ce huitième volume pour condamner M. Tbier! comme
homme politique, el rendre son inllueuce sur les affaires de
l'État à jamais impossible.
Descendrons-nous mainlenanl à un examen lilléraire de ce
volume"' Il a tous les défauts de cnmi>osilion de ceux qui l'ipiit
précédé ; c'est toujours la même dilTiision, la même confusion,
c'est toujours celte prodigalité de détails qui impalicnte el noie
le lecteur, c'est toujours le même style commun jusqu'à la tri-
vialité, et celte ridicule manie de nous faire la leçon à tout pro-
pos et sur les choses les plus vulgaires : ainsi dans les précédents
volumes M. Tliiers consacrait des pages à nous apprendre que lo
Rhin passe à Bàle, et que les .Mpes sont de hautes montagnes;
d.ins celui-ci il nous apprend « que bi rente S p. O/q signifie
un intérêt de 3 alloué à un capital nominal de 100 » (page 7) ;
il nous apprend ce que c'est qu'un compte en partie simple
el en partie double; il nous apprend que trois ou quatre ba-
laillons forment un régiment, deux rcginieiils une brigade,
deux brigades une division, etc. En vérité, quelle opinion l'au-
teur a-!-il donc de nous? Et croit-il n'avoir pour lecteurs que
des portières ?
M. Tliiers a néanmoins éprouvé un grand embarras dans ce
volume : il n'avait pas de batailles à décrire, pas le plus petit
X.A VIE PUBLIQUE ET PRIVÉE DE MOSSIEU B.ÉAC.
Chap. vit. — Les machin vétismes de mossieu JRéac.
C'est aiorj que mossieu Réac fit la
conDaissance du jeune Aris'o, g.ir-
çon élfgant, d'un pliysîque agiéa-
ble et fcuftoul d'uoe intelligence
soignée.
Ce jeune Iiomrrc présente mossieu
Ré.ic à son papa, le général baron
Ari8:o de Taupi
K t le général b:
pttil pl;in de <
pagne pour le relablisstment de
t'OTdre, mo93ieu Réac s'en va trou-
ver le gouvernement provisoire
A L'USAGE DKS GKNS SÉRIEUX,
305
rnnilinl à ganiicr, pns le mniiulro ptiin de r.iiii|)iipiir A dévo-
InppiT. Or, cirnciiii suit lo fiiililo ilc M. Tliicrs pour li's nirniros
ilo (.'iiciro, il so (-(impliiil, il so di-lrtlc d.iiK l"orpiiiii«iilioii ,
rndniiiii<lnitioii, les opéralimis des minées; le niilil.iiie, <'e>l
«a chose , sa propriété , son iloniiiine ; et eoniine Arliilie a
S ïros. In vue d'une épée le fait lionilir. F.nliii, il se sent tant
de talent pour Inirc inanlier dans ses livres les l)al;iillons, cl
les di\isions, pnnr les n)éler , les séparer, les ciiilioéirer à
la façon de nos romans modernes, «pie si nous le voidi"in, el
si Kndeizki était mort, il nous ferait en personne une deuxième
édition des eampapiies de l'Empire. On sait qu'il s'en est peu
fallu cpie nous n'enssioiis ce triste spectacle en IXltl; et Tlia-
l)ilctè a\ec laquelle il rappela noire Hotte d'Alexandrie a Tuu-
lon, demonire cpi'il eiil été à la l'ois, s'il n'ciil manqué sa
vocation, et un Turcnne et iin Toiirville.
M. Tliiers était donc péné piur mettre du militaire dans
son linilièine volume. Il s'en est <lédoMimagé en nous donnant
les détails les plus iiisipnitlanis, les plus soporilicpies, sur la
formation des armées de l'ortufral et d Espagne ; et, grâce à
lui, la postérité saura les mnlalions et les mouvements, non-
HMilcineiit de cliaque bataillon, mais de chaque cnnipngnic;
combien d'Iiomnus pris à cel!c-ri ponrverser à celle-i;'- : com-
bien de lieues la t s par telle escouade, etc. VA qu'oii vienne
nous dire que M Tbiers n'est pas un foudre de guerre ! Aussi,
quand il énumére les vingt armée> de l'Empereur, ses neuf
cent mille hommes, les Etats qu'il a conquis, rcnx qu'il vent
conquérir, il se sent pris de vertige, il a des ébloiiissemcnts.
On sent qu'il s'est dit, en écrivant ces lignes : k Qiu- n'élais-
je là?i) ou : « Que n'ai-je ecla?» Et il n'a pns un mot de
reproche pour celle poHli<|ue gigantesque, avenlureuse, si
éloignée de la politiipie modeste et sûre de Richclien el de
Louis XIV, et qui devait conduire la France dans un abime.
Nous attendons avec impatience la publication des quatre
derniers volumes, et surtout du douzième; car nous sommes
curieux de voir si M. Tbiers sera, dans son histoire de l'Em-
pire, lldèle nu svsième qu'il a développé avec Inil d'boiiiieur
etdVclal dnn« «on histoire de la Kévolutinii, et qu'il a mi«
plus d'une fois en pratique dan» sa vie politique. Voici ipiel
c«t ce svsième :
.M. Tbiers est, par nature, du parti de la force, de la puis-
sance, il.- la fortune, des heureuT. Tant qu'un pouvoir ejistc,
quel qu'il soit, il excuse ses fautes, il accumule les raisons
qu'il n d'exister, il s'efforce, pour ain>i din . ib' prolonger -a
vie; mais dès qu'il (st tombé, il le couvre de blàiiic, il multi-
plie les misons qu'il avait de mourir, il le foule aux pieds,
("est l'adorateur de la fortune aveij;;le, du sort benrein, di'
la fatalité I
.\iiisi, il est d'nboid | oiir la monarchie constitulionnellc de
Louis XVI contre les (Jirondins; puis, quand cette monar-
1 liie est tombée, il ilémoiilie que cela devait être, que sa chute
est juste, que le progiès était à ce prix, et il cjallc le pouvoir
nouveau des Girondins. Les Girondins tombenlils à leur
tour, il apaise nos regrets pour leur défaite, en nous prou-
vant qu'ils auraient causé la ruine de la France, el il excite
nos sympathies el notre eoiifiance pour les Montagnards. Les
Montagnards tombent, il les jelte aux gémonies, cl se réjouit
de la léaclinn Ibermidoriennc. Puis le Direcloire arrivant, il
le soutient, il l'aide, il l'excuse, il le loue; et quand le lec-
teur bénin verse une larme sur sa cliute, il l'engage bien vile
à l'essuyer, en lui démontiaiil que ce gouvernement faisait le
malheur du pays, et qu'il faut saluer «racclamations l'avénc-
ment providenliel de l'homme du 18 brumaire.
Nous sommes donc curieux, nous le répétons, de voir les
derniers volumes de M. Tliiers, pour juger s'il sera tidèle à
son système hisloiique. Bavien approclie, .Moscou n'est pas
loin, Leipsig est à l'horizon. Allons, monsieur Tbiers, voici le
moment venu de passer du colé des vainqueurs, et de com-
mencer à nous déinonirer que Napoléon, par son despotisme
et son aiiibilion, a mérité sa chute; que celte eliiite a élé le
bonheur de la France, puisqu'elle nous a donné les Bourbons
et le CitnslilitHoiiiiel, c'est-à-dire puisqu'elle a préparé l'avé-
iiemenl du seul grand homme que la France ait engendré de-
puis N.ipiiléon, de M. Piliers!
£A VIE FUBUÇVE ET PRIVEE DE MOSSIEU REAC.
Chap. VII. _ Lfs mncMavilismrs Je mnfsieu Réac.
Mossieu Réac offre au gouvernement provisoire
un moyen linancier très-simple ; il s'agit de
ne rien payer du tout, aulremenl dit de faire
un trou dans la tune.
Comme second moyen, Tbonnéie mossieu Réac
propose au même gouvernement provisoire de
faire venir les principaux capitalistes qu'il dé-
signera, et de les tenir en ctiarte nrivée jusqu'à
ce qu'ils aient chacun déposé une somme de..
Ces deux procédés , non moins lionnftes qu
modérés, obtiennent de ce gueux de gouver
nement provisoire le meilleur accueil.
{La suite à la prochaine l
I
Le Bis du roi Jérùmc a riuimeur complaisante;
Avec le ministère il a toujours voté.
On l'entend aujOHnlMiui parler de libellé,
Et dans trente cantons sans' peur il se présente.
Pc son féjl cousin enviant la grandeur,
Pour conquérir des voix il se met en campagne.
.\ la cour de Madrid il lut anil)ass;ideur :
N"a-l-il pas dfl b.'ilir d('S cliTiteaux on KspngncV
Dessiaé par Vauritzil's.
Gravé pat Baulant.
A I.TSAf.K DES GRNS SIÎRIKIJX.
36.1
I Al;l I. I'()|.(t.\.\|>i:
(Tniliid KM llll.'rjle.'
Oiiaïul Dii'ii cli.issa le pèclieiir du P.iraili-,
('. -lioiulaiK il ne voulut pas (|'ic le p^cliour nio iiùl de fi:»;
Il ordonna aux iinges de préparer du hlé.
Kl de jelir les crains sur le elieuilil de riuiiiiiMe.
Adam viiil, les trouva, les regarJa sans s'approi lier,
tl s'en alla : en- il ne >avait <|ue faire de ces grains.
Mai-, dans la niiil, il vint un démon savant qui dit :
" Ce n'est pas en vain que Dieu a jelé ici cette poignée do lié
« Il faut qu'il y ail une puissance secrète dans ces grains.
« Caclions-les avant que l'Iiummc en <lécouvre la valen:! «
Il lit avec sa corne un ^illun dans la lerre, sema le blé;
Les l.omm.t de la rue Je J'oiliert.)
Il cracha, couvrit la t. rre et frappa du pied,
I ier et c^ nient d'avoir pénétré un dessein do Dieu,
II ilisparut i n linrlant à gorge déployée...
j Mais voici qu'du print< nip>, an grand étonnemiin du démon.
Il vient de l'Ii.'rbj... des lleurs .. des épis... — le IjI •.
0 vous, qui voulez cnvaliir le monde avec le Nord,
Qui nomme/ la ruse raison, et la méchanceté f rce,
Quiconque d'entre vous aura irouvéet enseveli la foi,
Celui-là ne trompera (|ue luinié.ncen croyant tromper Dieu.
ÉPII.OGl'E.
I.a Revue au public offre un premier volume,
.Monument du crayon ainsi iiiie de 'a jilume ;
IMaisanle gilerie où les liéios du temps,
Les grands hommes d'Klat, lespelils imporlanls.
Les occuiles meneurs de la Législature,
Passent, sligmatisds par la caricature.
.\ucun d'eu.\ n'est omis; nous avons exploilc
Lcciiamp du ridicule et de la vanité;
Nous avons, pour laisser une page à l'iiisloire,
Des sottises du jour vide le répertoire,
f!t la postérité concevra, grâce ;i nous ,
Combien on l)afouait OJilon et Falloiix.
Nous vous disons merci ! vous , dont la bienveillance
A de notre recneil soutenu la vaillance ;
Frères d'opinion , braves républicains ,
Tout prêts à repousser le retour des Tarquins.
Quand nous avons frappé les épaules servi les
Des brouillons ameutés pour les guerres civiles ;
Quand notre discipline, aux coups retentissants,
.\ cinglé sans pitié les partis menaçants ,
A nos pamphlets moqueurs, à nos dessins caiisliiiiu
Nous avez prodigué vos bravos sympathiques.
Protégez-nous encor, car nous persévérons ;
Sans laisser sur les bancs dormir nos avirons;
Pavoises à l'avant d'un drapeau populaire ,
Nous reprenons la course, et vogue la galère !
Le devoir nous appelle, à l'heure où le scrutin
Va de la France entière arrêter le destin.
Il faut que des soldats de la Démocratie
P.ir quiconque a du cœur la foule soit grossie;
Il faut que l'écrivain , grave ou facétieux ,
S'arme de pied en cap contre les factieux.
.\ussi nous sommes là. Plus forte que l'épée,
L'arme de la satire est par nous retrempée;
l'otir mettre au pilori les fripons ou les sots ,
Nos artistes déjà préparent leurs pinceaux.
Paix, liberté, progrès, telle est notre devise.
Guerre à l'ordre menteur qui trouble et qui divise !
Nous en signalerons les coupables fauteurs,
Nous saurons déjouer l'efTort des réacteurs,
Et barrer le passage aux Judas sans vergogne,
Qui marchent hardiment vers la place Bourgogne.
0 vous donc, affidés du tripot poitevin ,
Amis de la régence , amis du droit divin ,
r>:ilaillons de verdets, légions girondines ,
Vous passerez encor sous nos fourches caudines.
Coalisés pour nuire, engraissés des cadeaux
Que dans votre aumônière apportent les badauds :
Vous pensez réussir; votre ligue immorale
Erre dans l'ombre , autour de l'urne électorale ,
Pour en faire sortir des barbons éclopés,
Du regret d'autrefois toujours préoccupés,
Dont la liberté fait clignoter les prunelles.
Et qui tremblent d'en voir les clartés éternelles.
Vous comptez sur Véron , sur Thiers , sur les Débats ,
Mais nous sommes croisés pour de nouveaux combats :
D'inépuisables traits notre verve est pourvue.
Et vous aurez affaire à des gens de lievite .'
E. B.
366
REVUE COMIQL'E
TABLE DES MATlERliS.
Nota. — Les grands dessins seuls sonl indiqués dans la table.
QCELQLES LIGM^S nt i>i\iiF.\cr. — Dll t'.liniiiHlf L'I llll Si rii'U.X. 1
L'Honmie ei lu Mas(|uc {ilcssin anyUiis; 1
Sailli Pierre, saiiU Paul el les n<^])iiblicaiiis de Ij M-ilIr 3
Les deux Oiiilires ei Louis-Napoléoît 3
Aux Chefs de pnrli "'
Lepclit Cliapeaii dti rai d'h.Hot (dessin jiar liiTlall) "
Ce que dit M. Tliiers quand il durt. — Une Séance de nia-
gn(<tisnic à la place Saint-Georges. ... . s
Arrivée de l'Oiseau (dessiné par Ollo'; '■'
Les deux Bouaparlisles. — Le Boiiaparlisle de la veille
(1822), le Bonapartiste du lendemain (18'i5) 1"
Choses quelconques ''-
Le Neveu de la colonne. (Chanson avec six vignettes, par
Bertall) '^
L'Homme de bronze el rilonime de |)lâ;re (dessin anglais). 1û
La Grenouille et le Bœuf (dessin anglais) 1 4
Visite au lion de Waterloo (dessin anglais) IJ
18 novembre. — La Seihine '5
Les Aventures illustrées du Prince pour rire. — Imuoduc-
TlON. Ab oro. — Chap. V'. Son enfance et son éducation.
— Chap. II. Son adolescence. — Ciiap. III. Ses expédi-
tions. — CiiAP. IV. A l'étranger. (Vingt-trois vignettes,
par Nadard) 10 ^t suiv.
Ce que c'est qu'un Prétendant !•>
Le Parti crétin ' **
Bababeck et les Fakirs en 1848 '^D
Le Bonapartisme rural 21
Une Histoire de demain 23
LeDuel de MM. Baraguay-d'Hillierset Goudchauv '20
Boutade d'un Républicain ((-haiison) 27
Dans quelques semaines (dessin anglais) 28
25 novembre. — L» Semaine -'■'
Un souteneur de candidature (de.ssin jiar Bertall) 31
A Madame Delphine Gay de Girardin.à propos du leuilktou
ûe la Presse da 28 iioienibre 18i8. (Chanson) 31
Suite des aventures du Prince pour rire. — Cuap. V. i'undi-
daliire. (Dix vignettes par Nadard) 32
Un Club napoléonien 3-2
Les Comités bouaparlisles 3a
Tyrannie occulte du despotisme des lunettes. (Seize vi-
gnettes sur les Inuetles, par Bi rlall) 37
Votons pour Bonaparte. (Chanson) Si
Icare impérial (dessin anglais) 'i2
2 décembre. — La Sem mse î 3
Suite des Avcnlurcs du Prince pour rire. — Cuap. VI. ,//;/-
théose ''''
l'orlrait d'un conleiiiporaiii 'i''
A MM. Biigeaud,Tliiersct Mole û"'
M. Véron, homme politique 'lO
Exposilion du grand concours onvcrl pour le poitrail du
Prince pour rire, avec les notes du jury. (Dix-sept vi-
gnettes, par Bertall, Nadard et Fabrilzius) '|8
PolU
m ulxeiiu le
,d p.
Boutades en vi'rs
Les deux Sosies (de.ssin anglais)....
Nez ilii prince pour rire pendant la le
la Cdiislitiitiiiu
TuiEiis (type |iar l'abriuius)
■liire de l'article 08 de
!.7
9 décembre. — La Semai ^E -''•^
Questions électorales (dessin par Bertall) Cl
Los Parvenus 62
Aiidures l'nrtuna juvul (dessin par Otto) M
Les Clubs en i)lein vent Cfi
Le Parti des domestiques 67
Soldais, voilà Caiin ! fi»
La Tour de Babel ''C
Le Pietour des cendres de celiii-lâ ''1
Au voleur ! au voleur! (dessin anglai.'.} 1^
PliHigcon de la Républii(ue (dessin par Ollo) 7.1
Le Mariage imprévu (dessin par Ollo) 'h
16 décembre. — La Semaine • ■ • ^1
Coup d'oeil sur le nouveau ministère ''I
Les Hninmcs du leiuleinain **'-
Je nesuis(|u'iinefeiiinie, une folle, une buse (dessin par Otto). 83
Sur certain l'.iiître. — Avènenienl. —Quatrains 83
Au général Cavaiguac, la femme d'un de ses électeurs f-h
Le colonel Véron *>''
Vie politique et littéraire de Vipérin, journaliste et industriel.
(Vingt-deux vignettes par Nadard) 8(1
Donnez-nous donc des nouvelles de M. île (iiranlin, ..... 87
Confiance 1 coiiliance! ^^
La discorde au camp d'Agrainant 'J"
Arrivée des Coi'ses. — Le Constitvtiunnel et 'a Presse 01
l'élite Lxplication d'une grande majorité. (Chanson) ..... 02
Béclamalion d'un courlier électoral. (Cliansou) Oi
Les Variations d'un Parisien. (Chanson; 03
ViiiiON (type par Fabi'ilzins) 9''
23 décembre. — La Semaine 09
Noël ino
Une rai.soii pour expliquer l'échec de M. Lainaniiie 102
Au général Cavaignac ^"2
Portrait en pied du général Cavaignai- '02
Au ciloyeu Louis Bonaparte, Président de la llépublique
française 1"'
Portrait en pied de Louis-Napoléon Bonaparte lO'l
Un mot de Cbarles-Quiiit. — L'Aigle en papier H'â
lin terrible logicien 1'"'
Pr.oUDUON (type par Bertall) ... "■''
Les Lampions ""
CnÉMiEUX (ty|ie par Nadard) ""
Les Journaux devant le noiueaii gouvernemenl 108
Testament politique du sieur Emile de Girardin ^Oi)
Gir.ABDiB (lypc par Fabrilziu.s) 112
A I;L'SAGE des gens SÉIIIEUX.
367
1»' janvier 1849. — Le Cslciiilrlrr Mi
Alin.itiarli ri'piililuMin, a>cc les granilrs pr(<(llcllniis. pdiir
IX.VJ, i-iirlchi il.s p.ii (rails dis iiii-inliiYs ilii (hmiuiii cm
prcMisiliro cl ilc scènes rcin.spcdiics. (\ iiii;l-i|iiali.' \i-
lliiclics, p.ir N.nl.inlj | j/j
lic\ lie rfliospccliïcd,- 18/18 — Tulilctiesd'iiii Iniirislp.iiiKlnis. 157
I iMiMiiis (lypc pu- r,iliij|/.iiis) Hh
l.c Gllcau des idis di; MH'J (dessin par l'abiilzins. li!i
L'n riiitivcau 10 mal (dessin par Nadaid) . . ... 1 : ()
6 janvier. — La Sl:uAI^E I
l.rs I^IIVIUICS. . . I
1. 'S mandes héies de la Lilierl.; (dessins par Nailard 1
ll'foiine po.slali> j
r>' riilaiion d'nnR raloninie I
l ne l nion li'gilijnée j
I ne Calnnniic à propos dw liéKcnl J
liapporl de la poliiiq.ic aven la pipe ^
Le coniniandenient du giSniSral Cliangarnicr 1
(iioses <piclconipies y
l.c Prcsenl et r.\\cnir _ I
Queslion à l'ordre lin jour (liianson ]
lii'piiblique puléonne (dcs^in par Ollo) I
13 janvier. — I,A Si:mii\e
1.1 i'iililiqne mise A la portée des ciifanis
O \\ asiiinglon ! ô Franklin ! ^
.M. de .N'oaillcs à l'.Acadéniic !
les Fnn urs dn Cinflihilitiiinel
L'S ligules roiulioiis digesliu-s cl polilii)ues de 1848-1859
(dessin |iar Bertall)..
|ln nnuiean lô mai
I-es Pétillons contre l'Assi'nil)l(!c nationale
Les Di'ni'sotions
Le Ketour de Sibérie
liirardiiiade tartnfde
Choses quelconques
Alloi litron d'un courtier réactionnaire (chanson)
F.»LLCix (type par FabriUius}
20 janvier. — La Scuaim; -li; 1
CnisciRMER (type par Fabritzius) ^63
lu Miiiisire éternel jcj
Les -Mystères du parti honnële lOj
Icarie {coriespomlancc particulière} . jfig
néihiiiiaiions cmure lesquelles on pourra bien réclamer. . . 168
Vue de la Californie (d'apn s un daguerréotype . ] fiÇ)
Le Con.ser\aloir.'. j-jO
Deux utopies 171
Choses ipielcuiiques 5 72
Bcr.GER (type par Fabriizius) . j7;,
175
27 janvier. — L» Semaine
Le diic de Bordeaux et sa famdl'e à Frosdorff pris Vienne.
Détails curieux et autheixiqnes recueillis sur place
lue ricstauration en peinture
Festin donné par .M. de Falloux (dessin par Nadard)
R. aiip.iriiion du père Bu,'caiid à la tribune de l'Assemblée
nationale, le 24 janvier
;M. Llioniiinier
Les Joniiianx <|iii ne parais.sent pas
Les Répnblicopliobcs
L'Knergie d'un boulet (dessin par Otto)
Ciiosis (pirlcnni{iies
Le Retour de M. Giiizot fcbanson)
Coi L4Ï type par Fabriuius)
3 février. — La Semai>e 189
Les Joujoux d'un enfant terrible (dessin par Bertall) 191
L'n Sabre j 95
Le Soinnieil de M. Marrasl 1 93
Les Arrestations HU
Le Budget d'un représentant li,j
Voyage en Europe 595
Avis aux journaux indépendants . 19S
Choses quelconques 198
liisM.i type par Fabriizlu») |ge
1*1111111 i)|iu par Fuhriulu!)} .' . . 202
10 février. — L» SiUAinr ' j,,}
Ne réicillez pas le chat (|iii dori (desMii par Bcilall) 20.-1
Midelles parli'ineiilairi's. — Kstpi ssns niin n<riiiqiie<. - Pre-
iniéies \iideiies: M. ILiré \ . . . ÎCrt
Deux grands Malaninrcs.. ' ' .,jg
L'Asseinblce cl le Présiileni \ '..'.' '0«
Monument en Uionncnr du Gium. Oi.|i.o.> Uaiikoi (dVsViii '
par Fdbrliziiis) j„,j
La Poule aux ceifs d'or 210
M. nngeand fais.inl coiiuai-saiice a\ec la lillc ilc llourg'-s. ..211
Les Patrouilles aiec raiiuii jjj
Lettre d'un \oliur i M. de llerkeren.. '....'.'... 2U
(Choses (picIcmiqni'S ! . 214
Dupiji (laid-nez), (type par Fabrltzius) ......'. 214
17 février. — La Semusk 4(7
Un suicés de M. liateaii '..'..'..'.. 2l8
Duc et niari|uis (dessin par Ollo, '...'...'. 219
Départ pour la Califuriiie (dessin par Fabrilzins) 220
Oraison périgonidinc de M. Ilngeaud 230
Les rives du Sacramenio idissin par Nadard) 2 I
Coinnicut M. Tliiers défend M. Faucher (Léon) ..'. 221
Les jongleries d'nii saltiiuliancpie («érie de dix vignettes,
par .Nadard) ' jjj
Dé»oueiuent cl cciliqne ^.,2
M. Bngeaud et le Jmnnal des Dib'ils ..." 223
Nouveaux détails sur le duc de Bordeaux et sur la durlie.s'sé
de Berry ojj
Proposition. jjj
Dialogue des morts , par un \isioiinaire 2*0
La pyramide humaine (dessin par Nadard] 227
Choses quelconques j^S
Lauautine (iy])e par Faluiizius) 230
24 février. — La Semaine 231
Mieux vaut préienir que réprimer 232
Deux républicains du parti honnête (dessin parLorcnl/). . 233
Violette parlementaire. IL M. Avond . . 23t
Le nouveau cheval de bois 2ôC
Encore le bœuf gras; ré>élation du système politique de
M. Barrot , A propos du bœnfgra» 238
.\ propos d'une loi favorable aux maris 2S9
Un inot sur M. le comte Mortier 2i0
A M. le viionite de Falloux 2i0
Choses quelconques gj|
2i février , chanson 343
Souvenirs de février, chanson 243
MosTALEUBEBT (type j>ar Fabiilzius) 24 4
3 mars. — La Sekaixe 2/,5
Différents points de vue .sons lesquels on voit M. P.-J. Prou-
dhon (.série do iinit vignettes , par Bertall; 247
Confession du Cniisliliitirii, e> 248
La \ie. publique et privée de .M. Piéac (série de vingt-quatre
vignettes, par Nadard) 248
M. Morlier et M. Dandré 219
Les Précautions de M. Pierre L' roux 250
Sailli Falloux 252
Coiuaic quoi le Préside; l de la r.épiib!iqne est une mine de
Califo.iMc . 254
Quelques mots a propos du dernier livre de M. de Laojar-
tine Cl Haphael » 254
Choses quelconques 256
DcvEBGiEii DS HicnANxE (type par Nadard) 258
10 mars. — La Semaixe 259
Le ConslUutinuiiH dépouillant le vieil homme (dessin par
Bertall; 2g|
Les vaudevilles réactionnaires jgj
La vie publiiue et privée de mossieu Réac (série de vingt-
quatre vigneltes , par Nadard) 2C2
L'ari)re du 24 février 264
Si un mari a droitde vie et de mort sur sa femme 265
368
HEVUi: COMIQUF.
Les faux sous oiriricrs • • ■.■,•••■..■
Leltie .10 S.M. C.iiJUSaniioi- 1", <lil l!>'i!;aiii..tl.N r.» .1.^ 1 ans,
B,.M„.lcl Su,.-M.,- el autres lieux . à S. M. Bu^î-aud 1-.
.nriiugemanl, roi <le I-you, Bourses el lions ciicoiuni-
sins
Choses iiuelcoiu|ues •
Les l-auchcuis ilc l.i llipiibliiiue (ehanson)
M. LE COMTE MoLÊ (Ivpe par Fabrilzius) ...
2r.7 7 n-rll. — I.v SniAi\F.
1 Le l'ie ili; la rvacllon (ilessiii par Na.laiii;..
La Lil)erié uiililaire coMinic' en l'.ussie
! Hiuiics pi.lili(iues à l'Asseiiililée iialioiiale
2rS ] :;i mars
S('||.) i Le llaiM|uiei' île 'riéliisonile
Ti\ I On il.'inaiule (les gens cl'espiit
Le Cliiiléni lie 1810 .
S.'anc
. .. 3L'.
. ,. ;in
. .. '.us
(lu
17 mars. — L* Sejuink
L< s Centimes (li^ciiilKs ■ • •
A,-Ie,ini..aile (s<<rie de M.C Nignetles, p ir ()uiile.d..,is) .
M. Hidliii-res ; • ■■-■ ■ ■; •/ ' • ' ; ;
La Vie publiipie et piiviie de uinssien l.iae ^^eln ui.
vignettes,, par Nadard
Une coiniuande impérieuse
Profession de foi Idgilinilsle
Si Dieu le voulait
Le loto asiaiicpii"
Ortliograplie de ia»alerie
Choses (picleonipies
La Marie niontanlc (poésie)
Desjoy (lypo par t'abrilzius)
24 noarî. — Lv S^ll»l^^ ' '
Violette païKinenlaire. -111. M. Mouton. . ... ... .
Le Thé de Madame Gibou et de Madame Poehet (de>,
Beriall • ■
Les Chartes iidroyées
Visite à Saint-Lcu , avec illnstratmns
Le Calife imprudent (conte oriental)
Manifeste du romiié électoral de la rue île 1 odiers. .
Les trois soutiens de la civilisation austio-croale (dessni pa
Fabritzlns) ,/ n ' 'i'
Quelques mots sur le 15 mai et sur M. Bu.b.'z
Choses quelccnuiucs
VlElutAP.o (type par Tabrluins) ■ • • •
319
320
321
322
! La \ie pubrupiect privée do mossiou l'.é'ae (série de (juiuze
I vinneltes par Nadard ■'^''
' ;<2â
3S0
327
32S
Déoliéanee de Longrhaiiips.
Choses (|iioleon<pies
Znl.zul (eliansiuO
])i;'|-r,u.v (type par liognin).
32fl
par Nailaril). 331
332
332
33'.
2".7 j 14 avril. — La SmnnE
2'0 ! Los Irois Sorciéros de la rue d.' Poitiers (d
Ï80 Los Orgms île la rue do Poitiers
ÏS2 ! Ovalinu .lo SI de Moulaleniberl
283 I Liilo (1 Ailluir i Araix'lla
284 Musée uatinual français : Knirée de liadolzki ù Paris ;dossni
283 par Nadard
286 I Prooès-verbal
I Los n(uneaux Sor:.;onts di' \illo • • ■
Les ■rronddeurs...
Jidni liull il Paris (série i
Lu grand Ciiminol
Lue Vi-ile à l'filysée. . .,
1.0 Proidiote (ohauson) .
LAcr.ossr. (lyi>e larFabii
287 I
Ï90
. 2 3
. 293
2'J5
207
2ns
30O
335
■'■'.'..."..., 330
[[[, , . . 336
"...... 338
l'ugiiollos, par.Nadar/.... 330
SiO
'\\ .. 340
. ..341
3'ii
,. âci
302
31 mars. — La Sejuijie • •,
Le Thermomètre politltiue, avec la niamtre de s en soiMi
(dessin par Deriall)
Un nêve rélrosppclif •,■,■"", " ', ' ■, '„'i
Altitude du gouvrrncmciil de la Uépublicpie Iran.'aise uevaui
les événements européens (d.ssiii |iar Nadard) •-'"
La l'.ue de Poitiers demande l'anm.-)»- yj^
11 le fallait ,'■■.■■". ■„■,■.'
Grand Tournoi rinancior à armos omi,to,s,.s .dessin pa, Uei- ^^^_^
tall ) 3Qg
La Pudeur de M. Thiers ■,•■;•; ■■„<.
Violettes parlementaires. -IV M. de kerdrol o()8
Préparatifs do guerre ; 'Z ' V V.' ',' ] .' , ',.'.,'(
La vie publique el privée de Mosmou lloae (s.Tie de d,x-,.u,l ^^^
vignetlos , par Nadard) „ll
L'Iloinmc invisible ^j.^
Choses (|ueU-onques ;.■,■',"■; ■lia
Le Ft.LD-ovi>oiiAL BiiJEAi'U (ivpe par labrilzius,
21 avril. — La Semmvu . 343
Une Késurrocliun inatlondue ;d.'ssiil par Nadard; 3'a5
M. Guizol à ses amis ^^*
r.épiild (pio cniilre l'.épubliiiue. K bord d'un bâtiment de
l'osi a Ire d'expédition ^'l'
Lc.< C l'.elcurs poliliquos (dessin par Dertall). . • . 848
Que faire de tant d'argent? 350
La Vie pnblii|iie et privée de niofsieu Réac (série de douze
,ignolb.s par Nadard) [^0
Los Prusiolisliltéralres •■■• ^''^
Ci.minonl M. Thiers écrit rhisloirc ; Histoire du Consulat et ^^^^
,1,. riiuipiro ■•■
Miiii-.K Uahooiu;, tvi»" par l''.d:iilziiis
3.")6
23 avril. — L\ Di;r,Mi:;.E Sr.iivixE
I.iv doux Cousin^ "
La Hue de Poitiers ol ses souM-ripteurs
Comment M. '1 hiers éo: it 1 hislnire (liul
Grande Fabriii,,.' d'or.!,.' do la ..lo de Poiliors (.lessin par
Nadard) ; ' ' Z -, .' " ;■•■■,
l.a Vie privée C:tpubli<ine de n osslou lîéao (-eue de sopl
vignoiles ))ar Nadard)
Naoum-on r,oxAi'»r,TE (lyi e par Fabril/ius)
raid,, polmiaiso
. 357
. oj8
. 359
. 300
ôfil
. 30:
365
305
riN 1)1' T(t\ir. l'i'.i.MiKii-
PARTS.— TYPOGRAPHll': PLUN FRÈRES,
ll„r ,1.. \ ...aiTM.l. :tr,.
I.A
REVUE COMIQUE
A L'USAGE DES GENS SÉRIEUX.
MISTOIHE MOBALE, P 11 I L O SO IMl IQ C E , POLITIOtE,
CniTlyUE, LITTERAIRE ET ARTISTIQUE
DE LANNÉE 1849.
EV> VKRTOT, C. CVRAf.lFL, A. LIRKIV, t. DK H BKDOLLlfcRE, GI^JIARD DK NERVAL, FKLIX TOin.NACHll> , \. FAUHfJlY , ETC., ETC.
BKRTALL, NADAR, I VIllUTZIl s , OTTO, UmENTZ , REX-lIN , QITLLENBOIS , ETC.
MAI 18'i9. — nÉr.EMBRF. 18
PARIS
AU BlRKAl DE LA REVUE COMIQUE,
•>2, RD£ RICHEUEU.
PROFESSION DE FOI.
Amis Je ce recueil, vous qui le protégez,
Innombrables lecteurs qui nous encouragez.
Lorsque de nos brocards ravivant la malice,
Pour la seconde fois nous entrons dans la lice ,
Nous devons vous apprendre à quel but nous allons
Quelle est notre bannière, et ce que nous voulons.
De Télat des partis, si l'on fait son étude,
On ne trouve qu'errenr, désordre, incertitude,
Indicible chaos, qu'à peine l'on conçoit ,
Où Dieu dirait en vain : « Que la lumière soit! »
Par mille opinions la France travaillée,
En mille sens divers tour à tour tiraillée,
Semble un vaisseau perdu, que la mer et le vent
Balancent à leur gré sur le gouffre mouvant.
Pour ramener au port cette épave qui flotte.
Où rallumer un phare? où choisir un pilote?
Les uns, montrant du doigt les plages du passé,
Cherchent à rétablir le trône renversé,
Et pensent qu'il suffit, pour conjurer la lame.
D'arborer au grand mât la gothique oriflamme.
D'autres tournent les yeux vers des bords ignorés,
Où les peuples enfin seront regénérés;
Où le bonheur suivra l'homme dès son enfance;
Où la terre féconde, avec munificence,
A tous les fils d'Adam, sevrés de leurs douleurs.
Prodiguera des fruits, de l'ombrage et des fleurs.
Nous, nous ne suivrons point la bande aventurière
Qui s'élance en avant ou se jette en arrière.
A ceux qui jusqu'aux rois veulent rétrograder,
Nous disons : « Seul, le peuple a droit de commander.
Les monarques s'en vont; le sceptre héréditaire.
Que tenaient fièrement les maîtres de la terre.
Par des sujets majeurs relégué dans un coin.
N'est qu'un bâton moisi dont on n'a plus besoin. »
Aux autres, trop hâtifs, nous crions : « Patience!
Laissez faire le temps, la raison, la science.
Lasse du joug présent, rêvant des jours meilleurs.
Votre âme sympathise avec les travailleurs,
i Et pour changer la part que le sort leur a faite.
Vous bouleversez tout, des bases jusqu'au faite :
Pressés d'échaffauder les systèmes nouveaux.
Dont le plan gigantesque encombre vos cerveaux;
Mais toujours une idée, avant d'être entendue,
En des limbes obscurs reste longtemps perdue.
Lentement elle arrive à se concilier
Des cœurs pour la servir, des bras pour l'appuyer;
Et le temps démolit pierre à pierre, à coups d'ailes.
Des tenaces abus les fortes ciladelles.
REVUE COMIQUE
Voyez-vous l'architecte, à (luelque nionuinenl.
Dès ses premiers efforts poser rentableinent,
Et l'artiste, créant la beauté (]iril médite.
Ciseler en un jour la Vénus Apluodite"? »
Pourtant ne croyez p.A<, ô gens du slafii qitu!
Parmi nos rédacteurs rencontrer de l'écho.
11 faut que le pouvoir, d'une main diligente.
Travaille à nous donner toute réforme urgente.
Et qu'en sa résistance, obstiné comme un ninr.
Il ne combatte pas le progrès déjà mû]-,
Contre l'indépendance armer une croisière,
Tenir les citoyens sans cesse à la lisière.
Opposer auï penseurs des obstacles mesquins.
Tel est l'unique but des faux répu])licains.
Mais nous, nous demandons qu'on marche et qu'on a vanci
La République doit être une eau de Jouvence,
Source vivifiante, où la société
Puisera de nouveau la force et la santé.
Nous vous réservons donc nos plus rudes ci'i tiques.
Confrères de Barrot, eunuques politiques,
Rhéteurs, qui vous paytz d'emphase et de grands mots.
Sans apporter remède au nioiudie de nos maux.
Pour ce que vous valez nous vous ferons connaître ;
Car, sur les libertés, qui s'empressaient de nailre.
Vous avez appliqué votre profane main.
Et remettez toujours les progrès à demain.
Vous c]iii, pleins d'un beau zèle, avec acrinnuiie
L)'unau>lere ijiliiganl blâmiez la tyrannie,
.Maintenant que la roue, en louinant au bavard,
Nous élève à côté du neveu d'un César,
Du char républicain cochers retardataires,
^ ous faites ce qu'ont fait les anciens ministères ;
Comme si de Juillet le monarque vieilli
Présidait le conseil au château de .Neuilly.
D'autres vous tres-eroul des couronnes de cliène ;
Nous votons contre vous dans la lutte prochaine,
Et Faucher sous nos coups doit tomber immolé.
Avec Quentin Reaucbard, Denjoy, Foiild et Mole
Nous combattrons aussi les elforts du pygnue
Qui mène de Poitiers l'astucieuse année :
-Nous nous rexèlirons du casque et du haubert.
Pour délier Crandiu, Herryer, Monlalembert,
Et Bugeaud, qui, bouffi de sa gloire africaine.
Croit pouvoir démolir l'ai-cbe républicaine.
La Conslilulion, voilà noire drapeau!
Couvrons de nos dédains le royal oripeau ;
Laissons à l'avenir les questions ardues.
Qui, dans la foule encore, ne sont pas descendues ;
Et sans examiner ce que les partis font.
Consolidons la forme avant d'atteindre an fond.
E. B.
IKHOMK CVB.VSSOL
.< LA RECHtUClIt m- 1,A MKU.l.l.lHK DES LISTES ELECTORALES.
LE DELEGUE DE LA HAl TF.-r.AUONNE.
0 Cabassol, m'ont dit plusieurs habitants de mon
département domiciliés à Pans, tu es un garçon intel-
ligent, tuas l'habitude des hommes; ton oncle Saint-
Ybars, mort depuis peu en oJeur de tragédie, t'a fiil
donner une excellente éducation ; rends-nous un ser-
vice.
— Parlez, messieurs, poi'lez ; je suis tout entier à
votre disposition.
— Le moment des élections approdie ; la situation
est grave; nous ne voudrions pas faire des choix indi-
gnes de la Haute Garonne; les listes affluent : com-
naent nous éclairer'? la<[uelle choisir? En celle occur-
rence, nous avons jeté les yeux sur loi, Cabassol.
I — Que fiut-il que je fasse?
I — H faut parcourir les clubs, les comités, les bu-
I reaux de journaux ; écouler ce qu'on y dit sur les ean-
1 didals, et nous faire un rapport là-dessus. C'est d'après
I ce rapport que nous dresserons notre liste. Te sens-
tu capable de remplir cette délicate et importante
\ mission?
j — Je suis ])énélré de reconnaissance pour la marque
! de confiance que je reçois de mes compatriotes, et je
j m'efforcerai de la justifier. Comptez sur moi, électeurs
j <le la Haule-Caroniie ; et si jamais il m'est donné de
I vous représentera une Iribiinr plus haute »
i Ici les sanglots étouffèreiit ma voi.x; l'émotion m'em-
j pécha de conlinuer, je me jetai dans les bras de mes
! compatriotes; et je partis, résolu à mourir ou à rem-
i plir la glorieuse tâche qu'ils m'imposaient.
LA RIE DE POITIERS. TOILETTE DE CIRCONSTANCE.
" Faut un peu de rouge, j>as trop n'en faut. ■
Dessiné par Bertall,
Gravé par BaulanT.
REVUE COMIQUE
INK 111-lUF.rSE UENcON'HIK.
(Aiiiiiiie je maivluiis avoc niiiidilé (laus la rue, nie
Jii-isoant vers le comité de la nie de Poitiers, je fus ar-
rêté par un de mes amis, ancien employé au Monl-de-
Piété.
Il Tiens! c'est Cabassol.
— Lui-même.
— Par quel liasaid?
— Ce n'est pas le hasard; c'est bien par un eiVel di-
rect de ma volonté que je suis aujourd'hui dans la
rue. Je cherche une chose des plus imporlanles.
— I^aquelle?
— La meilleui-e des listes électorales. C'est assez
diflicile à trouver. 11 y en a tant.
— C'est vrai ; il y aurait pout-êti'e un moyen...
— Voyons.
— Si nous consultions un somnambule.
C'est une idée ; mais où trouver nu sûiiinaiiil>ule
électoral '!
— Voilà notre aflairc, s'écria mon ami, et il nie
tendit un journal. En ell'et, je lus à la quatrième page :
M. THIERS , SOMNAMBULE rOtnlQUE. CONSCLTAÏlOJiS
DE MIDI A CINO HEIKES. (LUCIDITE GARANTIE.)
Nous monlâmcs chez M. Thiers.
III
UNE SÉANCE DE MAGNETISME ELECTORAL.
L'antichambre était remplie de gens qui venaient
consulter le somnambule. On y voyait des anciens
préfets, des receveurs généraux, des conseillers d'Élat,
des fonctionnaires de tous les genres. Ils venaient lui
demander des conseils sur la meilleure manière de
traiter leur candidature.
Nous attendîmes pendant plus d'une heure; enlin,
notre tour vint.
Le somnambule électoral (lucidité garantie) était
assis dans un fauteuil à la Voltaire ; il se leva à demi
pour nous saluer.
« Messieurs, nous dit-il , je suis le grand Thiers, au-
trefois des Bouches-du-Rhône, maintenant de la Seine-
Inférieure, en attendant d'être de la Seine véritable,
ce qui ne tardera pas à arriver, si j'en crois les pronos-
tics de la science. Vous venez me consulter sur les élec-
tions?
— Précisément.
— Donnez-moi une mèche de vos cheveux.
— Je suis chauve.
— Alors je me contenterai d'un objet vous ayant
appartenu de près, votre tabatière, par exemple, un
vieux bouton de guêtres, un de vos sous-pieds, ou la
mèche de votre bonnet de nuit.
— Pourquoi faire?
— Pour me inellre en communication avec vous, et
vous dire insuile (piel genre de candidats convient à
votre tempérament. Dites-moi votre nom.
— Jérôme Cabiissol.
— Votre âge?
— Quarante-cinq ans.
— Votre état?
— Fabricant de parapluies.
— Votre pays?
— Saint-Ybars.
— C'est très-bien. .Mainteiuint, laissez agir le fluide.
Meiruau, étes-vous prêt?
— Oui, monsieur. J'ai le Constitutionnel elVHis-
toire du Consulat. Faut-il donner à ces messieurs le
grand sommeil ou le petit sommeil?
— Le grand sommeil. Lisez-moi VlJisfoife du Con-
sulat.
Après avoir écouté la lecture de deux ou trois pa-
ges, le grand Th'iers ferma les yeux, et il repoussa ce-
lui qu'il avait appelé Merruau; [luis il reprit d'une
petite voix :
« C'est fait. Vous pouvez me demander ce que vous
voudrez, ou, plutôt, je vais répondre sans que vous
m'interrogiez : la seconde vue m'a révélé vos plus se-
crètes pensées. Vous voulez savoir quels sont les can-
didats les plus propres à l'aire le bonheur de la France ?
— Précisément.
— D'abord, la France ne peut être heureuse que
sous la monarchie. H nous faut un d'Orléans sur le
trône. Prenez la liste des candidats de la rue de Poitiers.
— K\i)liquez-nioi pourquoi. Il me semble que la
monarchie est morte sous un d'Orléans, et que choisir
un autre d'Orléans est une singulière manière de la
relever.
— Vous voulez que je vous explique?... attendez...
je n'y vois pas bien... Ce diable de Merruau ne m'a
pas suflisarament endormi... Revenez demain ; je serai
plus lucide. Oh! là là; l'épigastre... j'ai un mal de
tète affreux... L'épigastre, l'épigastre! »
Il nous fut impossible d'en tirer un mot de plus.
IV
I.'ÉLECTOSCOl'lE.
— Ce somnambule ne m'a guère satisfait, dis-jc en
sortant, à mon ami ; je ne suis guère plus avancé qu'au-
paravant.
— Il faut en consulter un autre.
— Un autre somnambule?
— Non. J'ai entendu parler d'un certain Rerryer
(|iii devine les candidats comme l'abbé Paramelle de-
vine les sources. Allons le voir.
Nous nous rendîmes chez Bcrrycr.
— Messieurs, nous dit-il, après avoir écouté ce que
nous lui demandions, je n'exerce le métier d'e'Iec-
A i;i SACi: DKS CENS SERIEUX,
I tosi-i)|H' i[n'ri\ :iiii:il(iii- cl |miui' rendre service h ma
aniis (|in Mil' Iniil ;i|i{ii'li'i un iiioiiient des éleclioiis ;
iii:iis, dans le I(Mii{is mi nous vivons, tout le monde
doil r.iire Hi'ivii les dons ijn'il n reçus de lu l'iovidence,
ù la défense <le la société menacée. Je vais donc décou-
vrir les c.indidals qui vous sont nécessaires. Frère
Iliancej !
— Me VOICI, monsieur.
— Ma Lcip;uelle de coudrier.
— La Voilà.
— Mainicnant , portez-moi les listes électorales.
.Messieurs, reprit-il, celte baguette de coudrier a la
singulière propriété de tourner tiilre mes pouces si tôt
qu'elle se trouve sur un endroit oii il y a une bonne
liste de candidats. Vous allez en juger par vous mêmes.
Liste (lu romité démocratique et socialiste.
Vous le voyez, la baguette reste immobile dans mes
mains. Cette liste ne vaut rien.
Liste du comité des amis (le la Constitution. ,
Ceci est une liste républicaine; or, nous savons tous
que la France ne peut être sauvée que par la monar-
chie légitime. Elle a seule la consécration des siècles et
des principes. La baguette ne remue pas.
Liste du comité de la rue de Poitiers.
Voyez, messieurs, la baguette! ce n'est plus une ba-
guette, c'est >me roue. Comme elle tourne! conmie
elle tourne! Mous avons trouvé la véritable source qui
peut donner deux mètres cubes de candidats purs et
frais à la minute. Prenez la liste de la rue de Poitiers.
LA DAME HE COEl'll.
A peine dehors, je ne pus m'enipècher d'interroger
mon ami,
A ça, croyez-vous à toutes ces simagrées de ba-
guette, lui dis-je; pour moi, je ne suis guère édifié.
— Ni moi.
— Il m'a semblé que cette baguette était pipée, et
que l'électoscope Berryer la faisait tourner lui-même
sur sa liste. Qu'en pensez-vous?
— Je pense que le somnambulisme, l'élcctoscopie,
sont des inventions modernes dont il faut se méfier.
Tenons-nous-en aux croyances de nos pères; pour moi,
, j'avoue que je n'ai eu, jusqu'ici, qu'à me louer des
I tarots. Si nous allions faire une petite visite à madame
Mole?
— Qu'est-ce que c'est que madame Mole?
— C'est elle qui a succédé à la fameuse mademoi-
selle Lenormand. Elle lui a laissé sa recette pour
trouver des numéros bons à mettre à la loterie, et des
candidats qui doivent infailliblement sortir de l'urne
électorale.
— Je ne veux pas que mes commettants me rc(iro-
ciicnt d'avoir négligé quoi que ce soit pour les éclairer.
Allons chez madame Mole.
Nous trouvâmes une petite vicillarde ridée, sécliée,
ratatinée, proprette au demeurant; elle nous dit qu'elle
n'avait pas toujours fait le métier où nous la trouvions
réduite, qu'elle avait joué un rôle important sous
l'empiie et sous la monarchie de Juillet; que la der-
nière révolution la forçant à utiliser ses petites connais-
sances; elle avait acheté, avec les fonds des amis de
l'ordre, la clientèle de mademoiselle Lenormand; que,
Dieu merci, elle faisait assez bien ses petites af-
faires, etc., etc., etc.
Nous primes le parti d'arrêter la petite vieille, et
nous lui exposâmes l'objet de notre visite.
— Très-bien , messieurs , reprit- elle , très-bien ,
comme il s'agit d'une affaire importante, nous allons
faire le grand jeu.
Madame Mole étala en même temps un jeu de caries
sur la table.
— L'as de pique ! c'est le comité démocratique et
socialiste qui se met en travers d'une bonne liste que
vous devez recevoir. La dame de cœur! c'est la régence
de la duchesse d'Orléans qui vous veut du bien. Si
elle n'est pas contrariée par l'as de pique, la dame de
cœur triomphera à la grande satisfaction de la France,
car ce que nous voulons tous, c'est la régence de la
duchesse d'Orléans. Le valet de carreau! c'est le co-
mité de la rue de Poitiers. Ceci vous prouve que vous
recevrez une bonne nouvelle avant peu, et que vous
volerez pour la liste de la rue de Poitiers. L'as de pique
est enfoncé, ainsi que le dix de trèfle qui représente
une vieille femme qui veut vous embrasser, et ie co-
mité des amis de la constitution. Êtes-vous contents?
Je ne l'étais guère pour ma part, mais je ne fis rien
paraître de mon mécontentement; il faut être poli
avec les dames.
VI
oc JEROME CABaSSOL FAIT IXE REFLEXION.
Une réflexion me vint, et, en sortant de chez ma-
dame Mole, mon premier soin fut de la communiquer
à mon ami.
— D'où vient, lui demandai-je, que M. Tliiers, qui
soutient les prétentions du prince de Joinville ; M. Ber-
ryer, aux yeux duquel le seul salut de la France est
dans Henri V ; madame Mole, qui prétend que tout le
monde veut la régence, et qui, par conséquent, sont
entièrement divisés d'opinion, nous conseillent tous les
trois de prendre la même liste?
— Je l'ignore, répondit mon ami; il faut qu'elle ait
quelque vertu secrète que nous ne devinons pas, car
vous connaissez bien le papa Sourdenville?
— Ce vieux colonel seurd qui joue au trictrac dans
notre café ?
REVUE COMIQUE.
— Précisément.
— Qui voulait couper en quiUro tous ceux qui no
voleraient pas pour Louis-Bonaparte?
— Lui-même. Voilà un bonapartiste curage.
— Sans doute, l'^h liieu?
— Il m\i encore menacé de me couper eu (piatrr, si
je ne votais pas pour les candidats inscrits sur la liste
du comité de la rue de Poitiers.
Orléauistes, légitimistes, régentisles, liouapartisles,
tout le monde prenant la luême liste, il doit y avoir
quelque gabegie là-dessous, m"écriai-je; j'en aurai le
cœur net. Laissant mon ami, que ses affaires appe-
laient ailleurs, et qui n'avait jias une mission aussi
importante à remplir que la mienne, je me dirigeai
du côté de la iiie de Poitiers.
VU
COMITÉ r>E L,\ 1U:E DE POITIERS.
On faisait queue à la porte du comité. Voici quelles
couversations j'entendais.
«Comment! vous voilà, Lapinclieux?
— Tiens! c'est vous, Mufl'olard.
— Que venez-vous faire ici ?
— Et vous?
— J'apporte au comité une commande de cinquante
kilogrammes d'articles contre la Républi(|ue.
— Et moi, je viens me faire solder quinze litres de
contre-poison, que j'ai livrés depuis trois jours.
— Eichtre ! Est-ce que les fonds seraient rares?
— Eh eh ! nous sommes tant de défenseurs de l'or-
dre et de la société!
A chaque instant la queue grossissait. C'était une
véritable procession de gens suivis de commissionnai-
res portant sur leurs crochets des livres, des brochu-
res, des estampes, des exemplaires de journaux payés
au prix coûtant, comme l'Opinion piiblirpœ. Tous ces
gens-là demandaient la caisse à grands cris. Comme je
n'étais embarrassé par aucun paquet, je parvins à j)é-
nétrer au milieu de la foule, et après avoir joué des
pieds et des mains, je pus gagner l'escalier et me trou-
ver bientôt au siège du comité.
Un monsieur chauve et décoré écrivait sur un bu-
reau masqué à demi par des dossiers.
«Monsieur, lui dis-je; je viens pour...
— Je vois à votre accent, me répondit-il, que vous
êtes Gascon. Les Gascons doivent se souvenir du Béar-
nais. Je sais ce que vous voulez. Prenez à droite, cou-
loir Henri, vous trouverez votre affaire.
— 11 ne s'agit pas de M. Henri, mais de...
— Fort bien. Je vois que je me suis trompé d'a'-,-
cent. Vous êtes Provençal. Admirable population ma-
ritime. Ce qu'il vous faut, c'est un marin : corridor
Joiaville ; entrez à gauciie.
— Li marine n'entre pour rien dans mon affaire ;
et si vous vouliez me...
— Vous indiquer la galerie Hélène, rien de plus fa-
cile, mousieui-; vous êtes de ces âmes sensibles et che-
valeres{iues, qui protestent en C cur d'une femme et
d'un enfant ; ce sentiment vous honore. Montez à l'é-
tage supi'i'icur.
— Non, mousieui'; je désirerais
— Mille millions de gargousses ! pardonnez-moi de
n'avoir pas compris [ilus tôt ce que vous désiriez. Vous
êtes un vieux de la vieille. Entresol Marengo ; c'est ici
au-dessous ; vous n'avez pas six marches à descendre.
J'eus bi'aiiidiip de peine à lui faire comprendre que
je désirais (ibleuir, au nom des habitants de la Haute-
(iaronne, pii'si'iils à Paris, quelques renseignements
sur la liste du comité de la rue de Poitiers,
— Bien de plus facile; prenez la peine de vous as-
seoir un instant, l'heure des consultations gratuites n'a
point encore sonné. Lamberl !
Un huissier se leva.
— Qui est-ce qui est de service auj(Uird'liui?
— M. Victor Hugo.
— l'ichlre, miinsieur, les babilants de la Haule-
Gaionne tombent bien. On n'a pas tous les jours des
consultations gratuites de M. Victiu' Hugo, et vous au-
riez b':en pu rencontrer uii Chambolle quelconque.
— Je désirerais surtout entretenir le comité.
— Cela n'est guère possible, monsieur; le comité
est obligé de se partager la besogne, autrement il n'y
suflirait pas.
Le malin, à dix heures, conférences de M. Dela-
maire sur les diverses manières de fabriquer le contre-
poison.
A onze heures, cliniijue de M. Cousin sur le déve-
lopiiement des maladies électorales et la manière de les
traiter, d'après la méthode du vicaire savoyard.
A deux heures, économie jiolitiquc, par M. Achille
Fould. Le professeur traite de la banqueroute.
A trois heures, consultations gratuites à tous ceux
qui viennent demander des conseils et des explications
sur la manière d'appliquer la liste du comité. Chaque
membre est de service à son tour.
Je passe sur une foule d'occupations, et notam-
monl la correspondance. Vous ne vous figurez pas,
monsieur, ce qui nous arrive tous les jours de la pro-
viiue. Ce s'int de milliers de lettres auxquelles il faut
lépimdre ; j'en fais le dépouillement, et ce n'est pas une
pclile alfaii'e. Vous pouvez en juger vous-même par
ces quelques extraits.
Je jetai les yeux sur un secrétaire, et je parcourus le
dossier marqué sous ce titre :
KC.LAIIICISSESIKMTS.
Au Coinili' (II' la rue Je /'oi/icrs.
« Les électeurs de Brives-la-Gaillarde désireraient
« savoir s'il n'y aurait aucun inconvénient, pour le
« quart d'heure, à porter le citoyen Napoléon Bona-
VlAMM I.I.I.ilOUM.I-:
Le* impériaux, le» légitimistes et les orléanistes se livrent à la pêche du goujon électoral, pendant que Tircis-V'éron joue d^la flûte sur la rive
fleurie de manifestes de la rue de Poitiers. — ApVès avoir amorce avec un engin
mélangé d'ordre, de liberté et d'union à la façon de ces messieurs, la mère Mole vient de piquer un goujon.
Les principaux personnages que vous apercevez sur la rive fleurie attendent impatiemment le résultat delà p^che.
S'il y avait beaucoup de goujons pris, on l
mettrait dans la réserve du brochet royal
pour en faire des goujons-électeurs-mudèles.
un bocal pour les voir fonctionn:
loisir pou: les menus pla-sirs de S. M.
et de LL. AA. RR.
r>e la réserve et du bocal à la poêle à frin
il n'y a que la main.
G.-and bauquet définitif où les goujo
Dessiné par Kadard.
cteurs-modèles auraient l'honneur d'être croqués par les brochets royaux, s'ils tenaient à cet honueur
— mais ils n'y tiendront pas.
Gravé par Bailant.
REVUE COMIQUE
I parle el le citoyen ïartempioii. 11 semble au comilé 1
de Brives-la-Gailiarde que le piemier de ces can li-
; dats suit dei)uis quelque temps une marche assez tor-
( tueuse. Donnez-nous quelques cclaiivissements à cet
t égard a
liéponsc du Condt>'\
« Il ne serait guère prudent de nommer en ce mo-
i ment le citoyen Napoléon Bonaparte. Sa conduite
( donne beaucoup de chagrin à ses parents. On en est
< fort mécontent à l'iîlysée. Voyez, du reste, ce que
;( vous -avez à faire; nous r.e prétendons en rien gêner
;( votre liberté. Quant au citoyen Tartempion , nous
;( croyons pouvoir vous dire, tant en notre nom qu en
a celui du gouvernement, que son élection ne nous pâ-
te rait devoir gêner en rien la politique générale que
I nous soutenons. »
Au Comité de la rue de Poitiers.
« Les électeurs de Carpenlras, avant de porter leurs
« suffrages sur le citoyen Napoléon Bonaparte, croient
« devoir consulter le comité sur ce choix. On dit que ce
« jeune homme vise à fonder l'Empire démocratique et
« social. Les mêmes électeurs pensent que le comité
« ne verra pas d'inconvénient dans le choix qu'ils ont
« fait de M.M. Falenipin, Bourbousson et Caslil-Buloz,
« diiccteur de la Revue des Deux-Mondes. »
Réponse du Comité,
a Nous ne ■»'bus dirons pas : ne nommez pis >apû-
11 léou Bonaparte; mais, si vous le repoussez, vous ferez
(c bien. Entre nous soit dit, c'est un homme dangereux.
K Le comité verrait avec plaisir MAL Falenipin et Castil-
« Buloz à la Chamhre. Il serait enchanté d'y retrouver
« l'aimable Bourbousson. »>
Au Comité de la rue de Poitiers-
a On prétend à CasleKSarrazin que M. Napoléon
« Bonaparte se moiiuo partout de son c nsin le Prési-
M dent, et qu'il est allé dans un dîner juscju'à lui lancer
V des boulettes de mie de piin au visage. Une piclie-
« nette sur le nez passe encore, cela se fait entre cou-
« sins, mais des boulettes! Devons-nous le rayer de
« notre liste, et le romplacr par Barbanclui ?»
Réponse du Comité.
a L'histoire des boulettes est apocryphe ; mai» il y a
« du mic-mac dans la famille. Nous ne pouvons vous
• « dire qu'une chose : nommez Barbanchu.»
VIII
J'allais continuer ma lecture, lorsque l'huissier vint
me dire que M. Victor Hugo était prêt à me recevoir.
Le grand poëtc (les journaux le désignent toujours
ainsi) me lit asseoir avec bonté. Je lui dis que j'étais le
délégué des électeurs de la Haute-Garonne domiciliés à
Paris, et que, m'étant mis à la recherche de la meil-
leure liste électorale, j'étais bien aise de savoir comment
les légitimistes , les bonapartistes, les orléanistes, les
Î.A VIX PUBLIQUE ET PRIVÉE SE MOSSIEU RÉAC.
CllAP. VU. — Les machinvchsmcs rie mossieu Rè,ic.
e fondant ^'.r r-.v*. f:x ■■ i-'. ^i '
Eéac, assisl.- du jeune Ansio. va dire partout
que le Gouvernennent provisoire est un voleur;
qu'il a payé ses huit cent mille fraccs de det-
tes avec l'argent de la caisse d'épargne, et
qu'on fait, ârbôteldevîlleet au Luxembourg,
des or^es à re^er sois la table.
Il ne néglige pas d'ajouter, auprès des paysans,
que les républicains «ont tous des parttig'ux,
qui veulent tout en commun, même les pay-
ée procédé, qui consiste à parcourir les rues
en criant : A bas tes communitlttl
A I, TSAiii', in:s (;r..\s skiîiimx.
9
ri'gi'iilislcs st> Iruiivau'iit d'aicuiil |iiiiii' n'coiiiiiiaiiilcr
li'S iiièincs Ikhiiihcs.
M. Vutoi 1Iiil;.p rcjclii ses cheveux en anièic, mit sa
main j;auilii' il.uis IV'cliaiu-riirc de son gilet, et me l'é-
pondit :
« Yuiei ee (in'dn l'iiliiid mm- l.i Moiituyiie au sujet des
candidats de la rue do Poitiers. Il n'y a que den\ laces
dans l'ail ; le dcame cl la tragédie, deux formes de
gouvernements, la répidjliiiue et l.i nionarcliie. I.e
drame, c'est la monareliie; la tragédie, c'est la ré|ni-
Idiqiie. htes-vous pour le drame ou poui- 1 1 trayédie?
1« est toute la question.
J'ai dit que la r('|)ulilii|ue e'élail la tragédie.
M 11 eliel :
La républic]ue se compose de trois choses : le prési-
dent, l'assemblée, le peuple.
La tragédie compte trois choses également ; 1 expo-
sition, le nœud, le déiioûinent.
Liberté, Kgalilé, Fraternité.
Tirade, Songe et Uécit.
La république est terne et froide comme la tragédie.
La monarchie est splendide comme le drame.
Mais il y a une monarchie à créer.
C'est la monarchie à la fois drame et é|)opée : pitto -
resque, mais poétique; réelle, mais idéale; vraie, mais
grande, qui enchâssera Louis XIV dans Napoléon.
C'est ce qui explique la liste de la rue de Poitiers.
— Mais cela n'explique pas, dis-je en l'interroin-
pmt, pourquoi cette liste plaît également aux légiti-
mistes, aux orléanistes, aux bonapartistes, à tous les
gens, eiilin, (|u'oii siju|i(;()iine de n'avoir pas une affec-
tion bien vive pcjiir la Képiibliipic.
— Ave/.-vons jamais éeoutii ce que la vague dit à la
grève'.'
— Niin, ii'|)oudis-je à M. Victor Hugo, jamais.
— Ce qui' le papillon dit à la lleiir?
— Non.
— Ce que le r.iyon dit à l'étoile?
— .Non.
— Ce ipie le vent dit à la \ieille toui ?
— Non.
— Ce cpie le Vaeqneiie dit à l'/ùy-ifiiieiU?
— Non.
— La v.igiie, le p.ipillon, le raym, le \enl, le Vac-
qnerie, tout cela dit à la grève, à la (leur, à l'étoile, à
la vieille tour, à V Evénement, que la liste de la rue de
Poitiers est ce qu'elles préfèrent. Pounjuoi les orléa-
nistes, les bonapartistes, les légitimistes, ne feraient-ils
pas comme la création tout entière?
— Les républicains ne font donc pas partie de la
création?
— Crande question !
— Pourquoi n'y a-t-il point de républicains sur la
liste de la rue de Poitiers.
— Question profonde !
— Pourquoi M. Thiers vole-l-il comme M. Rerrvcr,
et aM. Cousin comme M. de Montalembert?
— Question immense !
II me fut impossible d'en tirer davantage de M. Victor
Hugo. Je lui tirai ma révérence, de plus en plus emhar-
IiA VIE PUBI,IQU£ XT PRIVÉE DE MOSSIEU RÉAC.
Chap. vn. — Les mnch^nvélismcs de mossieu R.ac.
Ci.iit iiuatit son petit système,
mosîieu Réac, officier de la garde nationale,
pour rétablir, dit-il, la tranquiUitê,
fait battre le rapp?l tons les jours à quitre lieu'es du ]
mossieu Héac casse un bocal qui contient de; poissons
de cette couleur.
10
UF.Vli: COMIQl F,
rassée sur ce inie Je iéi)oinlriiis à mes toiimiellints
la Haule-Garoiine.
IX
l.KS C.VNniliAr^ 1>1' l'I lU.MllMlE.
Coinnic je traversais le hiiieau aux éclaii'cissenioiil-;.
je vis défiler dans la galerie une lons:ne procession de
gens avec des cierges allumés.
— Qu'est-ce que cela? deinandai-jc au secrétaire.
— Ce sont des fidèles qui se rendent à neutre cha-
pelle, placée sous l'invocation de Notre-l)ame-de-F.ui-
cher. Ces pèlerins, que vous voyez maintenant si iii-
gan)l)cs, se trouvèrent, il y a un an à peine, c'est-à-dire
à la révolution de Février, perclus de gouttes, de
rhumatismes, de sciatiques. On avait liquidé leur
pension de retraite, et ils se voyaient relégués pour
jamais dans le corps des invalides administratifs, lors-
que, par un simple attouchement, M. Léon Fau-
cher les a guéris. Vous n'ignorez pas sans doute que
ce grand ministre a reyu de la Vierge le don des mi-
racles. .\ussi le comité a t-il consacré une chapelle à la
mère de Jésus, sous le nom de Notre-Dame-de-l'"auclier.
Cette procession est faite pour implorer les bénédic-
tions sur les candidatures des préfets, car ces inlîrmes
sont maintenant assez guéris pour courir les départe-
ments qu'ils administraient, et y travailler la matière
électorale à leur profit.
J'entrai dans la chapelle.
MM. Cousin et Rémuzat, habillés en enfants de
i-lni'ui-, servaient la messe. M. ïhiers oITiciait sa
doiile, mais je ne pus pas le distinguer.
J'.iju'rçus une assez grande quantité de troncs dans
la chapelle:
Tronc pour l'œuvre de la rédeniiitidii des socialistes.
Tronc pour les royalistes honteux.
'l'ninc pour la pi'opaaatioii de l'ieiivre de la nie de
Poitiers.
Comme je sortais de la chapelle, on me dit, en me
tendant le goupillon : «N'oubliez pas les pauvres can-
didats du purgatoire. «
Je donnai deux sous et je m'en allai foi-t intrigué.
Que signiliaient ces mots : Candidats du Purgatoire'?
L'homme aux éclaircissements me lira encore une
fois d'embarras :
« Nous appelons candidats du Puigaloire, me dit-il,
les malheureux qu'en raison des circonstances nous
sommes obligés de laisser dans les limbes. Tels sont :
MM. Guizot, Diichàtel, Salvandy, Hébert, Cunin-Gri-
daine, etc., elc. Nous faisons célébrer tous les jours
des messes pour le rachat de leurs péchés, et afin
qu'ils puissent entier liientôt dans le paradis électoral.
Ainsi soit-il. .\men. n
— Qui m'aurait dit, pensais-je en me retirant, que
moi, Cabassol, je donnerais un jour deux sous pour
faire dire des messes pour M. Guizot! Une faut jurer
de rien en temps de révolution. Mais ce n'est pas
tout. Que vais-je répondre à mes commettants, quand
ils me demanderont quelle est la meilleure liste élec-
torale ?
I.A VIE PUBLIQUE ET FKIVÉE DE MOSSIEU REAC.
Le temp
moaaien Reac pojs '- ;i iv
candidature.
lise présente dans une réunion topulaire.
OBle titre d'ouvrier, poureolever tes suffrages.
Heconnu par quilque» assistants.
et EomiBé de s'expliquer.
Il dit qu'en effet il est ouvrier, — ma
ouvrier rentier.
A L'USAGE I)KS GENS SftKIICUX.
il
J'ai ou iH'iciiiis un iii,i;;ii(Hisiiu',
A la liagiicllf lie c Ii ifi-,
An joii (le c.ii'lt's,
Kl aucun (le tes iuo\i'iis ne m'a ii'u^si. J'.ii cini-ulli'
1111 grand pot'lo, cl je n'iii |)as C(jni|iii> un mMiI uml a
ce qu'il m'a dil. Que t'aiic'.'
Je 1110 st>u\ins alors ([u'il y avail dans niuii (|n n licj
un coniilô hdiiaparlisle au(|uel je pourrais ilcMnan<lcr
«inoliinos roiisei^'ncinenls. J'y courus.
X
COMBIKN I)K BONAl'AKTISMKS l'Kt\ KM SE MCIIEU lUNSLA
i:FII\K1I.K llKS MO\l\lE,>.
La (liscnssicin élail des plus auinu'es quand j'enirai
dans le clnli.
— (hii, ciliiyens, s'ccriail un orateur, Lucien, seul
de lous ses frères, a compris la pensée de IF-nipeieui-.
Ralijons-nous au fils de Lucien.
— Je souliens que c'est Jérôme. L'Lmpereur la dil
à Sainlo-Hélèiie : « Jérôme .seul ma compris. » Nom-
mons le lilsde Jérôme.
— J'aflirme que rLuipereur a dil, en ISI."), à un
sergent de la garde qui me l'a répété : « .\li ! si lous
mes frères avaient été comme Joseph, nous ne serions
pas où nous en sommes. » Noiiimons le liU de Joseph.
— il n'y en a pas.
— Niunmons alors son neveu.
— Kl Louis! Qu'est-ce tpie iiiois l'ai>(>iis du luave
Louis'.' V.iilà le véritahie frère de rKiu|,ereui-! Nom-
mous le lils de Louis.
— Il est présidenl i\<: la l'u'piildiqiie.
— (.'est égal, tiomiuoii>-le li.ujuuri.
— Vi\e Lucien '.
— Vi\e Jose|)li I
Vive Ji'iriiiie I
— Vive Louis!
(»ii allail en venii- au\ coups, |,.i>iiue je [ins le sige
parti de m'esquivor.
Je me rendis encore dans deux aulres cliihs, ou plu-
tôt dans deux comités électoraux; car je vis hieii que
l'on disciilait des questions que l'on n'aurait pas osé
soulever à la Irihiine d'un cliil).
Le premier de ces comités était orléaniste.
— La régence a les sympathies de la l'rauce. U
duchesse d'Orléans csl le .seul menihie de la famille
qui soit resté po|)ulaire.
— Kl Joinville'?
— Joiuville est sourd. J'aiiue mieux d'Aumale.
— Je préfère Montpensier, il nous ap|)orlerail l'al-
liaiice de l'Kspagne. D'Aumale est un hou soldat,
mais il n'a pas d'inlelligence.
— S'il vous faut de rinlelligence, prenez alors la
duchesse d'Orléans.
— Jamais. C esl une amhiliense. Elle a t'ait une op-
position perpétuelle à Loiii,s-|'lnli|)pe. C'est elle qui
esl cause de tout ce qui esl arrivé : elle v(uilail régner
à la place ilu roi.
— Allons donc!
LA VIE rUBUQCX XT PRIVEE SE MOSSIEU RÉAC.
Chap. vu. — T.ei mnchiavélismei ilt mossieii Rinc.
'cruLate:;r au dt;p ..u...tuit:iit des votes électoraux , mossjeu Réac dé-
couvre ce jour-U qu'il a la vue très-basse; et, en conséquence, il ap-
pelle le nom de Thiers toutes les fois qu'il trouve celui de Thoré.
rcus ces petits moyens triomphent, et mo.ssieu Réac fait son entrée :
à la Chambra.
{La suite h la prochaine livraison.)
14
REVUE COMIQUE.
-fO
M. LE MARytlS DE LA ROCHEJAQUEI.EIN.
Cel bomme, au nom fameux dans la guerre civile,
Fut peint en Février près de l'Hôtel-de-Ville.
Si vous ne trouvez point son portrait ressemblant,
C'est que le royaliste alors n'était pas blanc.
Aujourd'hui, Vendéen de la sliicle observance,
Il voit dans les Bourbons lus mailres qu'il nous faut ;
Mais peul-il èlre vrai dans tout ce qu'il avance,
Lui qui connaît si bien le niaiiui;e Duphot?
Deuiiié par Nai>ar[]
Grav^ par B»ul.
I centiiiii'f.
DtJMIIUEBAT. ÉDITEPR, BUK RICHEI.IKU, 53
27' Livraison.
/ \\ j fr)?
ro:SDlTIO>S DK LA S01SCRIPTI0\. — La Revue comiqve to
0 centimes. Le premier Tolume, composé des i5 premières I
second voUime parait en livraisons. Oo souscrit, i-our ce \olumi
1 deux volumes gr.nrd in-S", publiés en nO livraiso s à 30 cenlimes. par la poste
,-clieve le 28 arrH 1849. Prix de ce volume : 7 fr. 50 c„ par la posi» 10 fr. Le
paykbt? fr. OU c. pour Paris, et 10 fr. pour les départements.
Le premier volume de la Revie couiqce, renfermnnt environ .500 caiicalurcs politiques, esl orferl moyennant 5 fr. aux nouveaux souscripteurs
lui n.iveront la souscription au tome 2. .\insi, en iiavain 12 fr. 5u c. pour Paris, el 17 fr. 50 c. pour les départcmenls (y compris 2 fr. aO pour
te port franco du volumel, on reçoit immediatemriit le premier volume, puis successivement les livrai'oiis du second. Les demandes des ile-
parlemenls doivent ^ire accompagiicos .l'un mandai sur la posle â l'urdc de M 1
AUX SOUSCBJtPTEOaS DE tA BEVUE COMIQUE
I e premier feuillet de -haciuc livraison, reproduisant uniforinémeut le dessin de la couverture, doit
être enlevé à la brochure. - Alin de varier le verso de ce premier feuillet, sans toutefois y insérer nen
d'important, dont la suppression aurait queUpie inconvénient, ce verso, à raveu.r, sera occupe par la
crre^pondance de la Revue, par des annonces drolatiques, ou quelque autre sujet accessoire en dehors
de notre cadre; de telle sorte que lorsque les souscripteurs réuniront en volumes la collection des livrai-
son.^ ce feuillet, enlevé, ne supprimera aucune partie intéoraute de rouvrage. Le dernier feuillet de la
coum-ture, formant la dernière et ravant-dcruière page de chaque livraison, devra être relié avecTou-
vra"-e complet, dont il ne peut être détaché.
AU ROI DE P£USSE.
i ' _j:iace de kBo,ui3.
U- pr,-mier volume de la Rerw Comique, renfermant environ
500 caiiciilures iio;iliiiues, est offea moyennant 5 Ir. aux noii-
veaux sciiscnoteurs qui p^iyeroni la sous.-nrii^n au lome .2
Ain.i, en payant 12 fr.' 50 e. pour Pans, et 17 fr 50 c. pour les
déparlemenls (y compris '2 fr. 50 c. pont le |.oci Irani-o du vo-
lume! on recevra immédialeinent le premier volume, puis suc-
cessivement les livraisons du second. Les demandes des dépar-
tements doivent être accompagnées d'un mandat sur la puste a
l'ordre de M. D.iminerav. Messieurs les libraires des départe-
ments 5..nt ésdlement prié, d'adresser, à Tavenir, leurs man-
dats à l'ordre de M. Dumineray, M. de G.ision etint artuelle-
menlj.par suite de modifications dau, radinm.stralîon, eatie-
lemeLi. étranger à la Reçue Comique
MâNÉGE LEBLANC,
42, Faubourê-Monmar'ire,
VtîEllLMS b'UUlllIES
PrisFue.
CORUESPO.VD.^NCE.
SOCIÉTÉ 1
BORDELAISE -BOUGUIGNONNE
dM.Vt.a'cS'f-.a.'SH..''", 11.
\ M. c C.
nt'' N.-S.-G., 57.
- Les eveiieiiieuLs piililiipie
mar-
toLrc uriicle se Lrouv
i aujuurd'liui llors de saison
Quant
iiix proposition.
que vous noUâ adre
=SC2, elles serout Tobjel d
"" ""
A M. Niv.,
à Arras - Les é
e.liou! parisiennes répond
ront à
voire i.bserialiii
11.
A M. A. Q.
0 Paris. — .N'eus
avons reçu voire Dialogu
E d'un
si'rgciit /nrn
içitts el de son inje
rieur. Le cadre esl un peu
dans la lUVCE. La sepliéi
Trime.
esl .i.»e..êe la.,
leur coiiiOel no
l'it d'une maniè.-e llei
is parait iiti'e celui-ci
reuse, laiilol forcemenl. L
meil-
Cesl du joli 1 pour
un troupier.
Tu pa.les eu jes
Ile;
Nuus alleu.- faire ui
be.iu inelier,
Melire le dial.le
en luile;
Au lieu de l.iml
ours.
Otiu' les discou
>
mm iti soiR
d'octobre a avril.
SÉANCES POCB LBS DÀHES
de II h. \lih 2 h.
COfflESTIBLES.
Polel-ChcL-'., r. Vr.'ismie, 27
Primeurs •^ ^ Couscrv.s
En fait de i
No
de la Trappe ;
Que les soldais du Pape !
A M.K....CU, ù Loc-Muiia-Ker {Morbihan)
ni n'en de quêt lieinb ra:s<
collet quel calon. TCil dra-
i. HiCî liou peèt un laïuiq palienta-d
liaduu qitJl.
BAINS CHAUDS DE LA SAMARITAINE.
Vins de BoBDEACX et de BotRi'OG:<E,
i 39, iu et 511 cent, la bout.
110. 150 el HO francs la piice.
Vins SOPBRIBCRS à 50 el 75 c. la bout.
175 4 Î05 fr. !.. pièce.
Vi!is ri!i» de I à 6 froBcs la bouteille.
de toutes espèces.
Bateau sur la Seine, quii de l'Ecole, près le Pont-Neuf,
^,.^ „„. __ lèles chautesll!
Chci l'inventeur, M. Leopotn LoB,
cbimiste, rue Saiiil-Honoré, 281.
Flacons i 3 et 10 fr. En prenant poui
10 fr.. on reçoit paixco.
JÏ^hSi PLEYELETC"
OBmfi CUOll
de
PIAXOS
de
W 1. le. seore..
Suctaisilti
I lïÀim tl i LiUt.
pi.%:\o uuuii
MARIAGES.
Mon.
DiKC'iiÉrioM
UIStCUCTIOM
Magasin rue (^rangc-Baiellère, I.
ih, rue d'Engltleii. affrauchli-.j
• ..'...a. I.. 1 âiiiiiiKs Kl f'iiur. rue DuinieUe, -.
Tire aut presse, iiiecaiiiqiiei de LALiiAlii'i-. kii-iimi.
LES MILLE ET UNE PEURS DE M. HÉAC DE LA JOBARDIÈRE
PENDANT LA SEMAINE Qll VIENT DE S ECOULER.
— Toinon, s'écria M. Réac de laJobardière, en ren-
trant chez lui d'un air effaré, fermez les portes et les
fenêtres. Allons vite, est-ce fait?
— On y va, net' maître, on y va !
— Si on sonne, gardez-vous d'ouvrir. Donnez-moi
mes rasoirs.
— M'sieu s'est fait la barbe ce matin.
— C'est pour raser mes moustaches.
— M'sieu sait bien qu'il n'en a pas.
— Je ferai tomber mes favoris.
— M'sieu n'en a jamais porté.
— C'est égal, il faut que je me déguise. Ah! Toinelle,
il me vient une idée! vite, déshabillez-vous.
— Mais, m'sieu.
— Je me déguiserai en cuisinière. Refuseriez-vous
de sauver votre maître, Toinon !
— Mais qu'y a-t-il donc, not' maître; qu'y a-t-il
donc ■?
•^ Il y a ime coalition organisée pour renverser le
ministère sur la question italienne; le ministère ren-
versé, on s'attaquera au président lui-même. Les anar-
chistes n'attendent plus que ce moment pour relever
les barricades de juin. C'est M. Léon Faucher qui l'a
dit à un représentant de mes amis. Nous sommes
perdus, la chose est sûre. Mon nom me désigne d'avance
aux vengeances du comité de salut public. Toinette,
prête-moi tes habits, je quitterai Paris en costume de
femme. Ah! Toinon, il est trop tard.
— Pourquoi donc, not' maître?
— Entends-tu ces cris?
— Parbleu !
— On proclame sans doute les suspects; écoute si
mon nom n'est pas sur la liste.
C'est Pierre, votre vendeur habituel, qui crie les
numéros de la Patrie, n'entendez-vous pas? Tenez :
« Achetez la Patrie, résultat du vote de l'Assemblée ;
«plus de deux cents voix de majorité pour le ministère;
« achetez la Patrie, achetez ! »
— Dieu soit loué ! s'écria M. Réac de la Jubardière,
la coahtion est vaincue; nous pouvons dormir tran-
quilles celte nuit. La France est sauvée !
II
— Toinon, mon enfant, approchez.
— Me voici, m'sieu.
— .\i-je toujours été pour vous uu bon maître?
— Oui, m'sieu.
— .Vvez-vous quelque chose à me reprocher?
— Non.
— Vous ai-je toujours tidèlement payé vos gages?
— Oh I oui, m'sieu.
— Eh bien ! Toinette, levez la main.
16
REVUE COMIQUE
— La v'ia.
_ Jurez maintenant que vous ne me dénoncerez
pas.
Je le jure, foi d'honnête lille.
_ Fort bien. A présent je vais soulever cette tapis-
serie et ouvrir une porte secrète; ceci fait, je m'nitro-
dnirai dans une cachette que j'ai fait pratiquer dans le
mur. Vous viendrez tous les jours m'apporter de 4110.
manger. Si quelqu'un vient, vous direz...
Que m'sieur est sorti t
— Cela ne suffirait pas.
— Qu'il est en voyage?
— Mieux que cela. Tu diras que je suis mnrt du
choléra. Avant d'entrer dans ma cachette j'éprouve un
besoin. Toinon, il faut que je te bénisse ; tiens je te
bénis. .
— Ahl ah! ah! ah!... quoi qu'il y a ddiic, qu U
faut que m'sieii me bénisse et qu'il suit mnrl du clio-
léra?
_ Ne pleure pas. Tonton, ne pleure pas , tes larmes
pourraient être un crime aux yeux de nos tyrans, lu
veux savoir ce qui arrive '?
— Oui, nol' maître.
Tu sais bien ce grand ministre pour lequel je t'avais
recommandé de prier matin et soir.
— M. Léon Faucher";
— Lui-même, ïomette, lui-même. 11 vient d'être
obli-é de donner sa démission. C'en est fait du gouver-
nem'ent, c'en est fait de la famille, c'en est fait de
la propriété, c'en est fait de la société tout entière;
l'anarchie a triomphé; lui seul retenait le torrent. Ah .
ciel ! Ah ! grand Dieu ! que viens-je d'entendre?
— Quoi donc ?
_ Ce n'est rien, j'avais cru entendre une explosion.
Faucher parti, quoi d'étonnant que la société secrMe
des bombardeurs se livrât à ses exercices? Tu as lu la
Ga-Ptte des Tribunaux, Toinon, et tu sais que les éter-
nels ennemis de l'ordre se sont organisés en une foule
de sociétés secrètes.
« Nous avons d'abord la société des bombardeurs,
destinée à faire sauter les principaux édifices.
« U société secrète des brûleurs, qui se propose d in-
cendier les études de notaires, d'avoués, d'huissiers,
les archives, le registre des hypothèques, en général
tout ce qui renferme des titres de propriété.
a U société secrète des fusiUeurs, dont le but est de
fusiller tons ceux qui ne partagent pas le= idées de
M. Cabet ou Pierre Leroux.
a La société secrète des pilleurs.
a la société secrète des égorgeiiis.
a La société secrète des étoiilVeurs.
a La société secrète des empoisonneurs.
a Lesquelles reçoivent le mot d'ordre il'nn gouver-
nement qui porte le nom de : Comité d'exterminalion
générale.
« Je dois être désigné aux vengeances de ce comité
comme ami d'un ami de M. Léon Faucher. On frappe
à la porte ; vite dans ma cachette , et toi , Toinon, ne
manque pas de dire, aux sectionnaires qui vont se pré-
senter, que je suis mort du choléra. »
III
— Paii, p;in, p:iu.
_ Qui va là ■;
C'est moi, m'sieu. Je vous apporte votre déjeuner
et vos journaux; avez-vous bien dormi dans votre ca-
chette?
Dormir, Toinettel comment veux-tu qu'on dorme
dans des temps pareils. Cris, tumulte, explosion, voilà
ce que j'ai entendu toute la nuit. Personne ne s'est
présenté, Toiiietle?
— Non, m'sieu. Attendez, si...
Des hommes avec une carmagnole et une casquette
en queue de renard.
— Non, un individu qui portait une veste en ve-
lours vert; il tenait un papier à la main.
Sans diuite un huissier du tribunal ré\olution-
nrire : que lui as-tu dit, Toinon?
Que vous étiez mort de choléra, not' maître.
\ merveille. Es-tu descendue dans la rue, Toi-
netle?
P.irdine, comme tous les matins.
lu a vu sans doute une cioix ronge au-dessus de
la porte.
— Non, iirsieii.
Klle doit V être pourtant. Je ne puis manquer
d'avoir été désigné à leur fureur. Ils viendront tout à
rheiire faire une visite domiciliaire ; lisons mon journal
en attendant. Que d'horreurs il doit contenir! Je vais
apprendre que ce mallieuivux Léon Faucher a été
massacré par unv populace eu délire, et que sa tête,
placée au houl d'une pique, a été promenée dans tout
Paris. Ali ! ciel .Toiiiou I
— Quoi ipril \ a. nol" maître?
— Sais-tu lire?
Pargué, vous le savez bien.
Lis-moi le nom qui e-^t au li;is de cette lettre.
— Denjoy.
Je ne m'étais pas trompé! Lis la lettre tout en-
tière, Toinette; qui aurait jamais cru que les choses
tourneraient ainsi!
.41 iitiiM.TF.rii F.N iiiKF IM Jdurniil '/(•.-.■ Ilélints.
(I Monsieur,
«Nous avons sacrilié Léon Faucher aux rancunes de
ses adversaires et des nôtros ; c'est une infamie !
uM. Léon Faucher est l'homme le plus liontiéte, le
ministre le plus pur qui soit au monde.
BÉVE D UN HEACTIONNAIRE.
Nouveau Louis XIV entrant tout botté et éperonné dan» le parlement
Ce qu'on désire.
Frein gouvemcmenul.
Ce qui pourrait bien arriver.
Detsiné par Nadard.
GraTé par BArLAST.
IS
REVUE COMIQUE.
a On ne peut lui roproclier que de trop grands scru-
pules.
aLa constituliou ne défend nullement d'envoyer des
dépèches télégraphiques dans les départements et de
faire connaître aux électeurs le vote de leurs représen-
tants.
a Pour moi, loin de blâmer M. Léon Faucher, je le
loue formellement, et je demande pour lui une récom-
pense nationale, bien décidé, quoi qu'il arrive, à rester
son tidèle Greppo pour la vie.
9 Oenjoy. »
— Puisque le Journal des Débats insère de pareilles
lettres, c'est la preuve que le pays n'est point complè-
tement livré aux mains des terroristes comme je le crai-
gnais. Toinon, vite ma douillette, il faut que j'aille
prendre un peu l'air et me remettre des alarmes de la
nuit.
IV
— Ce cher Mufflambert.
— Ce digne Piéac!
— D'où sortez-vous donc.
— De chez moi, parbleu.
— Quelles nouvelles?
— L'intérieur ne va pas trop mal, mais rextérieur..
— Vous voulez parler de l'expédition d'Italie.
— Précisément, mon cher Réac, précisément.
Croyez-vous que nous ne viendrons pas à bout
d'une poignée de brouillons, surtout si nous sommes
appuyés par les Napolitains et les Espagnols?
— On dit qu'Oudinot n'est pas très-fort.
Mais Gonzalve de Cordoue, qui commande les
Espagnols, est un grand capitaine. Il a fait investir la
ville du côté du généralife, et il s'est déjà emparé de
l'Âlhambra, malgré une vigoureuse sortie des Abence-
rages de Garibaldi. Les Maures républicains seront
chassés de Rome, et leur roi, Ben-Mazzini, ne tardera
pas à tomber entre nos mains.
— Et les Hongrois?
— Est-ce que ça existe, les Hongrois? Lu Journal des
Débats affirme que Kossuth est un mythe. S'il n'y a
que les Hongrois pour renverser l'Autriche Ce n'est
pas l'extérieur qui me préoccupe, c'est l'intérieur.
Heureusement que nous n'avons pas trop à nous
plaindre de ce côté; avez-vous lu la magnifique lettre
de M. Denjoy en faveur de M. Léon Faucher?
— Non.
— Lisez-la; elle vous prouvera mieux que toute
autre chose les progrès qu'ont accomplis les idées d'or-
dre et de modération. Après une telle manifestation ,
il n'est plus permis de douter du triomphe définitif de
la raison en France. Demandez plutôt au citoyen Trot-
tenville qui s'avance.
— Messieurs, tout est perdu.
— Que se passe-t-il donc, mon cher Troltenville?
— Croyez-moi, mon cher Réac, et vous aussi, mon
cher Mufflambert, il n'y a pas un instant à perdre, fi-
chez le camp, émigroz. Il y aura des vengeances terri-
bles. Les rouges triomphent. Vous savez sans doute la
nouvelle?
— Quelle nouvelle?
— Boichot est nommé.
VI
— Ah ! ma pauvre Toinon ! Ah ! si tu savais, Toi-
nette!
— Qu'avez-vous donc encdie , nul' maître? Vous
voilà pâle comme un déterré.
— Tu sais Boichot?
— Eh bien?
— Il est nommé! L'armée va se mutiner et procla-
mer Greppo empereur : nous serons obligés de vivre
sous le règne de Greppo 1"'. On va ordonner une levée
en masse, et nous partirons tous pour la campagne de
Russie. J'irai là-bas m'endormir sous la neige, et le
tambour ne me réveillera plus.
— Mais, m'sieu , vous pouvez acheter un rempla-
çant.
— C'est vrai, Toinette, je puis acheter un rempla-
çant. Je vais de ce pas me faire inscrire dans les bu-
reaux d'une compagnie d'assurances. Merci , Toinon ,
c'est ton idée qui m'a sauvé.
Vil
— Déjà rentré, not' maître?
— Toinon.... Toinelte !....
— Pourquoi tremblez-vons ainsi?
— Il est nommé !
— Boichot? vous le saviez déjà.
— Pire que Boichot.
— Qui donc?
Ledru-RoUin. Nous voilà revenus au temps des
circulaires. Louis Blanc rentrera bientôt au Luxem-
bourn-. Les chefs du gouvernement vont se gorger de
sang et d'ananas ; on va faire de la purée d'aristocrates
et des compotes de bourgeois, qu'on servira dans leurs
festins.
— Mais, not' maître, M. Tbicrs aussi jjcut être
notnriu'.
— C'est vrai.
— VA M. Mole pareillement.
— En effet.
A I/USACE DES GENS SI;;UIF:IIX.
10
— M. TliiiTs (>t M. Mule sont bien plus qup siiffisaiil-'
pour ('iiip("'(lu'i- I!nl(liiit de |)mcl.itii(>r Ciicppo I"' cl
I.i'dni-Unlliii lii" fiiic (■niili'flioiiMiM' lii'-; piui'i's d'.ii-is-
Incratcs.
— C.i'ilt' liilo l'sl (k'cidi'iiienl ploiiio de sens, loi-
iicltc. Ion liiisonncnicnt me iMssme; je vais de ce pas
sur la place de ri!o(cl-de-Villc entendre proclanier le
résultai définitif des élections.
vm
— Où courez vnns ainsi, mon rliei' monsieur Héac
de la Jobardicre?
— Et voMs, mon brave monsienr narbaiicliir ?
— Je cours au bureau de mon journal pour deman-
der la mise en accusation du coinilé de la l'iie de l'oi-
liers. C'est sa cou.pable incurie qui a perdu la F''rance.
Vous avez souscrit pour la propagande anti-socialiste?
— J'ai donné deux francs cinquante centimes.
— Vous avez donc le droit d'exiger un rendement
décomptes, l'ourquoi le comité n'a-t-il pas pulilié ma
brocliure ?
— Vous aviez donc fait une brocbure?
— Dans Ia([uelle je pulvérisais le parti socialiste.
L'apparition de celle brochure aurait singulièrement
modilié le résultat des élections. Le parti modéré tout
entier s'est conduit comme un seul cuistre dans cette
affaire. Il m'a refusé cent cinquante misérables francs
de mon travail. Aussi, voyez ce qui arrive.
— Qu'arrive-t-il donc?
— Boichot est nommé,
— Je le sais ; mais M. Thiers aussi.
— Ledru-Rollin.
— L'élection de M Mole fait compensation.
— Ni Thiers, ni Mole, ni Bugeaud ne figurent sur
la liste.
— 0 ciel !
— A la place, mettez Félix Pyat, Pierre Leroux,
Considérant, etc., etc., etc. Dix socialistes ont été
nommés.
— Grands dieux !
— Ht pour comble d'abomination, Cavaignae aussi.
Voilà ce que c'est que de n'avoir pas fait imprimer
ma brocliure.
1\
— Oui, not' maître.
— Eii bien ! ce comité est un infâme I Qu'a t-il fuit
des deux francs cinruante renlirnes (|ue je lui aval»
conficîs pour défendre la société, la famille et la reli-
fçiou? Uien. Il n'a pas métiu! publié la brochure de
lîiiibatichu, qui devait pulvériser le socialisme.
— Ah 1 bail!
— C'est comnu! j'ai l'honneur de te le dire, Toinon ;
ils ont refusé la brochure de Barbanchu ; aussi, c'en
est fait, les socialistes l'emportent. Demain, aujour-
iriiui, tout à l'heure peut être, ils viendront ici.
— Pourquoi faire, not' maître?
— Pour me prendre tout ce que je possède, et se le
partager ensuite, les infâmes! Quant à toi, ma pauvre
Toinelte...
— F,st-re ((u'ils vicndiMiit me ])artagor aussi?
— Ces gens-là ont un i-lirT ([n'ils apprllciil le Pro-
phète.
— Ensuite?
— On te conduira devant lui.
— Après?
— Comme tu es jeune, fraîche, jolie, il t'épousera.
— Tiens, tiens, liens.
— Pauvre innocente! apprends que le Prophète a
trente femmes; que dis-je, trente! autant cpiil peut
en é|)Ouser ; tu seras peut-être la cent cinfpianlième.
Mais il me semble qu'on sonne, Tomelte.
— El d'une jolie force encore, not' maîlre; mais
comme c'est le Prophète, je n'ouvrirai pas, je ne veux
pas être sa centième, ni sa vingtième, ni sa dixième
femme ; qu'il sonne tant qu'il voudra.
— Si tu n'ouvres pas, ils enfonceront la poi-te.
— Qu'ils l'enfoncent.
— Dans leur fureur, ils nous massacreront. Les en-
tends-tu taper du pied; ils s'iinpalienlent. Ciel! je
crois que la porte cède à leurs efforts.... Les voilà
ma dernière heure est arrivée.
— Eh bien, Toinon, qucsignifu'nt ces retards; pour-
quoi ne m'ouvrez-vous pas?
— Vous n'êtes pas le Prophète?
— Ne reconnaissez-vous donc pas ma voix. C'est
moi, Athanase Patochon, le neveu de mon oncle.
— Alors c'est diffcrent, entrez.
\l
— Toinette, mon enfant, vile un verre d'cin et un
siège; mes jambes fléchissent.
— Que se passe-t-il donc encore? i — Ciel! que vois-je ! mon oncle étendu sur le ca-
— Tu sais quelle confiance j'avais dans le comité de napé.
la rue de Poitiers? I — Tapez-lui dans les mains.
— C'est une attaque de choléra.
— Non c'est une attaque de peur; il vous a pris
pour le prophète des socialistes.
— Moi, Alhanase ratochon.
— Vous-même.
_ Décidément, mon oncle est plus malade que je
ne croyais. Frottons-lui les tempes. Mon oncle! Mon
oncle!
— Eloigne-toi, abominable Proudhon.
— Je suis Âthanase
— Va-t-en, affreux Considérant.
— ... Patochon
— Ne me touche pas, Pierre Leroux.
— Voli'e neveu....
— Vous me parlez de mon neveu ! Partagez-lc-vous,
si vous voulez, mais laissez-moi mes propriétés.
— 11 ne s'agit pas de me partager, mais de me recon-
naître.
— Je saerilie mon neveu sur l'autel de la patrie,
pourvu qu'on ne me prenne pas mes capitaux. Vive la
république démocratique et sociale ! Kt ça ira ! ça ira !
ça ira !
— 11 extravague.
_ Vous ne me tuerez pas , ô grand Prophète! vive
Babeuf!
— Décidément, il est fou.
— fl ne tardera pas à le devenir , si on le laisse à
Paris ; il faut le conduire à la campagne.
— Tu as raison, Toinon, nous partirons ce soir.
Fais atteler la carriole.
Nous raconterons peut-être un jour les aventures
de M. Réac de la Jobardiérc chez les paysans.
IKON... VALCHE!
A i;ilSA(;h DKS GENS SKIUKUX.
LAVANT-GARDE IIKS COSAQIES
MON TKSTAMEiM",
AVEIX ET CONSEILS DINE ASSEMBLEE NATIONALE SENSIBLE ET EliAUEE.
Moi. soussignée, Assemblée Constituante franraise,
en ce moment près de ma fin et saine toutefois de
corps sinon d'esprit , je déclare que ceci est mon tes-
tament.
Élue par un sufîrage universel qui nous arrivait peut-
être un peu trop tôt pour savoir bien se servir de lui-
même, je fais amende honorable pour les faulesque j'ai
pu commettre et le dommage que j'ai pu causer ; décla-
rant que, si j'ai cru devoir si souvent plier, c'était pour
ne pas rompre, et que si je me suis trompée ainsi bien
des fois, ce dont je me repens avec amertume aujour-
d'hui, c'était en bonne intention et sans penser à mal.
Je laisse à ma fille, la Législative, le soin de réparer mes
fautes et d'accomplir ainsi mes dernières volontés.
Je lègue au pays un budget à bien peu de chose près
monarchique, n'ayant pas eu le courage de tailler dans
le vif et révolutionnairement. La France aura donc à
payer cette année , par ma faute, la liste civile de
1,200,000 fr.de M. Bonaparte, le petit entretien de sa
maison et autres menus profits, sans compter ce que ce
citoyen peut gagner par sa petite industrie particulière.
J'aurais pu diminuer les charges si lourdes du pays, et
exiger au moins que les quelques petites économies des
commissions portassent sur les gros traitements et non
sur les petits employés. Mais j'ai eu peur de contrarier
le gouvernement qui me faisait grand' peur de la Répu-
blique rouge. C'est le gouvernement qui m'a perdue, et
c'est par lui que j'étais destinée adonner au monde cet
étrange et nouveau spectacle d'une fille née honnête,
qui se laisse séduire, qui cède à son suborneur et que
l'on viole. Je n'ai pour excuse que mon repentir, l'œil
si languissant de M. Tracy et la petite bouche si appé-
tissante de Barrut, le plus beau des enfants des hommes;
et puis, comme il portait crânement le costume mili-
taire, ce président tant joli, avec son amour de nez à la
Roxelane... Mais n'appesantissons point, dans ce mo-
ment solennel, notre pensée sur ces souvenirs enivrants,
et continuons nos pénibles aveux.
Je regrette de toute mon âme et de toutes mes forces
d'avoir donné tort au citoyen Billault, qui voulait me
REVUE COMIQUE
faire examiner le budget des receltes avant de passer à
celui des dépenses. J'ai eu la faiblesse de traiter cette
proposition d'économie élémentaire, comme s'il se fût
a"! de savoir si c'est la poule qui fait l'œuf ou l'œuf
qui fait la poule. Ma fille aura à refaire entièrement
ma besogne budgétaire, et Dieu veuille qu'elle s'en tire
mieux que moi !
Une fois sur la route du vice, on ne s'arrête plu^.
J'ai consenti à tout ce qu'on a voulu de moi contre la
liberté de la presse, contre le droit d'association, pre-
mières conquêtes d'une révolution à qui je devais tout,
puisqu'elle m'avait fait ce que j'aurais pu être. Mais
mon séducteur de gouvernement élait là; si je ne cé-
dais à tous ses caprices, cette République rouge, que je
craignais tant, pouvait s'emparer de lui, du moins me
le répétait-il toujours. — Je commence à croire aujour-
d'Iiui que cette rivale n'était pas si dangereuse pour
moi qu'il me la faisait, et je ne la vois plus aussi laide
qu'elle me semblait alors. .\près tout, ses cheveux sont
d'une couleur à laquelle on s'habitue, et c'était peut-
être une bonne tille avec qui j'aurais pu m'entendre.
Je suis certaine, en tout cas, qu'il excitait à faux ma ja-
lousie, car elle et lui n'auraient pas fait long ménage.
Mais j'avais l'imagination frappée, et ceci explique
toutes mes fautes:— comment, après avoir repoussé le
droit au travail, je n'ai même pas assuré le droit à
l'assistance: — comme quoi je n'ai pas voulu de l'impôt
progressif: — comme quoi j'ai voté le maintien du rem-
placement militaire : —comme quoi j'ai abandonné tous
les peuples à qui j'avais promis aide et soutien : —
comme quoi j'ai même souffert que le drapeau Iran-
çais marchât contre eux. Je me suis laissé maltraiter
par un général qui sentait la pommade, et je n'ai pas
même eu la force de m'en plaindre.
Violentée et trahie par mon séducteur, vivant au
milieu de toutes les craintes qu'il me suggérait, j'ai été
assez aveugle pour croire en lui, même lorsqu'il a voulu
se défaire de moi par mes propres mains. 11 voulait ej
débarrasser d'une assemblée dont il avait eu les pré-
mices et qui l'ennuyait aujourd'hui : il m'a persuadée
de me suicider, me répétant que c'en élait fait de moi
si je n'obéissais, et je me suis tuée de peur de mourir.
Il a poussé la cruauté et l'ironie jusqu'à ôler à mon
suicide tout appareil, toute mise en scène qui pussent,
sinon l'ennoblir, au moins le décorer : il a choisi lui-
même l'instrument dont je devais me frapper, l'instru-
ment le plus ridicule : un Râteau !
Il m'a fait cruellement expier, par ses mépris, dans
mon agonie trop longue encore à son gré, toutes mes
faiblesses et mon aveuglement.
Je ti'ai ouvert les yeux qu'à la fin, je ne sais trop
pourquoi, et, un beau jour, j'ai flanqué le petit Fau-
cher à la porte par les épaules avec 519 coups de pieds
quelque part. Mais, je l'avoue humblement, il ne fau-
drait pas me savoir trop gré de cette énergie passagère ;
je n'oserais dire qu'elle me fut inspirée par mes re-
mords et ma honte Tout simplement, j'avais tou-
joiu-s détesté ce petit-là parce qu'il était laid, et qu'il
ressemblait tous les jours davantage à un tirebouchon.
Ici se termine cette pénible confession. Si, par l'aveu
de mes fautes, et parle repentir amer qui me dévore
aujourd'hui, j'ai pu mériter quelque compassion, je
lègue, à tous les bons citoyens, le soin de faire grandir
et d'élever ma lille légitime, la Législative, qui, au
moins, j'emporte cette consolation, ne portera pas dans
le monde le nom tristement célèbre de sa coupable
mère.
Si ma fille veut m'en croire, elle ne s'abusera pas
sur le pouvoir (|ue lui crée sa majorité probable. Ce
ne sont pas les minorités qui perdent les assemblées,
mais les majorités. Qu'elle se dise bien que cette ma-
jorité est plus apparente que réelle. J'ai eu le tort d'a-
vancer quelquefois sur le pays ; qu'elle ne se donne pas
celui, plus dangereux mille fois, de retarder sur lui.
Qu'elle n'attende pas pour marcher que le peuple se
mette avec ses gros sabots sur ses talons; qu'elle laisse
de temps en temps ouvrir la soupape de sûreté qu'on
nomme le progrès, sinon la machine pourrait bien
éclater. Qu'elle se débarrasse de Changarnier au plus
vite: Changarnier n'est autre chose qu'un Faucher pom-
madé. Qu'elle fasse fondre, dès qu'elle le pourra, dans
un verre d'eau, ce petit bâton de sucre d'orge qui porte
le nom de Thiers. Pour peu qu'elle tienne à vivre ses
trois ans et à mourir dans son lit, qu'elle renvoie à
ses moutons et à ses électeurs de Seinc-ct-Marnr,
M. Drouin de Lhuys, cet inepte meurtrier de l'Italie,
le Faucher de l'étranger. Qu'elle serre Buffet dans une
vieille commode ; qu'elle fasse etnpailler .Mole, ([u'cllc
paie une soutane neuve à M. de Falloux et à M. de
Montnlembert, et les dépêche à Fribourg, patrie des
jésuites. Que si elle aie malheur de retrouver Deiijoy
sur ses bancs, elle ait l'espiit de le forcer à parler et
non pas à se taire ; qu'elle se modère enfin par son côté
rouge; que si le président delà ré[)uhlique lui écrit
de la même encre qui a servi à écrire à son premier
ministre de l'intérieur et à Oudinot, elle lui apprenne,
dès le début, qu'un président n'est pas un maître ;
qu'elle crie Vive la république de temps en temps;
que Dieu la protège, etc., etc.
Je lègue à ma fille mes vingt-cinq francs par jour
et l'exemple de la façon dont je les ai consacrés unique-
ment à ma personne : car il n'est |)as d'exemple que j'en
aie fait un seul jour l'abandon pour secourir les pauvres
ou pour ravitailler quelques cautionnements de jour-
naux que je laissais dévorer par le fisc.
Avec ces vingt-cinq francs que je lui lègue, ma fille
pourra peut-être faire honneur à ses petites affaires.
I,e reste est pour le garçon.
Signé, in extremis,
L'Assemblée Natiosale.
A I, rsA(.l'; hl.S CKNS SKIilKlIX.
23 !
\Mi|lnlS M MIIFIHFIN.
Vieux de la vieille, flis de mes œuvres et de
mon épéei pupille du grand homme, je me
présente pour continuer l'œuvre du 10 décem-
bre ! Gloirrrri'! VietoT'rre! Honneurrrr !!;'....
1 Comte, fils de comte, ouvrier moi-ni.m<
me présente avec confiance au suffrage de
concitoyens »
Nouvelle Jeanne, je relève'lc gant que nous
jelé un sexe usurpateur. A'moi, femmes! vie
times d'un abus sacrdége, je vitns redresse
le ficRU de la labnrn. ■■
A PROPOS DK PANTOUFLES.
Nos colonies des Indes viLMinent de nous envoyer leur
représentant, lequel arrive juste au moment où la re-
prtiscntation Unit. Il n'aura que le temps d'adliérerà la
République et de toucher quatre à cinq fois 23 francs,
après en avoir dépensé cinq mille pour son voyage.
Kt ce sera toujours comme ça.,. Quel pénible mandat !
Il est vrai que cet bonor^ble représentant nous ap-
porte des nouvelles toutes fraicbes de Pondichéry, et
de deux ou trois autres lieux indous, où flotte le dra-
peau tricolore, sans préjudice des droits divins de Bra-
ma. Il faut convenir que ces localités étaient enaore
plus arriérées que nos autres colonies en fait de civili-
sation. On n'y brûle plus les veuves, depuis la tragé-
die de M. Lemière, où Larivc, en général français, ar-
racha des flammes la belle et tendre I.anassa. Mais le
Paria de M. Casimir Delavigne a eu moins d'influence
sur les mœurs que la Veuv'! du Malahur, 11 était ré-
servé à notre révolution rfc Février de déraciner un
préjugé contre lequel la tragédie s'était montrée im-
puissante.
.\ peine eut-on proclamé la République, qu'un mil-
lier de parlas environ, jusque-là plus misérables et
plus méprisés que les noirs, se sentirent relevés dans
leur dignité d'hommes. Ils conçurent tous immédiate-
ment la même idée, celle de porter des pantoufles jaunes.
On comprend quel scandale ce fut dans le pays,
quand les aristos des quatre castes supérieures aper-
çurent deux mille pantoufles jaunes aux pieds impurs
des parias. Jusque-là, la pantoufle jaune n'avait fait
connaissance qu'avec leurs chausses. Et encore ont-ils
des chausses? — Car c'est dans tout l'Orient la couleur
dislinctive de la plus haute condition. Les brames et
les chatrias ont seuls droit au marocain jaune; les
veissias, qui représentent ce que nous apitelons ici la
bourgeoisie, n'osent porter que des pantoufles jaunes,
et les soudras n'en portent pas du tout, bien que celte
classe se compose en grande partie de ceux qui les fa-
brifiuent.
L'émeute silencieuse des parias, se promenant deux
[lar deux dans les rues poudreuses de Pondichéry, avec
des pantoufles jaunes, produisit, parmi les Indous des
quatre premières castes, une stupéfaction que n'égala
jamais celle des bons bourgeois de Paris, quand les ga-
mins de la même capitale se promenaient en chantant :
— Deslampions ! — des lampions ! — Et d'abord, le fait
seul de pénétrer dans la ville était un sacrilège énor-
me : quiconque a lu la Chaumière indienne, sait que
les parias ne peuvent habiter que tes forêts... Toutes
les portes se fermèrent; et les Indous résolurent de ne
plus sortir de leurs maisons jusqu'à ce qu'une cérémo-
nie religieuse ei'it puriflé les rues souillées.
Les parias ne poussèrent pas plus loin leur victoire.
Après avoir planté un arbre de la liberté devant la
porte du gouverneur français, ils regagnèrent les bois
en chantant • « Mourir pour la patrie ! » (musique de
M. Varney) ; ce qui était d'autant plus beau, ([u'oii ne
leur accorde même pas d'avoir une patrie.
Cependant, quand les brames eurent purilié les rues
en y répandant de la bouse de vache (animal sacré),
bien des idées nouvelles avaient germé dans les quatre
premières castes de la population. — iNous n'aurions
pas l'insolence de porter des pantoufles jaunes, se di-
rent les soudras, mais pourquoi n'en aurions-nous pas
de rouges, comme les vessias (les bourgeois)? — Par
Brama ! se dirent ces derniers, il est bien ridicule que
nous ne puissions pas au moins en porter une jaune et
S4
REVUE COMIQUE
une rouge, car nous tenons au peuple d'un côté et à la
noblesse de l'autre.
— Vous? s'écrièrent les cliatrius (les noliles), vous
sortez, comme le peuple, des pieds de Brama, dont les
parias ne sont que la poussière. Seulement vous êtes
sortis du pied droit, tandis que les soudras sortent du
pied gauche. Or, ce ciui vient des pieds n'a jamais
beaucoup de parfum !
— Kt vous donc? répliquaient les bourgeois, vous
vous dites issus de l'un des bras de notre Créateur, mais
ce n'est que du bras gauche, on le sait bien, puisque
ce sont les brames qui disent venir du bras droit.
Tel est, aujourd'hui, l'état des esprits à Pondichéry ;
on voit que les idées révolutionnaires y font leur
chemin. Plusieurs journaux ont paru déjà pour sou-
tenir les prétentions de chaque caste; on y raisonne
pantoufle en attendant mieux. Un publiciste, de la
caste des soudras, a découvert un texte qui prouve que
les classes privilégiées ont usurpé le pouvoir et la pro-
priété en vertu d'un singulier titre. Ixurs ancêtres,
dit-il, se nonnnaient Cnllers, et pratiquaient le vol
comme prérogative héréditaire. Les principaux voleurs
arrivaient à la dignité Ae prince, qu'ils transmettaient
à leurs enfants, sauf le cas d'indignité, c'est-à-dire de
probité accidentelle; en volant ils étaient censés faire
leur devoir, et user seulement d'un droit inné (1).
La question eu était à ce point, lorsqu'est parti
M. Dubreuil, le représentant de nos colonies des Indes.
— Les Anglais ont établi nii cordon sanitaire sur les
limites de nos possessions.
(V) Textuel. Voir l'ouvrage <li
rinde.
M, J.-A. Diibois, «ur les
PAÏRIÂNA
or LE MANIKI. UES RÉPCBLICAINS HONNÊTES ET MODERES.
1! y a des gens que la lecture de la Patrie met en Figurez-vous, Monsieur, que ces petits articles si
colère. J'ai un ami qui ne manque jamais de dire le , spirituels, où il arrive toujours qu'un agent socialiste
matin quand il descend, en la voyant chez son portier: 1 en tournée de propagande, se trouve rossé par des vil-
La Patrie du matin... chagrin! Ça lui fait l'effet des i lageois, ce qui fait pousser un gros éclat de ru-e au
araignées. Moi-même, qui suis un homme doux et mo- ! journal du père Delamarre (quel honnête homme!...),
déré, il m'est arrivé parfois de la froisser avec quelque | ces entre-filets si délicats, ces longs articles si digérés,
indignation. —Mais, depuishuit jours , je m'en donne tonte cette belle marchandise qui s'appelle coiitre-poi-
bien garde. sort,— eh bien ! tout cela sort de la plume d'un vieux
Je sais maintenant le dessous des cartes. socialiste, malin comme un singe, qui est entré à la
I.A VIE FUBI.IQUE ET PRIVÉE DE MOSSIEU RÉAC.
Chap. vin, — Faits et gesles parlemenlatTrs de mossieu Rcac,
Au quinze mai,
il commence par s'enfuir à toutes jambes.
Et l'ordre rétabli,
il revient proposer de déclarer par décret
qu'il a bien mérité de la patrie-
Mais depuis, il est tellcmtnt agité par les sou-
venirs de cetU journée, qu'il a une peur atroce
chaque fois que quelqu'un s'approche de fcon
banc ; il croit toujours que c'est le pompier.
A i.'is\(ii; i»i:s (iKNs sr.nirtx.
2S
léilaclioii <ie celte honnùle feuille, où il leur on lailvoir
do toutes les couleurs. — << Je ne servirai jauKiisniieux
nioii parti, a-t-il peusé, ([ue dans le camp iiineiiii.il
ne s'agit (pu- de n'être pas reconnu iiareiix. »
Ce strata}i;i>rne ingénieux lui a réussi parl'aitenu'iil,
car il avait alFaire à des gens ipii sont lins iusteiiunt
comme un cou|) de fusil. Il a comiuencé par prendre
un recueil d"(/»(/, (|u'il a copié ligne pour ligne et
vendu à lu l'n/riv à bon compte ; notez — et c'est là le
plus joli — que notre socialiste quoitiiie... est fort Imu-
nète, et que cet argent de la rue de Poitiers va tout
droit à la caisse des amendes du Pnij,/i'. Ainsi il
écrivait :
« l'ii plaisant disait à un autre : — Je crois que ce
Proudhon est un ùtiinjiiigle. — .\li ! ali 1 répomlit l'autre,
vous dites cela à cause de sa banque.
tt La société se mit à lire et leur pardonna leur
manque d'usage en faveur de celte saillie. »
Total (50 centimes les traits d'esprit) : 5 lignes à
50 centimes, — 2 francs 50 centimes. — Ce n'est pas
cher, mais c'est payé.
Tant il en a fait et fourni de ces petites machines-là,
qui sont hèles comme des pieds et insolents jusqu'à
l'impudence, à la grande juhilalion de l'honnête ban-
quier Delamarre (quel honnête homme ! ), qui trouve
son joiirnalle plus joli de tous, — que notre socialiste
s'est trouvé bientôt au fond de son sac.
11 avait épuisé tous les (ma des quais. En homme
habile et qui n'attacheiait pas les rédactenis de la
l'nirii' avec des saucisses, il s'est mis i faire du Conlre-
jiulmm socialiste |)ar la Médecine. Il en fera demain
p. 11 la Chiriimancie, ou avec VArl ifrlrror dcf; /npips^
.le M. Aciiille Cmile.
Aillai, l'ai In hic r au soii- d.ins ce iDiirnal infoi tiillé
ipu ii'i liaiill'e le siiilali^te eu (pieslinii dan- smi sein :
« On >iit qu'en temps d'épidémie les agitations mo-
M raies a|oiitcnt beaucoup à l'intensité du mal ; r'psl te
Il y"/ i:i/)liqiif (|iie la dernière recrudescence du clio-
" li'ia ait coïncidé avec les inquiétiiilcs suscitées par les
Il muges et parlesnionlagnards de l'Assemblée. La jour-
ci née de jeudi dernier, ilnns laquellp on s'attendait à
u une nouvelle prife d'armes, est celle aussi où il a été
« admis le plus grand nombre de nouveaux cholériques
«dans les liopitaiix. On assure que beaucoup de ces
« infortunés étaient porteurs de journaux, socialistes
« les plus avancés, ou qu'ils ont avoué quils en fai-
u sriienf continuellement la lecture. »
J'a\ ri comme une fulle et j'ai reconnu du coup mon
socialiste.
Mais je crains bien que ce iliable d'homme n'éveille
pour le coup les soupçons et ne se fasse licencier. Celle-
là est un peu trop forte, elle père Delamarre lui-même
(quel honnête homme, grand Dieu! quel honnête
homme!) pourrait bien ne pas la gober. Je sais bien
que moi je ne la goberais guère; mais il faut dire que,
sans avoir la malice de la chenille, je ne suis pas tout à
fait aussi liete que la Patrie en a l'air.
X.A TIE FUBZâlQVE ET PRIVEE DE MOSSIEU REAC.
Aux journées de juin,
ossieu Réac a la colique et se cache dans son lit le nez, sous soD oreiller;
il a l'impudence de s'endormir sur le ventre,
et dans cette position il rêve que la republique rouge a le dessus.
» eiani heureusement retourné sur le dos, le cauchemar cesse, et
mossieu Reac voit les deux dauphins, le retour chori de toutes les
branches de son choix; il comprend alors le parti que les gens hon-
nêtes comme lui peuvent tirer des journées de juin.
{La suite à la prochaine îirraison.)
26
REVUE COMIQUE
Li:S MASQUES.
Air dus Missionnatres [de Béraiige
Le Dieu malin tlii carnaval
A laissé sur la lerre
Un dijjne hérilier, un rival
Dans noire niinislère.
Au pouvoir, de notre temps,
Ou ne voit que cbarlalaiis,
Traîtres couverts de masques,
Vieux hypocrites raffiné;,
Poltrons coiffés de casques,
Hommes faux, et faux nez!
Que de brillants et hauts salons
Remplis de mascarades,
Oii le bruit sourd des trahisons
Se mêle aux sérénades;
Un Ton murmure, en dansant,
Certains mots gonflés de sang !
On vous connaît, beaux masques.
Vieux hypocrites raffinés,
Relirez donc vos casques,
Relirez vos faux nez !
Dieu! si de tout ce qui s'y fuit
On tenait des registres!
C'est d'abord Lacrosse et Buffet
Déguisés en ministres;
Rulliières en sacristain,
Falloux en républicain.
On vous connaît, beaux masques,
Vieux hypocrites raffinés,
Relevez donc vos casques.
Retirez vos faux nez!
Thiers, en costume de pêcheur.
Voudrait nous faire mordre
Certain appit plein de fraîcheur
Qu'il dore du nom d'ordre;
Mais la France, vieux poisson,
Sait ce que vaut l'hameçon ;
On vous connaît, beaux masques,
Vieux hypocrites raffinés.
Relevez donc vos casques,
Retirez vos faux nez!
Barrot, de l'ancien bauqueteur
Dépouillant la défroque.
Pour celle d'un conservateur
La rejette et la troque ;
Il conserve,... on peut le voir,...
Son traitement, son pouvoir...
On vous connaît, beaux masques.
Vieux hypocrites raiflnés.
Relevez donc vos casques.
Retirez vos faux nez!
Un vieux, mais coquet, spadassin
Reproduit don Quichotte;
Il prend pour la voix du tocsin
Toute voix qui chuchotte;
Montre sans cesse, aux soldats.
L'émeute... qu'il ne voit pas ;
On vous connaît, beaux masques,
Vieux hypocrites raffinés,
Relevez donc vos casques,
Relirez vos faux nez !
J'en pourrais, dans ce léger chaut.
Faire passer bien d'autres.
Qui suivent l'exemple touchant
De tous ces bons apôtres ;
A ce carnaval complet
Répondons un long sifflet,
SitDons, sitUousces masques,
Ces hypocrites raiflnés.
Si peureux sans leurs casques.
Si laids sans leurs faux nez!
E. A., étudiant.
LA RÉl>U[5l.lQl!K SOC.
PAB LN REPRESE^TA^T DtMOC ET SOC.
.\m . Les gueux, les gu
La Soc, la Soc
Rendra la Démoc
Ferme comme un roc.
Vive la Soc.
C'est en vain que l'on invoque
L'accord du sceptre et du froc,
Le vieux monde se disloque.
Il n'attend qu'un dernier choc.
La Soc, la Soc, etc.
Le peuple est, à chaque épo(iue
Fait au même... par raccroc;
Mais lui, que rien n'interloque,
Se rattrape par un bloc.
La Soc, la Soc, etc.
Amis, faisons un colloque,
Réunis autour d'un broc;
La piquette nous provoque,
Uélas ! c'est notre médoc.
La Soc, la Soc, etc.
\ LUSAGK DES. GENS Sf.RIElîX.
27
(,liii' U.irrul (l'un luii liuri'i>i|iic,
N..I1S parle «6 hue l'I «4 h„c.
Son aii-t'iil de veiilrilonue
Sur nous Tuit l'elïel it'un luk.
L;i Soc, la Soc, clc.
0 KepuliliiiUL' eiiiiivoi|ùe.'
QiunU la jii|iea maint accroci
Ce n'est |)ln>(lirune deliuiiiie
yu il te faut suspeiiilre au croc.
La Soc, lu Suc, etc.
Marcbanils ()ue la banque escroque,
El voui qui portez l'estoc,
Vous que l'atelier convoque.
Vuus doul la unin tient le soc,
La Soc, la Soc, etc.
<i Rougesl ■> ilit-on... l'on s'en moque.
Il est temps de faire uu troc
Celle couleur vous sulloque..
C'est la cocarde du co<|
La Suc, la Suc, etc.
Sur l'air des gueux .. ça vuus choque...
J'ai mis ma chanson en oc ;
C'est que les (!ueiix, sous leur luque,
Ont uu cueur qui t'ait tic toc.
La Soc, la Soc, etc.
^Ct^upUl vtillx dtl
des Ajfairet tirangires-]
Il existe a l'Oreiioiiue
Un présiileni fort mastoc,
Que sa nation révoque
El chasse comme uu escroc.
La Soc, la Soc
llendra la Démoc
Ferme coinme uu roc,
Vive la Soc.
L.\ C.\NAILLi;.
AïK dts Fous (de Béranger).
«Canaille!» Les aristocrates
Donnent ce nom aux roturiers.
Les monarchiens aux démocrate!,
El les bourgeois aux ouvriers.
Les jésuites, la prêtraille.
Nomment ainsi les mécréants...
— Ah! qu'il est beau d'être canaille
A.h\ yeux de ces honnêtes gens!
Le cervier qui yagne à la Bourse
Son carrosse ou son phaeion
Traite de canaille, en sa courte.
L'humble, mais probe piéton :
Ainsi le pauvre qui travaille
Est berné par les fainéans.
— Ah : qu'il est beau d'être canaille
Aux yeux de ces honnêtes gens!
Si, par hasard, de nos écoles
Surgit un savant généieux.
Dont la pensée et les paroles
S'appliquent à nous rendre heureux,
Qui le conspue et qui le railie'^..
— C'est la tourbe des ignorans.
Ah! qu'il est beau d'être canaille
Aux yeux de ces honnêtes gens I
Lorsqu'un peuple, aux masses énormes,
En grondant réclame ses droits.
Au lieu d'accepter des réformes,
■I Canaille ! » répondent les rois.
Mais un jour, maigre la mitraille,
La victoire reste aux manans.
— C'est alors qu'on voit la c inaille
Faire grâce aux honnêtes geus I
Lorsque Socrate et Galilée,
Dans les fers et par le poi?on.
Virent leur science immolée,
«Fous! canaille!..." leur criait-on.
— Et lorsqu'un Dieu, né sur la paille,
Mourait sur la croix des brigands,
C'était une sainte canaille.
Et Ses bourreaux... d'honnêtes geus!
E. A., étudiant.
LA LISTE DE LA RIE DE POITIEES.
Admirez du scrutin la chance ale,itoire !
Dix-^ept journaux ligués complaient sur la victoi
Mais leur liste est mise à l'écart ;
El de son premier nom réalisint l'auyiire.
Elle tombe en déconUture...
De Bar.
28
REVUE QOMIQUE.
I.E (itNERAL OLDINOT, DL'C DB HEGGIO.
Ce général nous semble un peu conscrit,
Dans le-i conibals eoinmi' en diplomalie.
Les plans qu'il ierl, les discours qu'il écrit,
Sont un outrage à la démocratie.
Près des soldats d'un prince meurtrier,
Il vent, à Rome, établir son étape,
l.e père était un illuitre ijueiricr;
Le tils, helas! n'est qu'un soldat du pape!
Dessiné par Nadard.
Grâvé par Ballant.
I ceiiltiiif^.
BDHIMEHAY. ÉDITEPH, HUE BICHELIEC, S3
'IH' Livraison.
■JJU . . . .:'x... ..Mll^,l],i|[l||(|ll|,ll|J||l,ll|lwj|jl|j||l!lj,^|jl,l|l|n^
(:O.XD)TIO^S DE LA SUlSURIPnO. — L;i Ke\ le cjmwi t formera deun voi'.mcs gc.ir.i m-o , puw..e» e>. ri. o - i :..i cen;:mei. (-ir U pj>-e
ceniime*. Le premier loiume compose des 2.) premières livraisons, a été achevé le 28 avril IS49. il tenlerme environ ilio earicaturrs po itiques. — Prix ae
vol'ime : 7 tr. M c,, nar la posie 10 fr- Lf seond volume pa'ait eD livraisons. On souscrit, pour ce volum.-, en payai.t 7 fr. 50 c. pour Paris, el 10 fr. pour
déjjarlemeoïs.
AUX SOUSCRIFTEUaS DE XA HEVUE COMIQUE.
l.e prcniitT fcuilld do liiuine llviaisun, ro|iioiliiis,iiil uiMruniic'iiicnl li' ik'ssiii de la coiiveiiiii'o, dnit
être enlevé à la lircieliurt-. — Aliii de varier le verso île ce premier ieiiillel, sans toutefois v insérer rien
d'important, ilont la suppression aurait ([iielipie incouvénieul, ce verso, à l'avenir, sera oecupé par la
correspondance de hi IIkvle, par des annonces drolatiques, ou cjnelcine antre sujet accessoire eu dehors
de notre cadre; de telle sorte ([lie lorsque les souscripteurs réuniront en volumes la collection des livrai-
sons, ce feuillet, enlevé, ne sup|)rimera aucune pai'tie intégrante de l'onvraj^e. Le dernier feuillet de la
couverture, formant la dernière et i'avanl-dernière pa<;e de cliaipie livraison, devra être relié avec l'ou-
vrage complet, dont il ne peut être détaché.
SOCIEI'É
BORDELAISE- BOUGUIGNONNE
Sl-Aitguslm, II.
Très-boni
Vint de BoBositix ci de BocitGOG?(B,
i 39, 4U et 50 renl. la bout.
110, 150 et 140 Irmcs la pi.'r>>.
YinssopÉniEiilisà 60 el 75 c. la bniil.
1T5 à i05 fr. I. pièce.
Vins ri-i? du I .^ 6 fran.s lahouleilic.
AU HOI DE PBDSSE.
H .place de ;aBo,\r;2,
Ï£TE1IE.\TS D'UUlllItS
COXFECTIOSSÉS BT SUR MESl'B
Prii Fi«.
A\1S AIX JOlliWlX lit l'AlllS ET DES IIÉl'ARTEllEJiTS.
Nous autorisons la reproduction des articUs contenus dans la
Rirue comique, à la condition :
i" De citer la Revue en lui empruntant ses articles;
2° De limiter, par chaque semaine, la reproduction au liera
des matières contenues dans chaque numéro.
CORRESPO.NDANCr;.
A M. J. K..., H Pnris. — Noii^ .iviserons.
A .U. M. B..., à Lille. — Noire ligne politique esl invuriablemcnl
trarêe pai- la prolession de foi qui est placée en léle du second volume.
Nous y serons lidùles.
A M. R..., il Mamrrs. — 1
10,000 fr . c
'KMi IIK l.Oll
fait
>ou>ser et épais-ir le
clieveus sur les Icles chauve»! 1 !
Chez l'inventeur, M. Lcopold Lub
chimiste, rue Sainl-Hou.>rè, 2$l.
Flacons à 3 et 10 Tr. Fn prenant pou
10 fr., ou reçoit pniNCO.
votre disposiliou.
, qui ne r.i pas jui;c admissible. Nous
A M. T. B., à Strnsbourij — Vous recevrei. par les messagetit
les 2,T volumes que vous nous demandci, puis »ucce-siïcment Us livra
sons par la poste.
A M. C, à Morlnijnt.— C'est une bonne idoe i laquelle nous avo
déji songe; en elfet, il ser.>it utile, et pour nos idées et pour nous, q
la Revue soit répandue dans tous les cafés et établissements publii
Mais il faudrait rencontrer dans chaque ville des correspondants au:
dévoués iiue vous. Xous avons euresislrê les six abonnements.
HâNËGE LEBLANC,
4 2 , P3 ui^ourNr.'î'jnn-iartre,
LEço^^ 1)1' soin
JARDIN D HIVER.
GRANDE FETE AD BÉNÉFICE DES PAUVRES HONTEUX DE LA VILLE DE PARIS.
SOIRÉE D.tXS.\:iTF.
Dus laquelle le ballet, composé spécialement pour le Jardin d'Hiver, sera
eiecute par les artistes du ^-rand Opcra.
DEl'X onriIESTHES
8ous la direction de MU Vjldteufeld et Dominique, ciécuteronl des airs de dans
et de ballet. — La lalle du Musée sera transformée en salon de danse.
Pbix p'extrbb : 5 francs. — Ou se procure d'av
-i I administration du Jardin d'Ui'
II«I.I.ET
et en avant de la pelouse, par les artistes du frand Opci
et devant oITrir uu coup d'a'il fecri<]uc.
FR(J D'AIITIFICK
*ement général du jardin qui terminera la soirée.
Le jardin restera libre pour la promenade
prix de 15 fr., des billels de famille pour quatre personnes : — ches les Haines Patroncsi
I Métieslret, 2 bit, i
, — cl rhes Bernard Latte, boulevard des llalii
SatOD de Tollrilr
Vinaigre de Tollelie
i franc
PARFUMERIE DE lA SOCIÉTÉ HYGIÉNIQUE.
IMDniAliLI'IIILOCÛlIF.
tueu-t cl f,H,<i.mtL-.',Ti..l
Hotiplei , U» Tiiit é|iajii5ir
el lesemp^rlitdetoinhcT.
( fr. oOr. LE FLiiCm.
Cold-<:reain.
2 fr. 1,1 VOT.
Beioeoup de personnel ignorent qoe le« ride* pn-tnalun''
deoU, etc., proTÎennent de« ditertei prép.ir4liont dont cHei
«fue de* pr^pvatiuoi iTint de* qualilci réellei, h
mm. iiEMiFiticE.
Action douce et inno-
2 francs
cente, qui fortiiie les j.'cii-
cUes et «ntrelieut Ic"
dents dins l'état de saute
le
]p pliM parfait.
i fr. LK ll.aiM».
F litron.
iiaii Deiilirrice.
ide«je de la peau, la chrrlv de* rltevi>iii nri leur IjlnnrluMir précnrc. I.i r-arie et la perle du
nt pour leur loiletlc. La Sociktk iivr.lKMQue a Ac rréi-c duns le l'ul de ne Inrer an i>ul<li
Uleei al exempUi de tout inconvénient et de tout dan^'er.
niques de Lacra
[)atniel(e, 2.
].\ SEMA IIS K DE I,A EETTRE.
Il s'agit de saviiir si l'amialilo Cliangariiier a c'crit (Ui
n'a pas ocril sa fameuse letlie à tous les chefs de corps
de la garnison de Paris.
« Général,
« Le petit père Marra-'t s'imagine ([n'il a le droit de
reipiérir la force année. Je n'ai pas voulu contrarier ce
jianvre bon homme à la tribune de l'Assemblée natio-
nale. Le sujet n'en valait pas la peine. La politesse exige
d'ailleurs que j'aie l'air de flatter sa manie. Quant à
vous, mon cher général, vous ferez de ses petits pa-
piers l'usage que vous voudrez, et si les huissiers de
r.\sseinl)lée demandent inie réponse, vous leur répon-
drez : zut 1
« Sur ce, je prie iJieu qu'il vous ait en sa sainte
garde et digne protection, la présente n'étant à autre lin.
« Changabmer.
Cl P. S. Vous feiez mettre cette lettre à l'ordre du
jour et la placarderez à la ])orte des cliainbrées. »
La missive avait son importance coinuie on voit, et
l'Assemblée nationale s'en est émue. Le montagne a
rugi, la colline a ci'ié, la plaine ne laissait pas que
d'être légèrement en colère.
On est venu avertir Changarnier.
— Général, l'Assemblée s'occupe de votre lettre.
— Ah bah !
— On parle de vous mettre en accusation.
— liens, tiens, tiens.
— Noms feriez bien d'aller vous défendre.
— Monsieur, vous n'êtes point njihtaire '!
— Dn tout.
— Tant mieux, car sans cela, avec l'extrême poli-
tesse qui me caractérise, je vous ferais jeter dans uu
cul de basse-fosse. Un homme comme moi ne se défend
jamais.
— Mais l'Assemblée nationale exige
— Ceci regarde Barrot et les Pékiiis du ministère,
je suis spécialement chargé de désobéir à l'Assemblée
nationale ; je me soucie d'elle comme de Colin-Tampon.
— Cependant
— Cependant, rien ne s'oppose à ce que je vous
fasse flanquer à la porte si vous continuez. Par respect
poiii' les convenances, je vous autorise à ficher le camp.
Pendant ce temps-là, l'Assemblée inter|)ellait le ci-
toyen Barrot.
— Le général a-t-il écrit cette letle?
— Avant toutes choses, qu'il me soit permis de vous
faire remarquer l'inconslitutionalité de cette demande.
— Répondez oui ou non.
— Quand j'examine l'article d lô delà Constitution...
— .V la (]nesti()u ! à la question !
— Plus je scrute le sens de l'article \i'2
— La lettre! la lettre!
— A|)rès une carrière politique de dix-huit années,
vous peimettrez
— La lettre a-t-elle été écrite parle général'?
— Certes, mon titre de gendre de Labbey de Pom-
pières me dispenserait de répondre, mais je ne veux
II.
30
REVUE COMIQUE
pasabritt'i- îii;i responsabilité sous ce titre, je n'iiésite
donc pas à (léclarer que le général n'a pas écrit cette
lettre. Vous en croirez, j'espère ma vieille probité.
l.a lettre existe cependant, on en a porté des copies
i» l'Assemblée. On inleipelle de nouveau le ministre.
— Vertueux Baiidt, celle lettre (|ue voici a du èlre
écrite par quelqu'un.
— Je ne saurais en disconvenir.
— Par celui qui Ta signée.
— Le général (lliangarnier ne l'a pas écrite, (.royez-
en ma vieille probité.
— Qu'a-t-il donc fait?
— 11 l'a dictée.
Vous comprenez l'indignation de rAssenililée, mais
le vertueux Barrot descend de la tribune, el >e pin-
niène dans les couloirs. Tout le monde l'éMle. Il se
porte sur le passage de ses collègues. M. I.eihn-rinlliii
paraît, il se précipite dans ses bras.
— Ab! mou clier l.elru, je vois Imii (jue voii- iiieii
voulez.
— Il me semble que
— Hélas' je suis le plus malbeuieuv des bonimes.
Si vous saviez quelles mauvaises passions s'agitent an-
lonr de ce Bonaparte.
— Koinpez avec lui.
— Qui retiendrait le torrent quand je ne serai plus
là. Figurez-vous qu'hier, pas [dus laid qii'liiei . il m'a
fait appeler à TRlysée.
— Barrot, ma-t-il dit, je vous ai mandé poui u le
affaire grave.
— De quoi s'agit-il, altesse (.si je ne lui donnais pas
ce titre, il me fourrerait immédiatement à Vinceimesl.
— Vojez-vous cet habit?
— Il est rouge.
— Et ce manteau?
— Il est semé d'abeilles d'or.
— Le costume de général de la garde nationale
m ennuie. Il m'en faut un autre, rroiue/.-voiis que
le costume de premier consul maille bien ?
— A ravir (si j'avais répondu antre chose il m'aii-
i-ait fiiit fusiller).
— Je préfère celui d'emptreiir ; c'est déLidciiniil ce
costume que je choisis. Allez vous commander un
habit à la française et un chapeau à plumes, von* as-
sisterez à mon sacre, baron Barrot. Voilà pourtant oii
nous er. sommes, mon cher Ledru, voyez s'il est dur,
après une carrière politique s.ins tache de dix-hnit
ans, d'être traité de baron, el dites-moi si je ne faispas
bien de ménager le Président et ses amis.
KIocon traverse la salle: M. Barrot court a|)rès
lui.
— Il faut <|ue ie vou> ou\re mou cieiir, cher cnl-
'égiie ; vous voyez devant vous le |)lns iufoiluiié des
mortels. Si l'.Vssemblée a l'air de contrarier Bonaparte,
tout est perdu. Il n'attend qu'un prétevte (loiir se li-
vrer aux dangereux cnn>^eillers (jiii rentourenl. Lihnc/-
moi, ne nous oiciipnus plus de celle lettre; je vous
adjure au nom de ma vieille |iidl)iti'.
— Pourquoi ne doiiiifz-\oii> pas voire deiiiissiou ?
— Préféreriez-voiis a\oir un ii.iiiisleie-l'ialin ? Le
moment n'e>t ])as encore venu d'agir ; altiiulons la
Législalivi .
M. Ledru-Bollin a décerné a .M. Odiloii Barrot un
brevet de Qnin/.e-Vingts. Mous coiuiuençuiis à douter
liès-foit, pour notre part, de la cécité politique du
ministre de la justice. C'est avec ces lamentations mê-
lées d'alarmes qu'on est parvenu h assoupir l'ardeur
d'une partie de l'Assemblée nationale. .M. Odilon
Barrot se livre au marivaudage parleiueulaire ; il re-
fait les Fiinases Confidences au prolît de l'Elysée-Bour-
boii. La vieille probité du chef de rancieniie gauche
pouirail bien n'être que de la rouerie.
En attendant, le général (iliangarnier continue à
faire la nique à l'Assemblée. Il gouverne avec des
ordres du jours :
Ordre de ne poinl obéir aux réc|iiisilioiis du jnési-
deiil;
Ordre aux soldais de crier : Vive .Napoli'on !
.M. Changarnier répond à la Beprésentatio^ natio-
nale par des revues; il |iréside des séances au Champ
de Mars. Aux interpellations parlementaires, il répond
par des explosions d'enihousiaiine en douze temps, el
par des IV ca/s de peloton, sous |)eine de salle de po-
lice.
J'ai rencontre l'aiilie jour un .-[léculaleur qui reve-
nait de la revue.
« La France est sainée, s'est-il écrié; on peut iiiaiii-
lenaiit acheter des rentes.
— l'oiir(|noi donc?
— l'aice (jue les soldats ont crié ; Vive lionapaile!
vive Napoléon !
— Vous ne redoiilez donc plus les socialistes?
— Ils n'existent plus depuis la re\ui- ; la >ociélé et
la bourse peuvent dormir sur Iciiis qii.ilie oreilles. »
La bourse, en etfi't, de hausser depuis ce moment-là.
Si la iiolice a\a;t en l'idée de faire pousser dans linéi-
ques groupes le cri : .\ bas Boicliol'. la renie serait
maintenant an pair.
Hélas! la police ne songe pas à Imil.
Le sergent -major lîoichot est le linii ilii iii.uiiciil ;
ses collègues Battier et Commissaire sont eiiliereiuciil
éclipsés. On vend dans les rues ;
Le jioitiail de Boiclmt.
La biogia|)liie de Boicliot.
Des chansons sur Buicliol.
(tu lait courir les Iniiils les plus exiravaganis sur
son comjile. On est allé juscjn'à le présenter comme
entièrement dévoué au parti légitimi.-te.
Le représentant Boichot a démenti par une lettre
toutes ces calomnies. Mmis attendons mainlenant qu'il
soit ariiv('' "i i'As^embléf législilive | 'juger son mé-
rilr. niianl à >a \ie, elle a élc' iii-i|irà ce jour celle
-.^.
'^
i.i |'I:m iiK i:ll'i,iii
Des iné pa- N.\daki>.
Gnré pat Baitast.
32
REVUE COMIQUE
d'un sous-oflicier d'élite, que ses camarades désignè-
reut au choix de la déniocialie dans le l'auieux lian(iuet
de sous-of(icieis , dont les journaux réactionnaires
nièrent l'existence, et sur le compte duquel ils firent
tant iraiinables plaisauleries. Qu'eu iieuscnl-ils au-
jourd'hui ?
Tâchons de savoir inamtenaut ce qu'est devenue la
lettre de M. Changarnier. Pendant que nous nous
occupons de la Bourse et de la Hevue, de Boichot ,
l'Asseuihiée aura peut-être pris une décision.
Entrons dans la salie des séances.
Ce n'est plus la vieille probité d'Odilou Barrot (lui est
à la tribune, c'est la jeune éloquence de M. de Falloux.
Il a relevé jusqu'au coude les nianciies de sa sou-
tane, il brandit son bonnet carré. Dieu uie pardonne,
je crois qu'il a des moustaches.
— Comme l'abbé de Condi.
— Et une barbiche.
— Toujours comme l'abbé de Gondi.
M. de Falloux est r.\ramis du ministère ; .M. I'.uIIiutcs
qui ne comprend jamais rien à ce qui se passe, est l'or-
tlios. Décernons à M. Odilon Barrot le surnom d'A-
thos, en raison de ce qu'il a été trompé par milady (pro-
noncez Louis-Bonaparte ). Quant à d'Artagnan , je le
cherche en vain. D'.\rtagnan, si fécond en ressom'ces,
l'inventeur de tant de stratagèmes télégraphiques, le
hardi , l'infatigable d'Artagnan a donné sa démission
dans la personne de Léon Faucher. J'aperçois Carlier,
son lidèle Planchel, qui, du haut d'une tribune, jette
un regard douloureux sur la place vide de son maître,
lîassuretoi, lidèle serviteur, d'Artagnan-Faucher n'est
point mort; on nous |)rotnet sa résurrection un de ces
jours: vous recommencerez vos belles cam|)agnes d'au-
trefois.
En attendant, Aramis s'excrime à la tribune; il
jette par poignées le sel altique du feuilleton du Siècle
dans les yeux de ses adversaires. Quel esprit, (juelle
verve, quelle fine ironie ! Vous deviendrez général des
jésuites, monseigneur!
.Mais la lettre, la lettre!
Est-ce que le brillant Aramis se soucie de la lettre.
Il parle de tout, et de bien autre choses encore , des
ateliers nationaux, des ferrets en diamants de la reine
Anne, de Trestaillons, de la duchesse de Chevreuse, de
la Bévolution française, et de son ami le surintendant
Fouquet.
Il nie formellement avoir donné l'ordre au général
Changarnier de fortilier Belle-Isle.
M. Trélat demande à répondre.
— A propos de ferrets d'Anne d'Autriche.
— .Non au sujet des ateliers nationaux.
Voilà l'Assemblée qui se met à perdre de vue la
lettre et à écouter une kirielle de feuilletons.
— Quant à la lettre, reprend Aramis, un peu las de
tant de frais d'imagination, savez-vous ce (|ue j'aurais
fait à votre place?
— Ecoutons, écoutons.""
— Vous vous êtes plaints une picMiièrc fois des pro-
cédés de M. Changarnier à l'c'gard de l'Assendilée
nationale. J'aurais prié le buri'au di' l'Assemblée na-
tionale de prendre des renseigiu-irieiils sur ce lail entiè-
rement dénué de fondement.
La seconde fois j'aurais agi de même.
La troisième fois pareillement.
La quatrième fois itou.
Je ne suis pas membre de l'Assemblée luitionale,
citoyen Aramis ; je prends cependant la liberté de vous
interrompre.
Happe1ez-vous l'histoire du général Courlais.
Quand vous et vos amis l'avez soupçonné d'un at-
tentat contre la sûreté de l'Assemblée, avez-vous
chargé le bureau de s'informer si le fait était vrai ?
Vous lui avez arraché ses épaulettes.
Vous lui avez arraché sa croix d'honneur.
Vous avez insulté, battu un vieillaid sans di'fense.
Vous l'avez traîné eu priscjii.
Il fallait alors, vous, monsieur de l'alluux, vous le-
ver de votre banc, et jirotesler contre ces indignes vio-
lences; peut-être coni|U'endrions-nous inainteuaiil que
vous prissiez la défense de M. Changarniei'.
L'essentiel était de faire oul)lier la lettre ; il ne fal-
lait rien moins que l'imagination d'un mousquetaire,
d'un abbé galant et d'un jésuite réunis, pour arrivera
ce résultat.
L'Assemhlée est bien vieille cependant pour se lais-
ser endormir par des sornetles.
Toute la semaine s'est passée pourtant à savoir si
.M. Changarnier avait, oui ou non, écrit une leltie.
Si dicter une lettre n'était pas la même chose (]ue
l'écrire.
Et si l'ayant écrite ou dictée, ou loi inlligerail un
simple blâme ou une destitulinn.
A l'heure oii nous écrivons, rien n'est résolu à cet
égard. Les orateurs républicains perdent leur temps à
l'époudre aux feuilletons d'un jésuite.
Cela est tiiste.
Triste surtout au Miomeiit où la \ieille Europe tres-
saille sur ses bases.
Où le Busse Barbare met le pied sur le sol de la
civilisatiiHi.
Oii l'Autriche bombarde les villes et décime les po-
])ulations abandonnées de l'Italie.
Où notre armée, campée devant Borne, assiste,
l'arme au bras, à regorgement des répnbliiiues ita-
liennes.
L'Assemblée nationale meurt dans le doute et dans
l'indécision. Ou attendait autre chose d'elle. ,
Jkan Vkihot,
auteur de Jirome Cabmsol et (Ji-'S Mille cl une Peurn
rie M. Jieac de lu. JobardUre.
Peiil-on cnlr
LE DERMER DES IROQl'OIS,
rOt'R FAIh)^ SîflTE
M PKKMEn liKS M0H1i:AN>.
Au lumps uii les Visaiies-IViles coiiimon(,aient à s'é-
lahlir diins le Canada, les Hiuons étaient un peuple
aimé des Manitous. Il possédait de vastes territoires de
chasse ; quand il levait le tomahawk de la guerre, les
Onéidas, les Onondip^as, les Moha\\ks, tremblaient
rninmc la feuille de l'érable agitée par le vent du nord.
I.i's Hurons étaient une nation de braves, qui suspen-
il lient à leurs wigwams les chevelures de leurs enne-
mis; les Hurons étaient une nation de sages que les
tribus consultaient toujours avec empressement, et
ilonl les pai(des étaient accueillies comme une révéla-
lion du Grand-Lièvre ; ils avaient la force de Tours et
la sagacité du serpent.
Mais enfin les Onondagas se lassèrent de cette s)i-
prématie. Ils rassemblèrent autour du feu du conseil
les chefs des peuplades voisines, et leur dirent :
0 Pourquoi souffrons-nous que les Hurons scalpent
nos guerriers et emmènent nos squavvs prisonnières?
Pourquoi leur abandonnons -nous les bois où l'on
trouve en plus grande abondance les bisons et les
élans? Chacune de nos tribus est faible; mais les
wampuras, qui ne sont que de petits coquillages, font
de beaux colliers quand ils sont réunis; les mince
écorces du bouleau deviennent des liens solides quand
on les joint ensemble. Soyons comme les nampums et
les écorces du bouleau : liguons-nous pour combattre les
Hurons, etdéterrons contre eux la hache de la guerre ! »
La coalition eut lieu ; toutes les Tribus résolurent
de marcher dans le sentier des combats, même celle
des Macaques, qui ressemblent moins à des hommes
qu'à des singes. Les Hurons furent écrasés; la trahison
se glissa dans leur camp comme un serpent noir; ils
luttèrent vainement depuis la lune des nids jusqu'à
celle du chevreuil qui jette ses cornes; les Onondagas
s'abattirent sur eux comme des volées de corbeaux sur
la carcasse du buftle terrassé. Les Outchipicois et les
Muscogulges vinrent pècherdansles rivièresdelagrande
Nation; ils lui imposèrent pour Sagamores des chefs
qu'elle avait autrefois bannis, et qui fumèrent le calu-
met de la paix avec les Chicassas et les Macaques. Triste
temps pour les braves! Heureux temps pour les jon-
gleurs !
Les neiges d'un grand nombre d'hivers furent fon-
dues par le soleil du printemps avani que le Grand-
HF.Vll': COMKtlK
Ksprit ranimât les Hiirons jibnltu» par lour iléfaile. !
Kniiii ils se relevèrent, secouèrent le joua; qu'on leur i
avait imposé, et renvoyèrent leurs vieux cliels, (|ui se I
eouihiisaienl comme des squaws. Quand le dernier de
celte race maudite eut disparu, les Sachems de la llu-
ronie se demandèrent qui devait le remplacer; mais la
pipe remplie de pétun lit plusiem-s fois le tour de ras-
semblée sans que ses odorantes fumées inspirassent
aux vieillards la moindre résolution.
Ils hésitaient encore, quand un guerrier inconnu se
présenta. 11 était petit, de chétive apparence, assez mal
tourné, remarquable seulement par la courbe d'un
nez volumineux. Son front était déprimé ; ses yeux
semblaient naturellement mornes, mais il avait essayé
de leur donner quelque animation, en buvant à longs
traits de l'eau de feu, ce fatal présent des visages pâles !
Il avait fait une toilette spéciale pour paraître devant le
conseil, l'ne plume d'aigle traversait la touffe qui
couronnait son ciàne, rasé suivant la coutume in-
dienne. Les lignes bleuâtres de sa peinture de guerre
figuraient les emblèmes les |)lus belliqueux. 11 s'avan-
ça d'un air martial au milieu des Saciiems, et leur dit :
« .\jouh-Oyah-.41iuya! Que les .Maniions vous pro-
tègent et gardent de tout mal la moelle de vos osl Je
suis Nigorondac, le ^ez-de-Corbeau, descendant du fa-
meux Timaraba, qui terrassa les Ouondagas; je suis le
dernier rejeton des Sagamores Iroquois. »
In murmure flatteur accueillit ces paroles, et les
vieux guerriers qui avaient suivi Timaraba jusqu'aux
bords du .Mississipi applaudirent avec transport. Il fai-
sait sombre; dans leui- folle ilinsinn, ils crin-ent voir
dans le prétendant Iroijuois, au'fronl déprimé, le grand
Timaraba, la Tèle-pleine-de- Vicloires , ipii revenait
de la terre des Esprits.
« ^omnlez-n)oi votre cbef, reprit rirtKjUdis, et
votre nation sera de nouveau la mère de toutes les au-
tres. Je vous ferai connaître de magnifi(|ues territoires
de chasse, et vous chasserez avec moi le buffle et le
castor. Je soumettrai à vos lois tontes les tribus, de-
puis les .\lgonquins jusqu'aux Delawares. Vous aurez
de belles fourrures de marte et d'ours pour vous cou- I 1
vrir en hiver; vos wigwams regorgeront de richesses;
vous serez plus forts que lccliène,])lusgiands(|ue le peu-
plier,plus heureux queiesabeillesdans nu champd'be-
lomas. » (jacubo le Husé Vieillard lui avait fait la leçon.
A ces mots, les .Sachems tirent entendre un cri d'ap-
prohation, et l'Iroquois Nigorondac, descendant de Ti-
maraba, fut proclamé Sagamnre des Hurons.
Plusieurs lunes s'écoulèrent et les Sacbem-- at-
tendirent l'effet des promesses de rirot|uois; mais
celui-ci, loin de déterrer la hache de guerre , loin de
mener les tribus à la poiirsuilc des bètes fauves, restait
dans Son wigwam à boire l'eau de feu avec les Ikones-
sens . au lieu de poursuivre l'Orignal sur les collines,
on de s'occuper du bonheur du peuple autour du feu
du conseil, il prolongeait dans la nuit ses orgies.
Les Sachems, mécontents, l'allèrent trouver et lui di-
rent : «îro(|uois, lu nous avais promis degrands biens, et
nous sommes nus; tu devais nous conduire à la chasse,
et les castors folàlrent en paix dans leurs lacs; lu nous
faisais espérer la défaite de nos ennemis, cl les Ma-
caques, enx-mèmes, nous appellent lâches; lu devais
nous faire resplendir comme le soleil du midi, et nous
sommes enveloppés de ténèbres comme dans une nuit
d'orage. Iroquois Nigorondac, descendant de Timaraba,
tu es indigne de ton aïeul. »
Kt les Sachems lui jetèrent des gouttes d'eau au
visage en ajoutant : «lro(|uois, tu nous déshonores.»
.Mais Nigorondac se consola de cette humiliation en bu-
vant la flamme liquide avec les Ikouessens. »
— Pourquoi écouter les reproches des Sachems? lui
dit un de ses chefs favoris, Chingachgu, le Hal Mus-
qué. Je vous dis que ce sont des chiens; ils aboient
après vous comme après la lune étincelante; mais ils
sont le ravin et vous êtes la imintagne. Ne craignez pas
de lever icnilii' eux le tomahawk, invoquez Athaënsic,
le manitou de la haine et de la vengeance!
Issu des Macaques par les teinines, Chingacligii
avait apporté dans la noble race des Hurons les iiia-
nrières efféminées et les inclinations perverses de
cette tribu justement méprisée. Peu favorisé de la na-
ture, qui l'avait doué d'un mas(|ue assez laid, il cber-
cliait à se donner une beauté factice an moyen de
drogues qu'il achetait très-cher aux jongleurs. D'un
caractère envieux, il voyait avec peine d'aiiires guer-
riers mériter par leiiis exploits le suffrage de la tribu,
et, pour les renverser, il avait brigué la faveur de
riro(|uois. Tous deux étaient dignes de se comprendre.
(Cependant Nigorondac l'Iroquois hésita d'abord à en-
trer dans les vues de son ami ; mais celui-ci, qui con-
naissait les goûts prédominanls lie l'Iroquois, lui versa
une pleine calebasse d'eau de feu. Le descendant de
Timaraba se concerta avec lui, et le Rat Miisipié passa
la nuit suivante à préparer sa peinture de guerre. Il
se frotia le visage de graisse d'ours et de charbon pilé,
sans oublier de se cerner gracieusement les yeux avec
e bel d'une vipère; il se passa daus les narines et dans
les oreilles de larges anneaux de cinvic roiii^e; il nul
une jupe d'écorce demiiner, Ulle iiu'i'ii |icirteiit le>
Ikouessens, et des mocassins de peau île daim bordées
de dards de porc -épie.
Le lendemain , .Nigorondac hésitait encore; fatigué
lies libations de la veille, il était plongé dans la torpeiil';
mais (vliiugacbgu \nt lit boire leaii de feu, et uni'
lueur de courage pointu dans le cieiir vide du pi èleii-
daiit. L'lro(|Uois suivit le l\at-.Musqué , assembli .ses
jeunes guerriers , et leur déclara que le lilre de Saga-
more ne lui snllisait plus, et qu'il réclamait celui
d'Ornikarilnia, l'Kloile des étoiles. Mais les jeunes
giiurriers lui rirent au nez. Le Kat Musqué leur
promit de grandes ri'cciiiipciises > il Muilaieiit appuyer
l'Iroquois, et faire quitter aux Sachems les sépultures
m iti, \ii i»i' i'i.\i;i:\ii:\T
[■ni II US Hll'tll^l NTWTH "'KNS KMI'l.nl.
UIVK[t<.IKIl I>l£ IIAtKANNl::
Professe l'anglaise, la cimive,
la ronde; il transcrit la consiiluion
en bâtarde.
CLASSt
AU DES MOURRXES
Sollii-ile un emploi de pi n rhez M. P.ldelod
hiinme sevé e, mais ju-le.
CAHNIEK-PAGES
Entre chez un financier,
qui le trouve apte à faire un gari,-on rie recette.
CHAMBOLLE
Vend de l'eau tiède
"US p-ëtexte de co
Atin de ne pas abandonner le restaurant Pestel,
&'y 1 n^age en qualité de garçon.
Dessiné par Nadard.
Gravé par B*IiLA%T.
Ô(i
RKVUE COMIQUE.
de leurs pèies. Jlais les jeunes guerriers l'appelèrent
traître et lui jetèrent au visage l'eau du déshonneur.
« Les Sachems sont nos pères, direnl-ils; nous boirons
avec eux le sorbet noir, nous l'umerons avec eux le
calumet, parce qu'ils ont l'inspiration du Kilsi-Mani-
lou. Vous, vous agissez sous l'influence de Micliabouje
txrand Chat-Tigre ; vous êtes de vieilles fennnes! !! »
Nigorondac et le Hat-Miisiiué coururent de wigwani
en vvigwara pour se faire des partisans. Ils furent se-
condés par le jongleur Faloulyawissia, le Corbeau-
lilanc à tète noire, et par Odiliabarrossi, le Geai Mu-
eissant; mais ils étaient en révolte contre le reste de
l-i nation. La lune des Fraises allait succéder à la lune
des Fleurs, quand les conspirateurs furent surpris par
leurs concitoyens, et liés au tronc d'un être pour y at-
tendre leur sentence.
« Et que ferons-nous, se demandèrent les Sachems,
de ces enfants du grand Chat-Tigre'?
Par le conseil des sages, on les mit dans mu' pi-
rogue d'écorce d'érable, et on les abandonna au cou-
rant du Mississipi, qui les porta dans le pays des Ma-
caques. On n'entendit plus parler d'eux ; sans doute,
le K.it Masqué continua à farder sa petite ligure de
vieille squaw ; le Nez-de-Corbeau rougit probablement
sa protubérance nasale par de nouvelles absorptions
d'eau de feu; mais la nation, heureuse et flère, dé-
daigna de s'occnperdes indignes sagamores qui l'avaient
opprimée. Elle redevint ])uissante à la guerre, à la
chasse ; elle eut de belles fourrures, qu'elle vendit aux
Visages pâles; elle scalpa ses rivaux, qui se cachèrent
en vain comme l'Orignal, et Nigorondac fut le dernier
des Iroqiiois. F. de la T..
CINCINNATUS-ODILON.
Le lli?:Uri' rc|ire«ciite un rul>inel île Ir.ivail.
SCENi: UNIQUE.
ODILON FT ODILONF.
ODiLON, se promenant de long en large avec agitation.
Ils ne viennent pas; o rage! J'avais flatté l'Autri-
chien superbe et gagné le cœur du Russe intraitable.
J'avais pour moi l'estime d'un Bonaparte, le sabre pro-
tecteur de Bergamotte et la bénédiction de Pie IX.
Montaleinbert priait pour moi; et je tombe, comme
en 1851 ! je tombe accompagné de plusieurs autres!
Falloux plante ses choux ; Drouin ferme l'huis de sa
maison; Faucher fauche ses foins; Buffet vend de la
faïence, et moi, je n'ai plus qu'à labourer mes champs,
comme Cincinnatus. Qu'on m'apporte mon Cujas et
mes Pandectes : car c'est là ma charrue. (// déclaiiic
avec emphase.)
Au banquet polilique, inforluiié convive,
J'apparus un jour, et je meurs.
Je meurs, et sur la tombe où lentement j'arrive
Nul ne viendra verser des pleurs.
ODiLONK, haussant les épaules.
OdiloTi, tu m'affliges. Au lieu de soupirer à fendre
les murs, que ne vas-tu à l'Elysée? Tu lâcheras une
tartine au patron : il n'y verra que du feu, et te sup-
()liera de retirer ta démission. Homme faible ! y a-l-il
du bon sens d'aller donner sa démission lorsqu'on peut
faire autrement? Tu tenais le portefeuille, et tu le dis-
poses comme un nigaud 1
inn.ON, soupirant.
Il lefallaitl
ûuiLONE, fxasppree.
Il le fallait, imbécile? Eh bien! je te déclare qu'il
me faut mon grand fauteuil, où je trônais si bien dans
les salons de la justice. Arrange-toi comme tu voudras:
11 me le faut, ou prends garde à toi. Ne t'imagme
point qu'après avoir été perchée si haut, je consentirai
à me reposer dans ce siège crasseux que tu offris jadis
à tes clients. Vive Dieu! est-ce une position sociale?
Est-ce asseoir une femme? je n'entends pas cela. Il me
faut mon tiône.
ODILON.
Pardonnez-lui, Seigneur; elle ignore mes desseins
et mes espérances.
ODILONE.
Qu'est-ce à dire? Tu as des espérances et tu ne me
comptes pas cela! Tu as des secrets pour moi! (Elle
saisit un grattoir sur le bureau.) Fanl-il enfoncer ce
fer dans ma cuisse, comme Portia, pour t'apprendre à
me connaître? Parle donc, et pas de phrases.
oniLON.
Voici mon secret. Vainement ils se ligurenl qu'ils se
passeront d'Odilon. J'avais laissé bien loin derrière moi
Guizot lui-même. Le chien sautait bien: j'avais sur-
passé le chien. J'ai fui connue une ombre, sans leur
dire : je reviendrai. Ils reviendront, je les attends. Re-
garde par cette fenêtre, ô mon épouse! ne vois-tu rien
venir?
ouii.o>iE, regardant.
Je ne vois que les maronniers qui verdoient et les
bonnes d'enfants qui promènent leurs mioches.
A l.l'SAC.K DKS GENS SÉRIKUX.
37
"DILON.
I.e scili'il iri'>t i|ir,'i la inoilié de sa cairiiire. (// >•'■-
flrcliil .) J'.ii mal jugé les liotiimcs : si j'eusse duiiné
l'iiilériour à HiilFet t!t ragi'iculliire i Faucher, je se-
rais eiHoïc llllnl^tll•.
(Hiii cim:, « In fi'nrire.
Je vois des jjardes ualioiiaii\ (pii s"a\aiuerit.
J'en élais sùi' I Ils \ieiuiti]|, au imui dis quatmze
légions, in'oUVir le |)ouvoir. Je céderai aux prières des
cenlurious: mais ils lue trouveront modeste et grand,
auniir.e (linciiiMalii>. Vdici le iiioiiient d'olei' uja tu-
lotte.
(iarde les vêtements;
l>aiii{uc( démocratique.
soldals-citovens vont à un
l'auslérité de ma calvitie a froissé le sentiment natin-
nal. (// fredonne sur l'iiir d'Orp/ire.)
i'n'i |)('i'dii mou niiiiislérc
Kipii n'i'^alc iiin douleur.
(llUl.OMR.
As-tu bientôt liin celte cliauson de croque-mort?
Crois-lu que le ministère te tombera tout rôti dans la
bouche? Habille-loi, te dis-je, et va-t'en à l'Klysée...
Mais je vois un dragon (|iii |)orle une dépêche. Il s'ar-
rête devant notie maison. Il (leniaudc un re(;u au con-
cierge, ("est une eslaletle du palais de la Présidence.
Kiiliii, le moment est donc venu] ( // nte ad rulo/le;
un domestique apimrte une lettre.) François, tu témoi-
gneras de ce fait, que le message de notre auguste pré-
sident m'a trouvé en chemise.
l'n banquet! nn banquet! .Mut sinistre et fatal! (//
réfléc/iit.) J'ai méconnu les Français : si j'eusse loué
une loge pour assister aux représentations de Murât,
je sciais encore ministre.
Oui, .Monsieur.
Hfdiii.
ODIl-ÛNE.
Je vois un régiment d'infaulei
([ui délile.
OPILON.
Plus de doute! l'armée vient me supplier de veiller
encore sur son honneur. Je me rendrai à ses vœux ;
mais elle me trouvera dans un appareil simple et sans
ambition. Otons nui culotte.
OniLO.>E.
Ne détache pas tes bretelles, [.'infanterie revient de
la revue.
0DI1.0N.
Les insensés! ils passent des revues, et ils n'ont point
de ministres! (// réfl('chit.] Le pouvoir m'a aveuglé; si
j'eusse porté perruque et parfumé mon linge, j'aurais
encore mon portefeuille. Hergamotte est plus habile
(pie moi : Il a su se donner cet éclat emprunté, qui ré-
pare des ans l'irréparable outrage. Compagne de mes
succès et de mes revers, penses-tu que je puisse entrer
dans une combinaison nouvelle avec Lamoricière et
Uufaure?
nllILONE.
Cornichon!., toutes les combinaisons sont bonnes,
pourvu que tu rattrapes ton poi teleuille.
ODILON.
Eh bien, je ne repoujserai point leurs ouvertures.
[Il ré(lpcf)it.\ J'ai mal compris mes contemporains;
«Le présiiiont de la l'iépublique [irie Monsieur et Ma-
dame Cincinnatus-Odilon de lui faire riiouneur de venir
passer la soirée à l'Elysée le ... mai 1849, à neuf
heures. On dansera. » — Ils dansent, et moi je me
promène dans mon cabinet! Ils dansent sur l'abîme de
la crise ministérielle !
oltlLUNE.
Que tu es béte, mou homme!... Tu ne vois pas
(ju'on l'a])pelle pour faire nn nonvcaii IS brumaire.
olin.nN.
Impriidenle ! parle plus ba>. Ils veulent me nommer
second consul? Quel trait de lumière!... Mais il va
peut-être du danger. Ma grande àine redoute les périls.
J'ai peu de goût pour les passages de Hiibicon... Si je
les laissais faire sans moi ce IS brumaire?
ODILOE.
Bien! Il ne manquait plus que cela!... Fausser com-
pagnie dans le moment critique ; avoir peur, comme le
"2-2 janvier 1818, et lâcher pied... Au diable les pol-
trons!.. Odilon, si tu continues ce jeu là, je m'insurge;
je me fais femme forte.
ODlLON
Tu l'es déjà. Ne mets au monde que des fils, car la
trempe de ton came énergique ne convient qu'à des
mâles. Puisque tu l'exiges, j'irai à ce bal. Je ne résiste
plus. Assez longtemps je fus tribun; assez longtemps
je fus ministre. Soyons Cambacérès... Qu'on rae donne
ma culotte des dimanches. Le second consulat m'ap-
pelle. Aleajaclo est.
58
RF.VllK C.OMTOl'K
TAin r.iTi.s.
M. (^ImngaiiiitM' (>st il un uiiiml iliiiii^fr poiii- le
pays? Non ; mais il est iin ilanger sétiiMi\ |ioiir le gou-
vcrnoinent qui le laisse iVire ce qu'il fail, due ic i|nll
dil, être ce qu'il est. — ('.idil-mi iihum ne ili-;iiiiie les
gens qu'à coup de fusil, el i|u'iiii piu de juslc |)ii|iii-
larité ne serait pas nécessaire au chel investi des pou-
voirs de M. C.hangarniir. Si, ce i\it'h l>ii'u ne plaise,
les partis en viennent un junc au\ mains, li pii'-ciu-e
de M. Cliangarnier à la tète do l'-irnu'e aniail ] r
elFet d'irriter la lulte, de la rendre plus saiiL;laute et
l^^lus implacable. Ksl-rece qu'on \enl?
Les gratTimairieus axaient invi-nlé pnur la svut:i\e
latine la fameuse règle du qve uriKANCiiÉ. M. (ilian-
garnier a inventé celle de VossciiiOirc retrnnrhre. —
Vous n'obéirez qu'à moi — suus eutciuhi : et au pré-
sident de l'Assemblée.
Pauvre M. Barrol , à (|uoi l'on vous use!
.M. de I''allou\, dair> un disronis li.ibde et plein
de lilléraluie, a fail perdre la pi>te à l'opposition el a
sauvé SI. (^liangaruicr en faisant un loius d'bisloire
rétrospective ingénieux el amusant. Dan.; un des pas-
sages de ce iliscours, connue il venait de dire ; si la
l'raiH'e ne veut pas di-s tremblcuis, idle ne veut pas
non plus di' ceux (|ui tout Irenibler, .M. Odiloii lîarrot,
à qui ce discours donnait du ii'pit et rendait (pielipie
gaieté, se tournant mi - i|iit'li|iies députés : « La Fraïue
ne veut pins de personne, dit- il ; voilà la vérité. »
Au liind de ce mol, un |ieu léger dins la bnuclie
d'iiii président du conseil, ne pourrail-on pas liri" ceci :
« l,a l'ianue, ne voulant plus de M (tddou Barrot, ne
peut plus vouloir de ])ersoniii'. ji ♦
Au 1 ibre des gens ipii sont capables de tout,
M. Falloii.v compt(-l-il M. le l'résidint de la Uépii-
liliqiie, ou préfère t-il le placer an uoinbre de ceux qui
ne sont capables de rien'.'
« Mon clier Barrot, disait un malin représentant au
président du conseil, au nionient où il descendait de la
tribune; vous aviez une bien meilleure explication à
nous donner .le la lettre de .M. Cbangarnier ; mallien-
renseinenl celle e\|ilication étant la vraie, vous ne la
.saxie/. pas. » VA comme M. lîarrot prêtait l'oreille, -on
IiA VIE FUBI.IQUE ET PRIVÉE DE MOSSIEO REAC.
Chat. vip. - F„.ls .1 -VS'es pdrlmenl.nyr, ,lr mois'.,, A'.-.:.
Dtoé, ne ievc a la hàte.rt crie qtie
le» insurf;''?; ont commis des hor- '
reurs. — U écrit au Conxtiiution-
nel qu'ils ont chargé leurs fusils '
de projectiles qui empoisonnent.
Il assure
qu'il» ont scié le n^z de M. Véron
entre deux planche»,
A I.I s.\(.l. DIS (.INs m;|;|| I \
Ctillèyili-, im (If cfux (|iii (Mit l'ail avec lui ilc ropposi-
liOM pi'inlaiil ili\ aii-i ; « Je tiens, tlilil, avci- un ;;osle
i|ui i-fconiinaiidail , le Jii\^lt'ic cj'un anlf-dc <aini)
ili- M. Cliangaiiiii'i-, i|iic, >'il a iViil cfllc lillir. l'olail
aliii lie iiR-tlii' un (•in|)èciieinent anv coups ilKlaliini!
|hiuriail nii'tliloi-, >ans son aven, M. I.onis-Napolt'on, el
poui- l'iiiilie CL's coups d'Kl il iinpossililcs. "
Il l'aut en pieuilic son parli , la l<L'pulili(|iit' ne
p.iil plus être Uicf. — On ne lue pas une institulion
<pii a pour force cl poui- ap|)ui ce qui. seul, peut ren-
verser- les gouvernenieuls, une opposition forniiclal)le.
(iliose bizarre, c'est l'opposition, i\\u est répulili-
came, qui défend la constilulion ! ce sont les chefs de
celte opposition à tous les dej.'rés qui jurent de nnuirir
au l)esoin pour elle, tandis que ceux-là même qui ont
accepté la mission de la défendre sont avares de pro-
testations pour elle! On en est encore à altenilre de
M. <',lianj,'arnicr le mot qui puisse lui èlie opposé le
jour où il trahirait son mandat.
Ce serait si facile pourtant de rassurer ce peuple
>|ui ne demande qu'à l'être l^ue M. Napoléon, à l'ou-
\erlure de la Législative, vieinie volonlairement re-
nouveler son serinent de lidélité à la Hépulilique et à
la constitution ; qu'il déclare ipie, voulùt-on l'en faire
sortir, et fût-ce à sou prolit, il répéleiail (|M'il est
résolu à déposer son mandat dans trois ans, et je vous
€"»<siii'o que la sitiialinn sera bientôt détendue.
yiie de leur coté M\l. (iliangarnier, Thiers, Mole,
s'engagent envers la It('puhli(|ue par i|uelqiies paroles
très-nettes, et surtoiit pu <|ui!l(|iies actes, et la liaiue
qu'ils amassent sur eux, <|iii grandit tons les jours, <|ni
les écrasera peut-être, cette liaiiie fondra peu à peu ;
car, il faut hicn qu'ils le sachent, ils sont aujourd'hui
les vrais révolutionnaires, et c'est à eux, bien plus
qu'aux socialistes, (|u'il faut s'en prendre de l'inquié-
liiile 011 nous soiiiiiies.
On n'a pas voulu de la lii|iiilili(|iie modérée.
Nous avons dit, nous avons écrit, nous avons mis en
peinture que l'on nous menait à la Hépiiblique rouge;
que .M. Bonaparte, un bandeau sur les yeux, y était
mené par ses perfides conseillers. Qu'on lui ôle le
banileaii, et iju'il regarde ciilin : s'il fait un pas de
plus, il ) est.
(Croyez-vous que ce soit à M. l.edru-lioUin que
nous devions cet accroissement immense du parti so-
cialiste en France? Non, c'est à .M. Faucher, à .\t.(-lian-
garnier et au président de la Hépiiblique, trois Faii-
chers de formes dilférentes, de fonds pareils. Hi'iiis
soient ces trois grands, hommes !
l.'Asseniblée nationale était en avant sur le pays,
l'Assemblée législative sera en relard sur lui; c'est un
grand danger, puisque cela veut dire (|ue le gomerne-
nient n'aura pas rinitiati\e, mais qu'il la subira.
I.A VIE PCBUQCX ET PKIVXE SE MOSSIEU RÉAC.
ChaP. IX. — (iielt/iifi npiui'm.l lit mi>S$i'-n R-'nr.
Au reste, loi.iours conséquent avec lui-
il vote, comme il les comprend
la liberté de la prcsr-e.
■iO
REVUE COMIQUE
M. Drouyn de l'Huys a, en trois mois, compromis
toute notre politique exlorieure. L'expédition d'Italie
est jugée, n'en parlons donc pas, ses collègues eux-
mêmes se mordent les doigts jusqu'aux coudes, de
l'avoir laissé entreprendre. Mais sa conduite en Alle-
magne est vérilahlement celle d'un fou ; la politique
française a toujours été, en Allemagne, de séparer la
Prusse de l'Autriclie, pour laisser comme barrière
entre nous et la lUissie, tout le pays qui est entre la
Prusse et nos frontières, et la l'russe elle-même.
M. Dronyn de THuys, par peur de la chimère de l'unité
allemande, a fait de sou mieux pour réunir la Prusse
à l'Autriche, et rAutrichc à la Russie. Il a réussi.
Ainsi, en haine de Francfort, il a mis contre nous celte
forniidablecoahtion des trois grandes puissancesdu nord.
Si les questions extérieures étaient aussi connues en
France que les questions intérieures, ce n'est pas
M. Faucher qu'on eût expulsé du ministère, c'eût été
M. Drouyn de l'Huys, car celui-là fait le mal de façon
à le rendre inguérissable, il le fait dans la plénitude de
son insuftisance et de sa fatuité, en homme qui se croit
infaillible. La France se souviendra longtemps du pas-
sage de AL Dronyn de l'Huys aux affaires étrangères;
vingt ans ne sauraient réparer les fautes de M. Dro\iyn
eu .Vllemagne et en Italie.
Il nous est arrivé de dire quelques mots de M. Dan-
dré, chef de cabinet de M. Drouyn de l'Huys, ce sin-
gulier personnage que M. Mortier a rendu célèbre par
le portrait qu'il en a fait; nous nous étions contentés de
le croire nul, et par conséquent inoffensif, nous voilà
revenus de notre erreur : « Que fait M. "", ambassa-
deur de France à ***, lui disait un hormne qui avait le
droit de lui faire cette question. — Il y fait merveille,
répondit .M. handri'; il est ciiciire pins réactionnaire
que moi. »
Aimable garçon, que cela est bien dans votre bsu-
clie et dans votre place, et que voire [latron doit être
lier de vous avoir à ses côtés. ■
« Comptons-nous, disait im réactionnaire à un so-
cialiste, vous verrez que nous avons, à Paris même, le
nombre pour nous.
— Mon brave liomnie, lui n'piinilit rapôlre de l'ave-
nir, aux 158.000 voix qu'a eu M. Ledru-Rollin, ajou-
tez les r)0,000 voix de la population flottante de
Paris, celle qui loge dans les garnis, celle qui n'a pas
six mois de domicile constaté, et cinquante autre mille
qu'on trouverait dans cette partie de la population qui
ne vote pas encore, mais qui a prouvé, en février,
hélas! et même en juin, avec qui elle serait au besoin,
je veux parler des enfants de l.'i à '21 ans.
« Ajoutez ces 100,000 voix aux 158,000 voix de
M. Ledu-Rollin, et criez bien vite, et de bon cœur,
avec eux: vive la République! vous les verrez alors,
mais alors seulement, doux comme des agneaux ;
écoutez ce conseil et suivez-le, croyez-moi. il est sage :
et tout au moins, ne criez i)as autre chose, vous en
seriez le mauvais marchand. »
I.A VIE PUBIIQUE ET PRIVÉE DE MOSSIEU ILÉAC.
Chap. IX. — Quelques opinions de mossieii Réac.
\\ vole pour deux cbaœbie..
(/,a suite à la prochaine lii
A L'USAGE UKS GKiNS SÉIUEUX.
M
AUTAM' r,N KMIMlItll': l,K VKM,
Am ilrt linntiijm.h.
Vous ipii redoutez la U'ni|ii'>i.',
riviiihlciirs qui croyez loiil |ii-iilii,
l.e leii (lu ciel sur voire lôle
N'e^l pas encore descenJii.
I.e i^aiig .-e ylace dans vos veines:
Vous voyez l'orage; arrivant:
li;innissez ces alarmes vaines;
Aniant en eniporle le venl.
NoU'c nloi'itMise patrie
A toujours sa vitalité ;
Klle ne peut t'ire flétrie
l'ar un complot discrédité.
A la nation indignée
Les chaînes qu'on forge en ri^vaut
Ne sont (pie toilts d'araii-'née :
Autant en emporte le vent.
Les couilisins de l'ÉlysOe
Montrent le désir imprudent
Qu'une couronne soit posée
Sur le front de leur président.
Laissez à ces fous leur cliimère !
D'un Kuipire espoir décevant,
Hepri-e du Dix-Huit Brumaire:
Autant en emporte le vent.
Cliangarnier traite l'Assemblée
(Minime une bande d'Africains;
Si vieille lame, un peu fêlée,
Menace les lépublicains.
Complice d'une sourde intrigue.
Aux soldais sans cesse écrivant,
D'ordres du jour il est prodigue:
Autaiil en einporl; le vent.
De; la l'rauce déinoerali(|ue
(.lui peut entraver les do^tiu^?
Kst-Ci! l'alloiix le jésuitique,
Grand-niallre des ij/norantins'?
Des moines il loucherait l'àme,
.S'il péroniit dans un couvent;
^lai. quand à la l^.hamlire il dédain
Autant en emporte le veut.
Mais des sauvages de rilkrainc
Vous entendez le long liounvili.
Et croyez que sur nous, sans peine
Celle horde débordera.
Dans la Hongrie elle chemine,
Tieiiiblanle, sur un sol moiivanl.
(Jiie de loin Nicolas fulmine.
Autant en emporte le vent.
i;. B.
Ori ne peut dire en vérité
yue de l'ordre public Lvon soit l'adversaire,
Lorique cette grande cité
Vient de uoiiiiiut un i^ummissaire.
Les malheurs de Mural, l'illustre capitaine,
Ont cortlé bien des [jleurs à nos yeux attendris.
Le premier élu de Paris
A (iù son tiioinphe à la Seine.
,1 Cli_i:ij;;irnier ! Encore uiiç
pour lUO sera au pair 1
i'il île (ombt à 0.
ii
HKMIK COMig* I
Lorsque pour Franconi le temps elail prospère,
Mural i.hliiit :i" Cirque un succès eclalaiil.
C'est à force de voir représenter le père
yiie Paris a Ju lils fuit un reprisentanl.
Demoé par Nadahd-
Gravé par Baula
" itiiliiiif^. DCHIMEHAT. toiTcim, aos &icH£Lico,sa i>;i' l^ùiaiiun
,-!«
OIMDITIOIVS DE L* SOrSCRIPTIO\. - La ïiE^vv. oomw. k formera dei,x volumes grand in-s' pubUé. en iù hvra-o«. 4 ÔO «ni™,. i
rumT, 'Jr "-InT'" ""T"- ""îrr -i'' -•' P'^™'""^ ""^'^'>°'- ^ ^'* ^"''^ >= ^^ «vrU iai9. Il rei.Lme ,av,ro„ MO «r mar", pli Zl, "f p,,^,",'!
I pTrteraeQ ; " ^ '"""° '" ^'^ ''^ """"^ """"* P^"" '° »"»'^<«"- On souscrit, pour ce volume, en pavant 7 fr. 50 c. rour Par.ret lo fr pour
AUX SOVSOHXFTEUB.S DE ZiA BEVVE COMIQUE.
Le premier feuillet de .-iMijne livraist)n, repriiduisanl uniforinémenl le dessin de la couverture, doit
être enlevé à la hrocluire. — Aliu de varier le verso de ce premier feuillet, sans toutefois y insérer rien
d'iiiDortaiit, dont la suppression aurait quelipie inconvénient, ce verso, à l'avenir, sera occupé par la
correspondance de la KKvtE, i)ar des annonces drolatiques, ou quelque antre sujet accessoire eu dehors
de notre cadre; de telle sorte que lorsque les souscripteurs réuniront en volumes la collection des livrai-
sons, ce feuillet, enlevé, ne supprimera aucune partie intéijrante de l'ouvrage. Le dernier feuillet de la
couverture, IVinnant la dernière et ravanl-tlernière page de chaque livraison, devra être relié avec l'ou-
vrage complet, dont il ne peut être détaché.
BIBLIOCiRAPHIF.
Une partie de cette page sera de temps en temps consacrée au compte-rendu des ouvrages dont les auteuis ou éditeurs déposeront
deux exemplaires au bureau de la Kevue comique.
PRÉCIS DE L'HISTOIRE
ut
LA RÉ\0LlT10i\ ET DE L'EliriRE
FRANCE ET EUROPE — J789-18Li
l'A H
GAHII.I.E RQUSSET
PROFESSEIK d'histoire Al' LYCEE BONAPAKIE.
Les graves préoccupations du présent nous ramènent aux premières phases de notre grande Révolution.
Les leçons de l'expérience doivent aujourd'hui guider nos pas, et nous faire éviter les ccueils où nos de-
vanciers ont sombré.
Aussi nous empressons-nous d'annoncer, comme une œuvre d'utilité publique, le précis de l'Histoire
de la Récolution, par Camille Rousset. Ce résumé n'est pas toujours conçu à notre point de vue poli-
tique; néanmoins, nous rendons justice à la loyauté de l'auteur, et à l'exactitude avec laquelle il a re-
tracé les événements de la grande période de 178',) à 1815. Du reste, laissons parler l'auteur. Voici
quelques phrases extraites de sa préface.
« Ce livre n'est pas autre chose qu'un modeste précis pour l'enseignement; c'est à dire que j'y ai
mis tout le soin que réclament des études sérieuses.
« Toutefois, si ce travail, qui n'est pas fait, je le déclare humblement, pour affronter la difficile
épreuve du monde, venait à franchir les limites de nos collèges, je m'en alarmerais, sans aucun doute,
pour mon amour-propre d'écrivain, nullement pour ma conscience d'honnête homme.
M Dans cette route pénible et semée de difficultés, je me suis tenu constamment entre deux guides
infaillibles, l'impartialité, qui est le premier devoir, et la liberté d'opinion, qui est le premier droit de
l'historien, b
Dans un volume in-S" de ôOO pages, M. Camille Rousset a su concentrer la matière des volnmineu.ses
compilations de Thiers, de Bûchez, de Toulongeon et de Montgaillard. Son récit est rapide, net, coloré,
et n'omet rien d'essentiel. Après une introduction largement conçue, sur les mœurs, la philosophie et les
idées du dix-huitième siècle, l'auteur éclaircit les causes multiples qui amenèrent la convocation des
Etats-Généraux ; jjuis il déroule, dans une narration lucide, semée de réflexions habilement intercalées,
les péripéties du drame révolutionnaire.
« Ce livre, dit M. Camille Rousset, n'est qu'un modeste précis pour l'enseignement. » iSoiis pensons
qu'il peut être lu avec fruit par tout le monde, et qu'il est préférable, dans sa concision, à beaucoup de
publications où les mêmes annales sont longuement délayées.
La première partie, qui vient de paraître, contient, en 500 pages, toute l'histoire de la Révolution,
rAssemblée constituante, l'Assemblée législative, la Convention et le Directoire. — Il n'existe aucun
autre ouvrage aussi concis et aussi complet sur cette période remplie d'événements.
Il n'est pas hors de propos de noter ici la modicité du prix, (|ui donnera entrée dans la bibliothèque
la plus modeste à l'histoire de la Révolution, — dont jusqu'ici aucune édition n'existait dans de pa-
reilles conditions.
In volume in-8'', — Prix : \ Ir.
Chez CHUMEROT, rue du Jardinet, 13, — t-t AnioT, rue de la Paix, 8.
On trouve aussi des exemplaires chez DUMIlkERAV, rue Richelieu, 52.
Tiri- JU1 prpffi'f nitfciniqiiei de T.ACRiMPl itCovp. rn« Dtmictie, t.
A CAUSE DE KÉAUMUR.
Je passais l'autre jour devaut iiii tcnaiii oiitoun: de
planches, lorsque j'entendis une \oix qui criait :
— Alleution au coimnandenient !
— Préparez... poumons ! prenez... couteaux!
— Une, deux; une, deux, à l'ordre! Ça ne vaut
rien; recommencez -moi ce lenips! Une, deux, à
l'ordre ! C'est ça. M. Baze, vous me ferez deuï jours
de salle de police pour ne pas avoir frappé trois fois de
votre couteau de bois après le premu>r mouvement.
Je m'approchai, et, a travers une fente, j'aperçus le
sergent Denjoy et le caporal Tasclicreau qui faisaient
faire l'exercice de l'interruption en douze temps ù une
escouade de recrues parlementaires.
La gaucherie de ces i-eprésentants-conscrits était ex-
trême. On voyait cejiendant, à la lourdeur de leurs
mouvements, qu'ils parviendraient à se former. Kn
effet, nous en avons eu la preuve dès les premières
séances de l'Assemblée législative.
Les citoyens Uenjoy et Taschereau, instructeurs du
parti honnête et modéré, ont vraiment fait merveille.
Les conscrits de la réaction, qui voyaient le feu pour
la première fois, ont manœuvré comme de vieilles
troupes. Aucun d'eux ne s'est débandé, et il a fallu
conteair la fougue de ceux qui voulaient enlever les
redoutes de la Montagne à l'arme blanche.
^ Cette ardeur n'est pas sans quelque danger pour
1 avenu'. Il esta craindre que le citoyen Denjoy et son
lieutenant Taschereau ne lancent un jour leurs préto-
riens contre l'Assemblée, et ,|u'ils ne lassent un dix-
huit brumaire à leur profit. On prétend même qu'ils
ont fait des ouvertures à M. Baze. On formerait un
gouvernement ainsi composé :
Denjoy, premier consul.
Taschereau, deuxième coiimiI.
Baze, troisième consul.
Le comité de la rue de Poitiers s'alarme sérieuse-
ment de ces prétentions. On annonce que les conspi-
rateurs, dans les dernières séances du comité, ont laissé
percer leurs intentions.
-M. Mole ayant insisté plusieurs fois p„ur répondre
a une observation du citoyen Denjoy, ,elui-ci lui a
coupé la parole en lui disant ;
« Taisez-vous, Pékin. »
Taschereau, en désignant M. Thiers du doigt da
façon à ce que personne ne put s'v méprendre s'e-^l
ecrié : 11 faut en finir avec les bavards et les idéologues ;
ce sont eux qui perdent tout. "
guant à M. Baze, on a remarqué que, toutes le. fois
qu'il se rendait à la buvette, il affectait de marcher
en avant de ses collègues, et de se faire servir avant
eux.
Le comité de la rue de Poitiers a annoncé que <=a
tache n était pas linie avec les élections. 11 est décidé ù
continuer son œuvre; mais, quelle œuvre? voilà pré
ciscment la question.
'il
REVUE COMIQUE
— Belle question ! ranivre Je la rue Je l'uilieis osl
la reeonslruclion Je l'ordre.
— De quel onlre '?
De l'orJre selon les orléanistes.
De l'ordre selon les légitimistes.
De l'ordre selon les bonapartistes.
Je voudrais liien qu'on nie fournît <ineli]ues (iclair-
cissenients à cet égarJ.
Ces divisions ne peuvent (iii'ètre fatales à la rue Je
Poitiers. Les eiloyens Denjoy, 'l'aseliereau et Baze ne
niani[ueront pas d'en profiter pour pousser leur pointe
eonsnlaire. Us Uniront par réussir, poussés qu'ils sont
])ar l'instinct Je plus en plus lielliqueux des nouveaux
membres de l'Assemblée législative.
Le gouvernement est inquiet de celte nouville di-
rection que [)rennent les esprits, et celte inquiétude a as-
sombri le banquet qui a eu lieu cliez M. Odilon Barrot
poui' célébrer les fuuéraillesile iii Conslituanle. M. Léon
Faucber avait été adhiis à ce banquet. Aux yeux de ses
anciens collègues, M. Léon Faucher n'a point cessé
d'elle ministre. On lui réserve une place à tous les
gueuletons ofliciels, où il mange avec tout l'apiiétit J'un
économiste.
Qui aurait dit au minislère que, (juelques jours seu-
lement après l'ouverture de l'Assemblée législative, le
danger lui viendrait de ses amis? (l'est là pourtant ce
qui arrive. Les montagnards, (ju'on nous avait faits si
terribles, si menaçants, sont les meilleures gens du
monde, de vrais moutons pour la douceur. La Montagne
a |)erJu sa foudre et ses éclairs : ées orages sont dans la
plaine.
— Oii en èles-vous maintenant en l'"iiince? m'écrivait
hier un Je mes amis.
— Nous en sommes, lui ai-je réponJu, à trente-
Jeux degrés Béanmur à l'ombre.
C'est ce (\\n explique pauiquoi je me lulte d'inter-
lonqire cette chronique.
LES 17 BBUMAIUE.
A M. I.E DlllF.CTFlH 1)K I.A IIEvrB cnsilQrE.
Monsieur,
Pardon, excuse si je vous dérange. U faut absolu-
ment que vous me tiriez d'un doute. Lorsqu'on m'a
appris à lire, écrire et compter, dans ma jeunesse, on
m'a positivement assuré qu'après le nombre 17 venait
immédiatement le nombre 18. Mais il paraît que de-
puis tantôt six mois on a changé cela. Si le calendrier
radote, il serait bon d'en avertir le public. Peut-être
avez- vous quelque renseignement à ce sujet. Soyez
assez aimable pour me dire si votre almanach est pa-
reil au mien. Il est dur, à mon âge, de ne pas savoir
trouver le quantième du mois.
En Jeux mots, .Monsieur, voici ce qui me met en
peine : Jeptiis le D) décembre, il est venu maintes fois
des gens me Jire : a Père Ramponneau, vous ne savez
pas? c'est aujourJ'hui le 17 brumaire.
— Qu'entenJez-voiis par là? leur ai-je JemanJé'.
— Nous entendons que demain ce sera le IS bru-
maire. »
Etonné de ces paroles, et ne connaissant pas celte
date-là, je prends mon guide-àiie et je l'examine avec
soin : je n'y vois pas le 17 brumaire,; mais je pense
que le lendemain ce sera peut-être le 18. puisqu'on le
répète avec assurance. Le lendemain, pas pins de IS
brumaire que sur ma main. Je me dis que c'est une
bêtise; que ces gens-là se trompent, et je n'y songe
phis. Quelques jours après, d'autres personnes viennent
me dire encore :
— Père Ramponneau, c'est aujjurd'hui le 17 biii •
maire.
— Ce jom-là n'est pas sur mon almanach, iiue je
leur réponds.
— C'est vrai, me dit-on ; mais cette façon de parler
signifie que demain ce sera le 18 brumaire.
Je cherche encore avec acharnement. Je relis mon
calendrier d'un bout à l'aulre; j'y trouve la Passion,
Quasimodo, Oculi et Saiut-Ëloi; quant au 18 bru-
maire, pas l'ombre : il est à tous les diables. Je com-
mence à croire qu'on s'est gaussé de moi. Mais voilà
que d'autres gens, qui ne songeaient pas le moins du
monde à me jouer un tour, et qui causaient tout bon-
nement ensemble, se mettent à dire entre eux : « Au-
jourd'hui, nous sommes au 17 brumaire. » Je n'y
comprends jilus rien ; je soupçonne que c'est qnebjue
bamboche politique ou un terme d'argot : je prends
patience et je me tiens coi. Le temps est un grand
maître.
Un soir donc, c'était le 28 janvier 1849 (j'en suis
parfaitement sùi), on me répète que nous sommes au
IT brumaire. Je hausse les épaules, et je ne Jis rien.
Le lenJemain, j'entenJg battre le rappel. Je m'infor-
me, et savez- vous ce qu'on me répond? — « C'est
(pi'ori veut faire un 18 brumaire. » Et puis, au bout
dc^ deux heures, ou m'annonce que le 18 brumaire est
manqué, cl (|ue ce sera |)om' une autre f(jis. Eu edet,
je me suis a.ssuré ipic ('('tait bien le 29 janvier, et pas
autre chose.
Le 20 mai ilernier, même aventure. On me dit que
nous sommes au 17 brumaire; et puis, le lendemain,
point de 18. Nous retombons en plein au 21 mai, tel
que le bon Dieu et le calendrier l'ont fait. Monsieur,
je vous en prie, quel est donc ce mystère?
KSSAI Dl- CIILOUOFORMISATION
DE«TI>É * rORF. Sinin A I.A Rll'lOLIOUE FRANÇAIS!:, PENDANT SA LÉTIlARCrF., l/uPtRATION DE LA NATIOVALOIlllTIE,
»nc iccuiir>G:<i>i>?<r di Li«q» siiunto, »ou« triRii lo^ iino laop cumot »• liiiiti.
Aides opérateurs.
Grâce à sa vieUle probité, l'honnètc Barrot a su peisuader une seconde fois la malade : elle lui a livré sa tête L'opérateur Fba-Fali ot ï double
la dos«, suivani la prescription du petit docteur Thiers, qui suit attentivement les progr.^s de l'affaissement du sujet.
La mère MoiÉ prépare un breuvage drstiné à entretenir l'immobilité.
Pendant ce temps-là .
Dessiné par Naoard.
AAn que l'opération i
loit pas troublée.
Pendant ce temps-là.-.
Gravé par BAtiUiST.
46
REVUE COMIQUE
Quand on me dit : n C'est aujourd'hui samedi, n je
songe intérieurement que ce sera le lendemain diman-
che, et jamais cela ne manque. D'où vient donc que
tous ces 1" brumaires ne sont jamais suivis du 18?
Savez-vous que c'est étonnant! Il y a donc des gens
qui tentent de changer les dates, et qui n'y réussissent
pas? S'fl en est ainsi, priez-les de ramener le samedi
plus souvent qu'à son tour. Je tiens un cabaret hors
barrière, et si nous avions beaucoup de samedis par
semaine, nous aurions, je le suppose, plusieurs di-
manches. Je pourrais chanter : Ah! comme on vien-
drnit boire à mon cabaret'. Mais pour cela, il ne fau-
drait pas que le dimanche fit au samedi la même farce
que ce 18 brumaire fait toujours au 17, en lefusant
obstinément de venir à la suite.
De grâce, .Monsieur, éclairez-moi. On m'a bien dit
quelquefois : « Telle chose viendra la semaine des
trois jeudis. » Mais c'était une façon de parler pour
exprimer que cette chose n'aurait jamais lieu. S'il en
est de même du 18 brumaire, donnez-m'en avis, s'il
vous plait. 11 ne faut pas badiner avec le rappel elles
roulements de tambour. Cela éloigne les buveurs ; cela
empêche le plaisir ; cela dérange le commerce et in-
quiète les particuliers. Puisqu'il n'y a point de 18
brumaire, on devrait bien aussi nous épargner le 17.
Je veux être raisonnable. Monsieur, et ne pas me
tourmenter mal à propos ; c'est pourquoi, en attendant
votre réponse, je me figurerai qu'il en est du |7 bru-
maire comme de cette enseigne bien connue d'un bar-
bier extrêmement farceur : « Ici on rasera (jratis
demain. »
Recevez, Monsieur, l'assurance de ma considération
distinguée.
Ramponneai-, marchand de vins.
EX LIBRIS DE FALLOUX.
Il était onze heures du soir, et je flânais encore de
long en large et de large en long dans le passage Choi-
seul. Le gardien, en petite tenue de Napoléon, se
tenait dans un angle sombre, les bras croisés sur la
poitrine, et la corne de son petit chapeau réveillait en
moi les souvenirs du beau temps passé de nos gloires
militaires.
Donc, il se faisait tard : le gazier avait sonné une pre-
mière fois, et les rares promeneurs défendaient de leur
mieux la tête et les reins des angles de volets qui sur-
gissaient de toutes les portes. Une seule boutique était
encore grand'ouverte. Des flots de lumière inondaient
de petits bibtots d'une physionomie étrange et laide que
je me pr'.s à considérer. Un monsieur , fort bien cou-
vert, ma foi ! et décoré de la rosette de Saint-Louis, se
pencha à mon oreille et me désignant le pharamineiix
étalage :
— Vous êtes amaten r d'objets d'art , me dit-il en
m'offrant, dans une boite dor niellé, une prise d'un
tabac fin comme tout : que pensez-vous de ceux-ci ?
— Ce que j'en pense, lui répondis-je avec des yeux
danslesquels se peignait peut-être quelque défiance, je...
Le vieux monsieur décoré m'interrompit en souriant.
— Soyez tranquille, me dit-il, nous sommes seuls,
et ce marchand, notre ami, est on homme sur et dis-
cret; il sera bien certainement, un jour, Grand-Porte
quelque chose, et il l'aura bien gagné. Si vous voulez,
entrons chez lui, et je vais vous mettre entre les
mains une petite perle toute fraîche émoulue.
— Mais, monsieur, je ne vous
— Chut donc! fit l'entêté vieillard, votre fanatisme
vous égare; allez-vous pas crier tout haut : vive
Henri V !
Je ne suis heureusement pas poltron ; je n'étais pa»
fâché de voir l'inlcrieur de la boutique du célèbre trois
étoiles, qui sera Grand-Porte quelque chose, et je vou-
lais connaître l'émail de la perle fraîche émoulue ;
— j'entrai.
Tandis que mon introlucteur marmottait tout bas,
à l'oreille du maître de la maison, je passai en revue
les petits crucifix en ivoire, couronnés de fleurs de
lis, et portant, comme signe particulier, un ventre
que l'on ne prête ordinairement pas aux figures de
Christ; l'entrée de Charles Vil à Paris, — toujours
avec du ventre, et la collection, plus variée que toutes
les collections connues de tulipes, de Dieu le veut.
Dieu le voudra. Dieu ne le veut pas. Dieu l'a voulu,
ah! si Dieu le voulait, etc., etc.
Je fus tiré de ma contemplation des soi-disant vo-
lontés divines par mon vieux monsieur décoré, qui me
remit entre les mains un petit volume, édition diamant,
doré sur tranches, relié de salin vert et fleurdelisé
d'argent.
Voyez ceci, me dit-il myslérieusemenl en faisant
claquer les doigts de sa main gauche; lisez et proliiez.
Chut!!
Voilà ce que je vis et ce que je lus.
Sur la première page je lus : ^x librit de Falloux.
Je tournai et je vis :
PETITES PRIÈBES
A MO!» LSAUE PABTICL1.IEI1.
Au nom du Pape, du conue de Chambord el de la S.in .--Allianre de.
autocrati-'S Russe, Pra»sien el Aulr. chien. AiiiM suil-il.
PHIÈRE EN ME LEVANT.
Je vous rends grâces, 6 mon Dieu, du pouvoir
que vous m'avez donné el que vous m'avez conservé
jusqu'à cette heure ; je vous rends grâces du tilre glo-
rieux d'homme de cour et d'homme politique que
A L'USAGE DES GENS SÉRIEUX.
47
vous m'avez conslilué dans l'avenir , quand luira le
grand jnnr de clémence où vous laisserez tomber de
l'azur du ciel la couronne lleurdelist'e qui remplacera
l'aïu'éole du martyr.
Dieu tout-puissant, donnez-moi la force (pii me
fera vivre jusque-là ; car elle sera radieuse , Seigneur,
la renaissante aurore où l'on immolera rexécrable
raison humaine sur les ronges autels de la sainte In-
([uisition , où la sainte Ilermandad fonctionnera au
nom de ses pouvoirs absolus, oîi les privilèges de la
noblesse seront glorieusement proclamés, où, dans nos
provinces, le mari se signera dévotement devant la san-
dale du bon moine qui fermera l'huis de sa porte, où le
paysan redeviendra serf , bàtonnable et corvéable à
merci, où l'Église, géante enfin, pèsera de tout son
poids sur les toiubeaux de deux révolutions enterrées
à jamais. Ainsi soit-il.
l'RlÈRE EN MONTANT A LA TRIDCNE.
Dieu, tout-puissant, je vais aborder la tribune par-
lementaire : faites-moi la grâce de m'inoculer un peu
le venin de la vipère. Insinuez-moi quelque grosse
injure que je puisse adresser indirectement h l.edru,
qui, tous les jours, me lance en pleine face des mois
cruels que je compte bien lui faire payer plus
tard , et faites que je retrouve an fond du verre
d'eau sucrée constitutionnel l'astucieuse et cauteleuse
inspiration qui taquine le démon montagnard ; faites
aussi que mes trucs et ficelles, tels que : sourire miel-
leux à l'hérétique Barrot, jeu modeste et pudibond des
paupières devant l'honorable bienveillance que m'ac-
corde la droite de l'Assemblée, — faites, dis-je, que ces
petites ressources mimiques, qui ne m'ont point encore
fait défaut à mon banc, ne me manquent pas aujour-
d'hui à cette tribune ; délivrez-moi des interpellateurs
de la nature des Joly. Ainsi soif-il.
PRItnE EN DESCENDANT DE LA THIDUNE.
Pardonnez-moi , mon Dieu ! je viens encore d'en-
tendre blasphémer le saint temps du bon plaisir sans
employer toutes les ressources de cette éloquence à
trente-six tranchants dont vous m'avez gratifié ; j'ai
aussi entendu les cris discordants de Vive la Répu-
blique! et je n'ai pu obtenir des lettres de cachet
contre les croquants et manants qui avaient blessé mes
orciMes de ce cri. Hélas ! c'eût été si commode autre-
lois ! Mais il n'y a plus de Bastille, vous nous l'avez
retirée dans un jour d'épreuves: que votre volonté soit
faite ! J'ai, en descendant, presque fraternellement serré
la main au schismatique Barrot, sans paraître me rap-
peler qu'il a proposé la régence quand il pouvait de-
mander la restauration du droit divin. Pardonnez-moi,
mon Dieu !
Avant de me relever, je sens le besoin de vous répéter
encore, ô mon Dieu, que toutes mes actions, qui
paraissent blâmables en elles-mêmes sont faites dans
unliullnualilc, etque, quoi qu'il arrive, je mourrai dans 1
la foi (le mes |ières , légitimiste et jésuite. Ainsi soit-il. |
IHIKIIE EN ME COUCHANT.
Je me confesse à vous, mon Dieu ! et à la légion
des saints et des archanges qui vous entourent, à notre
cher enfant du miracle, digne fils de ses illustres an-
cêtres, qui, à l'instar des bêtes ii cornes, a horreur de
tout ce qui est ronge, qui ne m'a jamais appelé ci-
toyen et qui n'a point omis, une seule fois dans sa vie,
de mettre mon titre et ma particule devant mon nom ;
je me confesse aussi au général de la vertueuse com-
pagnie de Loyola et à l'honorable vicomte d'Arlinconrt,
qu'aujourd'hui encore j'ai salué d'un très-aimable sou-
rire le président de la République, mais c'était toujours
pour le bien de la sainte cause. Je souriais à cette plan-
che jetée entre la République et la légitimité, et sur la-
quelle nous marcherons bientôt à reculons vers les beaux
jours du moyen-âge. Je ne cherche pas à me faire
meilleur que je ne suis, et je frappe ma poitrine; mais
ce n'est pas ma faute , ce n'est pas ma faute , ce n'est
pas du tout ma très-grande faute, si le« petites affaires
n'entrent pas plus activement dans une voie meilleiu'e.
Faites donc, ô mon Dieu ! que nous finissions enfin d'é-
craser l'insurrection italienne, et avec la restauration
du pape et la suppression brutale des républicains-so-
cialistes, nous y veri'ons plus clair et nous pourrons
rapidement nous débarrasser des républicains et des
libéraux ordinaires.
Vous savez, ô mon Dieu ! si mon cœur est pur, si
j'exècre le centre, la gauche et la Montagne ! Si je res-
pecte l'inviolabilité de l'Assemblée, je ne crois pas aux
assemblées constituantes et législatives! Mais je crois
en vous, mon Dieu, comme je croisa la compagnie de
Jésus, àl'eiTipereurde Russie, à Ferdinand Bomba, à l'in-
vasion prochaine des trois puissances. — Soutenez-moi
donc, ô mon Dieu ! dans ces croyances, et, jusqu'au
grandjourde la régénération du vrai principe, ne me lais-
sez jamais succomber à aucune tentation de réforme pro-
gressive dans l'accomplissement de mon mandat de
ministre de l'instruction publique, et délivrez-moi de
la démocratie. Ainsi soit-il. —
Je jetai l'affreux petit livre dans les tibias du citoyen
trois étoiles; mon introducteur, à ce mouvement,
sauta en arrière, comme si la bête de l'Apocalypse
l'avait mordu.
— Nous sommes trahis! s'écria-t-il en faisant un
signe de croix.
Et je m'enfuis, à toutes jambes, de ce mauvais lieu,
en me frappant la poitrine et en disant du fond de
mon cœur :
— Seigneur! Seigneur! délivrez-nous des vilaines
gens que voici !!
Amen !!!
A. F.
A8
REVUE COMIQUE
COURRSPONDANCE D'UN ÉMIGRÉ.
LE MAnOlI* tit' HELDEH Al' VICOMTE HE DLRANtl.
Clior vicomte,
Que. je te plains d'être iosti5 dans celte liisle ville de
Paris, en proie au choléra et à la démocratie! Le cho-
léra, ce n'est rien sans doute; il ne s'attaque qu'au
petit monde, il n'emporte guère que les bourgeois et
la canaille entassés dans des quartiers malsains, ou des
représentants naïfs qui consentent à s'empiler par cen-
taines dans la caque nationale de l'ex-palais lîourlion.
Au nioyen-àge, nous avions le trousxe-gnlimt, qui
n'épargnait pas, lui, les gens de qualité!...
La démocratie est bien une autre épidémie. C'est
elle que j'ai fui outre mer, que je fuirais jusqu'aux
conlinsdu céleste empire chinois, dernier asile des plus
pures traditions monarchiques.
Ce qui te retient, toi, je le sais trop : c'est la malheu-
reuse illusion que tu te fais d'une restauration de
l'Empire. Homme de noblesse nouvelle, fils d'un mu-
nitionnaire général, nommé comte par l'usurpateur, tu
ne dois mon amitié qu'à tes bons sentiments et à tes
goûts aristocratiques, ainsi qu'à notre longue collabo-
ration au Bnn Ton, journal des tailleurs.
N'hésite plus ; le Ilot monte, l'hydre révolutionnaire
n'épargnera pas même les parchemins inolTensifs contre-
signés Cambacérès; on prendra vos têtes à défaut
d'autres , et l'on vous prouvera que vos aïeux sont
allés aux croisades; tu protesteras en vain que ton
grand-père était huissier, on te prouvera qu'il a com-
battu à Fontenoy.
Tel est le caractère des procureurs de la République,
il leur faut leur compte de têtes; il leur faut la con-
fiscation, surtout!
Il est vrai que ni toi ni moi n'enrichirions beaucoup
la nation de nos dépouilles ; les derniers débris de
nos patrimoines ont disparu dans les mains des Lom-
bards, mais ceci serait une raison de plus de venir me
rejoindre. Songe bien qu'à Londres le plus beau moyen
pour faire figure c'est d'être sans le sou. L'aristocratie
anglaise, toujours fidèle à ses principes, s'empressera
de consoler nos illustres infortunes... C'est mon espé-
rance, du moins!
Nous sommes ici plusieurs sortes d'émigrés ; ceux
de la branche aînée, ceux de la branche cadette, et les
partisans de Joinville, qui rêvent, en ce moment, une
descente par mer du côté d'Eu. Enfin, chacun a son
bonhomme, comme toi-même tu as le tien. Les oiléa-
nistcs parodient tristement l'émigration de 90. Les uns
affectent de se faire tourneurs, d'autres coiffeurs, et
d'autres maîtres à danser. I^e baron de Cuir-de-Laine,
ce vieux pair de Louis-Pliilippe, met sur le compte de
la Réjjublique ses déconfitures commerciales. .S'étant
découvert un très-grand talent pour assaisonner et re-
tourner la salade, il a renouvelé la spéculation du mar-
quis de R"*, sous l'ancienne émigration, et opère,
dans les grandes maisons, moyennant vingt-cinq gui-
nées. Quant au marquis de Clinudrognac, il s'annonce
comme maître d'italien, et enseigne le patois de Li-
moux aux yoiiny ladies. Il n'a pas renoncé pourtant à
la tcrtine doctrinaire, et en bourre hebdomadairement
le Spectateur de Londres. Le vidame de Canivpl, qui
faisait l'ornement de ce fameux bal des pierrots que
donnèrent les princes de la l)ranchc cadette, ayant con-
servé son costume, et n'ayant point d'autre ressource,
s'est engagé comme rlown au théâtre de madame
Vestris.
Les dames de la noblesse orléaniste ne sont pas réduites
aux mêmes extrémités. Quelques-unes , jeunes encore,
ont trouvé de chauds partisans dans la haute fasldon de
Londres. D'autres ont fondé de petits établissements
pour la vente des gants et des bretelles. La vicomtesse
de Romainville, qui signait de si élégantes revues de
modes dans les journaux où nous racontions les exploits
du sport et les chroniques du grand monde, tient un
garni dans Picadilly; on y joue la nuit le lansquenet,
sans craindre la visite d'un commissaire en écharpc tri-
colore... Londres est le véritable asile de la liberté.
Quant à la baronne Chalumeau, c'est jusqu'ici la plus
favorisée; elle est devenue la femme de charge d'un
nabab qui n'a pas d'enfant.
Telle est la situation générale des trois ou quatre
émigrations royalistes que possède la ville de Londres.
Je ne parle pas, bien entendu, de ceux qui, comme on
dit, avaient mis du foin dans leurs bottes. Mais ceux-
là vivent la plupart dans la province et de la façon la
plus modeste pour échapper aux obsessions des néces-
siteux. Chacun pour soi , chacun chez soi! continue à
être leur devise; et à ceux de leurs frères d'exil qui
les relanceraient dans leur retraite, ils diraient encore :
Enrichissez-vous I
Quant à nous, gentilshommes de vieille roche et de bon
aloi , nous nous isolons de ces messieurs de la branche
cadette et nous sommes les seuls quo la société anglaise
admette dans ses salons. L'aristocratie du juste-milieu
espère, en s'unissanl à nous, pouvoir un jour prendre
part au futur milliard d'indemnité Je déclare que
ces bourgeois s'abusent.
Nous sommes loin de nous abandonner au repos.
11 se prépare une nouvelle armée des princes, qui a
déjà formé ses cadres. Tous les gi-ades sont distribués ;
on confectionne de brillants uniformes. Il ne manque
|)lus que des soldats.
Si nous ne parvenons pas à jeter une armée en Alle-
magne, nous tenterons d'ici à peu une petite desceiila
à Quiberon.
Adieu, cher vicomte, et à bientôt, soitqiie tu viennes
nous rejoindre, soit que nous rentrions avec les alliés.
Le marquis du Heldeh.
A L'USAGE DES GENS SERIEUX.
iO
STEEPLE-CIIASE. — Grand prix : une indulgence PLÉNIÈnE.
(Dcssihfî sur un croquis d'après nature envoyé par un soldat de l'expédition d'Itjlic.)
IL N'Y A RIEN DE CHANGE EN FRANCE.
Tout le nioiido connaît ce mot touchant que Cluir-
les X n'a jamais prononcé : « Il n'y a rien de changé
en France; il n'y a qn'un Français de plus. » Le roi-
chevalier était honnête homme : toutes les fois qu'on
le félicita de ce mot heureux, il nia formellement l'a-
voir dit, et il suffisait de voir sa bouche béante et la
sérénité banale de son visage auguste pour compren-
dre qu'il était sincère. Le bon mot était de M. Beu-
gnot; il eut un immense succès dans son temps.
Parole de roi et serment d'amour, autant en em-
porte le vent. Malgré le mot charmant que Charles X
n'avait pas prononcé, la Restauration changea tout en
France du bleu au blanc. Elle changea tant de choses
que le pays, en veine de changement, voulut changer
de gouvernement. Il mit à la porte les aînés et prit les
cadets.
Louis-Philippe, né malin, retourna le bon mot de
l'homme à la bouche béante : « Il y aura du change-
ment en France, dit il ; la charte sera désormais une
vérité. » Cependant il appliqua toute sa vieille malice
à maintenir ou ramener les choses au même état que
sous la Restauration. Il ne changea que les apparences
et sauva le fond. El, contrairement à sa parole, la
charte, qui avait été un mensonge, mensonge demeura
comme par le passé.
Si bien que le pays, ennuyé de se voir escroqué pour
la seconde fois, se fâcha encore et renvoya les cadets
rejoindre leurs aînés. Il effaça de ses tablettes le mot
de Monarchie pour y substituer celui de flé()ul)liqué.
il renouvela de fond en comble ses institutions, et
rentra dans sa tente le cœur un peu soulagé, en se di-
sant : « Cette fois, ce sera bien le diable si nous n'a-
vons pas du changement. »
Mais le mensonge politique, dans ce beau pays de
France, a la vertu du bouchon de liège : on le daube à
coups d'aviron, il plonge et reparaît. L'imposture est
une vessie : on l'enfonce un moment par un vote écra-
sant, elle revient à la surface plus légère et plus fraîche,
comme Vénus sortant du sein des flots.
Qu'a fait le gouvernement de Louis-Philippe, né
malin? Il a menti à son piogramme; il a abandonné
ses alliés; il a laissé périr la Pologne et river les fers
de l'Italie. La liberté éventrée à Varsovie, meurtrie à
Milan, foulée aux pieds à Naples, endormie en France,
a quitté l'Europe et s'est enfuie en .\mérique.
Que va-t-il arriver de la Hongrie? Qu'allons-nous
faire à Rome?Qu'y a-t-il de changé en France? — Des
apparences et des mots.
Le ministèie Cuizot mentait à ravir : que fait le mi-
nistère Barrot?
« Nous n'avons point reçu de lettres, » diï^ait Cuizot
lors de l'alTaire de Taïti. Que disait M. Drouin, lors
de la nouvelle de notre échec à la porte .Saint-Pan-
crace? — Nous n'avons pas reçu de lettres. » Et tout
le monde, à Paris, avait reçu des lettres de Rome, hor-
mis M. Drouin.
50
REVUE COMIQUE
Du temps de Louis-Philippe, né malin, le sentiment
national voulait une chose et le gouvernement voulait
tout le contraire.
Que vent aujourd'hui le sentiment national? — La
liberté à Uome; la garantie des nationalités; point
d'intervention de la Russie en Allemagne. Que veut
le souvernement? — Point de liberté aux Romains;
point de garantie des nationalités; carte blanche au
despotisme du nord.
Le mot sublime que Charles X ne prononça jamais
est de saison bien plus qu'en 1814. — En vérité, en
vérité, la Revif. Comiqce vous le dit : « U n'y a nen
de changé en France. Dieu seul est Dieu, et M. Beu-
gnot a été prophète.» Amen.
LETTRE DU PAPE AUX ÉVÉQUES DE FRANCE.
L'Église a horreur du sarg.
C'est une maxime, mes très-chers frères, dont je ne
veux pas contester la vérité ; mais de quel sang peut-il
être question?
Il est évident que l'Église a versé le sang des Juifs,
— le sang des Ariens, — le sang des Manichéens,—
Le sang des Albigeois, — le sang des Hussites, — le
sang des Protestants.
Je puis bien, par conséquent, faire verser le sang de
ces nouveaux hérétiques qui s'appellent républicains.
Ces iniidèles nient l'unité du pouvoir spirituel et
temporel dans la personne du pape. C'est absolument
comme s'ils refusaient d'admettre la présence réelle
dans l'eucharistie.
Ils prétendent que l'homme doit être libre, qu'il a
le droit de publier ses opinions sans être soumis à la
censure, qu'il est assez éclairé pour se gouverner lui-
même sans le secours des prêtres.— Erreurs dangereuses
que tous les fidèles doivent combattre, et dont nous
Le grcaieux fcoyer Df pin monte avec ardeur le coursier qui a
déur;oimé le petit r»re MahkaST.
triompherons , grâce à l'intercession des saints.
Je vous engage donc, mes très-chers et très-vénérés
frères, à faire célébrer, dans vos églises, une neuvaine
en l'honneur de saint Ferdinand-Bombardeur,
Une neuvaine en l'honneur de saint Radotski,
Une neuvaine en l'honneur de saint Oudinot.
C'est sous le patronage spécial de ces trois bienheu-
reux que j'ai placé la papauté et l'Église.
L'intercession de saint Radetski m'a valu l'entrée
dans les Marches de plusieurs régiments d'anges exter-
minateurs qui, sous le pseudonyme d'Autrichiens, ont
saccagé, pillé, bombardé Bologne.
Six mille austro-anges font, d'un autre côté, le
siège d'Ancône qu'ils bombarderont, pilleront et sacca-
geront un de ces jours.
Saint Oudinot est descendu du ciel à la tète de la
légion thébaine pour s'emparer de Rome. J'y rentrerai
sous ses auspices un de ces quatre matins. 11 en coû-
tera la vie à plusieurs milliers de mes sujets bien aimés,
mais ils sont devenus hérétiques, et cela me console.
Du reste, lorsque j'aurai été réinstallé sur le trône
pontifical, que le roi de Naples aura fait pendre les
principaux meneurs de l'insurrection, que j'aurai exilé
les autres, mon intention formelle est de rentrer dans
la légalité et les voies de douceur. U me restera pour-
tant! donner un grand exemple au monde par le châ-
timent des triumvirs.
Je me propose de faire brûler paternellement Maz-
zini sur la place del popolo, après avoir fait constater
solennellement, devant le tribunal delà très-sainte in-
quisition, qu'il était hérétique et sorcier.
Après quoi je m'enfermerai dans mon palais du
Vatican, où je passerai ma vie à jouer aux quilles et
à colin-maillard avec mes cardinaux. Telle est la mis-
sion auguste que remplit en ce moment la papauté.
Je compte beaucoup sur votre concours, mes très-
chers frères, pour m'aider dans l'exécution de cette
tâche divine. Maintenez Fra-Falloux au pouvoir, s.
vous voulez que ma restauration soit complète.
Falloux est le lils aîné de l'Église.
En lui donnant ce titre, je n'ai fait qu'acquitter la
la dette de la catholicité tout entière. Pourquoi faut-il
qu'il n'ait reçu encore que les ordres mineurs! Je le
nommerais tout de suite au dernier archevêché vacant^
1 qui est celui de Blagopolis in partibus inftdelium.
A L'USAGE DES GENS SÉRIEUX.
oJ
Courage (Jonc, mes très-chers frères, les anges exler-
minaleurs.qiii opèrent ù mon prnlit, ne borneront pa»
là leur œn\re. I.a main de Dieu les pousse, il faut
qu'ils aillent en avant pour assurer le règne de la jus-
tice. Dans peu ils franchiront les Alpes, comme un tor-
rent, afin de mettre à la raison les républicains de Fran-
ce, comme ils viennent de faire pour ceux de l'Italie.
Ordonnez un jeune général pour lidter la venue de
ce grand jour, et rassurez les (idèies sur mon compte.
Je rentrerai à Home sous peu. .Saint Oudinot se préci-
pitera le |)remier à l'assaut, les rebelles seront passés
au lil de l'épée. Que Dieu et la sainte Vierge vous
soient en aide, mes très-cliers frères, tous pourrez
faire bientôt chanter un Te Deum en mon honneur.
INE PUOMF.N
Df CAI.IFE AAnOCN-AL-RASCIlID
Le Calife était fort ennuyé; il était a^sis devant sa
table verte, ne lâchait pas sa plume, qu'il tenait de la
main droite — depuis plus d'une bonne heure, — et,
de la gauche, il se grattait avec énergie le nez, qu'il a
l'habitude de porter fort long. Rien ne venait.
C'était une chose d'autant plus surprenante, qu'il
ne négligeait pas de demander des inspirations à une
manière de ivWercome, comme on dit dans le bon vieux
pays des Souabes ; ce vidercome était placé près de lui,
et rempli encore à moitié d'une liqueur généreuse.
C'était une chose d'autant jihis surprenante, je le
répète, qu'il avait écrit, avant d'èlre Calife, des petits
traités assez coulants, dans le but de préserver de la
pauvreté les pauvres gens. Il faut bien dire que ces
petits traités n'avaient eu d'autre résultat que d'ajou-
ter au nombre desdits pauvres gens un éditeur de plus.
Mais enfin, c'étaient toujours des petits traités, et
puisqu'ils étaient là, c'est que quelqu'un les avait
écrits, — le Calife, sans doute, puisqu'ils étaient si-
gnés de son nom.
Quoi qu'il en fût, ce soir-là il ne pouvait rien faire,
et il restait là, bouche béante, l'œil au plafond, la
plume en arrêt entre ses doigts tendus, et se grattant
toujours de l'autre main ce même nez.
C'est qu'il s'agissait d'une besogne assez difficile : le
Calife devait envoyer le lendemain à la réunion des
Mages, — qui, parun droit vraimentdivin, ont,dansce
pays, le pouvoir de contrôler le gouvernement du sul-
tan, — un lirman exposant sa conduite depuis qu'il
avait été choisi calife aux acclamations de la multitude,
et les desseins qu'il comptait mettre à exécution. C'é-
tait quelque chose comme ce que nous appelions chez
nous un discours de la couronne. Il était bien pénible
au pauvre Calife de faire quelque chose de royal ; car,
au moral non plus qu'au physique, tout semblant mê-
me de diadème ne pouvait guère s'adapter à ce crâne
de poule. Il est convenable d'ajouter aussi que le Ca-
life n'avait pas fait jusque là, ou ()lutôt qu'on n'avait
pas fait faire au pauvre cher homme grand'chose de
bon qu'il put dire, et que ce qu'il c.mptait faire en-
suite ne valait guère davantage.
Dans le moment le plus difficile de sa gestation infé-
conde, le visir Giafar entra.
C'étaitunhomme maigreetblond, d'assez chétive fi-
gure, mais auquel sa haute position devait faire des en-
\DE DE NUIT
ET DE SON CRAND-VISm GIAFAR.
vieux. L'amitié du calife, et il faut bien le dire, la fai-
blesse des Mages, avait réuni dans ses faibles mains
deux pouvoirs auxquels rien ne peut résister, j'entends
jusqu'à un point donné: c'étaient les commandements
réunis des troupes du Sultan et de la milice bour-
geoise. Cet homme, sec à prendre feu sous le bâ-
ton, et dont la figure était ridée comme celle d'une
vieille femme, ou comme le fruit du pommier qui a
passé dans le coffre des ménagères la saison des froids,
cet homme était musqué, cosmétique : en un mot,
comme disent encore aujourd'hui les portières de Ras-
sora, tiré à quatre épingles. Je suis heureux de ne l'a-
voir point connu, car je ne puis supporter l'odeur de
bergamote qu'il préférait aux autres, et dont il était
parfumé de la tête aux pieds.
Dans le pays, il passait pour être l'âme damnée du Ca-
life et le pousseràdesextrémités fâcheuses; en im mot,
pour le trahir et ramener, grâce à ses excès, la dynas-
tie précédente, que le peuple avait chassée afin d'élire
O lys! tu es une plante qui embaume!
Notre parti est un parti embaumé.
52
REVUE COMIQUE.
notre Calife; mais c'est toule une it'volutioiiqiril serait
bien long de vous raconter.
«Ah! vous voici, Giafar? s'écria le Calife. Je suis
ravi (le vous voir; et... Voulez-vous prendre quelque
chose ?
— Ce que vous huvez est beaucoup trop fort pour
moi, dit le visir en minaudant, — en faisant des ma-
nières, selon la locution alors en usage à Bagdad. —
Si c'était du Parfnit Amour, passe encore; mais du
riium, pouah !...
— Vous ne savez pas ce qui est bon , dit le
Calife, en riant de son plus gros rire, et en ajou-
tant un juron militaire ; car le Calife avait la ma-
nie de ces jeunes marchands de Tunis qui ont passé
leur vie au comptoir et au harem, et qui affectent les
allures des redoutables janissaires. Il piquait volon-
tiers sur son turban de grands plumets et des aigrettes,
noircissait sa moustache, que la nature, indulgente
pour la longueur de son nez et celte innocente mono-
manie, lui avait donnée épaisse el longue.
— Et ce iirman ? dit le vieux Giafar.
— Ne m'en parlez pas ! dit le Sultan. Voici deux
heures que je suis occupé à me casser ce qui me sert
de nez sur la première phrase.
— Il importe peu, reprit Giafar ; vous le ferez écrire
demain par l'un de vos neuf grands eunuques, Ali-
l.ou-Fa, par exemple, qui vous arrangera cela aux oi-
seaux. C'est son aflairc plutôt que la vôtre.
— Voilà qui est bien dit! s'écria le Sultan, renon-
çant aussitôt à une besogne qui était, il est vrai, trop
forte pour une intelligence un peu faible comme In
sienne. — Eh bien, Giafar, reprit-il, j'ai une idée à
mon tour : vous n'êtes pas sans savoir que je fais tout
mon possible pour suivre les traces de mon oncle, le
grand Aaroun-al-Rascbid : je veux exécuter, en votre
compagnie, une promenade nocturne comme mon
oncle les aimait, dit-on, et courir les rues, le port et
les casernes, pour apprendre ainsi ce que le peuple
pense de moi. Eh! eh! eh! elle est bonne celle-là,
n'est-ce pas? dit le Calife en riant aux éclats de son
idée qu'il trouvait fort malicieuse.
— Eh ! eh ! eh ! toussota le Giafar, qui avait ses rai-
sons pour n'être pas de cet avis, je ne dis pas non. —
Soit, un de ces soirs, nous verrons cela.
— Pardieu, dit le Calife, nous le verrons cette nuit
même ; — et il se couvrait déjà d'un manteau couleur
muraille.
— Mais, reprit Giafar interloqué, — c'e.st peut-être
dangereux. Vous pouvez attraper, incognito, quelque
mauvais coup...
— Bah ! vous m'avez assiné, et mon chef de la po-
lice aussi, que les rues de ma capitale étaient fort
sûres.
— Sans doute, mais enfin si on vous fichait quelque
atout?...
— Ne scriez-vous pas là pour me défendre , visir
Giafar?...
Il fallut s'exécuter. Quoiqu'en pût dire Giafar, il des-
cendit bientôt l'escalier derrière le Calife, marmottant
entre ses dents : L'animal! le butor! me faire trimer
LA TIE FUBI-IQUE XT PRIVEE SE MOSSIEU REAC
ChaP. X, — Dfccptinns.
Muuieu Réac, Iroutanl que la Coiisliluonte e«l mal
te rallie atec acbatoemenl à la pcopobition Kateau,
qui le rcnTerra, y«o»e-t-il, i la Légielative tn bien meilleure compagn
Par malheur, les él. ctcurs sur lesquels mosieu Kéac comptait bien plus
qu'aux premières élection», ne lui donnent pas leursvoii, et mossieu
Kéac i»l emporté par cette même proposilio- "-•-'■■
tant.
Bateau qui lui :
A i;USAGE DES GI•:^S Sl'iUKUX.
ainsi touti! une nuit... Il iic va pas inaïKiucr d'a|i])r»Mi-
dre ce i]ne nous avons lanl d'inlL'itH à lui tacliir ! —
Sans coinplorquo demain j'aurai les yeii\ lialUis à n'u-
ser pas me i-egaidei!... Tu me |),iii.'r.is cela |iius elier
que lu crois !...
Ils arrivèrent bientôt au (]u.utiei' du niaieli(', —
quartier où l'on trouve du monde dclioutà toute lieuii',
quartier plus hruyant, plus agité encore la nuit (|ue le
jour. Les hommes de la campagne , ipii approvisionnent
Bagdad de fiuits et de légumes, aijnafent beaucoup le
(lalife en souvenir de son oncle, qui leur avait fait ce-
pendant plus de mal que quiconque, en les envoyant
se faire tuer dans les intérêts de sa gloire et de sa
famille nombreuse, qu'il avait à entrûncr n'importe
oïl. Giafar — qui l)ien (|ue malin, n'était pas com-
plètement au f;iit de ce qui se passait, vu sa position
élevée, car, dit le moraliste l'ersan , « la cime du |)a!-
inier n'entend i)as ce (pie disent ses racines, » — (iial'ar
espérant que les paysans avaient conservé leur même
félicbisme pour tout ce qui portait le nom du grand
Aar, avaitoun guidé les pas du Calife de ce côté. Il comp-
tait qu'assoupi et satisfait de (luebpies boulfées d'un
encens grossier, le Calife renireiait au palais pour y
dormir jusqu'à la douzième heure. Mais nous allons
voir qu'il n'en fut rien.
Justement, deux villageois avaient entre eu\ (|ue-
relle pour le priv de quelque dem-ée, au moment où
nos promeneurs arrivaient, et le premier, celui qui se
disait frustré, menaçait l'autre en ces ternies :
— Puisqiu; tu es un liumine >i iujusie, je porterai
l'affaire devant notre grand Calife, qui nous aime et dont
les balances sont égales. Il le condamnera à me payer
et à l'amende.
— Fîon, pensa Ciafar, voyant que tuul allait bu m,
taudis que les narines du Calife, comme des huîtres à
l'air, humaient cet éloge.
— Imbécile ! dit l'autre paysan, le Calile se moi|ne
|)as mal de toi et de moi aussi. La première des vingt
sentinelles qui le gardent, échelonnées, t'aurait bientôt
chassé à coups de manche de son arme, si tu étais assez
sot jiour t'y aller frotter. ...
— Eh bien 1 s'écria l'autre, j'irai trouver notre cadi.
— Va-s-y! Notre cadi, c'est l'ancien cadi que ton Ca-
life nous a redonné; et, C(jmme l'an dernier, à ce mo-
ment où tous les cadis du pays n'étaient pas trop à leur
aise, tu as menacé celui-là de révéler certaines pe-
tites choses qu'il ne destinait pas tout à fait au grand
jour, il te fera perdre ta cause. Encore faudra-t-il que
tu aies d'abord une somme à déposer jionr les pre-
mières dépenses de justice.
— Alors, je n'ai plus qu'à me |)ayer de mes mains
sur ta personne !...
— Avance : je suis plus robuste que toi, je te bat-
trai ; et comme je crie plus fort que toi, la ronde de
nuit viendra, qui te conduira en prison, où tu auras
le temps d'invoquer ton Cable tout à ton aise.
Alors l'autre s'écria, m s' arrachant la barbe :
« Malheureux que je suis ! Je suis volé et raillé pin-
ce mécJuint, et je n'en aurai pas justice! Maudit soit
le CalilV, en qui j'avais confiance et que j'avais choisi.
lA VIE PUBLIQUE ET PRIVÉE DE MOSSIEU RÉAC
Aux pren
^res nouvelles
/anl la liste de'
jorité, tombe à la renvei
— Serions-nous débarrassés de mossieu Réac
cette bonne fois!. .
élections, mos^^ieu Helas! non; car, étant a'.ic reprL'ndre des forces
ges obtenir la ma- I à la campagne, mossiau Kéac, en recevant le
sentiment, j Constitutionnel, est étonné non moins que
i de l'avenir que lui montre encore son hon-
e-.e )0
romprenanl alors la nérp.s.^e dp >.-.imr plus que
jamais bourgeois aui nobles,— toujours d.-ins
l'intérêt df CoRDRE. bien entendu! mossieu
R-ac demande et obtient la main de mademoi-
selle Aristo de Taupinois.
[La suite à la prochaine livraison.)
54
REVUE COMIQUE
Le nez du Calife s'allongeait sensiblement pendant i
cette petite scène. Giaf'ar l'entraîna.
— Laissons ces bètes brutes, dit-il, et rentrons au
palais, seigneur. Vous devez être fatigué, et moi j'au-
rai demain les yeux tout battus.
Mais le Calife, apercevant un polit endroit lumineux
où se tenaient delmut beaucoup de gens, au bout d'une
espèce de couloir, voulut y entrer, — histoire de se
rafraicbir. — Giafar essaya en vain de s'y opposer.
Un grand vieillard maigre, les vêtements en lam-
beaux et souillés, était au milieu du groupe des bu-
veurs. Il parlait ainsi :
« J'ai soixante ans. J'ai travaillé pendant cinquante-
deux ans dix heures par jour, gagnant tout juste ma
vie. Aujourd'hui, que la vieillesse m'aôté la force de
travailler, je suis sans asile, n.endiant le jour et vaga-
bond la nuit. Je ne me suis pas marié : pas une fem-
me n'aurait voulu de moi, et moi je n'aurais voulu
d'aucune femme, parce que je suis honnête et que je
ne voulais pas créer des êtres qui auraient été aussi
misérables que moi, et qui, de plus, auraient peut-
être été méchants. Je n'ai plus qu'àmourirà la prison
des pauvres ou à la maison de Dieu, qui reçoit les mi-
sérables que la maladie y amène. J'y mourrai seul,
sans que personne de mon sang, désormais éteint, soit
près de moi pour me fermer les yeux et faire la prière
au prophète.
a On m'avait dit que le CaliTe changerait tout cela,
et je l'ai choisi. On dit aujourd'hui qu'il n'agit que
par les conseils de gens qui ne se sont jamais inquiété
de mes affaires. Je n'en sais rien; mais je sais que je
ne complais pas sur les promesses de ceux-là, et que je
comptais sur le Calife; et je vais mourirseuloù je vous
disais. Maudit soit le Calife! a
Ici le Calife vida son verre et gagna la rue, sans son-
ner mot au visir Giafar. 11 se dirigea pour le coup
vers son ])alais.
En route ils tombèrent dans un groupe d'hommes
au costume négligé, la tête couverte de manières de
petits turbans en papier, de forme bizarre, et les mains
noircies. C'étaient les artisans d'une fabrique où se
confectionnait pendant la nuit la Gazette de Borjda/J.
Ces hommes, jeunes ])our la plu])art, et qui n'ont pas
l'habitude de voiler leur pensée, parlaient trop haut
pour qu'il fût possible au Calife et à son compagnon de
passer sans les entendre.
«J'ai choisi le Calife, disaitl'im. Je comptaisqu'ilme
rendrait mon jeune frère, à qui la misère avait mis les
armes à la main : avec mon frère et vous, j'espérais
fonder, sous la protection du Calife, une association
qui nous aurait permis de demander à notre travail tout
ce qu'il produit, - enfin de vivre, nous et les nôtres, et
de nous assurer le toit et le pain pour nos vieux jours.
« J'attends toujours mon frère ; et les hommes qui
se disent amis du Calife, non-seulement ne nous aident
pas à nous associer, mais frappent l'association voi-
sine. — C'est une leçon pour moi ; je ne voterai plus
pour les califes!... »
— Venez donc ! seigneur, dit à mi-voix Giafar en en-
trahiant le Sultan.
Et dans sa pensée Giafar cherchait un moyen de
réparer le mauvais effet que pouvaient produire sur le
Sultan de pareils propos. Ils passaient justement devant
un corps-de-gai-de, et (liafar, qui se croit adoré du
soldat, s'approcha de la sentinelle, disant au Calife :
Voilà notre force. Avec ces braves gens-là, nous au-
rons aisément raison de la canaille et des braillards !
— Eh bien! l'ami, dit-il au soldat, comment va-
t-on par ici ?
Le soldat s'arrêta dans sa marche des vingt-cinq
pas et parut exammer son interlocuteur avec quelque
défiance. Il se décida cependant à répondre avec assez
de mauvaise humeur :
— On va mal. On n'est pas content de ne pouvoir
voter librement, ainsi qu'il avait été promis. On n'aime
pasà rester en place, attendant lesauvage d u Nord qui ar-
rive, et on se soucieraitbeaucoup plus d'aller au-devant
de lui que de se déguiser en soldats du Pope et de
tirer des coups de fusil aux malheureux Houmans qui
ne nous veulent pas de mal, et demandent seulement que
nous les laissions tranquillement faire leurs affaires eux-
mêmes. Le Calife est mal entouré, et je voudrais qu'il
pût nous entendre, nous autres. — Ah! ce n'est pas le
vieux Aaroun-al-Raschid qui nous aurait fait jouer ce
jeu-là. Pas si....
— Comment ! drôle...
— Halle-là! dit le soldai, en reculant d'un pas et
croisant du même coup sa pique avec résolution ; si
vous insultez la sentinelle, malheur à vous !
— Je suis le grand visir, et je t'enverrai... là-bas.
— Possible! dit le soldat,' qui avait bien un peu
l'air d'avoir reconnu le masque ; mais, en attendant,
je ne connais que ma consigne, et... passez au large !
Giafar, tout à fait décontenancé sur ce coup, em-
mena le malheureux Calife, qui semblait réfléchir sé-
rieusement. Giafar ne savait plus à quel saint se vouer.
Comme ils approchaientdu palais, — situé dans le plus
beau quartier de la ville, — deux lioinnies richement
velus passèrent près d'eux. Giafar sentit là des alliés,
et il allait proposer à son noble compagnon de mettre
leur pas à l'unisson des deux passants et d'écouter en-
core ; mais il se ravisa tout à coup et lui fit brusque-
ment rompre en visière à la nouvelle compagnie.
Parmi quelques mois d'agiotage, de sinistres et d'es-
poirs prochains, il avait entendu l'un des i\tiu\ dialo-
gueurs prononcer en ricanant le nom d'Aaioun-al-
/iotsc/iild...
Ce mauvais et irrévérent calembourg l'avait éclairé
à temps. Les passants étaient des boursiers de Bagdad
qui pensaient mal, ou plutôt, au fond, selon (liafar,
qui pensaient fort bien, mais qui parlaient trop
haut.
A L'USAGE DES GENS SIÎHIEUX.
5»
On cUait arrive- an palais. Le Califu congédia avec
une froideur louli; nouvelle son visir, et numla pensif
dans son ealiinel.
Ah ! quel beau firnian il nous eût donné dans ce
nionient-là! mais, par malheur, il se sentit trop fa-
lii'ué par la promenade et autres, il dormit et se leva
lard le lendemain.
Le iirniaii était attendu depuis trois jours par le
peuple ; il fallait cpie, ce matin-là, (irman il y eût :
Ali-hm-Fa, le digue derviche, qui n'est |)as manchot
à la besogne, s'en était chargé. Il le présenta tout écrit
au Calife à son réveil.
— El le pauvre Oalifc n'cutqucia peine de l'expédier.
Seulement Ali-Ldu-Fn et les huit autreseunn(|uesnu
lui imposèrent pas d'écrire au dessus de son nom, se-
lon l'usage, l'our cojiir rniifurmi', car on n'y voyait
même pas son nom.
— Ni son nom, ni le li'ur ; personne n'avait osé si-
gner ça.
Si bien que, d'après ceci et les textes divers (jui en
furent répandus dans le pays, personne ne voulut croire
à ce lirman, et chacun le traita comme non avenu.
Et je pense que c'est ce qu'on pouvait faire de mieux.
IN....U.
LES AMIS DE L'ORDRE.
Am : la Treille de Sii
Sans (liimonlrc,
Amis do l'orilro.
Faisons la guerre aux novateurs ;
Supprimons Cii perturbateurs ! (Bis.)
Pliilémon, grand propriétaire,
Disait à Damis, gros rentier :
u Trouves-tu pas que ne rien faire
u Est un agréable métier? (Bis.)
« Que tout est bien dans la nature 1
■ Que Dieu créa tout sagement ■'
et Ceux-lù sont bien sols, je le jure,
» Qui demandent du cbangenient. »
Sans démordre.
Amis de l'ordre,
Faisons la guerre aux novateurs;
Supprimons ces perturbateurs !
Les beaux marquis de noire époque
Se désolent de voir qu'enfin
Le peuple raisonne et se moque
Du blason et du parchemin. (Bis.)
<i Quoi 1 disent-ils., ces misérables,
0 Ces va-nii-picds et ces marauds,
Il Parce qu'ils sont tous nos semblables,
t Voudraient devenir nos égaux ! «
Sans démordre.
Amis de l'ordre,
Kai-oi!S la guerre aux novateurs;
Si'pprimom ces perturbateurs!
Le danuy, qui prcn.l pour niailrisse
L'enfant du peuple, ii prix d'argent,
Trouve mauni^-. qu'à la détresse
On veuille arracher l'indigent. (Bis.)
• Quoi! — fjit-il, — le peuple i; ses lilles
(1 Donnerait d'honnêtes époux?
» Les manants auraient des familles
• Pour eux-méme.... et non plu_ pour nous?
Sans démordre,
A..ii3 de l'ordre,
Faisons la guerre aux novateurs;
Supprimons ces perturbateurs!
Mon curé se plaint qu'à confesse
Les pénitents ne donnent plus,
Que les vieux amis de la messe
Ne se soucient plus d'être élus! (Bis.)
a Grand Dieu I — vienl-il, — on lil Voltaire
« Au lieu d'écouter mes sermons!
0 Vite il faut chasser de la terre
» Les renégals et les démons I
Sans démordre.
Amis de l'ordre,
Faisons la guerre aux novateurs ;
Supprimons ces perturbateurs !
Si la classe pauvre est instruite
Au gré de ces réformateurs,
Nous n'aurons plus, — dit un jésuite, —
De mouchards ni de délateurs! (Bis.)
Apprêtons, contre un tel régime,
Fer, poison, calomnie et f, u;
L'Église pardonne le crime
Commis... pour la gloire de Dieu!...
Sans démordre.
Amis de l'ordre,
Faisons lu guerre aux novateurs ;
Supprimons ces perturbateurs !
11 faut voir nos vieux censitaires
S'aborder d'un air malheureux.
Depuis que fermiers, prolétaires,
Vont au scrutin voter contre eux ! (Bis.)
(I Comment ! le valet cl le maître
1. Ont mêmes devoirs, mêmes droiLs!
« .... — Si jamais l'ordre peut renaître,
(. Comme nous refiroi les lois ! »
Sans démordre,
Amis de l'ordre.
Faisons la guerre aux novateurs;
Supprimons ces perturbateurs!
E. .\, , étudiant.
56
REVUE COMIQUE.
Plus irilll ^c'iILTllI l'Mls;iil l^ipe,
Fl, par lie perfiilos nin\fiis.
Voulait aux •iolilatsi'itdjcns
ni^piitir le (Iroil (If siitlVa^f .
Uoirliol, p:ir ton i-lerliori,
Noii-c cspi-i-anrc c^l raiiiinri' ;
Kl pourlaiil la rcarlion
l'i-iil ^c >aiiler d'(-lre alurmre.
D«Miné [ar Naoard.
Gravé par BxULant.
•U) riviliiiii's.
DUMINBHAV ÉDITEUR RUE RICHELIEU
.{()' I.iririlsdti.
COXDITIOXS DE I.A SOUSCRIPTION. - La RsvuEÎcoMTwUB formera deux volumes srand in-S-, publ.és en 50 livraisons à 30 ce„Um< s- parla po.te
•to centimes. Le premier volume . composé des 25 piemières livraisons, a été achevé le 28 avril 1849. Il renlerme environ 500 carie tures poliUgueï — Prix jè
|-evolume:7tr. 50c.;rarla poste, 10 fr. Le second v,,l„me parait en livr.iisons. On souscrit, pour ce voinme. en payant 7 fr. 50,-. pour Paris , eUO fr ponr
les aepartemoDt-'-. "^ "^ ' r
AUX SOUSCRIPTEURS BX lA REVUE COMIQUE.
lonrnnier feuillet de chaque livraison , reproduisant uniformémeut le dessin de la couverture . doit
0„e'. " la brociuu-e. - Aftn de varier le verso de ce premier feuille,, sans toulefu.s y n.serer r.en
in,portan, , dont la suppression aurait quelque inconvénient, ce verso, i. l'avenir, sera occupe par la cor-
esp ndance de la Ut.vti= , par des annonces drolatiques, ou quelque au.rc sujet accesson-e en en, de
notre cadre ; de telle sorte que lorsque les souscripteurs réuniront en volumes la collect.on d s m . a.sons.
Ju et , nlevé , ne supprimera aucune partie intégrante de l'ouvrage. Le dernier feu let de la couver-
Une, formant la dernière et ravanl- dernière p.ge do cl.aque livraison, devra être rehé avec 1 ouvrage
compl.'t , dont il ne peut être détaché.
AVIS AUX JOURNAUX DE PARIS ET DES DÉPARTEMENTS.
Nous autorisons b ivproducUon dos artiHos coBlcnus clans la licrur comUiue , à la condition :
1» De citer la Itevue en lui empruntant ses articles;
2= Do limiter, par chaque semaine, la reproaucl.on au tiers eles matières contenues dans chaque numéro.
CORRESPONDANCE.
A M. A. G..., à Prtc/.'î. — L'arlideiiiiitulé : la Merpo-
pulah'" voyago raconté par une étoile filante, renfermait
des détails piquanU. Le comité de rédaclion était sur le
point de l'admellre, lorsque les événements politiques
ont rendu inopportune la publication de cet opuscule.
A M. E. F... ,0 Versailles, avenue de Sainl-Cloud.
— Votre chanson : les Bourgeois de la liépiMique,
n'est pas admissible en ce moment ; car il faudrait sub-
stituer des lignes de points à la plupart des vers.
A M. J. M.. ., à Aix. — Notre irrégularité est due
aux embarras de toute espèce que nous suscitent les
circonstances; elle cessera dans des temps plus tran-
quilles.
A M. Ad. F...., cité de l'Oratoire. — Le refrain de
hlanc blanc , que vous avez adapté ingénieusement à
une chanson sur l'air de drin, drin, suffirait au succès
de votre œuvre ; mais vous concevez aisément pourquoi
nous ne la publions pas.
A M. J.-A. P...., de Bordeaux. — Nous vous avions
préparé une réponse; mais aujourd'hui l'homme qui
est l'objet de votre critique est proscrit, et vous com-
prendrez comme nous qu'il serait de mauvais goût de le
mettre en scène.
X M. _ Votre couplet sur ht montagne qui accouche
est venu trop lard.
A M. Laurent PIST..., à Nantes, rue duGigant. —
Nous regrettons vivement que votre article ne nous
soit pas parvenu il y a quatre mois; il aurait été par-
faitement de circonstance.
A M. B. C. — Notre collaborateur est , en effet, au-
teur d'un ouvrage intitulé : Histoire des mœurs cl de la
vie privée des Français, que vous trouverez chez Lecou,
rue du Bou'oi , 53 ; cet ouvrage remarquable vous don-
nera tous les renseignements que vous désirez sur le
développement des idées démocratiipies en France.
A M. BOUR.. . , à Nevers. — Nous payons à la poste ,
pour affranchissement, le prix de librairie. Ce prix
est tarifé à 10 cent, par livraison ; ce qui , pour le vo-
lume de 2!j livraisons, produit une augmentation de
2 fr. 50 cent. En effet nous trouvons , comme vous ,
considérable cette augmentation, puiscpi'elle est do
33 pour cent sur le prix de l'ouvrage. Les journaux
jouissent d'une réduction de plus de moitié sur le
tarif; mais nous ne sommes pas dans celle catégorie.
A M. P. M..., 0 .l/onfauban. — Les cinq exemplaires
ont été expédiés de suite par la poste; ils doiveni être
arrivés.
t^nvon lie Tnllrtlc.
Entrepôt Général , rue .I.-J. nousseau , 8
PARFWmEDELASOCIlM
Tiiinlsi'c «l»" Tolli'Mo
luruBf (-1 fuiidanti' , rriiil
1,) clirvriii lirillaiill ri
.o„|,l... Ip. r«il vp> r
rllrsrinpnliccli'liimh r.
. I ru. .-,» c. i.i: yt.mn.
Cold-Crcnm.
Arlion douce cl inn.i-
Miile. c|ui furlilii' lo« jli'n-
,1 du... frlal lie s^i.l,-
I,. pl„« p.rfail.
2 Kn. i.K n.iciiv.
Rnii nontifrlre.
Praorn-.p dr prrmniir» koorrnl qui- 1r. riàit priimnli-.rrr» , b ii dcMO i\>- I . po-i" . 1» i-l'ulf <1" rlic»cui ou leur Umc\,enT priT-nrc i "''J' ' " l'''' j", .V'
doDl. . et 1 p,o.i,-n, fM dr. di.|.r.r. prfp.t«li..n. .I.ml .!!« .0 .nivr.„t pour Itur loilcllf. !.. S.m^.TK „vr,lfAlguK a ,1. crm' d»... !.■ Lui di .,e Inror pu.
que an pi.paraliui,» a|aiil drs ■|uJ.li. iCi-llr» . I i. 11 coimIlIcci < I rxmpl. » do loal iiiconiïniinl il de loul danger.
l'.Ul». — Tvi.oerapl.i
T»r ik- Vail?lrnra
LA REVUE COMIQUE' E.N RÉVOLl TIO>.
C'i'lail jeudi ma-
tin.
Jamais on n'a-
vait vu quelque
chose (le si gai , de
si pimpant, de ^i
rayonnant que la
ReviieComique
grimpant dès huit
licnrcs l'escalier
de son bureau !
Chose inouïe
dans ses fastes, et
bien digne assurément de rendre si fort allègre une Re-
vue qui nc'passe pas pour engendrer mélancolie , — dès
jeudi matin !a copie, copie de premier choix, é!ait prête
et au delà; les desMns, dessins spirituels s'il en fut,
étaient gravés, gravés b faire rêver Calamatta ou Mer-
curi! Tout était prêt ei.fin; il n'y avait plus qu'à livrer
à l'imprimerie, et cctle fois la l\evue pirai>sail à heure
dite, le samedi matin!
Si vous aviez le malheur de faire des revues , ô lec^
leur, s'il vous élail donné d'apprécier à sa juMe valeur
ce nint d'un de nos plus spirituels collaborateurs, que
Il l'apiiarition de chaque numéro d'un journal est le
plus inouï des miracles connus ou à connaî re, •■ vous
comprendriez celte satisfaction qui illuminait la face
joyeuse de notre digne Revue jeudi dernier au matin !
EWe tourna gaiement le boulon de la [ orte, et s'é-
lança dans le bureau...
Au même instant, au milieu d'un grand lumulle et
d'un nuage de poussière qui l'empêchait de rien voir
encore autour d'elle, elle sentit passer une foule de
petites choses entre ses mollets
C'était les caractères de l'imprimerie qui s'en-
fuyaient, comme s'ils eussent eu à leur poursuite tou-
tes les trente-deuxièmes demi-brigades de M. Rebilloi.
La Revue Comique reconnut les fugitifs, et, siu-
péfaite d'abord de cette débandade subite, elle se n)it
à les rappeler de sa voix la plus retcniissnnte.
Hélas! les malheureux n'cnicndaient rien, et ils
éiaiciil loin déjà !
HKVUE COMiyi K
► Hé ! — se (lit la Revue, car celait là oii jamais un
de ces cas où il est permis de se poser une qucilion à
soi-même, — à qui en ont -ils ('onc , et quelle rage
de courir ainsi!... »
Et elle rentra...
Ce qu'elle venail tlo voir n'était rien auprès de ce
qu'elle vit alors.
Figurez- vous les tables renversées, les chaises bri-
sées, les glaces en morceaux, les vitres abolies, la
caisse, — y avait- il une caisse? — forcée, les plumes
écrasées, les crayons en poudre, les manuscrits en cen-
dres et les gravures en copeaux! Le grattoir lui-même ,
qui gisait dans un coin et comme frappé de syncope ,
était parfaitement en mesure de stupéfier la poule qui
l'aurait trouvé pour se conformer au dicton : o H était
sans lame! » C'était, en trois mots, un bureau cen
dessus dessous, — ainsi que M. de Balzac veut qu'on
l'écrive !
<■ Grand Dieu, s'écria alors la Revvc Comique.
que s'est-il donc passé ici, et que vais jedcvenir!... u
Et elle descendit quatre à quatre l'escalier.
Elle frappa brusquement au vasistas de la femme
Pimprenelle.
C'est la concierge.
« Madame Pimprenelle, qui est monté là-haut depuis
hier?
— Personne, monsieur.
— Comment , personne I
— Personne, o
Cette femme Pimprenelle avait dans le geste et l'ac-
cent une puissance d'affirmation qui eût déconcerté
M. Baroche lui-même; — mais la /{^i'hc Comique!...
" Ah! personne?... Vous osez me soutenir que nos
bureaux n'ont pas été envahis par une bande de Pan-
dours?...
— Je n'ai pas vu de Paudours.
— De Cosaques?...
— Depuis 1815, monsieur, jias un Cosaque ne m'a
approchée.
— De brigands ôrinés?...
— Je voi}s jure, monsieur, qu'il n'cvi \tnn ni
brigands, ni cosa'iucs, ni Painhuirs!
La Revue Comique, les liras croisés, regardait In
femme Piuipreiielle et souriait amèrement.
<c Bien, très- bien, madame l'imprenelle ! c'csi en-
tendu, n'est-ce pas : il n'est venu personne?
— Per.sonne... ah! cependant, attendez donc... j'ai
vu passer, hier au soir, devant ma loge, un mossieu ..
— In mossieu?
— Un mossieu à (pii je n'ai pas eu le temps de de-
mander où il allait.
— Ah! — et comment était-il, ce mossieu?
— Oli ! un mossieu très -bien : décoré, maigre,
avec un grand nez.
— Maigie, décoié, un grand ne/.!... achevez,
fenmie Pimprenelle, achevez... avez-vous remarqué ses
oreilles?...
— Pardine, elles sont assez grandes pour ça!
— Ah! s'écria la Ikvue, je ne me trompais point,
ei je sais tout à i)résent : c'est iios,sii:f RtÎAc!
— \ous m'appelez véacl dit la femme Pimprenelle
à la fin émoustillée et dont l'oreille est im |)eu dure :
réac vous-même, mauvais arislo! «
Qu'importait, je vous le demande , qu'importait, en
ce moment , à la Revue, ijue la femme Pimprenelle l'ap-
pelât aristo? La Revue avait bien autre cho.se en tête ! Il
n'y avait plus à douter : c'était mossieu Réac lui-même
qui, pour répondre à tant d'attaques, avait profilé de
la commotion de la veille pour se venger à sa façon.
Qu'y faire? — Agir.
La Revxie sauta dans un cabriolet et courut chez
ses rédacteurs, dessinateurs, graveurs: leur exposer
la situation fut l'affaire d'un instant. Il fallait se reniel-
ire à l'œuvre, refaire en une journée au plus la lente
besogne de toute une semaine, reconstituer enfin le
nunH'ro,j|détruit.
L'n si beau numéro pourtant! Le meilleur assuré-
ment (|ui eût jusque-là paru ! Enfin !!!...
Le premi<r rédacteur relevait à peine d'une attaque
(le choléra, et les événements politicpies qui venaient
de se passer avaient surexcité son organisme au point
ipie le docteur redoutait une congestion cérébrale.
1. Regardez, dit il à la Rvvui- , (piepuis-je faire
avec iinr |)lnme rèduile en un si pitovable èial?...
— Pauvre plmne et [auvre rédariein-
Revue.
dit In
El elle courut chez son princijia! dessinateur.
Le de.ssinalenr était tout ahuri. Il craignait d'èire
A LL.SA(iK DKS (ÎI•:^S SIIUII \.
iltl('l(' ((MllMH' soii|ir()iiiii' (l'("lrt' Ml.spccl d'.noii \ii
piissfi sur 11' l)iiili\iiiil 1,1 maiiifestnliiiii ilc l.i
Il III' Milail pas, cil cet iiistaril, iiiic hachure.
If n'.ii plus (le cia\oi) , dil-il, le iiiicii chl cassé.
— Voici (|uaiaiilu mius, ilil gi'iu'ix'usciin'nl la
Hei'ue; achelt'Z-i'ii !
— Ouais! dit le dcssiiialcur, Vdus voudriez me faire
cioire (pi'il n'est pas défendu niainleiiant de \endrc des
crayons, cl vous m'en envoyez demander pour me faire
arrêter, l'as si abonné de la Pairie!
— Cet homme timoré, se dit la llcvuc en lui lançant
un regard, que moi je n'aurais pas lai.ssé passer comme
ça, cet homme timoré est de plus un abominable fai-
néant et un crétin renforcé. Allons ailleurs! "
xAlais où, ailleurs? S'il faut dire toute notre pensée
avec la franchise qui nous caractérise, il n'est pas facile
(le trouver tout de suite sons la main dessinateur efrc-
il.iclcur il la hauteur ordinaire de la Revue comique.
Ce h (|uoi pensant, la Ilevuc , (|ui ne se désespère
I (inrtanl pas aisément, se mit à entrevoir des difficultés
plus graves qu'elle n'en avait cru avoir à vaincre au
prcinier abord.
Elle était ceiiendant encore bien loin de renoncer à
on numéro, lorsqu'au coin d'une rue elle vit un col-
leur qui collait une affiche portant ces mots sinistres :
ÉTAT DE SIÉGt; ! ! !
La Revue se sentit mal à l'aise.
« Pour le coup, la question devient sérieuse, réllé-
(liit-elie. Oc quel encrier pourrai-je aujourd'hui tirer
' on nuniéio?
" ... Sans compter encore que ce n'est pas tout de
faire ce niaudil numéro! Il faut qu'il file doux et ne
fasse froncer le sourcil à personne; car l'éliit de siège
n'v va pas de main moi te.
» ... lit qui s'a\iserait de me plaindre .si j'avais la
maladresse de me faire conduire, — confié à laijarde
nationale et à tous tes citoyens, — connue dit la
Constitution ; passez-moi le mot , sur les pontons?...
RKVIE COMIQllK
.. Soyons pnidciile! se dit la licvue, cl ma loi,
pour plus de prôcaulions , faisons iiolic miinno iioiis-
luOiiio.
Il Nous verrons après ! »
Or, voici ce que la prudcnlc llcviic pnului-it en
niisc d'arlicle.
iÊ^'vm jH' ut~i.rf*:^a^ .^-i^ii/n^uM^ i^-^^Ç^y, ^iny^^tM-C
<>'«*SU insuffisant.
La kUivui, f|ui est au f.irui une pcisunnc iclliéc,
avaii pensé surtout, en rédigeant cet ai tide pétillant, au
proverbe: - Comme on fait son til, vu necaucln:»
El à coup sûr, en se faisant elle-même un numéro
de celte prudence-là, elle élail bien certaine de n'aller
pas coucher le soir à la Conciergerie.
Mais, nous le répétons, c'était insuffisant.
A LL'SAGK DKS GK.NS SKIUKLX.
Iiisudisani , roininc texte : hioii que les écrivain» do
haut noùt adii iiH'iit qu'il faut laisser de la besogne à
rinl('llii;rnfe du leeteur. Il y avait ahus de ce piucédO.
lusullisanl comme illustiatious; — car il est évident
que la lima', malgré ses relations quotidiennes avec
desarlistescélèbres, et malgré les intentions de gaietéque
nous voulons bien reconnaiire dans ces timides essais, en
était encore à l'ABC de l'art, (.'.a manquait de patte !
La lUviic comprit son impuissance et arrêta ses ten-
tatives vaines. Son imagination seule se remit en course
à la piste des inspirations.
A «|ui se vouer? Lllc se rappela qu'elle avait connu
deux ou tiois jeunes gi'us de lettres, de\enus aujour-
d'hui, par suite du malheur des temps, rédacteurs en
|Mcd de journaux blancs. Ces petits jcfuncs gens .se fus-
sent mis bien volontiers à la disposition de la Hevue dts
(pi'ellc aurait fait reluire queUiues- uns de ces «/•(/«•
imnls auxquels Rasile ne trouvait pas de réplique, el
eussent d'autant i)lus facilement imposé silence à leur
conscience qu'ils n'en avaient pas.
Mais allez donc demander de la rédacli'iu pour la
Kcvuc comique à des visages pareils '.'
Que vous dirai-je ? la Ile vue eût même l'idée de s'a-
dresser à M. Peldeloup-hoiiime-sévère-mais-juste. Mais
.M. Peldeloup-honime-sévère-inais-juste, ne lui aurait
pu fournir que des jeux de mots latins et des calem-
bours par la géographie de l'abbé Gautier.
La pauvre Ikvuc laissa tomber alors son front entre
ses mains. La non-apparition de son nmiiéro la mettait
sous le coup de l'article l" de la loi sur le désabonne-
ment . — loi votée par une majorité factieuse de lec-
teurs qui se croient tout permis, contre une minorité
d'éditeurs auxquels est refusé mèjne le mince recours
d'une protestation pacifique.
La Revue comique était donc plongée dans ses
tristes réflexions, lorsqu'elle crut entendre derrière elle
un petit bruit et comme un ricanement amer
La Heviic se retourna tout à coup et aperçut le bout
d'un nez , et ce bout de nez était plus long à lui seul
que bien des nez entiers. Elle s'élança d'un bond, en
renversant son fauteuil, et saisit à deux mains ce nez in-
trus qui surpris se disposait déjà ii battre en retraite.
(i2
RKVUE COMIQUE.
Iloni'iii! c'était monsieur Uéac lui-iiièine, qui avait
l'iin|HKliMicc de venir coiitt-iuplcr sou œuvre et jouir de
Min Iriiimplie.
'■ Ail ! brigand , je le tiens!
— I.àelie-moi , infâme syrnplianle !
— Ail I pendard !
— Assassin !
— Pillard !
— Scélérat !
— Ah! tu viens me voler, nie ruiner, moi et tontes
les famillesque je fais vivre!
— Aiil lu veux m'étrangler ei me cou|)cr ions les
jours par petits morceaux !
— Tiens, pare celui-là !
— Attrape celle-ci!
— Pif! ..
— Paf ! ..
Ici mossieu Réac , par un effort suprême, parvint ii
dégager son nez, et, s'eiiiparant d'un déhris de chaise,
se réfugia dans un coin de la pièce.
La llevuc, de son côté , saisit un pied de table, et
le grand assaut commença.
Les coups pleavaient comme grêle, et luossieu Réac
en recevait sa bonne pari.
Mais 1.1 /Irrtic trouva bientôt que cet exercice élail
assez bête, surtout pour quia, comme elle, l'habitude
de manier des armes autrement puissantes; cl connue
mossieu Réac, essoufflé, perdait du terrain, elle lui
proposa de parlementer. — Mossieu Réac ne deman-
dait pas mieux.
— Quevenaislu f.iire ici? lui dit-elle.
— Ma foi ! je ne ni'allendais pas à vous trouver si
gaillarde , et je venais vous mettre sous le séquestre.
— Qu'eiitends-tu par là?
— Eh! bon Dieu, c'est bien simple : le séquestre
consiste h retirer une entreprise des mains de son ex-
ploiteur, et, pour qu'elle ne périclite, à l'exploiter aux
lieu et place de celui-ci. (;'esl ce que le gouvernement
a fait pour le ciiemin de fer d'Orléans.
— Ah ! bah ! » exclama la Revue.
Une idée lumineuse lui traversa le cerveau , et elie se
sentait tirer du pied une fièrc épine: Mossieu P>éac lui
même allait lui faire son numéro !
«Eh bien! soit! dit-elle ; séquestrez, mossieu Iléac,
— et prenez ma place. «
Mossieu Réac s'avança avec quelque déliaiice.
« Par où commence-t-oii ? dit-il.
— Il faut d'abord songer aux gravures. Vous m'avez
détruit les autres, il ne me reste plus que ceci.
— Qu'est-ce que c'est que ça?
— Une plaisanterie sur la (lotte allemande, rêve i|ui
a déjà dévoré quelques millions prussiens.
— Mais, je ne la vois pas, votre (lotte ; —je ne \oi.s
que des oiseaux
— (pii font (onime vous, (pu la cherchent.
— ni ! hi ! hi ! (^'esl très-gai , et vous avez ipielipie-
fois beaucoup d'esprit. — Va pour la flotte allemande.
— (,'esl palpitant d'acliialilé. — Ensuite?
— l II grand dessin sur la publique élrangère.
— lîoii pour celui-là; l'extérieur est moins daiige-
ieu\ (jue l'intérieur. — Mais (|u'csl-ce (pie je vois? Le
geste amliigii de la Russie pourrait prêter à de iiié-
chanles insimiations. — Refusé ! refusé !
— le crois rpic vous avez tort , cela vous donnerait
après les paroles que M. Estancclin a prononcées mardi,
cela vous donnerait un certain relief national , un petit
vernis patriolif)uc.
— liah ! ce jeune Kslanrelin est si ji'uiie — ei d'ail-
leurs le Constitutionnel a fort bien dit qu'il ne sa-
vait pas !(• français. C'est une misère 1
— Je pense au moins autant que le ('nnxlilulidn-
n(;t(\uc cet homme-là ne soupçonne pas ipie!!' huiguc
il faut parler en l'iance.
« Eh ! eh, mossieu Réac, ce jeune étourdi est de votre
bord, el il vous a nui qucbpie peu ; croyez-moi ! après de
pareilles fautes de français, vous avez besoin de quelque
petite chose qui ait l'air d'une réparation; prenez mon
dessin. Cela d'ailleurs ne vous engage p.is à gi and'chose. ..
Mos.sicu Réac, pendant ce spcach, tournait, retour-
nait et examinait , sous toutes ses faces , le dessin sus •
pect.
"El d'ailleurs, insista la llevuc , il nous faut absolu-
menl un grand bois dans chaqui; livraison , et vous ne
pouvez choisir que celui-là, aitendu que c'est le seul.
— Metiez-le donc, conseniit M. Réac en soupirant.
— Après?
L.\ RCSSIE BECONSAIT L\ RÉPLBLIQOK FR.\NÇAISE.
Dessiné par N*d\rd.
Gravé par Baclast.
REVUE COMIQUE
— Un lypo; j'en ni toujours un ou deux d'av.nuce :
voici celui d'un de vos amis, un personnage non po-
litique.
— Bon , l)ien alors. — lùisuilc?
— Maintenant occupez-vous du texte ; vite !
— Vos dessins ne me vont pas trop; mais je xais
flanquer h vos anarchistes de lecteurs un petit article...
Oh ! je leur ôtcrai du couji l'envie de rire, moi !
— Peul-èlre, ô mossieu Héac! — Dictez, j'écris. »
Mo.ssieu Réac fit gravement plusieurs tours dans la
ciiambre, se gratta l'oreille, toussa , craciia , se mou-
cha et commença en ces termes.
L.\ NUL VELLE REVLl-: COMIOUE EXPl RGÉE.
PAUMOOIE.
Il La Revue Comique avait été entraînée jusqu'à ce jour
dans une voie funeste, qu'elle a résolu d'abandonner avec
éclat aujourd'lmi. Elle saura accomplir ses nouveaux de-
voirs, et c'est en pleurant ses fautes passées, en se ral-
liant au parti de l'ordre qu'elle espère mériter l'estime de
ses vingt mille souscripteurs , dont la conversion ne peut
manquer de suivre la sienne.
» Elle se décide résolument enfin à rompre avec cette
horde anarcluque de conspirateurs de bas étage, lâches
coquins, forçats libérés, sans culottes, escarpes, grinchcs,
rdous, malandrins, escrocs, piliers d'estaminet, culotleurs
de pipes, coupeurs de bourses et de jarrets, assassins,
meurt-de-faim, révolutionnaires, socialisles, communis-
tes, partageux, scieurs-de-gardes-mobiles-entre-deux-
planches, goussepains, galoupiats, gaspaillous etpoils-de-
carotles '. ! !
— Hein? dit crànemcut mossieu Réac , en s'arrèlani
pour respirer.
— C'est magnifique! dit la Revue .• on dirait que
vous avez rédigé toute votre vie le Constitutionnel.
Si ces grcdins do rouges ne sont pas convaincus par
les bonnes raisons que vous leur dites là, ils méri-
tent que le loup les soupe et tout à l'iieure. — Conti-
nuez, je vous prie !
» Qu'où ne vienne donc plus lui dire que la Constitution
peut être interprétée de différentes manières ; ceux qui
tiennent ce langage se rangent dans la catégorie des mi-
sérables, des fanfarons, des lâches, des éternels ennemis
de la société.
» Qu'on ne vienne plus lui proposer d'attaquer l'illustre
Odilon Barrot! Ce Décius moderne, auquel la postérité élè-
vera des statues , est désormais l'idole de la Revue Comi-
que.
» Qu'on n'essaie pas d'engager la Revue Comique à sou-
tenir la liberté de la presse ou le droit de réunion; on n'y
réussirait point.
— Ici mossien Réac fil une pose — majestueuse et
se legarda avec complaisance dans la glace, (pii n'exis-
tait plus au-dessus de la cheminée.
" Il faut en finir avec ces éternels ennemis de i oidre!
qui , Il comme le dit si justement monsieur Changarnicr!
V ilejiuis vingt ans sont toujours les mêmes et qu'on a vus
figurer d.ins toutes les conspirations 1 »
<i Déjà ébranlée par l'éclatanle victoire du 29 janvier, la
Revue attendait le triomphe non moins illustre du 13 juin
pour se rallier au parti do l'ordre et réparer ses anciennes
err.urs. Mais que l'Odilon Barrot qui n'a pas fait sa pe-
tite opposition , lui jette la première pierre 1
» Désormais la Revue Comique se trouvera au premier
rang dans celte lutte généreuse où la Patrie el l'Assemlilée
nationale ont déjà cueilli des palmes dont elle veut sa part.
Elle transporte ses bureaux au milieu de la rue de Poitiers,
d'où elle traitera comme ils le méritent tous ces préten-
dus amis de la Constitution et gardes nationaux manques,
avec leur liberté de la presse et leur droit d'association ;
« car il est temps, comme dit l'élu du 10 décembre dans
son Message , que les bons tremblent et que les mé-
chants....
C'est-à-dire non !
Il II est temps que les méchants tremblent et que les
bons se rassurent!
» Elle appuiera le gouvernement réellcmcnl paloriiel que
nous possédons; mais à cette condition qu'il se montrera
sans pitié pour les ennemis de notre ordre social : La
FAi'LX KE DISCUTE PAS AVEC l'ivraie ; et, comuie dit Rabe-
lais : « Brusiez, tenaillez, cizaillez, noyez, pendez, em-
» palez, espaultrcz, desmombrez , descoupez, fricassez,
1) grillez, escarbouillez, escarlelez, dehingiiandez , carbo-
» nadez ces méchants hérétiques, pires que homicides,
» pires que parricides!. . » El la Revue, qui dédie à mon-
signor de Falloux ce numéro inauguralif de sa nouvelle ère,
espère bien que ce pieux ministre de l'instruction publique
souscrira pour cinq cents exemplaires à l'intcnlion des
bibliothèques publiques. »
ESPIÈGLERIES.
a Je crois que ces gaillards-là veulent se venger en nous
faisant crever de faim...
— Ah! bah! répondit le voisin, nous les mangerions
plutôt! »
Ah! M. Clairville a bien raison, quand il dit : « Que les
rouges sont de vrais bâtons endommagés : on ne sait par
quel bout les prendre! »
i^ Ciloycn liiaillcur de Vincennes, tout pour la Consiita
lion démocraiique et sociale!
— Cambronne t
— C'est ça, Cambronne pour la Constitution!... »
On a remarqué , comme une singularité des plus étran-
ges, que la petite rue dans laquelle se sont trouvés
M.M. Ledru-Rollin, Considérant, Boicliot et Rattier, aj
être sortis du Conservatoire des Arts et Métiers , se nomme
la rue des Quatre-Voleurs.
A LTSAGK DES GEiNS SERIEUX.
65
En fiiil do (lames qui n^ilaionl louis mouctioirs, nous
n'avons aperçu qu'uiio alTioiiso f^aupe iMTcliée romnio une
curneillo ric mallicui' sur un balcon du boulovaiil Mont-
niaiire, cl noassant : \ ire laConslilulwn! lillo déployait
en olTel un mouchoii- à tabac, et envoyait à ses frères et
amis des baisers amoureux du bout do ses grilles noires el
de ses défenses jaunes.
Le 43 juin , sur la place Saint- Sulpice, le ciloycn C...,
capitaine d'état - major de la i;ardc nationale dégommé,
s'elTurçait d'onibaucher un jeune tourlourou qui était
paisiblement assis sur son sac :
« La Constitution a été violée! hurJail-il.
— Co n'est pas ma sœur, » répondit flegmatiipjenicnt
le militaire.
— Eh ! eli ! fit mossieu Réac , que dites-vous de ces
espiègleries !
— (;'esl peut-être un peu se perniil l;i
J te vue.
— Allons donc! vous ne lisez pas les jouinaux hon-
nêtes et uioilérés ? »
Iji re moinonl cuirait un personnage nouveau ,
le sieur Cauiaut, graveur en chef delà Revue Comique.
Ce jeune liomnic recomniaudable, et qui a le rare pri-
vilège d'allumer l'amadou avec ses yeux , était chargé
des produits délicats de sa fabrique.
" Qu'est-ce que c'est que ça? dit mossicu Réac.
— Ma foi , dit la Revue un peu embarrassée , et en
mettant prudemment les bois sous sa main , — c'est la
suite de votre Vie politique et privée.
— Et vous croyez que je vous permettrai de mettre
ces abominations dans un numéro signé par moi !
— l'iuJASons- en , mossieu Uéac , il est tard et mon
numéro périclite. Il faut un iionibre de dessins
— Tenez, terminons aujourd'hui cette série dont vous
allez vous trouver ainsi débarrassé à tout jamais.
— lih bien! dit mossicu Uéac, iila condition que vous
sup])rinierez dans celle fin finale tout ce (jui a rapport à
la politique , — je v; usabandoinie ma vie privée, con-
sentit-il non sans soupirer à quel(|ue souvenir »
L'insensé Réac ignoiait quelle arme cruelle il venait
(le donner à la Revue , dans ce dernier chapitre de ses
aventures. — Car ce que mossicu Réac ne sa\ ait pas, c'est
((ue la licvucsMl tout — et bien d'autres choses encore.
11 Mainlenant, dictez-moi autre chose bien vite !
— Comment, ce n'est pas siillisant! dit nios.sieu Réac,
(|ui cou]nicnçail à avoir assez de son métier nouveau ;
mais je ne sais plus que dire, moi. — Voyons, n'avez-
vous pas dans quelque coin quelque ciiose d'inoiïensif ,
quelque revue théâtrale de M. Hippolytc Lucas, — de
quoi remplir, enfin?
— Je n'ai là qu'un petit proverbe. Trop parler nuit.
— Eh bien, voilà votre affaire ! Trop parternuit !
le titre est fort honnête et de bon conseil. Un proverbe,
c'est comme qui dirait un vaudeville. C'est presque
toujours tris-bien écrit , dans les bonnes idées et rare-
ment méchant. H y a un monsieur Clairville qui fait
comme cela des choses charmantes.
— Va pour
TROP P-VRLER NUIT, TROP GRATTER CUIT,
PETIT PROVERB£ ES US ACTE, REPRÉfESTÉ POUR LA PREMIÈRE FOIS X PARIS DANS US CAFÉ DV >URA15 ET DANS BEAUCOUP
d'autres cafés, avec (JUELqUES TIRIANTES, LE 15 JUIN 1849.
Personnages. — Durand , petit rentier, décoré de juillet, caporal de la garde nationale.
Isidore, commis voyageur, bavard et barbu, mais bonne personne au fond.
Accessoires. — Gens comme il faut de différents âges ; habitués comme il faut aussi ; garçons de service.
(La scène se passe dans la salle du café-etlaminel. )
cnœuR d'habitués et de personnes comme il fait.
Double six, je coupe, quinte et quatorze, échec et mat.
soufflé n'est pas joué ; garçon, un grog; impériale d'as;
ah ! comme les morceaux de sucre sont petits ! à vous
la raaiu, à vous la pose , je passe, j'en donne, etc. , etc.
DURAND. {Il occupa une table à lui tout seul; il
fume gravement et murmure avec quelque
inquiétude la romance de : Fleuve du Tagc.
Isidore entre avec grand fracas et va tomber
dans tes bras de Durand, qui devient très-pâle
et se débat comme tin possédé.)
Mercredi, je n'ai rien crié du tout.... En cet in-
66
RKVliE COMIQUK
stant , j«' cliaiilais Flntie du Tagc, il n'y a pas de mal
à ça Il- n'ai jamais pu apprendre un seul couplci de
ta Motsiilfiiisc.... Je suis un défenseur de l'ordre... .
ISIDORE, riant.
Ali çà ! farceur , vous ne me reconnaissez donc pas ?
J'arrive à la minute ; voire portière m'a dit que je vous
verrais au petit café. Ce vieux petit café où nous fai-
sions, il y a deux ans, notre partie de dominos tous les
soirs. La mère Pierre ne m'a pas trompé , je vous re-
trouve assis à la même table, fumant dans la même pipe.
(Il lui frappe sur le fcntcc), Seulement un peu mai-
gri. Mais cjue je vous presse donc encore sur ma poi-
trine! {Use précipite dans les bras de Durand
tl porte plusieurs fois sa tête de qauche à droite
cl de droite à gauche, comme dans les seines
de reconnaissance des pièces du (Ji/ninase.)
DLRAiND, se remettant un peu.
Ouf! quelle émotion! — Ce n'est qu'un ami, c'est ce
cher Isidore !
ISIDORE.
£li! oui! c'est ce cher peiit Isidore, qui arrive en
droiic ligne de Saint-Pétersbourg; ali ! Durand, quel
drôle de pays, et le pauvre peuple, bon Uieu !
DURAND, (/ui s'cjit remis tout à fait.
C'est vrai , le peuple russe est peu avancé. Un voya-
geur de Hies amis m'a assuré que, dans les combats, les
soldais se servent encore de llèches.
ISlDOIll'.
Oh!... bon Durand, voire ami a été Iroj) iniii. Mais
en somme le pays n'est pas agréable. Figurez -vous que,,
pendant les deux mortelles années que j'y ai séjourné,
je n'ai rien su de ce qui se passait en France. Mes let-
tres étaient décachetées et les journaux ne me donnaient
que les nouvelles des théâtres et du bal Mabille.
DLR.\.ND. 1
(>'esl déjà (|ueli[uc chose. ■
ISIDORE.
Oui, mais c'est insullisant pour les gens curieux.
Néanmoins je n'ai pas trop perdu mon temps lii-ba.s.
Pendant sept cent trente soirées j'ai narré les épisodes
de la Uévolution de juillet. On avait caché juscju'alors
aux bourgeois de Saint - Pétersbourg cet incident du
notre histoire moderne.
DURAND.
\\\\ ba>t!
ISIDORE.
Parole d'bonnem- ! et toutes les fois que dans un cer-
cle je m'apprêtais h fournir quelques détails sur la dé-
chéance de la monarchie de Charles X , on s'enfermait
à double tour et une personne sûre veillait à la porte
afin de savoir si l'empereur n'écou'.ait pas.
DLUAND, tristement.
Ah ! ce sont de bonnes gens de mœurs douces et ti-
mides. Hélas ! le peuple français n'a pas la douceur el
X.A VIE FUBI.I9VI: XT FRTVXX DE MOSSIEU REAC.
CllM', \. — Dcceiiliuns.
Mais, horreur ! en rentraitt un jour chez lui à Timproriste , il surprend
madame Réar. née Aristo de Taupinois, en conversation intime avec
un affreux In-crgé.
Mossieu Réac, ulesi
opinion*! polilioue
Âri!,lo deT^in|>ine
' à la fuis dans son honneur conjugal tt tlum
. veut plaider en sf pnralion de corps; ni.ii- le jeuiiel
9 lui demande rtii^cn.et Georges Uandin nieduux.r
A I.ISAGK DKS GKNS SKHIEIIX.
1,1 liiiiidilt: (les Russes; cl depuis la (lécliéaiice de
Charles \ , il s'est passé ici des choses bien graves.
ISIlinltt:.
J'ai appris tout cela eu luiilatit le pied siu- le sol na-
tal. Oh! \oiis vous êtes joliment conduits! Mais vous,
Durand, vous deviez être à la tète du mouvement de
iM^rier? Vous êtes nu répid)licaiu dans les fauionses
idées; un hou , quoi , — un solide?
D1JI\AND, avec fiiil/arios.
l'ai lez moins luiiil , je vous prie \ous compre-
nez
isit)Oi\t;.
Coinmenl donc! mais je ue comprends pas du tout.
Ksi -ce que nous ne sommes pas eu Répubiicpie, sapre-
lotte! Vive la Constitution !
DiRANO, avec int/uicliulc.
De grâce, parlez. moins haut , je vous en supplie
vous me vous vous compromeltcz
ISIDORli.
Je m'y perds! Aurait -ou profité de mou sommeil
pour me ramènera Saint-Pétersbourg? ou si c'est qu'on
ne peut plus parler de son pays dans son pays?
ne R AND.
l'ardon , mou ami , mais il faut en parler avec la mo-
dération qui convient h des hommes établis, à des
hommes mariés.
jsiDOKi:.
liens, \oiis êtes marié?
DURAND.
Non. mais je jiourrais rétic. Vous, Isidore, viuisavez
toujours ru la lètc trop prés du bonnet; il faut |)rendre
garde
jstDoiii;.
Allmis! bon, n'allez-vous pas me faire passer à pré-
seul pour uu révoluliouuaiie, im cannibale, im bu\eur
de sang. En 1830, j'ai tiré des coups de fusil contre
les ordonnances : nous tiri(uis ensembh'. Eu 1832, j'ai
blâmé le licenciement des gardes nationah s : nous blâ-
mions ensemble. Eu octobre 1.S/|(),j'ai protesté contre
le ministère Guizot : nous protestions ensemble. En
février, et je pense que cette fois encore nous eussions
élé ensemble , je me serais battu pour la réforme élec-
torale cl le dioit de réunion. C'est tout simple, ça !
Di'RAM), tiKiissaiil les cpaulvs.
Mon Dieu oui! en février, je ne dis |)as. Mais, vous
autres jeunes gens, quand on vous en laisse prendre
long comme le doigt vous voulez eu avoir long comme
le bras; c'est toujours vous C[ui compromettez la situa-
tion : ainsi , depuis la proclamation de la République ,
nous avons eu le 13 mai et le 26 juin.
Si je dois en croire deux vieux numéros des Débats
que j'ai trouvés dans ime table d'hôte à Valeuriennes, je
IiA VIE PUBLIQUE ET PHIVEE DE MOSSIEU REAC.
CilAi-. \. - Dècei.lious.
Ceci pour expliquer comme quoi mossieu et madame Eéac inée iristo de Taupinois) eurent beaucoup d'enfants, qui, par suite àa regard
iiu'a eu madame Eéac. viennent tousjau monde avec des bonnets rouges.— Vous verrez qu'on pourra faire quelque cliose de ces petits-14 !!. .
I rouges. — Vous verrez qu'on pourra f
lE PCBLIQUE ET PRU ÉE DE MO^IEU RÉ.KC.
REVUE COMIQUE
blâme le mouvement du 15 mai et rinsurrcction du
•2!> juin. Mais, hier, j'ai rencontré dans le wagon un
monsieur fort bien , qui m'a mis au courant des der-
nières affaires politiques?... Et il me semble ([ue cette
manifestation toute pacifique
Un monsieur fort bien , ah ! ah ! ah ! Un monsieur
fort bien , il avait une grande barbe ronge et les ongles
crochus , n'est-ce pas? — Celait un. farouche Monia-
guard qui fuyait le glaive jusfc mais sévt're des con-
seils de guerre.
ISIDORE.
Durand, vous êtes fou, mon ami, avec votre glaive ;
ce monsieur ne fuyait pas, puisqu'il était dans le même
wagon qui me ramenait à Paris. Et quant à cette ma-
nifestation toute pacifique
DURAND.
Voilà bien les gens qui arrivent de loin et qui n'ont
rien vu , ils abîment l'histoire. Si vous aviez lu les
journaux, vous ne tiendriez pas cet extravagant lan-
gage. La manifestation se composait exclusivement de
forçats, de faux gardes nationaux et d'anciens gardiens
de Paris destitués et armés jusqu'aux dents, c'était
effroyable !
ISIDORE.
Mais , cependant , il y a eu fort peu de coujk . . .
DURAND, interrompant.
Halle là! pas d'insinuations; ne touchez pas an feu I
vous vous brûleriez. Diable ! l'état de siège ne permet
pas qu'on louche
ISIDORE.
Ne permet pas qu'on louche!... On doit au moins
loucher à cet état de siège proposé par un ministre qui,
si j'en crois l'un des numéros des Ddùats que je trou-
vai à Valenciennes, s'éleva irès-vivcmenl contre cette
rigoureuse mesure , à une époque où assurément elle
était plus indispensable qu'aujourd'hui. C'est encore
une assez bonne farce de la part
DURAND, interrompant plus fort.
Halte là ! donc , ne touchez pas à la politique trans-
cendaïUc de ce grand homme d'État. S'il agit ainsi,
c'est qu'il a ses raisons. 11 y a sans doute là-dessous
quelque grave (pieslion conslitulionnelle. Eh puis ,
fichtre : (ichtre ! l'éiat de siège ne permet |)as ([u'on
louche
ISIDORE, s'échnufl'anl.
Ah! mais h la fin, avec vos: ne permet pas qu'on
louche... 11 me semble que tous ces petits messieurs
passent après la Législative-, et la Législative après la
Constilulion.
DURAND.
Eh bien?
ISIDORE.
Eh bien! li Constilulion a été interpré.....*
DURAND, iiilcrrompaiit avec terreur.
Où allez-vous, malheureux! La droite a prononcé, la
Conslitution n'a jamais été vu l'état de siège...
Diable! litchrrrrre ! ! Si on vous laissait faire, vous en
diriez de belles !
Durand , je suis très-calme. Seulement je constate
une triste chose, c'est qu'on ne peut même plus causer
iranquillement comme autrefois. — Sous le tyran, je
me souviens forl bien que nos réunions dans ce calé
étaient souvent consacrées à de petites conférences po-
litiques, qui n'inquiétaient personne.
Ali! oui... autrefois... c'est vrai. Mais au reste vous
le voyez , rien n'est changé ici : on se réunit toujours.
[Le chœur des habitués et des personnes comme
H faut , qui a souvent froncé te sourcil en écou-
tant à la dérobée îe langage incendiaire d'Isi-
dore, continue avec fureur en enflant tes notes
et en appuyant sur le texte.)
Mon bon ami , si je n'avais pas vécu si longtemps
avec vous, et si je ne vous avais pas toujours connu
abonné au journal la Réforme, je vous croirais
Mais, à propos de ta Jléforme, elle doit être aujour-
d'hui la feuille officielle du gouvernement 7
UNE PERSONNE COJI.ME IL FAUT, Se levant.
Il est impossible de terminer celle partie. Je me re-
tire. Demain nous jouerons la belle, si ce monsieur ne
revient pas.
DURAND.
Quelle folie! Vous voyez, Isidore, combien vous êtes
compromellanl?
ISIDORE, exaspéré.
Mais qu'est-ce que j'ai donc fait? ,1'arrivc de Russie ,
je demande des renseigneinenis , c'est bien iiatiiicl, et
je suis dans mon droit, ,1e maintiens mon inlerrogalion :
je veux savoir ce ([u'est devenue la lié forme?
DUf.AM).
Eh bien! mon ami, elle est supprimée, ainsi que
tous les journaux (|ui jetaient la perturbation dans les
es|)rits.
A L'IISAGK DKS (iKNS SKIUKUX.
ISIDORE.
Ah ! bast ! lili bien ! cl la liljcrlé de la presse?
liNF. SKCONDi: PKRSONNi: COMMK IL KACT, SC levant.
Garçon , vous me mciiro/. ma hoiileille de bière de
côté. Si ce iiinnsieur avait des favoris, ma parole d'Iioii-
lU'iir, je croirais «piu (V'sl Icdrii-lloilin. Abl l'élal de
siège devrait bien faire justice de tous ces gens-là.
lUJUAND.
La liberté de la presse existe toujours, mais seule-
ment pour le Cotistitutioniiel, les Débals, V As-
similée nationale et la Patrie. Au resle cela sulTit
h tout le monde , ou fait des tirages si considérables !
ISlDORi;, s'essui/ant le front.
Je crois que mon voyage m'a rendu stiipide. lîcou
lez, r)urand. l"aUes-moi l'amitié de venir chez un bon
patriote, un ancien ami commun. Tous trois, nous cau-
serons tranquillement sans nous fâcher ; vous mettrez
bien les points sur les choses, et je comprendrai peut-
être l'état dans lequel nous vivons.
DURAND, faisant les bras d'un homme qui a ren-
contré une très-méchante bête.
Isidore , c'est ma perte que vous avez jurée; votre
conversation me fait frémir, et je sens ma chevelure
toute droite sous mou cli:ipeau. Malheureux! vous me
proposez de nous réunir à trois, et pour causer poli-
tique encore! !! Le droit de réunion la liberté de
la presse Sachez donc bien que l'état de siège ne
permet pas qu'on louche...,. C'est-à-dire, si l'état
de siège permet qu'on louche.... On a touche Bon
Uieu , Seigneur I Je ne sais plus du tout ce que je dis.. ,
Tenez, laissez-moi partir, partir seul J'ai besoin
d'elle seul ; je ne vais pas du même côté que vous.
ISIDORE.
Pauvre Durand 1 vous êtes bien chose. Est-ce
que par hasard vous seriez devenu fou ou lâche?
DURAND, mettant une main sur son cœur.
Monsieur, je ne permets pas ([u'on touche à mon
courage, à mon honneur, à mon dévoueini'Ut à mon
pays. J'ai \ieilli sous l'uniforme, il y a dix-huit ans (jue
jesersdanslafjarde natiouale,et je ne souiïi irai jamais...
{Il est neuf heures moins vn quart ; depuis
dix minutes environ tous les haùitués et toutes
tes personnes comme il faut sont parties en fai-
sant des fieslcs d'épouvante.)
ISIDORE, tristement.
Pardon , Durand , pardon , mon ami ; je n'ai pas
voulu vous faire de peine. Suis-je Russe ou l'Yançais, je
ne le sais guère ; je n'ai plus la tète à moi , et je ne
vois pas bien au juste lequel de nous deux est fou. Il y
a si longtemps ipie je ne vis plus dans mon pays que j'ai
peut-être perdu tout sentiment national, et je dois dire
des bêtises. Tranquillisez-vous, Durand, vu l'étal de
siège, je ne vous demanderai plus rien. Je vais rentrer
chez moi ; là je consulterai nu vieux dictionnaire à
l'endroit de RÉPUBLIQUE, et , selon le sens du mot ,
que je crois cependant bien connaître, je saurai si
demain je dois crier : Vive la République !
DURAND, qui s'est bcaucoup radovci.
Un conseil, Isidore : qu'importe la définition du
dictionnaire, que je connais aussi bien que vous.
Croyez-moi, ni demain, ni après , ne criez pas Vive la
République !
ISIDORE.
Mais cependant sous la monarchie , quand on criait
Vive le roi! ou obtenait au moins le sourire d'un ser-
gent de ville?
DURAND.
Oui! mais c'est qu'alors on n'était pas sous l'état de
siège.
A. F. —y.
« Ouf, s'écria ta Revue en s'essuyant le front, voilà
donc ce damné numéro fini , courons vite chez l'im-
primeur ! "
Et comme mossieu Réac prenait son chnpeau et se
disposait à l'accompagner :
u Je me charge du resle , lui dit-elle, et je n'ai plus
besoin que de votre signature, — une formalité!... »
Mossieu Réac signa , et comme il tendait à la Re-
vue la plume avec un sourire tout amical :
" Bien obligé, mon cher monsieur Réac, lui dit-elle
avec un sourire — qu'on eût pu trouver peut-être équi-
voque, — nous nous reverrons au premier numéro !... »
Que vous dirai je? En un clin d'œil la Revue cul
trouvé sou imprimeur et le numéro fut tire.
Elle jugea alors le moment venu de prendre un re-
pos qu'elle avait si bien gagné, el , pour ôter à l'état de
siège tout prétexte de venir troubler .'■ou sommeil, elle
n'eut garde d'oublier au bas de celte feuille en for-
malité dernière :
Bon à tirer,
RÉAC.
Pour cop'e ccit/'intie ^
NADARD.
REVUE COMIQUE.
T)»-*siné par N^D^Rt)
(.1' baron de la Germanie
Kr>t llallé [lar des polerilals.
Il rommandile les Kials;
L'argent lui lient lieu de géiue.
En lui vous voyez à la fois
I.e roi de? juifs, le juif des rois.
\é par BiLI ^'^T
30 centimes
DUMINBHAV ÉDITEUR , HUE RICHELIEU , 3 J.
':0\Î>ITIO\S DE LA SÛLSCRIPTIOX. — La R£\UE cûMlyCE (ormera deux volumes 2raDd în-b-, publiés en rjMivraisons a ;iO ct^nlimes : par la poste»
centimes. Le premier volume» composé des 25 premières livraisons, a été achevé le 28 avril 1&49. Il renferme enviroa 500 caric.itures politiques. — Prix de
volume : 7 Tr. 50 c; par la poste, 10 fr. Le second volume parait en livraisons. On souscrit , pour ce volume . en payant 7 fr. 50 c. pour Paria . et 10 Ce. poiu
'Ipoflrt ornent»
AUX SOUSCHIPTEURS DE lA REVUE COMIQUE.
Le premiiT fouillot de chaque livraison, reproduisant unifoimémeiU le dessin de la couvcilnre, doit
Olre enlevé à la brochure. — Alin de varier le verso de ce |)rcmier feuillet , sans inutefois y insérer rien
d'important , dont la suppression aurait (pielque inconvénieni , ce verso, ii l'avenir, seja occupe par la cor-
respondance de la Uevue, par des annonces drolatiques, ou quelque autre sujet accessoire eu dehors de
notre cadre: de telle sorte que lorsque les souscripteurs réuniront en voiiunes la colleclion des livraisons,
ce feuillet, enlevé, ne supprimera aucune jiartie intégrante de l'ouvrage. I,e dernier feuillet de la couver-
ture, formant la dernière et l'avant- dernière page de chaque livraison, dc\ra être r. lié avec l'ouvrage
complot , dont il ne peut être détaché.
AVIS AUX JOURNAUX DE PARIS ET DES DEPARTEMENTS.
Nous autorisons la leproducliim des aitirles coiUoiuis dajis la Ikruf runii.jw , à la roniiitu.n :
\ » De riler la fici-uc en lui eraprunlani ses articles ;
I '1° Do limiter, pai- chaque semaine, la reproduetion au tiers des matiùres contenues dans chaque numéro.
CORRESPONDANCE.
A M. .I.-A. Z..., à Draquignan. — Il faut un pou de
patience; toutes ces améiloratioiis arriveront successi-
vement.
.\ M. l'nTiB... à (\ilior<. —La rarotlc n raison,
et le navet ;i Icrt.
A M. .1. li., «' Aix. — Nous vous répondrions volon-
tiers, mais nous avons sulii une cruelle épreuve
avant la lettre.
A M..., avenue de Sair>l-Cloud. — Ce chemin serait
bien moins direct.
A M. .l.-B. Q-, à Anvers, rw du^abol. — Bali!
A madame L.-B. de T.... — Nous nous sommes em-
pnssés denreç;istrer les trois souscriptions que vous
nous ave/, transmises. L'intérêt que vous voulez bien
prendre à notre publication est un encourat;enient qui
nous est bien précieux au milieu ries riiilicullés du
moment.
A M. A. F. , '■//(■ rfc l'Oratoire. — Votre chanson de
Vlilatde .S'/(;;/('estinarimi!-sible. Attaquer en re moment
les boursiers, les^énéralC .., les ministres, et même ..,
ce serait prendre la uirande route des pontons.
A M. A. D.. rédacteur du Bien du Peuple, à Nevers.
— Merci des encouragements bienveillants que vous
nous avez souvent adressés. Nous recevons régulière-
ment voire journal, et nous lisons avec une vive satis-
faction vos articles pleins d'énergie, de verve et de bon
sens. Si toutes les feuilles départementales étaient ré-
digées dans le même esprit , le suffrage universel ne
nous amènerait plus desBaze, des Vezin et des Benoît,
marquis d'Azy.
A M. A. G. — Noos avons reçu la fin de votre ar-
ticle , que nous persistons à ne pas insérer. Votre Etoile
filante est une allusion trop directe; vos vers sur la
Réaction ne peuvent non plus paraître sans danger.
Vous avez déployé trop de verve en attaquant ce
monstre qui a
Les cosaques pour fils, pour nom Réaction.
Au LYCÉEN DE 4 11 ANS. — Courage, jeune liomme! ! !
Perge, puer! aie itur ad astra.
A M. Molli , à Stra'iljounj. — Vous nuus élonnezl 11 !
A M. Matiuec ti., n la l'ointe-, il'ilre 'Guadeloupe;.
— Nous attendons avec impatience vos dessins. Vous
concevez qu'il ne faut pas leur doimer un caractère
. trop actuel.
■r„llel«-. EnlrepùlGémTal, rue J.-J. Housscau , 3. »lnolKi-e .le ToIIt-ae.
PARFDMFMDE LA SOŒTÉ HYGIÉ»'E.
POMMADK
Cfllp pn-paratiiMi, on
liipuii' el r.,ii(l»iili' , rpii
len rh»eii> linlln»l>
><,uplr>. Ini fiiil «p«i»
.•ll.'ii'ilipL'rlii'drIoiiil..
I ir...-.n.,. en n,\.:..\.
f 'old-Crcani .
Atlù.n •louci. fl iniio-
cnle, qui lorUli,' le. i|pi.-
,l,.|,li ilarii r.'l»! A»
I,. plu. p.rf.il.
Flacon
Boaoroup ,|P p„,„nnn. i,„„«„. qu. l,-. ,idf. prru tk.. . I., ,u,l.... .!.• U p..... . la .l,,,!,- .le. rt.....< ur hl.,u.|„.ar pr.r,,,. I., en.- H lu p-l. .1.
d-nl. . H., . pr,., i 0. d.. d,v.,.,.. prrp.-,r;,.i»,.. Jun. ,11 ..■...■■.1 po.., leu, loilHIe. 1,. SocpTK ,».... v... l « .1. rr.e» d,n. !.■ 1".. d. „, l,.re, .,„ p„l
.|u« dft pf,.p«r»lic.i.. ..jani d.-. .lual.l,-. i. plli'. . blrn ron.lahc. i-l .■.i-roplr. de loul inrouv.rn.i.l .1 df loul .lanu.T.
l'ari». — Typ'.eraplilc Plnn Wri>< nie de Vaneirani , 30.
^^-^
LES TROIS r.KVES DK MOSSIEl KEAC.
Depuis qu'il a assumé sur sa tète la responsabiliié dp
la rédaction en chef de la Jierue f'omh/ue, mossieu
Réac a perdu cette douce paix de l'esprit si chère au
sage.
Mossieu Réac n'est pas un ignare, il a fait toutes ses
classes. Malgré les embarras sans nombre qu'ij a ren-
contrés à chaque pas dans sa carrière industrielle, il a
conservé une petite teinture littéraire qui ferait certes
honneur à quelques députés de la droite et à tous les
coulissiers du passage de l'Opéra. C'est un homme qui
sait beaucoup. Il admire J.-B. Rousseau, La Harpe et
Dclille, trouve le style de Bossuet irès-élevé, et dit par-
tout que Voltaire était un écrivain fécond et spirituel.
11 sait de plus qu'Achille est fils d'Anchise, Ulysse di-
\in fils de Laërte, et que l'Amour, fils de Vénus, fut
toujours un petit dieu malin.
Mossieu Réar au besoin rimerait dans une noce le
couplet ù la mariée et tournerait fort joliment un acro-
stiche, mais il n'est pas encore bien roiupu au rude
métier de journaliste. Jusqu'au 18 juin dernier il
n'avait pas mis la main à la |iàle et n'avait participé à
la confection de journauv et revues que par l'intention
et des mandats sur la poste. Sa plume élnil presque
vierge.
Mais dans les circonstances graves oii nous nous tron-
vons, l'homme privé, l'homme du monde de la Chaus-
sce-d'Antin, doit faire place à l'écrivain-patriote. Mossieu
Réac se résignera donc à .sacrifier sa tianquillité paiii-
culière à la tranquillité générale.
Il restera rédacteur en chef de la Bévue Comique
en vertu de In loi suprême de l'état de siège et du salut
public.
Mais dans quelle voie conduira-t-il ce recueil jusqu'à
ce jour si dangereux à la société, et si subversif de
toutes les lois disines et humaines? C'est là une grave
question qui fait l'objet des méditations de mossieu
Réac.
Rédigera-t-il la Beiue Comique avec des citations
de Montesquieu , de G rotins , de PulTendorf et de Tar-
tempion '.'
En fera-t-il un journal d'initiative et d'alinéas, four-
nissant à ses abonnés au moins une idée par jour?
.Mettra-t-il la Revue Comique à la disposition du
parti de l'antithèse, et prendrat-il ses collaborateurs
dans la bande des penseurs?
Ou bien encore lui dounera-t-il cette allure badine ,
spirituelle, enjouée, imprissible, bon genre, et pas mau-
vaise langue du tout de la feuille autrefois Répu!)lit:iine.
puis Conservatrice, puis nonaparti>le, puis Légitimiste,
qui s'élucubre nu passage .loulTroy?
Les tragiques ont fait des tentatives auprès de mosMcu
Réac , mais il veut rester fidèle à la fantaisfe et à la rime
riche , ces deux faces du binôme social.
REVUE COMIQUE
La France altend avec impatience la décision de
nidssieu H6ac. On comprend la haute iHflnrncc que la
Revue Camique , placc^e sous rusccndanl d un tel
homme, e.vt distincc à exercer sur les prochaines élec-
tions.
Sous le poids de ces graves iiréoccupalions, niossieu
Réacs'tsl beaucoup abîmé le froiu toute la semaine, et
il a vingt-qiialie fois pris la plume et dessine en tile
d'un fouillet blanc une majuscule digne de M. Prud-
homme, élève de Brardet Saint-Onier.
Il était mercredi à tous les calendriers, et matin à
toutes les pindules. Mossien Réac se réveilla dans un
état de surexcilaiion impossible à décrire. Il se jeta au
bas du lit et courut à sa table de travail. Vingt-quatre
feuil!els du plus beau papier portaient en marge les
vingt-quatre lettres majuscules de l'alphabet. On lésait,
mossieu Réac n'est pas un ignare , il a une main su-
perbe, mai^il ne se dissimula pas qu'en utilisant toutes
ces feuilles éparses il ne compléterait jamais le second
numéro de son journal.
Le nouveau rédacteur en chef s'habilla à la hâte ,
prit ses papiers, ses lettres et ses journaux, et se trans-
porta dans les bureaux de la Revtw.
Quand il passa ie seuil de son cabinet , il retrouva les
traces du boulevari de la semaine dernière; un grand
désordre régnait encore parmi la table et les deux chai-
ses. Il trouva aussi un petit jeune homme coifTé d'un
bonnet tirant sur le rouge et vêtu d'une bouse blanche
qui, familièrement assis sur le poêle, cassait à belles
dents un énorme croûton de pain.
— Qui êtes-vous et que faites-vous là , jeune indis-
cret? demanda mossieu Réac avec quelque inquiétude.
— Paibleu je suis un petit de l'iniprimeiie. Je tra-
vaille à la casse des tètes de clous. C'est moi qui com-
pose les canards de la propagande anti-sucialisie. .Sans
compter que j'ai pousse dans ces publications des petites
coquilles assez inlelligentcs. — Je viens de la part de
M. Antoine chercher la copie du numéro.
— Ah! la copie murmura mossieu Réac en se
mettant le front en compote; oui! oui! La copie
elle avance Mais la Ri vue où donc est-elle?
— La Revue comptait sûrement sans son hôte, et
elle est allée déjeuner à ^A^sociation fraternelle des
Cuisiniirs.
— Joli endroit!.... Enfin!.... Eh! moi qui ai ^iiigl-
qualre colonnes d'enseignement moral et de saine lec-
ture à livrer à l'impression pour ce soir, après une
quinzaine comme celle ci et une nuit comme la der-
nière. Ah! vous autres jeunes gens, vous êtes bien
heureux! vous dormez sur les deux oreilles, tandis que
— Oh! nous ne dormons pas toujours. Hier, après
la journée faite, nous sommes allés nous promener dans
les bois où nous avons passé la nuit à chanter en chœur
d(s chants patriotiques.
— Ils se promènent !..,. Us chantent !.... Quelles
mœurs! Tandis que moi je dors! mais de quel .som-
meil, grands dieux! et quels rêves! broumni ! La nuit
dernière. Tiens, petit, tu es irapiimeur, sais-tu lire?
— Celte bête de question !
— Eh bien ! je veux te conter mes trois rêves de cette
nuit. Ce sera, je crois, une bonne œuvre : ça te mettra
du plomb dans la tête.
— Ouh! ouh ! j'aimerais mieux composer un nu-
méro du journal le Peuple.
— Je t'assure , petit , que si j'écrivais aussi bien que
je rêve , ce serait écrit en très joli français.
— Oui, dans la manière du francais-Clairville. Connu.
— Oh! fit mossieu Réac avec modestie, si c'était
mon état de faire des livres, mes œuvres seraient peut-
être aussi bien pensées que celles de M. Clairville, mais
à coup sûr elles ne seraient point stylées aussi pu-
rement.
Mossieu Réac s'arrangea de son mieux sur une des
deux chaises, il se moucha absolument comme se fût
mouché i\L Casimir Bonjour — notre dernier conteur :
genre impérial, — et il commença le débit du songe
N° 1.
Sache donc bien, petit, que j'ai l'habitude d'aller
tous les soirs faire ma partie de dominos au divan Le-
pelctier. Hier, je fus comme à mon ordinaire au café.
Mais mes nouvelles fonc ions de rédacieur en chef
m'obligeaiit 1 la lecturedisfeuillespubliques, je sacrifiai
mon délassement favori à une chose presque aussi sé-
rieuse — la question de politi(|ue étrangère. Ce qui ,
rentré cluz moi, m'occasionna une insomnie fort pé-
nible.
Depuis trois heures au moins j'avais planté l'éteignoir
I sur ma bougie et je voyais encore d>'liler une procession
incessante de Kossuth, de Nicolas, de papes, de (.hainil,
d'Henri V, de Ferdinand Bomba, d'Oudinot, de Joseph,
de Victoria et de Christine; j'assistais !i un mèli-niêla
féroce de gardes nationaux, de Tyroliens, de guérillas, de
landvver, de Cosaques, de Caucasiens, d'insurgés et de
hussards hongrois; j'entendais confusément un remue-
ménage sinistre, un cliquetis étrange, et je ne pouvais
me rendre compte si le bruit [)rovenait d'un condil
européen ou si ce n'était tout bonnement que la Saint-
Barihéleniy organisée par le brave capitaine Vieyrat et
une compagnie des amis de l'ordre contre les presses
de MM. l'roux et Boulé. Je triomphai enfin de celle
anxieuse somnolence et je m'assoupis du sommeil d'un
bon citoyen qui dans la journée du 1,1 juin n'a pas i rié
Vive la Constitulion !
A LISAGK ])KS GKiXS SKRIEU.X.
Je n'eus pas plutôt les yeux fermés, qu'une force 1 hongrois, chamarré d'or sur toutes les coutures. L'ha-
iiivinciblo nir remit Mir pird, JN'i.ùs ciic^r.in.l ruMiiiiic | hiindr me pim^y.t de rcrluf sur le divan. Il fallait dor-
mir coinnic uin; toupie d'AllL'tiiaijiit' pour somnnnibu-
liscr à pareille heure vers un café, et l'on ne saura
jamais par quel trou la puissance magnétique me fit
pénétrer dans la salle.
Ce dont je me souviens, c'est que, malgré les issups
hcriiiéliquement closes par d'épais volets, je me trouvai
tout d'un coup installé à une table de marbre, en face
d'un monsieur barbu qui ressemblait à un ermite dé-
croché d'un cadre de Goya. Il fumait gravement dans
une énorme pipe en bois sculpté, dont le fourneau re-
présentait à s'y méprendre la tête de M. Dupin. A la
pâle clarté d'une chandelle, Biiptiste rangeait les chai-
ses, et ne prenait pas plus garde à nous que si nous
n'avions jamais existé.
<■ Qu'est-ce que c'est que ça , Baptiste? interrompit
brusquement l'apprenti compositeur.
— Ce petit est trop bête, pensa Jl. Réac, il ne sait
seulement pas ce que c'est que Baptiste : Baptiste est le
garçon du divan. » Et il reprit :
Que les rêves sont donc une sotte chose ! Je me pris
à envisager la guerre de Hongrie à un point de vue
absolument faux. Je considérais cette lutte énergique
et désespérée comme un sublime elïort commandé par
mi profond sentiment d'amour national. Dans cette ri-
dicule hallucination, je ne sais plus au juste si je n'ex-
cusai p:is Us Iloinains de défendre leur territoire et la
liberté (|u'ils croient avoir chez eux de se donner la
forme de gouvernement qui leur convient.
Enfoncé dans les coussins, je regardais mon vis-h-vis,
qui ne paraissait pas en veine de lier conversation, ab-
sorbé qu'il était à faire fumer la tête de l'honorable
président. Je jouais a\ec la dragonne do mon sabre, je
prenais des ailu; es crânes que le général Bem doit avoir
en face des Autrichiens, et je criais à tue-tête ce refrain
imité d'une chanson touchant les Polonais :
Les Hongrois seront toujours de la Hongrie,
La Hongrie sera toujours la pairie des Hongrois;
Car si les Hongrois n'étaient pas de la Hongrie,
La Hongrie ne serait pas la pairie des Hongrois.
Je ne sais pas pourquoi ce refrain me séduisait beau-
coup; j'aurais voulu pou\oir le chanter au beau milieu
d'une séance de l'Asseiublée législative. Mais le mon-
sicur-ermiie me souffla au nez une énoruie bouffée de
tabac qui bouleversa com;iléiement le sens de mes idées
et replaça la question à son véritable point de vue. Je
ne désirais plus alors qu'une chose : voler sous les murs
de Rome , et , du tranchant de mon sabre , élargir la
fameuse brèche dont .M. Oudinnt cniretionl le minis-
tère depuis environ deux mois.
HEVUE COMIQUE
Oli ! oui , luï'criais-je avec énergie , noire époque
pourra devenir une grande époque parmi les grandes
époques I Vive l'ordre 1 vive la discipline! Si j'avais la
nionlnre qui esl le coniplénienl indispensable de te
maudit costume de Hongrois, je pousserais jusqu'aux
Invalides réveilKr les vieu\ braves des braves, et je
leur dirais : Kcndormez-vous tranquilles; nous, ci-
lovcns de l'ordre et de la dfscipline , nous sauvegardons
riionneur de la l-'rance, nous veillons sans cesse sur nos
trois couleurs !
Le monsieur barbu nie regarda en souriant d'une
assez drôle de façon, et, m'envojant une seconde bouf-
fée de tabac, il prit un numéro de la Pairie du soir,
oublié sur une table, le tailla en un carré parfait, le ploya
plusieurs fois sur lui-même, et en quelques secondes
confectioima ce (jue les enfants appellent une eocotie.
Il me présenta ce joujou en m'assurant ((u'il rem-
placerait avec avantage la meilleure bêle de la cavalerie
hongroise.
Je crus presque;! une mauvaise plaisanterie. Cepen-
dant, pour satisfaire cet homme d'âge, qui jusque-là
avait été convenable avec moi , j'enfourchai le petit che-
val en papier. Mais je R'eus pas plulôl la cocotte entre les
jambes que je me sentis emporté vers le plafond, et
dans ma brusque ascension je manquai fracasser la
lampe-Carcel qui fait un des plus beaux ornements du
café fA'pcletit'r.
Je me remis un peu d'une première émotion dés-
agréable, et, solidement ciamponné à un entre-liietdu
journal Dcfdmarrc'n' lançai ma mouture vers la porte,
que je traversai malgré la fermeture des volets, et je
partis coinnte une lléche dans la direction des Invalides.
Les arbres et les monuments publics passaient comme
des visions échevelées dans un conte fantastique. I.a
cocotte allait mieux que le vent, mais la brnscpierie do
ses mouvemenis et ses soubresauts étranges me répon-
daient dans la poitiine et me meurtrissaient tout le cor|)s.
Quand j'arrivai à la porte de l'IIôlcl des Invalides, j'étais
épuisé, la sueur ruisselait de mon front et un engour-
dissement général s'éiait étendu sur tous mes membres ;
je fermai involonlairenient les yeux. Je descendis et je
me traînai plutôt (lue je ne marchai jusqu'à la porte
cnir'ouverte d'une salle immense qui ressemblait à un
dortoir. La vue d'un lit fit sur moi un effet extraordi-
naire. Je ne pensais plus aur Hongrois, aux Prussiens
ni aux Russes; je n'aspirais qu'à me débarrasser de mes
cauchemars et à retrouver un peu de tranquillité dans
le sommeil. Je me déshabillai à la hâte et je me glissai
sous la couverture.
J'avais à peine assujetti le traversin sous ma tête,
quand je vis s'élever vers moi , du fond de la salle, un
groupe d'abord confus et silencieux. Peu à peu je dis-
tinguai des formes humaines, et quand le cortège fut
près de mon lit, je reconnus, aux longues moustaches
A I. l S\(,l. l)i;S (iKNS SI-.lUKl \.
grises, aii\ fniiil> (Irniidis ii ;iii\ niiilDiriiPs Hélris, k-s
infatigables coinbalUinls de la uramlc arméi".
Toutes ces grandis lipiies cmpieiiites d'énergie cl
de résolution lixaienl sur moi des regards où je ne li-
sais ((ue douleur cl rcproclies; les bouches contractées
murmuraient les mots héroïsme... pairie... honneur...
courage... liberté..., et rien ((ue le liriiil de ces mots
me faisait saigner les oreilles.
Ln rayon de feu illumina soudain tous ces paies xi-
sages, et la jeunesse revint avec le souvenir il ces vieilles
moustaches. Les bourbes contractées murmuraient :
1792... Knrùlemenls... MaisciUaisi-...
Kt tous montraient a\ec orgueil la place d'un bras
ou d'une jamiie oubliés h Jemiunppe. li .'*laren;jo, aux
l'jramides.
o Nous faisions partie de la cavalerie ié|»ublicainc
française, disaient les r.ns; la cavalerie républicaine
française n'avait pas de chevaux alors. A Verdun, nous
mettions nos sabres à nos dents, ei , nous prenant par
la main, nous courions sur la cavalerie prussienne. lille
avait des chevaux, la cavalerie prussienne, et pourtant,
après le choc, les escadrons ennemis se débandaient
dans la canipague; et nous, nous nous tenions encore
par la main ! >
D'autres rouvraient leurs blessures , mais de ces jilaics
béantes il ne sortait rien; et les bouches contractées
nmrnuiraient Champ- Aubert... .Montereau...
Tous s'écriaient : a .Nous avons fondu les cloches pour-
en faire des canons, et aujourd'hui on fond les canons
pour en faire des cloches. La France est couchée dans
un cercueil, qui donc la réveillera? ■•
Kt les mots héroïsme, patrie, honneur, courage, li-
berté me tympanisaient toujours plus fort.
Je m'arrachai violemment à ce cauchemar, et je
m'enfuis ii toutes jambes. .Je ne m'arrêtai que sur la
place de la (;oncorde, où je tombai anéanti sur le pavé.
Mais, au bout de quelques minutes, le démon qui
s'attachait !i moi vint encore me tirer par les pieds. .Je
levai les yeux et je me vis entouré |>ar un régiment
de presses d'imprimerie; il y en avait de toutes les
formes et de toutes les époques, et elles se serraient les
unes contre les autres, semblant s'être donné le mot
pour m'enfermer- dans un cercle infranchissable.
Cette fois la colère m'envahit tout entier. Des presses,
d'horribles presses! et qui venaient me rire au nez en-
core! (y était trop d'impudence. L'une d'elles, (|uc je
reconnus parfaitemeiil, et que je fus même très-étonné
de voir encore en vie, se tenait à portée de ma main.
J'ajustai l'insolente afin de l'immoler ii mon juste les-
sentinient en la fracassant sur le pavé; mais je n'eus
pas plutôt avancé le bras pour la saisir , qu'un méca-
nisme infernal écarta les rouages qui se refermèrent
brrrsquerricnl avec un épouvantable bruit de nràchoires.
,Ic reculai d'épouvante en poussant lur i ri féroce. Ma
REVUE COMIQUE.
main était linchée à la hauteur du poignet et je ne ra-
menai à moi qu'un tronçon sanglant et meurtri. Toutes
les presses se prirent à grincer des ressorts et s'éva-
nouirent.
Alors une tioupe de gens coiffés de bonnets de papier
succéda aux fantastiques instruments.
• Ils passaient sans mot dire, seulement chacun d'eux
s'ariétait un instant prés de moi et me présentait son
honnel de papier fait d'un numéro du Moniteur. Il
me forçait à lire un alinéa au bas duquel figurait un
nom célèbre dans les fastes parlementaires et dans les
assemblées législatives.
Ces lignes, dont la source remontait à des événements
l)lus sérieux que ceux au milieu desquels nous vivons
aujourd'hui , flamboyaient en lettres d'un feu si vivace
qu'on aurait pu croire qu'elles avaient été dites et im-
primées le matin même.
Voici ces extraits, qui se sont à jamais gravés dans
ma mémoire :
« Il y a un symptôme qui n'ii jamais failli dans ce pays.
Toutes les fois que nus gouvernements ont été en progrès,
qu'ils ont été associés à tous les élans généreux vers la
liberté, la civilisation, savez-vous à quoi nous l'avons
reconnu? A deux circonstances qui n'ont jamais trompé :
à l'extension des attributions du jury , an respect pour le
droit de discussion et d'examen. Toutes les fois, au con-
traire, que le gouvernement a été en voie de réaction et
de contre-révoluiion, c'est le jury, c'est la presse qui en
ont subi le contre-coup.
I) Vous êtes en voie de réaction, messieurs, car vous
avez porté la main sur le jury , sur la presse. ><
Odilon B.iRROT. (A/onîfeur, 28 août 1835.)
i< Il n'y a qusdeux espèces de gouvernements possibles
en ce monde ; les uns , qui , s'appuyant sur la force maté-
rielle, commandent l'obéi^sanee p-issive et ne permettent
pas le droit d'examen. Ceux-là sont conséquents; ils recon-
naissent que toute discussion de la base sur laquelle ils
reposent doit être dél'enlu •; que la lioerté de la presse,
en un mot, est incompatible avec leur existence, et ils
l'attaquent par tuus les moyens, par toutes les armes pos-
sibles
» Mais vous, avez-vous ces moyens d'étouffer la liberté
de lu presse? Non, vous ne les avez pas, et vous les au-
riez que vous ne voudriez pas les employer. Vous voulez
donc de la liberté de la presse. Eh bien , acceptez-la fran-
chement, loyalement et avec toutes ses conséquences
C'est alors que par une liberté de discussion AltSOLUE vous
acquerrez des forces ; mais touli'.s ces mesures de répression,
au lieu d'arrêter le mal, ne font que l'irriter. Ce svstè.me
BATARD, en un mol, n'a jamais été essayé dans les gou-
vernements modernes, et vous voulez l'essayer aujour-
d'hui '. »
ÛDiLO.N BAiinoT. [Moniteur du 7 février 1834.)
« Si, dans notre pays, il ne peut y avoir de grandes
réunions et de grandes manifestations que celles qui auront
été préalablement réglées, organisées, réglementées par
les auiorilés officielles; à la bonne heure: mais dans un
pays libre il faut bien s'accoutumer à ce que de pareilles
manifestations se règlent elles-mêmes; que l'ordre s'y
maintienne par les bonnes habiiudes, par une sorte de
di-cq)liiie libn-, oITicieuse, qui s'établit : ce sunl là les
MOEURS DE l,A LIBERTÉ.
Mais la compression que vous établissez , ne vous
le di-simulez pas, et je le dis avec douleur, tend une posi-
tion déjà trop tendue, ajoute'à des sentiments exaspérés
Un neuve m degré d'exaspération.
11 Vous n'avez pas voulu de I'ordre avec et par
LA LIBERTÉ, subisscz douc Ips couséqueiices de la situation
que vous avez faite I »
Obilon Barrot. [Moniteur du 22 février 18i8.)
K Messieurs, quand une telli atteinte a été portée à la
Co7tslilulion du pays,, W ne sudil pas que les tribunaux
aient prononcé, aient déclaré que la Constitution avait été
violée, il y a d'autres devoirs à remplir pour ceux qui,
par leurs serments', ont pris l'engagement de défendre
cette Constitution. Sicile a été violée sans motifs d'excuse,
sans aucune circonstance alténiiante, le devoir est tracé :
il n'y a aucun motif qui doive les empêclier de formuler un
acte d'accusation ! y>
(Odilo.n Babrot, Moniteur du l*'' drcembre 1832.)
« L'état de siège , lorsqu'il n'y a plus même étal de
guerre, est un mensonge. C'est un moyen détourné d'en-
lever des accusés à leurs juges , de substituer au jugement
du pays le jugement par commission. »
(Odilo.n Babrot, 13 juin 1832.)
■ « Pour moi , ce qui me confond, c'est qu'après de tels
exemples... vous vous étonniez que chacjue joiir les classes
qui gouvernent deviennent plus suspectes aux classas qui
son' gouvernées. Ce qui me confond , c'est qu'il vous pa-
raisse singulier qu'entre les unes cl les autres un abîme
se creuse , et que sous nos pieds mêmes des idées fune.-tes ,
anarchiques, antisociales fassent quelquefuis explosion.
Vous dues, je le sais, que ce sont nos discours, nos
journaux, nos banquets qui font cela. Je suis heureux de
rencontrer voire pensée. Eh bien! nous disons, nous,
que ce sont les doctrines que vous professez, la politique
que vous pruliqnez, les exemples que vous donnez! »
(Odilon Barrot, Moniteur, 7 février 1848.)
)) Et à quoi voulez-vous que les populations se rat-
tachent? Comment voulez-vous qu'elles aient une foi , une
religiiin poliiique, des primiiics fixes, lorsiqiiVlIcs
ont fait une ré*oliitîoii au non» do rep-
lainit prinripea.aii nonulocorlaliie» ifi4>4>s
pour a«i«iircr le iriompli»* Ue corlaliies»
floftrinen, et quVIIes voit-nt ciue «•«•* prlii-
cipeN, CCS idée»*, ces doctrines, lout cela
est abandonné! »
Odii.on Barrot. [Monilcurûu 31 déc 1834.)
(( Eh bien! messieurs, <oiJS ces gouvernements sont
tombés, ilssesonl ainsi donné (]uelques jours d'exigence,
et puis, quand il a fallu compter avec le pays , quand l'ef-
fervescence était passée, l'odieux de leurs mesures est re-
tombé sur leur télé, et a fini par les anéantir.
» Nous avions espéré, messieurs, que ces leçons d'his-
toire ne seraient pas perdues pour le gouvernement, qu'il
renoncerait à ces moyens extraordinaires employés sous le *
prétexte de salul public; qu'il se renfermerait dans la léga-
lité : nous avons été trompés. »
Odilon Baruot. [Moniteur du 1''' décembre 1832.)
Je lus cncofc des fragments de discours de nos plus
brillants parleurs : Iloyer-Collard , Tocqucville el Du-
faurc. Tous étaient à peu près courus dans le sens des
précédents.
Je sentis saigner mon bras .sans pouvoir arracher une
plainte de ma puitriiie cl ce fut seuleiueni lonsque la
A LTSAGK DKS GE^S SKRIEUX.
I)aiiilc (lis liomiiH's coiiïi-s dis honncIs/I/tjnjVcMr eut
silencifu^ciiiciil drlili- jusqu'au dciniiT, qui' j'osai pro-
uidirr iiu ri'g.ird autour dt- lutii.
A la place (Hru|)('c pr les maudites presses , sous
deux manleaux, l'uu parsemé d'abeilles, l'autre de fleurs
de lis, se dessinaient vaguement des formes humaines.
A leurs pieds gisaient les ca(la\res do Polignac, de Pey-
ronnct, de Guizoï et de plusieurs autres encore ; une
é|R'e tordue et un sceptre hrisé s'en allaient à vau-l'eau.. .
Mais un petit air métalli(]ue vibra dans la nuit : c'é-
tait ma pendule à musique (pii exécutait la valse de
Bobiit-iles-Itois.
.le me réveillai.
VÀi bien! jeune homme, ajouta M. Uéac eu s'es-
s'iyanl le front , que pensez-vous de ce rêve?
— Je pense, répondit le petit à la calotte rouge , que
vous deviez vous être couché un peu sur le côté gauche.
— Toul juste! Et moi qui dans ma vie politique el
intime professe une telle aversion pour ce côté que
j'en suis venu à me mépriser la moitié de n;oi - même.
(;'esl sans doute à cause de ce tupsus-cotialic que cet
liorrible rêve me poursuivit avec autant de fureur.
— Parbleu !
— Eh ! pourtant, ajouta mossieu Réac en sj grattant le
nez, je me mis immédiaieinciit sur le dos, ce (|ui n'em-
pêcha pas qu'un second songe fort désagréable vînt en-
core m'assaillir.
— Vrainieul? Oh! pauvre mossieu Réac!
— N'est-ce pas? — Tiens, petit, von-; êtes bonne
personne, et si vous me promettiez de uc plus chauler
d'airs patriotiques, je vous raconterais mon second
rêve, et un de ces jours je vous ferais entendre ma
pendule à musique.
— Va pour le rêve, mossieu Réac; quant à la seri-
nette, je lui préfère les chœurs de la Société des or-
phéonistes.
— Pouah! préférer des orphéonistes à une pendule
qui, si l'on poussait un petit bouton, jouerait lou'e la
journée Robin des bois! Et l'on dit que le peuple a le
sentiment des beaux-arts et que la musique le civilise !
Socialistes, \a!
— Enfin, jeune homme, ajouta mossieu Réac un peu
pique, écoutez donc le second épisode fantastique de
ma nuit.
Cette fois, je dormais sur l'échiné. Le diable qui
avait juré de ne pas respecter mon repos, abusa encore
de ma position. Le ciel de mon lit s'éleva doucement,
les rideaux qui m'enveloppaient s'écartèrent , et après
quelques secondes de brouillard, je distinguai très-bien
au-dessus de ma tête un immense vitrage. En m'orien-
tant je m'aperçus que j'étais au Louvre, couché au
beau milieu du Salon-Carré.
Jusque-là, rien de désagréable. J'aime la peinture,
les tableaux de maître; j'ai chez moi les auvres de
.Schoppin et d'Horace Vernet gravées !i la manière
noire, et, certes, c'est une d(s plus jolies manieies.
^ .le me relevai donc el je portai mes pas dans les ga-
leries eiivironiianies. A])rès avoir accorlé une aiieniion
médiocre à la monstrueuse série de M. Huliens, je
m'arrêtai longtemps devant les œuvres ( harinantrs de
Gérard, de Giiddel et de Guériu.
I Je caressais du regard les formes élégantes de la
I reine de Carlhage, lorsque, par un phénomène que je
compare aux changements h vue des ombres chii oisrs,
I Euéc, Didon, lit de repos, esclaves, (lotte lointjine et
j ciel bleu s'enfoncèrent dans le mur et se fondirent en
une vague teinte grise. La place resta noire un instant,
puis un sujet plus sombre s'y dessina soudain.
J'étais en fare de ce tableau représentant Égisthe qui
pousse Clvlemnostre à tuer Agamcmnon.
Je le considérai longtemps, le menton dans la main.
Alors je me prisa songer que, semblables à des (Jylem-
neslre, nous dépensons nos forces en infamies suggérées
par des Égisilie, qui, sans que nous le sachions dous-
mêmes. contrecarrent nos propres inspirations, influen-
cent nos idées les plus saines et nous poussent fatale-
ment à accomplir des actes que nous n'avions jamais
rêvés.
— Eh! ehl mossieu Uéac, encore un petit mouve-
ment comme celui-là, et vous vous réveillerez sur le
côté gauche.
— Petit, ne m'interrompez donc pas, vous me ferez
perdre le fil de mon rêve. »
Et mossieu Réac continua :
'■ Tout à coup, par un nouveau jeu fanlasmagciriiiiie,
le tableau de-cendit jusqu'au niveau du parquet et s'a-
vança lentement vers moi. L"ne force attractive, puis-
sante, invincible, me poussait tout d'une pièce au-de-
vant de celte toile; au fur et à mesure que nous nous
rapprochions , les sombres personnag' s perdaient la
netteté de leurs contours et nous scmblions devoir
nous confondre les uns dans les autres. Je fus bientôt
si proche du tableau que je sentis à mon front le froid
du cadre. Je fus pris alors d'une terreur Dévreuse,
une sueur glacée s'attacha à la racine de mes cheveux,
mes membres semblèrent atteints de celte maladie de
tressaillements qu'on appelle la danse de Saint-Guy , et
mes dents se brisèrent dans une contraction horrible.
Cette fièvre douloureuse un peu calmée, mes yeux
se dessillèrent et j'osai lancer un regard timide sur ce
qui m'entourait.
J'étais enfermé dans le cadre du tableau d'Agamem-
non et j'y occupais la place de Clueiiiucstre, mais au-
tour de moi les personnages étaient changés.
A mes côtés se tenait un homme masqué, vêtu de
blanc et portant sur l'épaule une croix semblable à
celle qui servait de signe de ralliement aux croisés. Il
me serrait le bras avec force et me montrait en face de
nous , couchée derrière un rideau , une belle jeune
Icmini' Liulormie. Le sommeil de celte femme élail coii-
liaiit ; son visage respirait l'amour et la cliaiilé, et tout
en elle exprimait francliise, force, courage et jeunesse.
L'Iiomuie qui se tenait à mes côtés m'étreignil le
liras plus violemment et me parla.
Chose étrange! à chacune de ses paroles, il me .sem-
lilail voir le visage de la belle femme se décomposer.
Celle énergiriue expression df courage et de lierlé, (jui
m'avait d'abord prcscpie séduit, n'était |iUis à mes veux
(|ue de l'audace et un dédain profond.
L'iKjmme masqué me parlait toujours. L'ne iiaine
implacable contre cette femme s'infdtrait dans mon
cu!ur à chacune des paroles que je recueillais. .le sentis
un poignard se glisser dans ma main , je le saisis avec
rage et je levai un coin du rideau.
.riiésilai cependant; mais l'hnmme masiiué me poussa
en mêlant à ses paroles de iiaine de (laiteuses promesses
pour mon avenir et des louangis dorées sur mon cou-
rage civil. .Ir tiiai brusquement le rideau et d'un bond
je m'élançai...
Eu ce moment un nuage m'enveloppa, un vertige
effroyable s'empara de moi et je tombai dans l'espace
suspendu entre le plafond et le sol ; je ne sais combien
je fis de chemin dans l'iumiensc galerie. Je me fracas-
sais au marbre des colonnes, aux angles des cadres, aux
lenèires, aux portes cl aux murs: j'étais harassé, meur-
tri, et je ne pouvais cesser cette course vagabonde, il me
fallait toujours bondir et rebondir sansm'arrêter jamais.
J'allai enfin donner sur une loile, dans laquelle je
m'enfonçai comme une masse inerte.
Je restai longtemps ainsi , dans un étal d'effrayante
prostration. Quand je repris mes sens, je me mis péni-
blement sur mon séant; j'avais les membres engourdis
et tordus par la terreur , la têie me pesait comme un
monde sur les épaules , et j'y voyais à peine.
Peu à peu, cependant, je retrouvai le sens de la vue;
mes regards distinguèrent vaguement les costumes de
tous les pays, les verts paysages et les formes roses en-
fermés dans de petits et de grands cadres d'or. J'étais
toujours au Louvre ; seulement je ne pouvais me rendre
compte de ma position : je me sentais pencher en avant
et je dominais d'une assez grande liauteur le parquet de
la galerie.
Je cherchai près de moi, j'étais assis sur une Krre
aride; je levai les yeux, je vis un ciel sans soleil; puis
le cauchemar, plus terrible que jamais, me reprit par
les épaules, et, malgré ma lassitude, me dressa tout droit.
Agamemnon, Clytenincstre , homme masqué, n'é-
taient plus lii , je figurais dans un autre tableau, et pmr-
lant W cadavre de la belle femme couchée de ma pre-
A l.lSACiK l)i:S GENS SKRIKl \.
tiV»US NATIONAL rRANVAlK. — LA J08TI0K KT LA VENaSANCS DIVIN! l'OUlUUlVCNT LU CHIH);.
iniùre hallucination gisait à terre , les yeux fermés , la
face blême. Je voulus écliapper à ce cadavre , à ce
sang , à ce crime. iMais je sentis peser sur ma tète la
malédiction divine, je me retournai et je reconnus,
venant à moi , la justice et la vengeance.
Je ne pouvais endurer les regards brûlants de ces
anges, et de mon bras je me cacliais le v isage.
Pourquoi me poursuivre? deinandais-je, et (nii donc
est cette femme? lî-il-ce la Republique romaine? mais
alors de quoi suis -je coupable? Les Humains sont des
brigands infâmes qui minent leurs monumenis pour
écraser nos soldais sous les décombres; l'armée italienne
est un ramas de condottieri et de supjjôts de salles d'armes
de toules les contrées. — Non, le remords est impossible.
— l'sl-cc la République des États allemands? leurs
brigandages oui dépassé de beaucoup ceux des Italiens
eux-mcnies; ce sont des fous, des rêveurs, des utopis-
tes , qui veulent niveler la société ; ils ont allumé la
guerre civile d'un bout à l'autre de l'Aulriclie; ils pren-
nent pour des espions les observateurs les plus inno-
cents et nous empêchent de jouir des délices de Spa et
des casinos de Hombourg! Quel grand mal y aurait-il à
avoir tué cette piètre Réimblique? Allons, disparaissez,
fantômes que la raison modérée fait évanouir, le re-
mords est impossible !
Je crus sincèrement que je pouvais alors retirer mon
bras et voir s'éteindre cauchemar et fantômes, mais ou
anathème terrible |)rononcé sur moi me lit ployer les
genoux ; et la vengeance et la justice, plus majestueuses
et plus menaçantes que jamais, me brûlèrent le cu-ur
de leurs regards flambloyaiils.
Une folie furieuse s'empara de tout mou êiif; dans
un effort surhumain je brisai le cadre qui m'arrèlait et,
pas.sant ii travers le mur, je m'enfuis dans les airs.
Puis, sans que j'aie jamais pu me rappeler cumment
ce changement était survenu, je me trouvai dans la cité
de Londres, au milieu d'une troupe de coiir.tables, <|ui
m'accueillaient;! bras ouverts et à verres plein.s. J'èlais
si fort à l'aise auprès d'eux qu'il me semblait que j'a-
vais déjà vécu de celle vie et que les tours de gourdins
ne m'éiaient |)as inconnus.
Un vigoureux coup dr biilon que je reçus à la nuque
me réveilla brusquement ; j'eusse j)ayé beaucoup pour
ne point faire ce second songe. J'étais moulu , j'avais la
tête brûlante et la fièvre me dévorait.
t. Mais peiii , ajouta mossieu Réac, la /ferwc déjeune
bien longtemps, il me semble? Il est trois heures, nous
ne paraîtrons jamais cette semaine.
— Vous oubliez que ce n'est pas la Revue qui man-
que à mossieu Réac, mais bien la copie qui manque à la
Revue.
REVUE COMIQIE
— Ail ! oui, la copie ! c'est vrai , fit mossieu Réac en
se nicurtiissant le front, diable ('ccnpe! Mais atten-
dons encore un peu, nous en causerons dans nn instant.
Laisséz-nioi d'abord nie débarrasser de mon troisième
et dernier rêve. Il me poursuit et m'absorbe si fort qu'il
me serait impossible en ce moment de m'nccuper avec
fruit de tout autre sujet.
— .Mossieu RéacShéérazade, coniinuezdoiic, je \()us
prie, on vous écoute avec le plus \ii intérOl.
— Petit, vous êtes bien bon. Si vous le voulez cette
fois, nous nous rendormirons sur le côté droit?
— Va pour le côté droit, <■ côté du cœur. »
Mossieu Réac se retourna sur sa chaise, se recueillit
pendant quelques minutes . puis il CdUimença son irni-
sième récit en ces termes :
Je me promenais dans un magniliciue j.irdiii. L'eau
jaillissait de mille endroits touffus, l'air était parfumé
d'ambre, d'iris et de benjoin ; les arbres verts alTectaient
des formes de pain de sucre, et sur un immense tapis
vert papillonnaient au soleil, seigneurs, financiers, pe-
tits collets et danseuses.
J'avais moi-même un costume assez coquet : jabot et
manchettes en point d'Angleterre, veste de taiïetas à
paillettes, gilet à fleurs, culotte de soie, bas bien tirés
et rouge aux pommettes et aux talons.
Pardon, mossiruf^éac, interrompit l'apprenti com-
positeur, vous aviez doue déshabillé défunt le dernier
marquis français ?
— Lequel ?
— Eh, ce fameuc marquis, joueur de tambour de
basque, qui, pour deux sous, lançait de la rue au
quatrième étage ses chansons roulées en jwpillottes. —
Il est mort deruièremcnt d'une bouteille d'eau de-vie
à la barrière. »
Mossieu Réac se contenta de iiausser les éjiaules et
continua :
■■ J'aitendais, je crois, une petite friponne h qui je
voulais du bien, lorsque je vis venir à moi un per.'onnage
maigre et barbu, d'un certain âge et d'un aspect assez
bizarre; il était vêtu d'une longue soutane et portait sous
son bras un porteftu lie rouge. Sa physionomie tenait
à la fois de celles de Charles IX , de Louis XIV et du
père Lori(iuet. Un gros, fort bien , ma foi , à cravate
blanche et en redingote qui jouait la soutane, le suivait
de près. Celui-lii avait aussi sous le bras un portefeuille
rouge sur lequel on lisait : État de siège.
Ils m'entraînèrent sans mot dire et me conduisirent
dans uue salle tendue d'une étoffe noire larmée d'ar-
gent.
Je m'assis dans un grand fauteuil qui ressemblait à
une cathédrale et qui était surmonté d'une couronne
fleurdelisée. Les deux personnages aux portefeuilles se
placèrent l'un à ma droite, l'autre à ma gauchi', et je re-
cueillis de leur bouche des nouvelles de la plus haute
importance.
De petits événements avaient agité le pays.
Quelques individus mal famés, d'anciens forçats, des
repris de justice avaient essayé de se révolter contre
l'ordre de choses établi, et ils avaient même obtenu pen-
dant un moment un certain succès; mais des mesures
cilicaces. prises par des parents à moi, avaient triomphé
des coujiables menées et maintenu l'équilibre gouver-
nemental.
Lu de mes cousins , honune adroit , voul.int se débar-
rasser des journalistes, leur avait envoyé tout simple-
ment l'ordre de s'ouvrir les quatre veines dans un bain.
Non -seulement les journalistes s'étaient empressés
d'obéir, mais encore en mourant ils avaient institué
mou cousin leur légataire miiversel. Procédé qui fit
qu'après leui décès on leur pardonna beaucoup de
choses.
Lu autre de mes cousins, cardinal, présidait un
concile à Carpeniras. Le concile ayant à juger un cer-
tain nombre d'hérétiques accusés de nier formellement
l'infaillibilité du ministère actuel ainsi que le dogme de
la très-sainte triuiiè Falloux, Faucher, Ruihières, les
hérétiques, ne voulant pas se rétracter, mon cousin le
cardinal leur avait fait administrer la question ordinaire
et extraordinaire; après quoi, on les avait brûlés à petit
feu sur la place publique de Carpentras.
Au son des cloches de l'église, on avait réuni tous les
membres de ma famille, qui habitent les beaux quar-
tiers de Paris, et ils avaient courageusement chargé
les socialistes, les amis de la Constitution et autres par-
paillots.
Quelques-uns de ces sectaires ayant été épargnés,
un arrière-pctit-Réac très-induent avait été obligé de
révoquer l'édit de Nantes. Plus tard, tous ceux qui ne
pouvaient justifier d'un certificat de bonne vie et mœurs
délivré par la rue de Poitiers étaient forcés d'aban-
donner le royaume.
D'autres cousins enfin, venus de Russie, d'Autriche
et de Prusse, avaient franchi les frontières, tranché
la question, et pendu tous les rebelles.
Vous le vovez, me disaient les hommes noirs, Diru
est grand, il ramène l'Iiumanité à la foi des bous jours,
et il veut que vous régniez sans conie.ste sur le beau
pays de l'rance.
J'étais éhaubi. Ces étranges nouvelles m'avaii ut
bouleversé la cervelle. Il devenait évident pour moi que
Louis XVI avait achevé paisiblement son règne, que
Louis XVII lui avait succédé, puis Louis XVIII, puis
Charles X, surnommé le Père du peuple à cause de
ses fameusss ordonnances.
Ainsi donc, je ne pouvais pas croire 3 la Révolution
frança se.
La République était un mythe.
L'Empire un Rêve.
Par conséquent la Restauration, les journées de juil-
let 1830 et celles de février l«/iS n'étaient plus sim-
plement que des fictions arrangées en ariettes par des
A L'USAGK DES GENS SÉRIEUX.
81
gons atisvi mcntfiirs qiio le rliantro de l'Iliudc, des
tromî'ies et des troiibadoiiis iiiodiTiics.
Le peuple n'avait pas liiunchr' iVtinr sciiulle depuis
le moyen âge.
Tout en reinonlaiit le ciiurs de ce désordre liislorique,
je me senlis lianslonné en haron du vieux icnips.
(loiflV' d'un l)ic(i(piel et rliaiissé de souliers ii l:i pou-
laine, je ressemblais;) uionsieiu- liorca^e dans la Tour
de Nc.ste.
Je jouissais de tous les [grands et menus droits du
seigneur, y compris le droit de ja iibane et une foule
d'autn s droits fpie lu juideur m'cuipèrlie de nomuiir,
mais dont j'usais avec un malin plaisir.
Mes sujcis étaji'ul lirs-lnun u\ . tic-s beuri u\.
Je leur apprenais à battre avec des bâtons l'eau des
fossés de mon casrel , afin d'empêcher les grenouilles de
troubler mon sommeil.
Je leur faisais ériger sous mes yeux des châteaux
forts ei des églises. Ces traNaux gigantesques leur plai-
saient beaucoup à faire.
J'avais remis en vigueur la pratique des vœux , des
processions et des pèlerinages.
J'honorais de ma présence presque toutes les pre-
mières nuits de noces.
.\yant entendu dire qu'un .Allemand venait d'inventer
l'art de reproduire l'écriture au moyen de caractères
mobiles, je le déduirai atteint de sorcellerie et je le
condamnai au bûcher, ainsi que tous les gens coupa-
bles d'avoir acheté des livres sortis de cet atelier du dé-
mon.
Ayant eu vent aussi que quelques hérétiques vau-
liens, au nombre de soixante-dix mille, avaient l'im-
piété de croire qu'il était possible d'introduire des
modifications dans le dogme catholique, je suppri-
mai ces quelques drôles.
.Mes sujets comprenaient très- bien l'impurtance de
ces petites mesures, et ils ne soufflaient mot. Ils
croyaient toujours fermement aux loups-gnroiis et à la
sainte-ampoule apportée par une colombe dans la sa-
cristie de Reims.
On me craignait, on me respectait et on m'honorait.
Je le répète, mes sujets étaient très-heureux, très-
heureux , et quand ils avaient dit : « MOSSEIG.necr
Réac et .mon Dieu! » ils avaient tout dit.
I\EVITK COMIQIE
Mais. luMas! au moment où, de l'ogive d'une fenê-
iiT. j'assistais à rexécutioii d'une bastonnade appliquée à
l'ôciiine d'un braconnier, je me sentis enlevé par un
bras invisible qui me lanra rudement sur le pavé , et
celte chute me brisa le corps.
l.orsrpie je repris mes sens j'étais pieds et poings liés
s,n Muéchafand, des Cosaques frappaient m.'S épaules
d'un fouet à i)Uisieurs lanières; mon sans; éclaboussait
autour de moi une foule inunense qui assistait silen-
cieusement à mon supplice.
— Chiens! criais-je à cette foule qui , sans bouger ,
me rei;ardait mourir, chiens', vous n'êtes plus Français,
xous qui me laissez déchirer ainsi par le fouet des
Russes!
A mes paioles la fmile s'éloigna craintive de mon
échafaud, et le rire strident des hommes qui frappaient
toujours mit lin à cet horrible supplice en me réveil-
lant.
— Crédié ! exclama inossieu Réac en grinçant des
dents et en levant les yeux au plafond , encore deux
nuits comme la dernière, et j'aurai les cheveux tout
blancs.
— Il est vrai que ces visions sont loin d'être aussi
"aies que les saltimbanques, mais en revanche elles ont
un certain côté Si vous voulez nous en bercerons
cette semaine les lecteurs de la Revue.
— Allons donc , petit, vous êtes fou !
— Dam! alors mettez-vous à ce bureau cl bàclez-
moi bien vile de la copie.
— De la copie, de la copie... Parbleu, croyez- vous
pas que j'eusse été embarrassé de remplir les quelques
colonnes du journal; si... J'ai là des articles commencés
dans une ligne politique très-sage et très-modérée, ob-
serva mossieu Réac en tirant de sa poche les vingt-qua-
ire feuillets aux majuscules; mais, que diable! ces sa-
tanés rêves !... Attendons la A'c eue.'
— Gentil mossieu Réac, qu'à cela ne tienne, me voilà !
fit le petit jeune h(mimc à la blouse blanche en snulant
I en bas du poêle.
Et il tira de sa poche une paire de lunettes qu'il bra-
(pia sur son nez , une barbe postiche qu'il s'attacha au
! menton, et, frappant sur son genou sa calotte rouge,
j elle se développa et s'allongea en trois petites cornes
I aiguës, à l'extrémité desquelles élincelèrent de petits
I grelots d'or.
La Revue, rendue à sa véritable forme, se prit à
danser une folle sarabande autour de mossieu Réac. et
I les petiis grelots d'or rendirent un son joyeux.
i — Comment, c'était vous? dit mossieu Réac avec un
air hébété; moi qui vous croyais aux Cuisiniers
Choses; — eli bien ! ([u'est-ce que vous pensez de mes
rêves?
— Je pense qu'il faut les imprimer.
— Oh! fichtre! fichtre! fichtre! je m'écarterais
trop... le comité de la rue de Poitiers... la nouvelle li-
gne politique de la... Oii ! oh ! oh! c'est impossible.
— Mossieu Réac, dit la Revtie en prenant un air
grave et en imposant silence à son endiablé bonnet ,
prenez garde à ce que vous allez faire. Un journal ne
peut pas traiter ses abonnés ainsi qu'une jolie femme
iraile ses amants. Dans aucun cas le journal ne doit
manquer au rendez-vous qu'il donne à ses lecteurs.
— Exempli' : j
J'avais un collègue qui publiait en province un
compte-rendu du mouvement quotidien de la vente des
"rains, des toiles et des petits couteaux. Je ne sais pour-
quoi un soir il manqua des documents indispensables à
sa spécialité ; il ne se découragea pas, remplaça l'article
firoiiis par un extrait de Paul-Louis Courier; l'article
loties par un fragment du Contrat social, et l'article
petiis couteaux par un discours de Robespierre. Le
lendemain le journal parut , et de ce jour il prit une
importance telle qu'il fut obligé d'agrandir son formai,
et que le gouvernement daigna s'en occuper en en-
vovaul le rédacteur.... Je ne sais plus où il envoya le
rédacteur.
Vraiment! fit mossieu Réac à moitié convaincu.
Mais en admettant que je veuille bien publier mes rêves,
ce qui serait préférable à des extraits de Robespierre,
nous ne trouverons jamais le temps matériel que de-
mande la transcription de ces événements fantastiques.
— Ne vous inquiétez pas, dit la r,evue en sou-
riant. •
Et elle ouvrit une grande armoire dans laquelle se
tenait caché un sténographe très -habile, qui déposa
sur la table trente feuillets compactes de copie en tête
desquels on lisait : Les TBOIS RiIves demossiel' Reac.
— Ah ! bast ! Eh bien 1 et les bois ?
Sous l'état de siège , comme sous l'état de siège ,
nous en avons de la semaine dernière qu'en rarrangeanl
un peu on pourra facilement faire passer. El puis voici
une petite chanson à votre adresse sur un air de chasse
bien connu.
— Je n'y suis plus du tout , du tout , du tout , s'écria
mossieu Réac , et , le diable m'emporte , je crois que je
dors toujours.
Peut être, répondit la iievue. Nais dépêchons.
Vous vous réveillerez en lisant le prochain numéro.
Signez. »
Mossieu Réac soupira , prit la plume et mil an bas du
dernier feuillet de copie :
Bon à tirer.
RÉAC.
f'oKf a(éiio<liapliie ton/un
A. I". — I.
A la suite de celle signaliire, le stéiiogiaph.' ajouta :
A I.'ISAGK DKS GENS SKRIKl \.
83
I.K (iU \M) S \(;
Alliins, lirjMV lie l.i ihcimici i'.
lh\ lii riiinciisi! Ii\^iuii ;
Tdiilon. Iiinlun , UintiiiiH'. Iunlun
llrvoillcz voire iir.liMii' '^in'i r-icii' ,
Kl S'iiMv-iiioi lui' ('.(ni-lléniii.
Tuiilun , liiiiUiirii' , luiilcin.
OUe rue (Sl îles plus nuil-aliif»;
Oi\ y fabrique du poison.
Tunlon , clr.
Mais lie liraillciiis ilc Vincpiincs
Avec lions man-liLMin lialailloii.
Toulon , de.
fions do l'ordre, an'oiiro/ en fonle
l'onr l'piie gran le exi'nrsioii.
Toulon , etc.
Malgré moi j'ai In c'.iair de poule :
Nous allons entrer chez Proiidlion ! ! 1
l'onlon , etc.
On n'a pas peur; mais le dirai-je'
Je crois pourtant (pi'il serait bon
Tonton , cic.
.\\ant de commencer le sieste,
D'envoyer cliercher du canon.
Tonton , etc.
S'il faut en croire l'apparence ,
Tout est calme dans la maison :
Tonton . etc
Mais n'avancez qu'avec prudence ,
Car je crains quekiiie trahison,
Tonlon . etc.
.Messieurs, croisez la baïonnelle
là pousse-/, une charge a fond.
Tonlon , etc.
Los briiiands ont fait maison netle :
Sur l'horuieiir, ils ont eu rai-on.
'l'onlon , elc.
Allons donc , que chacun m'imile 1
Itavagez tout, point de- façons.
Tonton , elc.
.■\ coups de cro-se on a bien vile
Démoli portes et iloison-;.
Tonton , elc.
(^.haises, bureaux, glaces, pupitre-,
.Meubles d'eniréo et de salon ,
Tonton, etc..
Papiers, journaux, |)endule el vitres
Sautez, sautez à l'unisson!
Tonlon , elc.
Quoi ! le fracas se calme et cesse ?
(Ju'allons-nousfaire? — Écoutez donc
Tonlon , elc.
N'est-ce pas le bruit d'une presse?..
Courez! que ça ne soit pas long !
Tonton, etc.
Plus prompts cent fois que la Justice
Brisez cette œuvre du démon !
Tonton, elc.
Tarissex la source du vice ,
Fondez en balles tout ce plomb.
Tonlon , etc.
IJuel e.-l ce inelal qui ii'-.ijrMie ■'
Dr l'.irgenl ce •-ont les (!oii\ vjn».
'l'union , ele.
Noiisfeiiin- a\eer:i 1 aumône ;
\li' |i.ir rliaiilé . rama--0Ms !
Tunlon, cl.'.
l'ont est cas.sé, tout est en pnielie
Il ne reste que le plafond.
Tonlon , elc.
A |)arlir, il faut se résoudre.
A moins d'aballre la niai-oa.
Tonlnii , elc.
San< doute la Démoiralie
Suliil le même carillon.
Tonton , etc.
Les Itoiues perdent la partie.
Qui' ça leur serve <le lerun .'
Tonlon eli-
|{t si l'un deux en sa furie
Veut par hasard hausser le ton
Tonlon, elc.
Qu il aille à la Conciergerie,
l!'est l'anlichiHubre du ponton.
Tonlon , elc.
(Ih! bravo! Ruines compleles!
L'œil n'aperçoit que des tronçons.
Tonton, elc.
Voilà comme les gens honnêtes
Doivent Irailerles polissons.
Tonton , elc. V. D.
"^ïïT^taWiîÉni^^
- Ma foi ' mossifu le Mare, j'nns voté jusqu'à présent pour des ceux qui gardaient tout pour eux-,
c te fois, j' vous essayer des autres. Pisque c'est des Parlageiix, comme Tous dites,
i' m' laisseront p't-étre ma part:
84
REVUE COMIQUE.
Maiire (Jrundiii d'Elbeuf, dont voici la |ififtUirf,
Est un homme enrayôde modération
Anim6 d'un dwir de fabrication ,
De draps et de romplols il tit-nl maniilactuie.
Que ses présages noirs, ses sinistres éclats,
Amis, ne jettent pomt le trouble dans vos âmes.
Ce marchand croit toujours tHre en de vilains drap;-
Et voit de tous côtés des tissus et des trames.
Dessiné par Nadarp.
(iriiTD pat Bmilant,
'^»*l».
Kl ri'nliiiic
DUMINERAV. CDITBUR , HUE RICHELIEU .^'J
:J'-'' l.irraiion.
0\DITIO>iS DE LA SOI SCRIPTIOX. — La RivuE COMIQUE [ormera deux volumes crand in-S», publiés en M livraisons à 30 ceii limes : parla poste,
■entimcs. Le premier volume , composé des 25 premières livraisons, a été achevé le 28 avril l(i49. Il renferme environ 500 caricatures politiques. — Prix Je
olume: " fr. 50 c; par la poste. 10 fr. Le second volume parait en livraison?. On souscrit, pour ce volume, en payant 7 fr. 50 c. pour Paris , et 10 fr. p mr
départements.
AUX SOUSCRIPTEURS DE lA REVUE COMIQUE.
le premier feuillet de chaque livraison, reproiluisant uniformément le dessiu de la couverture , doit
être enlevé à la brochure. — Afin de varier le verso de ce premier feuillet, sans toiitrfuis y insérer rien
d'important, dont la suppression aurait quelque inconvénient, ce verso, i l'avenir, sera occupé par la cor-
respondance de la RuvL'iî, par des annonces drolatiques, ou quekiuc autre sujet accossonc en dehors de
notre cadre; de telle sorte que lorsque les souscripteurs réuniront en volumes la collection des livraisons,
ce feuillet, enlevé, ne supprimera aucune partie intégrante de l'ouvrage. Le dernier feuillet de la couver-
turc, formant la dernière et l'avant- dernière page de chaque livraison, devra être relié avec l'ouvrage
complet , dont il ne peut être détaché.
AVIS AUX JOURNAUX DE PARIS ET DES DÉPARTE WIENTS.
Nous autorisons \a reproduction des artieles contenus dans la Revue comique, à la condition :
1° De citer la Uei'ue en Ini empruntant ses articles;
2° De limiter, par chaque semaine, la reproduction au tiers des matières contenues dans chaque numéro.
CORRESPONDANCE.
A M. H. B., à Colincir. — Noui concevons combien
ces retard* doivenl exciter rie mécoiUenlenient ; mais
nous avons pris des mesures pour paraître désormais
régulièrement.
A M. LE DOCTEUR H. M. — Divcrscs circonstances
ayant retardé notre publication, la jolie clianson que
vous nous avez adressée ne nous semble plus de cii--
conslance; les idés n'en sont plus assez neuves, quoi-
que le refrain soit ingé'nieusement trouvé.
A M. A. Q , étudiant. — "Votre Mn populaire, la
nèaciion, Y Action, \e Progrés sont des œuvres dignes
d'encouragement; nous ne pouvons cependant les con-
sidérer que comme d'heureux essais
A M. Lavess ...'.. — Gardez-vous-en bien !!!!!!!!!
Al- JECNE IsmoRE. — Vous avez de grandes disposi-
tions , il faut les cultiver.
A M. T. N. — Il faudrait beaucoup de capitau.x.
A M. Jean Cascaret, à Alger. — Votre chanson est
imprimée dans le présent numéro, et nous vous en
remercions sincèrement.
A M. A. Y., à Lancastel. — 11 y aurait certainement
lieu de s'occuper de cette question ; mais à chaque jour
sutEt sa peine.
A madame B***. — Vous trouverez cette fois, dans
la livraison , une vignette comme vous en désirez.
A M. Ose... D — Nous ne doutons pas de votre
véracité; mais il faudrait prendre la chose en flagrant
délit et nous envoyer un dessin au daguerréotype; ce
serait le moyen de mettre notre responsabilité à cou-
vert; puisque vous seul avez accès, et accès à toute
heure, vous pouvez nous donner facilement celte
preuve; et, si vous réussissez, nous nous empresse-
rons de communiquer une copie de la chose à nos
abonnés, qui vous en sauront, ainsi que nous, infini-
ment de gré.
Pour "paraître dans le courant d'août chez MARTINOiN, rue du Coq-Saint- Honoré, l\.
LE GRAND ET MAGNIFIQUE
ILlANiCll DE U REVUE COIIDIII
poiin Ic^OO ^
Renfcrinani la très-célèbre prédiction pour cette étonnante année découverte en 1550 et attribuée au grand
Mi^chskol^ke.^ki III et Irès-connuc dans les provinces danubiennes sous le nom de Prophétie Slave.
Un joli volume grand iii-lO illustré de noinbi'eu.ses vignellcs,
Far EERTALI., NADARD, FABRITZIUS, etc.
PkIX : 50 CENTIMES.
parij. ~ Typa|r»p)ile ri"n Ui-m. rus i« Vjustfjr4, 3C,
i^
LA BELLE M' lîOlS DORMANT.
Tous ceux qui ont appris l'histoire aux sources véri-
tables savent bien qu'il naquit , le vingt-quatre février
18i8, une fille légitime de la Révolution de 1789.
Sitôt qu'elle vint au monde à l'Hôtel-de-Ville de
Paris, où se font ordinairement ces sortes d'accouche-
ments , toutes les fées du pays de France se présen-
tèrent pour doter l'enfant qui venait de naître.
a Laissez-moi entrer , disait la fée Mole, j'ai le plus
joli cadeau à faire à la petite Révolution.
— Et moi aussi , criaillait une vieillotte au menton
aigu, qu'on appelait la fée Thiers, sans moi l'enfant res-
tera rachitique et ne pourra jamais marcher. »
11 vint cinquante autres fées de première, de seconde
et même de troisième puissance, qui toutes préten-
daient douer le marmot de quelque charme et de quel-
que vertu extraordinaire.
Parmi les sages-hommes qui entouraient le berceau
de la nouvelle Révolution , les uns étaient d'avis qu'on
admît les fées, les autres voulaient au contraire qu'on
leur fermât la porte au nez.
Nous n'avons que faire , disaient ces derniers, de ces
vieilles fées qui accourent à chaque Révoluiion qui vient
au monde, sous prétexte de lui faire une destinée heu-
reuse et brillante , et dont l'influence funeste finit tôt
ou tard par la perdre. Voyez ce que la fée Thiers et
la fée Mole ont fait de la Révolution de juillet. Passons-
nous enfin des fées, les choses n'en iront que mieux.
Comme ce sentiment était celui du peuple, et qu'en ces
jours de réjouissance où une Révolution naît on n'a rien à
lui refuser , les fées ne furent point admises à l'Hôtel-
de-ViUe, ce dont elles conçurent un vif ressentiment.
« Que deviendrons-nous, se dirent-elles, si nous ne
pouvons plus avoir aucune part aux affaires publiques,
et si on nous laisse dans notre coin ?
— Il faut nous venger , dit une des fées.
— Mais comment ? demanda la fée Mole, la petite est
bien gardée, tous nos efforts pour nous emparer d'elle se-
raient inutiles et nous en serions pour notre temps perdu.
— Il faut savoir attendre, répondit la fée Thiers;
quand la petite Révolution sera grande , elle voudra
marcher toute seule , nous nous porterons sur son pas-
sage, et après ra\oir enlevée nous la conduirons dans
la demeure d'un ogre de ma connaissance , qui la cro-
quera à la sauce Robert. Nous pouvons en attendant
vider notre gibecière à malices , et lui jouer tous les
mauvais tours dont nous sommes susceptibles.
— Bravo! répétèrent les fées, c'est toujours notre
commère Thiers qui est la plus maligne, » et tout de suite
elles se mirent à l'œuvre.
Nous ne raconterons pas une à une toutes les ma-
nœuvres que les fées dirigèrent contre la Révolution.
Cette énumération grossirait trop notre récit. Comme
l'enfant grandissait toujours et menaçait d'atteindre
paisiblement sa majorité, les fées étaient furieuses, la fée
Thiers surtout. C'est alors que , la rage et le dépit
aidant , il lui \int une idée.
Tout le monde a entendu parler du grand empereur
Cantalabutte, premier et dernier du nom. Ce monarque,
qui régna pendant plusieurs années sur les Français,
conquit l'Inde, la Palestine , la Sibérie , la Thrace, la
Mésopotamie ; son fils, qui devait lui succéder, mourut
après lui, il ne resta de la famille du grand Cantala-
butte qu'une ribambelle de neveux.
Des neveux gras , des neveux maigres , des neveux
REVUE COMIQUK
blonds, des neveux bruns, des neveux qui avaient le nez
court, des neveux qui avaient le nez long, le plus bel
assoiiinienl de neveux qu'on vit jamais sur la terre.
Cantalabutle le Grand était de son vivant un fort bon
prince , qui aimait à faire ses quatre volontés et qui
poussait pcut-èire cet amour un peu trop loin; mais le
licuple français honorait fort sa mémoire, parce qu'il
avait conquis la Mésopotamie : les paysans surtout, qui
étaient persuadés (jue, si Cantalabutte eût vécu, il les
ain'ait tous fait maréchaux de France.
Connaissant bien tontes ces dispositions et ayant reçu
les instructions de la fée ïhiers, les fées, couvertes
de divers déguisements, se mirent en campagne. La
fée Mole était vraiment adorable en mameluk de la
garde de Cantalabutte.
Alors on vit se répandre dans tous les bourgs, villa-
ges et bamraux des gens qui disaient en levant les
mains au ciel : « Laisserons-nous plus longtciups pourrir
dans l'exil les soixante neveux du grand Cantalabutte?
A quoi sert d'avoir fait une révolution et d'être en ilé-
publi(iue, si la famille de Cantalabuite est bannie de
France? Écoutez un vieux soldat qui a fait la guerre de
Mésopotamie, nous ne serons pas heureux tant que nous
ne verrons pas revenir les Cantalabutte. »
Ces menées eurent le résultat que vous connaissez.
La frontière fut ouverte aux descendants de Cantala-
butte le Grand. La fée Thiers et tous les petits génies qui
obéissent à ses ordres ne cessaient de crier dans le Consti-
lutionnet : « La Républi([uc se fait grande, il faut
songer à lui donner un mari ; et quel autre mari pour-
rions-nous choisir que le neveu du grand Cantalabutle?
— Mais lequel? il y en a soixante.
— Celui qui a le nez le plus long.
— C'est cela , c'est cela, reprirent les pajsans, ma-
rions la République à celui qui a le nez le plus long,
vive Cantalabuite neveu ! Cantalabutte ou la mort ! »
Le mariage a eu lieu comme vous le savez , et la re-
lation de la cérémonie a |)aru dans le temps dans toutes
les gazettes de Tturopc. La noce fut splendide. On
ressuscita pour la circonstance quelques-uns des usages
de l'ancienne monarchie. LeducVéron, recou\ert d'une
armure splendide en pâte de Regnauld, et le baron
Berlin, étincelaut de rubis taillés dans le style de M. Ja-
nin , tinrent le poêle au-dessus de la tête des mariés.
Les fées cette fois furent de 'la fête. IClles voulurent
faire leur cadeau à l'épousée.
« Ma chère Répidilique, lui dit la fée Thiers en s'a-
vançanl la première, je vous donne l'expédition de Rome.
— Et moi, ajouta la fée .Mule, l'abandon de Venise
et de la Hongrie.
— Je n'ai peut-être pas le droit de nie faire entendre
ici, murmura modestement la fée Berryer, mais je suis
bien aise de vous témoigner tout l'attacheinenl que je
\ous porte ainsi qu'à votre auguste époux , et à toute la
race des Cantalabutte, daignez accepter de ma pari ce
simple Falloux. »
Les autres fées vinrent ensuite offrant chacune leur
présent. Ceux qui sont curieux d'en voir la liste exacte
n'ont qu'à consulter le Moniteur. Après le départ des
fées, les nouveaux époux entrèrent dans la cluuubre
nuptiale. Les premiers qui virent la jeuiu' République
le lendemain matin s'a|)erçurenl que son aii- était fort
triste, et même qu'elle avait pleuré.
Voilà donc les fées inaîlresses du logis, et le jeune
Cantalabutte ne se conduisant que par leurs conseil.s.
Files lui persuadèrent de prendre pour gérer ses affaires
un \ieux bonhomme qui s'appelait Odilon et qui était
oiuièrement h la dévotion des fées. Tout alla bien dans
les commencements; les fées, toutes d'accord quand il
s'agissait de semer la zizanie entre Cantalabutte et sa
femme, se divisèrent lorsque celui-ci s'avisa de vouloir
la répudier. Chacune des fées proposait une fiancée. La
fée lierryer voulait qu'il épousât
» Qui donc?
— La Belle au bois dormant.
— Enfin , nous y voilà , me répond le lecteur avec un
bâillement prolongé , il y a une heure que vous auriez
dû m'en parler.
— Il fallait bien débuter par un prologue pour expli-
quer la situation de Cantalabutte.
— A quoi bon? commencez tout simplement comme
ou commence : Il y avait une fois.
— Comme vous voudrez. Je continue
— Dites plutôt que vous commencez.
— Je commence donc. Il y avait une fois
— Un roi et une reine : bravo!
— C'est ce qui vous trompe. Il y avait une fois un
prince gros, gras et blond, fort aimable du reste, et
même un peu boiteux. 11 s'appelait
— Je brûle de savoir son nom.
— Il s'appelait M. Crédit. Un papetier du passage
Choiseul , M. Jeanne , lui avait donné ce nom bizarre,
que ses jiarlisans avaient adopté avec enthousiasme. Il
avait bien reçu un autre sobriquet autrefois.
— Lequel ?
— Celui d'Enfant du miracle , mais en prenant de
rembon])oint il y avait renoncé.
— Cette marque de goût honore infiniment ce jeune
prince aimable et bossu.
— J'ai dit boiteux.
— Aimable et boiteux, pourMiiMZ.jesuis loul oieilles.
— L'Enfant du niirarlc
— Vous venez de dire (pi'il s'appcbiit i\L Crédit.
— C'est vrai, AL Crédit ou, pour nous exprimer
plus convenablement (pie AL Jeanne, papetier du pas-
sage Choiseul, le prince (jédil avait été élevé dans un
château de la Mauritanie. Lue magicienne, amie de sa
famille, avait |)rédit à sa mère (ju'il était destiné à dés-
enchanter la véritable monarchie, qui, comme on sait,
dort depuis près de ceni ans d'un .sommeil qui lui a été
inlligé par un mauvais génie qu'on appelle le Peuple.
— J'avoue que je ne le savais pas.
DKi A Kiri-ns Diii-Kiîi \ is im;<)m:\\m dk i.\ \m.mk cmsk.
M)i \i:i,i,i,s i»i-: iniNt.Mi..
l.cs Russes ont i-nvalii la Hon-
j griu par quatre puïiils différcnta.
. L'armée autficliienne qui s'usi con-
centrée aux environs de Preshourg
"~.v^ ■» prendre vigo.irtîuscment luIT^n-
A ^ hivc, et l'insurrtclicn Mnggyarc
s'-ra prompteincnt étoufTée sou^ ks
forces rt'unieij des deux empires.
L- s Ma^gyarts ne peuvent son
f^tT à ttsister; de tous côtés ils se
retirent devant lea difTérents corps
d'armée qui avancent. Pest et Bade
ont été abandonnés par eux en
même temps que Debreczin était
occupé par le niaréclial Paskewitch.
L s Russes et les Autrichiens
marchent en avant sans rencontrer
de véritable résistance. Partout les
Miggyares se retirent après quel-
ques combats où l'avantage reste \
aux Impériaux Bienlùt les insurgés
seront enfermés dans les marais de
la Theiss, leur dernier refuge.
Le; M^f;gyar<:s ont repris l'i IÎlu-
sive sur toute la ligne ; leur retraite
vers les marais de la Tlieiss n'était,
il parait, qu'une liubile manœuvre,
et ils ont fait payer cher aux Impé-
riaux leurs premiers succès. H'un
côté, l'infatigable Bem a détruit les
troupes du ban Jelhichich, pendant
que DembinsUi et Georgey d'autre
part taillaient en pièces une divi-
sion russe.
REVUE COMIQUE
— Vous m'interrompez sans cesse, et vous nie faites
perdre le fil et le ton de ma nairalion.
— Je vousdoraaude un million de i>nidons, conliiuicz.
— Or donc le prince Crédit s'amusait un jour au
royal jeu de tonneau dans la cour de son château en
compagnie de son gouvcrnetu-, lorsqu'on vint lui dire :
— Sire, voici une lettre qu'on m'a chargé de vous
remettre.
— Est-ce le Ciial botté qui l'a portée?
— C'est un monsieur en habit noir, qui attend voire
réponse.
— Qu'il attende.
Le prince Crédit lui la lettre suivante :
Sire ,
Placé en observateur pour vous prévenir exacte-
ment du jour où sonnerait l'heure de la délivrance ,
je crois devoir vous écrire que le moment est venu de
tirer la monarchie au bois dormant de son sommeil
centenaire. D'après l'ordre des génies, vous seul pou-
vez opérer le désenchantement de la princesse. Ac-
courez donc, c'est l'instant, c'est le moment, ou n'at-
tend plus que vous.
De Votre Majesté le 1res -humble, trés-obéissant ,
très-fidèle serviteur et sujet ,
Don Fallax.
Aussitôt cette lettre lue, le prince Crédit demanda
ses socques et son parapluie, et il partit en disant à son
gouverneur : Suivez-moi, fidèle serviteur de mes temps
d'adversité, avant qu'il soit huit jours nous jouerons au
bouchon dans le palais de mes pères.
Au bout de huit jours eu effet, le prince Crédit niellait
le pied sur l'escalier du château où dormait la monarchie.
Il entra d'abord dans une avant-cour où tout ce
qu'il vit était capable de lo.glacer de crainte. C'était un
silence affreux, l'image de la mort s'y présentait par-
tout, et ce n'était que des corps étendus d'hommes qui
paraissaient sans vie. En s'approchaiit de la fenêtre, le
prince vit sur le boid des fossés du château des vilains
ariués d'un bàlon qui |iaraissaienl tréi)assés devant des
grenouilles défuntes.
Il monte l'escalier, il entre dans la salle des mous-
quetaires, qui étaient rangés en haie, la pertuisane sur
l'épaule, et ronflant de leur mieux. 11 entre dans une
salle toute dorée , et il voit sur un lit, dont les rideaux
étaient ouverts de tous côtés, le plus beau siiectacle
qu'il eût jamais vu : une princesse qui paraissait soixante
il soixanic-dix ans, et dont l'éclat resplendissant avait
quelque chose de lumineux et de divin. Il ap[uocl)a en
tremblant, et se mil à genoux aui)rés d'elle. Alors,
comme la fin de l'enchantemenl était venue, la prin-
cesse se réveilla , et le regardant avec des yeux plus
tendres qu'une première vue ne semblait le permcltre :
— Est-ce vous, cher Crédit? lui dit-elle.
— Moi-même , répondit le prince.
— Vous vous êtes bien fait attendre !
— Mieux vaut lard que jamais.
— Charmant ! divin ! c'est tout le jwrtait d'Henri IV!
s'écrièrent alors une foule de voix.
On leconnut à ces exclamations que la fin de l'en-
chantement était aussi venue pour les courtisans, et
qu'ils commençaient à se réveiller.
Cependant tout le palais s'était réveillé avec la Mo-
narchie, chacun songeait à faire sa charge.
Les grenouilles coassèrent et les manants battirent
l'eau.
— Par la mordieu , s'écria le Hniil de jambage,
voilà bien longtemps que je ne fais rien , allons voir si
mes vassaux se marieut toujours Venire-saint-gris,
voilà une assez gentille jouvencelle qui sort de l'église ;
qu'on m'amène cette jeune manante, et que ce marou-
fle allende que je l'aie honorée de ma vi^ite.
LA BELLE AU BOIS DORMANT.
Dessiné par Bertall.
Gravé par Balx.o<t
90
REVUE COMIQUE.
Çà ! qu'on amène ce vilain devant M. le sénéclial ,
et qu'on le loiluie un peu pour savoir où il a tut- ce
lièvre.
— Qu'on m'apporte tous les livres qui ont paru pon-
dant mon sommeil ; j'or^loune qu'on les fasse brùh r en
masse par la main du bourreau.
Les exempts qui bâillaient encore se mirent à cou-
rir [wur exécuter l'ordre du parlement ; tandis que les
soldats delà marécliaussée, en s'étirant les bras, mar-
clièrent h la découverte du braconnier.
La dame d'iionneur vint dire tout liant à la prin-
cesse que la \iande était servie. Le prince Crédit aida
Il prip.cesse à se relever ; elle était tout habillée et fort
niagniliquenKut a\ecdes paniers, mais il se garda bicii
de lui dire qu'elle étiiit vêtue comme sa mère grand'
et qu'elle avait un collet monté. Ils passèrent dans un
salon de miroirs et y snupèrcnt servis par les otticiers
de la Monarchie, qui ét.iiont à savoir :
Le grand écbanson ;
Le grand i)anelicr ;
Le grand sommelier ;
Le grand confiturier.
Les douze petits violons et les hautbois jouèrent de
vieiUes pièces, mais excellentes, quoiqu'il y eût plus de
cent ans qu'on ne les jouât plus, et après souper, sans
perdre de temps, le grand aumônier les bénit et la dame
d'honneur leur tira le rideau. Ils dormirent peu, la Mo-
narchie n'eu avait pas grand besoin ; et le prince la
quitta dès le matin pour aller terminer l'enchantement
de tous ses sujets.
Il réveilla :
Les corporations et les jurandes;
Les apanages et les dotations ;
Les petits et gran 's droits fé '! r.ix ;
Les gabelles ;
La géhenne et la torture;
La roue et le gibet;
L'inquisition ;
Les jésuites ;
Enfin tous les appuis et les soutiens de la Monarchie.
Un des courtisans qui avait le plus applaudi l'ai-
mable réponse du prince dont nous avons jjarlé tout à
l'heure fut chargé de réveiller les vieux dictons des
vieux rois de France :
0 Je veux que tous mes sujets aient la iiDuleau put; »
« liien n'est chanijé, H n'y a qu'un Français de plus; »
et toutes les autres facéties dont l'énuméraiion sérail
trop longue.
on essaya de réveiller les étals généraux, mais en
vain. A peine remis sur leurs jand)es, ils se détraquè-
rent et tombèrent en mille pièces.
Il en fut de même de l'assemblée des notables, d(mt
on ne put i)arveiiir à rajuster les morceaux,
De moineni eu moment le château se remplissait de
gens que l'on croyait morts et dont l'enchantement ve-
nait de finir avec celui de la Monarchie. Les surinten-
dants, les gouverneurs de province , les traitants , les
sous traitants, les lieutenants criminels, les sénéchaux,
les baillis, le respectable corps des archers, précèdes de
M. le chevalier du guet.
Ce cortège défila devant la Monarchie, qui ne se
la^sait pas d'admirer l'air de jeunesse et de fraîcheur
répandu sur toutes ces figures.
Dans la journée, le prince, qui prit dès lors le litre
de Crédit I", s'entreiint plu-ieurs fois avec don Fal'a'c
et daigna faire une partie de bouihon avec lui. Cette
haute marque de faveur et d'estime fit même murmurer
les courtisans, qui trouvèrent que c'était trop d'honneur
accordé à un homme de robe; mais ils se turent quand
on sut que le roi lui avait confié la feuille des bénéfices.
Réveillé dès la veille, l'abiié de Genoudc devait le
soir même faire devant la cour l'cs.sai de sa nouvelle
machine de gouvcriiemcut, dite supagc imivcvsd
à deux deijrcs; mais, comme on découvrait la ma-
chine eu présence du grand chancelier , M. de Genoude
s'aperçut qu'un des rouages était brisé. Aussitôt, se
mettant en fureui-, il déclara qu'il se vengerait de ce
mauvais tour de ses ennemis ; et il quitta la cour le soir
même en menaçant le roi, la relue, et tout l'auguste
bataclan, du refus de l'impôt.
— Qu'ils lassent vendre mes meubles, s'écria-t-il en
parlant, je renonce 'a servir des gens qui brisent les
rouages du suffrage luiivcrsel à deux degrés.
La" joie générale empêcha qu'on ne prîl garde à cet
incident, qui, en d'autres temps, n'eût pas manqué de
fnire sensation. Il y eut gala au château et bal, où Cré-
dit I" se montra fort gracieux dans le menuet. Sur le
minuit un grand bruit se fit entendre dans les airs tra-
versés par un char de feu traîné par des dragons volants ;
le char s'arrêta sur le balcon de la salle de bal , et on
en vit descendre, en costume "de génie, le papetier
Jeanne du passage Choiscul: il salua trois fois le couple
roval et déposa une corbeille de petits busles à ses pieds.
Crédit 1" releva avec boulé le papetier Jeanne, qui
s'était agenouillé, et lui accorda des lettres de noblesse.
Une pluie de médailles inonda au même moment la
saile. Jeanne remonta sur sju char pour retourner au
passage Choiscul. Après quoi le roi et la reine furent se
uMirc au lit, el
— Je connais la lin du conte : " Us furent heureux
.) et ils eurent beaucoup d'enfants. »
— C'est précisémenl là ce qui vous trompe. Mais n'an-
ticipons pas sur les événements.
Le lendemain, pour terminer cuiiii)léicment celle
restauration nnraculeuse , le roi annonça (pi'il allait se
faire sacrer à Reims.
Tout le monde était donc réuni sur le perron du
château , prêt à pariir pour le sacre , husque, au mo-
ment de sonner le boute-.selle, les ironiiicttes tombèrent
des mains des trompettes.
A LUSAGK DES GE^S SÉRIEUX.
ttl
Quoiqu'il' ont donc à vouloir i
■ p'iisqu'il est mort.
Les liérau's d'iimifs, qui criaient « Noël ! Nuël! « se
tUIXMll.
Les inntisqiiclaircs, prèis à niouter à cheval , se scii-
lirciil cloués à terre. Les courtisans restèriiil comme
liges leur chapeau à la main.
La Monanhie venait de se rendormir, et Crédit 1"
gisait aussi h son côte s-jr les banquettes de la voiture
du sacre. Ils dormaient, mais celle fois c'était pour tout
de bon.
— Ce n'est pas ainsi, autant qu'il m'en souvient,
que Duit le conte de Perrault.
— Uu temps de Perrault la fée Ilévoluliou n'existait
pas encore. Elle n'avait eu qu'à se montrer et à toucher
ces spectres de sa baguette jwur les faire rentrer dans
le néant. Ainsi finit l'histoire du prince Crédit et de la
Monarchie au bois dormant.
— Déjà ?
— C'est bien assez long comme ça.
— Puisque je ne dors pas encore, achevez-moi l'his-
toire de Cantalabutte neveu et de la fée Iliiers. Nous
en étions restés au moment où...
— Je vous raconterai celle histoire une aulre fois.
— Quand?
— Dans vingt ans, lorsque nous ne serons jjIus eu
élat de siège. »
Jea> VERTOT.
CE QUE CHACLN DIT.
Lis journaux bonapartistes tl autres parlent d'une
revue de cent cinquante mille hommes, armée et garde
nationale, qui doit être passée le 15 août par le prési-
sidenl de la Pvépublique.
I' En l'honneur de la Vierge?
— Du tout, c'est pour célébrer la fête de l'empereur
Napoléon.
— Qu'a de commun Napoléon l'empereur avec la
RépubUque ?
— Cherchez.
— J'ai beau clurchcr.
— Cherchez encore.
— Je ne trou\e rien. N'est-ce pas Napoléon qui a
renversé la République ?
— Sans doute.
— N'a-t-il pas rcm;>lacé la hberlé par le gou\erne-
mcnt despotique?
— Certainement !
— Moi, qui suis républicain , je ne vois pas pour-
quoi je célébrerais la fête de l'emptreur Napoléon. »
REVUE COMIQUE
Un peu plus loin vous rencoiUrcz un Icgiiimislc :
.. Savcz-vous pourquoi le président passe en revue
les troupes de la garnison et la garde nationale le
15 août , vous ne devinez pas !
— Non.
— Le 15 août est le jour de la fête de Napoléon.
— Eh bien ?
— Ne faut-il pas solenniser cet anniversaire ! Nous
célébrerons donc la Saint-Napoléon.
— Un joli saint, qui a fait fusiller le duc d'Enghien !
Je trouve vraiment bizarre qu'à une époque prétendue
de liberté, on veuille me forcer à célébrer l'anniversaire
d'un tel homme. On peut battre le rappel tant qu'on
voudra , je pars demain pour la campagne. »
Au coin de la rue, un orléaniste vous aborde ;
o Nous avons donc une grande revue le 15 ?
— Les journaux le disent
— J'aurais préféré que ce fût le 10.
— Oui, mais le 15 est le jour de la fcte de l'empe-
reur Napoléon.
— Qu'importe ?
— Comment, qu'importe! Mais c'est pour célébrer
cette fête que la journée a lieu.
— L'empereur Napoléon! plus souvent que je célé-
brerai sa fête ! Si le roi Louis-Philippe n'avait pas placé
sa statue sur la colonne de la place Vendôme, s'il n'avait
pas fait revenir ses cendres à Paris , et laissé l'exalter
avec une imprudence vraiment sans exemple, nous ne
serions pas où nous en sommes, et je sais bien qui au-
rait été nommé le 10 décembre à la place de >1. Louis
Bonaparte. La fête de Napoléon! je m'in moque pas
mal! S'il n'y a que moi pour la célébrer, je vous assure
qu'on ne verra personne à la revue.
Il est de fait que personne ne s'explique la célébra-
tion de la fête de l'empereur Napoléon , à moins que la
République française ne se réjouisse en rimmieiir de
celui
Qui déporta les républicains ;
Qui supprima les journaux ;
Qui emprisonna les écrivains;
Qui exila les penseurs indépendants ;
En un mot, qui pendant quinze ans plaça la Fiance
et Paris sous le régime de l'état de siège moral.
Certes le gouvernement apprécie tous ces titres, mais
il paraît que la revue du 15 a un autre but.
« Lequel?
— Vous êtes trop curieux ; ce sont là de ces choses
que dans les temps où nous vivons il est permis de
dire, mais qu il faut bien se garder d'écrire. D'ailleurs,
vous n'avez pas longtemps à attendre pour en savoir
autant que moi. »
PROCLAMATION DU GENERAL OUDINOT A L'ARMÉE FRANÇAISE.
Mes trls-chers frï;res, |
Le pape va prochainement faire son entrée dans ^
Rome. Il faut nous préparer h cette grande solennité, j
Les Romaius , malgré notre présence , persistant à
rester sous la pression d'une poignée de factieux , c'est
l'armée française qui sera chargée de suppléer à leur
enlhousiasme. Avec l'aide de sainte Pliilomène , il faut
espérer qu'elle en viendra à bout.
J'ai ordonné à cet effet qu'on adressât des prières
publiques à cette sainte , et j'ai prescrit que chaque
homme récitât à l'appel du soir un Pater et un Avé à
celte intention.
Soldats mes très-chers frères, vous venez de termi-
ner une campagne pénible et glorieuse , une récompense
vous est due pour tant de travaux; cette récompense,
soldats ! est digue de vous et de la France.
On tirera au sort dans chaque compagnie un soldat
qui sera admis à 1 insigne honneur de baiser la mule du
pape. Ceux qui seront l'objet de celte faveur précieuse
auront droit à des indulgences plénières, et ils seront
exemptés de la nécessité de faire maigre pour le reste
de leurs jours.
Tous les officiers de l'armée française , sans distinc-
tion de grade ni d'arme, baiseront également la mule
du pape. Votre général ne demande , pour prix de ses
efforts , que l'insigne honneur de remplir ce devoir le
premier.
Le reste de l'armée aura sa part des réjouissances.
Le sacré collège a rédigé un Programme que je dois
porter à la connaissance de tous.
Article l". — Pendant la journée, des deux fontaines
de la place du Peuple couleront des scapulaires.
ART. 2. — Chaque soldat recevra double ration de
I vin et un chapelet bénit.
I ART. 3. — Il y aura un mât de cocagne devant le
j Vatican, au sommet duquel sera suspendu un vrai mor-
1 ceau de la vraie culotte de saint Pancrace.
Rien n'est oublié, on le voit, pour rendre cette fêle
digne de celui qui en est l'objet. Soldats! il faut vous
préparer à jouer votre rôle dans cette cérémonie par la
prière et la sanctification.
Allez à la messe tous les matins.
Confessez-vous deux fois la semaine.
A L'USAGK DKS GENS SKRIKUX.
Ceux ([ui maii([iieioiil ù ces prcscriplioiis iront pciiir
deux JDurs h la salle de |)olice. A la |)rcuiière récidive,
le cachot.
Il faut prouver au monde (pie nous sonini( s les sol-
dats du président Irès-chrélieu et que la Ré|)ul)li(iue
française est la fdle aînée lU- l'Église.
Votre général vous donnera l'exemple. Demain vous
le verrez partir en costume de pèlerin pour Nolre-Damc-
de-Lorclte. J'y vais passer quelcpies jours dans le jeûne
et dans la pénitence pour me rendre digne d'aiiproelier
le souverain pnntife.
Continuez pendant mou absence à donner l'exemple
de toutes les vertus militaires ; forcez vos ennemis à
vous admirer.
Que les factionnaires portent les armes à la soutane.
Que les soldats qui passent devant une madone au
coin de la rue saluent et fiéchissent le genou.
Si un cardinal vient It passer devant un poste, que
l'oflicier fûSH' sortir tous les soldats et qu'ils reeoiMiit à
genoux la héiiédiclion de Son Imminence.
,Ic ne vous cacherai point, soldats, que le pape, lou-
ché des services que je lui ai rendus, m'a offert la
pourpre; j'ai refusé (lour ne |)oint vous (pjiticr, je veux
vous ramener dans vos foyers. Soldats de l'expédition
romaine, vos pères ont pu dire : Nous avons pris Vieiuie,
Moscou, Berlin; vous direz à vos enfanis : Nous avons
baisé la mule du pape!
UON (JL'DiNor Di; Re(;gio.
FEU ET ENTHOUSIASME d'ARTIFICE
à l'usage (les Romains .
Paroles, musique et exécution du révérend Don Oudinut de Keg
UKVUK COMIQUI-:
IL FAUT RETABLIR LES JEUX ET LA LOTERIE.
J'ai rciicoiilrO hier dans la rue de la l'aiv une longue
lile de gens vOlus d'habits noirs làjx's.
.. Quels sont ces hommes? deniandai-je à un mar-
chand qui regardait passer le cortège sur la porte de sa
boutique.
— r.c sont les anciens e roupiers de Fiascati qui vont
porter leurs félicitations à M. Véron.
— A M. Véron! Pourquoi?
Parce qu'il soutient un projet qui consi-le a faire
subventionner l'Opéra par la \ille de Paris, qui rece-
vrait en échange le produit de la ferme des jeux. ■■
J'ai pris des rens; ignemcnts plus détaillés ; et je suis
bien aise de dire que M. Véron dans cette affaire n'est
que le représentant de la rue de Poitiers, et qu'il pa-
trone avant tout, dans le Coiistitutionnd, me idée
d'ordre et de conservation.
Si nous voulons gouverner en paix, a dit M. Thiers,
il faut distraire le public des idées politiques. C'est la
suppression des jeux qui , bien plus que le refus de l'ad-
jonction des capacités, a renversé la nionarcliic de
juillet.
Il faut des dérivatifs aux passions des masses; mais
les passions ne se remplacent que par d'autres passions.
A la passion révolutionnaire, substituez la passion du
jeu.
Ces paroles ont fructifié dans les âmes honnêtes et
modérées. Il faut rouvrir Frascati ! telle est la réponse
des Calons de la rue de Poitiers à toutes les questions
qu'on leur adresse.
— La silualion est grave.
— Il faut rouvrir Frascati !
— Les affaires ne reprennent pas.
— Il faut rouvrir Frascati !
— Les Ciipitaux se resserrent.
— Il faut rouvrir Frascati !
Mais, par exemple, il faudra, si celle réouverture a
lieu, que l'on modifie le règlement de l'élablissement.
Ainsi je deniaude formellement qu'on y soit admis en
blouse et en casciuette, et même en manches de che-
mise ;
Qu'on abaisse le taux des mises jusqu'à vingt-cinq cen-
times: il faut bien faciliter aux ouvriers les abords du
tapis vert, tous les citoyens ne doivent-ils pas être
égaux devant la roulette !
La société ne saurait trouver un meilleur cxutoirc que
Frascati.
Dounez à Proudhou la facilité de piquer tout le jour
des martingales et de chercher les nioxens de résou-
dre le grand problème de gagner toujours au jeu , et
je vous assure qu'il ne songera pas à lancer sur la so-
ciété des bond)cs chargées d'antinomies incendiaires.
Est-ce que Pierre Leroux aurait inventé la triade s'il
avait pu passer son temps à trouver une combinaison
pour faire sauter la banque?
Quant aux conspirateurs, Frascati les détruit tous.
Est-ce que les joueurs ont jamais fait des conspirateurs
sérieux ?
Frascati est le palais de la fortune. Commeni serait-
IXS AVENTURES DIVERTISSANTES ET NON POLITIQUES
J),: iMi'ilrr Liipji cl de son apiiriali ril'fS.
Pipps, l..rsque sortaol de
l'école il entre chez maî-
tre Lapp pour appren-
dre la noble profession
de uillenr.
Mailrc Lapp trouve quelque chose & r< prendre dans le
costume de son apprenti , et l'habille d une manière
plus convenable.
Pipps a été livrer un habillement complet à un étran-
ger, et rapporte la facture impayée, avec celle obser-
vation : Ce mossieu passera demain.
A i;rSAflK DKS GKNS SKIUKLX.
on malheureux lors(iUf l'un peut se dire : Avec cinq sous,
jf puis sngiier nue rorliuic! l.'espi'Tanre lioin|)e la fiiiin,
l.ii.ssoiis resp(''ianci' aii\ iiialheuiouv.
Prenez garde aux vols, aux suicides, dirent les pi)ii-
tiipies liniiiies, le jeu est le père de tous les rrinics.
(^uand il y aurait (pielques suicides et (juelques vois de
plus à la fiu de l'auiiée, le beau malheur ! Les catastro-
phes iu(li\idu(llis fout la sécurité de la société tout en-
tière. Sans soupapes, le niuude éclaterait. Rétablissons
la grande soupape du jeu.
Mais point de deuii-inesurc ; il faiii an rétablissement
des jeux un corollaire , c'est le léiablissement de la lo-
terie. Les portièiTs, les femmes du peuple, les oiivrièri's
ne peuvent ])as aller à Frascati, ou\rons-leur h chaque
coin de rue des Frascati en magasin. Distribuons des
bmeaux (le loterie , cela nous fera quelques créatures
de plus, et le grand parti de l'ordie eu a besoin. I.a lo-
terie, c'est le trente et quarante des femmes, la rou-
lette du proléiaire en jupon. Hévcz ambes, extraits,
quateriies, jeunes fdles, cl votre chambrcitc vous paraî-
tra moins froide l'hiver; et vous, vieilles femmes, vous
oid)liere/. vos infirmités .sur votre grabat, et si votre
dernière jiimnée de travail, votre dernier écu d'écono-
mie dispaiaissent sur le tapis vert de la loterie, la ri-
\ière est là , elli; coule pour tout le monde. Le récit de
votre mort sera mis dans les journaux, et il servira en-
core à procurer des émotions aux femmes nerveuses et
délicates des agents de change, des banquiers et des cou-
lissiers.
Le Consiiiutiiiniiit n'a point encore produit au
yrand jour ce projet . auiiuel les inembr.s les plus in-
Hucnts de la rue de Poitiers prêtent leur appui, f.o gou-
vernement est trop ami de la politiipie hojinète et mo-
dérée pour ne point le sanctionner. Je ri'g:u-de le
rétablissement des jeux et de l,i loterie comme |)arfaite-
nient réalisé , quoiqu'il y ait des gens (]ui ])réteiident
(|ue la manifestation des croirj)icrs de Paris auprès de
-M. Vén,n l'st nrém iliirée.
LE DÉCR^:T Dl SILE.NCK KSI INEXKCl TAIîLK.
•' Fh bien! ce que nous vous disions est arri\é.
— Que nous disiez-\ous ?
— Qu'il faudrait rapporter ce décret du silence, qui
semble exhumé des mauvais temps du gou\einenieni
provisoire, et rendre la parole aux autorités ronsliluées.
L'éloquence des préfets, des maires, des présidents de
tribunal , des commissaires de police et des gaides
champêtres est un des plus beaux ornements du gou-
\erncnient. Malheur au gouvernement sur les pas des-
quels on ne .sème pas des Heurs de rhéiorique.
— Ainsi donc la parole est lendue aux corps consli-
lués ?
— Lisez le Moniteur. Les révolutionnaires ont beau
dire et beau faire, il y a des usages qu'ils m' par\ien-
UES AVENTURES DIVEHTISSANTES XT VtOJS POXÎTIÇUES
De mnttre î.npp et de son a//prenti rijtps.
f ur ces entrerailes. Vétran-
^t-r, habilïé oe neuf, part
précipilamment ;_ ce que
remarque maître Lapp
soipélait.
^^aitre Lapp prend la résolution de se
mettre avec Pipps à la poursuite de
Célranger, et raccommode préalable-
ment son apprenti.
REVUE COMIQUE
droiu jamais à déraciner, la harangue est dans nos
mœurs , il y a longtemps que Boilcau l'a dit :
Le FraïK'ais né malin inventa la harangue.
— Boileau a dit cela ?
— Parbleu!
— Je lui en fait mon compliment sincère. A propos,
pourriez-vous me dire quel est le Cuvillier-Flenry ou le
Trognon cpii rédige les réponses du pouvoir exécutif?
— Je l'ignore!
Tant pis, j'aurais été bien aise de lui faire mon
compliment. Courtisant la brune ou la blonde , la légi-
timité et l'empire , parlant de Bonchamp et de Cam-
bronne, amalgamant les blancs et les bleus, ce Jocondc
de l'art oratoire ne manque pas de talent, et je propose
de créer en sa faveur la charge de secrétaire des haran-
gues à l'usage de tous les gouvernements qui se succé-
deront en France.
Vous avez raison , et je cours donner au Consti-
tutionnel l'idée de demander la création de cet emploi
(pii manque à l'éclat de la présidence. »
Air rte jU. et madame Denis.
LA LIBERTÉ.
Quoi ! vous me fêlez ainsi !
Foin de l'amoureux transi !
Jadis vous étiez brûlant,
Souvenez-vous- en , souvenez-vous-en :
Et suivant vos beaux discours,
Vous deviez l'être toujours.
M. ODILON se retournant.
Mais je faisais mille efforts
Pour èlre ministre alors ;
El je le suis maintenant,
Souvenez-vous-en , souvenez-vous-en :
Nos actes et nos discours
Ne sauraient cadrer toujours.
lES AVENTURES DIVERTISSANTES ET NON POUTIQUES
De miiUi-e Liilip et île son aiiprenli Pipps.
Maître et apprenti se hissent à cheval afin de
rattraper pliu vite l'étranger. JA,_, ji.
Ils croient remarquer que les che
lellés à l'envers.
ODÎLON BARROT ET LA LIBERTÉ,
Somenirs noclumes Je deux amoureux du dernier régne,
PAR JEAN C.\SC.\RET.
lependant maître Kt-ill , le boucher,
faisait sa méridienne,
[La suite à bie7ilôt.]
A i;i:S\GK DKS
GKNS SKRIKIJX.
!>7
LA LiBEitTÉ se ravisunl.
M. ODILON.
En mil liuil cent trente, un soir.
Comme votre douce voix
Je Irons ;ii #oii> mon bougeoir,
Mo chatouillait autrefois!
Relié fort |;;ilaninien[ ,
Vous étiez si bonne enfant ,
Souvenez-vous-en , souvenez- vous-en ,
Souvenezvous-cn , souvenez-vous-en ;
L'n recueil de vos discours
Mais à présent nuits et jours
Dont je raffole toujours.
Vous criez presque toujours.
M. ODILON.
Diable ! vous les avez lus ,
LA LIBERTÉ.
Tans pis; mais n'en parlons plus:
C'est que vous me démontez
Rien n'est si désobligeant,
P:ir vos infidélités;
Souvenez-vous-en , souvenez-vous-eii.
Je vous l'ai dit bien souvent ,
Autres temps, autres discours;
Sou\enez-vous-en , souvenez-vous-en.
Or le temps file toujours.
Petit monstre, de vos tours
Je me vengerai toujours.
LA LIBERTÉ.
Je vous ai connu , je crois ,
A Saint-Germain-l'Auxerrois.
M. ODILON lui offrant une prise de tabac.
Vous étiez bien éloquent ,
.Moi, vous trahir! croyez- vous
Souvenez-vous-en , souvenez-vous-en.
Qu'une autre ait vos yeux si doux?
Les émeuliers étaient sourds.
Je jure d'être constant.
Et vous leur parliez toujours.
LA LIBERTÉ tenant la prise de tabac sous son nez.
M. ODILON se mettant sur son séant.
Souvenez-vous-en, souvenez-vous-en.
Comme j'étais étoffé !
M. ODILON rentrant dans son lit.
LA LIBERTÉ s'osscyant de même.
Comme vous étiez coiffé 1
Ne suis-je pas, mes amours,
Votre esclave pour toujours?
M. ODILON.
Bonnet rouge à revers blanc,
LA LIBERTÉ se recouchant .
Souvenez-vous-en , souvenez- vous en.
Oui, bel esclave, ma foi,
Qui me fait toujours la loi ;
LA LIBERTÉ.
Vous me traitez en sultan.
Escarpins et bas à jours ,
Qui vous distinguent toujours.
Souvenez- vous-en , souvenez-vous-en.
Puis vous faites des m'amours ,
Et vous m'engluez toujours.
( Cuntinuant. )
( Ici if . Odilon fait faimable.)
Comme en habit de préfet
Vous me paraissiez bien fait !
Vous étiez mieux qu'à présent,
LA LIBERTÉ minaudant.
Souvenez-vous-en , souvenez-vous-en.
Vos membres deviennent lourds.
Comme vous vous échauffez '.
Mon ami , vous m'étouffez !
M. ODILON.
ji. ODILON toussant.
Pourtant je saute toujours.
Mais c'est en vous embrassant ,
Souvenez- vous-en , souvenez- vous-en.
(S'animanl.)
LA LIBERTÉ rajustant son bonnet.
De ce jour-là votre cœur
Fut percé d'un trait vainqueur.
J'en décochais diablement ,
Ah : voilà bien de vos tours,
Vous me décoiffez toujours.
Souvenez-vous-en, souvenez-vous en.
Traits forgés par les Amours,
Que ne piquez-vous toujours !
Ici le couple bâilla,
S'étendit et sommeilla.
LA LIBERTÉ.
L'un marmottait en ronflant:
Quand de banquets en banquets
Avec vous je me risquais,
Comme c'était amusant 1
Souvenez-vous-en, souvenez-vous-en ;
L'autre : Voilà de vos tours,
Vous me décoiffez toujours.
Souvenez-vous-en , souvenez-vous-en.
Viandes froides! chauds discours 1
Jean CASC.ARET
Je vous regrette toujours.
UKVIIE COMIQUE.
MONSIEUR CREDIT,
(;()i.0Ni;i. (.i'nkhm ht-- (Uius-iiiis iiK, lIn^Cl'. i;i i>i'. n^namu:
Di- [i.-ir le jjninii in\icûr\ .lu rc.Mnime, Ji-anne.
Ce liiillant niililiiire ost onr.int du iiiinitlo;
Pourlaiil miiis le croyons diiiis les cnfanls [leiil
Car les républicains , nialgié plus d'un (irade,
Narijuent le prélciidant el ses droils prélendiis.
A sa gloire futiiio on rime des hommages;
D'artistes maladroits le pinceau l'enlaidit:
Mais on voit, à l'aspect de ces piètres images,
Qu'on ne réussit guère à le nieltre en crédit.
Dessiné par K«hrit/k
Gravé par B^ui.<
3(1 ceiUinies.
DUMINBHAT ÉDITEUH . HUE HICBCLIEO . Hi.
|T;^pi|ippPBMPiyrr,i,,;i|,ii,|i|^^
T~^
COXDITIOXS DE LA SOfSCRIPTIOX. — La Rt\tE coMH(i.E formera deux relûmes erand in-8° , publiés en 50 livraisons à 30 centimes: parla poste,
0 centimes Le premier volume, composé des 25 premières livraisons, a été achevé le 28 avril 1849. Il renferme environ 500 caricatures politiques. —Prix de
e volume: 7 fr. 50 c.; parla poste, 10 (r. Le second volume parait en livraisons. On souscrit, pour ce volume, en payant 7 fr. 50 c. pour Paris, et 10 fr. p,.nr
es départements.
AUX SOUSCBIPTEURS DE I.A REVUE COMIQUE.
Le premier feuillet de chaque livraison, reproiluisani uiiiforuiéuicnl le dessin de la couvcrlure , doit
être enlevé h la brochure. — xVIiu de varier le verso de ce [Hemier feuillet, sans toutefois y insérer rien
d'important , dont la suppression aurait quelque inconvénient, ce verso, î. l'avenir, sera occupé par la cor-
respondance'de la Revue, par des annonces drolatiques, on quehiuc aulre sujet accessoiie en dehors de
notre cadre; de telle sorte que lorsque les souscripteurs réuniront en volumes la collection des livraisons,
ce feuillet, enlevé, ne supprimera aucune partie intégrante de l'ouvrage. Le dernier feuillet de la couver-
ture, formant la dernière et l'avant- dernière page de chaque livraison, devra être relié avec l'ouvrage
complet , dont il ne peut être détaché.
AVIS AUX JOURNAUX DE PARIS ET DES DÉPARTEMENTS.
Nous autorisons lu i-epmduction d.-s articles coulcnus dans la Iteriie comiijue , à la condition ;
I » De citor la /ii'nip en lui empruntant ses articles ;
2" De limiter, par chaque semaine, la reproduction au tiers des matières contenues dans chaque nimiéro.
CORRESPONDANCE.
A M. A. T. , à Bezivrs. — Votre rlianson intitulée :
la Pluie de crapauds est irès-originale ; elle fyit les dé-
lices des eoiiiposileiirs de la Revw - Comique , qui h\
rhantent du malin au soir, au grand divertissement de
ceux qui l'entendent : mais il n'est pas possible de la
publier ; elle est trop vraie et pourrait être moins favo-
rablement interprétée en certains lieux.
A M. C. D., à Grenoble. —Nous sommes très-Qaltés
des éloges que vous voulez bien donner à notre publi-
cation ;''c'est , en effet , une œuvre de conviction , et
nous acceptons de grand cœur les offres si obligeantes
que vous nous faites de propager nos livraisons.
A M. DE T., à Bordeaux. — Vous pourriez bien
vous tromper....
A M. Am.vble V —Nous sommes très-sensibles à
vos oï'înafcte pronostics ; vous trouverez justement dans
• la présente livraison un dessin qui semble inspiré par
vos asréables intentions , et qui certainement vous
•réjouira beaucoup.
.\ M. D. BiN à Besanron. — Il n'y n plus à y
penser.
A M. Un , à Liverpool. — Il fatidrail commencer
par établir un télégraphe électrique.
A MADEMOISELLE LoRENTiNE DE B. . . — Vous êtes ado-
rable
A M. Thu.. s... — Adressez-vous à M. Jeanne, in-
venteur de la chose , passage Choiseul. Il vous dira à
la suite de quelle action d'éclat son héros a été armé
premier cuirassier de France, et quelle combinaison
financière lui a valu le titre de monsieur Crédit. —
Veuillez nous excuser si nous ne pouvons vous donner
le mot de ces énigmes, qui vous semblent de bien nmu-
vais yoût ; peut-être les trouverez-vous plus spirituel-
les quand vous en connaîtrez l'origine.
A MADE.MoisELLE X. Z., poste restante, à Valence.
— C'est un homme très-aimable!
A M. Ignace R , — Oh ! oh ! oh ! monsieur, cela
serait trop comique, même dans la Revue-Comique!
Pour pnraîlre dans le conram d'août chez MARTINOiX, rue du Coq-Saint-Honoré, l\.
LE GRAND ET MAGNIFIQUE
illIMACII DE LA REVUE COIIWE
l'OLU I OO" ^
Renf.iinant la très-célèbre prédiction pour cette étonnante année, découverte en ir).'')0, attribuée au grand
Mischskolskeski III et très-coimue dans les provinces danubiennes sous le nom de Prophétie Slave.
l M joli voliiine Liiaiid iii-l<> illiisift' de ii()iiibreu.ses vignelles,
Par BERTALL , NADARD , FABRITZIUS, etc.
Pni\ : .")0 CE.MIMES.
Pari». — Typolîrapliie Pl'.n frèr.
LES VACANCKS PARLKMKNTAIRKS.
I.
» Il me semble entendre le galop d'un cheval.
— Drelin , dielin , drcliu.
— • Foi de Jobin, je crois qu'on sonne.
— Ouvriras- tu, maraud, ou me laisseras-tu me mor-
fondre pendant une heure à cette porte?
— Est-il possible, notre maître, c'est vous ?
— Moi-même, Jobin, cela t'étonne ?
— rardine, vous nous aviez dit que vous étiez parti
pour trois ans.
— Je le croyais, mais la rue de Poitiers en a décidé
autrement ; j'obéis à la rue de Poitiers et à ses décrets
impénétrables ; je pense que tout va bien ici, et que les
saines doctrines
— Ça ne va pas trop mal , Dieu merci ; les seigles ,
les froments , les avoines de monsieur sont plus belles
que jamais , ses vignes promettent , son potager est
plantureux , ses juments poulinières sont pleines, tout
est donc pour le mieux; quant aux saines doctrines, je
crois qu'elles vont bien aussi, malheureusement. .
— Que veux-tu dire, Jobin?
— Que je ne sais pas ce que c'es:.
— Je te l'apprendrai.
— C'est cela, notre maître; en attendant je vais dire
à tout le pays que vous êtes arrivé.
— Pas encore, je veux avoir le temps de me re-
poser, n
■< Avez-vous bien dormi , notre maître?
— Pas lual, |)as mal.
— Le séjour de Paris n'a ]ias maigri iM'sieu.
— Tu trouves ?
— Mais oui , mais oui.
— Jobin !
— Noire maître ?
— C'est aujourd'hui dimanciie.
— Je m'en suis bien aperçu ce malin en me levant
une heure plus tard.
— Est-ce que vous n'allez pas à la messe, mon ami ?
— Je n'ai pas le temps; il faut que je rentre mes
haricots.
— Jobin, vous êtes un impie, un voltairien.
— In impie, un voltairien ! Qu'est-ce que c'est
que ça ?
— Un voltairien est celui qui ne va pas à la messe
le dimanche.
— Bah !
— Qui ne salue pas son curé.
— Tiens, tiens, tiens !
— Qui ne lit pas matin et soir le Conslllutionnel,
— Vraiment !
— Qui désapprouve l'expédition de P>ome , qui ne
souscrit pas pour la propagande antidémocratique, qui
AOte pour les candidats républicains.
REVUE COMIQUE
— Vous avez donc été vollairiL'ii, notre iiiaîlre?
— Chut ! j'cu demande pardon h Dieu. D'ailleurs
M. de Falloux m'a donné l'absolution au prix deciuinw
Paler cl de vingt-cinq Jve Maria. La grâce m'a
louché , et je vois bien qu'il faut sauver l'ordre par la
religion et la religion par l'ordre.
— Maintenant, notre maître, dites-moi ce que c'est
qu'un impie?
— L'impie est celui qui manque les vêpres , qui
n'envoie pas ses enfants chez les frères ignorantins, qui
ne se confesse pas, qui prend la taille dos filles
— M'est avis que vous étiez joliment impie dans vo-
tre temps : on dit que c'est vous qui avez établi la pre-
mière école d'enseignement mutuel dans le déparle-
ment, et ça vous a fait fièrement d'honneur; ([uant à la
taille des filles, la grosse Nanon , la grosse Jcanneton ,
la grosse
— Silence! j'ai expié mes erreurs en me confessant
à M. de Montalembert, et je les ai réparées pannes
votes. La morale est la base de toute société. Vive la
morale, la religion et l'ordre ! Songe à aller h la messe,
sinon je te chasse.
— On ira, notre maître, on ira ! »
riL
. Tu as annoncé la nouvelle de mon arri\ée?
— Oui, notre maître, je l'ai dit à tout le monde.
Eh bien! Jobin , quel effet cette nouvelle a-t-tile
produit?
— Quel effet?
— Oui. Qu'as-tu donc à te gratter l'oreille?
— C'est que, voyez-vous...
Quand auras-tu fini de reloinner ton chapeau en-
tre tes mains? Voyons, parle.
— Ils ont dit comme ça...
— Qu'ont-ils dit?
Que vous auriez mieux fait tout de même de rester
où vous étiez.
— Ah! ah! ah!
— Que vous ne touchiez pas neuf mille francs par
an pour prendre ainsi deux mois de vacances, quand il
y a tant de choses à faire.
— Ils ont dit cela?
— El bien d'autres choses encore.
— Quoi donc?
— Que lorsqu'on ne fait rien, on ne se fait pas payer
comme si on travaillait; que quand on ne veut j)as
faire les affaires du pays on donne .-a démission ; que...
— Assez, Jobin, assez, je vois où ces gens-là ont
puisé leurs doctrines. Ceci me prouve la nécessité
de la loi sur la presse et de la prorogation de l'As-
scroblée. Notre présence était indispensable pour relever
l'esprit public dans les départements. Dés demain , je
commencerai ma tournée. Prenons en attendant quel-
(jnes renseignements sur l'attitude des fonctionnaires
de l'arrondissement, ils sentent furieusement l'hérésie. >.
IV.
« Est-on conteni du maire dans le pays?
— Le capitaine Milard?
— Précisément. Crois-tu qu'il soit à la hauteur des
circonstances, Jobin?
— Je ne sais pas de quelles circonslances notre maître
veut parler; mais à dix lieues à la ronde, on ne jure
que par lui : c'est un bien brave homme.
— Est-il bien avec M. le curé?
— Comme chien et chat. C'est absolument comme
lorsque vous étiez maire, notre maître; vous vouliez
qu'on dansât, le curé ne le voulait pas; le curé faisait
des processions, vous refusiez d'y aller; il demandait
qu'on fermât les cabarets le dimanche, vous leur don
niez la permission de minuit ; pendant qu'il chantait ses
cantiques, suivi des badauds de la procession, vous en-
tonniez avec vos amis les chansons de Béranger sur
celte petite terrasse que je vois là. l^orsquc...
— C'est bien, Jobin, on ne vous en demande |)as
tant; je vois que vous avez bonne mémoire. Que pense-
t-on du sous-préfet?
— On l'aime bien tout de même; c'est un bon jeune
homme qui a voulu lui-même mettre le feu au feu de
la Saint-Jean , comme c'était l'usage dans le pays.
" Mes enfants, a-t-il dit, respect aux vieilles coutumes
qui ne font pas de mal. Vive la Républiipie ! »
— Il a crié Vive la République ?
— Comme vous, notre maître, le lendemain de la
révolution de février. Nous avez-vous fait crier Vive la
République! Il y en avait qui disaient comme ça que
c'était parce que vous aviez peur ; mais je vois bien
maintenant que c'était pour notre bien; aussi nous .som-
mes tous devenus républicains dans le pays ; vous serez
content, notre maître, allez. Vive la République!
— Trêve à votre enthousiasme, maître Jobin. Et le
maître d'école, comment traite-ton le maître d'école?
— Oh! pour celui-là, notre maître, on le vénère.
C'est un jeune homme comme notre soiis-préfcl , mais
il a l'air d'un prêtre , et bien siu- qu'il vil aussi sainte-
ment que pas un évèque ou curé. Il y a eu dernière-
ment une épidémie dans le pays, il n'a pas (juillé le
chevet des malades; la semaine dernière il a sauvé l'en-
fant à Marie- Jeanne, ijui était tombé, en jouant, dans
l'écluse du Moulin-Vieux. C'est lui qui nous a appris à
aimer et à comprendre la Ré|)ublique. C'est vous qui
l'avez fait nommer dans le temps, et celte fois votre re-
commandation, on peut le dire, est bien tombée , vous
avez fait un véritable cadeau à notre contrée.
LES BULLES DE SAVON.
Dessiné par Bertall.
Gravé pat Bauunt
REVUE COMIQUE
— C'est bu'ii. Passons maiiitcnanl au juge de paix.
— Le père Carambcau, voire aiicieu ami? En avez-
vous fait ensemble, de ces farces. Mon oncle Pierre,
qui pour lors était au service de M. Carambeau , m'en
a-t-il raconté sur votre compte ! Vous étiez deux fameux
gaillards, comme on dit , aimant la bouteille, le cotillon
et délestant les calotius. Le père Carambcau , nous l'ap-
pelons ainsi dans le pays, est loujoms à peu près le
même ; il a renoncé à la bouteille depuis qu'il est ma-
gistrat, mais il aime toujours un peu la fdleitc. Du rcsle,
personne ne rend la justice comiue lui : riche ou pau-
vre, paysan ou bourgeois, c'est tout un devant lui. Le
père Carambeau, c'est l'honneur et la probité même;
j'aurais des millions que je les lui confierais sans la
moindre signature.
— Va-t-il à la messe ?
— Allons donc! Pas plus que vous n'y alliez, noire
maître.
— On ne vous demande pas de réllexions , maîlre
Jobin. Que devient le garde-champêtre?
— Oh ! pour celui-là , il fait une rude guerre aux
maraudeurs. Ce n'est que depuis qu'il est là que les
pêches mûrissent ; c'est un ancien volontaire de 92 ; un
vieux dur-à-cuire qui ne connaît que deux choses : sa
consigne et son général Moreau. Un brave homme , du
reste, et qui ne se met en colère que lorsqu'on veut
soutenir que son vieux général a été tué dans les rangs
de l'armée russe; il prétend que ce sont ses ennemis
qui font courir ce bruit-là. Notre maître a-t-il encore
quelque chose à me demander? autrement, avec sa
permission , j'irais donner à manger aux canards.
— Occupez-vous des canards , Jobin , vous en êtes
le maître. Je vais rester seul un instant. «
Monsieur le Ministre,
Je m'empresse de vous transmettre les détails conG-
dentiels que vous m'avez demandés sur les fonctionnaires
de mou arrondissement.
Elgè.\e Merville, sous-préfet. — Il compromci
l'autorité en assistant aux saturnales démagogiques aux-
quelles se sont livrés les habitants le jour de la Saint-
Jean. Il a mis le feu lui-même aux fagots aux cris de
vive la République. Dangereux.
Le capitaine Mtaid. — Voltairien, impie, ennemi
du pouvoir temporel des papes, ne se concertant jamais
a\ec l'autorité religieuse pour les mesures de son admi-
nistration. Très-dangereux.
Cara.mbeau, juge de paix. — Homme de mœurs
dépravées, n'allant jamais à la messe. Excessivement
dangereux.
ANDRK , maîlre d'école. — Cachant sous des dehors
de vertu et de dévouement les idées les plus subversi-
ves : il soigne les malades et sau\e les enfants. C'est le
plus dangereux de tous.
Testulat, garde-champêtre. — Ancien terroriste,
plus lard l'un des mécontents de l'armée de Moreau,
ne cachant pas son projet de tenter une conspiration eu
faveur de son général, qu'il ne croit pas mori; eimemi
juré, par conséquent, de la famille régnante. Homme
capable de loul.
Une destitution en masse de tous ces fonctionnaires est
seule capable de rendre le calme et la sécurité au pays.
Je ne répondrai pas de mon arrondissement tant qu'il
sera en de pareilles mains. Demandez un sous-préfet à
M. de Montalemberi.
En attendant la prompte réalisation de la mesure que
,e sollicite , j'ai l'honneur d'être , monsieni- le ministre,
avec le plus profond respect, voire très-humble et très-
obéissant serviteur,
J.-P.-C. Cascaret,
RepréscntaDt du pcople
VL
« Notre maître?
— Qu'y a-t-il donc?
— C'est monsieur Cabassol qui , ayant appris votre
arrivée , demande à vous parler.
— Va électeur des plus inauents ! Qu'il entre tout de
suite! Eh! bonjour, monsieur Cabassol!
— Je suis bien le vôtre , monsieur Cascaret.
— Comment se porte madame Cabassol?
— A merveille. C'est beaucouj) d'honneur que vous
nous faites.
— Et votre charmant enfant Dodophe?
— Il a la coqueluche pour le moment.
— Pauvre cher irésor! Et Azor?
— Azor est mort!
— Hélas ! monsieur Cabassol , nous sonmies tous
mortels!
— C'est ce que je disais à madame Cabassol ; elle
n'en a lias moins fait une maladie. Mais je viens pour
causer d'affaires avec vous. Je suis délégué , en qualité
de vice -président du Comité électoral , pour vous de-
mander des éclaircissements.
— Sur quoi ?
— 1" Sur l'expédition de Rome , 2" sur la i>roroga-
lion, et enfin sur....
— Vous êtes Français, monsieur Cabassol, je suis
Français; vous êtes un homme d'ordre, je suis un
homme d'ordre, nous voulons tous l'ordre ; je puis donc
m'cxprimer franchement avec vous ei aborder les ques-
tions de front. En ce qui concerne l'expédition romaine.
A LUSACiK DES GK.NS SEIUKL'X.
103
VOUS «ivcz pu croire un instant que le gouvernenieni
voulait la rcsircindro aux proportions (ixres par l'Assciii-
l)lt'e consliiuantc ; rassurez-vous , Irllc n'ajam.iis i'-U- son
intention : l'cxpodiiion romaine , dans la pensée du ca-
binet, a été, avant toute chose, ralli(iii(|uc, apiislolifiiie
et romaine; nous avons \oulii réiaiilir lu ponvciir spi-
ritucl cl temporel des papes.
— C'est là ce que le gouvernement a voulu faiie'.'
— Posiliveuienl ; je suis cliainié d'en fiiire part à ses
amis : c'est un acheminement pour arriver à rendre en
France l'état civil au clergé; sans cela nous n'amious
jamais d'ordre réel cl |iosilif. Quant à la prorogaliou....
— Voyons un peu la prorogation.
— Il n'a pas dû échapper à un esprit aussi perspicace
que le vôtre qu'en prorogeant l'Assemblée on voulait
tout simplement ceci : prouver que, même en répuhli-
(pie, une assend)lée délibérante est un rouage inutile,
et f[uc le véritable gouvernement réside dans le pouvoii-
exécuiif. \ous comprenez bien toutes les conséquences
de ce principe?
— Parbleu !
— Vous a\ie/., ji' crois, une Iroisième question à
m'adresser.
— Oui , an sujet des fonds du la souscription de la
rue de Poitiers. Nous avons souscrit pour une somme
assez considérable , et nous sciions bien aises qu'on
nous rendît des comptes.
— Des com])tes I
t.N ÉPISODE DES PKaMËNAUES PllESIDENTIELLES.
Sentinelles pUicées en observation dans un village bien pensant pour signaler rapproche du convoi.
REVUE COMIQUE.
— Sans doute . puisqu'on nous les a prorais.
— Esl-ce qu'on lient jamais ces promesses-là ! Est-ce
qu'un homme politique comme vous consentirait jamais
à foiccr un gouvernement à lui rendie compte des fonds
secrets!
— La rue de Poitiers assimile donc son action à celle
de la rue de Jérusalem? .le croyais qu'elle faisait de la
propagande, et non pas de la police. Ainsi nous n'au-
rons pas de comptes ?
— Sauvons d'abord la société, il sera toujours temps
d'apurer les comptes, ,1'espère que c'est aussi votre avis,
monsieur Cabassol?
— J'y réfléchirai, monsieur Cascarcl, j'y réfléchirai. »
\1I.
<' Je te trouve l'air mystérieux depuis (pielques
jours, Jobin ; tu ine caches quelque chose.
— Moi, notre maître?
— Toi-même. Soyez franc, maître Jobin ; vous a\ez
enteudu dire qu'on me piéparait (piebiue surprise dans
le pays.
— Une surprise ! qu'esl-cc (pic c'est que ça?
— Une sérénade.
— Personne ne parle de .sérénade.
— In hal.
— Il n'est ULdlrnienl question de danse.
— Un banquet.
— Je n'en ai pas entendu dire un mot ii la dernière
;';iire des bestiaux.
— Ou se cache de toi, de pem que lu ne \ienncs
me redire ce qui se préparc.
— C'est possible, m'sieu, c'est possible.
— Sûrement, il se trame quelque chose en mon
honneur : je vois tous les jours Cabassol en grande con-
férence avec les membres du comité électoral. Il y aura
une manifestation, j'en suis certain, un de ces jours,
peut-être aujourd'hui même; non, il est trop tard, on
l'aura remise à demain. Allons nous coucher, Jobin.
— Koniie niiil, notre maître.
— Demain, c'est jour de marché; lu le lèveras de
bonne heure pour aller aux informations, et lu me rap-
porteras des nouvelles.
— Soyez tranquille, m'sieu, soyez tranquille. •>
IIKOIME 01 Dl.VOT- l'Ai. LOI X
Au'ivid les Koniains auront bien de la peine à se faire
A LlSACiK DKS GK>S SKRIKl X.
VIII.
" M'sieu (lascarcl, noire inailic, niMeii (_:iiscarel !
— Qu'y a l-il? que se passe-t-il? d'où vieiU loul ce
oairinc?
— C'est la surprise, m'sieu, réveillez-vous.
— Quelle surprise?
— La inanifeslatioii que vous attendiez pour demain,
il lirait (pi'elie aura lieu ce soir. Tout le peu|>ie est en
rumeur.
— .Mais c'est un charivari !
— Oui, notre maître, c'est comme cela ([u'ils l'ap-
pellent tous. La ville entière est sous vos feiièlres. Quel
bruit, grand Dieu! jamais mes oreilles n'ont rien en-
tendu de pareil, et ils ont promis de le faire durer jus-
qu'il demain. Tout le monde est furieux contre vous.
— J'ai de la peine à m'expliqiier cette fureur.
— Ils prétendent qu'où a destitué le suus-préfet , le
maire, le juge de paix, le maître d'école, le garde
champêtre , et que c'est m'sieu qui a fait le coup pour
les remplacer par des jésuites.
— J'ai remplacé les démagogues par des lioiiimes
d'ordre, comme c'était mon devoir, et les homine.s
d'ordre m'en sauront gré. Laissons hurler tous ces so-
cialistes; demain les amis de la famille et de la pro-
priété me vengeront. Je m'étonne cependant que (ja-
bassol, (|ui commande la garde nationale , ne disperse
pas cette canailli'. D'un charivari à une barricade il n'y
a qu'un pas. Où allez-vous donc, Jobin ?
— Sur la place, notre maître. Puisqu'on ne peiil pas
dormir, autant vaut aller faite cumme eux.
— Il était temps de prendre des mesures radicales ,
l'esprit d'anarchie aurait fini par gangrenei' tout le pays.»
IX.
" Comment, Cabassol , vous étiez à la campagne?
— Oui , mon cher Cascarct.
— Vous n'étiez donc pas prévenu de l'affaire?
— Au contraire , mais je n'aurais pas pu m'\ opposer.
— Vous vous seriez laissé opprimer par une mino-
rité turbulente et factieuse ?
— Dites par la majorité , mon cher Cascarel. Que
voulez- vous? nous sommes las de clianger de gouver-
EŒJOnSSA.NXES PUBLIQUES
Etservées pour le jour de la rentrée du sacré collège à Borne.
I
106
REVUE COMIQUE
EXPOSITION DE L'INDUSTRIE — MODES UTILES.
Costume d'été contre la poussière.
Costuroi; d'iiiver contre la pluie et lu bouc.
nemeiit, la République nous suffit, el nous prcicndons
nous y tenir. Nous ne croyons ni qu'il soit nécessaire
pour sauver la société de rendre Télat civil au clergé ,
ni que le pouvoir exécutif doive empiéter sur le pouvoir
législatif, ni qu'on ait agi sagement de verser le sang
de la France pour rétablir le pape. Nous étions con-
tents de nos fonctionnaires, vous les avez fait destituer
pour les remplacer par des administrateurs sortis des
séminaires ; cela seul valait bien un charivari , convenez-
en , cher Cascaret?
— Monsieur Cabassol?
— Monsieur Cascaret.
— Voulez-vous savoir mon opinion sur votie compte.
— Parlez.
— Vous êtes un rouge.
— Allons donc'.
— Vous abandonnez le grand parti de l'ordre.
— Nous ne l'entendons pas de la même manière , et
je vous préviens ([u'il y a ici beaucoup de gens qui
pensent comme moi.
— Qu'est-ce à dire?
— Souvenez-vous de cet avertissement aux pro-
chaines élections; à bon entendeur, salut! »
X.
1 Jobin !
— M'sieu ?
— Mes ordres sont-ils exécutés?
— Oui, notre maître, les malles sont prêtes.
— Les chevaux sont-ils commandés?
— M'sieu veut donc partir tout de suite?
— Dans cinq minutes.
— Et que fercz-vous, notre maître, à Taris pendant
i deux mois de vacances?
J'irai me promener au jardin-des-Plantcs.
— M'sieu devrait bien m'aniencr avec lui.
— Pourquoi faire?
— Pour vous distraire, notre maître. ■>
.IliAN VlilîTOT.
A L'USAGK DKS GKISS SKRIELX.
Des armes à Teu ! en état de siège !
ndéraent il n'y aura d'harmonie à la chambre que lorsqu'on [ne
prendra pour représentants que des musiciens.
GAUDISSART NEVEU, COMMIS- VO Y AGElR EN COUPS D'ÉTAT.
« Eh ! voilà ce cher Gaudissart ! Enchanté de vous voif,
monsieur Gaudissart.
— Monsieur, je suis bien le vôtre.
— Toujours commis-voyageur ?
— Dites : plus que jamais,
— Pour quelle partie voyagez-vous?
— Pour les coups d'État. Je cherche en ce moment
à en placer un qui sort des ateliers Changarnier , Mon-
lalembert , Falloux et C'= , maison puissante et fort
avantageusement connue.
— Eh bien, parviendrez-vous à vous en débarrasser?
— Difficilement ! on se méfie. J'ai beau dire aux
acheteurs : prenez-le , vous serez contents , ça ne mord
pas.
— Avez-Tous parcouru tous nos départements?
— Quelques-uns seulement, mais je compte les visi-
ter tous.
— Commencez par le Midi; on prétend que les coups
d'État sont beaucoup demandés dans le Bordelais.
— Les gens de la Gironde crient beaucoup , je ne
dis pas le contraire ; mais quand il s'agit de conclure le
marché, ils hésitent.
— Si vous alliez en Provence ?
— Les Provençaux ont assez de conûance dans les
produits de la maison Changarnier, Montalembcrt, Fal-
loux et C'% mais le coup d'État dont je voudrais me
défaire n'est point fabriqué à la mode du pays. Il faut
faire pour eux les choses plus en grand, et les indus-
triels en question ne sont pas encore assez convenable-
ment outillés pour cela.
— Un homme comme vous, et dans les circonstances
actuelles , où cet objet de consommation est assez re-
cherché, devrait trouver à se débarrasser d'un coup
d'Étal dont on garantit la durée.
— Pour dix ans seulement, pas davantage.
— On pourrait après cela renouveler le brevet d'in-
vention.
— Je ne dis pas... si on voulait.
— Quelles objections vous fait-on quand vous pro-
posez votre coup d'État?
— On me crie : Vive la République !
— Vraiment 1
— C'est comme j'ai l'honneur de vous le dire. Im-
possible alors de déployer mes échantillons. C'est ce
qui m'est arrivé en Touraine , en Anjou, eu Picardie,
partout. J'ai reçu, il faut le dire, un accueil charmant,
le nom de l'illustre Gaudissart , mon oncle , est trop
connu dans toute la France pour que son neveu ne
profite pas un peu de sa popularité. On me choyait, on
m'invitait à dîner, mais le dessert venu, lorsque je vou-
lais parler d'affaires et toucher quelques mots du petit
coup d'Étal que je portais dans ma valise , on me ré-
I
RKVUK COMIQUK
pondail : A la saïUé de l'illustre Gaudissarl, buvons à
ses màiii's iiiuslrcs !
Ou bien : Vive la République !
— Il doit y avoir de votre faute , mon cher Gau-
dissarl, et à votre place votre oncle se serait bien vite
débarrassé de cette marchandise encombrante qu'on
appelle un coup d'État.
Je n'ai pas le bagou de l'illustre Gaudissart, c'est
vrai, mais on a sa petite blague tout de même , et on
sait cmpaimicr la pratique à peu près comme le pre-
mier veuu.
En matière commerciale , je suis de l'avis de Jo-
conde , je courtise la brune et la blonde : légitimiste
avec les Augevius, conservateur avec les Picards, pres-
que libéral avec les Tourangeaux, partout où j'ai voyagé
selon les pays j'ai changé. La Vendée , Waterloo , les
blancs, les bleus, les compliments h la maîtresse et au
maître de la maison , les bonbons aux enfants, les flat-
teries aux domestiques, j'ai tout luèlé, tout employé,
personne ne m'a dit seulement : <• Déballez votre coup
d'État pour que je voie uu peu combien en vaut l'aune. »
— Peut-être y a-t-il des concurrences?
— Il y a bien la maison Thitrs- Mole et C" , qui fabri-
que aussi les coups d'État; mais pour le moment ces
messieurs ont éteint leurs fourneaux et renvoyé leurs
ouviiers.
— Qui sait si la maison Changarnier-Monlalemberi-
Falloux n'envoie pas des commis -voyageurs avec une
marque de qualité supérieure, tandis que vous avez la
fausse marque qui éloigne les clients?
— Vous pourriez croire —
— Écoutez , jeuue homme : la maison en question fil ,
lans le temps qu'elle était en d'autres mains, des pro-
positions à l'illustre Gaudissart , Gnudissart I", comme
tout le monde l'apiwlait , votre oncle n'accepta pas le
coup d'État , de la réussite duquel on voulut le charger
moyemiant une bonne commission. Il faut en convenir,
votre oncle aima mieux travailler pour sou compte; on
ne le lui a point pardonné , et c'est sur vous aujourd'hui
(|ue pourrait bien retomber la vengeance des prédéces-
seurs de Changarnier, Montalembert, Falloux et G'".
— Je me tiendrai sur mes gardes.
— El vous ferez bien. Quant h votre coup d'État...
— On me fait csjiérer que je pourrai m'en débarras-
ser en Normandie ; je vais partir dés demain jiour ce
pays.
— Les Normands cependant n'aimenl guère les coui)s
d'Étal.
On a distribué deiiuis quelques mois beaucouj) de
prospectus dans les campagnes, et, avec l'aide des curés
et des colonels en retraite , je finirai par tirer un assez
bon parti de ma marchandise.
— Je crois que l'on se trompe si on vous a fait croire
cela.
■— Est-ce qu'on |ieul irom|)er le neveu de 1 illustri'
Gaudissarl?
— Tout comme un autre; j'arrive delà .Normandie.
— Depuis ([uaud?
— Depuis une heure , et je puis vous assurer qu'eu
Normandie ou ne vous donnera pas seulement vingt-
cinq centimes de votre coup d'Etal.
— Alors je le ferai démonter, et je le vendrai en
détail.
— Vous ferez bien mieux de le rendre à la maison
Changarnier, MouUlemberU, Falloux elC".
— Je m'arrêterai peut-être à ce dernier parti.
— C'est le plus sûr, croyez -moi; quittez les coups
d'État , cl voyagez pour une autre partie.
IXS AVENTURES DIVERTISSANTES ET NON FOIITIQUES
/). m.nirr. Lo/,/' cl de sou cp/ircdi Pipi S-
Maître Keill est r^eillé
.aâsez aubitement.
Maître Lapp cherche à éloigner s
de la fenêtre de maitre Ke
Ce qu
nalgré l'assistance dan valet philanthropiqu
devient impossible.
A L'USAr.K DKS GKNS SKlUKliX.
LA SCKNK SK l'VSSK A (iAK'Il-;
" ()uo (lésirpz-voiis, colonel ?
— Je viens de remettre, de la pari du m'riéral Oiidi-
not , les fiefs de Rome an Sainl-Pèro, cl je désire parler
au sacré colléj^e.
— Il est en prières avec l'andjassadenr de Naple>.
— Nos soldats orciipeiit Rome, les triumvirs sont en
fuite , (larihaldi est parti ; le générai désire sa>oir (piaiid
le sacré collège entrera dans la ville élernelleV
— Pas encore , pas encore. «
l.e colonel remonte à cheval.
>. Ou'ya-t-il pour votre service, comiiiandaiii?
— Mon générai m'a donné une mission pour le sacré
collège, je voudrais lui parler sur-le-champ.
— Impossible! il récite son chapelet avec l'ambassa-
deur d'Autriche.
— Ce cha|)elet est-il long?
— Très-long, c'est un chapelet extraordinaire. L)on-
uez-moi votre message, je le transmettrai.
— C'est un message purement verbal. Le général fait
signer à force des adresses pour demander le retour du
pape. Les cafés où l'on tenait des propos séditieux sont
fermés, les insignes de l'ancien gouvernement sont ré-
tablis partout; le général demande si les cardinaux
viendront bientôt s'installer au Vatican?
— Pas encore , pas encore. ■
Le commandant se dirige vers le quariier général.
!• Que demandez- vous , capitaine ?
— ;- Je demande à entretenir sans rciard le sacré collège.
— Il est il matines avec l'audjassaili'ur d'Kspagne.
— Après matines?
— Il entendra la mi-sse avec le {|iar'.;é d'jlljires de
Russie.
— Après la messe?
— Il ira à vêpres avec le ministre de l'iisrane.
— .Après vêpres?
— Il se couchera.
— Le sacré collège est donc invisible?
— Pour aujourd'hui ; mais si c'est (|uel(|ne chose
(pi'on puisse lui dire?
— Diles-lni que les journ.iux sont su|)priniés, que
Rome est en étal de siège , qu'on a expulsé tous les gens
(pi'on |)ouvait soupçonner de la moindre nuance de
libéralisme; le général voudrait savoir d'une manière
calégori((ue si le sacré collège ne trouve pas (|ue le
moment soit favorable pour opérer sa rentrée.
— Pas encore , pas encore. ■<
Le capilaiiie retonriie à Rome.
" Qui va là ,
— C'est moi.
— Qui, vous?
— L'abbé de Falloux. Le sacré collège esi-il visible?
— Pour vous, toujours.
— Annoncez moi.
— Eminences, voici l'abbé de Falluux.
— Qu'il entre, et qu'on lui donne un siège d'hon-
neur. »
L'abbé de Fallonx s'asseoit.
I.ES AVENTURES DIVERTISSANTES ET NON FOUTIÇUES
De maître Lapp et Je bOn apprenti I ipps.
D«-uï apprentis cordonniers el un appri*nti
tailleur, mus par le même sentiment,
viennent en aide.
«>n arrive à un i
Deux charretiers réussissent enfin à ent
ner le cheval loin de la fenêtre, mai =
le cheval entraine maître Keill.
REVUE COMIQUE
« Euiincnces, je viens vous nppieiulre que le gou-
veruemeiit papal peut dôcidénieiU fonctionner. Les ca-
chots (lu fort Saint-Ange sont pleins de prisonniers. Il
faut frapper les traîtres.
— Nous avons carte blanche ?
— EntièicnieHi.
— Nous n'attendions pas moins du la France. Remet-
tez de notre part , en signe de reconnaissance , ce mor-
ceau de la vraie croix au général Oudinot. Maintenant
qu'il s'agit de représailles, fixons le jour de notre
rentrée.
— Tout de suite, tout de suite ! »
1.01 SUR L'ÉTAT DE SIEGE.
Avant d'entrer en vacances, l'Assenihlée nationale légishilivc a voulu doler le pays de la lui sur l'étal de siège;
nous nous empressons de la publier.
Article 1".
Aucun Français, aux termes de la Constitution, ne pouvant être distrait de ses juges
naturels, on confie durant 1 état de siège la connaissance des délits de presse à quatre hommeâ
et un caporal.
Article 2.
Le gouvernement proclame TcHat de siège quand il lui plaîl.
Voilà toute la loi. Nous devons rendre justice aux efforts de M. Dufaure pour la faire adopter. Il est question
de lui voter une médaille d'honneiu-, représentant d'un côté la figure de l'illustre ministre, de l'autre la Liberté
avec l'exergue : « C'est ce qu'on aime qu'on veut enchaîner. »
XrS AVENTURES DIVERTISSANTES ET NON POUTIQUES
De mn'tre Lcipp et de son appreiift Pipps.
.Maître Kcill Unit par se débar-
rasser du cheval , mais avec
perle de chevelure et
bénéfice de tessons
de vitre.
Maître KciU jure par tout <■
qu'il a de plus cher de
tirer une vengeance
terrible du
tailleur.
Pendant ce temps, maître I.app entraîné, comme un
nouveau Mazcppa par son coursier , traverse
(La suileù hicnlôt.)
A 1.
l SU'.K DKS (iKNS SKKIKl \. m
LE MKA Cl LPA.
PIIKMIKIIK VOIX.
Tnoisii-:ME voi\.
J'iiiiiip le lisdi' lu vallée,
Jf di'leslais le coq gaulois;
Aussi , ilans une autre assemblée
Ai-je volé noir bien des fois.
Qu'importait la rhose publique'
Mais qu'un roi vienne désormais,
En haine de la République ,
Je vote blanc à loul jamai^.
Enfant de lu philosophie ,
Je n'écoutais que ma raison.
Insensé ((ui, dans ma folie,
Courais à ma perdition!
Le prêtre a dit qu'il fallait croire;
La religion est un frein
Eh bien! ciel, enfer, purgatoire,
Je crois tout. , . . tout jusqu'à demain.
CUOEIB.
riK»:iR.
Meà eulpù , meà culpâ ,
r.'esl ma faute , je m'en confesse
Pardonnez , Jésus , Maria ,
Ce gros péché de ma jeunesse ;
Meà culpà niaximà!
Meà culpà, meà culpà,
C'est ma faute, je m'en confesse;
Pardonnez, Jésus, Maria,
Cj- gros péché de ma jeunesse ;
>Ieà culpâ maximà !
DEUXIÈME VOIX.
QUATRIÈME VOIX.
A la nouvelle dynastie ,
Moi, j'avais donné mon amour;
Je l'aimais avec frénésie ,
Mais non sans espoir de letour :
Je désirais un ministère;
Le vieux roi no me voulait pas.
Je banquetai Cruelle terre .
Tu devais fouvrir sous mes pas :
*•
Enfant de Mars et de la Gloire ,
Je me moquais de tout jadis,
Et volais après la victoire
Sans trop songer au paradis.
Que de fois, après mainte étape,
M'amusé-je comme un pa'i'en !
Dieu me pardonne, et que le pape
Me laisse gémir dans sou sein ! !
CHOEUR.
CHOEUR.
Meà culpâ , meà culpà ,
C'est ma faute, je m'en confesse;
Pardonnez, Jésus, Maria,
Ce gros péché de ma jeunesse ;
Meà culpà maximà !
Meà culpà , meà culpà ,
C'est ma faule , je m'en confesse ;
Pardonnez, Jésus, Maria,
Ce gros péché de ma jeunesse ;
Meà culpà maximà !
MOI.
Lorsque la noble populace
Veillait sur la riche cité,
Tous ces hommes, avec audace .
Criaient : Vive la liberté 1
Dupes de leur hypocrisie ,
Nous les crûmes de bonne foi ;
Républicains, quelle folie'.....
Allons! répétez avec moi :
M^ à ■•u!pà , meà culpà ,
C est ma faute , je m'en confesse ;
Pardonnons-nous ce péché-là ,
C'était un péché de jeunesse;
-Meà culpà maximà !
Docteur H. M.
7 aoQt 1819.
112
KEVUE COMIQUE.
!
f
Aulietois clKiinpioii ilc lii déniornilic,
Tocqueville il Falluiix ;iccoiile son (•(incuiiis;
Des sacri'S ciiidiiiaux, en ses pâles discums,
Il défend la suprc'^malic.
Ne soyons pas surpris qu'il vienne réf\iler
Sa foi'des anciens jours et ses premiers ouvraize--
Il a , dans ses nombreux voyage- ,
Pris l'habimai- .le noiler.. ..
Dessiné par FABRiT7it
Gravé par BuJl *-jt.
I
(vitliiiics.
DUMINEHAT . ÉDITEUK , HUE RICHELIEU, yi.
<V' l.iriaiSdil.
vrrTfpra
OM>ITIO\S DE LA SOI SCIUPTION. — La RtvuE coMlgl E formera drux rolumcs srand in-8°, publiés en W livraisons a 3ti remîmes:
■ei.timrs Le premier volume composé des 25 premières livraisons, a été achevé le 28 avril lrt49. Il renferme .nviron 500 caric.turrs poMliqu
•oliime ; 7 fr. 50 c; par la puste, 10 fr. Le second volume parait en livraisons. On souscrit , pour ce volume , tn payant 7 tr. 60 c. pour Pans
départcmeols.
par la po-îe,
es. — Prii de
, et 10 fr. pour
•I
AUX SOTTSCniPTEURS DE lA REVUE COMIQUE.
Le premier feuillet de ciiiKiiic livraison, lepiorluisatU uiiifoimément le dessin de la couverlure , doil
être enlevé à la hiocluiie. — Afin de varier le verso de ce premier fcnillet, sans toutefois y insérer rien
d'import.Tnl , dont la suppression aurait quelque inconvénient, ce verso, à l'avenir, sera occupé par la cor-
respondance de la Revle, par des annonces drolatiques, ou quel(|ue aulre sujet accessoire eu dehors de
notre cadre; de telle sorte que lorsque les souscripteurs réuniront en volumes la collection des livraisons,
ce feuillet, enlevé, ne supprimera aucune iiarlic intégrante de l'ouvrage. Le dernier feuillet de la couver-
ture, formant la dernière et l'avant- derniéie page de chaque livraison, devra être relié avec l'ouvrage
complet, dont il ne peut être détaché.
AVIS AUX JOURNAUX DE PARIS ET DES DÉPARTEMENTS.
Nous autorisons la ropn«lui.lion dos orlii'les conU-iius ilaiis Ui Uceiie rmuir/iic , à b condition :
i" De citer la Revue en lui empruntant ses articles;
■î" De limiter, par chaque semaine, la reproduction au tiois des maliorcs contenues dans ilia(|ue numéro.
Pendant la durée des vacances la REVUS COSaïQUE ne paraîtra que tous les quinze jours,
à moins qu'il ne survienne des sujets pressants.
CORRESPONDANCE.
A M J. K. — Nous avons déjà deux articles sur ce
sujet.
AM. T. B., à Bar-sur-Aube. — N'y pensez plus!...
Au Conseil municipal de V — Nous sommes
inliniment Haltes des trois souscriptions que vous avez
bien voulu prendre poin- les trois principaux établisse-
ments de votre localiié.
A M. Ulysse B. — Ils ont tous, en etl'et, des tèles
affreuses!
A M. K. D., à Rouen. — Le premier point est iiieun-
lestable, le second est assez présuniable; mais la con-
clusion est bien tombée dans l'eau : veuillez terminer
voire travail sur celte donnée, nous nous empresse-
rons de le publier.
A M. L. a Lille. — Vos Inminmi^ sont trop sifs, el
ne tiennent pas assez comple île la nouvelle lé-islaiiun
de la presse.
A M. K. C. — Vos proverbes manquent un peu
d'à-propos; cependant ils peuvent redevenir de circon-
stance, c'est même Irés-probable, et il ne faudra pas
attendre très-longlemps, nous le pensons : si vous n'en
avez pas alors autrement disposé, nous serons enchanté
de les publier.
A M. P. N. — Nous avons pris note des diverses de-
mandes que vous nous adressez, et chaque objet sera
exactement envoyé.
A M. C. P. — Le coloris augmente considérablement
les frais, sans cela nous l'adopterions pour chaque
livraison; mais, vu l'excessif bon marché de nos
livraisons, il ne rous est pas possible d'y songer.
A M. de K. K. Q. G., à QuimfcrU. — 'Hms pouvons
NOUS affirmer (uie le portrait en cpieslion est très-res-
semblant , el nous \ eus fournirons tous les tirages que
VOUS voudrez bien nous demander, en y joignant le
con|)lel que vous nous avez adressé.
Pour paraître dans le courant d'aoùl chez MARTINON, rue du CoqSaint-Honoré, l\.
LE GRAND ET MAGNIFIQUE
ALiiANiicii DE inmi mmi
l'oiii I N»>u ^
Rcnfermanl la trés-ccU'hre prédidion pour celle élonnaiiie année, déconvcric en 15.50, allrihuéc au grand
Mischskolskcski III el très-connue dans le.s provinces dannhienncs .sous le nom de Prophétie Slave.
Lu juli Vdhimc l;i;iii(I iii-IO illuslrr de iionihiviiscs vigiictlcs,
Par BERTAIxXj, NADARD, FABRITZIUS, etc.
I'i:i\ : .')0 (;i;.MiMi;s.
Paris — Ty|)usrapliii' l'Ion (ri
de Vaugirard , 36.
LES 0\ATIO>S 1)1-: M. (IDILON BARROT,
I.
0 Mes clicrs collègues , dit M. Odiloii Barrol , nous ne
devons négliger aucune des Iraditions de la monarchie
si nous voulons être sauvés : la monarchie voyageai!
beaucoup ; nous devrions faire comme elle.
— Mais vous n'y songez pas , lui répondireul ses col-
lègues : il y a huit jours à peine que nous sommes de
relour !
— Il faut repartir encore !
— Pour où?
— Parbleu , pour la Xorniandic ! elle brûle de nous
voir : je reçois de tous les côtés des lettres qui témoi-
gnent de l'impatience qu'éprouvent les populations nor-
mandes de contempler la physionomie de celui qui a
sauvé la France de l'anarchie ; c'est ainsi que l'on me
désigne dans l'ancienne Neustrie. Je suis décidé à me
rendre au vœu unanime de cette intéressante contrée;
d'ailleurs il est d'une bonne politique de montrer le
pouvoir exécutif à la ï'rance.
— Mais nous sommes très-fatigués, et le pouvoir
exécutif aussi.
— Il y a des moments oii il faut savoir se sacriûer aux
exigences gouvernementales : nous partirons demain ;
allez faire vos paquets.
— Je demande, dit alors le citoyen Lanjuinais, à
dire un mot sur la question.
— Dites, mon cher ami, dites.
— Nous avons, dans le premier voyage du pouvoir
executif, violé les traditions monarchiques.
— Vous m'étonnez!
— La monarchie n'allait jamais en cheiuin de fer ;
ses ministres ne le lui permettaient pas : doit-on conti-
nuer à se montrer plus tolérant à l'égard du pouvoir
exécutif?
— Du moment que je serai là, s.ins doute! ne suis-
je pas responsable? Vous n'entendez rien au droit con-
stitutionnel, mou cher Lanjuinais, et, pour vous pu-
nir, je vous mets en retenue : vous ne viendrez pas eu
Normandie avec nous. »
IL
n Qu'on aille me chercher un chc\al!
— Quoi, vous voulez...
— Sans doute. Il ferait beau voir un président du
conseil marcher à pied , lorsque le pouvoir exécutif est
à cheval ! Je suis meilleur écuyer qu'on ne le croit com-
munément ; d'ailleurs n'ai-je pas été sur le point de
monter à cheval le 2i février!
— Pardon , je l'avais oublié. Mais voici un cheval
qu'on vous amène.
— C'est bien. Maintenant nous pouvons quitter
l'embarcadère. J'entrerai d'une façon digue de moi
dans Rouen; tous les Rouennais pourront me contem-
pler. Mais quels sont ces cris?
— Je crois qu'on crie : Vive la République!
RKVl !•: COMIQUE
— Impossible, mou ciier; vous vous lioinpez.
— Kii l'ITot, il uic semble qu'on crie...
— Vive Oiiikm Bairot!...
— Non.
— Quoi donc'.'
— Vive la Conslilulion !
— Des cris sédilieux! il faudra mellrc Rouen en
élal de siège.
— Voilà maiulcnaiil ([u'oii crie : Vive le présidenl!
— Toujours de la sédition !
— \'ive Napoléon !
— A la bonne iipure, ceci peul s'entendre! Avançons
un peu , je vous prie. A propos , èles-vous sur de mon
rhi'xal?
— Ou a choisi (oui exprès celui qui serl aux écoliers
de liuilièmeau manège de Rouen.
— (,'esl ce qu'il me faut. Ces chapeaux h plumes me
iiias(|uent , mettons-nous en tète du cortège ; le peuple
doit soupirer après moi ; qu'il puisse au moins faire
éclater ta joie et sou enthousiasme à mou aspect : il
m'a aperçu, les cris redoublent.
— Eu effet , les gardes nationales rurales s'égosillent
à crier : Vive la Constitution !
— C'est que l'on ne m'a pas aperçu encore. Dccidé-
meulj'aurais bien fait de mettre un plumet à mon cha-
peau , couiHielc pouvoir exécutif, et d'endosser l'uni-
fornie de général de la garde nationale.
III.
— (A'Ia ne saurait durer plus loiiyleni|>s.
— Ue (]noi donc vous plaiguez-\ous, mon cher col-
lègue?
— Comment, Lacrosse , vous me le demander?
— .Sans doute, puisque je l'ignore.
— La conduite du jwuvoir exécutif est inlolciahle.
— Qu'atil fait?
— Vous ne voyrz pas comme il me traite! il fuit
l'éloge de tout le monde, de M. Thiers, du grand Cor-
neille, et pas un mot de moi. On dirait que je n'existe
pas. Ce n'est pas M. Thiers qui a sauvé la société , ce
n'est pas le grand Corneille qui a rédige la nouvelle loi
sur la presse. Tant d'ingratitude me révolte !
— Calmez-vous, mon cher |irésident, calmez-vous.
Personne ne songe à méconnaître vos services; mais ne
sommes- nous pas dans la patrie du grand Corneille?
— J'en conviens.
— Elde.M. Thiers?
— .M. Thiers est né à Marseille.
— Il a changé de lieu de naissance depuis (jue les
Provençaux ont cessé de le choisir comme représentant.
M. Thiers a déclaré que dorénavant on eût a le consi-
dérer connue Rouennais; vous avez dû remartpier
comme depuis qnel(|ue temps il a pris quehiue chose de
l'accent el de la louruuie d'un Normand.
— Il y a longtemps que je m'en suis aperçu.
— Trouvez bon que, pour llatter les Rouennais, le
pouvoir exècuiif fasse rc!oge de leur compatriote. Quand
nous irons visiter le département de l'Aisne, ce sera
\otre tour.
— En attendant on me traite connue un zéro. Mais
les acclamations populaires me vengeront de ce dédain.
— Gardez-vous d'en douter. A propos, comment
rouvcz-vous ie mot du pouvoir exécutif?
— Quel mot?
— « Si Corneil'e (ùl vécu de mon tcni|)s, j'en aurais
) fait un premier ministre. ■> Ce mol a produit le plus
grand effet. Mais nous allons partir pour le Havre ; je
cours chauffer l'ovation du départ.
IV.
— Voici , monsieur le président du conseil, les nota-
bles du Havre qui viennent d'entrer dans l'hôtel.
— Je suis prêt à les recevoir.
— L'adjoint du maire est à leur lète , el il est sans
doute chargé de vous complimenier.
— N'attendez pas qu'ils soient sur l'escalier; ouvrez
la porte à deux battants, et criez à haute et intelligible
voix : Entrez, messieurs les notables.
— Messieurs les notables, entrez.
L'adjoint jnend la parole.
— Nous venons, monsieur, adresser nos félicitalions
et nos hommages au sauveur de la société.
— Messieurs, je vous remercie.
— A l'illustre épée qui a délivré h France de l'anar-
chie.
— Vous dites?
— Au grand guerrier (jui s'est couvert de gloire dans
la grande bataille du 13 juin.
— Comment ?
— Eu un n)ot , au général Chaugarnier , l'ancre de
salut de la prospérité publique , le véritable représen-
lantdu parti de l'ordre : Vive le général Changaruier !
— .Mais je ne suis pas le général Changaruier.
— Vous êtes alors l'illustre Fialin de Persigny. Vive
M. Fialin!
— M. Fialin n'est pas ici.
— C'est peut-être au célèbre Viellard que nous avons
1 honneur de parler. Vive M. Viellard!
— Je ne suis puinl M. Viellard!
— Ne seriez-vous point par hasard M. Lucien Mu-
ral. Vive M. Mural!
— Messieurs, on me nomme Odilon Barrot.
— Mille pardons, monsieur, de vous avoir dérange,
nous fommes vos irès-humbles serviteurs. »
V.
<■ Mes amis , mes ciiers amis, il faut faire cela pour
Dans quclq
MAI 1848
Knfin, voici les élections I
jours l'Assemblée nationale sf
mier soin sera certainement de nous débarrasser
lie la République et de nous donner un roi so-
lide ; nous ne pouvons nous en passer plus lonc
temps, ^
Dans un mois il ne sera plus question de Ré-
publique.
Cette toi
infâmes rêpubi
tusillés sont bien casema'és, et les conseil
guerre en feront prompte justice. Il est fàclieu:
que IWssemblée ait cru devoir se servir d"ui
Tavaignac, mais enfin il fallait une transition
Dans deux mois il ne sera plus question d
République.
là bien débarrassés de ces 1-inirons- nous l'année sous cette satanéi- R--
ceux qui n'ont pas été publique l Nous sommes, à la vérité, débarras-
sés de ces gredins de républicains et ne leur
infernal Cavaignac ; mais malheuriMiscment tout
n'tst pas fini. Encore une étape à faire ; mais un
peu de patience, ce ne sera pas long.
rais trois iMOis il ne sera plu. question de
Uépublique.
.M.Al 18 19.
Encore en République' Mais où allons noi.s,
grand Dieu* Heureusement que nous avons une
immense majorité dans la nouvelle .assemblée,
et elle ne peut manquer de proclamer au plutôt
la monarchie. Il est grandement temps d'y re-
venir, les bons principes se perden».
Mais grâce i l'.lss. mbiée, la République est à
sa dernière heure.... il faut bien l'espérer'
JLIN l8t'J.
(Quelle impardonnable faute ! Changarnier a
tout gâté avec son impétuosité. Il fallait les lais-
ser s'engager davantage, les prendre par la
tête, parla queue, par les lianes, et mitrailler
toute cette canaille, puis profiter du tumulte
pour proclamer la monarchie. Quelle folie de
croire qu'il faut encure des ménagen
République n'auiait-elle pas fi
AOUT ■1849.
C'est aujourd'hui le 16 août, la journée du
15 s'est passée sans aïneiier les changements que
nous attendions. Qtie signifient ces cris de l'ire
la Rrputilique: l'ivc lo Coiislilution .' que l'on
pousse aujourd'hui par toute la France.
Dii-huit mois de République! Mais le pays
La s'y habitue ; et, si malhtureuseirent les affaires
temps ! reprennent malgré nous , nous sommes âam-
Dessiné par Dectsch.
bés!
Gravé par Baviast.
UG
UEVUE COMIQLK
— Tout ce que vous voudrez, mon cher monsieur |
Grandin, exceplé pourtant de nous couvrir de ridicule,
nous et toute la ville d'Elbeuf.
— Je lui avais promis un accueil si flaltenr de votre
part!
— Toujours la même mystification qui coninuie ,
nous savons bien que vous êtes un farceur, monsieur
Grandin, mais vous poussez la chose trop loin. Nous ne
pouvons pas consentir à cri. r Vive un mort.
— Vous croyez qu'Odi'.on lîarrot est mort?
— Plusieurs années avant Benjamin Constant , dont
il était l'ami intime et avec lequel il siégeait à la cham-
bre des députés sous la Restauration. Son convoi fui
magnilique. à preuve qu'il y eut deux ou trois personnes
tuées rue Saint-Denis. Mou oncle, Thomas, y était, et
il man(pia d'être écrasé sous les chevaux des t;eiularmes,
parce qu'il criuit : Vive la Charte.
— Mais je vous dis que vous vous trom|)ez , Odilon
Barroi vit encore, il est président du conseil des mi-
nistres.
— Parole d'honneur?
— Je vous le jure.
— Alors nous vous croyons, et nous crierons: Vive
Odilon Barroi !
— Mais ce n'e^t pas tout.
— Oue faul-il faire encore !
— Lui rendre en corps une visite. Vous Oies la fine
Qcur des conservateurs du pays, il sera bien aise devons
voir. Je me charge de vous présenter.
— Nous irons, monsieur Grandin, dès que cela peut
vous être agréable; d'aiikurs je suis bien aise d'expri-
mer il cet Odilon Barroi le vœu unanime des conserva-
teurs d'Elheuf el de toute la France. »
VI.
,. Messieurs les notables d'I'lhenf, croyez que je n'ou-
blierai jamais la démarche flatteuse que vous laites en
ce moment, et que ce jour est le plus beau jour de ma
vie! Soyez convaincus que mon seul, mon uni(pie bni
(i>l de sauver l'ordre el la société.
— Nous n'en doutons pas, monsieur le ministre, aussi
sommes-nous ii notre aise pour vous adresser une de-
mande.
-- Parlez, messieurs, parlez.
— Le véritable parti de l'ordre, les conservateurs sé-
rieux sont mécontents.
— N'a-t-on pas assez fait pour eux?
— Ou n'a rien fait encore.
— Quoi, Paris en état de siège!
— Tout cela n'est rien.
— Les journaux suspendus, les décrets du gouver-
nement provisoire annulés.
— Bien encore. Le parti conseï valeur ne sera ti an-
quille que lorsque M. Léon Faucher reprendra le por-
tefeuille de riiitérieur. C'est le seul houuue auquel nous
ayons confiance. Tous les autres sont plus ou moins des
républicains. En attendant cel acte de haute justice ,
monsieur le ministre, nous vous prions en partant d'a-
gréer nos respects.
— Poussez donc quelques acclamations avant de i^ar-
tir, cela lui fera plaisir et vous me l'avez promis.
— C'est \ rai , monsieur Grandin , c'est vrai , les Nor-
mands n'ont que leur parole. Attention, messieurs, c'est
lemumeui : Vive Léon Faucher! vive Léon Faucher!»
VIL
„ >L Oïlil.in r.arrot esl-d de retour?
— Dcjuiis hier.
— Peul-on lui présenter ses rouqiliments sur son
heureux voyage?
— Il n'est visible pour personne.
— Qu'a-t-ildonc?
— Une colère rentrée, el puis
— Et puis (pioi?
— La coli(pu'. «
JilAN VFIVI'OT.
I.K I.-. AOIT.
.. Mille tonnerres ! c'cnI une indignilé.
— A qui en avi-z-vonsdonc, voImm (Iredelu?
— Vous me le demandez!
— il le faut bien, puisque je l'ignore!
— Dans quel mois sonnnes-nous?
— En plein mois d'août.
— Quel jouv?
— En plein 15!
— Quelle fête célèbre -ton ce jcnn-lj ?
— La fôte de la Vierge.
— El puis ;...
— Celle de \a|iolé(iu.
— Eli bien , où sont les lampions?
— Absents.
— Les mâts de Cocagne?
— Zéro.
— Les orchestres à tons les coins de rue?
— Je n'en vois pas.
_ Et la reMic. celte grande revue .pi'ou avait an-
oiicée pour le 15?
A i;rs.\(iK ni:.s gk.\s skiiiki \.
— Tic-lis , c'est vrai !
— Celte revue pour laquelle lous les vieux de la
vieille avaient fait asli(|uer leurs anciens uniforuies, (ni
la passe-t-on?... déciilénient le petit se moque de nou> !
— De ([ui voulez- vous |)arkr?
— Suffit; vous me comprenez; je n'ai pas besoin (!,■
vous en dire davantage : il rougit de son oncle!
— En vérité!
— Il s'imagine qu'il est assez grand pour iiiarclier
tout seul !
— Il se (rompe.
— Et crânement encore ! Sans nous, \ oyez -vous,
sans les \ieu\ de la vieille, il est perdu !
— Je suis de votre avis.
— Qui est-ce qui l'a fait nommer?
— (j'est vous.
— Qui est-ce qui lui mainlieul sa pnpuiarilé?
— C'est encore vous.
— Qui est-ce qui lui est dévoué sans arrière-pensée ,
parce qu'il est le neveu de son oncle ?
— C'est toujours aous.
— Pourquoi donc alors qu'il n'a pas passé sa revue ,
et qu'il n'a point voulu célébrer la fête de l'Enipereur?
— Je l'ignore.
— .Moi, je le sais, et nous le savons lous : c'est
parce qu'il a eu peur de faire de la peine à Thiers ,
à Mole, a Berryer, h lui las de gens qui ont fait luellre
I son oncle il Sainte- Ikdi-iie! Qui sait où ils le mèneront,
lui! l'onrquoi n'a-l il pas repris Duroc?
— Il est mort.
— (.'est un bruit qu'on fait courir. Et Sa\arv, est il
mort aussj , par liasard .'
— On le dit, du moins.
— C'est faux, nous le sa\ons bien, nous autres
vieux de la xicille! Le petit , vo\ez->ous, est f...ichu ;
c'est mou ancien colonel qui me l'a dit : Parce que,
a-I-il ajouté , il a commis la niéiiie faute que son oncle,
il a repris Fouclié ! Ça ne nous empécliora pas de célé-
1)1(1- la fèlo (le l'Emiiereur tout de même ; il n'y a pas
de le. ue au Cliadip-de-.Mars, nous resterons jilus long-
temps à la barrière ! C'est le colonel qui doit nous pré-
sider , nous serons au moins cent cimpiante lapins , des
durs à cuir, lous blessés de Waterloo et souscripteurs
(le IN'pée d'Iionneur oIlLrte au général Pial !
— Puisque vous voilà , donnez -moi 11,1 renseigne-
ment.
— Avec plaisir, si j'en suis capable.
— Pourriez- vous m'apprendre pourquoi on a donné
une épée d'honneur au général Pial?
— Je n'en sais rien ; mais, si c'était à recommen-
cer, je souscrirais encore pour vingt -cinq ceniimes.
Vive l'Empereur!... vive le général Pial !
— Il est écrit que je ne saurai jamais pourquoi le
général Plat a reçu une épée d'honneur. •>
Tout cela rent
RKVUE COMIQLK.
V_ ^ 1 II ^
Arriva. imt,roniDtii 'lun nol,le représentant .le la monta<;i.e Blanche cli.-z un de ses i.Uis r.rv.nts cmmeltanls,
Arru ei impromptu un n^ ^^ ^^h^^^^,„ j„n eoncr: préiiaré i son inlonUon i i.rnpos des vacances parlementaii
ilieu des p-éparalifs
A M. LK MIMSTRK DK l.lNSTRl CTION niU.IQUE.
Monsieur le ministre ,
La France en génff-ral, et les auteurs de la Ilevîte.
Comique en particulier, attendent de vous un acte de
réparation nationale, une mesure qui no peut qu'aug-
menter la splendeur de l'Lniversité , qui vous doit beau-
coup déjà, et qui vous devra davantage encore.
Le gouvernement provisoire, composé d'impies et
d'iiéréiiques, avait porté une main s icrilégn sur tout ce
qui rappelait les anciennes traditions de la P'ranco. Les
membres de ce gou\erneraent , infâme réunion de tous
les relaps et excommuniés de l'univers, se faisaient un jeu
de la rrligion. Personne n'ignore que Flocon , Ledrii-
Rollin, Albert, Louis Blanc, se livraient aux damnables
pratiques des ancifus templiers. M. Carlier a lrou\é,
dans une visite domiciliaire chez Ledru-Rollin, une sta-
tuette en bronze représentant Molocli , l'objet du culte
des templiers. Il est de notoriété publique aujourd'hui
que l'hérésie du temple infestait le gouvernement pro-
^isoire tout entier, et que chacune de ses séances était
présidée par un bouc en habits sacerdotaux.
Le premier soin de ces misérables avait été de débap-
tiser les collèges de l'aris , afin d'apprendre à la jeu-
nesse l'oubli du liasse dans ce qui le caractérisait en-
core. Pour donner la mesure du n'gime (pi'ils prépa-
raient à la France et des i'Iées dans Lesquelles ils voidaienl
instruire nos en''ants, les gouvernanls de cette hileuse
épotpie avaient résohi île remplacer les anciens pa-
A LUSAUli DES G^:^S SKRIKLX.
Ir iiisdfs ro'ligcs (Jiaili'tnagiu', SainlLoiiis, Iliiiii IV,
l,(iMis-lc-Graii(l, Roiirlxtii, par des patniiis tirt's de leur
alTiciisc Ii'^'cikIc.
i\mis aurions ru le rolh'ijc d'Ilolbarli ,
l.i' colléj^c lldhi'spiciri',
Ir CDlIrfje .Maral,
1,0 roll('^;c' l.ouvel ,
l'^t, pciuv arriver à raboiiiiiiatidii de la drsolatiiin , le
collège Voltaire.
Les plus grands scélérats s'effraient queKpiefois de
leur œuvre, (i'est ce qui ai riva au gouvernement pro-
vi-oir-. Son impiété lui fit peur. Il ne renonça pas ce-
pendant à sou but, mais il voulut y arriver progressi-
vement et sans elTrayer les familles.
Nous eûmes le lycée Moiige ,
Le lycée Ucscartos ,
Le lycée Napoléon, etc., etc.
Laisserez-\ous subsister plus longtemps sur le fron-
ton de nos édifices d'éducation les noms de ces impies?
Monge, le membre de l'Institut républicain , le savant
de l'armée d'Kgyptc, est-il un exemple à citer à la jeu-
nesse ?
Quelle consiience orthodoxe ne frémit pas au seul
nom de Descartes, l'apôtre du libre examen, le hardi
démoliss ur du principe d'autorité, de Descartes que
l'iiiquisiii m aurait l'ait brûler avec raison !
Il y a un autre nom que ma |)lume se refuse d'écrire,
un nom janséniste, qu'il faut surtout se hâter d'elTaccr,
le nom de celui qui poursuivit de tes infâmes libelles la
sainte compagnie de Jésus, du monstre vomi par Port-
Hoyal, de Pascal enfin! Grand Dieu! jai osé retracer
ces syllabes maudites.
Lt Napoléon, cet homme qui pouvait être si grand
en conservant le trône à ses princes légitimes , et qui
eut l'audace d'y monter , ce voleur de sceptres et de
ciiuronnes, est-ce là le souvenir qu'il faut rappeler à
nos enfants? Vous objecterez sans doute pour ce nom-
h les circonstances actuelles, la raison d'État. Nous
vous comprenons, monsieur le ministre, sachons faire
la pu't des temps. En attendant , il est bien convenu
qu'on ne dé.-ignera plus entre nous le lycée Na|)o!éon
que sons le litre de collège de M. Crédit.
Fils des croisés , nous voulons que nos enfants soient
élevés sous l'invocation de saint Louis, le héros des
croisade». Pat li-ans du droit di\in et de h monarihie
absolue, quel plus gr.iiid nom apprendre à nos fds que
celui de Louis \IV, dont vous avez fait un si bel éloge
à la distribution des prix du concours général !
Nous savons , monsieur le ministre , que vous êtes
depuis longtemps disposé à vous rendre au vcen (pie
nous exprimons ici, et que vous attendez seulement le
moment favorable. Il est arrivé; toute la presse, y co'n-
pris la llfvue comique, vous convi(! h faire cesser le
scandale dont nous nous plaignons; bien |)!ns einc.rc,
la l-'rance entière voudrait vous voir user de votre pré-
|)ondérance dans le conseil pour faire changer les noms
révolutionnaires des collèges et des écoles (pii rrssoi tis-
sent à l'administration municipal'.
Esl-il convenable de donner il un collège le nom d'un
prince qui eut une vie aussi légère que François I"?
On objectera sans doute que nous tolérons le collège
Ileuri IV, mais ce grand roi avait donné au monde le
spectacle de son abjuration, et il avait pris un confis-
seur jésuite. Cela excuse bien des erreurs.
Rollin fut un fort brave homme, nous en convenons,
mais il appartenait à l'ensiignement laïque. Il n'est pas
sûr d'ailleurs qu'il ne fût pas un |)eu janséniste. Hâtez-
vous de su|)primer celle désignation : cotléfje liotlin.
Nous voudrions qu'on l'appelât dorènaïaut colt^qc.
I.oi/ola.
Quant à Chaptal, nous ferons les mêmes observations
à son égard que pour le citoyen Monge.
Cette grande réforme accomplie , il en est nne p'iis
grande encore , qui doit tenter votre aiubition. L'idu-
cali.in a besoin de changer de mains. Tai;t que l'Uni-
versité façonnera les générations, on aura beau invoquer
saint Louis et Louis XIV, le levain révolutionnaire
fermentera encore dans le sein de la jeunesse. L'éclec-
tisme, lilsde l'incrédulité et de l'athéisme, pervertira les
esprits. Il faut rappeler les jésuites et lem- confier le
monopole de reiiseigneinent.
Sans cela, ce sera toujours à recommencer.
Convaincus de cette vérité comme nous sommes cer-
tains que vous l'êtes, monsieur le nunisire, nous atten-
dons avec confiance l'effet de vos croyances , et nous
vous prions d'agréer l'assurance de notre respect.
Suivent les signatures de dix-huit millions de pères
de famille et des auteurs de la Revue comique.
MONITEUR UNIVERSEL.
PARTIE OFFICIIîI.M:.
Considérant que, dans un Etat bien ordonné, il im-
porte que tout soit en harmonie avec la pensée du gou-
vernement, 1rs théâtres de Paris reprendront, comme
les collèges, leurs anciennes dénominations :
Le Théâtre de la République s'appellera Tliéâire-
Français ;
Le Théâtre de la Nalinii, Académie ro\ale de Mu-
sique ;
Le Ciymuasc-Drauiati(iui', l'héâlre de .Madame.
Le préfet du déparlement de la Seine est rh irgé de
l'exécniion de la prè.sente ordonnance.
Suillc DlFAlRE.
UKVUE COMiyiK
V(;iil.;iil faiiv ilispar.iiire toutes les traces des cahiini-
lés (le ces dernicies années, nous avons ordonné que
toutes les rues, ruelles, culs-de-sac, places publiques,
fussent désignés sous le uoiu qu'elles portaient avant la
révolution.
Voulant, en outre, récompenser les ciioyens qui ont
le plus fait pour la cause de l'ordre et de la société,
nous avons décidé que les nouvelles rues en cours de
construction porteraient les noms de l'un de ces ci-
lovens.
Ainsi, la continuation de la lue de Rivoli au Louvre
sera a]>pelée rue Thiers.
l.a place du Louvre deviendra place ^'éron.
Nous aurons également U lue Merruau, la rue Ber-
ger, la rue Fialin, la rue Piat, etc., etc., etc. Nous
ferons connaître les noms des citoyens appelés à figurer
sur les mnrs de Paris à mesure qu'ils auront été choisis
en conseil.
Le préfet du département de la Seine est chargé de
l'exéculiou de la présente ordonnance.
Signe DUFAL'RE.
Attendu qu'il importe de renouer partout les tradi-
tions de l'ancienne monarchie, et qu'il est utile de rap-
peler aux générations présentes les souvenirs de gloire
des généraii:ins i)assées , nous avons décidé de faire re-
prendre à plusieurs corps de l'armée leurs titres d'au-
trefois.
Le premier régiment de l'armée française prendra le
nom de Roval-Cravaie.
Les iuissards s'a|)!)elleront dorénavant hussards-Ber-
chigny.
Royal-Changarnier, tel est le titre que |)()rtera doré-
navant le 2'" régiment de carabiniers; un des régiments
d'infanterie de marine sera désigné sous le nom de Na-
val-Persigny.
Sicile Rui.illiiRES.
— Il a été décidé en conseil que le minisire de la
justice reprendrait immédiatement le titre de garde dos
sceaux. Il sera présenté un projet de loi à la rentrée de
l'Assemblée législative pour que le président de la sus-
dite Assemblée porte le titre de chancelier et ne puisse
présider qu'en simarre.
— A partir du l" janvier le service de la brigade de
sûreté sera organisé sur de nouvelles bases. Le chef de
cette branche importante de la police prendra le liire
de chevalier du guet et jouira de toutes les prérogatives
atlachées autrefois à ces fonctions.
— Le garde des sceaux a ratifié hier le contrat de
vente entre l'avocat Cabassol et le conseiller en cour
d'appel Peloquin. C'est la première charge qui se soit
vendue depuis le rétablissement de la vénaliié des oCTices.
Le prix en est monté jusqu'à cent mille écus.
— Hier, aux applaudissements d'une foule enthou-
siaste , le drapeau tricolore, arboré sur les édifices pu-
blics, a été remplacé par le drapeau blanc. Les troupes
ont également pris la cocarde blanche dans une revue
passée au Champs-de-Mars. On ne saurait se faire une
idée de la joie de nos soldats en revoyant le vieux
drapeau de Bouvines et de Ilaslembeck.
Avant de partir en vacances. lAsscicLlée nationale a eu soin de
décrets sur rétat de siège, siur la ijresse et sur le droit de réiin
la Liburté a la ganle du démon delà Comprewon, iis-isléde:
Puis nos jeunes rcprésenlanls ont pris joyeusement leur vol.
A l.l s\(;k dks gk.ns skkiki x.
i.K czAH \i:u\i;s.
« Nesselnxle !
— Majost.'.
— Mus ordres sont-ils exécutés?
— Ainsi que vous l'avez ordonné, sire, j'ai fait for-
cer la grande chaîne qui doit envelopper toutes les ré-
\olntions de l'univers.
— C'est très-bien. Les anneaux sont-ils solides?
— Ils ^ont d'acier, comme les baïonnelles de vos sol-
dats. Oueile rév(]lulion endiaînerons-nons la première?
— La révoliiliiin de Hongrie, c'est la plus voisine de
nous; ensuite nous étendrons notre chaîne sur la révo-
lution allemande, sur la révolution italienne, sur la ré-
volution IVançai^e , nous enchaînerons ainsi l'océan
de la démocratie, et nous l'empêcherons de se livrer à
de nouvelles tempêtes. Que pensez-vous de mon moyen,
Nessehode ?
— Il est excellent , bien que renouvelé de Xcrxès.
— Quel était ce Xerxcs?
— Le Nicolas de son époque.
— Je ne vous en demande pas davantage. Maintenant
que nous a\ons enchaîné la démocratie, nous pouvons
aller nous coucher. Bonsoir, Messelrode !
— lionne nuit , sire. «
IL
Eh bien ! quelles nouvelles de la Hongrie ?
— • Il paraît que les rebelles tiennent toujours.
— Comment! ils ne sont pas encore enchaînés?
— On dit, sire, qu'ils ont rompu un des anneaux
de la chaîne.
— Qu'on se hâte d'en forger un autre, el qu'on s'em-
pan; de cette révolution. A quoi songe donc Pas-
kewitch?.
— Il songe à se défendre.
• — .Si dans huit jours il n'a pas fait Kossuih prison-
nier, je l'envoie en Sibérie par un train de plaisir. »
IIL
« Eh bien ! Nesselrode , j'espère ([lie les choses vont
bien en Italie ?
— Coussi coussa.
— Que signifie ce langage?
— Il signifie que le mare liai Raileizki commence à
se plaindre.
— Est ce (pie lli aussi ma chaîne se serait bi im-c .'
— l'as encore , mais le maréchal prétend (lu'il sent
de fortes secousses aux extrémités, et f|u'un des anneaux
du milieu |)ourrait bien finir par céder. En ou mot , il
craint de prochains soulèvements.
— Écrivez-lui de ma part que si l'insurrection éclate,
je lui ferai redemander mon grand cordon de l'ordre
de Sainte-Anne. »
IV.
« Votre Majesté vent elle lire les dépèclnsde l'iaiire
arrivées aujourd'hui ?
— A ([uoi bon! ce n'est pas la France ([iii iii'iii-
((uiéte. Voilà un pays modèle; nous nous iniaginioiis
que ce serait la révolution qui nous donner.iil le plus de
peine à encliaîiitr, et, pas du tout, elle a comme d'elle-
niêire tendu les bras. Voyons un peu pourtant , que dit-
on à Paris ?
— Le vénérable Odilon Barrot a été indisposé.
— Que m'importe, pourvu que M. de Ealloux .se
porte bien !
— Il va à merveille. Il fait deux repas par jour.
— Le pauvre homme!
— Il dort huit heures de suite sans broncher.
— Le pauvre homme !
— Il est gras, frais , luisant.
— Le pauvre homme!
— Quant au pays en lui-même...
— Le calme le plus parfait règne toujours, n'est-ce
pas?
— Sire, pour ne vous rien cacher, je dois vous dire
que les dépêches parlent de symptômes
— Quels suiipiôines?
— On aurait beaucoup crié Vive la République! au
dernier voyage du président en Normandie. Lk Journal
des Débats commence à s'alarmer.
— Heureusement Changaruier est là; il n'y a pas de
risque de voir la chaîne se rompre entre ses mains.
Qu'en pensez-vous, Nesselrode?
— Je pense (pie Votre JLijeslé a lonjoiirs raison. "
I. Nesselrode!
— Sire.
— Je suis de bonne humeur aujourd'hui, je voudrais
bien faire qudciue chose qui vous soit agréable. Vous
n'êtes que comte, je vous iioniuie prince. Ètes-vous sa-
tisfait?
IU:Vl'K COMIOLK
— Perim.'tttz , siii' , ([ue je lue pi i'cipite à vos ge-
noux.
— C'est inutile, je vous en dispense. Je viens de lire
les journaux de Vienne, les Hongrois sont parloul battus.
— En vérité !
— La f'occ (Il lia vcrila a reparu à Rome, et elle
aiuioiice que la pacilicjtion de l'ilalie est complète. Les
peu|)les bénissent la main qui les a fait rentrer .sous le
joug de leurs anciens souverains.
— Vraiment I
— En France, s'il faut en croire la Gazette dt
France, les esprits s'avancent h pleines voiles vers le
port de la légitimité.
— Tiens! liens! liens!
— Parlont les révoluiiiins sont vaincues.
— Puisque tel est l'avis de Votre Majesté.
— Les idées d'ordre reprennent le dessus.
— Il faut en convenir.
— Et tout cela grâce à qui?
— Grâce à vous, sire, grâce à vous.
— .l'ai pris d'une main ferme la cause des bons prin •
cipes , au moment où tout le monde en désespérait , et
maintenant elle trioniphe. Je suis défniilivcmcnt par-
venu à enchaîner la mer.
— (l'esl-à dire la démocratie?
— r.onnne vous dites, Nesseirode, la démocratie. Ne
Iroiivez-vous pas que j'ai complètement réussi ?
— Sans doute, sire, comme Xerxè.s.
Jkan VERTOT.
VIEUX HABITS, VIEUX GAT.OXS!
ou
'AVENIR DE LA FRANCE A TROIS POINTS DE VUE DIFFÉRENTS.
PnF.MTEB POINT DK VIE.
l'N ANCIEN SOI.riAT, hlew à Arrote
arUiellemenl portier i
txé pour mort sur le champ de bataille île Waterloo,
!.<■ Ours; et autres anciens soldais.
— Ils sont étonnants avec leur République, ils ne
veulent pas qu'après elle arrive l'Empire; ils savent
pourtant bien que la France n'est possible ciu'à cette
condition. — Vive l'Empereur !
Il ne me reste plus de mon ancien uniforme que les
moiislachcs grises. Je vais à la Rotonde du Temple ,
j'achète une culotte de peau , un dolinan , un ourson ,
une sabrelache, des bottes en cœur, et nie revoilà en
tenue. Saprelotte ! j'allais oublier la giberne, — la fa-
meuse giberne qui renferme le bâton de maréchal. Les
marchands auront bien encore, je pense, des gibernes
garnies de leur bâton. J'achète donc tout le balaclaa
d'occasion , pas cher, et sacrebleu ! la main sur la cou-
ture de la culotte , je me crois irréprochable.
LES AVENTXnVES DIVERTISSANTES ET NON FOUTIQUES
De mmlif Lnf.p el (If ion ap/irenli I i/'/iS.
Le cheval de l'apprenti, qui, par suite des
événi m.'nta, se trouve sépara de son
maître, fait une \Wi\e à la
maison de ville.
balcon, il met son cavalier
dans k- plus grand
embarra.s.
A L'ISACiK DKS (;K>.S SKIIIKIIX.
Je cotiis au CanoiiM'I. — Où csl mon Kmpcn'iir? Il
passe m ri'\ue les vieux de la vieille. Je le leroiinais li
son cheval blanc, à sa redingote giise el à son pelil
chapeau. — Ciel ! on diiail cpie sa prunelle est moins
vi«e el que son nez esl plus long... rau\re t:mi)ercui !
t'esl l'exil (|ui l'ama changé comme ça... Oh! 1rs
gueuv d'Anglais! Mais c'est é(;al , c'es( bien lui, je le
rei'onnais, c'est liiujniirs mou Kuipeiein- : \ive l'Kui-
pcieuc !
I,e voilà (|ui passe devant le front des guides, lion ,
il se mouche et prend sa lorgnette : il va parler.
► Soldats, du haut de ces pyramides <|iiaranle siècles
VI us contemplent ! >
— Vive rEmpcreni- 1
" Soldats, vous n'avez.; rien fait, puis(|u'il vous reste
encore à faire. »
— Vive l'Empereur !
Il répèle ce qu'il avait déjii dil dans le temi)s, el il
pnnd toujours du tabac h niénic la poche de son «jilei.
Ah ! brave Empereur, \a!
Il s'avance vers moi. Je me sens tout chose, mes
jand)es flageolent. — Est-ce que je ne serais plus un
vieux dur-à-cuire? Grands dieux! il met la main sur
n)on épaule.
— Vive l'Empereur !
— Ah , ah ! lu as conserxé ton vieil uniforme; c'est
bien ça, Robcrl, je suis content de toi! Demain nous
monterons à cheval; je te fais dragon de la garde.
— Mon Ein|K?reur, je l'étais déjà.
— Tu le seras encore. Imbécile, |Mjur(pioi n'ds-ln
pas de gourde 1 je l'aurais demandé à boire un coup. (,e
sera pour uin; autre fois...
.l'aurais du ui'atteudre à une |)ariillc fa\eur, c'est
dans ses habitudes.
Mais voilà qu'il reconnaît tout son vieux monde. Il
lire l'oreille à l'aupinard. — C'est encore une de ses
habitudes. — Bon Empereur! Ce 'l'an|)inard a-l-il une
chance! Moi aussi, du reste, j'en ai de la chance; car
il allait boire à même ma gourde si j'en avais eu une,
et il nra.|)romis que ça serait |)our plus lard.
Je le savais bien, moi, que le beau temps revien-
drait, le beau lemps des fanfares, des bivouacs, des
coups de sabre, des fusillades el des canonnades. Il l'a
dit : Demain nous entrons en campagne. Nous recom-
mençons Marengo, Austerlilz, léna, Lutzen, Baulzen,
Vagram, Leipzig, el de j^rlier que j'étais hier, mau-
vais reuielteur de fonds de culottes laissé pour mort
sur le champ de bataille de Waterloo, je redeviens dra-
gon de la garde, puis lieutenant, capitaine, comman-
dant , colonel , général ! — cl enliu maréchal de France !
le suis le maréchal Robert ! le brave maréchal Robert,
l'ami de l'Empereui ! Je dîne avec lui ! Ah I j'en de-
viendrai bétc!... Mille millions de canons! vive l'Em-
pereur !
DKIXIEHE l'Ol.NT DE VUE.
UN VIErX LKGITI.MISTK Je l'émi(/ralion de Coblenlz , ancien chambellan de Louis XI'IIl , acluellemenl commitsaire des /loiiijifj
funèbres; et autres chambellans el porte n'imporlc quoi.
Ils sont Irop siui|)les avec leur Républitiue el leur ] gnes arrive la Restauration. On devrait pourtant bien
Empire. Ils ne veulent pas ([u'à la suite de ces intcrrè- | reconnaître aujourd'hui que la monarchie légitime el le
us AVEMTU&ZS DIVERTISSANTES ET NON POI.mQ1TES
De mniire Lnpp et de son uppraiti l'ipps.
Pipps ne perd cependant pas la tête
et ctierche â rattraper les élriers.
'TuEf^.fsrorifiy:^/^'
Mais ses efforts ne sont pas
couronnés de succès.
La rapidité extraordinaire du cou
néanmoins l'apprenti.
coursier ;
124
RKVUK COMIQUE
droit divin sont le khiI gouvernement pralicable. —
Vive Henri V!
.le cours ù la Rotonde du Temple el j'ac(iiiiers un
habit à paillettes , une culotte de soie , un gilet à fleurs
et un clac; je fais ajuster deux bandes de maroquin
rouge aux talons de mes escarpins des dimanclics qui
sont encore assez frais, el ainsi nippé, je suis présen-
table. Petit étourneau! j'allais oublier le jabot en point
d'Angleterre parsemé de tabac d'ICspagne. Diable! mais
où me procurer du tabac d'F.spagne? Ab basl! j'ai
appris par cxpci ience qu'au Temple on trouve à peu
près de tout. J'y trouverai sans doute du tabac d'occa-
sion pour une somme très-modi(ine, et alors je n'aurai
plus qu'à mouler sur le cliarde ma nouvelle fortune.
Je vole à Versailles. Quelle l)riraiil<' réunion sur la
place d'armes et dans la cour du palais ! Je crois que
j'arrive un peu lard, le brnit circule que notre cher
prince, qui se promène depuis dix minulcs au milieu de
sa chère noblesse, a déjà répété à trente-trois personnes
celle adorable phrase :
.. Il n'y a rien de cliangé en France, il n'y a qu'un
Français de plus ! »
Le prince vient à moi. Quel port majestueux! — me
reconnaîra-l-il? Je l'espère, quoiqu'il ne m'ait pour-
tant jamais vu. Mais, de même que nous autres venons
au monde avec le privilège de tout savoir sans avoir rien
appris, nous avons encore ce certain je ne sais quoi
dans la physionomie qui nous distingue des manants cl
auquel le prince ne pourra se méprendre , — et puis il
me remettra toujours bien à mon habil. U s'avance. De
la sagacité , mon avenir en dépend.
<. Sire
— Fil! c'est ce cher, ce très-cher, ce.... aidez-moi
donc un peu.
_ Sire, — Almanzor de La Ratatinicrc, décoré de
l'ordre du Lis el chevalier de Saint-Louis.
— l'alsembleu ! je le savais bien. J'ai rencontré quel-
que part le portrait de votre bisaïeul, un serviteur fidèle
de ma famille. Vous le voyez, marquis, il n'y a rien de
changé en France, il n'y a qu'un Français de plus.
— Sire, l'éclat de votre personne
— Vous èlcs un noble cœur, marquis ; je sais tout ce
(pic vous avez souffert pour notre cause. Comptez sur
l'appui d'un monarque (pii veut le bonheur de ses su-
jets. A projios, cher de La I\ataliuièr<', j'irai demain soir
faire une médianocheà votre château de La llalaiinerie.
— Ah! sire, l'éclil de voire persinne
— Je sais, marquis, mais je vais à ce cher di' Falliiux,
noire dinclenr el notre conseil, (pie j'aperçois là-bas. »
Ciel! quelle journée! el ([uel honneur pour les Ua-
latinière. Oh! le magnifique prince! llc^t bien le noble
nis de ses ancêtres. Mais où diable prend-il mon cbà-
leau de La Rataiincrie? — Il ignore assurément que jo
V is d'une pension de douze cents livres que me fait l'ad-
ministration des pompes funèbres pour ouvrir la mar-
che des convois de première classe, avec panaches.
Ouanl à la médianoche , je ne sais pas comment j'en
sortirai. Je ne compte certes pas lui offrir la cham-
bre que j'occupe au cinquième étage d'une maison de
la rue Boute-Brie. D'ici demain Mercure m'inspirera.
En atlendant, me voilà sur le chemin des faveurs.
La saison du plaisir accourt sur les ailes de l'Amour el
de Flore. Allons, Almanzor de la Ratalinière de La Raïa-
tincrie, du coup d'œil, mon bon; le jarret cambre, la
poitrine en avant et l'insolence aux lèvres. Ab ! les
corbillards m'ont bien cassé. Mais, par la mordieu ! je
remonterai sur l'eau. A bieniôl les nouvelles folies.
Almanzor, tu le marieras à quelque fille de fermier gé-
lES AVENTURES DIVERTISSANTES ET NON POUTIÇUES
Le cheval infatigable pour.uil sa route
PuU rctrouvanl la l'istc de son camarade , il traverse
i son tour le marché aux poteries.
A I/USAGK DICS GKiNS SKIUKU\.
m
iitVal 011 (le Rios liiKiiicicr; lu ciiierrcras les (;r;t ids-
parciUs. — Trii'blciu- ! c'est ion ancifiiiic spôcialiié.
On lalTolcia de loi h l'Olvil-dc-hœuf , à Maiiy, ;i I lia-
non, tu ohiicmlras de nouvelles Icllrc-î de noblesse, tu
seras noininé grand veneur. — Non ; grand pannelier.
— Non; intenduiit des gnbelles. — Non, par la sam-
bleii, non. Tu seras tout bonneuienl nommé suritiien-
danl de la police du royaume, et alors Ohl alors,
venlre-sainl-gris! gare aux républicains et aux journa-
lisles de l'école de Jean-Jacques, et vive Henri V !
TnCISlKM!-; l'OINT DE VLK.
UN' ANCIEN r.APITA' ISTK, iléroré ilt In Légion il honneur , aulrffohrainlaine tle lii i" eompaijnie tie la\" Iri/ion; faiiaiil ai-luellrmnit
lu pince imir le fameu.r ili.rir île longue eie : mi KHANgi'E le rouleau; on remrt i"i <•., un paMt-lacel . un cnre-deni ,
(III riiic-oreille cl un paquet d'aiguilles au comommaleur ^ui rapporte le lerre an siège de la, inciélr.
— Ils sont vraiinenl trop stupides avec leur Repu- 1 cicn capilaine dans la première légion de ma brave
blique, leur Empire el leur Re-tauration. Au dix-ncu- garde nationale?
viémesiècle, siècledelnmières'ilenful.nepascompien- —Sa Majesté, vous l'avez dit. (Jaba'-sol, fidèle au
(Ire que ce qui convienl le mieux ii une nation éclairée , j poste , patriote dévoué à l'ordre et an salut pid)lic. Ue
c'est un you\erneinenl con.stiiiitionnel ayant pour base grands malheurs sont venus fondre sur le pavs...
les garaiili. s orlroyécs de la Charte de 1830. Au reste, — C'est bien, monsieur Cabassol, chassons ces irisles
nous y revenons tons les jours et nous pourrons bienlé)t
crier Vive la Charte! vive Louis-Philippe et son auguste
famille !
Ce jour-là, je bourre mes poches de rouleaux d'élixir
et je pousse une |)ointe vers le Temple. J'espère que le
placenient de ma liqueur dans un quartier nouveau me
iwrmettra de faire une petite toui née sous les galeries
de la Rotonde. Si les rentrées sont difficiles , je suis
toujours sûr d'opérer quelques échanges dans les bou-
tiques de friperie. J'offre cinq rouleaux pour un habit
de garde national , ancienne mode ; trois rouleaux pour
un fourniment, vieux modèle ; deux rouleaux pour un
pantalon à grand pjut. Il faut de la couleur locale , je
ne connais que ça. Fichtre , j'oubliais un point impor-
tant ! la coiffure. Pour cinq rouleaux an plus j'obtiens
un bonnet à poil de la garde impériale. — Ils pigent
assez avec les bonnols de mon ancienne compagnie. Me
voilà donc sous le harnais. J'embrasse mes enfants et
ma |)onle chérie, et je me mêle à la naiion qui me porte
avec enthousiasme au-devant de notre sauveur à tous.
Il est ailendu entre la barrière Bcileville et celle de
Saint-Denis. 11 fera sa rentrée, comme un honnête et
simple bourgeois, par la barrière de la Chopinette.
Une voilure s'avance , ce sont eux. Dieu me par-
donne! le sauveur de la nation est placé en lapin sur un
coucou. En vérité, c'est trop d'abnégation, et je sens
un pleur d'attendrissement qui mouille ma paupière.
Les voilà, ils descendent. Le bon roi a la même re-
dingote qu'il portait il y aura bientôt deux ans. Il est en-
touré de son auguste famille, et s'appuie sur le bras de
sa femme et sur son parapluie. Brave_homme, va !
" Vive le roi des Français et son auguste famille!
— Mes amis, le grand peuple qui m'entoure... C'esl
toujours avec un nouveau plaisir que... L'émotion
m'empêche de continuer.
— Vive le roi et son auguste famille! »
.Mais le monarque vient à moi. J'étais au dernier dî ■
ner des Tuileries; il me reconnaît sans doute. Atten-
tion!
" Je ne me trompe pas, c'est vous .M. Cabassol, an-
images. C'esl toujours avec un nouveau plaisir que je
me retrouve au milieu de vous. Mais, diics-moi, com-
ment va madame Cabassol et les petils Cabassol?
— Mal, Majesté, je
— Cabassul , il n'y a pas de Majesté ici ; il n'y a que
deux pères de famille. Dites-moi encore : dans voire
ménage, madame Cabassol a-t-elle essajé de la recetic
que je vous donnai un jour pour les conscr^es de câ-
pres et de cornichons?
— Non, sire, les temps ont été si durs.'...
— C'est bien , Cabassol , votre main ; nous nous re-
verron.s.
— Vive le roi et son augusie famille ! »
Il m'a donné une bonne grosse poignée de main, et
a daigné se souvenir d'une recette de conserves qu'il
m'avait enseignée dans les temps ; à la bonne heure, voilà
un homme tout rond, pas fier et instruit : un roi comme
il nous en faut un. Il est père de famille et compreml
et protège l'iiiduslriel qui travaille pour l'avenir de ses
enfants. Au diable l'élixir de longue vie! J'avais, après
1830, amassé en deux ans une fortune assez rondelette
dans des combinaisons d'actions et d'actionnaires; j'é-
tais électeur et éligible, la satanée révolution de février
m'a enlevé tout ça. Il nous faut donc recommencer sur
de nouveaux frais. Demain je me mets en campagne ;
j'obtiens la concession d'une ligne de chemin de fer de
Marseille à Tanger avec embranchement sur un cap
quelconque. C'est une affaire superbe dont m'ont parlé
Ravagcorff et Polydor Boufbien , mais qui n'est réali-
sable qu'à la condition de confiance aveugle des sous-
cripteurs. La confiance renaît avec un gouvernement
qui protège l'exploitation de tonte espèce d'indust.ies, et
qui commandite moralement les hommes actifs et adroits.
Cabassol, avant deux ans, tu seras baron de Cabassol,
officier de la Légion d'honneur, colonel de ta légion,
propriétaire en Amérique et député. Tu crieras Vive le
roi! sac à papier! et si par hasard des troubles anar-
chiques venaient déranger l'équilibre du pays, ma foi...
tes moyens te le permettant... ma foi. tu voyageras!
A. F— Y.
UKVUE COMIQUK.
par FABunzas
Gourgaiid de Février conlesle la \ictoire;
En eflel, les amis du monarque éplorc,
Peu jaloux de se faire un renom dans l'iiisloire,
nélaiisèrenl celui qu'ils avaient adoré!
Ces flalleurs, de Paris redoutant la rolére ,
Se liment accroupis derrière leurs rideaux;
El Gouriiaud ne put voir le combat populaire,
Car il avait tourné le dos!
Gravé pai BauuanT.
■XI ifiidincs
DUMINEHAT ÙDITEUH . HUI] HICHELIED
:j.i' Lir.disiiii.
Ilili !i ;L
W': "^-
T
CONDITIONS DE LA SOI SCRIPTION. — La Rt\UE coMKiiE formera dL-iix volumes grand in-8», publiés en &0 livraisons à 30 centimes: parla poste,
40 centimes. Le premier volume, composé des 25 premières livraisons, a élé achevé le 28 avril 1849. Il renferme environ 60<) caricatures politiques. —Prix de
ce volume : 7 fr. 50 c; par la poste, 10 fr. Le second volume paraît en livraisons. On souscrit , pour ce volume , en payant 7 fr. 60 c. pour Paris , et 10 fr pour
les dérartfments.
DUMINERAV
AUBERT, odileur, place de la Bourse.
Jkl^TmJk^Jk€US F017B 23S0.
MARTINON,
t" tlif l'.oq St-Ilonorc ,
Pour paraître le 10 sopiembio. LJh] DIABLE ROUGE, f''^""' P^'^'^i'e 'e 10 septembre.
aliai\a(;h cabalistique
CONTENAVr LE TABLEAC DES I^•FLUK^•CES QVl DOMINENT SUn LE PHYSIQUE ET LE MOBAL DE l'HOMME;
ET L\ NOMENCLATIHE DES BONS ET DES MAUVAIS GÉNIES; ACCOMPAGNÉ DES
TABLES CABALISTIQUES
A L'AIDE DESQUELLES CHACUN PEUT TIRER SON HIIEOSCOPE ET PRÉVOIR SON AVENIR,
AINSI QUE CELUI Di;s AUTRES;
Hrnferinant en outre des prédictions sur un grand nombre d'itommes politiques, et des prophéties curieuses
sur les grands (événements qui doivent arriver , entre autres les
PRÉDICTIONS DE NOSTRADAMVS POUR 1850
Précédé d*un petit Traité sur les sciences occultes dans le passé, le présent et Pavenir, la znagie de l'antiquité,
la sorcellerie du moyen âge, l'astrologie, ralcbimie, la chiromancie, les talismans, le calcul des
nombres, la magie orientale, la divination, la cabale, le magnétisme, etc.;
! 1"
Vcs fatalités hïstoritfues d'aprcs les jtUis grands t^crivaîus modernes : les jours funestes, le mauvais œil, l'enchaïucmcut dcs^
choses, les spectres, les vampires, les loups-g:irou$, les exorcistes, les sibylles modernes, les illuoiiiiés, etc. , etc. ;
2^ Du mjsticisnte révolutionnaire : le comte de Saînt-Gerniain, Ca{;J:ostro, doin.Pernetly , Cazotte, Dupoil, de Nemours,
âaiul-Mariio, Hestif de la Bretonne, Bobcspierre, Catherine 'Ihcos, Auacharsis Clootz , Suzanne Labrousse,
La Reveiiière Lepauix, l'alihë Grégoire et
laekPOXiiîOvi pir.ophxîte;
3" /)f5 /ï/o;j/iè(t'j- ro«;;c5; Proudhoii, Pierre Leroux, Lanu-iiiiais, Considérant, George Sand, etc.;
Y,l Vôi'uVwAé p^ï des Miecàoles is.\\V3.sl\que^ ,
—Le Livre d'Enoch. — Apolîyon , précurseur de V Antéchrist. — La
Pivotale. — Le carré de l'hypotliénuse. — Comme quoi deux et deux
ne font pas quatre. — Les sirènes. — Les liommes à queue. — Les li-
cornes.— Les évùques du mer. — Les nixes. — Le sergent Bertrand, etc.
Un joii vol. gr. iii-I G, avec couverture en couleur, illuslré de nombreuses vignettes, portraits, scènes,
PAR BZm.TAI.X., BÏABAR, PASTELOT, FABRITZXUS, etc.
i-niN : '■>0 CENTIMES. — 7d centimes pah i.a poste.
Telles que : Le centième anniversaire de Goethe. — L'abbé Pir-
cher. — Un déjeuner du diable. — Cabale du nombre 18 dans l'his-
toire de Napoléon. — Cabale du nombre 13 dans l'histoire de l'As-
semblée législative. — Le 33" César. — Les anges de S-\vedembort,'.
ALIANAGII POUR RIRE
- 1850 -
Texte par Jean Vertot, — C. Caraguel , — S. de la BédoUîèr^, — Gérard deMerval, — A. Fauchery, etc.
Besoins par Bertall , — Fabritzius , — Xiorentz , — Nadar ; — Gravés par Baulant.
JULl PETIT VOLUME GHA>D IN-8Ei/E.
PRIX : 50 CENTIMES. — 7o CENTIMES FRANCO PAR LA POSTE.
1850. —Grande
Sommairi'. des articles, — Calendrier pou
phéties européennes , extraits de la prophétie slave de ]^yiV. — Il
n'y a rien de changé en France. — La politique mise à la portée
des enfants, — Le marquis du Helder au vicomte de Durand, —
Rapports de la politique avec la pipe. — Les étrennes.— Le retour de
M, Guizot, chanson. — Le budget d'un représentant. — Confession
d'un pénitent politique. — Le Joto asiatique. — Orthographe de
cavalerie. — A propos de pantoufles. — Odilon lîarrot et la liberté,
chanson. — Trop parler nuit , trop gratter cuit, petit proverbe. ~
Les 17 brumaire.
Sommaire 'tes dessins^ — L'adoration des rois. — M. Thiers. —
La fièvre de l'or. — Vue intérieure de la Caliroruie. — Apparition
des naturels sur les bords du Sacramento. — Le retour de l'Icarie.
— M. Mole. — Républicains honnêtes et tnodérés. — M. Proudhon
sous différenls points de vue. — M. Dupin laid-nez. — Les trois
soutiens de la civilisation ausiro-croate. Statue du grand Odilon
Barrot. — Léon Faucher. =— Murât. — Boulet de la Meurthe. —
Montalembcrt. — Les constitutions octroyées. — Changarnier. —
l^uatre candidats aux prochaines élections. — Tocqueville. —
Berger. — Restauration des sergents de ville. — Les Anglais
visitant les ntonumcnts parisiens. — La Rochejaquelein, etc., etc.
Avis aux Libbaires. — L'Almanach pour rire et VAlmanach cabalhtique se vendent aux mêmes conditions
et remises que {'Almanach prophétique.
Pour paraître lo 10 septeniljrc
Chex MARTINON , rue du Coq-Saint-Honoré , 4; et chez DUMINTZRAY , 52, rue Richelieu.
L'ALMANACH DÊIVIOC ET SOC.
GHASDE hUITJOy.
Lu joli volume {^raiwl in-32 de 128 pucec
tlluïtrc do nombreuses viyuctlcs.
Prix : 25 centimes ; — 18 francs le cent.
L'ALMANACH DEMOG ET SOC.
PETITE lOniON
Lu joli volume (jiand in-32 tic (j4 |j:iei-5
illuslré Je nonibicuses vigntlteb.
Prix : 10 centimes ; — 7 francs le cent.
ïj l>vgtu;)liit l'Iuii Irérvi . lUt de VuugiidfJ , 'M.
LE COAGllKS DKMS.
— Mon cher GiL'ik'hi.
— Madame la coiiUessc de Kollcmèclie !
— Vous savez la grande nouvelle?
— Laquelle?
— Notre cher M. Crédit est à deux pas d'ici.
— Parlez plus bas, madame la comtesse, si la police
vous entendait !
— Il n'y a pas de danger. M. Crédit est à Enis.
— Ouf! je respire.
— Monsieur Gredelu , vous avez toujours luarciié
dans le sentiei- des bonnes doctrines.
— Je m'en honore, madame la comtesse, mon père
était passementier de la cour sons Charles X , el je ne
l'ai jamais oublié.
— (;'est une justice à vous rendre, aussi nous vous
avons mis de moitié dans notre projet de voyage.
— Quel voyage ?
— L'abbé Casquette , l'illustre écilvain légitimiste
Tariemiiion , le grand poêle catholique Barbanchu et
moi, nous avons résolu de passer le Rhin pour aller
présenter nos hommages à M. Crédit. Vous serez des
nôtres, Gredelu.
— Madame, tant de bonté
— Ne me remerciez pas, mon cher, ne me remerciez
pas. Il faut bien que tous les ordres soient leprésenté?
dans notre caravane.
L'abbé Casquette, c'est le clergé, je suis la noblesse,
vous êtes le tiers étal, Tarlempion el Barbanchu sym-'
bolisenl la littérature el la jioésie. Il nous manque un
repré.scntant des beaux-arts. J'ai envie d'écrire au des-
sinateur de la lievue comique, qui nous a donné un
si charmant |)ortrail de notre M. Crédit.
— Gardez-vous-en bien, il refusera''
— En lui i)romettaut l'ordre de Saiiit-Michel.
— Il refuserait encore. Je le soupçonne d'être au
fond Jacobin.
— Nous nous passerons des beaux-arts. Vous savez,
mon cher Gredelu, que nous partons ce soir.
— Le temps de recommander mes serins à mon
concierge et de faire ma malle, je suis prêt.
— A bientôt donc, mon cher Gredelu.
— A bientôt, madame la comtesse.
— Bonjour, mon cher Berryer!
— Comment vous portez-vous, u.ou du r NelliMurnl?
— Ah ! vous VQilà, Lubis?
— Salut à noire doyen d'âge, an vénérable Loui-
doueix.
— Voici Veuillot, VOpinion publique , VUnion ,
li Gazette (le France , l'Univers, nous sommes au
grand complel. Berryer, vous pou\cz ouvrir la séance.
— Vous savez. Ions que M. Crédit s'eM r.ipprm lié de
REVUE COMIQUE
la fronlièro. Il e>l à tins. Il s'iigit d'organiser ijnc ma-
nifestation dans le goine de celle de Belgrave-Square.
Col dans ce hul (jue nons sommes réunis. La parole
est au vénérable l.ouidoueix.
— Nous ra\ons |>erdu, messieuis, cet alhlèlc infati-
gable, ce civiir généreux, cet esprit supérieur, ce grand
homme ! Geiioude est ntort, Genoude n'est plus ! Quo
nioilo recidit potcns'. Je le déclare ici, la ménioiie de
M. de Genoude me sera toujours chère, pleurons Ge-
noude , parlons de Genoude, tout pour Genoude ei pai
Genoude.
— Très-bien ! A votre tour. Nettement.
— Je propose qu'on organise des trains de plaisir ii
deux cents francs , dîners , déjeuners , plaisirs et pré
sentation à M. Crédit compris. Cela nous vaudrait, jr
suis sur, un très-grand nombre de visiteurs.
— Qu'en pensez-vous, Luijis?
— Je suis de cet avis, seulement je voudrais qu'on
annonçât en même temps que IM. Crédit touchera les
ccrouelles.
— Y trouvez-vous un inconvénient quelconque ,
Veuillol?
— Aucun.
— Le train de plaisir est donc ado]>lé à l'unanimité.
Vive M. Crédit !
— Vive M. de Genoude! oui , vive M. de Gennude I
Pernietlez-moi, messieurs, de vous remercier de l'iioni-
mage que vous rendez à sa mémoire.
— Que ce Lourdoueix est fatigant , iimii (lier
Veuillol!
— Dites embêtant, mon cher Lubis. Allons tunier un
cigare.
in.
— Vous savez , monsieur le comte , (|ue M. Berrj ei
part demain pour Eras?
— Sans doute !
— Que M. de La Rochejaquelein est |)arli hier ?
— Certainement!
— Ces gens- là vont vous devancer, tiionsieur le
comte.
— Je m'en inquiète peu. Berryer est démonétisé ,
La Rochejaquelein est un légitimiste de fantaisie,
d'ailleurs il avait consenti à accepter une ambassade de
la République. Le chef du parti séiieux , c'est moi ,
et quand j'aurai la lettre que Kalloux m'a promise
— M. de Montalembert?
— C'est moi , monsieur.
— Je suis le secrétaire de M. de Falloux , cl Vdici un
pli qu'il m'a chargé de vous remettre.
— Ah ! ma lettre de crédit ! c'est très-bien , vous le
remercierez de ma part, et vous lui direz (pie demain
je serai sur la route d'Ems.
IV.
— Monseigneur ?
— Que me voulez-vous?
— Il faut vous lever.
— Je me trouve irès-bien an lit. Il n'est que dix
heures.
— Songez donc ([ue vos réreptions comniencenl au
jourd'hui. Vos amis sont là cpii vous allenilenl.
— Des amis que je n'ai jamais vus.
— Des Français ! des roin patriotes !
— Des compatriotes qui m'ont Uanqnc à la porte!
— Ils se repentent ."IMonseigneur, ils se repentent,
il faul leur pardonner.
■ — Eh bien je leur pardonne , mais qu'ils me laissent
dormir à mon aise.
— Vous dormirez jus(|u'h midi demain, aujourd'hui
il faut recevoir les pèlerins de la fidélité.
— Que diable vcux-lu que je leur dise, à ces pèlerins?
— Des ciioses aimables, ties mots piu'lis du cœur.
— Et où les prendrai-je?
— (lela n'est pas diflicile à savoir.
— Où donc?
— lié! où les prenait Heini IV, dans son esprit.
— On est toujours à me parler d'Ilriiri IV, cela
commence à devenir fatigant.
■ — Aimez-vous mieux prendre pour modèle Eian-
çois 1" ou Louis XIV? Voyous, Monseigneur, montrez
que vous avez du sang des Bourbons dans les veines.
Levez-vous.
— Passe-moi donc ma robe de rliambie.
— La voilà. Maintenant répétons un peu la leçon que
je vous ai donnée hier.
— C'est inutile. Je la sais.
— Ou ne saurait trop la savoir. D'abord, lorsque
vous vous approchez d'un de vos futurs sujets, vous
lui dites : Ventre-sainl-gris ! monsieur, il fait irès-chaud
aujourd'hui ; il doit faire plus frais à Paris , ajoutez-vous
d'un air malin.
— Venlre-saint-gris! monsieur, il fait trè.s-chaud
aujourd'hui , il doit faire plus frais à Paris.
— Très-bien. Seulement prenez un air plus lin en
prononçiiit ces derniers mots; maintenant, quand on
vous parlera politique, vous savez ce que vous devez
répondre?
— Rien.
— C'est cela même. Seulement vous aurez l'air d'é-
couter ce qu'on vous dira avec la plus grande attention.
Il vous est permis de lâcher ipielipies monosyllabes.
— Si je m'endors?
— C'est ju.slement ce qu'il faut empêcher ; je vous
ai fait préparer du café noir. Il y a des gens, que je vous
désignerai , qu'il faudra conduire dans une embrasure
LE LAIT-THIERS ET LE POT AU LAIT.
(Denoiiment connu.)
Dessine par BERT\Lr.
Gravé par Baulavt.
130
REVUE COMIQUE
de fc'iièlii' (|iiaiKl ils viciulroiit causer avec vous. C'est
une alleniioii h hKiiielle tous les lioinines politiques se
laissent prciiilre. .Maintenant , IMouseignenr, achevez
rapidement votre toilette.
Kt mon déjeuner! j'ai une faim du diable ce matin.
— >()us aurez quatre côtelettes.
— Qu'on y ajoute un beefsteack et une omelette.
El les pèlerins qui se morlondcnt depuis et- matin
dans voire antichambre?
— Qu'on leur dise que lem- mailieureux prince n'a
I pas encore déjeuné, et ils prendront patience.
— J'aime mieux choisir un autre prétexte. Je vais
; les calmer.
faut que je m'évanouisse , la comtesse de Follemèche va
s'évanouir.
— Au milieu d'un buise-main , cela ne s'est jamais
fait.
— Vous avez raison , Gredelu , je saurai me contenir,
pourvu que je l'embrasse. Place, place, messieurs, la
comtesse de Follemèche veut embrasser son roi.
VII.
— Enfin, c'est terminé. Otons cette cuirasse qui m'é-
touffe, et qu'on m'apporte tout de suite mon goûter.
— Que prendra Votre Altesse aujourd'hui?
— Des confitures, quelques fruits, une tarte, quel-
iiues gâteaux, la moindre des choses enfin ; liistoire de
casser une croûte. Qui vient encore me déranger?
— Permettez, Sire, que je vous présente un de vos
plus illustres serviteurs.
— Comme s'il ne pouvait pas attendre que j'eusse
uni de goûter. Enchanté de faire sa connaissance.
— M. Berryer.
— Diantre, un de ceux auxquels je dois donner de
l'embrasure. Approchons -nous de la fenêtre, et faisons
bien attention ii ne rien dire. C'est lui qui doit faire tous
les frais de la conversation.
— Sire, votre présence a rempli de joie le cœur de
vos fidèles sujets. Le moment est proche où la France
partagera notre joie. Quel beau rôle vous allez jouer,
Sire? 11 dépend de vous de guérir les plaies de notre
malheureuse patrie. Prenez garde seulement aux mau-
vais co.iseils. Méfiez-vous surtout de Montalemberl, c'est
un fanatique, un homme d;ingereiix. Il faut vousappuyer
sur Thiers et Véron. Ne craignez pas de faire quelques
concessions aux idées nouvelles. D'ailleurs quand vous
— F.h bien ?
,10 lo.s ai calmés pour un moment; il faut vous
dépêcher. Ces gens- là brûlent d'impatience de vous
voir.
— Je n'ai plus que mon beefsteack à manger.
Il y a surtout la comtesse de Follemèche qui dé-
clare que, si vous tardez encore, elle en aura une atta- |
que de nerfs. Hâtez-vous donc !
— Encore ce morceau d'omelette.
— Il y aussi l'abbé Casquette et M. Gredelu qui
ne voulaient pas me lâcher. Où est M. Crédit? me di-
saient-ils en me tenant par le revers de mon habit ; il
nous faut M. Crédit, nous voulons M. Crédit? Ne lais-
sez pas se morfondre ces braves gens. Faites donc vile.
— Plus que cette cuillerée de compote.
— Vous n'en finirez jamais.
— .Mais enfin il faut bien que je déjeune.
— Prince , excusez ma rude franchise , mais pour un
"rand roi je vous trouve bien porté sur votre bouche.
Mais ce n'est pas le moment de vous faire de la morale, j ^^^^^ j-^j^ ^.^^^^^ j^^ ^^li ^.^j ^g ^j^i s'avisera de songer
Vile votre casque! endossez votre cuirasse. Y êtes
vous?
Ouf! me surcharger ainsi au moment de la diges-
tion !
— Il faut faire quelque chose poiu- vos sujets, l'arliez
de prendie l'air majestueux , et ciilroris.
VI.
— I.e \oilk , c'est lui , c'est le cuirassier du miracle!
— Vive M. Crédit!
— Vive Henri IV !
— Casquette, M. l'abbé Casquette, soutenez moi....
0 Crédit, à mon roi,
L'univers t'abandonne.
Je n'v peux plus tenir, mon bra\e Creilclu , il
qu'il a vendu de la pâte Régnauli ? Léon Faucher est
également un homme qu'on aurait tort de dédaigner, il
peut nous rendre de vrais services. La bonne politique
commande d'amnistier les libéraux repentants, et de
gouverner avec la rue de Poitiers.
VIII.
— Il ;i liiii. Je \ais pouvoir goûter. Qu'y a-t-il en-
core ?
— Voici, Sire, un des plus zélés défenseurs du trône,
un des pères de la monarchie, M. de Montalembert.
— HetournoMS à reinbrdsurc, et faisons semblant de
l'écouter. Il est écrit que je ne goûterai pasaujouid'hui.
— D'un instant à lautre. Sire, la France peut rap-
peler le fils de ses rois; j'irai droit au fait. Il y a des
gens , M. lierrycr entre autres , qui vous pousseront h
A L'USAGK DKS riK>S SKEUEIJX.
une rcslaiiraliim pure et simple avec, iliaite, chambre
des députés, chauibie des paiis, culiii (ouïe la boutique
ronslilutiouuelle. Tout cela est au-dessous de l'attente
du siècle. La question est catlioiiipie avant lout, je vois
d'im côté des croyants, de l'autre des béiéliques, il faut
l)iùler les béiéliques. Si vous n'extirpez pas l'Iiérésie
libérale vous Ôles perdu comme Charles X. C'est une
aiïaire entre les All)igeoiset vous. Je dois ajouter, prince,
(pie c'est Ih aussi l'avis de noire illusire Kalloux!
I\.
— Sire , l\l. de Larochejaqueleiii : ce nom dit tout.
— Encore un qui me tombe sur les bras. ,Fe crève
de faim décidément. Pourvu qu'il ail bienlôt fini!
— Ma famille a assez versé son sang en faveur de la
légiiiuiilé pour qu'il me soit permis de vous dire la vé-
rité. Berryer et Rlontalembcrl ne peuvent que vous
perdre. Croyez-moi, Sire, couchez-vous dans les draps
de lit de la République. Quatre ou cinq cités ouvrières,
une fleur de lis à chaque coin du drapeau tricolore ,
l'enseignement confié moitié aux jésuites, moitié aux
élèves de l'école normale , et nous voilà pour jamais à
l'abri de tout bouleversement. Mais qu'avez- vous, Sire?
vous pâlissez.
— Ce n'est rien , monsieur. Gonlinuez.
— Votre pâleur augmente. Je vais sonner, Votre Ma-
jesté se trouve mal.
— In peu de faible.sse seulement , l'heure de mon
goilter est passt'e de[>uis longtemps , et j'éprouve le be-
soin de |)rendre qucbiue cho.se. Voulez-vous me faire
l'aniilié de goùler avec moi?
— 'l'ant d'honneur, Sire
— Nous causerons d'affaires à table.
— Je suis aux ordres de Voire Majesté.
\.
— Eh bien. Sire, êtesvous content de ces messieurs?
— Eicchanté.
— Que vous ont-ils conseillé ?
— M. Berryer m'a conseillé de me déti.T de M, de
Montalembcrt.
— En vérité !
— M. de Montalemberl m'a conseillé de nie méfier
de M. Berryer.
— Vraiment !
— Et M. de La Rochejaquelein m'a dit que j'étais
perdu si je ne me méfiais pas de M. Berryer et de M. de
Moiilalembert.
— Voil;\ qui est bizarre , on m'avait assuré pourtant
que la plus complète union régnait au sein du parti lé-
gitimiste.
Le général de La»oricière, ambassadeur de la Eépublique française près le czar de toutes les Russies . rivalise arec les amba.ss.-»deur8
sutnchiens et prussiens pour féliciter le czar au sujet de la i,aajicati.;i de la Honnie.
REVUE COMIQUE.
— On se sera trompé, mais moi je ne me (rompe
pas, mon estomac sonne six heures. Allons dîner.
XL
— Monseigneur, vous savez qu'il y a grande réception
ce soir. Il est temps que vous songiez à votre toilette.
— Dois-je mettre ma cuirasse?
— C'est inutile ; l'habit noir suffira avec le grand
cordon du Saint-Esprit, par exemple.
— J'aime mieux ça; j'ai horreur des cuirasses.
— Silence ! si on vous entendait. . . Le faubourg Saint
Germain a envoyé la Que-fleur de ses duchesses à Ems;
soyez gentil , ayez l'esprit de M. de Provence , le brio
de M. d'Artois; qu'où dise en vous voyant : C'est lui!
■c'est le petit-fils de Louis XV dit le charmant. A pro-
pos , il y aura auss. '"s journalistes de Paris , soyez
gracieux pour eux, vous devez bien quelque.chosc à
leur vieille fidélité.
XIL
— Il passe sans me rien dire !
— Il ne me salue pas!
— Moi, la comtesse de Folleméche , dont les aïeux
montaient dans les carros.'.es de la cour!
— Moi, l'abbé Casquette, qui ai fait deux cents lieues
pour le voir, malgré ma goutte et mes rhumatismes !
Gredelu, les rois sont des ingrats.
— Je m'en aperçois bien , moi qu'il n'a pas seule-
ment regardé.
On ne regarde jamais le tiers état; c'est dans l'é-
tiquette. Mais la noblesse!
— Mais le clergé!
— Mon ciier Barbanchu, allons-uous-eu ; ou n'a seu-
lement pas l'air de se douter de la présence du plus
grand écrivain légitimiste.
— Je vous suis, mon cher Tarlempion ; il paraît que
le plus grand poëte catholique n'est rien aux yeux de
ces gens-là.
Xlil
La .soirée est finie.
Monsieur mon gouverneur , ètes-vnns coiileui de
moi ?
— Vous ne vous en èles pas mal tiré, sauf une hou-
lette, cependant.
— Une boulette! laquelle?
— Vous avez passé devant la comtesse de Folleuiéclie
sans lui baiser la main.
— Baiser la main de celte vieille!
— Louis XIV, d'héroïque mémoire, n'y eût point
manqué. Apprenez d'ailleurs qu'en légitimité il n'y a
pas de vieille femme.
— Voilà qui me paraît grave.
— Cela est ainsi. Songez-y une autre fois.
— J'y songerai. En attendant, qu'on serve le souper.
— Sire , il est servi.
— Que ne le disiez-vous tout de suite. Allons nous
mettre à table.
XIV.
Mon cher Lubis,
Savez-vous qu'il n'est pas fort.
Hier on m'a présenté à lui comme un des envoyés de
la presse parisienne; impossible de le faire parler d'au-
tre chose que de la pluie et du beau temps.
Je lui ai touché quelques mots du socialisme ; il n'a
pas l'air de savoir seulement ce que c'est.
J'ai cru devo=- alors le mettre sur l'économie poli-
tique ; sileu'- complet. La Rochejaquelein l'a perdu.
Heureusement pour nous , cet homme n'est pas un
homme, c'est un principe.
\V.
Mon cher Nettement,
Il faut l'avouer, je le croyais plus fort.
Il ne répond que par des monosyllabes à tout ce
qu'on lui dit. Peut-être ses parents lui défendent- ils de
parler. Montalemberl l'a perdu.
Heureusement, cet homme n'est pas un homme, c'est
une situation.
XVL
Mou cher Lourdoueix ,
Je le dis avec regret, il n'est pas fort.
n ne m'a pas dit un seul mot sur la perte immense
que la Gazette de France et le monde viennent de
faire. Il paraît ignorer complètement qu'il a existé un
homme du nom de Genoude. Falloux l'a perdu.
Même ignorance sur la sublime théorie du sulTrage à
deux degrés.
Heureusement, cet Iwmuue n'est pas un homme, c'est
nue idée.
XVII.
Mon iher Veuillol,
Si on vous demande : Est il .f..ri ? vous pouvez ré-
|)ondre que non.
A I.IJSAGK DKS GKiNS SKHIKI X.
Tciif/. pour assuré qu'il ne coniiait aucune îles gran-
iks uiccssilés lie sou épociue, iii le lélablisseuioul lie
riii(|uisilioM , ni la reprise des croisades, ni la révoca-
liou de l'éilil de Naules. Il est i)on loiil au plus h faire
un moiianpie conslilulionnel. Iterryer l'a perdu.
Ileureiisenunt cet homme n"est pas un liouune, c'est
un symbole.
XVIII.
On lisait l'autre joiu' dans tous les journaux lé^^iti-
niistes :
« Les personnes tpii reviennent d'Knis sont enlliou-
. siasmées de la personne et de l'esprit de M. le comte
.. de Ctiambord- Crédit. Sa physionomie a ([uelque chose
.. de martial et de gracieux ((ui rappelle les anciens
.. preux. Il danse le menuet comme feu Louis XIV
.) u'en déidaise aux Jacobins qui prétendent qu'il est
.. boiteux;. Toutes les questions à l'ordre du jour lui
., sont familières. Il connaît Prondlion et Yillcgardelle,
u aussi bienque le bagage deséconomistes Blanquy.Say,
.. Michel Chevalier, etc. Il n'est pas également sans
o avoir quelque teinture de Frédéric Basliat et de Jean
.) Journet. Al. le comte de Cliambord-(;rédit est ce
■> (|u'ou pourrait appeler un socialiste conservateur. Du
,1 reste, les réunions d'iïms n'ont fait que res.verrer les
.. liens qui unissent les légitimistes, et témoigner de
.. leur parfaite entente sur tontes les questions de l'a-
« venir. «
POST SCRIPriM.
Réparons trois omissions importantes dans ce compte-
rendu de ce qui s'est passé à lims : M. Véron, une
paire de pistolets et le papetier Jeanne.
•La paire de pistolels a élé offcrle h M. «'.redit par une
députatiou d'ou\riers parisims. l'ouripioi de» pistolets
plutôt (|u'un fusil, plutôt (|u'un Uomblon ? Les ou\ tiers
d'Kms pourraient seuls nous dire la raison de ce ca-
deau ; mais dis qu'on cherche ces ouvriers , on ne les
trouve plus.
Ilécompense boiinèle à qui les rap|)ortera.
«hiant à M. Véron, il s'est présenté lui-même chez
l'auguste exilé, qui lui a fait, dit-on , un charmant ac-
cueil, ainsi qu'au papetier Jeann(! du passage Choiseul.
M. Crédit ne pouvait se montrer trop gracieux pour
M. Véron : on sait tout ce que la morale et la religion
doivent à ce saint personnage.
M. Véron est en outre pro|)i iétaire du Constilu-
liûiiiict, journal honnête et mo léré , organe de
M. Thiers.
M. Thiers a rendu des ser\ices trop éclalinis à la
branche aînée pour que celle-ci puisse les oublier. A
défaut d'autres titres, ^\. Thiers a du moins le souve-
nir de la forteresse de Blaye, qui doit le recommander
spécialement aux bonnes grâces de M. le comte de
Chandjord.
Il ne faut pas oublier non plus que c'est M. Véron
qui a converti le Cunstiluiionncl et l'a reconcilié avec
l'Église.
M. Crédit a promis la direction de l'Opéra i M. Vé-
ron, qui s'est engagé de son côté à allonger la jupe des
danseuses.
iNous n'avons pas besoin de dire quel appui M. Jeanne
a donné à la légitimité. Le portrait de M. Crédit en
cuirassier est une de ces idées qui valent des années.
On a dit que les Bourbons étaient revenus en Fiance
dans les fourgons des alliés: la nouvelle restauration
sortira de la boutique d'un papetier.
Espérons ([u'elle ne reniera jamais son origine.
Ji;an VLUTOT.
Et Jacques Bonhommel avec qui il laadrail compte
134.
REVUE COMIQUE
Les lumières étant fort dangereuses, la Russie se charge de tes éteindri
pour éviter les incendies.
Essai sur la liberté de la Pn
IL EST SAmiÉ!
On se rappelle quel immense voile d'affliction cou-
vrit la France tout entière lorsqu'elle apprit la maladie
de M. Léon Faucher.
Il y eut des prii-res publiques dans toutes les églises ;
des provinces entières s'imposèrent un jeûne général.
.M. Véron voua Merruau au jaune, qui est la couleur
de l'ordre, au cas où M. Léon Faucher re^iendrail à la
santé.
La rue de Poitiers consacra di\ mille francs à faire
dire des messes pour obtenir la guérisou du malade.
Dans toutes les villes, sur toutes les routes oij passait
la litière de M. Léon Faucher se rendant aux eaux des
Pyrénées, les mères venaient pré.senter leurs enfants
au malade pour qu'il les bénit.
La nation se sentait malade de la maladie de M. Léon
Faucher, i. Qu'allons-nous devenir s'il meurt! disait-on
de toutes parts; quelle main sera assez |)uissante pour
soutenir l'édifice social! »
Le bruit de la mon prochaine de M. Léon Faucher
produisit les mêmes effets que le bruit de la fin du
monde qui circula au moyen âge.
D'un côié on ne voyait que gens donnant leurs biens
à l'Église , et se livrant à toutes sortes de pénitences el
de macérations; d'un autre côté on n'entendait que le
bruit des rires , des chants , de l'orgie.
Des hommes s'en allaient tout nus dans les rues , pré-
tendant qu'il fallait agir ainsi , parce que la fin de
M. Léon Faucher était proche.
Par l'excès de pénitence, comme par l'excès de sen-
sualisme, la société tombait en dissolution.
Heureusement M. Léon Faucher n'est pas mort!
Par la vertu miraculeuse de la source de Bagnères, il
est revenu à la vie : toutes les terreurs se sont dissipées
comme par enchaiilemeni , la société a repris confiance
en elle-même , les craintes cliimériipies oni disparu , la
France n'oscille plus au soullli> des fantômes!
L'univers se sent rassuré.
Il est question de célébrer la guérisou miraculeuse de
M. Léon Faucher par un Te Deum el des réjouissances
publiques; Merruau a pris le jaune depuis hier.
On espérdit que M. Léon Faucher reprendrait ini-
médiaiemrnt sa place au niinislère. L'attente seul de
cet événement avait donné une immense impulsioti à la
reprise des travaux, la rente s'était approchée du pair,
la sève recommençait h circuler dans les veini's du corps
.social.
Tant d'espérances sont ajournées!
A I.llSA(iE DKS GENS SÉRIEUX.
13.-.
iM. Lôori Faufiler a déclare'' dans nn hnnqiici ((u'oii
lui a donné à Limoges, sa ville naiiilr, iju'il ii>' rciiln'
mit pas au niinisière.
'< J'ai , a-l-il dit , une plus nohie mission .'i remplir.
n II \ a rcriaincs époques où les sociétés oni besoin
d'un llerciik' (|iii les purge des monstres qui les souil-
lent.
» Le premier Hercule accomplit douze travaux.
•> Il vainquit l'Iiydrede Lerne, le lion de Néuiée,le
sanglier d'KryinanlIie, le hriijandCacns, etc., etc., etc.
» Moi je veux combattre et terrasser la liberté de la
presse, le droit au travail, le droit de réunion, le droit
d'association, tous les monstres fils de la démocratie!
» Quand j'aurai nettoyé les étables delà République,
je me repo.serai et j'accepterai un portefeuille.
» Mais il faut auparavant que j'en aie fini avec ce
monstre couvert d'érailles, dont la gueule vomit des
flammes , et qu'on appelle la Constitution. Doimez-moi
ma massue, il est temps (|ue je rominenre mes tra-
vaux! .>
Les hahliaiiis de Limoges essayèrent en vain di; li'
retenir par leurs l.iruies et leurs supplicatiins :
« Attendez au moins, lui disaienl-ils, (|uc vous soyez
remis !
" Vous sortez à peine de convalescence , aurez-vous
la force de combattre des monstres?
» Les médecins vous oni recommandé bien des mé-
nagcnieuts ; remettez votre départ à l'aiiuée prochaine ,
quand vous aurez fait une seconde cure aux eaux de
Uaréges. »
Tout a été inutile : M. Léon Kancher est parti armé
de sa massue. Il est arrivé à Paris, où 11 s'esl mis im-
médiatement en quêle d'un join lia! piinr \ eoninienrer
Kcs douze travaux contre la déniorralie.
1)1 (. DK saim-pa\civu;k.
La France n'apprendra point sans un vif sentiment
de joie et d'orgueil la glorieuse réconipi use (|ue vient
de recevoir le général Oudinoi.
Le vainqueur de Rome était déjà duc de lleggio du
chef de son père; le pape vient de le nommer duc de
Saint-Pancrace!
On prétend que Sa Sainteté ne bornera point là ses
marques de reconnaissance envers la nation française.
Le général Vaillant sera nommé marquis de Saint-
Nicodème ;
Le général Vaillant , comte de Saint-Crépin ;
Le général iMoilière , baron de Saint-Maclou;
Le général Rostolan, chevalier de Saint Fiacre.
Ce sont dès titres un peu plus convenables que ceux
que Napoléon disiribuail à ses généraux; il devait
même répugner à des bons chrétiens de les porter,
attendu qu'ils ne figurent sur aucun calendrier.
Le duché de Saint-Pancrace lire son nom de la porte
de Rome que le général Oudinot a attaquée la première.
Aussi le blason du nouveau duc porte-t-il deux clefs sur
champ d'azur avec une serrure de sinople.
Le pape a doté le duché de Saint - Pancrace d'une
inGnité de privilèges plus précieux les uns que les
autres.
Le nouveau titulaire pourra faire gras à perpétuité le
samedi , lui et tous ses descendants inâles et femelles.
Dans les cérémonies publiques, il aura le privilège
de baiser la mule du pape le premier.
Il est de droit grand prieur de la confrérie des péni-
tents bleus et marguillier de Saiui-Pierre.
Dans les processions , il marche sur la même ligne
que lesèvèques. On conçoit d'après cela que le titre de
duc de Saint-Pancrace soit considéré comme un digne
prix de la plus haute ambiiion.
Fu France, les avis ont été partagés sur cette favein-.
Les uns ont trouvé que le titre de Saint- Pancrace
sonnait mal aux oreilles ; les autres ont prétendu qu'il
était inconvenant, quand on était général d'une Répu-
blique, d'accepter un titre d'un souverain étranger.
Vous devinez sans doute à quelle catégorie d'indivi-
dus appartiennent les gens de cette opinion : ils sont
évidemment voiiairiens au premier chef, jacobins, et
(pielque peu partageux.
La masse de la nation, les gens honnêtes et modé-
rés, les RR. PP. de la rue de Poitiers ont exalté le
duc de Saint-Pancrace, et ont déclaré qu'on cherche-
rait en vain dans tout le Nobiliaire de France un
nom plus aristocrati(|ue que celui-là.
Notre armée à Rome a commencé par se moquer un
peu du nouveau dur; mais on l'a menacée d'un châti-
ment si terrible, qu'elle s'est tue.
— Quel est ce châtiment?
— Les colonels ont fait mettre à l'ordre du jour
pi'à la première plaisanterie chaque régiment serait
ilécimé, et que ceux sur les(|uels tomberait le sort se-
raient décorés de l'Éperon-d'Or. Depuis ce jour-là , on
ne prononce même plus le nom de Saint-Pancrace.
— Je le crois fichtre bien !
Du reste, l'arrivée prochaine du général Oudinot eu
France ne peut manquer de raviver la polémi pie sur
son duché.
— Peut-être n'en prendra t-il pas le titre en France.
— Vous croyez?
— Je l'ai entendu dire.
— Ma foi, c'est ce qu'il aura de mieux à faire; car
on aura beau m'accuser d'être vollairien , jacobin et
partageux , il me semble que ce sera une drôle de
chose tout de même quand on entendra annoncer dans
un salon : < M. Oudinot de S.iint-Pancrace! »
RKVUK COMIQUK
rilre règn
UNE CRISE EN ALLEMAGNE.
— Pourriez-vous me dire, i^l. de Tarleifllesberg ,
demanda le roi de l'riishe ù son premier ministre, ce
que c'esl qu'un certain M. de Persigny ?
■ — Sire, répondit Tarteilllesberg, sauf votre respect,
c'est le niameluck du président de la République fran-
çaise.
— Un niameluck I
— Il ne quitte jamais le président de la République ;
c'esl lui ((ui dans ses voyages porte son lélescoiie. La
nuit, il couche en travers de sa porte sur une peau de
lion.
— Que peut-il venir faire dans mes États î
— Lui, abandonner son maîire pour voyager; c'est
impossible I
— La Patrie annonce en toutes lettres que M. de
Persigny se propose de visiter les ftials de l'Allemagne
en commençant par le nord. Où est située la Prusse,
Tarteilllesberg ?
— Au nord, Sire.
— Donc , M. de Persigny viendra me visiter. Je
1)1 ùle de savoir ce qui l'amène. Je vous ordonne de me
l'apprendre demain.
IL
— Qu'on aille me cherclier tout de suite M. de
fjioucroutemann, le président du conseil.
— Sire, me \oici.
— Vous arrivez fort à pio|)os. Ave/.-vous les rensii-
guenients sur 1,1 visite (|iie nous annonce ^rt Paliicl
— Quelle visite, Sire !
— Comment ! il faut que ce soit moi qui vcns l'ap
prenne. Lisez la Pairie, vous y verrez qu'un noiiuu
de Persigny se propose de visiter tous les Étals de l'Ai
lemagne , en commençant par le nord , et à moins qut
la Saxe soit au midi , nous devons nous attendre à voit
arriver cet individu d'un moment à l'autre. Avez vous
jamais entendu parler de ce Persigny ?
— On dit. Sire, que c'esl le Pylade du président de
la République française.
— Que peut avoir de commun Pylade avec la Saxe ?
— Je l'iguore, Sire.
— Vous avez vingt minutes pour le savoir. Sinon,
apportez-moi votre démission.
IIL
— Diable ! voilà qui est grave : M. de Schwart-
zvmberg.
— Quoi donc. Sire ?
— La nouvelle que contient ta Pairie : SL de Per-
signy est parti pour visiter les Étals de l'Allemagne, ur,
l'Aulriclic fait partie de ces Étals. Ce Persigny doit être
un homme important. Le connaissez-vous?
— J'ai entendu dire qu'il est au président de la Ré-
publique française ce (pie HL de Montalivel était à
Louis Philippe.
— Son maître Jacques ?
— Précisément, Majesté.
— Ce voyage, annoncé par la Pairie, doit cacher
quelque dessein secret. Vous allez me l'apprendre ?
— Mais je ne le sais pas moi-même.
— Vous devez le savoir, j'ordonne (|ue vous le sa-
chiez avant ce soir, ou bien je prendrai un autre mi-
nistre.
A L'ISAGK DKS GENS SEUIKL.X.
AVIS AU n lil.lC.
De p.ir le roi, il et-i ciijoiiil il Ions les ,iiil)('i(;i.sli's
(le Miiiiirli rlicz lesquels poiiriiiil (Icscendie un Fiiiii-
çais, du nom de l'ersigiiy, (|ni, au dire de l<t l'iilric,
a (iiiiité Taris pour \isiter les Kl a Is de l'Allemaj^uo, eu
roninieuraut par le uoid, de di in.inder au susdit l'er-
sij;riy quel sujet l'anièue eu Bav èie.
Aussitôt la réponse reçue, ou l'apportera au premier
cliainbellau de Sa Majesté. Il y aura une aiuendc de
rinquaute (loriiis par clia>|ue minute de relard.
l'iiil î> Munieii, le 23 août 18/i9.
Le bouvijmcslre : SciloPDUiiK.
PRUtLAMATtOi\ DL GRAM)-t)LC \m IIESSE-MICROSTADT.
Fidèle sujet ,
O loi qui composes toute la population du i;rand-du-
ché de Hesse-Microstadl, ton bien aimé souverain, qui
vient d'apprendre par ta Pairie la prochaine arrivée
d'un appelé Persigny dans ses États, le prie de lui dire
dans vingt-quatre heures ([uel but anièue ce voyageur
dans la Hesse-Microstadt. Devine donc cette charade ,
toi qui lis cfHiraimnent celles de Vlliuslralion , sinon
je me verrai forcé de l'envoyer en e\i! et de me priver
de toute population.
valentin xxvin.
VI.
A Kranerorl . à Hambourg , à llrénie, dans les villes
libres et non libres, ou ne s'alwrdc plus qu'en se de-
mandant :
<' Savez-vous re (pie vient faire ici >l. de l'cisi^juv ?
— Non. ■ — El \ous? — Ni moi non plus. »
Tontes les aiïaircs .sont abandonnées. On ne s'occU|X'
ni du Sieswiy, ni de la Hongrie, ni do l'Autriche, ni de
la llussic. La seule question à l'ordre du jour est la
(piestion l'ersigny.
(i'esl une maladie véritable, une fièvre, une grippe,
un rliome de cerveau , un lumbago , un choléra, selon
les Icinpéraments.
L'Allemagne est dans une crise véritable. M. de Per-
sigin devrait bien écrire quelques mois à la Gazrtie
d'Aiiijsbourg, ou à n'importe quel MonjenbtaV , pour
mettre le public dans la confidence des motifs de s;iu
voyage, et rendre le calme à tout un peuple.
En attendant , les suppositions vont leur train.
Les uns disent qu'il vient demander la main d'une
princes.sc allemande pour le président de la Républi(iue
française. Les autres prétendent que le czar Nicolas lui
a proposé l'investiture du royaume de Hongrie.
Il y en a qui aflirment que les liabiianLs de Sigiiia-
ringen-Ilohenzollern , voyant leur souverain vieux et
sans enfaiils, l'ont demandé pour prince royal.
(Quelques uns vont jusqu'à assurer que le |iouvoir
central étant sur le pdint de se reconstituer, on veul
lui oiïrir les fonctions de vicaire-général de l'Empire.
Laquelle de ces versions est la vraie? L'avenir seul
et la Patrie peuvent nous l'apprendre.
ZiES AVENTVKES DIVZ31TISSANTES ET NON FOUTIÇDES
De jnaUre Lnpp cf de ^on apprenli l'jpps.
Maître Lapp entend tout à coup le cheval de
son apprenti qui trotte derrière lui.
Le boucher Keill avait aperçu deux
pistes, et étaitresté indécis sur
celle qu'il devait suivre. '
r ces entrefaites, un taureau, rendu
furieux par le parapluie rouge de
maître Keill, force celui-ci à
be réfugier vers la forêt.
REVUE COMIQUE
l.E LKOniMISMK l.ECailMK.
l'K.ïirECOnUKsroNDANCE TRUIVÉE DANS 1, \ BOITE DE LA REVUE MIMKHE
Madamk,
Voyez en mui un douitilique franc et sincère. Je
n'irai pas par quatre chemins. Je suis désolé, — désolé
est le mol. Votre journal nous cause un préjudice con-
sidérable.
J'intercède auprès de vous au nom du parti légiti-
miste, que vous méconnaissez, le croyant sans doute ex-
clusivLMuenl composé de débris des croisades, de vieilles
ganaches et de gros chanoines.
l'arbleu ! il y en a : il en faut bien. Mais si ce n'était
que ça le parti! Mou Dieu, madame, je m'en ficherais
avec vous. — Qu'est-ce que je dis ! je m'en archili-
cherais !
Mais, hélas ! le vrai parti qui aspire le plus après le
retour de Henri V , et qui souffre le plus du nouveau
régime et de ses institutions , ce n'est pas celui que
vous croyez, mais bien celui que je représente ici.
C'est le parti des domestiques.
Oui, madame, des domestiques.
Je ne fais point allusion aux commissionnaires , aux
garçons d'hôtels garnis, aux laveuses de vaisselle et
autres canailles qui ne savent inspirer que le dégoût.
Non, je veux vous entreteuir seulement de gens sérieux,
de domesti([ues de qualité et de vocation.
.le compte dans ma famille ■: trois Dubois , deux
Champagne et cinq Lisette ; de plus, je ne sais pas chez
nous une seule mésalliance. Vous le voyez, je ne suis
point suspect.
Sa\ez-\ous ce qu'autrefois mon aïeul gagna rien
qu'avec les coups de pied qu'il eut le bonheur de rece-
voir? Siv cents louis, et je ne parle que des coups de
pied.
Voulez-vous que je vous dise ce que mon grand-
oncle obtint pour l'enlèvement de deux petites bour-
geoises et d'une comédienne ? tne pension de cinq cents
écus et la vieille garde-robe du comte.
Toutes les Lisettcs qui avaient du minois lurent avan-
tageusement mariées par leurs niailies à des Bourgui-
gnon, des Lafleur et des Laverdure.
Mon grand-père, (jui naquit au Gros-Caillou, fui
suisse pendant trente ans chez les Maufrigneuse.
Désespérant de jamais devenir suisse, j'ai vendu l'au-
tre semaine l'habit rouge.de mon pauvre grand-père.
Hélas, madame ! j'appartiens à une génération jeune,
ardente , dévouée , adroite , qui végète et s'étiole , une
génération perdue si le gouvernement de la République
se consolide.
Sous la République, j'ai voulu continuer la profession
de mes pères ; — je mourrais à côté de toute autre pro-
fession ! — Eh bien ! j'ai essuyé des coups de pied.
J'en ai reçu trente-trois qui m'ont mis à la porte de
trente-trois maisons. J'ai ébauché pour un jeune maître
un tout petit enlèvement ; ça m'a conduit en police cor-
rectionnelle, et j'ai fait six mois de prison. J'ai été suisse
dans un hôtel; le premier jour on m'a appelé concierge,
le second jour on m'appelait portier!
XES AVENTURES DIVERTISSANTES ET NON POUTIQUES
De maUre Lapp et de son apprenti Pipps.
P., ,.-,!;. ■ î ur sa malheureuse
■.;;italcadi: et par la clmte qui
l'a terminée, prend t'-gale-
meiit la roule de la foret
par des motih *Ic
Il entend quelqu'un venir, i
s'empresse de se cacher
par pn'leur.
L'apprenti reconnaît dans le
survenant l'étranger, et, met-
tant de côlé tout sentiment
de pudeur, il lui pré-
sente sa facture.
Cuiiimc l'étranger lui pronxt
de payer le lendemain . il
cherche i l'empoigner
et crie au secours.
A LIISAGK DES (lEMS SKRIKUX.
Vous comprciir/ à présent, madame, le lorl (|ue ^ou^
nous causez et l'impoilance de nos léclamalidns. On ne
doit pas laisser s'éteindre dans l'inaction un parti aussi
vivace et aussi dévoué (jue le nôtre. Nous voulons le
passé de nos pères; nous sommes électeurs et éligibles,
dites-vous : Mon Dieu, ça nous est bien égal ! nous
crions: Vive Henri V! Kt qu'est-ce que nous deman-
dons pour ça ?
Nous demandons à élre domestiques!
Agréez, etc.
LAKLDl II.
MO.NSItLR LE ReDACTI-IK ,
Je ne suis qu'une femme, une faible femme, et je
ne devrais pas parler politique. Mais, pristi 1 si ce n'é-
tait le respect que je me dois , je vous dirais que votre
journal est un infâme journal.
Comment , monsieur , vous préconisez le gouverne-
ment de février, c'est inouï! Savez-vous, vous doutez-
vous seulement de ce qu'il nous vaut, le gouvernement
de février? .\on. Vous écrivez sans savoir, comme un
uriuberlu. Eh bien ! je vais vous dire, moi, ce que vaut
ce gouvernement à un millier de malheureuses créa-
tures, jolies comme des cœurs, qui composent la popu-
lation tout entière d'un des plus beaux et des plus
grands quartiers de Paris.
Avant février , nous étions toutes dans l'acajou et la
marqueterie ; nous faisions vivre les marchandes à la
toilette, les marchandes de bouquets, les administrations
de voitures à deux francs l'heure, les bals, les spectacles
cl les cafés. Nous portions une robe liuit jours et une
paire de gants une heure. Nous étions de toutes les par-
ties; enlin, nous formions la plus belle moitié de l'élé-
gante société parisienne.
Aujourd'hui, monsieur, nous demeurons dans du
noyer, nous allons en onmibus; nous partons des robes
d'indienne, cl l'on fait une croix à la cheminée lorsque
l'une d'entre nous à une paire di- Joiivin. .Si cela con-
tinue, il nous faudra travailler à la confection et gagner
! douze sous par jour! .
Kh bien ! c'est votre satanée llépiibiicpii' qui nous
vaut tout cela. L'ne Ilé|)ubli(iue de crocpieniitaines, qui
a fait sauver les petits jeunes gens de famille et les bons
vieux rentiers qui nous donnaient à vivre.
Ainsi, monsieur, je ne vous le cache pas, noussoiu-
Mies furieuses, et nous appelons de tous nos vœux une
invasion qui change le gouverneinenl français et nous
ramène nos bons pigeons.
Nous solliciterions d'autant plus le retour des Bour-
bons, que ce siint encore ceux qui savent le mieux
faire les choses; à preuve Je magnilique château d'As-
nières, que Louis XVIIf donna à une femme pour une
bagatelle, un caprice bien innocejit et qui ne faisait de
mal à personne.
Quant à l'invasion, ma mère, qui avait vingt ans en
1815, m'a dit beaucoup de bien des étrangers. Pendant
tout le temps qu'ils sont restés en France, les dames
étaient très-heureuses, très-heureuses!
Aussi croyez bien, monsieur, que votre journal a
bien tort de dire du mal de ces gens-là, el de ne pas
envisager la question sous tous ses points de vue; si
vous vouliez y mettre de l'impartialité, vous crieriez
avec nous : — Vive Henri V! vive l'invasion !
Agréez , etc.
EULALIE.
Kue de la Boulc-Rougc.
IXS AVENTURES SIVERTISSANTES ET NON POLITIQUES
De lAaUre Lapp ci de son apprenti Pipps.
Maître Lapp entend ces cris, se croit pour
suivi, donne de léperon à son cheval,
qui le met en sûrtté dans un
égoiit souterraiti.
KKVUK COMIQLIK.
\
Uoi des agioteurs, grand -prêtre du veau d'or,
Fould osa le premier parler de banqueroute.
Sans crainte poursuivant sa route,
De la Bourse à la Chambre il a pris son essor.
C'est Mercure, dos cicux descendu sur la terre ;
A la Kéaction il promet de beaux jours.
Si (juclque heureux hasard le pousse au ministère,
gui pourra l'arrêter-.' 11 volera toujours.
Dessiné pat F»britz1' s.
30 centimes.
DUMIMERAY EDITEUn . HUE RICII I.LIEU
• Ui' l.ii-i iliS'iu.
r.O\niTIOXS de I. \ -OîSCRIPTION'. — La RbicE coMlûUE formera diuj vclumes srand in-8» , pubhés en 50 litraisons à 3l) c.i;limps ; parla post^ .
40 centimes Le premier volume composé des 25 premières livraisons, a été achevé le 28 avril 1849. Il renferme environ 500 caricatures roli'iqnes. — rrix de
ce volume: 7 fr. 50 c; par la poste, 10 fr. Le svconi volume parait en livraisons. On souscrit , pour ce volume , en payant 7 tr. 50 c. pi.or Taii- it 10 fr. p.-..r
W? départements - -
Il L M I .\ E R A \
WW.WW cdileiir, phu'O de la Bouiso.
Aï,iygATS^GllS λ017B ÏS50.
MAUTlNOxN,
LE DIABLE UOIGE.
AIJLWACH CABALISTIQUE
lO.MENA.M II. lAllLLAl l)t> INHIKNH
Kl LA Mi.MI-.M I \Tll;K lll:;
■ ol I 1)1
Bu.Nî^ I-;
lUNKM su; 1.1. rin>ii.uK ti i.i. .v.un.vi. Pli Li
lili> MAl\\l^ l.KME;: VClOMl'AliMv DKS
TABLES CABALISTIQUES
A L Unt DKbOlELLES CHACVX VrXT TIKKR SON IKrRosO iPK KT rRKViTlli SON AVhMH.
AINSI yUK CELCI DKS Al llîl.S,
lleiifernuinl m ou(n des prédklions sur un ijrand nombre d'Iwnwu-s puUliques, cl c/i's iiroi>lutiescuneum
iur les ijrands éuvnenunl» qui doiccnt arrivir , entre autres (es
PRÉDICTIOIVS DE IVOSTRADAMVS POUR 1850
■écéde d'un petit Traité sur les sciences occultes dans le passé, le présent et l'avenir, la magie de Tant.quité,
la sorceUerie du moyen âge. l'astrologie, l'alchimie, la chiromancie, les talismans, le calcul des
nombres, la magie orientale, la divination, la cabale, le magnétisme, etc.;
aisu:il, r.»Lli..inuii.i-.u .1..-,
lUimiiic», cic, cic;
le
■2" Du
iihvllcs iiioilcriK< , 1
UV,(
Aii.irliji-.sis Ciooli, Su/.a
Labroussc ,
Ves piviihéle
. /ii(<i//(o liiilviJ<iiics dii|ircs les i)Uis ijiHinls l'irivdliis modernes : lis
1 liosis, les spccirts, les v;uii|)iies, les loups-snious, les exoicisies, le
s((Vts,..e ,tW«l«-".mi.«: le comie de S.iinl-Ge.niain , Cauliosiro, dnm Pciuclly , C^Mie, Diipoui de Ncii.our
Sai'ul-Mailiii, Keslif de la Urcloiiue, Hoh.-.s|,iene, Calheriiie
La lioeilKie-l.qKui'.v, l..!.!" r.nv.nir. a
SIB..POLÉOM PROPHÈTE
io»yes:l'roudbou,rierie Leroux, Lamennais, Unisideiani , L,ei.r(;c jaud, clc. ;
¥,1 letraraè çit des at\ecào\.es ia.\\Ua\.v.\\ies ,
Telles (jue . Le centième anniversaire de Goethe. — L'abbé Pir-
cher. — fn déjeuner du diable. —Cabale du nombre 18 dans l'his-
toire de Napoléon. — Cabale du nombre 13 dans l'Iiisloire de l'As-
semblée législauve.— Le 33' César. — Les anges de Swedemborg.
Un joli vol. -zr. in-Ui, avec couverlure on couleur. illu.~iié Je nombreuses vignettes, porlrails, scènes
PAR. BERTAIX. NADARD , PASTEIOT . FABRITZIUS. etc.
iO fE.MI.MES. — 7o CENTIMES PAR H l'OSTE.
—Le Livre d'Enoch. — Apollyon , précurseur de VAuttehrisl. — La
Pivotale. — Le carré de Ihyiolliénuse. — Comme quoi deux et deux
ne font pas quatre. — Les sirènes. — Les hommes à queue. — Les li-
cornes.-Les évoques de mer.— Les nixes.— Le sergent Bertrand, etc.
rni\
ALMA^ACH POUR RIRE
Teste par Jean Vertot , - C. Caraguel , - E. de la Bédollière , - Gérard de Nerval , -A Faucher j , etc
lessins par Bertall , — Fabrltzius . — Lorentr — Nadard : — Gravés par Baulant.
hiLI l'LIll \OLIML laiAM) IN-.M 1/1 .
l'IUX : 50 CENTIMES. — 'lo CENTIMES FRANCO PAU LA POSTE.
Sommaire des dessins. — L'adoration des rois. - M. Tliiecs. —
La fièvre de lor. — A"ue intérieure de la Caliloruie. — A|iparition
des naturels sur les bords du Sacramento. — Le retour de l'Iearie.
M Mule. — Républicains honnêtes et n odérés. — M. Proudhun
sous diirérents points de vue. — M. Dupin laid-nez. — Les trois
soutiens de la civilisation austro-croate. Statue du grand Odilon
Barrot. — Léon Faueher. — Miirat. — Boulet de la Meurthe. —
Montalembert. — Les constitutions octroyées. — Changarmer. —
tjualre candidats aux pruchaines élections. — Tocqueville. —
Berger. — Restauration des sergents de ville. — Les Anglais
visitant les monuments parisiens. — La Rochejaquelein, clc, etc.
Hummairc dei articles. — Calendrier pour 1850. — Grandes pro-
phéties européennes: extrciils de la prophétie slave de lôiO. — Il
n'y a tien de changé en France. — La politique mise à la portée
des enfants. — Le marquis du Ilelder au vic.mte de Durand. —
Rapports de la politique avec la pipe. — Les ttrennes.— Le retour de
M. Guizot, chanson. —Le budget d'un représent nt. — Confession
d'un pénitent politique. — Le loto asiatique. — Orthographe de
cavalerie. — A propos de pantoufles Odilon liarrot et la liberté,
cl.anson. — Trop parler nuit , trop gratter cuit, petit proverbe. —
Les 17 brumaire.
L'ALMANACH DEMOC-SOC.
Cîî- MmiSOS -.v. il rii.;,.:.Hs;.i 4— Pour paraître le ÏO <cptcHibro — C .; MMàï. -je kUfe.52.
ChezMAATINON, rue du Coq-Salnt-Honoré , *! et chez DUMINERAY, 52, rue Richelieu.
L'ALMANACH DÉMOC-SOC.
C7M.VZ>£ LUJTIV.\.
Lu joli volume .".laud iii-32 de 128 |>aces
i:lii>lri' de nombreuses visuelles.
Prix : 25 centimes; — 18 francs le cent.
I' 1:111 1; I. Il II III. s
Lu lui. V..1 ei;iai„liM .il <le .
Prix ; 10 centimes ; — 7 francs le cent.
LE MESSAGER BOITEUX DE PARIS
AM,fi.4.\.tC0r M'Oift É8SO
■ par MM. Jean Vertot , - C. Carraguel - E. de la Bédollière , - Gérard de Ner> .il . - A Fauchor
Dessins par Bertall. - Fabritzius - Nadard , - lastelot; - Graves par Bni.lant.
l> JOTI \UUSn: l.fiANO IV.-hl/.E.- l'IlIX . :ill CEMIML^. — "o LE>rlUES KBA.NCO PAU LA POSTE.
Paris. — Typographie Pion rrères. rue de 'Vaugitard , 36
DKMISSIOW AlKK Ol \()\.
" Messii'urs, vous connaissez le Inil du iiolro léiinioii.
— Pas ciicore.
— Je vous ai convoqués vous tous qui êtes présents ,
les nicnilires iiiiluenls du parti Icgiliuiisle , pour savoir
ce qu'il doit faire.
— Qui ?
— M. de Fallou\.
— A propos de quoi?
— A propos de la lettre du président. Faut-il (prii
se retire?
— C'est il savoir.
— Faut-il qu'il reste?
— C'est à décider.
— Voilà précisément te que je \ous deuiaude. La
parole est au vénérable M. Gredclu; il arrive d'Eius,
il pourra ouvrir un avis salutaire. Parlez, niousieur Cre-
delu.
— Je suis bien enrliunié.
— Mouchez vous.
— Mon opinion, après m'èue mouché, est (pie M. de
Failoux doit restei'.
— C'est bien là voire opinion?
— Certainement.
— Motivez-la.
— Je suis bien enrliunié.
— Qui est' enrhumé, se mouche. Continuez.
— Sur mon ànic et sur mon mouchoir, devant Dieu
et devant les himmes, je déclare que M. de Failoux
doit rester au ministère.
— Alors il doit l'aire comme ^i (m ne lui avait pas
communiqué la lettre?
— Sans doute.
— Mais, si elle ne lui a p;is éie conimunicpieu, le
président a manqué à sou devoir consiitulionnel, et
M. de Falloux doit être furieux?
— Évidemment.
— Il fa Jl donc qu'il s'en aille ?
— Au contraire. S'il part, il donne gain de cause aux
révolutionnaires, la majorité est acquise à OJilon Bar-
rot et à Dufanre, les démagogues sont maîires du cabi-
net. M. de Falloux doit rester ministre pour surveiller
la politique générale du i;ouveriiemeiil. D'ailleurs que
dit cette lettre?
— Elle dit que le pape doit faire des concessions.
— Eh bien?
— Que l'admiiiistiation des Éiais-lloniains doit être
confiée aux laïques.
— Après?
— Que le Code Napoléon doit faire loi , au lieu des
Statuts de l'Inquisition.
— Quand cela serait?
— l ne telle question ne peut venir que d'un hoiuiuc
aussi enrhumé que vous. Le pape n'est plus libre.
— Où voyez-vous cela?
— Parbleu, dans la lettre.
— C'cït un chiffon de papier. Le président en sera
pour ses frais d'écriture. La restauration du jiape sera
complète. Naples le veut, l'Autriche aus>i, et l'Espagne
RliVLK CDMIQUK
(II' iiiOiiie. Il s'agil loiil .siinploiiiciil de iii\>tilicr les rc-
\oluIi()iiiuiirt'S. M. tic Fiilliux duil icMit iiiiiiisire, je
le soiilieiis, et je le déclare quoique très enriuuiié.
— Miiiiilennnt (|iic vous veuez d'enleiidrc le véiiéra-
lilc M. Giedilu, la parole csl au \icouile de La Cilrouil-
lèie pour combattre la proposition. Parlez , viconile ,
parlez.
— .Me.vsjeuis , les principes sont des principes. I\.s
de conces.-ions, voilà ma politique.
" Tout est perdu, fors l'honneur.
"Suivez mon panache blanc, vous le irouvcrcz tou-
jours sur le chemin de la gloire. »
C'est d'après ces maximes que je me dii igc. « Tout
droyct, mon droyct , » telle est la de\ ise des La Cilrnuil-
lèrc.
Ou M. (le Fallonx a connu la lelire, i:u il ne l'a
pas connue.
S'il l'a connue, i\ doit donner sa diMuission , parce
(lu'cllc est l'expression du pur esprit di'Uingogiiiue.
C'est r(5pitrc d'un jacobin.
S'il ne l'a pas connue, il la conii.iil maiulenanl, et il
doit à plus forte raison donner sa déniissiou connnc mi-
nistre et comme callioli(|ue : tout drout, mou droyd,
je pense comme mes .rieux.
— Mais les nt'cessités de la politi(iue'.'
— l'out droyct , mon droyct, je ne connais (pie (a !
— Les exigences de la situation ! il ne faut pas coiu-
prouictlie l'avenir.
— Tout droyct, mon droyct, je ne sois pas de lii !
— Vous (-'les un aveugle!
— Kt vous un filon !
— .Monsieui' !...
— Je suis il vos ordr(s : à la lance, à \'i:\)(:e , à la
hache, en champ clos connue en rase campagne!
— Il faut souuietlrc la(|ueslion au concile de la rue
l'érou.
— Messieurs, an nom dn ciel, la paix! Miid mie
lettre (pii va nous mettre tous d'accord.
— Une lettre! d'où vi( ut elle?
— D'Ems.
i.M-; (;n,\VLitK sur dois.
Kprciivc avant la leUrt.
A I.ISAC.K DKS GK^.S SKIIIKI \.
Nn
l'J'IlIltOlls
« A mes aiiu's 01 fr:ni\ du ;;raml fiiiniii- d
l'a\ciiir :
« Il nous convirnl que nipssirc Jeliau dr Falliiu\
■> resU' au iiiinisirre. Agisspz en rniiséquciire.
■• -Sniin' C.nf DIT. .
l'I jiliis bas :
" Foi II.I.OPOT , chdnciticr. «
— Celle leliio esi coiilraire aux cnnslilulions de la
munarchie : je (leiiiaiide la convocalinu des éiats géné-
raux.
— Prenez garde, monsieur de La Ciirouillère, ceci
est de la rébellion !
— Toutdroyci, mon droyci ! J'exposerai ma pen-
sée devant les trois ordres.
— Vous refusez donc de vous sounieiiie?
— Tant (|ii'()n n'aura pas ronU)i|ué les élals (çéiié-
raiix!
— .S lerice , messieurs , voiri une autre leitie rpii
nous arrive !
— n'où?
— De Caëte.
— frétons l'oreille :
'■ Trés-cliersfrèrcsdelacoiifréiie de ^a^elliI :
u .l'ai consulté à Gaële le général des jé.suiles ; nuui-
' sieiii- (le Fallnnx doit rester; agissez en conséquence.
■ Sigiu Frère RATAPOir.. »
— Pour le coup , c'est différent !
— Vous vous soumettez, monsieur rie l.a Ciirouil-
lère ?
— Parbleu !
— Enfin vous obéissez au roi !
— Kt au général des jésniles. »
i\.\\ VI II! or.
INE liftAVtllK SUR nOIS.
Epreuve aprrs la leUre.
IIEVUK COMIOUK
r\l I.IIKR, SII'KKIKIK (.KNERAl, DKS MISSIONS KTK WdKUKS.
M. I.i'iiii r.iiiLlicr a rôilii;é un plan pour sauver la
snciili'. Aiiici en quoi consislc ce plan :
Il lanl ([ue les gens lionn(Mes et modelés s'organisent
en missions, destinées à parcotu'ir touies les villes, cités,
bonnes, villages, iiaineauv et camj)agnes de France.
Les nouveaux mi>sionnaires prcutlroiit le titre de
Pîrcs (If Corilre.
On fondera, rue de Poiiiors , iine maison professe
destinée h former de jeunes nii-sinnnaires. Dès aujour-
d'hui on commence à recueillif les souscri|)iions |)our
celte pieuse fontlaiion
Dans tous les endroits où ils se trouveront, les mis-
sionnaires prèclieroiil le uîainiieu dos impôts actuels et
le rélablissement des impôts supprimés par le gouver-
nement piovisoirc ou par In C.onstiluanle.
L'im];ôt sur le sel.
L'impôt sur les boissons.
I.a taxe des lettres.
Là où ils verront le leir.iin projiice à recevoir la
lionne semence, ils lài lieroni de faire redemander la
(lime.
C'est dans ce sens qu'ils doivent agiter le pavs.
On remarque , dit M. Léon Faucher dans une
de ses insiruciions au supérieur d'une des snccur-iales
du grand séminaire de la rue de Poitiers, une tendance
générale des esprits h revenir aux institutions de l'an-
cien régime; c'est ce mouvement qu'd importe de
seconder. Les constitutions fatiguent le peuple, il com-
mence à sentir qu'il vaut mieux comme autrefois re-
mettre le gouvernement en des mains qui l'exonéreront
de ce fardeau. Inculquez bien aux jeunes gens que
vous enverrez travailler dans la vigne du Seigneur, que
c'est surtout contre la Constitution que leurs efforts
doivent être dirigés. Qu'ils profitent de l'influence qu'ils
ne manqueront pas d'acquérir pour faire signer des
pétitions tendant à la révision de la Constitution.
Les multitudes se laissent facilement frapper par
l'imagination ; il faudra que nos missionnaires a loptcnt
un costume : ils se laisseront croître la barbe et les che-
veux ; ils porteront une jaquette bleue (jui leur serrera
la taille, avec un panlaloo blanc; ils chercheront prin-
cipalement il convenir les IVinmes : par les femmes , on
a facilement les hommes.
.le vous piie de iemar(pier que c'est M. Léon Faii-
( lier (jui parle.
Arrivés dans nos villes, nos mis.sifinnaires annonce-
ront des conférences contre le .socialisme qui commen-
ceront par des romances et qui rmiront par la polka.
IJes rafraîchissements ciiciileront dans l'auditoire pen-
dant qu'on démontrera que les démocrates sont des pil-
l.nr.is, des voleurs, dis partageux, di's buveurs de
tang! " Caloinniey. , dii l'Kvaiigile , il eu r.'ste toujours
quelque chose ! «
Je vous prie de remaniuer (jue c'est encore IM. Léon
Fauciier qui parle.
S'ils se trouvent au lieu de naissance de quelqu'un
de ces écrivains renommés par leur impiété, nos mis-
sionnaires se léiiniront en procession et se rendront on
cliaiitaiit des mélodies-cantiques devant la maison de ces
hommes, où ils se livreront à une cérémonie expiatoire et il
la plantation d'une croix. Il serait bon que Taris donnât
l'exemple, et (pi'on o'ganisàl nue inanirestation à Paris
pour brûler Tculufc devant le monument de Molière.
Dans peu de temps la France serait couverte d'exécu-
tions de ce genre , et les impies trembleraient.
Partout où ils passeront, nos jeunes gens devront
pénétrer dans les familles, ei tenir bonne note de ce
([u'ils verront et de ce (ju'ils enteudroul.
Ils feront parvenir au siège delà Société centrale des
registres contenant l'âge, le nom, la profession dotons
les ciloyeus avec lesquels ils auront été eu lappnrl.
Ils signaleront ceux qui lisent la Hcformc, la Hiipu-
hliqiw , le Nation al; ceux qui ne vont pas ;i la me.sse,
Ceux qui ne se coufe.sseiit pas ;
Ceux qui ne vont pas chercher leur biilleiin de vole
à la sacristie ;
Ceux (pii ont une édition de Voltaire chez eux ;
Cl ux (jui ne sont d'aucune congrégation;
Ceux qui s'appellent Brulus ou Déùiosthèuc.
S'ils assistent à quelque inauguration de chemin de
fer, tout missionnaire devra tenir note de ceux qui
crient vive la Piépublique! et les empoigner même au
besoin. M. Lacrosse ne saurait seul suffire à ce soin.
Il importe que nous connaissions au juste le nombre
et la force de nos ennemis , car le jour de la vengeance
est proche.
.Je vous prie de remarquer que c'est M. Léon Fau-
< lier qui parle toujours.
Comme il ne faut pas négliger les petits bénéfices, les
missionnaires vendront dans les campagnes les images
de saint Tliicrs et de saint Falloux. Il est bon de per-
suader aux paysans qu'il suffit de les faire loucher à leurs
moutons pour les guérir de la clavelée. Le chefd'œu-
ue de l'ordre et de l'honnételé serait de leur faire
i roire que les républicains en déposant leur vote dans
lurne électorale n'ont pas d'antre but que de jeter des
suris sur leurs troupeaux.
Voilà sur quels points principaux porte l'iiistruclion
ilu père Faucher, général d(;s Pères de l'ordre.
Les missionnaires vont bieniôl commencer leurs tra-
vaux. Le général lui-même a débuté par prêcher la
mission dans la ville de Limoges. Il contimie ses pieuses
pérégrinati ms dans le Limousin.
M. I.arrosse, iiiinislie des iravaox publics, fail res-
laiiier Saiiil-Acheul, pour (pie M. Léon F.iiiclnr puisse
V établir sa résidence et celle de (pieUpies-ims de ses
A LUSACK l)i:S (ii:\S SKIUKIA.
roadjiitpiirs. Oti Itti en iriiicllra 1rs clefs sur tiii |il;il
(l'arKcni.
Lii lïaïKi' a|)j)i(ii(lru avtT plaisir qiK' Saint- \rhrul
y| liJiliili' par (il' iioiivcaiix jésiiiH"s
I \ (.ONCII.K.
M Mes cluTs frcics, piiisi|ui' If ((Hicilc est ou\cil , je
nrenipresse de vous soiiiuellic qnolipies poiiils de disci-
pline sur lesquels j'ap|>i'lle loule railciiliDii des lumières
de l'Église ici réunies.
— (;'csl hien , monsieur l'abbé Biroteau , ou connaîl
voire zèle pour ks iuiérèls de la catlioliciié, nous trai-
terons plus tard tous les poiulsde discipline. Pour l'in-
stant nous avons à nous occuper de (pieslioiis beaucoup
plus importantes.
— Opendant
— Soyez irancjnille , iniinsieur l'abbé, on \ous dit
que la xliscipline aura s m tour.
— Je croyais
— Il n'y a pas que la discipline (pii intéresse la re-
ligion.
— Certes non.
— Il y a
— Il y a le dogme.
— D'accord.
— El la morale.
— {lerlainemeul.
— Laissons donc la disci|)liiic puui' uu luumi'iu, mes
frères, et revenons au doj;me et à la morale, encore plus
importants que la discipline. Dans mou diocèse on se
plaint
— Il ne s'agit, mon cher abbé lîiroieau, ni de disci-
pline , ni de dogme , ni de morale , ni des plaintes de
votre diocèse.
— De quoi s'agit-il donc ?
— Du salut de la religion.
— Je vous écoute, mes frères, et prions l'Fsprit saint
qu'il nous illumine. »
II.
" Est-il bête, ce Biroteau!
— Le frère d'un ex-parfumein-, que v(udez vous que
cela soit ?
— Son frère était parfumeur?
— Oui, le fameux César Biroteau, p:irfumenr à l'en-
seigne de la Ueine des Roses.
— Comment un évê(|ue peut- il clioisir un pareil
vicaire général !
— Il l'a choisi dans les premiers jours de la révolu-
tion de février pour faire |)laisir aux janséui.stes du con-
seil général, qui lienuenl, comme vous savez, les cordons
de la boinse; car l'abbé lliroti'au est janséniste.
— Vraiment ! la farce est bonne, j'en rirai longtein|)s.
— Ali ! ah ! ah ! C'est à se tenir les côtes , parole
d'honneur.
— Mais pour(|uoi l'a-ton envoyé ici?
— Il y est venu de lui-même pour sounjetirif an
concile di\ers points de discipline, qui inqnièieui sii
conscience. Il avait le droit d'assister à nos délibéra-
tions; le renvoyer eût été donniT l'éveil aux jansenis-
le.s. Il vaux mieux qu'il reste. C'est un bon homme, du
reste , et je parie (pi'il dormira tout le temps de la
séance.
— l'rend-il du tabac .'
— Regardez sa tabatière sur la table.
— Il dormira, j'en suis certain. »
IIL
<i La parole est à monseigneur pour faire sou rapport.
— Sur le dogme ?
— Prenons une prise, monsieur l'abbé Biroteau , et
écoutons.
— Les nouvelles que j'ai à vous apprendre , très-
dignes et très-chers frères , .sont excellentes , tout nous
fait espérer le prompt i établissement de l'ordre et le
triomphe de la religion dans ce malheureux pays depuis
si longtemps bouleverse par les révolutions.
Vos curés, qui ont reçu le tuot d'o.-dre, prorneni de
l'influencedu confessionnal pour déclarer " qu'il est iiu-
■) possible de faire son salut sous une république.
» Que tant que les registres de l'état civil ne seroi t pas
■I tenus par le clergé, on ne sera pas régulièrement marié
1) Que tous ceux qui auront crié vive la Républi-
.1 que 1 iront au purgatoire, et ceux qui auront ajouté dé-
» mocratique , en enfer. »
On baptise pour la forme, et pour ne pas être mené
à la guillotine ; mais on engage secrètement les parents
à faire rebaptiser leurs enfants, quand le règne des im
pie-^ sera fini.
On persuade aux bourgeois des petites villes que
Robespierre avait épousé une sœur de Napoléon; et que
le président de la République est Dis de Robespierre ,
que l'Empereur avait nommé roi de Hollande.
La population se tourne chaque jour davantage vers
MOUS ; elle est inquiète, agitée. Nous seuls , lui disons-
nous, pouvons mettre un ternie aux maux de la France.
lie
RKVUK COMIQUE.
1,1' U'inps ni'sl pas loin où elle viendra nous supplier
d'appliquer ce remède. Que Dieu vous fusse la grâce
d'exaucir ce voeu. Ainsi soii-il !
— A mon! »
IV.
I. Maiiili^iiaiii M. l'alilM' Casqiulic \a diAclopper ses
idoc's sur...
— I.a nvjialo, j'écoule a\ec attcruioii.
— Punons encore une prise, monsieur l'abbé Bi-
roloau , ce n'esl pas encore le tour de la morale. Déci-
dément cet homme e.sl ins(i|)poriable.
— A qui le dites-vous ! Voilà l'abbé Casquette qui
ct)mmence.
— J'ai reçu aiijotmriiui du frère, qu'il est inutile de
niiniiuer et que vous connaissez tous, un rapport cir-
constancié sur l'étal de l'éducation en France. Tout
marche selon nos vœux, le ConstitiUionnct lui-même
nous seconde. Tous les jours, grâce à nous, on voit dimi-
nuer le nombre desélè'.esdes écoles d'enseignement mu-
tuel. Nous sommes parvenus à faire croire aux parents:
Qu'an li.'U de l'oraison dominicale , on faisait
commencer les classes à l'enseignement mutuel par le
chant de la Marseillaise.
Qu'au lien de l'image du Christ , c'était ie portrait
(le l'roiidhon qui s'élevait au-dessus de la chaire du
maître.
Qu'on a;>prenait à lire aux enfants dans un livre
inilulé le Compère Mathieu, etc., etc., etc. Vous
Suvez si sur ce point nous avons l'imagination fertile.
Quant aux collèges , la chose est peul-èlic un peu
plus difficile, cepcudaut, de ce côlélh aussi, nos efforts
sont couronnés d'un c rtain succès. Les séminaires se
peuplent. Les parents retirent leurs enlaiits des lycées
où les professeurs leur enseignent que l'homme aura
un jour une (jueue avec un reil au bout, et qu'an lien
de mourir nous serons tous changés en arômes.
Tout nous permet donc d'espérer , mes très chers
frères, que nous recueillerons le prix de nos travaux
avant peu de temps. Qu'il luise donc bientôt l; jour où
maîtres de l'éducation de la jeunesse française, nous
pourrons ramener eu triomphe le frère Léotade et le
mettre à la tète d'un peii'^jonnat. Ainsi soil-il!
— Ameu! »
oCe que j'ai à vous dire , mes très chers frères, a
irait à la discipline...
— Eufin, nous y voilà.
— Mais, prisez donc, monsieur l'abbé Biroteaii, pii-
sez donc; le bourreau ne veut pas s'endormir.
— C'est un sournois. Il faudra écrire à son évéque.
Que va dire don Lumignon?
— Je vous parlais donc, mes très-chers frères, de la
discipline de l'armée française, elle est admirable mal-
heureusement; et les efforts que nous avons faits tant à
Paris qu'à Rome, n'ont pas été précisément couronnés
de succès. Nous avons beau offrir de l'argent ; nous ne
trouvons personne portant l'uniforme, qui veuille lâtcr
d'une petite conspiration légitimiste. A Rome, c'est
V nEiu-iii.iorE-i.r. iiyri .mitaine
Telle qiif la représentent les royalistes.
A l.llSUiK DFLS GKiNS SKIUKIX.
il'iiiio ronspiraiion sucialisic (|iii' iiuhn .miionti besoin;
i;()iis p.'irvictuli'ioiis ainsi ù ([{'sornanisi'i' l'arinfc. Ilcu-
iciisenicnl, <lii côte de Hoini', li's fiirdinaux se cliartjcnl
(r.iiiiciicr (|i'S((iiiipliiaii(»ns(|ui vaudronl bien les noires.
Oiiaiil à iKiIre piopai^anilc parmi les ouvi'iers, elle
\.i eahiii-ialia. lis ne donneiil pas l)eauc(>iip dans nos
promesses. Cependaiil, à nn moment donné, nonspour-
lions bien rénnir dans les fanbonrgs une ciiii[Manlainr
.l'iionnnes ponr crier vive Henri Vl
C'esi (oujonrs nn connnencemenl. Cunlions-nons
dans la divine Providence, qni m' peut nianqner de
\enir à noire aide. \inM soii il!
— Amen ! >
VL
" Vous veniez donc ronrher ici , nionsionr l'abbé
liirolean?
— Connneni, coucher!
— Sans doute, le concile est fini.
— - lit la discipline?
— On s'en occupera pins lard.
— Kl le dogme ?
— iVous V errons.
— Rt la miralc?
Ki'niis à une autre fois.
— - Alors je retourne dans incni diocèse. .Si j'avais su ,
jC ne me serais pas dérangé. C'est là ce (pie vous n;ipc-
II/. un conc ile?
— Parblen ! Allons avertir son é\è(]ui' qu'il n'a pas
dormi. »
vir.
Itonjonr, .leaiineion.
Déjà de reloiii-, nionsicnr labbi'?
- One venx-ln ! maintenant les conciles dm inl pru ;
1 'est la mode.
— Il n'esl rien arii\é pendjol mon absence?
— Si, celle lellie.
— \o\ons.
// inoiisii iir Ciihlii' IliiDti (III.
I' MONSIliL'lï,
Votre allilnde dans le concile n'ayant pas paru suf-
fisamment orthodoxe, j'ai le reyrel do vous annoncer
' (pie j'ai cru devoir dioisir nn autr(! vicaire général.
' Veuillez me faire |)arvenir an plus U'tl les [)leins pon-
. voies que je vous avais confiés.
« Fn attendant , je prie [)ien (pi'il vous éclaire.
» AlGlSTR. PI
» Jeanneton! Jeanneion!
— Monsieur l'abbé, qu'y a-l-il ?.. . on dirait que vous
vous trouvez mal!... Vous faui- il de l'eau de mélisse?
— Un Mi''ge, ma bonne Jeanneion, nn siège!
— Asseyez - vous , innn^ienr l'abbé, a'Sevez -vous ,
\ous êtes malade!
— Fis que cela , je «nis desiilué! i
JlA^ VI'RTOT.
LE GEME DE LA RKPinLIQUE
Suivant les républicains.
UKVUK COMlQUi:
I.KS lîl! I.KTS [M.Kl S.
I.
<. En p'aco , messieuis, en place, et niouirez vos
hillels.
— Pouriiez-vous nie dire qiu'l est ce nionsieiir qtii
vient de crier et qui maintenant ferme les portières?
— Ost le ministre des travaux puhlics.
— Oui s'est fait conducteur de train?
— Oui, monsieur, conducteur par dévouement.
— Pour le chemin de fer de Lyon ?
— Pour le président de la République.
— Eu elfet , j'avais entendu pailer des soins dont
M. I.arrosse entoure la persunue du p;)uvoir exécutif;
mais je ne croyais pas (lu'il poussât h-s clioses jusque-là.
Le voilà maintenant qui tire un silllet de sa. poche.
Bon, nous voilà partis. Où déjeune t-oii, monsieur?
— A Melun, j'imagine.
— F«rt bien. Et où dine-t-ou ?
— A Sens , je pense.
— A merveille! nous déjeunerons donc dans deux
heures, il est neuf heures maintenant. Doux heures
d'enthousiasme à traverser, c'eM biauconp; mais l'en-
ihousiasme aiyuise l'appétit. Je irois que l'enthousiasme
co:nme:!ce déjà ; on s'arrête, il me si'iuljle. Où soni-
mes-iKius donc ?
— Demandez le à M. Liicrosse.
— Conducteur, où somiuesiious?
— Vive Napoléon !
— Le nom de ce village?
— Vive l'Empereur! Criez vive l'Empereur, on je
ne vous ouvre pas la portière.
— Vive l'Empereur ! vive Napoléon !
— Irès-bien , vous pouvez desrendre. Nous som
mes y...
IL
c. Monsieur, vous venez de me donner une l'oide de
renseignements aussi utiles qu'a^iéabls ; soulTrez que
je vous en remercie.
— Monsieur, il n'y a pas de quoi...
— Mais si, mais si. Pourriez vous me dire mainte-
nant pourquoi les gardes nationales rm-ales affectionnent
tant le chapeau trumblou?
— Ma loi non.
— Je me suis laissé dire que les druides , dans les
grandes cérémonies du culte, portaient un coiffure sem-
blable. Le chapeau tromblon remonterait donc aux
Gaulois.
— (;'es! bien j)iissible.
Véron, admis a 11.1.1.;-^..; ,u L...j.,t: muiii, ii't
louché de cette fuvrur (iu'il l'avait ispfré
malgré tes miracles de la ctiîrasse.
ingénieux des domesliques de la mar.imse de i-olle
ul se déguiseill en ouvriers pour offrir i M. Crédit une pail
de pistolcls.— Grande frayeur de ce colonel de cuirassiers.
A LUSAdK DKS GRNS SKRIKIJX.
— I.c coiiduclcnr poiiiiail nous tirer d'iiiibari-as.
J'.ii I iivif (le rinlcrrogt'r.
— Kailcs.
-- Mdiisiiur l.acrossc , (Hcs \<ius de cet a\is, (luc li'
(liaiiiMii troiiihloii est iiiic coilliirc f^aiildisc .'
— Monsieur a sans ilctiite un billet.
— Tiens, celte question î
— De quelle cotilein est-il ?
— itlen.
— .le ne suis \y.is tenu do \oiis n'iioiidre : je nu [laiie
(|u'aii\ hdiets roujjes.
— C'est din'érenl, mille pardons de \ons avoir dé-
r.nii,'é. l'Nt-il diole, ce coiidnitenr, je \ci\\ dire ce mi-
nistre ! "
m.
<• Je son.s à l'enthousiasme ([ui m'anime (|ue le dé-
jeuner doit être proche, (lu'en pensez- \ eus '.'
— Je crois que nous avons encore deux revues à
passer avant de nous nieltre à table. Voilà qu'on amène
un cheval.
— Cour qui ? •
— C'est le cheval blanc de M. Lacrossc, je le recon-
nais poin- l'avoir vu il y a cinq ans au maiirge Pellicr.
— Notre conducteur monte h cheval.
— Il faut bien qu'il suive le président à la revue.
— le serais curieux de voir ça. Sortons. Ouvrez
donc, conducteur !
— Le conducleuren chef, avant de monter à cheval,
vient de nous le défendre. F. es billets riiugrs seuls peu-
vent descendre. .1
IV,
■■ Après tout, cela m'est bien é(,'al ; je me moque
pas mal d'une revue. C'est toujours la même chose.
Jùitende/.-vous ce que ces gens-là crient?
— Vive iNapoléoi).
— Ils crient : Vive le Président I
— J'euiciids: Vive rEfn|)ereur !
— El moi : Vive la Hépid)lique !
— Ne vous fâchez pas, me.ssieurs, on crie un peu
de tout cela à lu fois. Quant à moi , je ne m'en dédis
pas: Vive le déjeuner! Bon, voilà la revue finie, le
cortège revient. !\1. I.acrosse remonte sur sa banquette.
I')n l'onte! en roule ! >
" Nous sommes à Melun.
— Département de Seine-et-.Marne.
— IMerci, monsieur, de ce nouveau renseignement.
Nous al'oiis enCn déjeuner. J'iperrois la salle du ban-
quet. C'est M. I.acro.sse qui reçoit les billets à la porte.
Hâtons nous, il s'agit d'avoir une bonne place. Je me
sens lin appétit d'enfer.
— Monsieur, votre billet !
lES PETITS MYSTïRES D EIGS ,
rnr N.ilar.
ESTRi; ULU.V PElEKI.NS D'tM:? ;
Ail! œon Dieu, mais noire cher cuirassier a une jambe plus courte
que l'autre!... — Conini-nt, malheureux t.. . plus courte!...
dites donc qu'il a une jambe plus longue que l'autre ! ! ! !
RKVIIK COMIQllK
|).'IUl
- Voilà! \oila!
- Lu billot bleu !
- Comme vous dites.
- Vous u'eutrort'Z pas.
- Ne suis-jc pas invité comme les auiros?
- Sans doute, mais pas h déjeiiuor.
- A quoi doue ?
- A faire quarante lieues eu wagon.
- Pour qui est donc cette tab'e si bien servie ?
- Pour les billets roucîcs. Les billets bleus sont ce-
lant admis ;i circuler iiiiloiir de la iMv, an dessert
- Ciraad merci I ■<
VI.
B Enfin nous avons trouvé une auberge où nous
caser.
— C'est assez heureux.
— On n'est pas mal ici pour casser une croûte. Com-
ment avcz-vous trouvé ce morceau de fromage ?
— Parfait.
— lit cette tranche de cervelas?
— Délicieuse.
— C'est une justice ii leur rendre, ils n'ont rien
dans celte auberge, mais tout ce qu'ils vous donnent
est délicieux. J'entends le sifflet de M. l/jcrosse. Dépè-
chons-nous. Garçon, la carte !
— Monsieur, voilà.
— Total : cinquiiUte-sept francs: vous vous nio(|ue7.
de nous , garçon !
— I.e cervelas e.t hors de pii\ à \ii liin.
— C'est une horreur !
— Une abomination! et le convoi (|iii va partir!
AlioMS, il faut s'exécuter. Voilà cinqiiante-si'pt francs.
— Il n'y a rien pour le garçon , citoyens?
— le crois que le drôle veut r;iiller.
— Pas de pourboire, messieurs?
— Après nous avoir écorché de la soi le?
— C'est l'élrenne de la fille, notre bourgeois.
— Cinquante-sept francs! cinquante-sept fiancs !
Fd.H.s, messieurs, la machine sonflle.
— Kilez, tas d'aristos de deux liards, à la riiie-en-lit
les bdiets bleus, à la chie-en-lit ! •>
vri.
■ Nous ne soii irons donc pas de la fumée et de la
poussière , toujours des coups de canon I Encore si on
pouvait voir quelque chose.
— Les billets bleus ne peuveiu pas descendre.
— Heureusement nous approchons de Sens.
— Je crois que nous sommes arrivés.
— A quoi le voyez-vous?
— M. Lacrosse est passé sur le premier convoi , il
abai>se !e marchepied du wagon d'honneur. Voici l'é-
vèiiue qui s'avance. Nous en avons pour trois quarts
d'heure au moins. Bon , voilà (pii est fini. On va nous
ouvrir, j'espère. Conducteur, aux portières!
— Pas encore !
1^3 FEIITS MYSTERES D'EKS,
Pli, .Vu,/.I..
Coiiiiiie (iiiui le parti du cuirai; ier Crédit, q'ii parait iii>i
au premier iibord....
Au foiid.lieriM pas lanl .(ui- çj.
V i;iS\(iK DKS (iK.NS SKIUKl \.
I.j|
— (loiiiiiicnl, pas rncorc ! Ksl-cc (im'od Ncut iiim^
lolciiir ici c-ii ihiiriri' |iii\(''o?
— Jllsiiu'à ce (|ii(' li's hillcis lotigc's se soiciil ('■coules.
CVsl pour Lvilei l'encoiiibiiiiKiit. •>
Vin.
« Vi(e ! vite ! allons nous mellre à lahlc ; j'aperçois l;i
salle du dîner , M. Lacrosse est sur la porte.
— Les billets bleus n'eiiireroul peul-èlre pas.
— (Test bon pour le déjeuner , à la rigueur cela se
conçoit , c'csl un honneur cpie l'on ré>crve à certaines
personnes; mais pour le dîner , c'est bien diiïéicnt ,
tout le monde doit dîner. Knirons!
— Montrez vos billets.
— Voilà ! voilà !
— Billets iileus ! Vous n'enuerez pas. •>
IX.
» Ce fricandeau de veau était abominable.
— Je me suu\iendrai longtemps des aubergistes d(
Sens.
^ Aïe ! aï ; ! aïe !
— Qu'avez -vous donc?
— Rien , c'est l'oseille.
— Ils appellent cela mi diner! lit nous faire payer
<li\ fi.iiK s par tète !
— .\ïe! aïe! aïe !
— Mais (pi'avez \()iis donc?
— Ili'.'n, c'est la salade. Kst-ce i|ue le convoi ne \a
pns bientôt s'ariètcr?
— J'aperçois des cas(|ues de |)onipiei's; ça ne va pas
larder. Hon I voilà (|u'on est au relai.
— <;onducteur !
— Il allume son cigare sans avoir l'air de vous en-
leildre.
— Conducteur!... conducteur!. . conducteur!...
— Oii'cst ce (pi'il a donc tant à cri( i-, cet enragé de
bleu ?
— Conducteur, au nom du ( iel , ou\rez la portière!
— C'est défendu.
— Conducteur, je ^ous en sup|)lie!...
— Impossible !
— Mais, conducteur, j'ai la coliipio!
— Pourquoi avcz-vous pris un billet bleu?... atten-
de/. jus([u'à l'aris.
— Je n'y arriverai pas, bien sur! •>
" MONSIELK m Ml.MSTRi;.
» J'étais tran([uillement chez moi en ne pensant à rien,
lorsque vous m"avez fait riioimeur de m'inviter à l'in-
XES PETITS MTSTERXS D'EMS,
/■,. - X,;r,r.
■"^ -te
Le cuirassier prend son repas — Ah '. si ses ennemis pouvaient
le voir en ce moment !
Dire que c'est là !... s'écrie le papetier Jeanne admis à visiter
les appariements privés du cuirnssirr.
|.".2
RKVUK COMIQIK
augurai ion du clieniiii de fer de L\ou. Si j'avais su
que votre inlcnlion était de me niystilier, je me se-
rais mis à l'abri de vos billets bleus; m;illieureuse-
meiit la réputalion de loyauté qu'on vous a faite jus-
qu'ici ui'eiupèchait de concevoir le moindre soupçou.
Je vous déclare , tant eu mon nom qu'an nom d'une
foule de billets bleus, que nous avons trouvé la |)lai-
saulerie fort mauvaise et indissnc d'un ministre ([ui
se respecie.
.1 Je suis également chargé de vousdireque lorsqu'on
se fait couducleur de Irain, on doit en prendre le cos-
tume. Nous avons ouvert une sous.iip'.ion parmi les
membres du convoi bleu, pour vous faire cadeau d'une
cascpielte en peau de renard et d'une veste brodée au
collet.
.) J'aurai toute ma vie sur la conscience le fricandeau
à l'oseille que vous m'avez fait manger à Sens. Ce sont
des choses que l'on n'oublie jamais. Je me vengerai.
.) Je suis, en attendant, monsieur le conducteur,
votre ennemi dévoué ; et je signe pour ([ue vous com-
preniez ce (]iie et II \eul dite.
n 1 \ iiiii.t:i r.i.i;i'. "
L.N ^(»L\KAL lîOMIîAllDKMKM 1)1 1U)1 DK WPLKS.
Les décoralions conlinucnt à jjleuvoir sur le général
Oudinot , le roi de >aplcs vient de lui accorder le grand
cordon de je ne sais plus quel ordre.
Qui est-ce qui connaît le nom des ordres najioli-
tains?
Le roi bondwrthur a embrassé son collègue, et lui
a déclaré qu'il le considrrail comme nu de ses conci-
toyens.
On pense (ju'il lui expédiera bientôt le brevet de
bourgeois de Naples, un des litres les ])lus enviés de la
clirélicnlé.
Le pape ayant l'ail le général Uiidinot duc, on se de-
mande pouniuoi le roi de Naples ne l'a pas nommé
prince. Qu'est-ce que cela lui eût coiiié ?
La reine Isabelle doit, assme-lon, le créer grau 1
d'Kspagne de première classe. Voilà qui s'appelle faire
les choses noblentent.
Comme on doii être hemeux de se .-enlir grand d'Ks-
pagnc aujourd'hui, et de jouir de ce beau jjrivilége de
garder son chapeau sur la tète devant M. Muncz!
La nouvelle do ces récompenses a comblé de joie ,
comme on le pense bien , l'armée françai-e en Italie.
Celle joie a élé tempérée pourlanl por ranuonre d'un
évéïiemenl gra\e.
Il s'agissait d'une décision prise par le roi de Naples
de lancer, eu guise de bombes, dans le camp français
plusieuis centaines de ses croix.
Les dernières nouvelles de Uome annonceni que les
choses sonl dans le même état, el (jue le bombarde-
ment n'a pas eu lieu encore.
La crainte qu'on a de le voir se réaliser n'en indue
pas moins sur le moral de nos troupes. La gaieté fran-
çaise a fait place à une trisie préoccupation. Chacun
est à se demander : Scrai-je ailciiit ou ne le serai-je pas?
Celle incerlitudc est plus pénible que tout; et je suis
sur que nos soldats aimeraient mieux exjwser tout de
suite leur poitrine aux balles autrichiennes que de vivn'
dans une perpi'luelle incerlitudc, sans savoir si d'un
moment à l'autre une croix n«\a pas vous écraser ou
éclater entre vos jambes.
Le gouvernement français devrai! couiier court à tout
cela par un décret ainsi conçu :
Au nom du [leuple français,
il esl inlcrdil à tout soldat français de parler les in- ;
signes d'un autre ordre (|ue celui de la Lésion d'hon-
neur. I
.V/</llc LOtlSN.M'OLÉON liU.^IAPAlili;. i
Ll plus bjs :
ODILON BakroT, prcsiilclU du conseil.
Le roi de Naples comprendrai! peul-èlre l'apologue,
el rengainerait ses diplômes de chevalier.
Quel est celui d'enire nous, je vous le demande , ci-
toyens, qui oserai! porter la croix de Naples ?
Ne serait-ce pas se donner à tout janiais un brcvel de
ridicule I Pouniuoi ne pas l'éviter à nos soldats?
M. Oudinot, dira-t-on, leur a donné l'exemple.
M. Oudinot est maître de faire ce qu'il veut, et son
ridicule n'apparlient qu'à lui; mais la dignité de l'ar-
mée est !a dignité du gouvcrneraeni lui même , el je
trouve ([u'il faut que nous soyons descendus bien bas
pour ([u'un roi d(! Na|ilcs se peimclle de décorer luw
soldais.
Ce n'est pas de punilles mains «lue nos troupes viti-
i lent recevoir leur récompense. Le roi des jésiiiies el
I des lazzaioni, le bombardeur de Naples et de Messine
I ne peul licu avoir de commun avec une armée fran-
çaise.
Espérons que noire ambassadeur lui conseillera soUo
rocc de garder ses nominations en portefeuille, s'il ne
veut pas s'exposer à les recevoir par la posle.
Ce serait une bonne leçon à donner à Sa Majesié na-
pc.litaine.
Il est vrai que pour se consoler il lui rr.icra lou-
jours celle pensée : que l'armée française a élé décorée
de l'ordre de Naples dans la personni' de sdii général en
ciief , le duc de Saint Pancrace.
Voyez imurlanl à (puis dangers un clief peut exposer
ses soldais!
A L'USAGK DKS GK,NS SKRIKLX.
CKSVK l)K\ \M I.K lu lilCON.
rilAI'll IIIIN MOI M.I.I.I. tl l NK MKII.LL c ll\N-c)> flD.MAIM;
Eliint arrivé sur lu bord du Hubi-
(«11 , qui faisait les limites de sou
gouvernenicnl, ■ il s'arrêta, et de-
meura longtemps plon^^é dans un pro-
fond silence : ditTéranl de passer, cl
pensant eu lui - même à la grandeur
et à la témérité de cette entreprise.
~ Pi,L'r*iiviiK.
t'-He simple O'-'HleiUt'.
Que fai»-(u donc, arrélé sur la live ,
La UHe basse, et le regard béant,
A te mirer dans l'onde fugitive,
Les bras croisés, comme un roi lainéant":
Le trône à peine elUeuré par l'orage,
D'un velours neuf n'attend (jue la faijon.
C'est le inoLiienl de montrer du courage;
Saule, César, passe le Rubicon!
Un Dlet d'eau ; c'est la seule barrière
(Jue l'on oppose à tes hardis projets :
Et je le vois rester dans la carrière
Comme un acteur tombe sous les silUetsl
Suis donc, au moins de loin, la grande imaii
(.lui devant toi trace un brdiant sillon.
C'est le moment de montrer du courage ;
Saule , César, passe le Rubicon I
Nous sommes las de cette République
Qui s'encanaille a\ec les ouvriers.
Et veut briser le moule monarchique
Prêt à sortir de nos vieux ateliers.
La Liberté, de nouveau, déménage.
Car avec nous sou bail n'est jauiais long.
C'est le moment de montrer du courage;
Saule , César, passe le Rubicon 1
Songes-y bien ; tu n es pas seul au niondi.
De tous cotés pleuvenl les prétendants,
lit la Fortune, en caprices féconde,
Fait triompher parfois les moins prudents;
Si, |)ar malheur, tu lardes davantage.
Un plus pressé te damera le pion.
C'est le moment de montrer du courage;
Saute, César, passe le Rubicon!
Uuand tu diras ; « C'esl moi qui suis le maître!
(!rains-tu de voir, dans le temple des lois,
(!inq cents Brulus, oubliant la l'enétre ,
Te menacer de leurs couteaux de bois.'
Ces bonnes gens sont faits à lesclavage;
.lamais le joug n'a révolté leur front.
C'est le moment de montrer du courage ;
Saute, César, passe le Rubicon!
Ces tlols, dis-tu, peuvent cacher un piège;
En perdant pied, tu crains de boire un coup.
Prends donc alors la cuirasse de iiége.
Et sur un dé bravement .risque tout.
Avec un bon corset de sauvetage.
On peut courir la chance d'un plongi'on.
C'est le moment de montrer du courage;
Saule; César, passe le Rubicon!
JtAN CASCAKEI.
KKVUK COMIQUK-
I
AMOM ilRILiltr.
lliei- im réac iiiJiiiiiiiit
La curpulena' de Thouiel ;
i. Dos républicains de la veille,
Voilà, s"ccriyil-il. un bel cclianlilloii!
Cumule monsieur Tarlufe, il se poile u merveille;
Quelle rutondilé: quelle cumplexion !
nuanl à nous, qui servions la vieille 'hnaslie,
Dans la tristesse nous jeûnons !
Nous avons perdu la pailie
Contre des insurt;és sortis des cabanons.
Nous voilà sans espoir, sans emplois, sans linance
Viclimesdu revirement;
El .eux que nous voulions réduire au dénùmeiit
S'indemnisent en paix de leur longue abslinence'.
Lu démocrate répondit :
I. Les révolutions ont ainsi leur bascule :
L'un avance, l'autre recule;
L'un perd son embonpoint, cl l'autre s'andmlit.
Le proscrit, chargé d'anatliciiie,
1)11 pouvoir à son loiir éprouve la douceur ;
L'upprinié monic au mni; suprême
A la place de l'oppresseur.
C'est un chassez-croisez du diable'.
Mais, dans ces changements ou tout est déraii;.;'' ,
Honneur à riiomme invariable
Dont le cœur n'a jamais chaii;^é'
Honneur donc à Thouret! sa foi démocratique
X tous les vents a résisté ,
lit, dans l'arène politique,
\ ous le rencontrez tel qu'il a toujours été '.
S'il esl un peu plus L;ra>, Ui raison s'en explique
Il expia les torts de sa plume énergique
Au fond des cachots du pouvoir;
Doit-on s'étonner de le voir
hiariji par la République'.'
Dessiné par UtKT\
M) cnitiiiifs.
DOrniNEHAV ÉDITEUR , KOE RICHEtlED
M'' 1.111111:1111.
r,OM)ITIOXS DE LA SOlSCItlPTIOV. — La RtvtE comique (orltiera deux volumes erand in-S» , publifs, en 50 livraisons à 30 cculimes : parla poste,
40 centimes. Le premier volume, composé des 25 premières livraisons, a été achevé le 28 avri* 1S149. Il renterme environ 600 caricatures politiques. — Prix de
ce volume : 7 fr. 60 c; par la poste, 10 fr. Le second volume parait tn livraisons. On souscrit , pour ce volume , en payant 7 fr. 60 c. puor Pans et 10 fr. pour
les départements
niM.MUAv ALAIAi\ACHS POUR 1850. mahunon,
Huf nirhrlirn, .'ti. ^"*' ''" '-"î St-tlo}wre, i.
LE DIABLE ROUGE. -ALIflANACH CABALISTIQUE.
CONTENANT LE TABLEAU DES INFLIENCKS QUI DOMINENT SUH LE PIIYSKJIE ET LE MORAL DR l'mOMMF. ;
ET LA NOMENCLATURE DES BONS ET DES MAUVAIS GÉNIES; ACCOMPAGNli DES
TfkBlaXSS CSwBEkXiISTIQXJES
A I.'AIPF. DESQVELLF.S CHACUN l'EUT TIRER SON HOROSCOPE ET PRÉVOIR SON AVENIR,
AINSI QUE CELUI DES AUTRES;
Itenfermanl en oulre des prédiclions sur un grand nombre d'hommes politiques, el des prophéties curieuses
sur les (jrnndsèiénemmts qui doivent arriver, entre autres les
PRÉDICTIOIVS DE NOSTRADj^IMVS POUR 4850
Napoléon prophète; — Chateaubriand prophète; — les prophètes rouges, etc.
Précédé d'un petit Traité sur les sciences occultes dans le passé, le présent et l'avenir, la magie de l'antiquité,
la sorcellerie du moyen âge, l'astrologie, l'alchimie, la chiromancie, les talismans, le calcul des
nombres, la magie orientale, la divination, la cabale, le magnétisme, etc.;
Un jii!i vol. sr. in-1 (i, avec couverlure en couleur, illuslré de nombreuses vignettes, portraits, scènes,
PAR BERTAI.!., NADAR, PASTELOT, FABRITZIVS, etc.
PRIX ; 30 CENTIMES. 75 CENTIMES PAR LA POSTE.
LE DIABLE VERT. - ALIflANACH SATIRIQUE.
CONTENANT EN REGARD DU CALENDRIER GRÉGORIEN LE CALENDRIER RÉPUBLICAIN AVEC l'eXPLICATION.
Renfermant ■
LE LOBGNON DU DIABLE VERT
A l'aide duquel chacun peut voir le passé, le présent et l'avenir
DANS UNE NOMBREUSE SÉRIE DE VIGNETTES
PAR BERTALI. , — NADAR , — FABRITZIUS , — PASTELOT, etc.
Texte par MM. Gérard de Nerval, — Jean Vertot , — C. Carraguel , etc.
Un joli volume in-1 6 avec couverture en couleur.
PRIX ; oO CENTIMES, — 73 CENTIMES FRANCO PAR LA POSTE.
L'ALIYIANACH POUR RIRE.
Texte par Jean 'Vertot , — C. Caraguel , — E. de la Bëdollière , — Gérard de Nerval , — A. Fauchery, etc.
Dessins par Bertall , — Fabritzius , — Iiorentz , — Nadar ; — Gravé» par Baulant.
JOLI PETIT VOLUME GRAND IN-SEIZE.
PRIX : 50 CENTIMES. — 75 CENTIMES FRANCO PAR LA POSTE.
LE MESSAGER BOITEUX DE PARIS.
Te-vte par MM. Jean Vertot, — C. Carraguel, — E. de la Bédollière , — Gérard de Nerval , — A Fauche
Dessins par Bertall, — Fabritzius, — Nadar, — Eastelot; — Gravés par Baulant.
UN JOLI VOLUME GRAND IN SEIZE. — PRIX'. oO CENTIMES. — 73 CENTIMES FRANCO PAR LA POSTE,
L'ALIYIANACH DÉIYIOCSOC
DKllIl'; \1 \ AIlI-TO'i,
PAR JEAN VERTOT.
Un joH volume în-.l^, illustré de nombreuses vignettes,
PRIX : 25 CENTIMES. — 50 CENTIMES PAR LA POSTE.
— Typographie Pion fr^rea, rue de Vanglrard, 3G
LV. LTS TRICOLORK.
La société d'horliciilluie do la rue do Poitiers a toiiu
dernièrement une séance solennelle pour décerner le
prix au jarJinier auteur de la plus belle Oeur.
Le prix devait èlre accordé au plus beau sujet de
l'espèce des lis.
Nos plus célèbres horticulteurs, Thiers, Berryer,
iMontalcmbert, Viellard, s'étaient mis sur les rangs et
avaient en\oyé leurs produits à l'Exposition ouverte
depuis quelque temps dans les salons de la rue de
Poitiers.
M. Thiers a présenté un magnifique lis bleu. Cette
fleur jusqu'ici était réputée non moins fabuleuse que la
rose bleue. Tout fait espérer maintenant qu'on ne lar-
dera pas à produire cette fleur. Le prix de cent mille
florins, fondé par la société d'horticulture d'Amsterdam,
trouvera enfin une destination.
Voici quels procédés M. Thiers a employés pour
obtenir son lis bleu.
Il a fait brûler une grande quantité de numéros du
Constitutionnel , et leur cendre mêlée au terreau
ordinaire a servi d'engrais. Il a arrosé le tout, soir et
matin, avec une décoction émolliente de pâie-Regnauld.
Pour obtenir la rose bleue , il s'agira tout simplement
de doubler la dose d'engrais et d'arrosage émollicnt.
Les amis de la famille d'Orléans ont crié au miracle
on voyant le lis bleu , ils ont déclaré que c'était le nec
plus ultra de l'horticulture et de la politique. Selon
eux, le lis bleu devait obtenir le prix.
Un lis blanc a été exposé par M. Berryer; il n'offre
rien de bien remarquable que son embonpoint. C'est le
lis ordinaire connu depuis longtemps en France, et
dont la culture était abandonnée depuis 89. Nous dou-
tons fort que l'exemple de M. Berryer parvienne à la re-
lever. Les partisans de la branche aînée déclarent cepen-
dant que la r::e de Poitiers ne doit pas hésiter à
couronner celte fleur.
C'est à. M. Viellard, ancien précepteur du président de
la République, que nous devons le lis rougo. M. Thiers
cherchant le bleu, M. Berryer le blanc, M. Viellard devait
chercher le rouge, à moins de se jeter dans le pistache,
qui n'est pas une couleur possible. L'esprit humain se
refuse à concevoir un lis pistache.
Hâtons nous de dire que le lis rouge de M. Viellard est
esseniiellement honnête et modéré. Ce lis rouge a tou-
tes les sympathies des partisans du grand Napoléon.
Le comité horticole de la rue de Poitiers se trouve
fort embarrassé de décerner le prix. Couronnera-t-on
le lis bleu , le lis blanc ou le lis rouge? La question est
plus grave qu'on ne pense, car ces lis forment autant
de factions qui pourraient bien déchirer la France ,
comme autrefois les verts et les ble>is déchiri'rent
l'empire d'Orient.
Le lis bleu a ses avantages. Il exhale un parfum con-
stitutionnel et boursocratique ; qui plaît à bien des
gens.
Le lis blanc rappelle des souvenirs d'innocence et de
candeur , il fait pâmer d'admiration les vieilles douai-
rières.
Le lis rouge fait très-bien à la boutonnière des bra-
ves , il se rapproche du ruban de la Légion d'honneur,
une des plus belles créations de l'Empire.
La question serait donc de fondre ensemble tontes
ces prétentions. Voici le moyen proposé par M. Dupin.
a L'institut horiicnle do la rue do Poi'iors décerne
LES PETITS SERVICES MUTUELS DE L'AMOUR CONJUGAL
LES PETITS SERVICES MUTUELS DE L'AMOUR CONJUGAL.
'/-^
Dessiné par Del-tsc:i.
Gr;:\é par Baul\nt.
Alic:-vous-eii , gens de lu noce. — Allec-i-^us-en chacun chez vous
Grande fête de l'industrie française i la suite de l'Exposition.
une médaille de la valeur de cinq cents francs, à prendre
sur les fonds de la souscription nationale pour combat-
tre le socialisme , à chacun des lis envoyés à l'Exposi-
tion.
1 II n'y a pas de premier grand prix.
» Voulant réunir en une seule et même fleur les
avantages de trois fleurs qui sont :
n Le lis bleu ;
» Le lis blanc ;
» Le lis rouge ;
n Le comité met au prochain concours : le lis trico-
lore. »
M. Dupin espère que de cette manière tous les partis
seront contents. La découverte du lis tricolore mettrait
fin aux luttes des partis.
MM. Thiers , Bcrryer , Viellard , secondes par des
praticiens habiles, se sont mis à la recherche de cette
fleur merveilleuse.
Voilà oij en est maintenant la rue de Poitiers, elle
cherche le lis tricolore. Jean VERTOT.
L'INSERTION D'UNE LETTRE.
L
— Ils m'ont déclaré que le rédacteur avait perdu la
copie, et que du reste la lettre paraîtrait demain. «
" Commandant?
— Général!
— Voici une lettre adressée par le président de la
République il son aide-de-catnp, M. Edgar Ney. Je re-
çois l'ordre de la faire insérer dans le journal officiel de
Rome. Allez la porter aux cardinaux.
— Oui, général. »
IL
o Eh bien ! avez-vous vu les cardinaux?
— Oui, général.
— Peut-on savoir pourquoi, malgré leur promesse
d'hier, la lettre du président n'a point paru dans le
journal officiel.
IIL
a Est-ce qu'on se ficherait de nous , par hasard ?
— Qu'avez-vous, général ?
— Voici le journal d'aujourd'hui, et pas de lettre!
— Les cardinaux out écrit pour vous présenter leurs
excuses; ils prétendent qu'ils n'ont pu publier la lettre
parce que la place manquait. Le journal est rempli au-
jourd'hui par la liste des indi\idus proscrits. Demain,
sans faute , la lettre du président verra le jour. «
IV.
« Mon graïul uniforme, mes épaulottcs, mon épée!
— Est-ce que nous jiassons imc icmic aujourd'hui ,
général.
A LUSA(iK DKS GKINS SKKIELX.
I M
— Vous allez me siijmt ilicz ces cardiiiauv. Je viens
de |);iicouiir le joiiinal , pas plus de letli>e r|ue sur ma
main. Vite à clieval !
— Voici un abbé qui arrive.
— excellence, c'est de la |)art des cardinaux. Je suis
chargé de vous prévenir de leiu- part que c'est par un
pur oubli ipie la lettre du président n'a point paru dans
le journal otliciel. Le cardinal Antonelli, qui est fort
distrait, l'avait gardée dans sa |)oclie. Son Kniiiieuce a
mis un morceau de papier dans sa tabatière [raur se
rappeler de l'envoyer à liuipriuicrie. La lettre donc ne
pourra manquer de paraître demain. ..
V.
«Décidément ces gens-là se moquent de nous, la
lettre est encore restée dans la |)oche du cardinal Au-
tonelli. Commandant?
— Général!
— Vous allez prendre quatre hommes et un caporal,
vous vous rendrez à l'imprimerie du gouvernement , et
vous n'en bougerez pas que la lettre n'ait été imprimée.
— Voilà une mesure grave , général ; qui sait ce que
dira M. de Corcelles?
— Laissons cela, vous avez raison ; il vaut mieux faire
placarder la lettre sur les murs de la ville.
— Diable ! que pensera M. de Raynevalî
— Contentons-nous alors d'en faire circuler des co-
pies manuscrites.
— Cola blessera peut-être M. de Falloux.
— Alors, il ne me reste plus qu'une chose à faire.
— Quoi donc, général?
— Donner ma démission.
— On ne l'acceptera pas, il vaut uiii ux alliiidre.
Peut-être l-s cardinaux consentiront-ils enfin à tenir
leur promesse. M faut leur écrire dans ce sens.
— l'écrivez. »
VI.
" Encore une lettre de ce général, que demande-t-il?
— Que vous fassiez paraître la missive de son prési-
dent.
— Ilépondoz lui qu'elle verra le jour demain.
— C'est déjà fait , Éminence.
— Décidément, ces Français sont des imbéciles:
comme ils gobent tout ce qu'on leur dit ! Tantôt le ré-
dacteur perd la copie , tantôt la place manque; hier,
j'oublie la lettre dans ma poche. Ils ne veulent donc
pas comprendre que nous ne couse niiions jamais à im-
primer cette lettre dont ils font tant de bruit.
— Et .s'ils nous y forcent?
— L'abbé, ce que vous dites là est une niaiserie.
Vous savez bien qu'il faut renoncer à nous forcer de
faire quelque chose malgré nous. »
VII,
Il paraît que le général a fini par comprendre l'inu-
tilité de toute nouvelle démarche, car les feuilles qui
reçoivent les communications du ministère annoncent
([ue décidément la lettre du président ne paraîtra pas
dans le journal officiel de Rome.
LE ROLE DE LA FRANCE.
I.
0 Puits de sagesse, lumière du Frangistan, mon su-
blime maître m'envoie vers tes sacrés genoux pour te
demander un conseil.
— De quoi s'agit-il?
— Tu n'ignores point, lumière du Frangi.'^lan , que
les nommés Kossuth et Dembinski se sont réfugiés sur
les terres du sultan.
— Je ne le sais que trop.
— Or, l'empereur d'Autriche éprouve le besoin de
faire pendre les susdits Kossuth et Dembinski, et il a de-
mandé à mon maître de les lui livrer.
— Et ton maître s'est exécuté?
— Pas du tout, puils de sagesse; la Turquie tient à
sa vieille réputation d'hospitalité, et elle ne livre pas
ainsi sur première sommation les proscrits qui viennent
chercher un asile sur son lerriloire. Elle voudrait bien
les garder ; cependant...
— Eh bien ?
— La Russie, je ne dois pas le di.ssimnier, menace
d'envoyer drs lioupes, de nous déclarer la guerre.
Seuls, noiiG serons peut-être battus; mais si la France
voulait s'en mêler... Bref, mon maître désirerait avoir
ton avis sur ce qu'il convient de faire dans celte circon-
stance.
— Repassez dans un mois , il faut que j'écrive à mon
gouvernement. »
IL
« Puits de sagesse, lumière du Frangistan...
— Encore vous ?
— .Mon sublime maître in'en\oie pour...
REVUE COMIQUE.
— Je vous avais dit de repasser dans un mois. Je n'ai
pas encore reçu de réponse.
— C'est que la cliose presse: l'ambassadeur de Uussie
s'est joint à l'ambassadeur d'Aulriclie.
— Que voulez-vous que j'y fasse ?
— Il paraît que l'empereur Nicolas éprouve , de son
côté , le besoin de faire périr Kossulh et Dembinski dans
les mines. Que doit faire mon maître?
— Ce qu'il voudra. Est-ce que cela me regarde ?
J'aileiuls la réponse de mon gouvernement. »
m.
.. 11 parait que la France nous abandonne , vizir ?
— Cela me fait cet elïel , Ilautesse.
— Par l'étrier d'Ottman ! je ne conçois rien à cette
conduite.
— Ni moi non plus.
Ne pas venir à noire aide quand il s'agit de sau-
ver de malheurcu'c exilés ! Est-ce là cette nation qui se
lirétcnd la plus clievaleres(iuc de la terre ?
— Ses mœurs ont peut-être change.
— C'est égal , puisque les chrétiens se conduisent
ainsi, lis Turcs ne doivent pas imiter leur conduite.
iN"est-ce pas, vizir?
— Je suis parfailement de votre avis, Ilautesse.
— Ainsi, nous dirons h l'andjassadeur d'Aulriche...
— Nous lui dirons : zut !
— Et à l'ambassadeur de Russie.''
— Nous lui répondrons : des navels ! »
IV.
I. Il,iulesse?
— Qui vi<nt me déranger [icudani ipic je fume ma
pipe?
— ûnd)rc de Dieu, c'est l'ambassadeur de l'rance
(pii demande une audience.
— Pourcpioi faire ?
— Tour communiquer la réponse de son gouverne-
ment au sujet des réfugiés politiques.
— Les réfugiés politiques! J'ai déjà répondu aux
deux ambassadeurs que je les garderai , et un suliau
n'a que sa parole.
— Que faut-il dire à l'ambassadeur î
— Qu'il me laisse lraui|uille, l'alfaire ne regarde pas
le giiuvcrnemcnt français. »
C'est précisément la réponse (pie le général Aupick
était chargé de liansmcllre au tlivan de la paît de
M. de Tocquevillc.
i.E iioi 1)1' (:()Nf;ni;s nie i.a paix.
Le Coquerel odorant et lY-lrgant Dtgu.rrry sVntrcl:icuit pour former sa couronne. - Paix à ces hommes de bonne volonté
A L'LSAGK DES GENS SÉRIEUX.
Mil
I.V IIN 1)1- CONdi;.
'■ V.\i bini, CahasNol, il faiil faire nos iniilli's.
— Ilrla.s! mon paiiviL- Dt'slonjac!
— Ji" viens de rclcnir ma iilarc à la dilii^rncc.
— Hier j'en ai fait aniaiil. Il fant allée nous enlasscr
encore dans celle maudite salle de carlon.
— f'jicore s'il y avait dos vacances toutes les années!
— Je compte en faire la proposition, mon cher Des-
toujac.
— Votre proposition est insufiisanle , mon ciier Ca-
bassoi; j'en rumine une qui nous conduirait bien p!us
dircclement au but.
— Laf|iiclle?
— Quelle est, au point de vue de l'ordre et do l'Iion-
uOteié, la véritable uiission du représentant du peuple?
<■ Surveiller l'esprit public de son déparlemeiil ;
" Maintenir son conseil général dans un état d'effer-
vescence satisfaisant ;
» Poussera la revision de la Conslilulion ;
» A la règtcincnlation du suffrage' uniierscl;
» Surveiller les maîtres d'écolo;
» Serrer de près les fonctionnaires;
'■ Exciter des mécontentemenls contre la Ilépublique ;
■■ Dénoncer les républicains. ■>
Or, cette mission , pouvons-nous la remplir à Paris?
— Il est évident que non.
— A Paris, que ferons-nous?
— [lien de bon.
— Nous perdons notre temps à discuter des lois, h
nous occuper des nations étrangères. Que nous importe,
à nous , l'organisation de l'assistance ou la question ro-
maine. L'essentiel est que le conseil général de notre
département vote bien, voilà tout. La preuve que notre
présence n'est pas utile à Paris , c'est ce qui se passe
en ce moment. Est-ce que les affaires ne vont pas bien?
Au contraire, elles ont repris depuis que l'Assemblée
législative s'est prorogée.
Est -ce que la Bourse ne monte pas?
l'ist-ce que la valeur des ca|)itaux n'augmenie pas ?
I!st-ce (|U'- la Erance n'est pas parfailcuiciit heu-
reuse ?
llépoi)d(7,-moi donc, (!abassol, faites-moi une objec-
tion (iuelcon(]ue ?
— Je n'en trouve point, mon cher Destoiijac.
— Que faut-il donc conclure de tout ceci ? Cii>\.
qu'on peut Irès-bien se passer de l'Assemblée. Je
conq)te donc soumettre à son approbation la jiroposi-
tion suivante :
Art. 1. — On continuera à nommer des représen-
tants.
Art. 2. — Lesrepréscnlaniscontinueront à toucher
vingt-cinq francs.
ART. 3. — Les représentants résideront dans les
départements.
Art. h. — Une commission de vingt-cinq représen-
tants siégera à Paris pour entendre les couununicalions
que le gouvernement cl M. Changarnier voudront bien
lui faire de temps en temps.
— Bravo !
— N'est-ce pas que celle proposiii'iu est bonne ?
— Excellente.
— Je demanderai tout de suite à la développer à la
tribune.
— Vous n'en aurez pas besoin.
— Vous croyez ?
— Votre proposition sera adoptée sur son simple
énoncé.
— Et les Montagnards? je crains qu'ils ne fassent
quelque opposition.
— On les laissera faire.
— C'est ma foi vrai : ainsi donc noire absence ne
durera pas longtemps, et nous pourrons bien revenir
goûter le bonheur de la faaiille et les joies de l'émar-
gement.
POURQUOI.
<' L'ingratitude des partis est quebiue chose de vrai-
ment odieux. Savez-vous quelle élait la cause de la ma-
ladie de M. de Ealloux ?
— La letlre du président, parbleu !
— Je vous y prends comme les autres, malheureux ;
vous ne savez donc pas que renlètemeul de Rome fait
le désespoir de M. de Falloux ?
— Ah bah!
— Qu'il voudrait arracher des concessions au pape?
— Pas possible!
— Qu'il s'épuise à demander des réformes?
— Tiens, tiens, tiens! ! !
— Oui, mon cher, c'est comme j'ai l'honneur de vous
le dire : le chagrin de n'avoir pu réussir lui a donné un
rhume de cerveau, lequel rhume s'est changé eu pleu-
résie, et la pleurésie allait se métamorphoser en fluxion
de poitrine , lorsque , beureusemeni , on est venu lui
anuoncer que le pape se décidait enfin à sui\re la poli-
tique indiquée par M. de Falloux.
» Un mieux sensible s'est tout de suite manifesté
dans son état.
» Vous avez pu lire , en effet , dans les journaux , un
manifeste adressé par le pape à ses fidèles sujets, dans
lequel il leur fait part des réformes et améliorations
qu'il compte introduire dans les États de l'Eglise.
» Le pape commence par remercier coUectiveaieiit
REVUE COMIQUE
les puissances auxquelles il doit sou rétablissement. Il
n'a lias voulu s'adres.-er à la France toute seule , de
crainte de niéconlçnteries Napolitains et lesKspagnols, et
d'allumer une guerre entre ces deux jicuples et la na-
tion française.
» Le pape annonce ensuite qu'il donne une amnistie
géuérale, dont il croit devoir excejilcr pourtant :
» Les triumvirs ;
1) Les ministres du triumvirat;
» Les employés supérieurs;
» Les ofliciers de l'armée ;
» Les membres de la Constituante romaine ;
• Les membres de l'anciinne Chambre des députés;
» Et une douzaine d'autres catégories d'individus
qu'il serait trop long d'énumérer.
.. Quant aux institutions politi([ues, le pape nommera
une commission qu'il se réserve de consniier toutes les
fois qu'il le jugera convenable sur les affaires d'Etal.
— Et vous diies que c'est là ce (pii a déterminé un
mieux sens-ible dans l'état de M. de Falloux ?
Dès qu'on lui a annoncé l'apparition du mani-
feste, il s'est senti plus fort en effet; mais après ra\oir
lu, il est tombé dans rabattement.
— 'Vous diies?...
— Qu'il s'est senti découragé.
— H trouvait peut-être que le pape allait trop loin.
— Au contraire, malheureux ingrat , au contraire,
voilà comme vous êtes tous, gens de parti; sachez doue
que M. de Falloux est aussi libéral que vous et moi , il
demandait pour Rome :
» Le suffrage universel,
» L'égalité de l'impôt ,
1) L'éducation gratuite,
» Toutes les réformes, en un mol, que l'on réclame
pour la France. Avcz-vovis lu la lettre de >L de Falloux
publiée |)ar les journaux piémontais, et reproduite par
la Patrie? C'est là que vous apprendrez à le connaître.
Dans cille épîire , M. de Falloux exhale la profonde
douleur que lui cause l'aveuglement des cardinaux.
» Si vous conliimez dans cette voie, écrit-il , il ne
me restera plus (pi'à quitter le monde, et à aller gémir
au fond de quelque obscure retraite sur les malheurs
auxquels on expose l'Égli-e.
— La lettre existe en effet, mais il s'agit de savoir si
elle est de M. de Falloux, et pourquoi il l'a écrite.
L'HOMME NOIR.
Hommes noirs , d'où .-iortez-vous ?
Nous sortons de dessous terre.
Moitié renards, moitié loups ,
Notre règle est un mystère.
Nous sommes (ils de Loyola.
Vous savez pourquoi l'on nous exila.
C'est nous qui fessons ,
Et qui refes-ons
Les Jolis petits, les jolis garçons.
(BÉRA.NGER.)
Oui, c'est moi, c'est bien moi, l'homme noir dont
parle la chanson. Mettez-vous à genoux , et baisez le
pan de ma soutane.
H ne s'agit plus , pour moi, seulement de fesser les
peti's garçons ; il me faut encore les jeunes gens et les
hommes.
C'est à moi dorénavant que vous aurez affaire, jeunes
gens; c'est moi qui vous enseignerai les belles -lettres,
l'histoire et la philosophie.
Virgile et Horace choquaient la pudeur. J'en ai fait
faire des éditions à l'usage de la jeunesse.
Tacite enseigne la haine des tyrans; Bossuet con-
tient des passages dangereux; les autres histoires four-
millent de monstruosités morales. J'ai commandé un
abrégé de l'histoire universelle au père Loriquet.
Quant à la philosophie, vous l'apprendrez dans les
mandements de vos évêques. Plus d'école normale,
plus de collèges, plus de pensionnats. Des séminaires,
encore des séminaires, toujours des séminaires.
L'École d'administration est là pour vous apprendre
comment je traite les établissements fondés sur l'esprit
moderne.
Quant à vous, hommes d'un âge niiir, célibataires ou
mariés , songez à aller à la messe,
A vous confesser une fois par semaine,
A faire partie d'une congrégation ,
A vous affilier à quelque confrérie de pénitents,
A porter le cierge aux processions.
A L'USAGE DKS GENS SERIEUX.
103
Je ne badine pas avec les impies , et je me suis déji
enlendiiavec iM. Carlier, cpii ddit inepiOter une paille
de son personnel |)(inr cpie je clmisisse les familiers du
nouveau saint-oirue.
Un de vos ministres vous l'a dii : — I/In(piisitioii a
élé une insiiintion salutaire; je ^iens exprès |)our la
rétablir.
Notre règle (st un niyslère, a dit ce chansonniei-
atliêe qui s'appulle Béranger. Le mystère élail bon au-
trefois; inainlenant nous marclionsà visage découvert.
Notre règle ne se propose ([u'iin but : le pouxoir; or le
pouvoir est à nous.
C'est par pure bonté d'ànie que nous ne nous em-
parons pas tout de suite des registres de l'État civil,
Que nous ne rétablissons pas la dîme ,
Que nous ne vous forçons pas à payer un milliard
d'indemnité pour les biens dont la lévoluiiuM a dé-
pouillé 11' cleigé,
Que nous n'obligeons pas les protestants & (]uiti(i le
royaume.
Cela viendra plus tard. Il nous faut pour le moment
imurvoir au plus pressé. Une fuis bien établis, nous
verrons le reste.
Empressez - vous de faire amende bonorable de vos
péchés, à l'excniple de Faucher et de Barrot convertis
par Falloux.
Inclinez-vous donc, et obéissez à l'homme noir. Les
armes du pouvoir temporel sont entre nos mains. N'es-
sayez pas de vous révolter; vous savez conmient nous
en avons fini avec les ré|)ublicains de lUimc
Voyez, mes très chers frères, si vous void( /, subir le
même traitement.
LES RECEPTIONS DE M. LACROSSE.
« Monsieur le ministre , il va là une dépulation de
la commune de Carpentras qui demande à vous entre-
tenir des intérêts de son département.
— Qu'elle entre.
— Monsieur le ministre, nous venons pour vous par-
ler de nos chemins, qui sont dans un bien mauvais état.
— Cela m'étoime.
— Nous avons deux ponts qui menacent ruine.
— L'Etat aussi menaçait ruine , mais nous l'avons
sauvé. Souffrez, messieurs, que je vous remercie de
l'énergie avec laquelle vous avez réprimé les premiers
la guerre, dès qu'elle a levé la tète dans vos contrées.
— Mais nous n'avons pas eu seulemenl une émeute
à Carpentras, demandez à Bourbousson.
— Vous avez bien mérité de la patrie dans ces graves
circonstances.
— Et nos chemins!
— Vive Napoléon !
— Et nos ponts !
— Vive l'Empereur ! Au revoir , messieurs , et son-
geons à mener à boime un ce grand travail de la révi-
sion de la Coustilutiou. »
« Voici, monsieur le ministre , le projet de traité que
vous nous avez demandé.
— Pas de' traité avec l'anarchie.
— Nous ne sommes pas l'anarchie, mais tout sim-
plement des membres du comité de surveillance du
chemin de fer de Paris à Lyon ; nous venons vous sou-
mettre les conditions de notre futur marché avec l'État.
— J'en prendrai connaissance. Permettez en atten-
dant que je vous remercie de la vigueur avec laquelle
vous avez repoussé les premières tentatives de guerre
civile. La patrie vous doit une reconnaissance éternelle
pour vos efforts. Vous pouvez vous retirer, messieurs,
l'émeute est vaincue. Vive Napoléon ! vive l'Empereur ! ■>
IIL
>< C'est aujourd'hui que nous recevons la commission
pour l'achèvement du Louvre, que faudra-t-il lui dire,
monsieur le ministre? Vous n'ignorez pas que la ques-
tion est grave.
— Sans doute.
— Et qu'elle exige une prompte solution.
— Parbleu !
— Nous dirons alors à la commission
— Vous lui direz que je la remercie du dévouement
avec lequel elle a mis fin à la guerre civile qu'on es-
sayait d'allumer dans ses paciliques contrées.
— Les contrées de la commission ?
— Nous pouvons maintenant, grâce à ses efforts, nous
occuper d'affaires.
— C'est là tout ce que nous avons à lui dire ?
— N'oubliez pas d'ajouter à la fin : Vive Louis-Na-
poléon ! vive l'Empereur. ■■
RKVUE COMIQUK
Depuis sa deniiùre excursion à Houcn , le ministre
des liavaux publics est dans un état qui alarme ses amis.
On sait qu'au lieu de parler de rendigucment de la
Seine, il n'a parlé aux Roucnnnisque des tristes émeutes
qui suivirent la révolution de février.
Hier, M. Laciossc a réuni le corps des ponts et
cliaussées pour lui demander un rapport sur un che-
min de fer ainiospliéri(iue pour arriver à la révision de
la Constitution.
Il a demandé que l'on rétablît la Bastille. 11 fait tra-
vailler nuit tt jour ses employés à dresser les devis de
ce travail qu'il veut soumettre tout de suite à la com-
mission des bâtiments nationaux , afin qu'on puisse y
mettre la main cet hiver, si la saison est assez douce.
En outre il s'est commandé une statue équestre, qui
figurera sur la place de la Concorde. Il sera représenté
foulant aux pieds l'anarchie. Il serait prudent, je crois,
de confier l'intérim des travaux publics h M. Lanjui-
nais. On verrait plus lard ce qu'il y a à faire.
DENJOY CAPTIF.
.M. Denjoy n'assistera pas aux premières séances de
l'Assemblée législative; on ne sait même pas s'il pourra
suivre ses travaux.
Ou sait que les dames de Toulouse , éprises d'une
belle passion pour le jeune et chevaleresque représen-
tant de la Gironde, lui ont décerne une médaille d'hon-
neur. M. Denjoy s'était rendu dans la ville de Clé-
mence Isaure pour recevoir sa médaille des blanches
mains d'une députation composée des plus belles fem-
mes du pays.
Fatale imprudence !
Quand M. Denjoy s'est présenté aux portes de Tou-
louse, les cloches sonnaient à toute volée, les rues
étaient jonchées de fleurs ; une garde d'honneur com-
posée de femmes l'attendait pour l'escorter; on avait
fait venir le poète Jasmin d'xigen pour haranguer le
triomphateur et pour lui mettre des papillotes.
A peine descendu à son hôtel, les dames de Tou-
louse ont demandé qu'il parût au balcon : aussitôt qu'il
s'est montré , toutes les mains lui envoyaient des
baisers.
— Qu'il est beau !
— Qu'il est gentil!
— Qu'il est aimable!
— C'est l'ange de la réaction I
Voilà ce qu'on entendait dire de toutes parts.
Un étranger qui se trouvait par hasard devant l'hôtel
s'étant permis de dire qu'd lui semblait que l'ange de
la réaction prenait du ventre, les dames de Toulouse se
sont jetées sur lui et voulaient le mettre en pièces.
Heureusement Jasmin , touché de son sort , l'a fait
passer pour un de ces garçons affligés d'une myopie
numéro 1 : il est parvenu à persuader aux Toulousaines
que l'infortuné presbyte, c'est myope que je veux dire,
avait confondu M. Denjoy avec l'adjoint au maire qui
se trouvait à côté de lui sur le balcon.
Cet ingénieux stratagème a sauvé l'imprudent
étranger.
Personne n'ignore que Toulouse, à l'instar de Rome,
possède un Capitule; les dames ont exigé que M. Den-
joy y montât pour recevoir sa médaille.
Après avoir obtempéré à ce vœu , M. Denjoy a parlé
de faire ses adieux au beau sexe de Toulouse.
Le beau sexe lui a déclaré qu'il ne s'en irait pas
ainsi , et qu'avant de partir il fallait qu'il éiwusàt
Clémence Isaure.
0 Comment , Clémence Isaure , elle est morte depuis
cinq cents ans!
— N'ous croyez ça ?
— Parbleu ! '
— Vous ignorez alors nos usages. Chaque année, uu
concours a lieu à Toulouse entre toutes les femmes :
l'auteur du meilleur acrostiche est proclamée présidente
des Jeux-Floraux à la place de Clémence Isaure, dont
elle prend le nom , qu'elle garde durant toute sa vie
avec les honneurs et prérogatives qui y sont attachés. •
Il est bon que dès h présent le lecteur sache que la
Clémence Isaure actuelle a quarante- cinq ans , qu'elle
prend du tabac et qu'elle est grêlée.
M. Denjoy voudrait bien s'enfuir, mais il est gardé
à vue par les dames de Toulouse. Jasmin lui récite des
vers toute la journée , pour le consoler dans sa capti-
vité. Du reste les plus délicates attentions lui sont pro-
diguées. On a mis déjà cinquante fois son nom en acros-
tiches, et on a immolé les oies du Capitole toulousain
pour lui en faire uu pâté de foies de canards.
J'ignore ce que pense M. Denjoy de ces foies et de
ces acrostiches, mais j'avoue que l'idée seule d'épouser
une femme grêlée sufTirait pour troubler mon bonheur.
Mais M. Denjoy est si courageux !
Espérons cependant que le gouvernement prendra en
A L'llSA(iK DKS (iKNS SKIUKllX.
siTictise ronsidératioii I.1 posilioii rrili(|iic dans laquelle
il se Iroiive. Le beau sexe de Toulouse uiérite des
l'Hards, uiais il ne faul pas (|ue ces égards aillent jus-
qu'à la faiblesse. Nous u'hésilons pas h le dire, le gou-
vernement nian(iMi riil l\ lous ses devoirs s'il ue déli-
vrail pas M. Deiijoy, et s'il ne le rendait pas, au dC-hiil
d'une session (|ui menace d'être orageuse , ù son banc
(le représenlanl el à l'amilié de ses coIR-Rues, qui ont
le droit (le (■(>mpt( r siu- ses interruptions lioniu?lcs el
inodiiré'es.
i.'M.M AN \(;ii i)i:M()f:-s()(;,
OI'.Dli; Al \ AllISTOS.
\' Alinanach dhnoc-soc , Aià'iè aux aristos par
Jean Vertot , va paraître la semaine prociiaiiie. Nous
empruntons la petite préface suivante à cette publica-
tion, proche parente de la lUrue comique.
PETIT DIAt-OGlE F.N MAMf.KE Ot- rntFACi;.
H Je vous avais bien dit, mon ciier Sor , (pic nous
reviendrions sur l'eau : je sois libre, heureux, bril-
lant coimue avant la r(5vulution de février; taudis (|ue
vous!...
— Moi , je suis en prison , mon bon monsieur Aristo,
toujours comme avant la r(!'volution de f(?vrier.
— Voilà ce que c'est que de ne pas accepter les cho-
ses comme elles sont r(!'ellement.
— Resteront-elles toujours ainsi?
— Toujours, mon cher, voyez plutôt. I.a r(>nte
monte, les affaires reprennent, la Bourse est plus rem-
plie que jamais. Aucun nuage n'assombrit l'horizon,
l'ariout la di^'Uiocratie est vaincue, à Vienne, à lîerliu,
à Naples, à Rome; la chute de Venise m'a fait gagner
cinquante mille francs. L'onlre règne à l'ai is , que nous
maiiqnc-t-il?
— Oli ! mon Dieu, une seule ( hose , presque lien...
— Quoi donc?
— La monarchie.
— ^ous l'aurons (luaml nous voudrons.
— Kt la Constitution?
— Nous la rtïviserons : vous savez ce que cela veut
vlii'e.
— Dans trois ans.
— Le temps ne fait rien à l'aff.rire.
— Il y fait tout, au contraire; et vous savez aussi
bien que moi que le temps n'est pas pour vous. C'est ce
qui \ousd(3sole, monsieur Aristo.
— Dans trois ans, le pays pensera au sujet delà
Constitution ce qu'il pense en ce moment.
— Le pays s'(:'claire tous les jours, et il roinmence
à vous connaître. Vous ne i(3ussirez pas à le tromper
toujours. Vous avez él(î libéral sons la Restauration.
— Vieux péché dont j'ai obtenu l'absolution.
— Sous la monarchie de juillet vous étiez philan-
thrope.
I.ES AVENTURES DIVERTISSANTES ET NON FOUTIQUES
De maître Lapp fl de S(m apprenti Pipps.
;au ayant, sur ces entre Taites ,
le boucher, lui vient en aid
dans ses reclierches.
Un gendarme . entendant de^ bru
sourds dans lagrotte,y sonpçonn
des faux-monnayeurs.
Pi-ndant ce temps, ii
plainte contre so
ayant abandon
et son ménag
ne I.iipp porte
fcmmc
REVUE COMIQUE
— Parce que c'était la mode alors , mais depuis nous
avons vu le danger de ces sensibleries : les philan-
thropes du dix-huitième siècle nous ont conduits aux
Jacubins.
— Donc votre libéralisme était un mensonge, votre
philanthropie un masque.
— Dites une double erreur.
— C'est ce que vous parvitndrez difiScilemenl h per-
suader h la nation. Vous-même, d'ailleurs, vous n'avez
pas toujours pensé ainsi. Rappelez-vous notre entrelien
deux ou trois jours après la prise des Tuileries. Nous
étions sur la place de l'Hôtel-de-Viile. Vous alliez offrir
votre concours au gouvernement provisoire au nom de
je ne sais plus quelle corporation. .Moi, je faisais partie
d'une députation d'ouvriers. .l'ai encore notre conver-
sation présente à la mémoire. Aons m'abordâtes le |)re-
nrer, je crois même que vous vous jetâtes dans mes bras.
Enfin, vous écriâles-vous , la monarchie a suc-
combé , il n'y a plus d'esclaves , la France a brisé ses
fers.
— Elle les avait aussi brisés , vous répondis-je , en
89 et en 1830.
— Celte foLs, c'est pour tout de bon. Nos yeux
s'ouvrent enfin , nous voyons que la République seule
peut faire le bonheur de la France. Vous en avez dit
autant de tous les gouvernements, et comme la Répu-
blique vous faisait peur, vous le di>iez dix fois plus
haut, et si souvent que beaucoup de personnes ont fini
par vous croire. Voyez le malheur des comédies infini-
ment trop prolongées. I.a bourgeoisie a pris vos paroles
au sérieux plus que vous ne l'auriez voulu , mon cher
monsieur Aristo, et elle croit que la République est son
salut.
— Essayez de le lui faire comprendre.
— Il y a quelque temps , c'était plus difficile. Vous
aviez réussi à brouiller entre eux les membres d'une
même famille. Voyez-vous ce brave homme qui dort
sur le lit de la prison ? C'est mon compagnon do capti-
vité, l'honnête Uémoc, le bonnetier qui demeurait dans
ma maison.
— Qu'a-t-il de commun avec ce que nous disons.
— Vous allez le savoir. Uémoc s'était battu à la
révolution de juillet, il avait fait partie des sociétés
secrètes jusqu'à l'âge de trente-cinq ans. Marié alors,
à la tête d'une maison de commerce, il s'était retiré de
la politi(iue. Le vingt-quatre février , je le rencontre
dans l'escalier.
— Eh bien, papa Démoc , il parait que nous avons
une nouvelle révolution?
— Parbleu ! c'est moi qui l'ai faite hier en criant :
Vive la réforme ! à la tête de ma compagnie.
— On va proclamer la République.
— Je m'en doute bien.
— Le commerce va s'arrêter.
— Vous n'êtes qu'un alarmiste.
— Plus de confiance ! plus de crédit !
— Un agent de Pitt et Cobourg.
— Et les riches n'achèteront plus, vous ne pourrez
pas faire face h vos engagements , la faillite va arriver ,
avec elle le déshonneur et la misère. »
La peur dans ce moment-là n'entrait pas dans le
cœur de ce brave Démoc. Sa conscience lui disait que
ce qu'il venait de faire était juste, et le sentiment de la
justice le soutenait. Confiance! confiance! Ces mots
que vous aviez sans cesse à la bouche, il les portait dans
son cœur. J'avais l'air de douter de l'avenir, et je n'é-
tais plus qu'un agent de l'étranger à ses yeux. Soc et
Démoc auraient pu s'entendre dans ce moment , mais
X.ES AVENTURES DIVERTISSANTES ET NON FOUTIÇUES
De vicUre Lnpp et de son apprenli l'ipps.
i!^
Les m.'irrliaritls de cristaux, faïcn
porcelaines portent é;,'alement pla
Le garde-champPtre, h-rs d'haU-
un rapport sur ce qu'il a ente
A L'USAGE DES GENS SÉRIEUX.
cela n'aiirail pas fait votre ronipti-, monsieur Aristo, et
vous \oiis (5lcs empressé de brouiller lescartes. Vous Ctes
habile en ce genre de métier, mais votre réussite n'a pas
été de longue durée , et vous le voyez , Démoc est en
prison comme moi. Son crime est d'avoir crié : Vive
la Constitution le 13 juin sur le boulevard. Ici, j'ai
achevé de le former , et il comprend maintenant qu'il
n'y a\ait qu'un m;ilenlendu entre nous, el (|ue le bât
social pèse aussi bien sin- les épaules du bourgeois que
sur celles de l'ouviicr, el que lout l'espoir de l'avenir
est dans leur alliance fraternelle.
L'histoire de mon voisin Démoc est celle de tonte
la France. Nous sommes tous conservateurs .. de la
République. Voire règne est passé, monsieur Aristo; on
ne veut pas (pie l'agiotage achève de dé\orerle monde.
Le temple de Janus, aujourd'hui c'est la Bourse. La paix
véritable va être signée entre; toutes les classes de la
société; fermonslaIlour.se. Kn attendant renoncez,
croyez-moi, h attaquer la Républicpie. C'est une lime
qui usera birn des dents de publicisles lionnèle el mo-
dérés. La Uè|)id)lique est désormais un fait et un droit.
Si la rue de Poitiers fait im almanaeli , engagez le co-
mité de lédaciioii à mettre rv]^ au uoiiibre de ses pré-
dictions.
L'ARRRE
Au moins d'avril, où loul se prépare à renaître,
On met joyeusement la lèle à la fenélre ;
La campagne est en llcurs : brisant son cerrle étroit
Le bourgeon s'est ouvert, insouciant du froid;
La violette éclùt pour la main qui la cueille,
Les oiseaux reparus babillent sous la feuille;
Leur insolente voix, par de joyeux accents,
Nargue l'hiver qui fuit el les frimas absents.
0 charmants étourdis! 0 nature imprudente!
— Ce vieux sournois d'hiver, à la lèvre pendante,
Rebrousse son chemin. Je vois grossir le tlot,
Et l'arbre se repent d'avoir fleuri trop tôt.
Sous le gazon naissant se cachent les pervenches;
Le bourgeon tout frileux grelotte au bout des branches
Le ciel mêle sa neige a la neige des fleurs;
De la rosée aux champs on voit geler les pleurs.
L'hiver est revenu : le foyer se rallume :
L'oiseau morne se lait, loul blotti dans sa plume ;
El la terre, malade en ce mois désiré,
Souffre du froid repris el du printemps rentré.
Ainsi, quand du pasié les sources sont vidées,
L'esprit humain attend un renouveau d'idées;
DE LIRERTK.
Après le dur hiver et la morne sai.«on.
Les cœurs semblent s'ouvrir pour une floraison.
Ce printemps ne tient pas : — une âpre matinée
Gèle l'illusion, tout en naissant fanée;
On dirait que le monde épuisé va finir,
El le brouillard épais a voilé l'avenir.
Quel spcctnclel 6 penseur! pour ton âme ravie,
Que ce duel de la mort luilant avec la vie ;
— La vie aura son tour : elle triomphera;
Après les jours mauvais, la chaleur se fera;
Ces retours de l'hiver auront peu de durée;
Un rayon chassera celte brume épurée;
Le soleil est caché, mais il n'est point éteint;
La fleur réparera les langueurs de son teint;
L'astre va ressortir plus brillant du nuage.
Et comme rajeuni des ardeurs d'un aulre âge;
Le printemps commencé lout seul s'achèvera.
La nature ni l'homme un jour n'avortera.
Ne crains donc ni les vents ni les blanches gelées.
Ni le grésil mordant des acres giboulées;
Malgré ces jours de froid, d'ombre et d'obscurité,
Tes beaux fruits mûriront, arbre de liberté!
Alpuonse ESQUIROS.
IXS AVENTURES DIVERTISSANTES ET NON FOUTIQTTES
Df nt'i'/re Liipp et de son apprenti Pipps.
On bat la générale.
côté, maître Lapp sonde la grotte Et"pcndant cet exercice, U se trouve pris.
. règne une obscurité complète, , ' [La tuiUàbimISt.)
IlEVUE COMIQUE.
En vain I on cherc-lieiail a niurùix'
Sur le représentant qu'on représente ici;
Chanibollo fut l'homme de l'Ordre,
Ce fut l'homme du Siècle aussi.
De la postérité Barrot, pour récompense
Méritera le nom de Minister-Slator ;
Et Chambollo obtiendra, je pense,
Le titre de Consorve-à-torl.
lini' par Fahritzii
Gravé par lU
LE MINISTÈRE D'ACTION.
" Messieurs, dit une voix s'éievant au milieu du
conseil desniinislrcs, savez-vousque jesuis méconlenl
de vous !
— Est-il possible? répoiulil limidcinciu M. d'IKiut-
poul.
— Et si cela continue , reprit la voix , je serai obligé
de prendre d'autres coiinnis.
— Grands dieux ! mais que nous icproche-t-on?
— De ne rien faire.
— Nous sommes cependant le grand ministère d'ac-
tion.
— Où est-elle votre action? Voyons, monsieur
d'Hautpoul, qu'avez -vous fait depuis que vous avez
remplacé ce bon Rulhières?
— J'ai rédigé une circulaire.
— A qui?
— A la gendarmerie. Dans cette circulaire, je fais
comprendre aux ofTicicrs de gendarmerie qu'ils ne sont
point institues dans le but étroit et mesquin de protéger
la vie et la propriété des citoyenS contre les voleurs,
les vagabonds, les incendiaires; que la société leur im-
pose une plus large et plus noble mission , qui est cellr
de surveiller les fonctionnaires publics à tous les degrés
de l'échelle administrative :
» Préfets,
» Sous -préfets,
" Maires,
0 Receveurs, •
» Gardes ciianipêlres;
» De prendre soigneusement note de ce qn'ils font.
de ce qu"ils disent, et de ni'envojer de temps en
temps, le plus souvent possible, des rapports confiden-
tiels à cet égard. Je veux ramener la gendarmerie aux
beaux temps de l'Empire , où elle secondait avec tant de
dévouement les vues du chef de l'État. Dans l'intérêt
de l'ordre, de la famille, de la propriété, il ne faut pas
que les gendarmes hésitent à devenir des mouchards à
épaulettes : la fin sanctifie les moyens. J'ai transformé
des ofBciers en espions; c'e:-t là de l'action, je l'e-pwre,
et on me doit bien quelques éloges à cet égard !
— Et vous, monsieur le ministre des affaires étran-
gères , quelle est votre part d'action ?
J'ai mis l'armée française aux ordres de la police
romaine, j'ai contre-signe la nomination de M. Fialin de
Persigny au poste d'ambassadeur, et celle de M. de
Castelbajac , qui présida le conseil de guerre qui envoya
à la mort Mouton-Duvernet , à Berlin , et j "ai fait don-
ner la croix d'honneur à M. Lucien Murât.
\ votre tour, monsieur le ministre de la justice.
Quelques magistrats nommés par le gouverne-
ment provisoire restaient encore dans les parquets ; ils
ont été destitués par mes soins. Une place de premier
président de cour d'appel 3 été offerte en mon nom à
M. Hébert, et j'ai lieu d'espérer qu'il voudra bien finir
par l'accepter; de plus j'ai ordonné de sévir vigoureuse-
ment contre les journaux républicains : plus de soixante
ont été saisis par mes ordi es.
Voyons , maintenant , monsieur le ministre des
finances?
REVUE COMIQUE
— J'ai demandé le rétablissenieiu de l'impôt sur les
boissons.
— Ceci est de l'action véritable. A monsieur le minis-
tre de l'intérieur h montrer son bilan.
— Le voici par ordre arithmétique :
» 1° J'ai destitué 1rs derniers préfets républicains;
" 2° J'ai nommé M. Lacoste, le plus fort joueur de
bouillotte de France, au poste de commissaire extraordi-
naire à Lyon , où son premier acte a été de faire sus-
pendre le Censeur, un journal d'autant plus dange-
reux qu'il est modéré ;
» 3° J'ai interdit aux prisonniers politiques de Sainte-
Pélagie de recevoir la visite de leurs femmes et de leurs
enfants;
» k" J'ai
— C'est bien. Passons maintenant au ministère du
commerce; la parole est h M. Dumas.
— Renfermé dans le silence du cabinet , je médite
les idées de mon prédécesseur Chaplal , et je prépare un
nouveau projet de blocus continental pour enlever à la
perfide Albion le sceptre des mers et du calicot.
— Passons aux travaux publics; expliquez-vous,
monsieur Bineau.
— Il s'agit de faire reprendre complètement la con •
fiance; dans ce but , j'élabore quelques projets de lois
qui lendront aux compagnies de chemins de fer leur
ancienne s|)lendeurtt qui feront relleurir l'agiotage des
actions comme aux beaux temps de la monarchie.
— Il ne me reste plus qu'à interroger M. Parieu;
qu'avez- vous fait dans votre ministère de l'instruction
publique?
— J'ai suivi scrupuleusement les traces de mon illus-
tre prédécesseur de Falloux ; je crois même les avoir
dépassées par mon fameux projet de loi sur les institu-
teurs primaires : je les place scus l'autorité immédiate
du préfet avec faculté de les déporter à la Guyane sans
autre forme de procès, sur le moindre soupçon de
socialisme.
— Ah çà ! reprit la voix , qui s'était considérable-
ment radoucie pendant cet interrogatoire, qu'ont donc
les journaux à prétendre que mes ministres ne font rien?
ils agissent beaucoup, au contraire! Messieurs, ajouta
la voix, je suis content de vous, et je ne vous casse
point aux gages : vous garderez vos portefeuillcsjusqu'à
nouvel ordre, et, si vous continuez ainsi, vous pouvez
compter sur une gratification au jour de l'an.
La meilleure maiiirre tle vider lacjucation de Borne.
LA RÉPUBLIQUE AVEC LE TEMPS
Dessiné par Bertall.
G rare par Bauunt.
RE\TfE COMIQUE.
Le représentant Lamartine prolongeant indéfinimt'nt ses v
plaisir de la chasse à la barbe de ses éle
5 pour se livrer au
LA PRINCESSE RÉVOLUTION ET LE PRINCE JACQUES BONHOMME.
LÉGENDE.
Le peuple frappe à la porle de la maison où la prin-
cesse Uévolution s'est endormie dans la nuit et le si-
lence : « Réveille-toi , noble fille ; l'aube paraît et
Iheure vient de sonner. Ton escorte t'attend en bas,
ses chevaux piaffent sur le pavé de la cour. Allons, il
est temps de partir ! «
C'est qu'après des discordes sanglantes, pour cimen-
ter un traité de paix, la Révolution fut mariée tout
enfant au jeune prince Jacques Bonhomme, enfant
comme elle. Depuis lors, plongés tous les deux dans un
sommeil léthargique, par l'effet d'une noire magie, ils
ont grandi séparés l'un de l'autre; mais l'encbaiitcment
a perdu sa force , et le jour est enûn venu de conduire
l'épouse auprès de l'époux.
La Révolution se lève et recommande son âme à la
Liberté sa mère. Son noble visage respire la force et l'or-
gueil, et son œil se fixe avec assurance sur le beau so-
leil qui se lève. Le peuple la contemple avec ravisse-
ment. Elle saute légèrement en selle :
" La demeure du prince Jacques Bonhomme est-elle
loin d'ici?
— Oh ! bien loin ; avant d'y arriver, nous traverse-
rons plaines et forêts ; nous gravirons plus d'une mon-
tagnes aux cimes bleues.
— Partons; lâche qui n'ose me suivre; traître qui
m'abandonne ! »
Les élriers sonnent, les éperons grincent; les cail-
loux éclatent sous les pieds des chevaux. La peuple a
donné pour escorte à la Révolution quatre de ses meil-
lenrs champions armés de pied en cap. Au milieu
d'eux, comme entre une double haie de Tt, s'avance
1.1 noble lille poriéi' par un cbevul plus blanc que neige.
Ils vont, ils vont, ils traversent la plaine, ils s'enfon-
cent sous les voûtes verdoyantes de la forêt , puis on les
voit reparaître sur le flanc de la montagne qu'ils gra-
vissent péniblement.
Leurs pensées, joyeuses au départ, étaient devenues
tristes peu à peu , et ni une chanson ni une ballade
ne faisaient diversion aux ennuis de la marche. Çà et lii
on avait aperçu dans Téloignement des hommes masqués
qui semblaient attendre le moment favorable pour at-
taquer l'escorte. Cependant, des jours et des nuits s'é-
taient écoulés , lorsqu'au moment de traverser un ruis-
seau, le silllement d'une flèche se fit entendre, et l'uîi
des quatre compagnons de la princesse, un vieillard à
barbe grise , dit en portant la main à sa poitrine :
« Aussi vrai que l'eau de ce ruisseau ne remontera
jamais vers sa source, personne ne me verra faire un
pas de plus en avant.
— Hélas ! dit la Révolution , que deviendrai-je si
vous m'abandonnez ?
— Vois ma poitrine sanglante , répondit le vieillard.
Adieu, chère fille, mes jours sont comptés, et mes
yeux se ferment avant de t'avoir vue entrer dans le pa-
lais où tu es attendue; mais je te laisse grande et forte,
et je vais consoler par de bonnes nouvelles ceux qui
sont morts sans espoir quand tu n'étais encore qu'au
berceau. ■>
A ces mots , le vieillard s'affaissa sur son cheval , et ,
romme il l'avait dit, il ne franchit pas le ruisseau.
I. Que les journées de marche sont longues et péni-
bles ! Mes amis , dit la princesse , nous passons sans
C(sse cl s.ins repos de la forêt à la iiiiiMla^ne et de la
montagne à la plaine, mais nous n'arrivons pas. Ne
A L'USAGK DES GENS SÉRIEUX.
173
serions-nous pas égares dans le dOsert des songes?
— Non , inadaino , nous ne sommes pas égarés dans
If désert des songes? Mais c'est (pie le prince Jac(pies
Ronlioiiiiiie demeure bien loin au delà de ces hautes
montagnes aux cimes bleues.
— Dites-moi , mes amis , ne vous sernble-t-il pas qu'à
iucsure que nous avançons, le ciel s'assombrit, l'herbe
se fane et les arbres abaissent jusqu'à terre leurs bran-
ches éplorées ?
— Oui, madame, la tristesse étend son voile partout
où vous passez, et c'est l'eiïet des enchantements et des
maléûces de vos ennemis, qui enfontremontcr la cause
jusqu'à vous, espérant ainsi vous rendre odieuse à tout
le monde et vous brouiller avtc le prince votre époux.
— Ah ! s'écria-t-clle , que de lâchetés et que de
haine! Mais que vois je? est-ce votre cheval qui se
cabre, ou bien est-ce vous qui ramenez la bride ? »
Un des compagnons de la princesse venait en elTet de
s'arrêter tout court sur le bord du chemin.
« -N'accusez pas mon cheval, répoiidit-il. Je suis
tombé dans un piège tendu par les maléfices de nos
ennemis. Voyez , mes bras se chargent de fers rivés par
des mains invisibles; mes pieds se fixent en terre; des
murs épais s'élèvent autour de moi ; ils montent comme
une marée de pierres , et bientôt ils m'auront dérolié
l'éclat du jour. Adieu , ô bien-aiméc ! peut-être ne
dois-je plus vous revoir. Partez vite, je vois encore
flotter un bout de votre voile : ce souvenir sera une
espérance pour le captif. »
La voix s'éteignit, et là où elle venait de se faire eu-
tendre, on ne vit puisqu'une noire forteresse.
Des deux comp;ignons qui restaient, le plus jeune,
presque un enfant, joignaii à un cœur de lion les grâces
et l'imagination d'un poëte.
n Beau chanteur, dit la princesse, chantez-nous une de
vos ballades pour nous distraire des ennuis du voyage !
— Volontiers, madame; je vais vous chanter la bal-
lade des filles de la Liberté.
« La Liberté a plusieurs filles belles comme le jour.
Les plus riches et les plus puissauts rois de l'J-urope
viennent les demander en mariage et les emmènent
dans des pays lointains. Là, au lieu des fêtes et des ré-
jouissances qui devaient célébrer l'arrivée des jeunes
mariées, elles ne se voient entourées que de visages
sinistres. On leur apporte des habits de deuil à la place
de leurs riches parures, et un jour entre le bourreau
qui leur dit : — Allons, préparez-vous à mourir; le
roi votre époux l'a ainsi ordonné...
— Assez, au nom du ciel ! s'écrie la belle voyageuse;
vous avez choisi là une bien triste ballade. »
Or, pendant qu'elle parlait de la sorte, un de ses
deux compagnons, celui qui n'avait pas chanté, s'arrêta
brusquement.
— Eh bien, qu'y a-t-il ? lui dit-elle. Êtes-vous
tombé vous aussi dans un piège, ou bien une flèche a-
t-elle frappé votre poitrine? Mais je n'y vois pas une
goutte de sang. » Et comme il baissait honteusement la
léie, ne sachant que répondre : . Ah ! n'ouvrez pas la
bouche! reprit-elle, que pourriez-vous médire? Allez
et soyez maudit, vous <|ui m'abandonnez lûchement en
< iicmin ! »
Ayant ainsi parlé avec emportement, car le sang de
sa race était aussi violent que la flamme, elle abaissa
son voile sur ses yeux pour ne pas voir le traître s'éloi-
gner.
Bientôt il passa un voyageur sur la roule.
" Salut, belle fille; celui de vos compagnons qui vient
de vous abandonner avait reçu une forte sonmie d'or
pour ci'lte trahison.
— Cet or lui brûlera les mains, » répondit-elle.
Un autre passa ensuite et dit :
» Dieu vous garde, madame; celui de vos compa-
gnons qui avait été enlevé en route par vos ennemis
vient de mourir d'ennui et de douleur dans sa prison.
— C'était un noble cœur l » dit elle en poussant un
soupir.
Un troisième lui parla ainsi :
" Priez Dieu, princesse; tout est perdu. La maison
où vous êtes née s'est abîmée dans les flammes. Vos
ennemis triomphent; vos amis sont vaincus et disper-
sés : les uns sont morts, les autres sont en prison ou
dans l'exil ! »
— Entendez-vous? dit la pauvre voyageuse, en s'ar-
rêtant tout à coup, les yeux en pleurs. Que faut-il
faire? Retourner en arrière au secours de nos amis?
Mais il passa un quatrième voyageur qui venait du
côté opposé.
" Pressez le pas, madame, dit-il; le prince Jacques
Bonhomme se meurt de chagrin, car on lui a dit que
sa jeune épouse avait été enlevée en route , et que per-
sonne ne savait ce qu'elle était devenue.
— Jour de malheur ! » s'écria la princesse.
En ce moment elle vit son jeune compagnon pâlir et
s'affaisser sur le bord du chemin. « Parlez, dit-il,
partez sans moi ; la fatigue m'accable. Hélas ! il est
écrit que je ne vous accompagnerai pas plus loin. »
Ses yeux .se fermèrent ; .ses lèvres bleuirent. La prin-
cesse posa ses lèvres sur le front décoloré de son der-
nier compagnon , et poussa son cheval en avant.
Mais le ciel devint plus sombre que la nuit; la tem-
pête se déchaîna avec violence, des oiseaux .siiij>trcs
volèrent dans l'obscurité ; le cheval se cabra et désar-
çonna la voyageuse. Elle continua sa route à pied ; ce-
pendant les buissons allongeaient leurs bras pour accro-
cher sa robe au passage ; les cailloux mirent sa chaussure
en lambeaux et ensanglantèrent ses pieds délicats.
En ce moment vint à elle un vieux paysan courbé sur
son bâton, qui chantait malgré le vent et rora"e.
«Pauvre Révolution, dit-il, en quel étal je vous
vois ! iN'avez-vous donc pas peur de vous trouver seule
ainsi dans la forêt, en un pareil moment?
— Puisque vous me connaissez , l'ami, répondit-elle,
REVUE COMIQUE
vous devez connaîlie aussi tous mes malheurs. De mes
compagiiOHS , l'un m'a traliie , les autres sont morts ou
captifs; j'ai vu le dernier tomber épuisé de fatigue ; la
ma'soii où je suis née s'est écioiilée dans les flammes,
mais Jacciucs Bonhonnne est au lit de mort, et j'aban-
doiine tout pour aller à lui.
— Vous êtes une femme forte et courageuse , dit le
pnvsaii ; \ous êtes digne d'être la fille de la Liberté, de
MHis appeler la Révolution. »
Alors , ô miracle ! le ciel se rasséréna ; la tempête alla
mourir au loin , et pendant que la ploie s'égoultait aux
feuilles des arbres, les oiseaux reprirent leurs chansons.
0 Dites-moi, l'ami, que signifie ce prodige? Voilà le
soleil qui brille de nouveau ; voilà les arbres qui relè-
■ vent leurs feuilles, et les oiseaux qui volent devant nous
en chantant.
— Cela signifie que nous approchons de la demeure
de Jacques Bonhomme.
— Mais comment se fait-il que la terre se tapisse de
verdure et de fleurs partout oii se pose mon pied ?
— C'est afin que votre pied ne se blesse point aux
cailloux et aux ronces , ma fille.
— Voyez , si ce n'est pas un songe ; il me semble que
cette haute montagne s'abaisse au niveau de la plaine.
— Ce n'est pas un songe, ma fille ; la montagne
courbe sa tête afin qu'apparaisse la demeure du prince
voire mari.
Et eu effet la demeure du prince apparut , mais elle
était sombre , et ses fenêtres semblaient n'avoir pas été
ouvertes depuis bien longtemps.
« Que celle maison me paraît triste 1 On dirait qu'elle
n'est habitée par aucun être vivant.
— C'est qu'elle est morte , cette maison , et (pic la
vie n'y entrera qu'avec vous; car c'esl la Révolution
qui est l'âme de la maison de Jacques Bonhomme. >>
En prononçant ces mots, le vieux paysan disparu!,^
et la Révolution ayant fait un pas de plus en avant
loucha la porte du bout de son pied. La porte s'ouvrit
àrinstanl et la maison parut tout ifluminée. Une mu-
sique délicieuse remplit les vastes galeries, et le prince
Jacques Bonhomme , beau comme le jour et vêtu ma-
gnifiquement , accourut suivi d'une foule de ses amis ,
pour présenter sa main à sa femme.
n Sois la bienvenue ici , lui dit-il , ô toi, l'ànie de ma
maison ! »
La Révolution reconnut alors dans sou jeune mari, si
beau et si magnifique , le vieux paysan qu'elle avait ren-
contré dans le bois, et qui venait de se transfigurer.
Mais (pielle ne fut pas sa surprise de retrouver, dans la
grande salle du palais, ses compagnons qu'elle avait
perdus en route, et ses amis dont on lui avait annoncé
la mort!
<. Sois bénie, lui dirent -ils, toi dont le courage n'a
pas défailli un instant dans les épreuves. Si ton cœur
eût faibli, c'en était fait de nous tous et de toi-même!
Et voilà comment , en dépit des persécutions de leurs
ennemis, s'accomplit enfin le mariage de la princesse
Révolution avec le prince Jacques Bonhomme.
Clément CARAGUEL.
. Je mt moquf bien dt mire ComIHuliml vous été, un tas de brigand» de ParinensI II n'y a que VEmpereur qui savait mus maler.
Il lih bien! mni Je meltrai le feu il voire ville! f
Paroles <]ii général Ciivnovrnier le 12 juin 1819, suivant la dépotilion de M. Farina. \ H.miliur i» r. ni,vi-mbrc 1819 )
LE SOCIALISME.
Extrait delà coKeclion dé coaumes de la préfectnre de police.
Dessillé par Deutsch.
Gravé par B.iolant.
KEVUE COMIQUE.
PARIS EN ÉTAT DE SIEGE.
(. On (lomnnde à voir M. le président du conseil.
— Impossible! je prépare une nouvelle circulaire
pour engager les douaniers h m'ciivoyer des rapports
sur les fonctionnaires , et personne ne doit lue déranger.
— C'est M. Véron.
— Qu'il entre. C'est difTérent ! Je cours moi-même
nu-dcvant de lui. Eh ! bonjour, monsieur Véron.
— Bonjour, mon cher, bonjour.
— Votre précieuse santé se soutient-elle toujours?
Toujours , mon bon , toujours.
— C'est une grande consolation pmr tous les vrais
amis de la société. Peut-on vous demander quel motif
me vaut l'honneur de votre visite î
— Un motif des plus graves.
_ Je n'en doute pas. Il s'agit sans doute de quelque
candidat à une place importante pour lequel vous me
demandez ma voix dans le conseil. Je n'ai rien à refuser
à un homme comme vous. Est-ce une recette générale
que vous demandez ?
— Non.
— Une préfecture ?
— Nullement.
Uue des quatre grandes directions générales?
— Pas du tout.
_ Une simple direction de théâtre, peut-être ?
— Vous n'y êtes pas. Lisez-vous les journaux quel-
quefois ?
Je lis le Constitiitioiintl.
— Flatteur ! Mais enfin il faut bien passer quelque
chose aux vieux militaires. Je vous dirai seulement que
vous avez grand tort , en votre qualité de président du
conseil , de ne pas lire assidûment les journaux. Savez-
vous qu'ils deviennent d'une audace extraordinaire!
— A qui le dites- vous? La presse , voilà la véritable
plaie du pays! elle ne respecte rien, elle attaque la
famille.
— Bien plus encore !
— La propriété.
— Je le leur passerais encore.
— La religion.
— Si ce n'était que cela !
— Le Président peut-être?
— Plus encore.
— Qui donc?
— Moi.
— En vérité !
— C'est comme j'ai l'honneur de vous le dire , les
journaux ne respectent plus rien. Figurez-vous que le
Charivari ose m'appcler Fontanarosc.
— Est-il possible !
— Il écrit en toutes lettres que j'ai été apothicaire.
— Où allons-nous?
— Que j'ai souscrit pour les blessés de février.
— Quel blasphème !
Que j'ai inventé la pâte Regnault. |
— Il faut traîner le Charivari drivant les tribu- j
naux. i
— Sans doute.
— Lui demander cent mille francs de dommages et
intérêts.
— C'est ce que j'ai fait , mais cela ne suffit pas. La
société demande plus encore. Il y a une chose dont vous
ne disconviendrez pas , c'est que s'attaquer à ma per-
sonne c'est attaquer la famille.
— Sans doute.
— La propriété.
— Évidemment.
— La religion.
— Sans contredit.
— Si vous voulez donc sauvegarder la famille , la
propriété, la religion, en un mot la société, il faut
garder ma personne de toute atteinte. Pour cela il n'y a
qu'un moyen.
— Lequel ? nous agirons tout de suite. Faut-il écrire
une circulaire aux gendarmes?
— Il faut suspendre le Charivari et tous les jour-
naux de l'opposition.
— Les suspendre , mais comment?
— Par une ordonnance.
— Vous voulez donc qu'on mette Paris en état de
;.iége?
— Parbleu !
— La chose est grave.
— Pas plus grave qu'à Lyon. Est-ce que le général
Gémeau ne vient pas encore de suspendre le Censeur?
— Mais le Censeur avait attaqué le pape.
— Est-ce que je ne vaux pas le pape ?
— C'est vrai, mais
— Pas de mais Si vous m'abandonnez, je vous
abandonnerai à mon tour. Je retournerai encore une
fois l'habit du Cons'itiitionnet et je passerai h 1 hiers.
Enfoncé alors le gouvernement personnel ! on vous en-
verra chez vous i)lanter vos choux et vos circulaires aux
•„'endarmes. Ainsi donc réfléchissez. «
A l'heure qu'il est, le conseil des ministres est ras-
semblé. On délibère si l'on mettra Paris en état de
siège pour suspendre les journaux qui se moquent de
M. Véron.
(;h\M)i:iu i;t di.cvdknci: i»i: imstiiX soiiloi qi; vkuon i
SIIINOSIMI, l.K I.IUM) l-DMA.NAIlOSi:,
(l'our faire |n-nr|anl & Miim.ilre do Nupo'i-on.)
Le Waterloo de Véron.
Dessiné par Nadar.
Le SMNT-nrlLÈSE DE VÉROX.
GraTé par lî.
REVUE COMIQUE
G ENBARIMERIE BÉPARTEMENTAUE.
M.-unc (l.oi,T.).
MON COLONEL,
Mon mariage avec Maiion esl manqué, le père Jous-
sct m'a relire sa parole, et je suis mis à la porte de tou-
tes les maisons du pays, et cela à cause de la nouvelle
ronsigne.
Il faut d'abord vous dire que je suis Pacot , gen-
darme à Meung , département du Loiret.
Alors que je suis entré l'antre soir chez mon futur
beau-père, Jousset-Claude le vieux, lisait tout haut à ses
enfants le journal la Voix du Peuple. En me voyant,
le bonhomme a froncé ses sourcils gris , et il a frappé
par terre un si grand coup qu'il en a cassé son sabot.
— Monsieur Pacot, qui m'a dit.
— Dites donc ! que je lui ai dit, si vous vouliez bien
m'appeler Pacot tout court.
— Monsieur Pacot, qu'il a redit, — Il est très- têtu
le vieux ! — voilà six ans qu'on vous voit chez nous. On
n'a jamais tué le cochon sans vous dire : « Pacot , c'est
aujourd'hui qu'on tue le cochon , à ce soir, vot' cou-
vert y sera ; ■> et vot' couvert y a toujours été. On n'a
jamais, non plus, tiré le premier pot à la tonne sans
vous dire : » Pacot , prenez un verre et goûtez-moi ça.
C'est pas pour nous flatter, mais c'est le meilleur du pays ;
c'est du p'tit du bas de la côte , au bord du champ à
Thomas; s'y vous semble aimable, vous y reviendrez. «
Et vous y reveniez tout d' même, Pacot, sans reproche,
entendez bien. Louis vous ouvrait l'étable et vous disait
ses marchés; Sévrine vous menait à la grange et vous
montrait la récolte ; il n'y avait pas une partie de boules,
pas une fête, pas un gala dont vous ne soyez. De plus,
vous êtes le pairain du p'tit; vous aimez Marion, et
Marion vous aimait, et nous vous aimions tous; car,
dans la famille, n'ayant jamais eu de vagabonds ni de
voleur de blé, n'ayantjamais chassé sans port d'armes,
ni ramassé de querelles au cabaret , nous ouvrions à
toute heure la porte de la maison des Jousset-Claude h
Pacot le gendarme, à Pacot le promis de Marion, le
conseilleux de Louis, l'ami et le futur gendre Pacot,
quoi. — Mais aujourd'hui tout est bien changé. Mon-
sieur Pacot le gendarme n'est plus seulement dans le
pays pour savoir si on y chasse sans port d'armes , si
on s'v querelle, si on y vagabonde; si on y vole le blé;
monsieur Pacot est dans le pays pour savoir ce qu'on y
pense et ce qu'on y jase au coin du feu , et pour l'aller
redire; c'est une autre paire de bœufs!
Si y nous plaît de dire que M. le maire a tort d'in-
fluencer net' petit papier aux élections ; si y nous plaît
de dire que les conseillers munici|)aux font mal de vou-
loir faire remettre l'impôt sur le vin qu'on avait promis
d'ôter ; si y nous plaît de dire que madame la directrice
de la poste n'a pas le droit de garder nol' journal !i
cause qu'elle dit que c'est un mauvais journal ; nous
voulons dire tout ça sans qu'on aille le redire à Paris.
Et comme monsieur Parot est chargé par ses supérieurs
d'avoir à fourrer son nez dans ce qui n'a que faire, nous
usons de nol' droit et nous prions monsieur Pacot de
rester chez lui , et nous , nous resterons chez nous. «
J'ai eu beau faire, beau dire, mon colonel, le
père Jousset-Claude n'en a rien voulu rabattre. —
11 est trés-têtu le vieux! — Marion n'a pas seulement
fail comme si j'étais là ; et Louis m'a dit en me condui-
sant vers la porte :
<■ Pacot, mon pauvre Pacot, c'est pas vot' faute, c'est
vot' consigne; mais un militaire, c'est esclave de sa
ronsigne, et, vous comprenez... Dam' !... «
Et puis il a fermé la porte.
Je comprenais très-bien; mais, ce que je ne com-
prends pas, mon colonel, c'est que vous nous don-
niez une consigne qui me fait manquer mon mariage
avec Marion et qui me fait fermer les portes de tout le
pays.
Agréez, etc.
SIGNÉ Pacot, GENDARME.
Dieuze (Muselle),
3l0N C0M5IANDANT,
A cheval sur vos dernières instructions, nous exer-
çons une surveillance active au sein de la population
dieuzoise. Vous pensez bien que le grand caractère de
franchise et de dignité qui se rattache r.u costume de
gendarme mus oblige à accomplir notre nou\elle mis-
sion en tenue, toujours en tenue : ma brigade et moi
nous ne débotlons que le soir très -lard.
Jusqu'à ce jour le résultat de nos observations a été
on ne peut plus satisfaisant. Dans le pays, du plus loin
qu'on aperçoit nos cornes ofFiciellcs, quelques ouvriers
et |)aysans entonnent le refrain de V ivc Henri IV.
C'est au point que si monsieur le ministre avait seule-
ment indiqué dans sa circulaire que les refrains de
cette nature devaient être chantés et non criés, nous
serions obligés de mettre un frein à quehjucs gosiers
dieuzois et dieuzoise. Mais monsieur le ministre n'a
rien dit dans la circulaire touchant ces refrains, nous
laissons crier : ça ne nous regarde plus.
Notre affaire, c'est de savoir si l'on est socialiste.
Eh bien! là, vrai, mon commandant, les socialistes,
c'est une pure invention de Paris : ici et dans tout le
A l.l SACiK DKS (JKiVS SKIUKIX.
(I<''|);ii(eiiipi)l, les gciuliirmcs raiisi'iii il l)iii\ciii avec
loiit le monde, et tout le monde leur dit :
•' Les socialisies! nli ! (|irils y viennent un peu, et
ils voiront ! Nous sommes de bons ouvriers qui deman-
dent à vivre en travaillant; ([ui veulent jouir des hèni-
ficesdc l'association; ([ui ne connaissent qu'une chose :
la R('pul)ii(|ue et la devise de liberté, ('■galitô, fraternité.
Qu'est-ce que nous voulons ? Que le producteur tou-
che intégralement le prix de son travail; que les vieux
camarades meurent de vieillesse et non jias de faim ;
que ces petits messieurs du chef-lieu respectent nos
filles et nos femmes, et vive la République ! et voilà...
Mais les socialistes, ah ! qu'ils y viennent un peu , et ils
verront ! n
Vous comprenez, monsieur le ministre, que nous
n'avons rien à dire à tout ça, sinon à faire chorus, et
nous faisons chorus. Seulement , on nous a déjà signalé
dans les environs du pays onze collets à lapins tendus
parles braconniers; de plus, deux incendies et cinq
vois, ^os nouvelles fonctions ne nous permettant pas de
nous occuper de ces menus détails, il faudrait, pour
que tout allât comme il faut , adjoindre à noire brigade
uuc brigade suppléinenlaii e.
Nous espérons, mon commandant, que vous ferez
droit à cette demande , dont la prompte exécution sau-
vegardi'ra les intérûls de la |)opulation dieuzoise.
Agréez, etc.
jANOflET,
niin;,\i)ii;ii ru-; oLMUiiMiaiii'; ;■ îii.n/.
Gangci (Hcraiili).
(JTOYEN Ministre,
Dans la gendarmerie ,
Quand un gendarme rit ,
Tous les gendarmes rienl
Dans la gendarmerie.
C'est du moins un bruit qui court. SiilTit , vous nous
entendez bien.
Nous avons l'honneur
De ne pas être vot' serviteur
De tout not' cœur.
Larifla,
ancien jcntlclcttrc ; acluellcnient gendarme.
A. F — y.
T>.ntatives infructueuses de notre célèlir,: Léon FdMcher pour ressai-ir un portefeuille
RKVUE COMIQUE
LK CHOIX D L.\ COIU'S.
En ses lèves profonds P5l!i;igoie a raison :
L'àme est de corps en corps constamment exilée;
Selon ce qu'elle a fait, quand elle est envolée,
Elle a droit à choisir sa nouvelle prison.
Des moniies inégaux sont semés dans l'espace,
Et chaque être créé de l'un à l'autre passe.
Il n;iit sur un soleil d'un ordre inférieur;
En d'autres plus parfaits tour à tour se promené,
Et do ses facultés élargit le domaine,
Pour être digne enfin du monde le meilleur.
Ce n'est pas celui-ci; mais, en ses longs voj'ages.
Toute ùme doit chez nous faire une siaiion.
Ce globe est un degré de la création ,
Un étage à travers les âges.
Or, une àme, sortant d'une étoile des cieux,
Voltigeait dans l'azur, errante et solitaire,
Quand un auge au front gracieux,
Vint lui dire : « Le sort t'appelle sur la terre.
L'ordre préétabli qui marque ton chemin,
T'oblige à respirer cette atmosphère épaisse,
Et t'enrôle au milieu de la bizarre espèce ,
Que l'on appelle genre humain.
De ton existence passée
Tu n'as point de remords , et tu sus mériter,
Comme une àme de bien, d'être récompensée.
Choisis donc le logis que tu veux habiter :
Te plait-il, en vertu des droits héréditaires.
Ce naitre sur le trône, ou d'avoir pour parents
Des riches , des bourgeois, de simples prolétaires'?
— Je vois bien à chacun des langes différents;
Répondit l'âme philosophe ,
Mais tous les nouveau-nés sont faits de même étoffe ;
A la même clarté leurs yeux se sont ouverts;
Tous grimacent de mémo en leurs berceaux divers.
.4u chevet des enfants la douleur esl assise,
Dans le rang le plus humble ou le plus élevé.
Bel ange, pour lixer ma pensée indécise,
Alonlre-mui l'avenir qui leur est réservé?
— L'avenir est un grand mystère,
Reprit le divin messager;
Mais jette un regard vers la terre :
Les rois sont exilés sur le sol élranger,
Leur puissance décline et lombe.
Vieux litres, parchemins, privilèges, blason
Sont consumés en hécatombe
Sur les autels de la raison.
L'homme brise aujourd'hui, d'une main empress»"
Les idoles qu'il se forma.
L'orgueilleuse opulence est aussi menacée
Par le malheur qu'elle opprima.
De souffrir le peuple se lasse;
11 se relève avec fierté ;
Il grandit, parle en maître, et réclame sa place
Au nom de la justice et de l'humanité!
Certain de son pouvoir, désormais sans coleies,
H pourra détrôner des abus séculaires.
Aisément il démolira
Un édifice qui chancelle;
L'heure approche où s'accomiilira
La délivrance univei'selle '. »
L'ange dit, et l'àme soudain
Traversa les champs de lumière,
El, devant les palais passant avec dédain,
Elle enira dans une chaumière.
E DE LA BtUULLIEIlK.
LK DIABLE VERT (i).
qu'est-ce que le DlAtlLE VERT?
• Pourquoi se sert-il d'un lorguoii? »
Nous répondrons à cette beconde question que les
diables ont toujours eu la vue basse. Cela tient à leur
séjour prolongé dans les entrailles de la terre et à leur
prédilection particulière pour les ténèbres.
(1) 1,'lilsloiro du Diable Verl que uous publions Ici cet extraite
«l'un charmant almanacli pour 1850, paru sous les auspices et
sous le nom de ce Diable lerl. Celte intéressante liistoire sert d'in-
troduction à ce petit livre, et est suivie d'autres récits non moins
curieux. Ce qui caractérise particulièrement cet almanach, c'est
la concordance établie jour par jour entre le calendrier Grégo-
rien pourl'année 1850 et l'Annuaire républicain pour l'an 58-59
de la République , conforme au décret de la Convention . et l'ex-
plication fort intéressante de cet annuaire, dont les divisions
simples et les renseignements agronomiques, font tout simple-
ment le meilleur, le plus vrai et le plus utile des calendriers. L'al-
manacli du DiaJ/le lerl renferme en outre une très-amusanle
série de cent vignettes drolatiques, où l'on voit passer comme
dans une lanterne magique le passé, le présent et même 1' vvenie.
Toutes ces merveilles font du Diable Vert l'almanacli le plus
divertissant qui ait été publié pour l'année 1850; il ne se vend
que 50 centimes, chez Auljert et chez tous les libraires.
L'autic question e.st plus couipliiiuée.
Le Diable Vert est un des plus viniv habitants de
Pans; —on l'appelait autrefois le Diable Vauvert.
D'où est résulté le proverbe : C'est au Diable Vau-
vert: — Allez au Diable-Vauvert !
C'est-à-dire : Allez-vous..,, promener aux CLauips-
Élysées.
Les portiers disent géuéralement : C'est au Diable
aux vers .' pour exprimer un lieu qui est fort luin.
Cela siguiûe qu'il faut payer fort cher la commission
dont on les charge, — mais c'est là en outre nue locu-
tion vicieuse et corrompue , comme plusieurs autres
familières au peuple parisien.
Le Diable Vtrt ou Vauvert est essentiellement
un habitant de Paris , oij il demeure depuis bien des
siècles, si l'on en croit les historiens. Sauvai, Fclibien,
Sainte-Foix et Dulaure ont raconté longuement ses
escapades.
Il semble d'abord avoir habité le château de Vauvert
qui était situé au lieu occupé par le joyeux bal de là
Cliartreime , à l'extrémité du Luveiiibourg, et en face
des allées de l'Observatoire, dans la rue d'Enfer.
REVUE COMIQUE
Ce château , d'une triste renouiméc , fut déinoli en
partie , et les ruines devinrent une dépendance d'un
couvent de Cliartreux, dans lequel mourut , en UlZi ,
Jean de la Lune , neveu de l'antipape Benoît \III.
Jean de la Lune avait éi6 soupçonné d'avoir des rela
tiens avec le Diable Vert , qui peut-être était l'esprii
familier de l'ancien château du Vauvert, chacun de ces
édifices féodaux ayant le sien, comme on sait.
Les historiens ne nous ont rien laissé de précis sur
cette phase intéressante.
Le Diable Vert fit de nouveau parler de lui à l'épo-
que de Louis \1IL
Pendaut fort longtemps on avait entendu tous les
soirs un grand bruit dans une maison faite des débris
de l'ancien couvent et dont les propriétaires étaient
absents depuis plusieurs années.
Ce qui effrayait beaucoup les voisins.
Ils allèrent prévenir le lieutenant de police , qui en-
voya quelques archers.
Quel fut l'étonnemeut de ces militaires en entendant
un cliquetis de verres mêlé de rires stridents !
On crut d'abord que c'étaient des faux-monnayeur.s
qui se livraient à une orgie, et, jugeant de leur nombre
d'après l'intensité du bruit, on alla chercher du ren-
fort.
Riais on jugea encore que l'escouade n'était pas suffi-
sante ; aucun sergent ne se souciait de guider ses hom-
mes dans ce repaire, où il seiid^lait qu'on entendît le
fracas de toute une armée.
Il arriva enûn , vers le matin, un corps de troupes
suffisant. On pénétra dans la maison. On n'y trouva
rien.
Le jour était venu.
Toute la journée l'on fit des recherches ; puis l'on
conjectura que le bruit venait des catacombes, situées,
comme on sait, sous ce quartier.
On s'apprêtait à y pénétrer ; mais pendant que la po-
lice prenait ses dispositions , le soir était venu de nou-
veau, ei le bruit recommençait plus fort que jamais.
Celle fois personne n'osa plus redescendre , parce
qu'il était évident qu'il n'y avait rien dans la cave que
des bouteilles, et qu'alors il fallait bien que ce fùl le
diable qui les mît en danse.
On se contenta d'occuper les abords de la rue, et de
demander des prières au clergé.
Le clergé fit une foule d'oraisons , et l'on envoya
même de l'eau bénite avec des seringues par le soupi-
lail de la cave.
Le bruit persistait toujours,
LE si;rgf.nt.
Pendant toute une semaine, la foule des Parisiens ne
cessait d'obsiruer les abords du faubourg en s'ef-
frayantel en demandant des nouvelles.
Enfin , un sergent de la prévôté , plus hardi que les
autres, offrit de pénétrer dans la cave maudite, moyen-
nant une pension — réversible , en cas de décès , sur
une coniurière nommée Margot.
C'était un homme brave, et plus amoureux que cré-
dule. Jl adorait cette couturière, quiéiail une personne
bien nippée et très-économe , on pourrait même dire
un peu avare, et qui n'avait point voulu épouser un
simple sergent, prive de toute fortune.
Mais en gagnant la pension le sergent devenait un
autre homme.
Encouragé par cette perspective , il s'écria — qu'il
ne croyait ni à Dieu ni à Diable, et qu'il aurait
raison de tout ce bruit.
— \ quoi donc croyez-vous ? lui dit un de ses com-
pagnons. — Je crois , répondit-il , à M. fe lieutenant
criminel et h M. le prévôt de Paris.
C'était trop dire en peu de mots.
Il prit son sabre dans ses dents, deux pistolets à cha-
que main, et s'aventura dans l'escalier.
Le spectacle le plus extraordinaire l'attendait en tou-
chant le sol de la cave.
Toutes les bouteilles se livraient à une sarabande
échevelée et formaient les figures les plus gracieuses.
Les cachets verts représentaient les hommes , et les
cachets rouges les femmes.
Il y avait même là un orchestre établi sur les plan-
ches à bouteilles.
Les bouteilles vides résonnaient comme des instru-
ments à vent , les bouteilles cassés coiume des cymbales
et des triangles, et les bouteilles fêlées rendaient quelque
chose de l'harmonie pénétrante des violons.
Le sergent, qui avait bu quelques chopines avant
d'entreprendre cette expédition , ne voyant là que des
bouteilles, se sentit fort rassuré, et se mit à danser lui-
même par imitation.
Puis, de plus en plus encouragé par la gaieté et le
charme du spectacle, il ramassa une aimable bouteille à
long goulot , d'un bordeaux pâle , comme il paraissait ,
et soigneusement cachetée de rouge , et la pres'-ii
amoureusement sur son cœur.
Des rires frénétiques partirent de tous côtés ; le ser-
gent intrigué laissa tomber la bouteille, qui se brisa en
mille morceaux.
La danse s'arrêta , des cris d'effroi .se firent entendre
dans tous les coins de la cave , et le sergent sentit ses
cheveux se dresser en voyant ([ue le vin répandu parais-
sait former une mare de sang.
Le corps d'une femme nue, donl les blonds cheveux
se répandaient à terre et trempaient dans l'humidité ,
était étendu sous ses pieds.
Le sergent n'aurait pas eu peur du diable en per-
sonne, mais cette vue le remplit d'horreur ; songeant
après tout ([u'il avait à rendre compte de sa mission, il
s'empara d'un racket rcrt qui semblait ricaner devant
lui, et s'écria : Au moins j'en aurai une !
Un ricanement immense lui répondit.
A l.'l'SAfiK f)KS OKNS S^MIIKIIX,
IH3
Ci'pciulaiit il avait rogapiu' l'oscalitT, el moiiiraiii la
boiiiciilc i ses caruarailes il s'ôcria :
« Voilà le f.irfadft!. .. Vous êtes bien capoiis (il pro-
iioiu'a un aiilrc uiol plus vif t-iicore) de nu pas oser des-
cendre là-dedans! a
Son ironie était anièrc. Les arcliers se prérii)iièrciit
dans la cave , où l'on ne retrouva qu'ufie bouteille de
bordeaux cassée. Le reste était en place.
Les archers déplorèrent le suri de la bouteille cassée;
mais, braves désormais , ils tinrent tous à remonter
chacun avec une bouteille à la main.
On leur permit de les boire.
Le sergent de la prévôté dit : Quant à moi , je gar-
derai la mienne pour le jour de mon mariage.
On ne put lui refuser la |)cnsion promise , il épousa
la couturière , et...
>ous allez croire qu'ils eurent beaucoup d'enfants.
Ils n'en eurent qu'un.
CE QUI S'ENSUtVIT.
I^ jour de la noce du sergent , qui eut lieu à la Râ-
pée, il mit la fameuse bouteille au cachet vert entre lui
et son épouse , et affecta de ne verser de ce vin qu'à
elle seule et à lui.
La bouteille était verte comme ache, le vin était
rouge comme sang.
Neuf mois après, la couturière accouchait d'un petit
monstre entièrement vert avec des cornes rouges sur le
froni.
Et maintenant, allez, ô jeunes ûlles! allez -vous-en
danser à la Chartreuse... sur l'emplacement du château
de F ouvert!
Cependant l'enlitnt grandissait, sinon en vertu, du
moins en croissance. Deux choses contrariaient ses pa-
sents : sa couleur verte et un appendice caudal , qui
semblait n'être d'abord qu'un prolongement du coccyx,
mais qui peu à peu prenait des airs d'une véritable
queue.
On alla consulter les savants , qui déclarèrent qu'il
était impossible d'en opérer l'extirpation sans compro-
mettre la vie de l'enfant. Ils ajoutèrent que c'était un
cas assez rare , mais dont on trouvait des exemples cités
dans Hérodote et dans Pline le jeune. On ne prévovaii
jias alors le système de Fourier.
Pour-ce qui était de la couleur , on l'attribua à une
prédoiuinance du système bilieux. Cepen'lnn! on essava
de plusieurs caustiques pour atténuer la nuance trop
prononcée de l'épidémie et l'on arriva , après une foule
(le lotions et frictions , à l'amener tantôt au vert bou-
teille , puis au vert d'eau , et enfin au vert pomme. Un
instant la peau sembla tout à fait blanchir, mais le soir i
elle reprit sa teinte.
Le sergent et la couturière ne pouvaient se consoler
des chagrins que leur donnait ce petit monstre , qui
devenait de plus en plus têtu, colère et malicieux.
La mélancolie qu'ils éprouvèrent les conduisit i un
vice troj) commun parmi les gens de leur sorte , ils
s'adonnèrent à la boisson.
Seulement le sergent ne voulait jamais btiire i\w- d'i
vin cacheté de rouge et sa femme ([ue du vin cacheté
de vert.
Chaquefnisquelesergent était ivre-mort, il voyait dans
son sonnneil la femme sanglante dont l'apparition l'avait
épouvanté dans la cave, après (pi'il eut brisé la bou-
teille.
Cette femme lui disait : <■ Pourquoi m'as-tn pressée
sur Ion cœur et ensuite immolée... moi qui l'aimais
tant? •>
Chaque fois que l'épouse du sergent avait trop fêté le
cachet vert, elle voyait dans son sommeil apparaître
un grand diable, d'un aspect épouvantable, qui lui di-
sait : « Pour(|uoi l'étonner de me voir... puisque tu as
bu de la bouteille?... Ne suis-jc pas le Père de ton
ENFANT? »
O mystère !
Parvenu à l'âge de treize ans, l'enfant disparut.
Ses parents inconsolables coniinuèr.iil de boire,
mais ils ne virent plus se renouveler les terribles appari-
tions qui avaient tourmenté leur sommeil.
MORALITÉ.
C'est ainsi que le sergent fut puni de son imi)iété,
— et la couturière de son avarice.
CE QC'ÉTAIT DEVENi; LE DIABLE VERT.
On n'avait jamais pu le savoir.
Seulement, de temps en temps, on a vu se renouve-
ler dans Paris les Inexplicables lutincries de l'ancienne
Chartreuse et du château de Vauvert.
Tantôt c'étaient des coups de pistolet entendus cha-
que jour au coucher du soleil.
Tantôt des applaudissements mystérieux , — qui ne
s'adressaient à aucun auteur, h aucun acteur et à aucun
orateur.
Tantôt des pluies de crapauds , — sans le moindre
nuage qui en justifiât la chute.
Pour ne parler que de l'époque actuelle, nous signa-
lerons une pluie de pièces de cent sons qui eut lieu vers
1821, dans la rue Montesquieu.
Ce qui fut cause que l'on établit un magasin sous le
titre du Diable d'Argent.
Le fait ne s'étant pas renouvelé, on en ouvrit un
antre sous le titre du Pauvre Diable.
S'il n'est pas prouvé que l'un ou l'autre fût le Diable
Vert, du moins le contraire n'est pas démontré.
On peut même remarquer que le Diable d'Argent,
dont chacun s'empresse de tirer la queue , — a toujours
été représenté comme un diable vert.
REVUE COMIQUE
Le vert est la couleur de l'espi'^rance.
N'allez pas croire cependant que ce diable soit légiii-
luiste.
C'est un observateur et un sceptique.
Si nous en croyons des renseignements sûrs, il a beau-
coup fait des siennes depuis quelque temps.
Tout le monde se rappelle la chute de pierres qui eut
lieu tous les jours dans le quartier d'Enfer, près de la
Surbonne, il y a plus d'un an.
On n'en put découvrit la cause.
C'était simplement le léveil du Diable vert.
Depuis, bien des personnes l'ont rencontré ou croient
l'avoir vu dans la foule des oisifs, des curieux ou des
flâneurs.
]1 est soupçonné d'avoir une mission secrète qui lui
aurait été confiée par le Carlier du sombre royaume.
Tous les costumes lui sont f.imiliers.
Il observe, vêtu comme le premier venu , — comme
vous et moi, les monarchies qui défilent.
Il suit la marche des événements.
Il écrit des lettres humoristiques qu'il signe de sa
griffe et que, dit-on, il jette dans le puits de Grenelle,
en les lestant d'une balle de plomb.
C'est la petite poste de l'enfer.
Quelquefois, pour épargner sa rédaction, il s'exprime
en images. — Il a retracé les événements qui se sont
passés depuis le commencement de l'année dernière
dans quelques feuilles très-drôlaliques.
Une contre-épreuve en est parvenue, nous ne sa-
vons comment, à V Almanacli du Diabtc-Verl; —
seulement force a été d'en censurer bien des pas-
sages.
On comprendra cette discrétion.
LA CINQUIÈME DIVISION.
La règle dont il s'agit ne figure ni dans Bourdon ni
dans Besout et l'aritlimélique ne joue là qu'un rôle fort
secondaire. Dans la cinquième division on ne voit pour-
tant que des hommes numérotés, mais ces chiffres
humains, feu monsieur Ampère lui-même ne les disci-
plinerait pas : Nous sommes à liicètre.
J'ai d'abord renconlré dans la cour un inspecteur des
hospices qui m'a dit : — Us sont très-drôles! et vous
allez beaucoup rire! — Cet inspecteur était et est
encore décoré.
En passant le seuil de la double grille fermée à tri|)le
tour j'ai trouvé des camisoles grises et des bonnets de
coton qui riaient comme des fous et l'un d'entre eux est
venu à moi l'œil brûlant et les bras ouverts en me
criant : — Tiens, c'est toi Plus on est de fous plus
on rit! As-tu un peu de tabac?
D'où j'ai dû conclure, d'après la confidence de l'in-
specteur décoré et l'accueil du bonnet de coton, que le
cadre de la Revue comique était propre à renfermer
les drôleries, bouffonneries, plaisanteries et autres ter-
T.T!g AVENTURES DIViaTISSANTES ET NON FOUTIÇCES
De ma'Ire Lapp el Je sr.ii appreiUi Pipps.
Cependant, dans leur lutte, l'apprenti i-t l'étranger élaitnt
parierus au bord de la grotte. ... W s'ensuivit un
surcroît de catastrophes.
,ux cris po'isséi par 1- s survenants, le bouclier K' il! >erit un
corde vibrer dans son cœur. Il a reconnu les ac enta de ses
deux flis jumeaux, perdus depuis leur tendre enfance.
A LUSAGE DES GEINS SÉRIEUX.
18.'
iiiinaisoiis cil ris (|ui ôclaldit jouiiicllenicril au niilipu
du la Mtmhii-, de la tuinuUueiisf, de la leniblc cin-
qui^lnc division.
A peine eiiirt' dans une espi'Cc de inéau Rariii de
maigres arbres dont le feuillaije éploré ne gagne rien ù la
plaisanie alinos|ili6re qu'il respire, Ions les bonnets de
colon se sont groupés autour de moi : je nu- suis senti
tiré parioules les poelies, et dans un cliœur unanime
on nî'a demandé- du labac.
Puis, un numéro fort sérieux m'a pris à part et m'a
dit à l'oreille :
« Ne faites pas attention , ils sont tous fous ! »
J'allais répondre, mais un second numéro me botir
donnait dé-jh dans l'autre oreille :
0 Ne faites pas adenlion, ils sont tous fous! »
lùi moins d'une minute, tous les nnméms de la cin-
quième m'avaient fai; conriili'niielIcraiMit la même com-
municalion à l'endroit de l'infii mile qui les aflligcait
tous.
« Monsieur, c'est indigne ! me criait un pelit bomme
maigre coillé d'un bonnet de colon qui lui descendait
sur les épaules, on me retient ici de force !
— C'est ce dont tous vos collègues se plaignent, ré-
pondis-je.
— Il ne faut pas faire attention , luirla le numéro;
ils sont tous fous! ! Mais moi, figurez-vons donc! le
médecin prétend que ma raison est égarée. Hélas ! il
n'y a que mon nez d'égaré ! »
Vous eussiez certes souri à cetie alîirmation que dé-
mentait un aquilin monstrueux décorant les trois
quarts de la tête du pelit bomme.
• Oui, monsieur, coniinua-t-il, je n'ai plus de nez:
voilà tout mon .rime. Figurez vous, j'avais un ami in-
time et' parfumeur. Ce que nous possédions était en
conmiun. Un jour, mon ami vient me trouver : « J'ai
des parfums à acbeter, me dit-il. Depuis le temps que
je llaire ma marcbandise, je ne puis plus guère conij)-
ler sur mon odorat; c'est une aiïaire importante : il
faut que tu me piéles ton nez! —Diable! lui répon-
disse, mon babit, bon; ma bourse, bien; mais mon
nez , ficbtre I c'est plus grave. >.
Je dis h mon ami qu'une inlimilé de vingt ans ne
légiiioraitpas un semblable prêt; que cela me générait
borriblement ; mais il n'écoula rien, et j'eus l'imprn-
dinre de lui confj. t mon nez pour quatre lieures au
plus. Il y a dix ans de cela, monsieur, et je n'ai pas
encore entendu parler de mon voleur. Si je m'en allais
de otle maiidile maison, ji- le retrouverais, et il fau-
ilrait bien qu'il me rende mon nez. Vous ne pourriez
pas m'indiqner un moyen pour sortir d'ici?
Comme je lui répondis négativement, il s'en fut
trouver un nouveau venu qui paraissait plongé dans
d'ainères réflexions.
« Vous connaissez mon affaire , dit il, c'est toujours
pour mon nez.... faites-moi sortir d'ici.
— Sortir d'ici! répli(iua le fou en retirant gravement
son bonnet de coton , ma foi, c'est assez difficile , je n'y
suis jamais entré! »
I.e numéro quatre s'approrlia alors de ii oi. Il avait
l'allure d'un cavalier cl siimidiildu gesie une mouture
imaginaire.
« Dois-jp vous présenter à Sa Majesté Louis Pbilipp ?
me dit-il , vous la voyez là-bas. Je suis son premier aide
de camp. Ab ! c'est un niéiier superbe, mais qui m'e\-
lénne. Leroiesi.soufTranl, etson maU'obligeasedéranger
cinquante fois la nuit. Mon lit toucbe an sien, cl mon
dc\oir est d'èlre toujours d.-b ml lorsque Sa .Maje.-,lé se
I.ES AVENTUILES DUnCRTISSANTES ET NON POUTIQUXS
De maUre Lapp el de son apprenti Pipps.
dans la foré, . mais il comptait bi.n r.v.„ir le I.nd. main 'payer mat.re Lapp Âclrellement t^ufsvi qEé Le
«ababpaye les pots casse., et l'heureuse famille fai, sa ren.rée uioiiphale au milieu de lajoeët'
de 1 allégresse publique. Touchant dénr.ûment d'une si tragique hi=to:re !
REVUE COMIQUE.
lève. Voilh au moins deux mois que je n'ai dormi. Mais
je vous liisse, le roi quitte sa place.
En eiïet je vis celui (|u'ou m'avait désigné sous la ru-
brique du monaniue déchu se lever de son banc et
s'aller retrancher dans l'angle d'un mur. Le numéro
quatre se tenait près de lui immobile et dans la position
d'un soldat qui salue niiliiaireiDcnl.
Ce même Louis- l'hdippe de la cinquième division
avait la veille f;iit une assez bonne fjrce. — Je dis bonne
farce, pour ne pas dénaturer l'expression du gardien qui
me conta l'anecdote.
Un idiot pilait du grès à l'aide d'une pierre; ce que
voyant Sa Majesté , elle s'en fut chercher un pavé et en
écrasa la lèle de l'idiot.
Le gardien m'assura encore le plus tranquillement du
monde que le fou avait agi dans le but de savoir ce qui
était le plus dur de la tête ou du pavé !
Je sortis de la cinquième division en m'éîornant de
ce que les gardiens n'étaient ni numérotés ni muselés,
et je fis cet article sur la foi du témoignage de l'inspec-
teur des hospices décoré qui m'avait si bien dit :
» Ils sont irès-drôles, et vous allez beaucoup rire! »
EPILOGUE.
Ce recueil est complet , ses luttes sont Unies;
Une implacable loi le voue aux gémonies.
Li\re facétieux, peut-être oiiginal.
Il prend haleine avant de devenir journal.
La presse est une mer trop féconde en orages;
Des corsaires légaux , parcourant ses parages,
Cliicaucnt tout vaisseau qu'on hèle à l'horizon
Sur son lest , sa voilure , ou bien sa cargaison.
On ne peut sur les flots risquer la moindre barque,
Sans prodiguer son or pour des lettres de mar(]ue.
Sans ètte estampillé par de nombreux commis.
Qui traitent rarement les penseurs en amis.
Les matelots sont prêts; la nef enfin lancée
Accomplit chaque jour sa rude traversée.
Mais malheur! si, prenant des chemins ambigus ,
Elle sort du chenal creusé par ces argus!
Les marins trop hardis, qu'on taxe d'hérésie ,
Ont vile rencontré l'écueil de la saisie;
Autour d'eux, de leur course entravant le succès,
Se montrent des bas-fonds hérissés de |)rocès ;
La prison , pour saisir la victime qui sombre ,
Charybde formidable, ouvre sa gueule sombre;
Il ne reste bientôt des pauvres naufragés
Que d'informes débris, par l'amende rongés!
Sachons donc sagement borner notre carrière,
l'ourlant , si nuus jetons nos regards en arrière ,
.Nous pouvons, orgueilleux du travail achevé.
Porter la tète droite et le front relevé.
la Revue, avant tout, en son indépendance,
Osa de ses lardons piquer la présidence.
Ue la réaclion les progrès menaçants
Ne l'arrêièrent point dans ses efforts puissants;
Ses braves champions au combat s'animèrent;
Leur plume et leurs crayons a l'cnvi s'escrimèrent
C(intre les Changarnier, lesTliiers, les OJilon ,
Et d'autres, que depuis emporta l'aquilon ,
Et qui, tombés soudain du haut d'un ministère,
Aux bravos de la France ont mesuré la terre.
Vous qui les remplacez , vous auriez droit aussi
n'être par la Revut accablés sans merci :
Vous, d'Hautpoul, qui, troublé par de vaines alarmes,
lùj agents de Carlier transformez les gendarmes;
Vous, Parrieu.qui, pour plaire aux porte - goupillon ,
A nos instituteurs attachez un bâillon ;
Et vous, Achille Fuuld , grand prêtre de la Bourse,
lllusire financier, qui pour seule ressource,
Inscn-ible aux clameurs d'une foule en haillons.
Faites de nos pressoirs couler cent millions!
Mais , non , vivez en paix jusqu'à l'heure suprême
Où le pays sur vous lancera l'anathème;
Égarez-vous en paix dans les sentiers maudits
Où le roi de juillet emboîta Charles Dix !
En attendant un jour de revanche éelalante ,
Les armes en faisceau nous durmo:is sous la lente.
ÉMii.l' l)i: L\ liFDOLLIÈIlE.
A L'USAGE DES GENS SÉRIEUX.
TABLE DKS MATIERES.
Profcsitioii de foi .
JiTÔitic Cabus&ul
éle
(de.
La rue de Poiliirs. — •Toilcllc «le circu
Bcnall
Pccliet-leclorale (3 dessins par Nadar)
La Vie privée el publique de inossieu Héac ( série de 1 1 vi-
Çneltes par Nadar). ...
Le baron de Palurut à la rcduTL-lic .le U ineilli-ure .les nio-
uarcbi.s
M. LF. M\I\QU1S DE LA RoCllUAQUEI.EIN (ivpe par Nadar). . .
Les mille el une peurs de M. Itéac de la Jobardiére. . . .
Bcve d'un réacliounaire (4 dessins par Nadar)
LÉON... Fauché!... (type par Nadar)
L'.Waul-garde des Cosaques (dessin par Nadar)
^lun 'l'estaïuenl-aciieux <t Conseils d'une Âssend>'ée nalio-
nale sensible el égarée
Candidats malheureux (3 types par lierlall)
A propos de pantoufles -.
Putriana ou le Manuel des républicains honnêtes et modérés .
La Vie privée et publique de mossieu ltcac( série de 5 vi-
gnettes par Nadar ) .' . . .
Les Masques (eliansou)
La République soc (chanson)
La Canaille (chanson)
La Liste (le la rue de Poitiers
M. LE cÉ.NFn.\L OuDi.NOT (ly[ie par Nadar)
La Semaine de la lettre
La Peau de chajjrin (dessin par Nadar)
Peut-un entrer? (dessin par Nadar)
Le dernier des Iroquois (coule historique)
Bureau de placement pour les représemants sans emploi (8
vignettes par NadarJ
CincinualuS'Udilon petit (proverbe drauialiipie)
Tablet
La Vi
oubli
pnvee el |i
guettes par Nadar)
Autant en emporte le vent (chanson )
Lucien Mui^at (type par Nadar). .
A cause de Réaumur
Les 17 brun..,ire
Essai de chlornr,>rn>isaliuu .mm l.t liép
Nadar)
Exiihrisde Valloux
('orrespondaucç d'un éuiigié
Sleeple-chase (dessin par
II n'y a rien île changé en
Lettre du pa[)c aux é\équi
de y
iqne(ide
Nadar).
Léeuyer I)UPIN (dessin par Bertall)
Une Promenade de njit du calife Aaroun-al-Bachid et de son
grand vizir Giafar (Conte oriental)
Le Parti embaume (dessin)
La Vie privée et publique de mossieu Béac ( série de 5 vi-
Guettes par Nadar)
Les Amis de Tordre (chanson)
BoiCHOT (type par Nadar)
La Revue comique en révolution ( 13 juin 18i9)
La Russie reconnaît la République française (dessin par Na-
dar)
Trop parler nuil, trop gratter cuil (proverbe)
La Vie publique et privée de mossieu ïtcac (série de 3 vi-
gnettes par Nadar)
Le BAiiON ïtoTHsCHiLD (type par Nadar)
Les trois Rêves de mossieu Kéac
Ljjisthe pousse Clylemncstre à tuer Ap,:tmemuon (copie an
Musée par Nadar)
La Justice el la Vengeance divine poursuivent le Crime (co-
pié au Musée par Nadar)
Le grand sac (chanson )
Pisque c'est des ^arffl^enx (dessin par Nadar)
M. Orandin (type par Nadar)
La Belle au bois dormant (nouvelle édition)
Nouvelles de Hongrie 8 têtes d'expression )
La Monarchie an bois dormant (dessin par Bertall}
Ce que chacun dit
Proclamation du général Oudinol à l'armée française. . . .
Feu et enrbousiasme d'artiBce à l'usage des Romains (dessin).
Les Aventures divertissantes et non politiques de maître Lapp
et de son apprenti Pipps (1" suite de 9 vignettes)
Il faut rétablir les jeux et la loterie
Le Décret du silence esl inexécutable
Oïlilon Barrot et la Liberté (chanson sur l'air de M. et ma-
dame Denis] .
Monsieur Crf.dit, colonel général des cuirassiers (type par
Fabiitzius)
Les Vacances parlenienlaires
Les Bulles de savon (dessin par Bertall)
L'n Épisode des promenades présidentielles (vigncile). . . .
Itégime Oudinoi-Fallout à Home (dessin).
Réjouissances publiques à Rome (dcssiu)
l^xposttion de rindusirie. — Modes miles (2 \igiieltcs ), . .
Des armes ;^ feu , en éiai de siège ! ! ! ! (dessin par Carjiezat ).
Les Musiciens représentants (dessin par Carpezat) ....
Gaudissart neveu, commis voyageur en coups d'État. . . .
Les Aventurts divertissantes et non politiques de maître
Lapp et de son apprenti Pipps (2* suite de 9 dessins) . .
REVUE COMIQUE.
La scène se passe à Gaëte 109
Loi sur I'i<lai lie siège "0
Le iWeo c«/pa ( cliansou) 1"
De ToctiUEViLLK (ijpe par Fabriuius) 11'2
Les Ovaiious de M. OJiloii Barrot 113
L'ii Regard clans Taïenir (G léics li'eipressiou) 114
Le 15 Aovil IIU
Tout cela leDirc ;\ Rome (dessiii) 117
Rcpélitioo d'un concert (dessin) 118
A M. le ministre de l'iustrucliou pnlilinue ........ 119
Wonr/.i,r «mw/se/. — Partie oflicicllc U9
Le Démon de la compression (dessin par Paslelol) liO
Le czar .Xerxès 1"^1
Vieus habits, vieux ga'""* ! 1''-
Les Aventures divertissantes cl non polilii|ues de mailre
Lapp et de son apprenti l'ipps (:i' suite de 9 dessins). . 1-24
GoL'ftCAL'u ^type par Fabriiziusj i'2t>
Le Congrès d'Ems I2T
Le Lait Thiers et le pot au lait (dessin par Berlall) 12;)
Le General de Lamoricièrc (dessin par Pastelot) 130
Jacques Bonliomnie (dessin) 133
Éteiguoir de l'Ordre impérial de Uussie (dessin par Bcrtall J. 13i
Essai sur l,i liberté delà presse 134
U est sauvé! • 13i
Duc de Saint-P.merace 135
L'ordre règne en Hongrie {vignellL-} 136
Une crise en Allemagne 13l>
Les aventures divertissantes non politiques de maître Lapp
et de son apprenti l'ipps ( i« suite de 10 dessins). . . . 137
Le Lcgiliniisme légitimé 138
Achille Foold (type par Fabriizius) 140
Démissionnaire on non 141
Épreuve avant la lettre ( 18 Août) (dessin par lieilall). . . 143
Épreuve après la letlre (dessin par Bertall) 143
Faucher, supérieur gcuéral des missions étrangères. . . 144
Un Concile 145
La République- Croquemilaine (vigneilc) 146
Le Génie de la République (vignelle) 147
Les Billets bleus liS
Les Petits mystères d'Ems (8 dessins par Nadarj 148
Un Nouveau borabar îeraent du roi de Naples 152
César devant le Uubicon (cbausnn ) I.'»3
Antony Thouret (type par Berlall; 1 i 4
Le Lis tricolore 155
Les Petits services mutuels de l'amour roujugal ( H des-
sins) 156
Grande fêle de l'industrie frani;aise (dessin) 158
L'Inserliou d'une leltre 15S
Le Rôle de la France 159
l.e Roi du congrès de la paix (dessin par Berlall) 160
La Fin du congé 161
Pourquoi;? 161
1,'llomme noir 162
Les liéceplious île M. Lacnis».'. lli (
Denjoy captif It'4
I.'Alnianach démftc-soe 165
Les Aventures diverlissanles el non politiques de ni.iilre
Lapp el de son apprenti l',p,K (5' suiie de 9 vinnelle» ) . 165
L'Arbre de liberlé 167
Chambolle (type par Fabriizius et l'.isicloij 168
Le Ministère d'aclîon 169
La meilleure manière de vider la rpiesiion de Rome (ilessin
par Berlall; 170
La République avec le Temps (dessin par Berlall j 171
La Chasse de Lamartine (dessin par Nailar) 172
La Princesse Révolulion et le prince Jacques Bonluaiinie
(lecende) 17->
Brigands de Parisiens (dessin) 174
Le Soc:alisme (type) 175
Paris en état de siège 176
Grandeur et décadence de Faustin - Soulouque Véron V
( 5 dessins par Nadar) 1T7
Gendarmerie déparlemenlale (correspondance ) I7S
Léon Faucher et un porlefeuiUe (dessin p.r Nadar). . . . 17!)
Le Choix d'un corps ISO
M. Carlier conduisant l'eipédilion de la rue Buniforl ( des-
sin) 181
Le Diable vert 18-i
Les Avenlures divertissantes et non poliliques dt' mailce
Lapp el de son apprenti Pipps ( 6" suite de Svigneiies). 1S4
La cinquième division IS4
Épilogue 186
■ Tyi..,,rafluv l'I^Mi Ir.
,XVM
r^.
?'.<.-
V